ARBITRAGE
EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec (RBQ)
GROUPE D’ARBITRAGE - JUSTE DÉCISION (GAJD)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
ENTRE : GROUPE SYLVAIN FARAND inc.
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : MME SHEREE SITAHAL
(ci-après « la Bénéficiaire »)
ET : LA GARANTIE ABRITAT inc. (RAYMOND CHABOT ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie)
(ci-après « l’Administrateur »)
N° dossier ABR : 344401-1 [17-043JP]
N° dossier GAJD : 20171503
N° dossier de l’arbitre : GAJD.003
SENTENCE ARBITRALE
Arbitre : M. Claude Prud’Homme, ing., LL.M.
Pour l’Entrepreneur : Mme Sylvie Poirier, Service après-vente
Me Mathieu Godard, Donati Maisonneuve S.E.N.C.R.L.
Pour la Bénéficiaire : Mme Sheree Sitahal
Bénéficiaire
Pour l’Administrateur : Me Nancy Nantel (procureure)
M. Robert Roberge (inspecteur, conciliateur)
Date de l’audition : 16 avril 2018
Lieu de l’audition : APCHQ Vaudreuil - Dorion,
21 boul. de la Cité des Jeunes Est,
Local 200, Vaudreuil-Dorion, Québec
Date de
la décision arbitrale : 14 juin 2018
HISTORIQUE / CHRONOLOGIE DU DOSSIER
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VALEUR MAXIMALE DE LA RÉCLAMATION : Moins de 7,000 $
LE LITIGE / INTRODUCTION
[1] L’inspection de Pré-Réception de la résidence de la Bénéficiaire a eu lieu le 18 août 2014 et l’immeuble en question est de type maison de ville / Condominium / partie privative.
[2] Pour cet arbitrage, la visite des lieux par l’inspecteur de l’Administrateur a eu lieu le 2 février 2017. La Décision a été rendue par l’Administrateur le 20 février 2017 (dossier Abritat 344401-1 [17-043JP]).
[3] Ce présent litige vise à la contestation par la Bénéficiaire d’une partie de cette « Décision de l’Administrateur », (la « Décision ») qui portait initialement sur 19 points. La Bénéficiaire fait appel de trois (3) points auxquels l’Administrateur a initialement tranché en faveur de l’Entrepreneur lors de l’émission de sa Décision, soit les Points 1, 2 et 4 (« Point ») ;
Point n° 01 : Condensation aux fenêtres ;
Point n° 02 : Infiltration d’air aux différentes ouvertures ;
Point n° 04 : Infiltration d’eau sur le mur du sous-sol ;
[4] Lors de l’arbitrage, l’Arbitre et les parties ont reconnu les qualifications et le titre d’expert de l’inspecteur-conciliateur M. Robert Roberge pour l’Administrateur. L’Arbitre et les parties ont aussi reconnu les qualifications et le titre d’expert pour les deux (2) représentants de la firme d’experts-conseils CIEBQ, soit Mme Julie Fournier-Dupuis et M. Sigmud Poitras, agissant pour le compte de l’Entrepreneur.
[5] Les parties, lors de l’audience au mérite, n’ont émis aucun motif de récusation de l’Arbitre et ne se sont pas opposées à son immunité ainsi qu’à son incontraignabilité. Les parties ont témoigné sous serment.
LES PIÈCES
[6] Les Pièces produites par la Bénéficiaire sont les suivantes :
B-01 : Extrait vidéo en format « mp4 » et intitulé « 01 20170205_132650 » d’une durée de 12 :31 minutes, où la Bénéficiaire démontre à l’aide d’une bougie les infiltrations alléguées aux fenêtres et à la porte patio. Tel qu’indiqué dans le titre du document visuel, le vidéo aurait été pris le 5 février 2017.
B-03 : Copie d’une facture d’achat (Reno Dépôt au montant de $ 50.48 tti) datée du 5 avril 2017 pour le scanneur de modèle IRTC40 de la compagnie General Tool utilisé par Pro Renovation (voir Pièce B-02).
[7] Les Pièces produites par l’Entrepreneur sont les suivantes :
E-01 : En liasse : échanges de courriels entre la Bénéficiaire (Mme Sitahal) et l’Entrepreneur (Mme Poirier) suite à l’inspection de M. Legault (représentant de la compagnie de fenêtres Bourcier).
E-02 : Rapport d’Expertise Technique préparé par CIEBQ Experts-conseils et daté du 16 mars 2018.
E-03 : Curriculum vitae des Experts de la firme CIEBQ ayant préparé le Rapport d’Expertise Technique.
a) C.V. de Mme Julie Fournier-Dupuis, ing. Jr. - Chargée de projet
b) C.V. de M. Sigmud Poitrad, T.P. Technologue en architecture.
[8] Les Pièces produites par l’Administrateur sont les suivantes (tirées du « Cahier des pièces de l’Administrateur », document transmis aux parties en date du 18 avril 2017) :
A-01 : Déclaration de copropriété en date du 20 juin 2017 ;
A-02 : En liasse : Contrat préliminaire et contrat de garantie en date du 18 juillet 2014 et annexes ;
A-03 : Formulaire d’inspection préréception signé par la Bénéficiaire et l’Entrepreneur le 18 août 2014 ;
A-04 : Acte de vente daté du 20 août 2014 ;
A-05 : En liasse : Lettre de dénonciation de la Bénéficiaire en date du 21 juillet 2015 et photographies ;
A-06 : En liasse : Lettre de dénonciation reçue par l’Administrateur le 3 août 2015 ;
A-07 : Demande de réclamation en date du 31 octobre 2016 ;
A-08 : En liasse : Avis de 15 jours de l’Administrateur à l’Entrepreneur en date du 16 décembre 2016 ;
A-09 : En liasse : Lettres et Décision de l’Administrateur en date du 20 février 2017 ;
A-10 : En liasse : Lettre du centre d’arbitrage (GAJD) en date du 15 mars 2017 et la demande d’arbitrage, incluant l’avis de nomination de l’arbitre ;
[9] En plus de ces pièces transmises par le « Cahier des pièces de l’Administrateur », les Pièces suivantes ont aussi été transmises aux parties :
A-11 : Curriculum vitae de Monsieur Robert Roberge, inspecteur / conciliateur ;
A-12 : Extraits du Guide de performance de l’APCHQ :
a) Copie des couvertures du document référencé ;
b) Copie page 109 du Guide de performance de l’APCHQ ;
c) Copie pages 326 - 327 du Guide de performance de l’APCHQ ;
VISITE DES LIEUX ET CONFÉRENCE PRÉPARATOIRE
[10] Préalablement à la visite et à l’arbitrage (ayant eu lieu le même jour), l’Arbitre a initié une téléconférence impliquant les parties au dossier. Cette téléconférence a eu lieu le 4 juillet 2017. Le Procès-Verbal de cette téléconférence et la convocation à l’arbitrage ont été transmis par courriel aux parties à l’intérieur des délais prescrits (11 juillet 2017).
[11] Le tribunal d’arbitrage a effectué une visite de la résidence de la Bénéficiaire en présence des parties impliquées le 16 avril 2018.
FAITS ET TÉMOIGNAGES
DÉSISTEMENT D’UN DES POINTS RÉCLAMÉS PAR LA BÉNÉFICIAIRE
Point n° 01 : CONDENSATION AUX FENÊTRES (selon la numérotation de la Décision de l’Administrateur)
[12] Au moment de débuter l’arbitrage, nous avons été avisés que la Bénéficiaire se désistait d’un point faisant partie de la réclamation initiale.
[13] Le Point n° 01 : qui consiste à la problématique générale de condensation aux fenêtres est abandonné par la Bénéficiaire et est donc retiré des Points traités. La Bénéficiaire nous explique qu’une fois l’une des pièces remplacée dans le contrôle du système d’échangeur d’air et que la reprogrammation fut complétée, la problématique a été résolue à sa satisfaction.
Point n° 02 : INFILTRATION D’AIR AUX DIFFÉRENTES OUVERTURES (selon la numérotation de la Décision de l’Administrateur)
Exposé et Preuve de la Bénéficiaire
[14] La Bénéficiaire présente son vidéo (Pièce B-01). Elle précise que lors du tournage du vidéo, la porte de garage et la porte de service donnant accès au garage étaient fermées. Le vidéo montre une bougie réagissant à certains mouvements d’air dans plusieurs pièces de la résidence. Le vacillement est présent autant sur les ouvertures de la façade avant que celles de la façade arrière du bâtiment. La Bénéficiaire nous informe qu’il y a des plinthes électriques de chauffage sous chaque fenêtre, sauf sous la porte patio. Elle mentionne que les occupants ont une constante impression d’infiltration (déplacement d’air) et de froid dans la résidence. Elle mentionne que malgré le fait que ce soit une maison « neuve », elle paye plus cher pour la consommation électrique que dans son ancienne résidence. Mme Sitahal confirme qu’au moment de la prise du vidéo, le chauffage était probablement en fonction.
[15] Elle mentionne avoir informé l’Entrepreneur de la problématique à quelques reprises. La Bénéficiaire mentionne qu’un test visuel et une main passée brièvement au pourtour des ouvertures constituent les seuls et uniques tests effectués par le représentant de la compagnie Bourcier (fournisseur des portes et fenêtres).
Exposé et Preuve de l’Entrepreneur.
[16] La représentante du service après-vente de l’Entrepreneur, mentionne avoir elle-même fait un suivi du dossier de la Bénéficiaire. Elle mentionne entre autres, faire affaire avec le sous-traitant Bourcier depuis environ 10 ans. Le Groupe Farand achète principalement des produits Fenplast, et ils en achètent en grand nombre pour leurs nombreux condominiums qu’ils ont construits dans les dernières années. Elle mentionne que les fenêtres utilisées n’ont jamais présenté de problèmes particuliers et que ces fenêtres ont été expertisées en laboratoire et possèdent les cotes A (étanchéité à l’air), B (étanchéité à l’eau) et C (résistance au vent).
[17] Mme Poirier mentionne que le 1er mars 2016, il y a eu une visite / inspection de M. Legault de Bourcier. Elle mentionne que M. Legault a fait rapport que tout était « correct » lors de ladite visite (Pièce E-01). Mme Poirier mentionne aussi que l’inspecteur de l’Administrateur n’a rien remarqué de problématique lui non plus lors de la visite des lieux en février 2017. Mme Poirier mentionne que vu l’insatisfaction manifestée par la Bénéficiaire, elle a renvoyé son homme de main (M. Pierre Desrochers) le ou vers le 7 mars 2016 pour une nouvelle inspection. Comme ces visites et inspections n’ont pas su satisfaire la Bénéficiaire, l’Entrepreneur a finalement eu recours à la firme d’experts-conseils CIEBQ afin de préparer une expertise, entre autres sur le problème des infiltrations des fenêtres.
[18] À propos de l’Expertise : elle a été préparée le 5 mars 2018. Elle consistait principalement à effectuer des tests d’infiltration / infiltrométrie. Les tests ont été effectués à une pression négative initiale de 20 Pascals. Puis dans un deuxième temps, à 50 Pascals, ce qui excède les exigences Novoclimat et Rénoclimat. Ce test à 50 Pascal, équivaut à des vents de 32 km / h. Les tests (normalisés - ASTM) ont été effectués à l’aide d’une poire au pourtour de chaque ouverture. N’ont été vérifiées que les fenêtres et la porte patio, car c’est le mandat qui leur a été octroyé. Donc aucun test, ni sur la porte d’entrée principale (là où les équipements étaient installés), ni sur la porte de garage, ni non plus sur la porte de service donnant accès au garage. La Bénéficiaire fait pourtant remarquer que dans sa lettre du 21 juillet 2015, il y était clairement fait mention des problèmes d’infiltration tant au niveau de la porte de garage, que de la porte de service donnant accès au garage.
[19] Les résultats : les ouvertures coulissantes (incluant la porte patio) : aucun problème (en considération de la qualité des fenêtres de type coulissantes qui sont de qualité « inférieure ». Les ouvertures à manivelle : infiltrations minimes. Les appréciations ont été faites comparativement à plusieurs autres projets. Les résultats obtenus sont qualitatifs seulement. Seule une fenêtre du salon (façade arrière) donne des résultats moins satisfaisants.
[20] Finalement, les Experts de l’Entrepreneur se prononcent en regard du vidéo de la chandelle vacillante de la Bénéficiaire. Selon ces derniers, ce test est non recevable, car : non sécuritaire, pas de fiabilité quant à la direction des mouvements d’air. Le test à la fumée est normalisé et plus standard. Avec la fumée on peut déterminer si le mouvement est dû au phénomène de la convection de la fenêtre, de l’effet de la plinthe électrique ou même d’infiltration.
Exposé et preuve de l’Administrateur.
[21] La procureure de l’Administrateur questionne son témoin, l’inspecteur Roberge. L’inspection de la résidence a eu lieu le 2 février 2017. Initialement il y avait 19 Points en litige. Plusieurs (14) ont été réglés avant la visite de l’inspecteur Roberge. Des cinq points non réglés, trois (3) ont été portés en arbitrage par la Bénéficiaire.
[22] Dans les Points contestés et toujours non réglés, il y avait une problématique d’infiltration d’air et d’infiltration d’eau. Au niveau des fenêtres, M. Roberge a fait une inspection visuelle seulement. Il a regardé s’il y semblait y avoir des problèmes d’infiltration, de construction ou de condensation. M. Roberge note que tant l’entreprise Bourcier que Fenplast sont des entreprises connues et reconnues.
[23] Au sujet des tests qui ont été effectués par la Bénéficiaire : le test de la flamme / chandelle : ce test montre effectivement de vrais déplacements d’air qui peuvent être qualifiés de « normaux ». Ça serait le fait du phénomène de convection. Le test à l’infrarouge est conçu pour s’assurer de la bonne construction / isolation autour des fenêtres. M. Roberge en vient à la conclusion qu’il n’a pas vu de manque lors de son inspection. Concernant la porte de garage, M. Roberge rappelle que cet élément n’a qu’un faible facteur d’isolation (R 2.5), qu’il n’y a qu’un seul coupe-froid de 1/16 de po. et qu’il est normal qu’il y ait de petites infiltrations d’air et d’eau. M. Roberge cite comme exemple le guide de performance de l’APCHQ (Pièce A-12) qui décrit bien les critères de performance d’une porte de garage. Concernant la porte de service menant au garage, M. Roberge rappelle qu’il n’y a qu’un petit coupe-froid au pourtour de la porte qui peut s’user et se désajuster. Il rappelle que ce coupe-froid a déjà 2 ans d’usure. Il rappelle qu’il est aussi important de garder du chauffage dans le garage. Lors de sa visite, M. Roberge constate qu’il n’y avait pas de chauffage dans le garage. Au niveau des fenêtres, M. Roberge mentionne que les fenêtres coulissantes sont moins efficaces que celles à manivelle, mais que dans les deux cas, selon lui, les performances rencontrent les normes de qualité de chacun des types de fenêtres. Il n’a pas constaté de condensation dans les fenêtres. Il explique ensuite le déplacement d’air dans la cage d’escalier ressenti jusque dans la cuisine par le phénomène de la convection émanant notamment de la chambre de la Bénéficiaire gardée « froide ». « L’inconfort » pourrait être réduit si la cage d’escalier était fermée. Il explique que lors de sa visite, au sous-sol, que la trappe de ventilation de la sécheuse était bouchée et qu’il n’y avait pas de chauffage dans la pièce de lavage (suite à une nouvelle division réalisée par la Bénéficiaire). Ce qui pourrait expliquer une certaine partie de la problématique. Ce fait a été mentionné à la Bénéficiaire. Les fenêtres du sous-sol sont bien installées. Mais il mentionne tout de même que le rendement de ces fenêtres est inférieur aux fenêtres de façade.
Point n° 04 : INFILTRATION D’EAU AU SOUS-SOL (selon la numérotation de la Décision de l’Administrateur)
Exposé et Preuve de la Bénéficiaire
[24] La position de la Bénéficiaire est à l’effet que la problématique a été constatée suite à des travaux d’arrosage intenses lors de la pose du gazon en plaque, peu de temps après son déménagement. Une bonne quantité d’eau s’est infiltrée dans son sous-sol sur une façade où il y a une fenêtre. La Bénéficiaire s’inquiète que ce phénomène n’ait été constaté que chez elle et pas chez les autres propriétaires avoisinants. Elle s’inquiète aussi d’une quelconque malfaçon ou défectuosité qui serait propice à de nouvelles infiltrations. Mais la Bénéficiaire confirme que cette problématique n’est arrivée qu’une seule fois. Elle confirme aussi n’avoir jamais constaté de dégradation des matériaux, ni d’odeurs d’humidité, ni avoir constaté de moisissures (taches noires) à la surface des matériaux au droit de l’endroit présumé de l’infiltration.
Exposé et Preuve de l’Entrepreneur.
[25] La représentante de l’Entrepreneur mentionne que la prise de possession a eu lieu le 18 août 2014. Peu de temps après, l’Entrepreneur a procédé à l’installation du gazon en plaques. Mme Poirier affirme qu’effectivement suite à des travaux d’arrosage intenses, il y a eu une infiltration d’eau au sous-sol de la Bénéficiaire. À la suite de cette infiltration, elle a mandaté le Groupe Soltech (Experts en fondations) pour confirmer l’intégrité des fondations (confirmation reçue le 10 septembre 2014).
[26] Mme Poirier a aussi demandé à la firme CIEBQ de se prononcer sur l’infiltration de 2014. Voici les observations notées par les Experts de CIEBQ. L’infiltration date du moment de la pose du gazon en plaque. Il n’y a pas eu d’autres infiltrations (fait confirmé par la Bénéficiaire). Autre qu’une inspection visuelle, aucun test n’a pu être effectué au moment de l’inspection en 2018. La thermographie n’a pas donné de résultats et il faisait trop froid au moment de l’inspection pour un « test à l’eau ». Conclusions quant aux problèmes d’infiltration : aucune trace intérieure telle décoloration ou dégradation des matériaux de finition, ni de senteur particulière n’ont pu être observées. Aucune trace non plus à l’extérieur tel que joint d’étanchéité brisé ou défectueux ou même de trace de fissure dans le solage. Donc selon les experts, il s’agirait d’un événement ponctuel dont les risques de récidive sont nuls ou quasi nuls. Questionnés par la Bénéficiaire, ils ne sont cependant pas en mesure d’expliquer pourquoi la problématique n’a été vécue que chez elle.
Exposé et preuve de l’Administrateur.
[27] M. Roberge mentionne comme seul commentaire qu’il n’y a aucune trace visible de ladite infiltration d’eau et que les matériaux ne montrent aucune dégradation potentielle. Il qualifie l’événement de ponctuel et conclut qu’il n’y a pas quelque déficience que ce soit.
Réplique de la Bénéficiaire.
[28] Mme Sitahal réitère que les problèmes d’infiltration ne devraient pas survenir dans une maison neuve (tant d’air que d’eau). Les résidents de l’unité de condominium ressentent tous une sensation de froid dans la maison. Elle en est très désappointée.
Réplique de l’Entrepreneur.
[29] Mme Poirier mentionne que lors de la livraison d’une unité, elle passe environ 1¼ heure avec ses clients. Dans le cas de Mme Sitahal, pour s’assurer de la satisfaction de la cliente, elle mentionne avoir effectué plusieurs tests, et ce, jusqu’à tout dernièrement. Elle estime avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour tenter de satisfaire Mme Sitahal. Les preuves / expertises présentées par la Bénéficiaire ne peuvent tout simplement pas être retenues. Cependant, les témoignages et expertises de M. Roberge et de la firme CIEBQ, eux sont concluants, factuels et ont cerné les problématiques. Mme Poirier de conclure qu’il n’y a aucune preuve concrète qu’il y a eu quelque malfaçon. Pas plus de preuve non plus, que l’Entrepreneur ou l’un de ses sous-traitants n’ont pas respecté les règles de l’art. Elle convient que les fenêtres de la Bénéficiaire ne sont pas toutes de la même qualité, mais chaque différent modèle respecte les normes en vigueur et les attentes pour chacun de ces types de fenêtres. Elle précise que pour une unité d’habitation de $ 206 k, la qualité des fenêtres va en fonction du prix global du condominium. La Bénéficiaire ne peut s’attendre d’avoir le « top qualité » des produits. En référant à la Pièce A-12 b) de l’Administrateur (p. 109 dernier paragraphe), Mme Poirier de conclure qu’on ne doit pas confondre le phénomène de convection avec celui des infiltrations. Au niveau des infiltrations d’eau, Mme Poirier mentionne qu’il n’a jamais été démontré que ni l’installation, ni les produits étaient inadéquats. Elle conclut que c’est un événement ponctuel.
Réplique de l’Administrateur.
[30] Me Nantel rappelle plusieurs éléments en regard du Plan de Garantie des maisons neuves. Dans le cas d’une demande initiée comme c’est le cas ici par la Bénéficiaire, c’est à elle qu’incombe de fardeau de la preuve, pour entre autres, prouver que certains éléments de la Décision de l’Administrateur ne sont pas bons.
[31] Au niveau des infiltrations d’air, trois (3) experts différents se sont prononcés d’une manière scientifique et unanime. Tous ont mentionné que tout était conforme, sauf peut-être pour une fenêtre du salon. Tout a été fait selon les normes en vigueur. La firme CIEBQ est venue expliquer la sensation de froid ressentie par les résidents du condominium. Ils ont expliqué des sources probables de la problématique causée par le phénomène de la convection. Me Nantel rappelle les causes potentielles du phénomène de la convection qui ont été énoncés dont la chambre des maîtres gardée trop froide, le chauffage inexistant au garage, la salle de lavage sans unité de chauffage suite là la construction de nouvelles divisions par la Bénéficiaire, et l’usure normale des coupe-froids de la porte de garage et celle de la porte de service menant au garage. Elle suggère de s’assurer de leur étanchéité par un ajustement ou leur remplacement au besoin. Elle réfère au document émis par l’APCHQ, paragraphe 3 et 4 (Pièce A-12 c, articles 15-3 et 15-4 - pp 326 et 327) pour supporter ses énoncés.
[32] Concernant les infiltrations d’eau, elle confirme que cet événement a bel et bien eu lieu. Mais que c’est un événement ponctuel, qui ne s’est produit qu’une seule fois et qui ne s’est pas reproduit, et ce, depuis plusieurs années. Cet événement n’a laissé aucune trace visible, aucun signe ni de moisissure, ni de dégradation des matériaux. Il y a eu depuis l’événement quatre (4) hivers sans problématique. Elle considère les risques de récurrence de la problématique à zéro.
[33] En conclusion, Me Nantel note que le Plan de garantie ne couvre pas les craintes potentielles et non réelles / non fondées des Bénéficiaires. Elle considère que la demande devrait donc être rejetée.
ANALYSE
Point n° 02 : INFILTRATION D’AIR AUX DIFFÉRENTES OUVERTURES
[34] La Bénéficiaire a présenté deux éléments à titre de preuve. Une vidéo d’un « test à la chandelle » devant les différentes ouvertures de la résidence. Les ouvertures sont situées sur les différentes façades de la maison et les différents étages de l’unité de condominium. Ensuite elle a présenté un tableau différentiel de lectures faites à l’aide d’un appareil infrarouge. Ce tableau des températures ne comporte que des observations. Aucune conclusion, ni analyse quant à ces données n’a été fourni avec le document préparé par une entreprise pour laquelle aucune qualification n’a été fournie non plus (Pièce B-02). On ne sait pas non plus si les tests effectués l’ont été suivant une norme prescrite et / ou reconnue. On se contente seulement d’expliquer comment les lectures moyennes ont été établies. On ne parle pas non plus de calibration ou d’étalonnage de l’appareil utilisé.
[35] Du côté de l’Entrepreneur, leur preuve repose aussi sur deux documents. Le premier (Pièce E-01) fait partie d’un échange courriel entre l’Entrepreneur d’une part, et la Bénéficiaire d’une autre part. Dans cet échange, Mme Poirier confirme que tant du point de vue du fournisseur de fenêtres (M. Legault) que de l’installateur des fenêtres, l’Entrepreneur a reçu confirmation qu’il n’y avait aucune problématique. Ces vérifications ont été faites (qualitativement) le ou avant le 1er mars 2016. Le deuxième document est une expertise faite par la firme CIEBQ Experts-conseils. Ce document a été préparé pour le compte de l’Entrepreneur en mars 2018. Cette expertise qualitative (non destructrice) s’est toutefois limitée aux fenêtres et à la porte patio seulement.
[36] Pour l’Administrateur, l’essentiel de leur preuve repose sur l’inspection de M. Roberge effectuée le 2 février 2017.
[37] Je retiens les arguments évoqués par les experts de l’Entrepreneur et aussi ceux de la procureure de l’Administrateur à l’effet que la qualité de la preuve vidéo présentée par la Bénéficiaire ne peut être qualifiée de probante. Je conviens en effet qu’il y a bien un mouvement de la flamme devant chaque ouverture. Cependant, avec ce type de test non normalisé, non documenté, il est impossible de voir s’il s’agit d’infiltration, de convection ou de l’effet du chauffage de la plinthe électrique, ou même d’un déplacement d’air causé par la personne qui tient la chandelle. On ne mesure ni la direction ni l’intensité du courant d’air. On ne peut qu’affirmer qu’il y ait un déplacement d’air au droit des ouvertures qui se retrouvent sur le vidéo de Mme Sitahal. L’avantage avec un type de test à la fumée, c’est qu’il est possible de visualiser la direction du courant d’air, et sa vitesse. Ce test normalisé (ASTM E-1186) réalisé en condition de dépressurisation (pression négative) rend possible l’identification des potentielles sources du mouvement d’air dans la pièce. En ce sens, la preuve présentée par les experts de la firme CIEBQ est beaucoup plus probante que celle observée par la Bénéficiaire. Je retiens aussi que la démonstration a été faite en reproduisant des conditions que l’on pourrait qualifier de « normales » (dépressurisation à 20 Pa), mais aussi un test avec une pression de 50 Pa, ce qui équivaut à une force de vent de 32 km / h selon les experts. En bref, les experts ont conclu que les fenêtres, selon leur type et leur qualité qui varient entre la fenêtre à manivelle jusqu’à la fenêtre coulissante (incluant la porte patio), comportaient toutes des infiltrations, mais sont en « faible quantité et représentent la moyenne » (Réf. dernier par. P. 7) et dans l’ensemble, ça me convient.
[38] Cependant, à même les analyses effectuées par les experts de la firme CIEBQ, on note que pour la fenêtre du sous-sol (désignée sous AT-13) et surtout pour la fenêtre du salon (elle est désignée sous AT-16 et AT-17) qu’il y a des infiltrations plus notables. Si les experts notent que pour celle du sous-sol (AT-13), l’infiltration pourrait être attribuable à une usure des garnitures d’étanchéité (constituées de bandes feutrées) créant ainsi des espaces d’air (et ce même si une fenêtre de sous-sol n’est habituellement pas aussi souvent manipulée qu’une fenêtre à l’étage ou au rez-de-chaussée), pour la fenêtre du salon (AT-16 et AT-17), on note toutefois que la problématique se situe dans le coin supérieur de la fenêtre. Les experts conseillent pour remédier à la situation, l’ajout d’uréthane une fois les moulures enlevées. (Réf. Pièce E-02, page 6, 6è paragraphe.). La thermographie de cette même fenêtre, montre bien le coin intérieur / supérieur gauche où se situent les problématiques (Réf. Pièce E-02, Annexe Thermographie, page 6). À mon avis, ceci constitue une malfaçon non visible au sens du Plan de garantie, et elle devra être corrigée par l’Entrepreneur.
[39] Bien que les experts de CIEBQ expliquent le ressenti de mouvement d’air froid dans la résidence par un phénomène physique connu et documenté (la convection), le Tribunal d’arbitrage déplore toutefois que l’expertise demandée par l’Entrepreneur n’ait pas couverte, ni la porte d’entrée de la résidence, ni la porte de service donnant accès au garage, ni même la porte de garage elle-même. La Bénéficiaire avait pourtant inclus ces items dans sa dénonciation du 21 juillet 2015. Faute d’expertise ou de démonstration pertinente, le Tribunal d’arbitrage ne pourra donc se prononcer sur ces trois éléments que sont la porte d’entrée principale, la porte de garage et la porte de service donnant accès au garage.
[40] Au final, plusieurs professionnels du domaine de la construction sont venus expliquer leur vision de la problématique, du ressenti d’infiltrations d’air dans l’unité de condominium. Leur expérience, leur connaissance du milieu de la construction et des infiltrations a été utile au Tribunal d’arbitrage dans l’appréciation de la présente problématique. L’expertise de CIEBQ a aussi été très utile, crédible et professionnelle. Le Tribunal n’a d’autre choix que de privilégier ces analyses et conclusions plus rigoureuses, scientifiques et probantes que la preuve déposée par la Bénéficiaire. Pour les fenêtres et la porte patio, le Tribunal d’arbitrage reçoit les conclusions de la firme CIEBQ.
[41] Suivant ce qui précède de manière générale et aussi selon les recommandations de l’expertise, le Tribunal rend donc une décision partagée pour ce Point n° 02 : INFILTRATION D’AIR AUX DIFFÉRENTES OUVERTURES. Si on ne peut imputer ni au fabricant de la fenêtre du sous-sol (Réf. AT-13), ni à son installation les infiltrations qui seraient attribuables à une usure « normale », il en est autrement pour ce qui est de la fenêtre du salon (Réf. AT-16 et AT-17). Cette fenêtre montre des signes évidents d’une problématique d’isolation et d’étanchéité. Le Tribunal exige donc de l’Entrepreneur qu’il procède dans un délai de 45 jours de la signification des présentes, aux travaux correctifs d’isolation / d’étanchéité de la fenêtre du salon. Pour les autres fenêtres et la porte patio, le Tribunal d’arbitrage maintient la Décision de l’Administrateur.
Point n° 04 : INFILTRATION D’EAU AU SOUS-SOL
[42] Il y a bien eu une infiltration d’eau dans le sous-sol de la Bénéficiaire entre le moment de la prise de possession (le 18 août 2014) et le 10 septembre 2014, date de l’échange de courriels entre la Bénéficiaire et la représentante de l’Entrepreneur (Pièce E-01). Tous s’entendent là-dessus.
[43] Cependant, il est de mon avis que la Bénéficiaire n’a pas su démontrer / prouver selon la prépondérance de la preuve, que cet événement pouvait être attribuable à quelque malfaçon ou vice de construction. De fait, autre qu’avoir exprimé son incompréhension de la situation et ses inquiétudes quant à une potentielle réplique de l’événement, la Bénéficiaire n’a présenté aucune preuve, constat, analyse, document soutenant que cette situation devrait être couverte par le Plan de Garantie des maisons neuves de la RBQ.
[44] La Bénéficiaire confirme aussi, qu’au meilleur de sa connaissance, la situation ne s’est jamais reproduite depuis l’automne 2014. Elle confirme de plus qu’aucune trace visible, ou olfactive (signes qui pourraient traduire des problématiques en regard de l’événement analysé tel que survenu à l’automne 2014) n’a pu être constaté à quelque période que ce soit.
[45] En contrepartie, nous avons dans un premier temps la certification que la problématique ne provient pas d’un problème de fondations par la confirmation du Groupe Soltec (Experts en fondation) à propos de l’intégrité des fondations. En plus de cette confirmation, une partie du mandat d’expertise confié à la firme CIEBQ consistait à faire des observations et recommandations en regard avec de potentiels problèmes liés à l’infiltration datant de 2014. Au chapitre VI de leur document d’expertise (Pièce E-02), CIEBQ, mentionne avoir limité son intervention à une inspection visuelle des lieux (limitée par la température extérieure au moment de l’investigation). Malgré les limitations de leurs interventions, la firme d’Experts mentionne tout de même n’avoir rien décelé d’anormal lors de leur visite des lieux.
[46] L’inspecteur de l’Administrateur quant à lui, mentionne qu’il a une longue et vaste expérience dans le suivi d’après construction et qu’il a vu un grand nombre de projets où des infiltrations avaient causé des problèmes aux matériaux en plus d’avoir causé des problèmes de moisissure à divers niveaux. Il mentionne avoir apporté ses équipements de mesure d’humidité des matériaux lors de sa visite de février 2017, mais ne même pas les avoir sortis tant les matériaux avaient l’air en très bon état. Il mentionne aussi « avoir le nez » pour sentir les problèmes de moisissure. Il mentionne que lorsque présente, la moisissure a une odeur très caractéristique et facile à identifier. Mais encore une fois, il mentionne ne rien avoir remarqué lors de l’inspection.
[47] Étant donné l’insuffisance de preuve quant à quelque malfaçon que ce soit, ou toute déficience des matériaux ou même de méthode de pose, considérant de plus le très faible facteur de récidive potentielle, le tout combiné à l’avis professionnel de trois experts différents, le Tribunal d’arbitrage en vient à la conclusion que la Décision de l’Administrateur doit être maintenue et rejette donc ce Point n° 04 : INFILTRATION D’EAU AU SOUS-SOL de la demande de la Bénéficiaire.
POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
PREND ACTE du désistement explicite de la Bénéficiaire en référence au Point n° 01 - CONDENSATION AUX FENÊTRES.
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ACCUEILLE PARTIELLEMENT la demande de la Bénéficiaire pour le Point n° 02 : INFILTRATION D’AIR AUX DIFFÉRENTES OUVERTURES et ordonne à l’Entrepreneur de procéder dans un délai de 45 jours aux travaux correctifs d’isolation / d’étanchéité à la fenêtre du salon.
REJETTE la demande de la Bénéficiaire pour les « autres » ouvertures du Point n° 02 : INFILTRATION D’AIR AUX DIFFÉRENTES OUVERTURES.
REJETTE la demande de la Bénéficiaire pour le Point n° 04 : INFILTRATION D’EAU AU SOUS-SOL.
ORDONNE à l’Administrateur de payer les frais d’arbitrage.
EN FOI DE QUOI, j’ai signé 14 juin 2018.
Claude Prud’Homme
M. Claude Prud’Homme, ing., LL.M.
Arbitre / GAJD