TRIBUNAL D’ARBITRAGE
Sous l’égide de
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
CCAC : S18-112701-NP
CCAC : S19-071502-NP
GARANTIE ABRITAT : 18-105-MB KATHLEEN LAFRENIÈRE
et
DOMINIC LACHANCE
Bénéficiaires
c.
9140-2347 QUÉBEC INC.
Entrepreneur
et
RAYMOND CHABOT ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC. ÈS QUALITÉ D’ADMINISTRATEUR DE GARANTIE DE LA GARANTIE ABRITAT INC.,
Administrateur
ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE
GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(RLRQ, Chapitre B-1.1, r.8)
DÉCISION ARBITRALE RENDUE LE 31 JANVIER 2020
YVES FOURNIER ARBITRE
HISTORIQUE DES FAITS ET DES PROCÉDURES
[1] Le 30 mai 2014 les parties signaient un contrat d’entreprise et un contrat de garantie relativement à la construction d’une résidence située au [...] à Boischatel. La réception du bâtiment prit place le 5 septembre 2014.
[2] Une première dénonciation fut signifiée à l’administrateur et ce en deux temps, soit le 31 août 2018 et le 5 septembre 2018. Entre-temps, l’entrepreneur avait déjà fait cession de ses biens.
[3] Les bénéficiaires ciblaient initialement l’infiltration d’eau lors de fortes pluies par le haut de la fenêtre du salon. Le second point soulevé traitait du revêtement extérieur qui se décolorait sur les surfaces les plus exposées au soleil.
[4] Une visite des lieux par le conciliateur, Michel Hamel, prit place le 10 octobre 2018 en présence des bénéficiaires. L’administrateur rendit sa décision le 29 octobre 2018 dans laquelle il concluait que les situations dénoncées ne rencontraient pas les critères de vice majeur de construction au sens de l’article 10.5 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (1).
[5] Le 27 novembre 2018, les bénéficiaires s’adressaient au Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC) pour engager le processus d’arbitrage (S18-112701-NP), tel que le prévoit le Règlement.
[6] Le 18 février 2019, les bénéficiaires récidivaient et dénonçaient à l’administrateur des infiltrations d’eau par d’autres fenêtres. Il était alors précisé :
Dans les mois suivant la dernière dénonciation nous avons eu les mêmes problèmes d’infiltration d’eau mais à différente autres fenêtres. Suite à la démarche d’arbitrage de la cause du 5 septembre dernier, il m’a été conseiller de faire une nouvelle demande à propos des dernières infiltrations d’eau. (SIC)
[7] Le 10 mai 2019, le conciliateur, Michel Hamel, se rendait à nouveau au domicile des bénéficiaires pour inspecter les lieux en présence de Dominic Lachance. Monsieur Hamel résumait ainsi sa visite :
Lors de l’inspection, le bénéficiaire nous a présenté des photos sur lesquelles il est possible de constater des infiltrations d’eau par le haut de différentes fenêtres situées dans la salle de lavage, dans la garde-robe de la chambre principale et dans la chambre du rez-de-chaussée.
Le bénéficiaire affirme avoir constaté lesdites infiltrations pour la première fois durant une pluie survenue à l’hiver dernier, suite à notre dernière inspection du 10 octobre 2018 dans le cadre de la plainte 1. Il n’a constaté aucun dommage aux finis intérieurs.
[8] Reprenant le texte de l’alinéa 5 de l’article 10 du Règlement, le conciliateur concluait à nouveau dans sa décision du 2 juillet 2019 que la situation ne rencontrait pas les critères de vice majeur de construction et rejetait du même coup la dénonciation des bénéficiaires.
[9] Faisant suite à cette dernière décision, les bénéficiaires sollicitèrent un second arbitrage. (S19-071502-NP)
[10] Les bénéficiaires ont produit deux expertises, l’une datée du 10 mai 2019 et l’autre du 13 août 2019, signées par Pierre Bélanger, inspecteur agréé en bâtiment (A-3, dossier S19-071502-NP). Les lettres de transmission de ces deux expertises sont en date du 4 juin et du 17 septembre 2019.
PREUVE DES BÉNÉFICIAIRES
DOMINIC LACHANCE
[11] Monsieur Dominic Lachance et sa conjointe, Kathleen Lafrenière, prennent possession de leur propriété le 5 septembre 2014.
[12] En juillet 2018, ils constatent une première infiltration d’eau par l’une des fenêtres du salon, située au rez-de-chaussée. Lors de pluies abondantes, l’eau coulait au niveau du cadrage supérieur et sur la tablette inférieure de la fenêtre. Les photos 5 à 8 de la pièce B-1 confirment le témoignage.
[13] La situation est dénoncée le 5 septembre 2018 à l’administrateur. Par la suite, d’autres infiltrations d’eau surviennent au niveau de cette même fenêtre. La moulure du pourtour est retirée par monsieur Lachance. L’eau devenait visible sur les parois supérieures et à chacune des extrémités de la fenêtre.
[14] Le conciliateur, Michel Hamel, vient constater la situation dénoncée le 10 octobre 2018. Le bénéficiaire invoque que la visite fut expéditive et que monsieur Hamel démontrait peu d’intérêt à la situation. Il signale que des cernes étaient visibles en haut de la fenêtre (cadrage).
[15] D’autres infiltrations d’eau surviennent par la même fenêtre en novembre 2018 (photos 10, 12, 13, 14 et 15). D’autres cernes sont observables. La vidéo B-1 (11) montre l’eau qui s’écoule de la partie supérieure. La présence d’eau est appréciable sur plusieurs photos.
[16] Traitant des photos présentées au numéro 8 et prises à l’automne 2018, on peut voir l’intérieur du cadrage à l’arrière du bâtiment. On note une vis rouillée, les parements intérieurs affectés par la moisissure, des cernes d’une importance certaine et la décomposition d’une partie des matériaux. La laine est notamment humide et noircie à certains endroits.
[17] En décembre 2018, des infiltrations d’eau se déclarent dans la salle d’eau. C’est le même processus d’infiltration qui prend alors place (photo 27). La seconde dénonciation à l’administrateur est de décembre 2018.
[18] Lors de l’expertise de Pierre Bélanger, monsieur Lachance a pris des photos de l’extérieur du bâtiment. Ce dernier indique que le solin était mal installé, la membrane était inadéquate, il y avait un trait de scie dans le Tyvec et des traces de dégradation des matériaux étaient visibles. La membrane montrait une forme de dénaturation, l’existence de signes précurseurs de moisissure et d’abrègement d’une partie du bâtiment. On cible ici la fenêtre du salon.
[19] À la photo 20, on constate que la latte annonce un début de pourriture. Avec le trait de scie, l’eau s’écoule à cet endroit (Tyvec et latte).
[20] La photo 21 démontre que la membrane autocollante n’a jamais accompli sa fonction. Il y a des signes précurseurs de moisissure sur la portion du bois.
[21] À la photo 22, on observe que la membrane Résisto est percée (seconde section de la fenêtre) de sorte que l’eau peut aisément y pénétrer.
[22] La photo 26 cible la fenêtre de la salle d’eau au rez-de-chaussée où l’eau s’infiltrait en décembre 2018.
[23] D’autres infiltrations surviennent les 15, 20 et 26 avril 2019 à la salle d’eau. Cela devenait de plus en plus récurent aux dires du témoin.
[24] Une autre inspection prend place en septembre 2019. La fenêtre de la salle d’eau montre un joint de silicone posé à un endroit inapproprié (photo 35). Qui plus est, une ouverture est clairement visible dans ce joint de silicone. En retirant le joint, il fut constaté que le solin avait été mal installé et qu’il était de plus percé par les broches servant à installer le revêtement. Selon monsieur Lachance, l’eau s’est fort probablement infiltrée par ces trous pour se frayer par la suite un chemin à l’intérieur du mur. Encore faut-il signaler à nouveau que le solin fut empointé contrairement aux normes prescrites. Plusieurs trous de broches (photos 37 à 39 notamment) furent constatés sur toutes les fenêtres expertisées.
[25] Le 22 novembre 2019, il observe que la moulure intérieure de la fenêtre de la salle d’eau gondole et des traces de décoloration sur le « MDF » sont manifestes. Derrière la moulure, on peut percevoir un début de traces de moisissure (photos 40 à 43).
[26] Le bénéficiaire apporte une attention spéciale à la photo 44 prise lors de la construction montrant la façade de la résidence tout en pointant le positionnement des solins au-dessus des fenêtres. La mise en place des solins repose sur une pratique de pose identique à celle montrée à la fenêtre de la salle d’eau au premier étage. À l’aide de son ordinateur, monsieur Lachance a pu montrer en zoomant les fenestrations le positionnement des solins au niveau des fenêtres. Il en conclut que la problématique englobe toutes les fenêtres.
[27] Il avance que normalement, le solin métallique devrait se retrouver derrière le Tyvec. L’entrepreneur a posé le solin par-dessus la latte et non derrière le Tyvec. Dès lors, l’eau s’écoule forcément derrière le solin.
[28] Il y a tellement d’eau qui se retrouve derrière le revêtement, qu’il y a des cernes sur le solage (photo 47). Aussi, la photo 48 démontre que lors de la construction la fenêtre à l’étage a été posée sans solin.
[29] Ayant retenu les services de Pierre Bélanger pour expertiser la situation des infiltrations d’eau celui-ci et le bénéficiaire procédèrent initialement à dégarnir en partie la périphérie des fenêtres ciblées pour permettre de les expertiser.
CONTRE-INTERROGATOIRE
[30] Monsieur Lachance avoue avoir une certaine connaissance en construction sans être un praticien dans un domaine particulier.
[31] Entre 2014 et 2018, il n’y a jamais eu d’infiltrations d’eau à l’intérieur du bâtiment, soutient-il.
[32] Subséquemment à ces infiltrations, il a dû faire sécher les murs de gypse et l’isolant au pourtour des fenêtres (salle d’eau et salon). Au moment des expertises, ils ont tenté de colmater du mieux possible les endroits d’où les infiltrations pouvaient provenir.
[33] Des infiltrations d’eau sont survenues en décembre 2018 par une fenêtre de la chambre des maîtres à l’étage et par une seconde fenêtre donnant sur la pièce-penderie, (photo 25).
PIERRE BÉLANGER EXPERT
[34] Monsieur Pierre Bélanger a agi comme expert pour le compte des bénéficiaires. Il a une expérience dans le domaine des bâtiments, laquelle fut acquise au cours des 40 dernières années. Il a également œuvré en évaluation de bâtiments notamment au niveau municipal. Il a de plus reçu une formation technique entre 1971 et 1996.
[35] Dans les 20 dernières années il n’a fait que de l’inspection de bâtiments. De 1999 à 2011, il a été membre de l’Ordre des technologues professionnels du Québec et depuis 1999 il est membre de l’Association des inspecteurs en bâtiments du Québec (AIBQ) et membre de l’Association canadienne des inspecteurs de biens immobiliers (CAPBI). Finalement, il a témoigné à titre d’expert devant la Cour du Québec, division des petites créances.
[36] Monsieur Bélanger ayant fait une lecture presqu’intégrale de son rapport d’expertise du 10 mai 2019, le Tribunal en rapportera donc le texte pour éviter la répétition ou toute méprise.
MÉTHODOLOGIE
Nous avons procédé au démantèlement du revêtement extérieur au-dessus de la fenêtre (salon) pour vérifier les matériaux d’étanchéité en place et la mise en place de ceux-ci lors de la construction du bâtiment.
CONSTATATIONS
1. Les fenêtres en place disposent de moulures intégrées autour du cadre afin de positionner la fenêtre dans l’ouverture en prévision de la pose du revêtement extérieur dans les moulures ceinturant le cadre de la fenêtre. L’étanchéité de ce type de fenêtre doit s’effectuée selon le plan de pose prévu par le fabricant. Vous retrouverez cette méthode de pose et d’étanchéité sur le site internet de l’A.P.C.H.Q. sous la rubrique - étanchéité des fenêtres. PHOTOS # 4 à 11.
2. La membrane d’étanchéité « Résisto » n’a pas été installée selon les règles de l’art. On note outre la déficience dans la pose de celle-ci, que la bande autocollante à l’arrière de celle-ci est toujours en place sur le matériau d’étanchéité. La bande d’étanchéité a tout simplement été pliée sur le dessus du cadre de la fenêtre et non collé avec la bande adhésive sur ledit cadre. Sans oublier que cette même membrane d’étanchéité n’a pas été collé sur le panneau isolant au-dessus de ladite fenêtre. Photos # 19 à 30.
3. Nous avons constaté également que l’étanchéité aux coins supérieurs n’a également pas été réalisée selon les règles de l’art. Photos # 19 et 25 et 27.
4. On note un trait de scie (de type scie ronde) dans le panneau isolant avec pare-air intégré sans ruban d’étanchéité au coin supérieur droit de la fenêtre. Photos # 13, 26, 36 et 37.
5. Un test d’eau révèle que l’eau s’infiltre par ce trait de scie ainsi que qu’aux coins supérieurs de la fenêtre et au-dessus de celle-ci lorsque le parement est arrosé. Photos # 21 et 24 et 36.
6. Nous observons également la présence de taches d’eau observables sur la latte de bois au-dessus de la fenêtre démontrant la présence d’eau sur le cadre dans la portion intérieure de ce dernier. Corroborant ainsi les observations faîtes par les propriétaires qui notaient la présence d’eau s’écoulant à partir du cadre intérieur supérieur de la fenêtre du salon et sur les côtés ainsi que par d’autres fenêtres déclarées par ces derniers. Photo # 20.
7. Nous remarquons également que le solin métallique (moulure en aluminium) en place n’est pas adapté pour le type de fenêtre. De plus, ce dernier a été plié grossièrement vers l’intérieur aux coins supérieurs de la fenêtre sous étude favorisant la pénétration de l’eau à ces endroits.
8. La gouttière à proximité du revêtement reçoit les eaux d’une descente qui est fixée sur le toit. Le surplus d’eau occasionne le débordement de la gouttière en bordure du bâtiment. On note également que la bordure de la gouttière à proximité du revêtement n’est pas scellée. Une partie de l’eau débordant de la gouttière coule sur et sous le revêtement pour s’écouler sur le mur de béton. Photos # 14 et 31 à 34.
9. Nous avons procédé du côté intérieur au démantèlement de la moulure en bas du mur et au percement de la cloison sous la hauteur finition de la moulure afin de vérifier l’état et que l’assemblage des matériaux en place. Photos 38 et 39.
(SIC)
(Je souligne)
[37] Subséquemment monsieur Bélanger résuma ainsi la situation. La membrane Résisto n’est pas appliquée selon les normes et non suffisamment adhésives. Le solin métallique n’est pas apposé selon les règles de l’art. La technique de pose des matériaux d’étanchéité ne respecte pas la méthode que propose tous les fabricants de portes et fenêtres. ‘’On est loin, en l’espèce’’, soutient-il, de la norme à respecter de l’A.P.C.H.Q. Au surplus, il fut constaté que le bois à l’intérieur du mur était mouillé et malléable.
[38] Le témoin cible les photos 56 et 57 de son rapport qui montrent que la latte est fortement colorée et cela serait dû à un apport d’eau important à cet endroit. On peut constater, à partir des photos produites, la présence de clous noircis. Le test d’eau a permis d’établir que l’eau s’infiltrait tout au long de la fenêtre et à l’arrière du revêtement.
[39] L’expert indique que son rapport du 13 août 2019 expose les mêmes lacunes, déficiences et malfaçons que la première expertise. Encore une fois, le témoin ayant lu en très grande partie son rapport du 13 août 2019, le Tribunal estime qu’il est avantageux d’en rapporter le contenu :
MÉTHODOLOGIE
Nous avons procédé au démantèlement du revêtement extérieur au-dessus de la fenêtre arrière droite (garage) ainsi qu’à deux (2) fenêtres à l’avant (côté droit) afin de vérifier la présence et le type de matériaux d’étanchéité utilisé ainsi que la mise en place de ceux-ci lors de la construction du bâtiment. Le démantèlement au-dessus des fenêtres sélectionnées a permis de constater les mêmes déficiences observées lors de notre 1ère expertise effectuée le 10 mai 2019 sur la fenêtre arrière (salon) au 1er niveau. Le bâtiment compte 15 fenêtres et 3 portes soit 18 ouvertures au total. Nos expertises du 10 mai et 13 août 2019 ont été effectués sur quatre (4) fenêtres ciblées par le propriétaire soit pour un pourcentage de 22% sur l’ensemble des ouvertures. Si on exclut les portes, le pourcentage passe à près de 27%.
CONSTATATIONS
FENÊTRE DROITE ARRIÈRE (GARAGE)
Avant démantèlement :
1. Aucune déficience visuelle apparente n’a été constatée. Photos # 2 à 4.
Après démantèlement :
2. Nous constatons que la pose de la membrane « Résisto » en place est déficiente en étant trop courte au-dessus de la fenêtre et non collée. De plus, la membrane est apposée sur la latte alors qu’il est préférable que cette dernière soit collée au panneau isolant à l’arrière du pare-air de couleur noir. Photos # 5 à 11.
3. Nous n’avons relevé aucun indice apparent d’infiltrations d’eau, de taches sur les matériaux (lattes de bois), de clous rouillés ou broches d’ancrage corrodées ou de dommage pouvant être causé par la présence d’eau. Photos # 5 à 11.
Note - Géographiquement, ce mur semble peu exposé aux intempéries mais la pose déficiente du matériau en place ne peut garantir à long terme l’étanchéité de la fenêtre. et la pose déficiente de la membrane d’étanchéité.
FENÊTRE AVANT DROITE AU 1er NIVEAU
Avant démantèlement :
4. Nous notons que la moulure de finition verticale du revêtement de bois à la jonction du clin horizontal juste au-dessus de la fenêtre du côté droit n’est pas scellée. Photo # 13.
5. Des ouvertures (trous) sont visibles sur le scellant au-dessus de la fenêtre et les clins de bois. Photos # 12, 14 et 15. ‘’La planche aurait dû être en continu surtout au-dessus de la fenêtre. Photo # 12’’, ajoute-t-il.
Après démantèlement :
6. Nous constatons que la pose de la membrane « Résisto » en place est déficiente en étant mal découpée aux coins supérieurs non collée. De plus, la membrane est apposée sur la latte alors qu’il est préférable que cette dernière soit collée au panneau isolant à l’arrière du pare-air de couleur noir. Photos # 16 et 20.
7. Des broches d’ancrage ainsi que des clous montrent des traces de corrosion. Photos # 16 à 20.
8. Des taches (cernes) sont visibles sur la latte de bois. Celles-ci se forment généralement par la présence d’eau qui s’infiltre à l’arrière du revêtement de bois. Photos # 16, 18 et 20.
9. Nous constatons également l’absence d’étanchéité (scellant, membrane ou ruban) à la jonction des moulures métalliques au coin supérieur droit de la fenêtre. Photo # 17.
10. Il y a absence d’étanchéité de la membrane « Résisto » aux coins de la fenêtre par le découpage de celle-ci à la jonction des lattes de bois posées verticalement au-dessus de la fenêtre. Photos # 16 et 17.
FENÊTRE AVANT DROITE AU 2ième NIVEAU
Avant démantèlement :
11. Des broches d’ancrage sont visibles sur la ligne horizontale du clin de bois au-dessus de la fenêtre. Photos # 21 à 24 et 27.
12. On note l’absence de scellant au coin supérieur droit à la jonction de la moulure. Photo # 23.
13. Nous constatons également l’absence de scellant sur la ligne verticale droite du panneau décoratif et la fenêtre. Photos # 25, 26, 28 et 29.
Après démantèlement :
14. Nous constatons que la pose de la membrane « Résisto » en place est déficiente en étant mal découpée aux coins supérieurs et non collée. De plus, la membrane est apposée sur la latte alors qu’il est préférable que cette dernière soit collée au panneau isolant à l’arrière du pare-air de couleur noir. Photos 1 33 à 43.
15. Certaines broches d’ancrage ainsi que des clous montrent des traces de corrosion. Photos # 30 à 32, 35 et 36.
16. Nous constatons l’absence d’étanchéité (scellant, membrane ou ruban) à la jonction de la moulure métallique sous le revêtement à partir du coin droit. Photos # 35 et 38.
17. Il y a absence d’étanchéité de la membrane « Résisto » aux coins de la fenêtre par le découpage de celle-ci à la jonction des lattes de bois posées verticalement au-dessus de la fenêtre. Photos # 33, 38 et 43.
18. Absence des taches (cernes) sur les lattes de bois et aux autres matériaux. Photos #33 à 43.
(SIC)
(Je souligne)
[40] Monsieur Bélanger souligne que malgré le fait qu’il y a absence de taches (cernes) sur les lattes du côté extérieur, les bénéficiaires ont constaté pour cette dernière fenêtre des infiltrations d’eau qui prenaient place occasionnellement à cet endroit. Il soumet en conclusion les recommandations suivantes :
RECOMMANDATIONS
1. À notre 1ère ainsi qu’à la 2ième expertise, l’ensemble des fenêtres examinées (4 sur 4) nécessitent des correctifs importants. Outre le démantèlement sélectif, il faut refaire l’étanchéité au-dessus de celles-ci et ce compte tenu des déficiences observées à l’ensemble des fenêtres expertisées. Les travaux correctifs devront être réalisés par un entrepreneur détenant un permis de la régie du bâtiment être membre en règle auprès d’une association reconnue dans le domaine de la construction.
2. L’entrepreneur retenu devra réaliser les travaux en conformité avec les recommandations du manufacturier relativement à l’étanchéité ainsi qu’aux divers codes ou règles applicables. Les travaux effectués devront être supervisés par un technologue professionnel ou un architecte afin d’en vérifier la conformité.
3. Procéder méthodiquement au démantèlement du revêtement extérieur en clin de bois au-dessus de toutes les ouvertures (portes et fenêtres) et des matériaux d’étanchéité en place.
4. Refaire l’étanchéité avec de nouveaux matériaux approuvés selon les recommandations du manufacturier sous supervision de la personne qualifiée et responsable du chantier ou toutes autres personnes qualifiées pour ce genre de travaux.
5. Procéder à un test d’eau avec un boyau d’arrosage à chaque fenêtre afin de vous assurer de l’étanchéité des travaux réalisés. Les tests d’eau doivent être réalisés en présence du superviseur du chantier afin que ce dernier puisse être en mesure de valider l’étanchéité, de certifier la pose ainsi que de la conformité.
CONTRE-INTERROGATOIRE
[41] Interrogé par le procureur de l’administrateur monsieur Pierre Bélanger reconnaît n’avoir pas expertisé à l’intérieur de l’immeuble si ce n’est que pour la fenêtre du salon en présence de monsieur Lachance.
[42] Il soutient que les planches qui ont été retirées devront être probablement remplacées considérant la technique particulière d’encrage, d’autant qu’il ‘’y aura nécessité de retirer des broches » lesquelles génèrent des infiltrations. Il indique que monsieur Hamel était présent lorsque le bénéficiaire et lui ont procédé au démantèlement de la fenêtre du salon.
[43] Le niveau de corrosion qui fut constaté à plusieurs endroits n’est pas normal aux dires de l’expert. On peut retrouver un début de corrosion normalement après une dizaine d’années.
[44] Le Tribunal s’est permis de le questionner sur le type de vice qui est en cause.
[45] Il avance qu’au départ il s’agit d’un vice caché pour constater et ce, après avoir procédé à des ouvertures et des vérifications qu’il s’agit d’un vice de construction fondé particulièrement par le positionnement inadéquat et incompatible des matériaux qui devient très préjudiciable à la structure. En l’espèce, il qualifie la situation de vice de construction. De plus, si la problématique n’est pas corrigée il s’en suivra des problèmes sérieux pour les occupants et davantage pour la structure elle-même.
PREUVE DE L’ADMINISTRATEUR
MICHEL HAMEL CONCILIATEUR
[46] Monsieur Michel Hamel est conciliateur pour la Garantie Abritat depuis 15 ans. Il effectue 150 à 200 inspections par année. Auparavant, il travaillait pour la SCHL et comme inspecteur en bâtiment pendant une dizaine d’années. Il est membre de l’Ordre des technologues.
[47] Sa première inspection prit place le 10 octobre 2018. Sa première décision remonte au 29 octobre 2018 et sa seconde est en date du 2 juillet 2019.
[48] À la suite des dénonciations du 31 août et 5 septembre 2018 il s’est rendu au domicile des bénéficiaires. Il ajoute :
Oui l’inspection fut assez courte. Pourquoi ? Tout de suite en voyant je savais de quoi il s’agissait. Quand il y a de l’eau qui coule d’une fenêtre, c’est un problème de solin, ce qui fut confirmé par l’expert des bénéficiaires.
[49] Le bénéficiaire lui présenta des photographies de septembre 2018 montrant l’eau qui s’infiltrait au niveau de la fenêtre :
« Les solins sont mal posés, ça causé des infiltrations d’eau mais comme on est en période de vice majeur il faut que la situation mettre en péril le bâtiment et c’est de nature à causer sa perte. »
[50] Le constat du conciliateur l’amène à conclure que la situation ne répond pas à la définition de vice de construction.
[51] Sa décision du 2 juillet 2019 fut précédée par une visite en date du 10 mai 2019. Malgré l’expertise qui s’est faite au même moment, celui-ci rendait une décision avec les mêmes considérants et la même conclusion que celle du 29 octobre 2018. Pour monsieur Hamel, la situation :
«ne se rapproche pas d’un vice majeur car le bâtiment n’est pas en péril et ça n’empêche pas son utilisation. J’ai été quand même surpris que ça prit quatre (4) ans avant que ça coule. »
[52] Il souligne que le parement extérieur n’est pas le matériau qui crée l’étanchéité du bâtiment. La brique laisse également passer l’eau. On doit laisser un espace derrière le parement et c’est le Tyvec qui fait figure de protection. Il mentionne que la situation en l’espèce peut être associée à un vice caché mais non à un vice de construction.
[53] Lors de la seconde inspection, le bénéficiaire lui a présenté des photos et des vidéos montrant l’eau qui s’infiltrait par différentes fenêtres, à savoir par la fenêtre de la salle de lavage, par celle de la garde-robe de la chambre des maîtres et celle de la chambre à l’étage.
[54] N’étant pas entré à l’intérieur de la résidence, il interrogea le bénéficiaire quant à savoir si des finis intérieurs avaient été affectés. La réponse fut négative. Pour le conciliateur, la situation se voulait identique à la première dénonciation quant aux causes et par conséquent quant à sa conclusion. Il ne pouvait s’agir d’un vice de construction.
[55] Pour la « salle de bain » (salle d’eau) il est possible pour le conciliateur qu’il s’agisse de condensation. La bénéficiaire rétorqua sur le champ qu’il s’agit d’une salle d’eau et non d’une salle de bain.
[56] Pour les fenêtres à l’étage, il soutient que la profondeur du soffite (avant-toit) peut permettre d’avancer la possibilité de ne pas installer de solin à ce niveau. Curieusement, il ajoutera que « la garantie ne rend pas de décision sur ce qui risque d’arriver dans le futur ».
[57] Monsieur Lachance s’est permis de souligner que le problème d’infiltrations d’eau a débuté en décembre 2018 et que depuis il est devenu de plus en plus récurrent.
ARGUMENTATION
BÉNÉFICIAIRES
[58] Je rapporte sommairement la position respective de chacune des parties. Monsieur Dominic Lachance a insisté sur plusieurs lacunes entourant la pose des fenêtres avec les conséquences que celles-ci ont causé au bâtiment tout en insistant sur la notion de perte potentielle de l’ouvrage.
[59] Il souligne la présence d’un risque ou d’un danger sérieux pouvant mener à une perte possible du bâtiment ou d’une partie de celui-ci. Au soutien de leur preuve et de leur argumentation les bénéficiaires ont produit une jurisprudence intéressante. (2)
ADMINISTRATEUR
[60] Me Marc Baillargeon fait valoir que dans le présent dossier il n’y a que des infiltrations mineures à l'intérieur du bâtiment. Ces infiltrations surviennent lorsque les conditions climatiques en termes de pluie sont sévères. La problématique d’infiltrations d’eau ne se retrouve pas au niveau de chacune des ouvertures. Il n’existe pas de manifestations de problèmes collatéraux quant aux finis intérieurs. Il ajoute qu’il n’y a pas eu de test évaluant la qualité de l’air tout comme il n’y a pas de manifestations de moisissure,’’ peut-être des taches, sans plus.’’
[61] Pour le procureur il s’agit d’un vice caché. Les photos 35 à 37 démontrent clairement que le bois est sein et non atteint par un début de cernes ou de moisissure.
[62] Me Baillargeon admet de façon très transparente que la situation des infiltrations d’eau qui se veulent de plus en plus rapprochées le « titille ». Le procureur a soumis trois décisions au soutien de son argumentation (3).
ANALYSE ET DÉCISION
[63] Le Règlement sur le Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs (4) est d’ordre public (5). Il campe notamment les conditions applicables à ceux qui désirent administrer un plan de garantie. Il enchâsse tant les modalités que les limites du plan de garantie tout comme le contenu du contrat de garantie auquel les Bénéficiaires ont adhéré. Les difficultés d’interprétation que peut rencontrer l’arbitre ainsi que les questions quant aux droits et aux obligations des bénéficiaires et/ou de l’entrepreneur trouveraient normalement réponses dans le Règlement, la jurisprudence, le Code civil du Québec, les règlements, la doctrine et les règles de l’art.
FARDEAU DE PREUVE
[64] Puisque les bénéficiaires contestent le bien-fondé de la décision de l’administrateur, le fardeau de preuve repose sur leurs épaules. L’article 2803 du Code civil du Québec énonce :
« Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »
[65] L’article 2804 du Code civil du Québec mérite également qu’il soit reproduit puisqu’il définit la preuve prépondérante.
« La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante. »
[66] La Cour d’appel énonçait, dans Boiler Inspection and Insurance Company of Canada c. Moody Industries Inc. (4) :
[57] La première juge a attentivement examiné les divers éléments de preuve, à la fois de nature profane et technique, pour déterminer où se situe la vérité. Cette vérité demeure relative plutôt qu’absolue, sans avoir à atteindre un niveau de certitude, puisque s’applique la norme de la prépondérance de preuve fondée sur la probabilité (art. 2804 C.c.Q.), soit celle qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence, laquelle excède la simple possibilité.
Lorsque la preuve offerte de part et d’autre est contradictoire, le juge ne doit pas s’empresser de faire succomber celui sur qui reposait la charge de la preuve mais il doit chercher d’abord à découvrir où se situe la vérité en passant au crible tous les éléments de conviction qui lui ont été fournis et c’est seulement lorsque cet examen s’avère infructueux qu’il doit décider en fonction de la charge de la preuve.’’
[67] En 2008, le plus haut tribunal du pays traitait ainsi de la norme applicable en matière civile laquelle se veut similaire à celle en matière réglementaire (6) :
“En conséquence, je suis d’avis de confirmer que dans une instance civile, une seule norme de prévue s’applique, celle de la prépondérance des probabilités. Dans toute affaire civile, le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu (…) »
[68] Le Tribunal doit souvent agir en pesant les probabilités. Rien ne peut être mathématiquement prouvé. La décision doit être rendue judiciairement et par conséquent en conformité aux règles de preuve généralement admises devant les tribunaux. Le Règlement étant d’ordre public, l’arbitre ne peut décider par complaisance et par le fait que la preuve présentée par l’une des parties se veut sympathique.
[69] Le rôle du Tribunal est d’analyser la preuve soumise quant à un différend découlant d’une décision du conciliateur (Administrateur) touchant une ou des dénonciations et, par conséquent, de reconnaître ou pas si ce dernier a correctement analysé la ou les dénonciations dans le cadre de la Garantie et, par voie de conséquence, si l’entrepreneur ou le bénéficiaire a manqué ou non à ses obligations tant contractuelles que légales.
DROIT APPLICABLE QUANT AUX MALFAÇONS ET VICES
[70] Il convient de caractériser le droit applicable dans le cas où le bénéficiaire dénonce des malfaçons, des vices cachés ou des vices de construction ou de réalisation. Le législateur l’a ainsi formulé à l’article 10 du Règlement :
10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
…
3o la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4o la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil;
5o la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
(Je souligne)
[71] L’article 1730 du C.c.Q., auquel réfère le Règlement enseigne à l’acheteur les limites de son exercice de dénonciation :
1739. L’acheteur qui constate que le bien est atteint d’un vice doit, par écrit, la dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement du jour où l’acheteur a pu en soupçonner la gravité et l’étendue.
(Je souligne)
[72] Ainsi le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs offre une première garantie exécutoire au moment de la réception du bâtiment. Ce Plan englobe trois types de garantie dont leur existence respective est soit d’une année (malfaçons non apparentes), trois années (vices cachés) et cinq années (vices de construction). Ces trois notions qui se voisinent et se démarquent en même temps se caractérisent par leur gravité proportionnelle.
[73] Dans le présent dossier le conciliateur s’est appliqué à analyser et à évaluer les réclamations sous le seul angle de la garantie contre les vices de construction et les a repoussées sous l’éclairage des malfaçons ou des vices cachés puisque la période couvrant ces deux types de garantie était expirée.
[74] L’article 2118 du Code civil du Québec expose ainsi la notion de vice de construction que l’on retrouve au Plan :
À moins qu’ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l’entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d’un vice de conception, de construction ou de réalisation de l’ouvrage, ou, encore, d’un vice du sol.
(Je souligne)
[75] La Cour d’appel du Québec présentait ainsi la notion de vices de construction : (7)
« Sont considérés comme vices de construction susceptibles d’engager la responsabilité quinquennale des constructions, les défectuosités qui sont de nature à empêcher l’ouvrage de remplir sa destination ou qui limitent, de façon majeure, l’usage normal de l’édifice. Le vice affectant une composante permanente et importante de celui-ci et sa présence impliquaient nécessairement des probabilités de détérioration grave en l’absence de corrections. »
(Je souligne)
[76] Il est également profitable de reprendre ce passage de Madame la juge Rousseau-Houle traitant du vice de construction (8)
« Deux conditions sont explicitement posées à l’article 1688 pour qu’entre en jeu la responsabilité qui y est édictée : il doit s’agir de vice de construction ou de sol et ce vice doit entraîner la perte totale ou partielle de l’ouvrage.
[…]
a- Vices entraînant la perte partielle ou totale de l’ouvrage.
Selon les termes de l’article 1688, la responsabilité quinquennale n’est engagée que « si l’édifice périt en tout ou en partie ». Cet article constituant une exception au principe de la libération du locateur d’ouvrage par la réception, devrait normalement être interprété de façon stricte. Or, comme la dérogation au droit commun provient du souci de protéger le propriétaire à l’égard des travaux difficilement vérifiables et de la nécessité d’assurer au public une protection efficace, nos tribunaux n’ont jamais appliqué l’article 1688 à la lettre et n’ont pas exigé que les vices du sol ou de construction produisent des effets aussi radicaux. Ils ont au contraire reconnu que les termes « périt en tout ou en partie » ne sont pas limitatifs et comprennent les vices compromettant la solidité de l’édifice et les défectuosités graves qui entraînent les inconvénients sérieux. [Audet c. Guérard et Guérin, (1912) 42 C.S. 14, p. 18. Par ces mots la loi ne comprend pas seulement la démolition ou perte totale ou partielle de l’édifice, mais elle comprend les défectuosités, le manque de solidité des travaux et les vices de construction; Gauthier c. Séguin (1969) B.R. 913. Le terme périr doit être interprété de manière à comprendre tout dommage sérieux aux gros ouvrages d’un édifice; Donolo Inc. c. Saint-Michel Realties Inc., (1971) C.A. 536. Ces mots ne sont pas limitatifs mais comprennent les défectuosités graves qui entraînent les inconvénients sérieux ou un danger sérieux que l’édifice s’écroule en tout ou en partie.]
Le champ d’application de la garantie quinquennale n’est donc pas restreint aux désordres qui entraînent la ruine effective des ouvrages. De telles hypothèses sont d’ailleurs relativement peu fréquentes car, lorsque la gravité des vices est susceptible de provoquer la ruine, l’effondrement de l’ouvrage se produit généralement en cours de construction et c’est alors la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur et de l’architecte qui peut être mise en cause. Il suffit pour engager la responsabilité quinquennale des constructeurs que le danger de ruine soit imminent, voir latent. La simple menace de ruine d’un ouvrage constitue déjà un préjudice né et actuel, car l’ouvrage qui menace ruine perd une grande partie de sa valeur marchande et de son utilité. De même, une ruine simplement partielle est suffisante lorsque, par suite des vices affectant les parties maîtresses de l’ouvrage, il y a menace d’effondrement ou fléchissement de certaines parties de l’immeuble ou simplement des fissures importantes pouvant causer la perte de composantes essentielles du bâtiment. »
(Je souligne)
ANALYSE DES POINTS EN LITIGE
[77] Les dossiers S18-112701-NP et S19-071501-NP traitent de la même problématique à savoir les infiltrations d’eau au niveau de certaines fenêtres et la problématique récurrente des fenêtres au niveau de leur étanchéité en fonction du type de pose effectué par l’entrepreneur.
[78] Le bénéficiaire a déposé une photo faisant voir les fenêtres de façade en gros plan avant que le parement extérieur soit mis en place. Le témoignage de monsieur Lachance qui n’est pas contredit et qui est supporté par cette photographie démontre les mêmes défaillances et déficiences importantes soumises en preuve.
[79] Il fut noté, pour la fenêtre arrière (salon), que la membrane d’étanchéité « Résisto » n’a pas été installée selon les règles de l’art. De plus, la bande autocollante à l’arrière est toujours appliquée sur le matériau d’étanchéité. Au surplus la membrane d’étanchéité ne fut pas collée sur le panneau isolant au-dessus de la fenêtre (photos # 19 à 30). À cette situation s’ajoute un manque d’étanchéité aux coins supérieurs et j’en passe.
[80] L’expert Bélanger constata la déficience des matériaux d’étanchéité utilisés, tout autant sur la mise en place de ceux-ci autour de l’ouverture et sur le type de matériaux choisis par l’entrepreneur pour en assurer l’étanchéité. Le constat non contredit se veut concluant et convaincant.
[81] Les photos B-1 (8 et 9) produites par les bénéficiaires élucident les conséquences à court terme de la situation en cause : vis rouillée, noircie, panneaux décolorés et noircis, laine minérale décomposée et décolorée.
[82] Trois autres fenêtres ont fait l’objet d’une expertise le 13 août 2019 par monsieur Bélanger et sont ainsi identifiées : la fenêtre droite arrière (garage), la fenêtre avant droite (rez-de-chaussée) et la fenêtre avant droit à l’étage. Le descriptif est rapporté plus haut dans la décision. On peut noter relativement à la fenêtre droite arrière les problématiques suivantes :
- La pose de la membrane « Résisto » est déficiente (trop courte et non collée).
- La membrane devait être collée sur le panneau isolant à l’arrière du pare-air.
[83] Monsieur Bélanger n’a noté aucun indice d’infiltration d’eau à partir de l’ouverture extérieure. Aucune ouverture intérieure ne fut exécutée. Le Tribunal rappelle le commentaire de monsieur Bélanger à l’effet que la pose déficiente du matériau en place ne peut garantir à long terme l’étanchéité de la fenêtre tout comme la pose déficiente de la membrane d’étanchéité laquelle constitue une mauvaise exécution similaire aux autres ouvertures qui présentent des infiltrations.
[84] Pour la fenêtre avant droite (rez-de-chaussée) le scellement de la moulure de finition fait défaut et on peut voir des ouvertures sur le scellant de la fenêtre et les clous de bois. Les deux points ciblés pour la fenêtre précédente se retrouvent encore au niveau de cette fenêtre (avant-droite). Il est aussi fait mention de corrosion, de cernes, d’absence d’étanchéité au niveau des moulures et de la membrane « Résisto ».
[85] Finalement, la fenêtre avant droite à l’étage montre des broches d’encrage sur le clou du bois au-dessus de la fenêtre. Il y a absence de scellant à la jonction de la moulure au coin supérieur droit et sur la ligne verticale droite du panneau décoratif. Encore une fois la pose de la membrane « Résisto » est mal découpée et non collée. La membrane est apposée sur la latte alors qu’elle devrait être collée au panneau isolant à l’arrière du pare-air. Les broches d’encrage et les clous montrent de la corrosion.
[86] On doit ajouter l’absence d’étanchéité à la jonction de la moulure métallique sous le revêtement à partir du coin droit et l’absence d’étanchéité de la membrane « Résisto ». Au niveau extérieur de cette fenêtre il y a absence de taches de cernes.
[87] De l’avis du Tribunal, il y a vice, soit notamment un désordre portant sur la qualité technique de l’ouvrage ou d’un élément important de ses composantes qui s’incorpore à l’ensemble de la structure et qui affecte et affectera davantage avec le temps son intégrité.
[88] Il est reconnu que la perte n’a pas à être totale, elle peut être potentielle, partielle ou être de nature à rendre l’immeuble impropre à l’usage auquel il est destiné.
[89] Dans l’arrêt Chabot c. Raymond Caron Inc. (9) la Cour d’appel a retenu la responsabilité de l’entrepreneur sous l’article 1688 C.c.Q. statuant que le manque d’étanchéité de la toiture constitue une perte partielle du bâtiment lequel fut causé par un défaut de conception dans les plans et devis.
[90] La Cour supérieure s’exprimait ainsi dans Commission de la Construction du Québec c. Construction Verbois Inc. (10)
La jurisprudence a tempéré la notion de perte totale ou partie de l’édifice l’assimilant plutôt à celle d’inconvénients sérieux : Or, comme la dérogation au droit commun provient du souci de protéger le propriétaire à l’égard de travaux difficilement vérifiables et de la nécessité d’assurer au public une protection efficace, nos tribunaux n’ont jamais appliqué l’article 1688 à la lettre et n’ont pas exigé que les vices du sol ou de construction produisent des effets aussi radicaux. Ils ont au contraire reconnu que les termes « périt en tout ou en partie » ne sont pas limitatifs et comprennent les vices compromettant la solidité de l’édifice et des défectuosités graves qui entrainent des inconvénients sérieux.
(Je souligne)
[91] L’administrateur a soutenu qu’il s’agissait d’un vice caché et non un vice de construction. Le Tribunal est d’avis que la situation va au-delà du vice caché.
[92] La problématique des solins de fenêtres s’est retrouvée à chacune de celles expertisées. Qui plus est, cette situation serait, selon la preuve non contredite (photo et témoignage du bénéficiaire), présente au niveau de toutes et chacune des fenêtres, du moins pour la façade. On peut présumer une similarité pour les autres.
[93] L’ensemble des fenêtres, en soit, ne constitue pas évidemment le bâtiment dans son entier mais une partie importante de ses composantes. On peut isoler les fenêtres les unes des autres mais on ne peut ignorer que c’est l’ensemble de celles-ci qui risquent éventuellement d’affecter l’usage de la résidence. Pour qu’il y ait vice majeur il n’y a pas lieu que la perte éventuelle sur une partie du bâtiment constitue une menace pour toute la structure.
[94] La preuve a révélé que les manifestations d’eau sont très récentes et de plus en plus rapprochées. Les bénéficiaires n’ont pas nécessairement à être en face d’un édifice qui est atteint de moisissure partout. Ce sont l’ensemble des déficiences qui peuvent entraîner un risque potentiel de perte éventuelle.
[95] Tant le législateur, la doctrine ou la jurisprudence ont établi qu’il fallait atteindre un certain degré de détérioration ou de malfaçon pour donner ouverture au recours pour vice de construction. Il en est tout autant pour le vice de sol ou de conception.
[96] Le soussigné souscrit aux propos de Me Michel A. Jeanniot, lequel écrivait dans l’affaire Martin et Colé c. Construction Fasma 2011 Inc. et Garantie Qualité Habitation. (11)
[27] Nous savons que la notion de « perte » doit recevoir une interprétation large et s’il y a démonstration que le défaut de construction risque de nuire à la solidité et à l’utilité du bâtiment donc, une perte potentielle.
(Je souligne)
[97] Dans la sentence arbitrale SDC 209 Anne-Martin c. Constructions LGF Inc. et Garantie Habitation du Québec Inc. (12), Me Jean Robert Leblanc concluait ainsi quant à savoir s’il y avait vice de construction concernant les fenêtres :
[99] L’étanchéité des fenêtres (Point # 5) que le Bénéficiaire considère mal assurée et douteuse à long terme pourrait correspondre au critère de gravité engendrant une dégradation du bâtiment, le rendant partiellement impropre à l’usage auquel il est destiné, mettant en péril sa solidité et causant des inconvénients sérieux et des difficultés importantes dans l’utilisation du bâtiment. En effet, des infiltrations d’eau récurrentes sont graves, causent des inconvénients sérieux et des difficultés importantes dans l’utilisation du bâtiment.
[100] Il s’agit indiscutablement d’un vice de construction et de réalisation de l’ouvrage entraînant éventuellement la perte du bâtiment au sens de l’article 2118 du C.c.Q.
[101] En conséquence, la Garantie doit s’appliquer à la demande du Bénéficiaire à l’égard du Point #5.
[102] Cependant, une difficulté majeure subsiste. Seulement une des fenêtres (salle de bain de l’unité 102) a fait l’objet d’une inspection et la preuve ne traite que de cette fenêtre-là.
[103] Le Tribunal arbitral ne saurait, dans les circonstances, ordonner à l’Administrateur de remplacer toutes les fenêtres alors que seulement une de celles-ci souffre d’un vice de construction ou de réalisation de l’ouvrage prouvé. En l’absence de preuve similaire à l’égard des autres fenêtres, le Tribunal arbitral ne peut pas présumer qu’elles souffrent toute du même vice de construction ou de réalisation de l’ouvrage. Une inspection plus étendue est donc nécessaire.
(Je souligne)
[98] Notre Cour d’appel, dans l’affaire Ain & Zaluita Ltd c. Immobilière Montagnaise Ltée (13), traitant ainsi de l’article 1688 C.c.B.c. qui se veut le prédécesseur de l’article 2118 C.c.Q., s’exprimait ainsi :
‘’Y a-t-il eu ruine du bâtiment?
La portée de l’article 1688 C.c.B.C. a évolué et la jurisprudence la plus récente de la Cour est à l’effet que si le vice de construction porte sur un élément important du bâtiment au point d’en affecter la solidité ou l’utilité, il y a ruine partielle (Viking Fire Protection Ltd. c. Zurich Compagnie d’assurance et Construction J.R.L. (1977) Ltée, 200-09-000284-866, 29 avril 1991). Or, c’est exactement ce que le jugement entrepris affirme :
Ces infiltrations périodiques d’eau par la toiture, plus abondamment en novembre et février, avaient pour effet de mettre en péril, du moins partiellement l’immeuble;
Le Tribunal estime qu’un état de fait qui empêche l’usage normal d’un ou de partie d’un immeuble, qui tend à ruiner un plafond, à le faire se désagréger, qui rend l’isolation inefficace, constitue une détérioration progressive d’un immeuble pouvant mener à sa ruine partielle aux termes de l’article 1688 C.c.B.C.;
(Je souligne)
[99] Je dois souligner que mon collègue, Me Roland-Yves Gagné, a fait une étude intéressante et abondante dans sa décision SDC du 1824-1890 rue Poupart c. Jean-Pierre Lagacé et 9183-5702 Québec Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. (14).
[100] Je rapporte le passage de la décision Syndicat du 3411 au 3417 Avenue des Érables c. Devex et Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’A.P.C.H.Q., (15), où l’arbitre écrit :
[14] Les parties sont de plus unanimes à l’effet que ce constat est une malfaçon, et/ou que ce constat est un vice caché, tout le litige résulte à savoir s’il s’agit ou non d’un vice majeur, puisque plus de trois (3) ans se sont écoulés depuis la réception des parties communes.
[15] Afin de faire droit à la demande des Bénéficiaires, je dois me satisfaire qu’il s’agît d’un vice qui porte atteinte à l’intégralité ou à la structure du bâtiment et/ou qu’il puisse rendre le bâtiment impropre à l’usage auquel il est destiné puisque la norme juridique générale impose un caractère « sérieux » ou « important » du vice, un critère déterminant.
[16] Les décideurs qui m’ont précédé ont aussi accepté de considérer le vice suffisamment important, lorsqu’on est placé dans une situation où il y a perte de l’ouvrage et que le préjudice soit né et actuel, de manière immédiate. La notion de « perte » doit recevoir une interprétation large et s’étendre à tout dommage sérieux subis par l’ouvrage immobilier.
[17] Dans le cas qui nous concerne, je rappelle que les Bénéficiaires sont en demande et que ces derniers ont le fardeau de me convaincre.
[18] Il n’y a pas eu de preuve que l’immeuble est devenu non sécuritaire en raison de vices ou encore qu’il y a danger d’écroulement de certaines parties.
[19] Les parties ont, de plus et de consentement et dans la collégialité, évalué que l’ensemble des correctifs utiles et nécessaires à corriger la situation, sont d’approximativement dix à onze mille dollars (10,000.00$ @ 11,000.00$), avant taxes et frais d’expertise. De toute évidence, considérant la valeur de l’ensemble immobilier, le travail à corriger n’est pas majeur. Ceci n’est pas une fin de non-recevoir aux qualificatifs du vice recherché. S’il est vrai qu’en certaines instances, le travail à corriger est possiblement majeur, mais qu’il ne s’agit pas d’un vice majeur, puisque de jurisprudence constante, on ne peut confondre travaux majeurs avec vices majeurs, je suggère que le contraire est tout aussi vrai. Travaux et/ou correctifs qui pourraient ne pas être (considérant l’ensemble de la valeur immobilière) considérés majeurs, ne disqualifient pas le vice pour autant.
[…]
[22] J’accepte la position de l’Administrateur, à l’effet qu’un dégât d’eau, et ces conséquences, bien que possiblement lourdes et coûteuses, ne constitue pas toujours un vice majeur. Je suis par contre d’opinion que de ne pas corriger une importante infiltration d’eau récurrente, à court ou moyen terme, créera des problèmes importants de moisissure aptes à rendre le bâtiment impropre à l’usage auquel il est destiné. (SIC)
(Je souligne)
[101] Le Tribunal a pu remarquer que le témoin de l’administrateur tant dans ses décisions que dans son témoignage s’est toujours limité à dire « que la situation observée n’est pas de nature à causer la perte de l’ouvrage » et ce, sans nuances malgré l’état du droit actuel.
[102] Le juge A. Derek Guthrie, de la Cour supérieure, s’exprimait ainsi (16) :
« La notion de (perte) au sens de l’article 1688 C.c.B.-C, qui est une disposition d’ordre public, doit recevoir une interprétation large et s’étendre notamment à tous dommages sérieux, subis par l’ouvrage immobilier. Pour se prévaloir de l’article 1688, il n’est pas nécessaire d’établir ni le fait que l’ouvrage a péri ni le moment auquel il va s’écrouler. Il suffit de démontrer que le défaut de construction constituait un vice important et sérieux qui risquait de nuire à la solidité et à l’utilité du bâtiment, c’est-à-dire une perte potentielle.
….
La ruine du bâtiment inclut non seulement sa destruction totale mais encore la dégradation partielle de toute partie de la construction.’’
(Je souligne)
[103] Finalement je me permets de rapporter ce passage des auteurs J. Rodrigue et J. Edwards (17)
« Pour se prévaloir de l’article 2118 C.c.Q., il n’est nécessaire d’établir ni le fait que l’ouvrage a péri ni le moment auquel il va s’écrouler. Il suffit de démontrer la présence des inconvénients ou d’un danger sérieux qui pourrait entraîner une perte de l’ouvrage, c’est-à-dire une perte potentielle. ...La simple menace de perte d’un ouvrage constitue déjà un préjudice né et actuel, car elle entraîne, de manière immédiate, une diminution importante de sa valeur marchande et de son utilité.
La notion de « perte » au sens de l’article 2118 C.c.Q. doit donc, tout comme la notion analogue de ce terme au sens de l’article 1688 C.c.B.C., recevoir une interprétation large et s’étendre notamment à tout dommage sérieux subi par l’ouvrage immobilier.’’
[104] Pour le soussigné, la preuve révèle qu’il existe une constance dans la pose fort déficiente des fenêtres et de ses matériaux d’appoint ou complémentaires qui a déjà généré une réelle problématique et qui risque inévitablement à court, moyen ou long terme d’occasionner de sérieux problèmes tant pour le bâtiment que pour les occupants et dès lors la conclusion qu’il s’agit d’un vice de construction s’avère conséquente.
[105] En l’espèce, l’administrateur devra corriger le vice de construction quant aux fenêtres qui furent expertisées par Pierre Bélanger et il devra vérifier et examiner toutes les autres fenêtres du bâtiment. Si l’examen attentif démontre qu’il existe pour ces dernières des malfaçons, des déficiences, des dégradations, l’administrateur devra corriger chacune d’elles.
[106] L’expert des bénéficiaires a soumis des recommandations relativement aux 4 fenêtres examinées. Le Tribunal se permet de les reproduire.
1. À notre 1ère ainsi qu’à la 2ième expertise, l’ensemble des fenêtres examinées (4 sur 4) nécessitent des correctifs importants. Outre le démantèlement sélectif, il faut refaire l’étanchéité au-dessus de celles-ci et ce compte tenu des déficiences observées à l’ensemble des fenêtres expertisées. Les travaux correctifs devront être réalisés par un entrepreneur détenant un permis de la régie du bâtiment être membre en règle auprès d’une association reconnue dans le domaine de la construction.
2. L’entrepreneur retenu devra réaliser les travaux en conformité avec les recommandations du manufacturier relativement à l’étanchéité ainsi qu’aux divers codes ou règles applicables. Les travaux effectués devront être supervisés par un technologue professionnel ou un architecte afin d’en vérifier la conformité.
3. Procéder méthodiquement au démantèlement du revêtement extérieur en clin de bois au-dessus de toutes les ouvertures (portes et fenêtres) et des matériaux d’étanchéité en place.
4. Refaire l’étanchéité avec de nouveaux matériaux approuvés selon les recommandations du manufacturier sous supervision de la personne qualifiée et responsable du chantier ou toutes autres personnes qualifiées pour ce genre de travaux.
5. Procéder à un test d’eau avec un boyau d’arrosage à chaque fenêtre afin de vous assurer de l’étanchéité des travaux réalisés. Les tests d’eau doivent être réalisés en présence du superviseur du chantier afin que ce dernier puisse être en mesure de valider l’étanchéité, de certifier la pose ainsi que de la conformité des matériaux utilisés lors des travaux correctifs qui seront effectués aux fenêtres.
6. Remettre en place les nouvelles planches provenant du même fabricant « Juste du Pin ».
7. Relocaliser la descente de gouttière à l’arrière sur le toit du garage et qui se déverse dans la gouttière fixée en bordure du toit du garage et qui déborde lorsqu’il y a un surplus d’eau.
(Sic)
[107] Le Tribunal endosse ces recommandations et soumet que l’administrateur devrait les appliquer ou les faire appliquer.
LES FRAIS D’EXPERT
[108] Les bénéficiaires réclament les frais d’expertises de monsieur Pierre Bélanger, relativement à ses services professionnels pour la somme de $1552.17 dollars (Factures 19-0510-1, 19-0510-2 et 19-1204-1) incluant les taxes plus les frais engagés pour l’échafaudage lors d’une expertise au montant de $80.48 dollars.
[109] L’article 124 du Règlement stipule que l’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au bénéficiaire lorsque ce dernier a gain de cause en totalité ou en partie.
[110] Les bénéficiaires en l’espèce avaient le fardeau de preuve. La nécessité de retenir les services d’un expert se voulait évidemment essentielle puisqu’ils devaient prouver l’existence d’un vice de construction. Au surplus, les frais engagés pour l’échafaudage doivent être inclus dans les frais d’expertises puisque l’échafaudage est un accessoire nécessaire permettant l’exécution de l’expertise.
[111] Il ’y a donc lieu de faire droit à la demande des bénéficiaires et d’ordonner le remboursement desdits frais et/ou honoraires par l’administrateur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE les deux (2) demandes d’arbitrage formulées par les bénéficiaires;
PREND acte du désistement des bénéficiaires quant à la décoloration du revêtement extérieur;
ORDONNE à l’Administrateur de corriger le vice de construction ou de réalisation des fenêtres ayant fait l’objet des expertises de Pierre Bélanger et ordonne la vérification et l’examen de toutes les autres fenêtres de l’immeuble en cause étant entendu que si la construction et l’installation d’une ou plusieurs d’entre elles sont similaires à celles ayant fait l’objet des deux rapports du conciliateur, l’Administrateur devra intervenir conformément à la présente décision arbitrale, notamment quant à l’application des recommandations de l’expert Bélanger;
ORDONNE à l’Administrateur de s’exécuter d’ici le 15 mai 2020;
ORDONNE à l’Administrateur de payer aux bénéficiaires la somme de $632.65 dollars dans les 30 jours de la présente décision, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec au terme de ce 30 jours;
RÉSERVE à la Garantie Abritat Inc. (l’administrateur) ses droits à être indemnisée par l’entrepreneur et/ou caution, pour toute somme versée incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;
LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage à la charge de la Garantie Abritat Inc. (l’administrateur) conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
LAVAL, CE 31 JANVIER 2020
Yves Fournier
____________________________
YVES FOURNIER, Arbitre
1. Décret 841-98, 17 juin 1998;
2. SDC du 1884-1890 rue Poupart c. J.-P. Lagacé et 9183 5702 Québec Inc. et Garantie des bâtiments résidentiels neufs de L’APCHQ Inc., SORECONI 122009001, 23 mai 2013, Me Roland-Yves Gagné, arbitre;
Tony Jorge et Anne-Marie Centis c. Construction Naslin Inc. et Garantie des bâtiments résidentiels de L’APCHQ Inc., SORECONI 051206001, 15-03-2006, Me Michel A. Jeannot, arbitre;
SCD du 209 Anne-Martin c. Construction LGF Inc. et Garantie Habitation du Québec Inc. CCAC : S14-071601-NP, 29-05-2015, Me Robert Leblanc, arbitre.
3. Chantal Martin et Sébastien Coté c. Construction Fasma 2011 Inc. et Garantie Qualité Habitation, CCAC : S17-100602-NP, 5 juin 2018, Me Michel A. Jeannot, Arbitre;
SDC Habitats Saint-Denis Phase 2 c. Habitations Devler Inc. et Garantie Abtritat Inc., CCAC : S14-061301-NP, 13-06-2015, Me Roland-Yves Gagné, arbitre;
C. Chabot c. 9219-9439 Québec Inc. et Garantie Abritat Inc., CCAC : S18-111201-NP, 20 juin 2019, Me Roland-Yves Gagné, arbitre;
4. Dumais c. Farrugia, (1985) R.D.J. 223 (C.A.) p. 228, juge Monet;
5. Articles 3, 4, 5, 105, 139 et 140 du Règlement;
6. Rousseau c. Bennett (1956) R
7. F.H. c. McDougall, [2008] CSC 53 (Call).
8. Construction J.R.L. (1977) Ltée c. Zarrick Compagnie d’assurances, J.E. 91-824 (C.A.);
9. Thérèse Rousseau-Houle : Les contrats de construction en droit public et privé, Montréal, Wilson et Lafleur, 1982, p. 343-345;
10. [1993] R.L. 497,
11. CCAC, S17-100602-NP, 05-06-2018
12. CCAC, S14-071601-NP, 29-06-2015,
13. 200-09-000385-879, 30-10-1992,
14. SORECONI, 122009001, 23-05-2013,
15. SORECONI 061220001, 13 juin 2007, Me Michel Jeanniot, arbitre,
16. Shector Barbacki Sherne et Ass. Ltée, 2001 R.D.I. 87, AZ-5008157,
17. La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons, La construction au Québec : Perspectives juridiques, Wilson & Lafleur, 1998, p. 434.