(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC)
No dossier CCAC : S15-010501-NP
No dossier Garantie : 64187-5851
Date: 17 août 2015
ENTRE: Sylvie Clatagirone
(ci-après « la Bénéficiaire»)
ET
Place Clé D'Or inc.
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET :
La Garantie Habitation du Québec
(ci-après « l’Administrateur »)
L'Arbitre : Me France Desjardins
Pour la Bénéficiaire : Madame Sylvie Caltagirone
Pour l’Entrepreneur : Madame Lyzian Bertrand
Pour l’Administrateur : Me François-Olivier Godin
Monsieur Richard Massé
Mandat
Le Tribunal est saisi d’une demande d’arbitrage par nomination du CCAC en date du 12 mars 2015 en conformité du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le Règlement)[1]
Historique et pièces
3 septembre 2009 |
Enregistrement d'unité domiciliaire non vendue |
Avril 2010 |
Achat accompagné accompagn |
Non daté |
Formulaire inspection préréception
|
9 juin 2010 |
Lettre de confirmation d'enregistrement à la Bénéficiaire |
26 juin 2013 |
Dénonciation à l'Administrateur |
18 octobre 2013 |
Échange de courriels entre la Bénéficiaire et QH |
20 juin 2014 |
Lettre de rélamation à l'Entrepreneur et à l'Administrateur Demande d'arbitrage des Bénéficiaires |
9 octobre 2014 Inspection de l'Administrateur
4 décembre 2014 Décision de l'Administrateur
5 janvier 2015 Demande d'arbitrage
12 mars 2015 Nomination de l'Arbitre
15 mai 2015 Conférence préparatoire téléphonique (remise)
25 mai 2015 Conférence préparatoire téléphonique
3 juillet 2015 Audition
17 juillet Délibéré
LES FAITS
[1] Selon la preuve soumise à l'audition, en avril 2010, la Bénéficiaire achète via un agent d'immeuble, une propriété unifamiliale construite par l'Entrepreneur sur la rue A à Laval. Cette unité domiciliaire avait été enregistrée comme non vendue auprès de La Garantie Qualité Habitation en septembre 2009. Selon la preuve, la Bénéficiaire prend possession de sa résidence vers le 19 mai 2010.
[2] Le 9 juin 2010, La GarantiQualité Habitation adresse à la Bénéficiaire une lettre de confirmation de l'enregistrement de sa propriété au Plan de Garantie en lui rappelant l'importance de signer conointement avec l'entrepreneur un formlulaire 'Inspection - Préréception'. Un tel formulaire, ne portant aucune date, a été signé par les parties et déposé au dossier par l'Administrateur.
[3] En juillet 2010, la Bénéficiaire constate que des joints de céramique craquent. Au printemps 2011, l'Entrepreneur refait les joints qui ont craqué de nouveau. L'Entrepreneur remplace donc 8 céramiques. En 2013, le problème est toujours présent. Selon les informations reçues d'experts consultés, la Bénéficiaire soupçonne un problème de structure et dénonce ainsi la situation à l'Administrateur le 19 juin 2013. Le 17 octobre 2013, la Bénéficiaire s'adresse par courriel à madame Isabelle Kenney, adjointe aux réclamations à Qualité Habitation, pour déposer une plainte contre l'Entrepreneur, ce à quoi madame Kenney répond 'Si vous voulez ouvrir le dossier, veuillez retourner le formulaire déjà envoyé'.
[4] Le 20 juin 2014, la Bénéficiaire adresse une mise en demeure à l'Entrepreneur, dont elle transmet copie à l'Administrateur. Ce dernier visite les lieux le 9 octobre 2014 et rend une décision le 4 décembre suivant, rejetant la réclamation comme tardive au motif que la situation a été dénoncée plus de 24 mois suivant la prise de connaissance.
LA PREUVE ET L'ARGUMENTATION
[5] Lors de la conférence préparaoire téléphonique qui s'est tenue le 25 mai 2015, il a été établi que l'Arbitre ne se prononcerait pas sur le mérite de la réclamation mais uniquement sur le bien-fondé de la décision de l'Administrateur qui rejette la réclamation comme tardive.
[6] L’audition s’est tenue le 3 juillet 2015 au Palais de Justice de Laval. En début d’audition, le dossier est constitué des pièces A-1 à A-8 déposées par l’Administrateur avant l'audition conformément au Règlement. Le dossier contient également des documens transmis en liasse par la Bénéficiaire avant l'audition. Il s'agit de photos du dessous du plancher, d'une estimation pour refaire le plancher ainsi qu'un document intitulé 'Exigences pour la préparation des supports - système d'installation de carreaux et de pierres', produit par MAPEI.
[7] Lors de l'audition, l'Arbitre note l'absence de preuve de contrats intervenus entre la Bénéficiaire et l'Entrepreneur. L'Administrateur confirme que sondossier ne contient pas de contrat de garantie ni d'acte de vente de la propriété. L'Entrepreneur affirme qu'un tel contat est toujours signé entre les parties alors que la Bénéficiaire soutient avoir signé un tel contrat.
[8] En regard de l'objet du litige, la Bénéficiaire explique que le problème est apparu dès juillet 2010, qu'elle aurait transmis une dénonciation à l'Administrateur en 2011, que l'Entrepreneur a refait les joints en 2011 et remplacé des céramiques en 2013. Comme le problème persistait, elle s'est adressée à l'Administrateur. Selon elle, l'inspecteur Massé ne voulait pas vérifier sous le plancher à l'endroit qu'elle lui désignait lors de la visite des lieux. La Bénéficiaire témoigne avoir fait venir des experts qui lui ont tous dit que le plancher est cloué pluôt que vissé. Elle réfère aux photos déposées avant l'audition.. Enfin, la Bénéficiaire indique que les tuiles bougent et rebondissent quand on marche dans la cuiine et la salle d'eau.
[9] En contre-interrogatoire, la Bénéficiaire précise qu'après l'inspection, elle aurait appris que le nombre de pouces entre les poutrelles ne serait pas adéquat. Questionnée par le procureur de l'Administrateur sur les raisons pour lesquelles elle n'a pas déposé de plainte à l'Administrateur avant 2013, la Bénéficiaire répond qu'elle voulait régler à l'amiable. Invitée à préciser depuis quand le problème existe, la Bénéficiaire réfère à l'achat de la maison.
[10] Madame Lyzian Bertrand témoigne pour l'Entrepreneur. Relativement à la prétention de la Bénéficiaire quant à un problème de structure ou de conception, madame Bertrand indique que, si c'était le cas, le plancher craquerait partout. Elle ajoute que les poutrelles sont installées aux 16 à 19 pouces et rappelle que la Bénéficiaire était au courant de la situation dès la prise de possession de la maison.
[11] Contre-interrogée par la Bénéficiaire sur les raisons pour lesquelles l'Entrepreneur n'a pas fait le travail de vérification ou fait appel à un expert avant qu'une réclamation soit faite à l'Administrateur en 2013, madame Bertrand répond que l'Entrepreneur a remplacé les tuiles après les avoir cassées et avoir gratté. Elle ajoute que l'Entrepreneur détient une license de la Régie du bâtiment, qu'il a toujours la même façon de faire concernant les poutrelles et qu'il est en mesure de juger de la qualité de ses travaux.
[12] Monsieur Richard Massé témoigne pour l'Administrateur. Interogé par Me Godin, il explique que la première réclamation a été produite en juin 2013 mais qu'il n'a fait l'inspection qu'en octonbre 2014 parce que le formulaire de réclamation a été déposé plus tard. Interrogé sur les photos apparaissant à la page 5 de son rapport, monsieur Massé convient que celles-ci n'ont pas été prises sous le plancher de céramique car il voulait seulement voir l'appui et la fixation des poutrelles. Il ajoute qu'il n'a pas pu déterminer l'espacement des poutrelles, qu'il n'a constaté aucun dommage sous les sections concernées et pas de gauchissement dans la petite ouverture qu'il avait. Finalement, en marchant, il ne sentait pas de flexion. Invité à justifier les conclusions de sa décision, monsieur Massé indique avoir vu la dénonciation de juin 2013 mais pas celle de juin 2014. Il a conclu que la Bénéficiaire était au courant de la situation depuis 2010 ou au moins 2011. Elle n'a donc pas respecté le délai de 6 mois de la connaissance.
[13] Contre-interrogé par la Bénéficiaire sur l'identification du problème quand une céramique craque à répétition, monsieur Massé répond que cela peut être la juxtaposition des panneaux de contreplaqué ou les poutrelles mais dans le cas présent, il n'a pas été capable de le déterminer car il n.a pas vu. Il ajoute avoir demandé à la Bénéficiaire d'ouvrir les plafonds, ce qu'elle a refusé. Invité à décrire ce qu'il fait comme professionnel, monsieur Massé indique être mandaté pour appliquer le plan de garantie. Il ajoute que, dans le cas présent, vu la question du délai non respecté, il n'a pas cherché plus loin.
[14] En argumentation, la Bénéficiaire, madame Clatagirone, rappelle que depuis le début, elle s'arrangeait avec l'Entrepreneur parce qu'il y avait d'autres éléments à corriger. Elle ajoute que l'Entrepreneur est venu souvent et que les travaux ont été retardés par manque de disponibilité de celui-ci. La Bénéficiaire rappelle que le problème local a été reconnu et existe toujours aujourd'hui. Quant au problème sous le plancher, elle n'a pas voulu engager de frais par crainte de se faire dire plus tard que la réclamation est refusée.
[15] Madame Bertrand déclare comprendre la Bénéficiaire mais elle argue que le contrat de garantie est clair. Elle ajoute que la Bénéficiaire avait 6 mois pour dénoncer à la Garantie qui est là comme concliliateur au moment opportun et non 3 ou 4 ans plus tard.
[16] Me François-Olivier Godin plaide pour l'Administrateur que la Bénéficiaire a admis avoir reçu le contrat de garantie. Il argue que pour que la Bénéficiaire soit informée que son unité est enregistrée au Paln de garantie, il faut qu'ily ait eu un contrat de garantie. Le procureur réitère que la situation est connue depuis plusieurs années et même si on veut donner toutes les chances, il reste que la dénonciation est faite en 2013. Au soutien de ses prétentions, Me Godin dépose deux décisions[2]
[17] À la fin de l'auditon, la Bénéficiaire st autorisée à déposer des documents concernant les dénonciations et réclamaions adressées à l'Entrepreneur et l'Administrateur en 2011 ainsi que le contrat de garantie qu'elle aurait signé avec l'Entrepreneur. Comme convenu à l'audition, toutes les parties ont eu l'occasion de trasmettre leurs commentaires écrits à l'Arbitre, qui a pris le dossier en délibéré le 17 juillet 2015.
[18] À titre de contrat de garantie, la Bénéficiaire a, le 10 juillet 2015, transmis le formulaire d'inspection préréception du bâtiment. indique qu'elle croyait que le formulaire d'inspection préréception était le contrat de garantie. Elle rappelle qu'elle avait fait l'offre d'achat via le courtier immobilier madame St-Laurent. Elle conclut qu'il n'y pas pas de contrat signé avec l'Entrepreneur contenant les informations sur la garantie habitation comme le prétend la représentante de l'Entrepreneur, madame Lyzian Bertrand.
[19] Quant aux dénonciations, la Bénéficiaire a transmis une lettre datée le 10 février 2011 adressée à l'Entrepreneur portant l'inscription de copie conforme à Garantie Habitation sur laquelle apparaît une note manuscrite 'Remis à la Secrétaire 8:40am' ainsi qu'une lettre adressée le même jour à l'Administrateur, référant à la lettre remise à l'Entrepreneur, sur laquelle apparaissent des numéros de téléphone inscrits à la main. La Bénéficiaire a joint une lettre de dénonciation adressée à Qualité Habitation le 19 juin 2013 (déjà au dossier), une nouvelle lettre adressée à Qualité Habitation le 18 juin 2014(montrée aux autres parties lors de l'audition), la mise en demeure adressée à l'Entrepreneur le 20 juin 2014, avec copie à l'Administrateur (déjà au dossier), une preuve d'envoi recommandé à l'Entrepreneur le 23 juin 2014, le contrat de vente entre la Bénéficiaire et son ex-conjoint, qui fait d'elle l'unique propriétaire de la résidence.
[20] Le même jour, le procureur de l'Administrateur transmet ses premiers commentaires. Concernant la lettre de février 2011 déposée par la Bénéficiaire, il argue que celle-ci ne se retrouve pas dans les dossiers de la Garantie, Il ajoute qu'il n'y a aucune preuve de réception de cette lettre. De plus, il rappelle que, dans sa lettre du 18 juin 2014, Madame Caltagirone fait référence à 'une première réclamation datée du 19 juin 2013'. Il conclut que plusieurs questions demeurent sans réponse dans ce dossier. À ce sujet, le procureur demande à l'Entrepreneur de produire le contrat s'il est en sa possession.
[21] Le 17 juillet, madame Lyzian Bertrand adressait les arguments suivants. Elle n'a pas trouvé le contrat de garantie dans les dossiers de l'Entrepreneur mais selon ses prétentions, la lettre de Qualité Habitation adressée à la Bénéficiaire pour confirmer l'enregistrement de sa propriété au Plan de garantie fait preuve puisque cette lettre est transmise lorsque l'Entrepeneur fait parvenir le contrat préliminaire et de garantie. La représentante de l'Entrepreneur argue que la Bénéficiaire connaissait le plan de garantie puisqu'elle a fait une réclamation. Elle ajoute qu'en procédant à la concliiation, l'Administrateur a reconnu l'existence de la maison de la Bénéficiaire dans les dossiers de Qualité Habitation. Madame Bertrand conclut que la Bénéficiaire connaissait le problème depuis juillet 2010 et qu'elle a attendu en juin 2013 pour dénoncer, soit 3 ans plus tard.
[22] Le même jour, Me Godin adressait les arguments suivants. Concernant la lettre de février 2011, ajoutant aux commentaires déjà transmis, le procureur indique que la Bénéficiaire n'a pas produit d'accusé de réception de l'Administrateur. Il n'existe donc aucune preuve de dénonciaiton à l'Administrateur en 2011. Me Godin ajoute que la seule chose que cette lettre démontre, c'est la connaissance de la situation à cette époque.
[23] Quant à l'impact de la possible absence de contrat de garantie, le procureur soutient que ceci constitue un manquemant aux obligations de l'Entrepreneur permettant de lui opposer le non-respect d'un délai de recours mais que le législateur a prévu deux exceptions à cette règle: l'absence d'incidence sur le non-respect du délai et l'échéance du délai depuis plus d'un an. À cet effet, le procureur dépose une décision rendue par l'arbitre Alcide Fournier[3].
[24] Me Godin réfère au rapport de monsieur Massé qui fait état d'une dénonciaiton plus de 24 moins de la prise de connaissance. Il ajoute que considérant la lettre du 10 férier 2011, on peut conclure que la situation était connue depuis plus longtemps. Il souligne que la bénéficiaire connaissait forcément l'existence du plan de garantie malgré l'absence d'un contrat de garantie au dossier compte tenu du formulaire d'inspection préréception (A4) et la lettre confirmant l'accréditation de l'unité et la remise du livret de la RBQ (A5). Il argue enfin que l'article 19.1 du Règlement ne peut trouver application en l'espèce, le délai de dénonciation étant trop long.
[25] Enfin, par courriel transmis également le 17 juillet, la Bénéficiaire, madame Caltagirone, réplique commme suit. Elle ne savait pas qu'elle disposait de 6 mois pour faire une réclamation parce qu'elle n'a jamais reçu le contrat de garantie. Elle ajoute que ce contrat n'a jamais été signé avec l'Entrepreneur car l'achat a été effectué via un agent immobilier. La Bénéficiaire conclut sur ce point que si elle avait su, elle n'aurait pas attendu parce que l'Entrpreneur remettait sans cesse et reportait ses rendez-vous.
[26] Madame Caltagirone plaide ensuite que l'Administrateur devait recevoir une copie de ce contrat et s'interroge sur l'absence de suivi à ce sujet auprès des acheteurs ou l'Entrepreneu sans se responsabiliser, d'autant qu'elle avait complété un questionnaire de satisfaction sur le contracteur avec une note très faible. La Bénéficiaire conclut que l'Entrepreneur et l'Administrateur doivent être tenus responsables de l'absence de contrat. L'Entrepreneur connaissait l'existence de plusieurs déficiences depuis le début, y compris la céramique puisqu'il a réparé les joints dès 2011 et remplacé des céramiques en 2013,
L'ANALYSE ET LES MOTIFS
[27] Il importe de rappeler que le présent arbitrage se tient en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[4]. C’est donc sur les dispositions du Règlement que l’arbitre doit fonder sa décision.
[28] Pour une meilleure compréhension, il y a lieu de répertorier d’abord les dispositions légales et réglementaires qui encadrent les obligations des parties.
[29] En vertu de l’article 79.1 de la Loi sur le bâtiment[5] (ci-après la Loi), «l'entrepreneur est tenu de réparer tous les défauts de construction résultant de l'inexécution ou de l'exécution de travaux de construction couverts par le plan» de garantie auquel il a adhéré.
[30] De plus, pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d’accréditation, l’entrepreneur doit, conformément à l’article 78 du Règlement, signer la convention d’adhésion fournie par l’administrateur, comportant les engagements énumérés à l’annexe II du Règlement.
[31] Au surplus, les tribunaux ont établi le caractère d’ordre public (les parties ne peuvent y déroger, même par convention) du Règlement.. À cet effet, le Tribunal réfère notamment aux propos de l’Honorable Pierrette Rayle qui s’exprimait pour la Cour d’appel du Québec sur cette question:
Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.
L'appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir comme administrateur d'un plan de garantie approuvé. Elle s'oblige dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie.
Toutefois, cette obligation de caution n'est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle variera selon les circonstances factuelles(...)
La réclamation d'un bénéficiaire est soumise à une procédure impérative [6]
[32] Les dispositions pertinentes du Règlement en regard des travaux couverts par le plan de garantie sont les suivantes:
7. Un plan de garantie doit garantir l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section.
10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
1° le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
(Les soulignés sont de l’Arbitre)
[33] Tel qu’établi dès les premières lignes de l’article 10 du Règlement, tout vice ou malfaçon découvert après la réception du bâtiment donnera ouverture à l'application de la garantie. Toutefois, le Règlement impose des conditions préalables à l'application de la garantie à savoir: un délai de découverte du vice ou de la malfaçon et un délai de dénonciation de cette découverte.
[34] Par ailleurs, considérant l'absence de preuve de l'existence d'un contrat de garantie, le tribunal note l'article 19.1 du Règlement qui stipule:
19.1. Le non-respect d'un délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l'entrepreneur ou l'administrateur manque à ses obligations prévues aux articles 17, 17.1, 18, 66, 69.1, 132 à 137 et aux paragraphes 12, 13, 14 et 18 de l'annexe II, à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n'a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou que le délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d'un an.
Le non-respect d'un délai ne peut non plus être opposé au bénéficiaire, lorsque les circonstances permettent d'établir que le bénéficiaire a été amené à outrepasser ce délai suite aux représentations de l'entrepreneur ou de l'administrateur.
[35] L'une de ces obligations, pertinente au présent litige, est prévue à l'article 137 du Règlement qui impose à l''entrepreneur de 'remettre au bénéficiaire un double du contrat de garantie dûment signé et en transmettre une copie à l'administrateur'.
[36] C’est donc dans un contexte législatif et réglementaire bien encadré et d’ordre public, visant à assurer l’exécution de ses obligations par l’Entrepreneur, que le Tribunal doit analyser la demande d’arbitrage.
[37] Les tribunaux ont été appelés à se prononcer à de nombreuses reprises sur la nature et le délai de la dénonciation prescrits à l'article 10 du Règleme. Il s'agit d'un délai de rigueur dont le non-respect emporte forclusion. À cet égard, le Tribunal réfère aux propos de l'arbitre Me Michel Jeanniot dans l'affaire Paul et Brigit Nagy c. 6061711 Canada Inc. et La garantie des maisons neuves de l'APCHQ Inc.[7]
'La dénonciation écrite à l'administrateur de la garantie ayant été faite plus de six(6) mois après l'occurrence ou la ré-occurrence des problèmes leur est fatal. La dénonciation prévue à l'article 10 du Règlement, se doit d'être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de six (6) mois prévu au même article est un
délai qui fut décidé, en est un de déchéance et si ce délai n'est pas respecté, le droit des Bénéficiaires à la couverture du Plan de garantie visé et le droit à l'arbitrage qu'il peut en découler sont respectivement éteints';
[38] En l'espèce, la Bénéficiaire allègue que le délai de dénonciation ne devrait commencer à courir qu'à compter du moment où elle a pu soupçonner que les infiltrations seraient récurrentes en raison du niveau de la nappe phréatique A cet égard, son procureur plaide avec insistance que chacune des 5 inondations subies étaient des événements uniques et explicables par opposition à la notion de répétition que la Bénéficiaire n'a pu suspecter qu'en 2012.
[39] Avant d'analyser la question en litige, le Tribunal souligne qu'à moins de conclure que la Bénéficiaire était justifiée de ne pas dénoncer l'inondation survenue le en 2010, il n'aura pas à s'interroger sur la date de la découverte au sens de l'article 10, paragraphes 4 et 5, ni de qualifier le vice de caché ou majeur. au sens de ces dispositions.
[40] Le procureur de la Bénéficiaire étaye d'abord son argumentation sur l'article 1739 du Code civil du Québec qui se lit comme suit:
1739. L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.
Le vendeur ne peut se prévaloir d'une dénonciation tardive de l'acheteur s'il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice.
ainsi que sur une décision rendue par M. Claude Dupuis[8] qui opine que, quoique les termes utilisés aux paragraphes 4 et 5 de l'article 10 soient différents, en cas de vice majeur, on se doit d'observer les mêmes règles que pour un vice caché et référer à la notion de 'découverte' de l'article 1739 du Code civil du Québec.
[41] Le Tribunal note que, tant pour les vices majeurs que les vices cachés, les textes législatifs ou réglementaires établissent clairement la règle générale du délai raisonnable et maximal de 6 mois à compter de la découverte du vice à moins qu'il ne s'agisse d'un vice qui apparaît graduellement.
[42] De l'avis du Tribunal et malgré les efforts du procureur de la Bénéficiaire à faire valoir ses prétentions, les faits en l'instance ne supportent pas son argumentation.
[43] Or, il ressort clairement de la preuve que la Bénéficiaire connaissait le problème de joints et de craquements dès les premiers mois suivant la réception de la maison. il appert documents celle-ci n'a jamais nié
[44]
[45] En effet, dès l'achat de la propriété en 2008 jusqu'à la dénonciation en 2012, la Bénéficiaire a subi 6 infiltrations d'eau qu'elle a attribuées en grande partie à la malchance (non fonctionnalité de la pompe en 2008, panne d'électricité et éclatement de la piscine de son voisin en avril 2011, orages et mauvais fonctionnement des puisards et canalisation de la rue sous la responsabilité de la municipalité en mai 2011). La Bénéficiaire plaide la diligence à chaque occasion.
[46] Toutefois, selon la preuve faite à l'audience, au moment de l'achat de la propriété en 2008, le courtier qui agissait pour l'Entrepreneur a informé la Bénéficiaire de la présence d'ocre ferreuse en lui montrant l'eau orangée dans le bassin de captation.
[47] Puis, un mois après la réception du bâtiment, une première inondation s'est produite. On ne peut reprocher ici à la Bénéficiaire son inaction puisqu'elle a communiqué avec l'Entrepreneur qui a changé la pompe non fonctionnelle et a ajouté une alarme d'eau, laissant ainsi présager d'autres inondations.
[48] Lors de la deuxième infiltration en 2010, alors que l'eau pénètre au niveau du sol et la pompe est fonctionnelle, la Bénéficiaire est informée par le plombier mandaté par ses assureurs que les drains sont colmatés d'ocre ferreuse. La Bénéficiaire fait même installer des cheminées pour nettoyer les drains régulièrement et ajoute une pompe hydraulique.
[49] C'est l'événement que l'Administrateur a considéré être le point de départ du délai de dénonciation, ce que la Bénéficiaire conteste.
[50] À l'audience, l'expert de la Bénéficiaire, monsieur Guertin, a témoigné à l'effet que l'ocre ferreuse ne constitue pas en soi un vice et que la Bénéficiaire avait pris les mesures pour régler le problème de l'ocre ferreuse en 2010. Il est vrai, tel qu'établi par la jurisprudence[9], que la seule présence de l'ocre ferreuse ne donnera pas automatiquement lieu à l'application de la garantie si aucune infiltration d'eau ne s'est produite ou aucune humidité excessive n'a été notée, la décision des arbitres ne pouvait se fonder sur une hypothèse ou appréhension d'un problème. En l'instance toutefois, il y a bel et bien eu inondation et la Bénéficiaire a été informée d'un problème assez important pour susciter des interventions substantielles au bâtiment.
[51] Pour justifier son délai à agir, la Bénéficiaire, soulève son impossibilité à détecter l'existence d'un vice avant 2012 et son incapacité à identifier la cause du vice pour le dénoncer à l'Entrepreneur et l'Administrateur.
[52] Au soutien de ses prétentions, son procureur a produit un extrait d'un texte de doctrine intitulé La Garantie de qualité du vendeur en droit québécois dans lequel, interprétant l'article 1739 du Code civil du Québe, l'auteur Me Jeffrey Edwards écrit:[10]
'La connaissance du vice peut survenir, suivant les circonstances, uniquement lors de la communication du vice par un expert........
Or le vice peut apparaître de manière progressive. Ses premières manifestations paraissent alors anodines et peuvent tout autant être imputées à des phénomènes normaux. L'existence du vice ne se confirme qu'après des signes plus révélateurs.'
[53] Le Tribunal est d'avis que les faits ne lui permettent pas de retenir cet argument. Le Tribunal partage plutôt l'argumentation à l'effet que l'inondation relève du constat ponctuel et immédiat plutôt que progressif ou graduel, comme pourraient l'être par exemple la dégradation d'un plancher, l'affaissement d'une résidence ou le gondolement d'une toiture, toutes situations auxquelles référent certaines décisions arbitrales produites par la Bénéficiaire.[11]
[54] À ce égard, le Tribunal retient, parmi de nombreuses décisions au même effet, les propos des arbitres Me Albert Zoltowski[12] dans l'affaire Chantal Daigneault et Peter Jones c. Les Constructions Yves Brunette inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc, produite par l'Administrateur:
Selon la preuve soumise, le tribunal estime que dès juillet 2006, les Bénéficiaires avaient un soupçpn suffisant de la gravité et de l'étendue des problèmes liés au revêtement vinyle sur les façades arrière et latérale gauche de leur résidence pour qu'ils appellent l'Entrepreneur et lui demandent de procéder aux réparations nécessaires.
Leur soupçon était suffisant pour marquer la date de leur découverte du vice, laquelle correspond au début du délai de six mois pour les fins de la dénonciation écrite à l’Entrepreneur et à l’Administrateur même si à cette date, soit en juillet 2006, ils n’avaient pas encore une bonne connaissance de toute la gravité et de toute l’étendue des problèmes précités. Ils n’ont acquis cette connaissance que beaucoup plus tard, soit lors de l’inspection par l’íngénieur Guertin en mars 2009.
Le tribunal vient donc à la conclusion que le délai de dénonciation a commencé à courir en juillet 2006.
et Me Lydia Milazzo dans l'affaire Debbie Basdravalas et Mourad Abada c, 9114-4477 Québec inc. et La Garantie Qualité Habitation inc[13]
Dans les circonstances du présent dossier, le tribunal considère que le point de départ du calcul du délai de dénonciation prévu au Règlement se situe au moment que les Bénéficiaires ont été avisé par un ouvrier que leurs planchers étaient coffrés : en hiver 2010-2011
(Les soulignés sont de l'Arbitre)
[55] Quant à son impossibilité à dénoncer un vice qu'elle ne connaissait pas avant 2012, la Bénéficiaire appuie ses prétentions sur un jugement rendu en matière civile par l'Honorable Suzanne Mireault de la Cour Supérieure qui suggère que 'les inondations ne sont pas un vice mais une conséquence du vice'[14]. Or comme l'a énoncé l'arbitre Me Jean-Philippe Ewart dans une sentence arbitrale[15] déposée par l'Administrateur, le contenu de la dénonciation se distingue de la mise en demeure en regard de leurs exigences :
Le Bénéficiaire par son plaidoyer soulève la question du contenu de la dénonciation; la cause du vice se doit-elle d’être spécifiquement indiquée à la dénonciation? L’ensemble des éléments ci-dessus nous dirige à considérer qu’il n’est pas nécessaire dans le cadre de la dénonciation de déterminer le détail du vice à un point aussi avancé que dans le cadre d’une mise en demeure et encore plus dans le cadre de l’institution d’une action judiciaire.
[56] La décision rendue par l'arbitre Me Karine Poulin dans l'affaire Hélène Parent c.Construction Yvon Loiselle et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCQ inc[16] est particulièrement intéressante en regard des prétentions de la Bénéficiaire. Je crois utile de rapporter ses propos:.
La jurisprudence est constante à l’effet que c’est la connaissance de l’existence d’un problème qui déclenche l’obligation de dénonciation. Prétendre que la Bénéficiaire devait connaître la nature du vice, i.e. procéder à toutes les analyses et expertises requises pour confirmer la nature du vice affectant sa propriété avant de le dénoncer à l’Entrepreneur avec copie à l’Administrateur serait lui imposer un trop lourd fardeau.
D’ailleurs, si tel devait être l’interprétation du Règlement, il y a longtemps que l’Administrateur aurait soulevé ce point afin de faire échec à des dénonciations qui pourraient être considérées comme prématurées.
Par conséquent, j’estime que ce que devait dénoncer la Bénéficiaire à l’Entrepreneur avec copie à l’Administrateur c’est l’existence d’un problème, quel qu’il soit.
[57] Faisant siennes ces conclusions, le Tribunal estime difficile de croire que la Bénéficiaire n'a pas suspecté un problème en mars 2010. L'événement et les constats qui en ont découlé étaient suffisamment sérieux pour constituer le point de départ du délai de dénonciation.
[58] Décider autrement serait faire fi de l'esprit du Règlement. En effet, tel qu’exprimé par l'arbitre Me Joanne Despatis dans l’affaire EkramBessadok et Anis Farhat c. Groupe Axxco Inc. et la garantie Qualité habitation :
La raison d’être de dispositions exigeant, sous peine d’irrecevabilité, que la dénonciation d’un vice soit faite à l’intérieur d’un délai ferme, est notamment de permettre à l’Administrateur qui s’est engagé à cautionner certaines obligations de l’Entrepreneur, de prévenir une dégradation plus importante du bien affecté en lui fournissant l’occasion de le corriger s’il le désire.
[59] En l'espèce, cette analyse prend tout son sens. La preuve a démontré qu'il y a eu dégradation notable, tel qu'exposé par la Bénéficiaire à l'audience: ainsi, le sous-sol est complètement dénudé de tout revêtement, le taux d'humidité y est maintenant excessif, la dalle craque et le béton est de couleur les planchers ont soulevé.
[60] Au surplus, il ressort du témoignage et du rapport produits par l'expert Guertin qu'une panoplie de correctifs peuvent être apportés aux bâtiments existants afin d'atténuer les symptômes de l'ocre ferreuse selon l'emplacement. Ils peuvent notamment nécessiter: la modification de la pente du terrain, le scellement à la jonction du mur de béton et de la dalle de béton, l'installation de cheminées de nettoyage, le drainage sous la dalle, l'installation d'un enduit hydrofuge, la pose d'une membrane d'étanchéité, le rehaussement de la dalle du sous-sol, la contamination du sous-sol (cas extrêmes).[17] Or, la Bénéficiaire plaide diligence alors que seules des cheminées ont été installées.
[61] À l'audience, le procureur de la Bénéficiaire a longuement contre-interrogé l'inspecteur-conciliateur monsieur Berthiaume, pour savoir s'il se serait satisfait du diagnostic posé par les assureurs de la Bénéficiaire ou pour connaître les interventions qu'il aurait faites sur le bâtiment en 2010 s'il avait alors procédé à son inspection. Avec respect, ce qu'il aurait fait ne relève que de suppositions. Ce qui importe, c'est ce que l'Administrateur aurait pu faire entre 2010 et 2012 pour prévenir la détérioration et surtout pour régler le problème puisque c'est à lui qu'il incombe d'en identifier la cause parmi une multitude de possibilités.
[62] Le procureur de la Bénéficiaire a laissé entendre que l'inspecteur-conciliateur cherchait davantage à protéger l'Administrateur que la Bénéficiaire en invoquant qu'il faut dénoncer un problème dès qu'il se présente. Avec égard et quoique le Tribunal convienne que le plan de garantie vise à protéger les consommateurs, cela ne dégage pas le Bénéficiaire des obligations que lui impose le Règlement de dénoncer un problème dans les délais prescrits pour ainsi permettre à l'Administrateur, à titre de caution d'intervenir le plus rapidement possible.
[63] Le Tribunal estime que le procureur de la Bénéficiaire a utilisé son propre cas à la défense du comportement de la Bénéficiaire. En effet, dans l'affaire qui le met en cause et qu'il a déposée au soutien de son argumentation, le procureur s'est vu refuser le dépôt d'une expertise additionnelle en cours d'instance, celui-ci ayant appris lors d'une première audition, que la résidence pourrait être construite sous le niveau de la nappe phréatique. Le procureur interprète la décision rendue dans son dossier comme imposant au Bénéficiaire l'obligation d'identifier la cause du vice.
[64] Avec respect, la décision citée conclut simplement que le niveau de la nappe phréatique constitue un problème différent de celui qui a été dénoncé, soit la pente négative du drain français dénoncée et sur laquelle portait la décision de l'Administrateur. Par conséquent, le Bénéficiaire devait déposer une autre réclamation pour permettre à l'Administrateur de se prononcer plutôt que de tenter d'introduire un nouveau problème au moyen d'une expertise additionnelle.
[65] Après analyse de toute la preuve soumise par les parties, le droit et la jurisprudence applicables, malgré toute la sympathie que le Tribunal peut ressentir pour la Bénéficiaire lourdement éprouvée par les inondations subies à chaque année, il est manifeste que la découverte au sens de l'article 10 du Règlement correspond à la date où la Bénéficiaire a, en mars 2010, été informée par un plombier de la présence de drains colmatés par l'ocre ferreuse.
[66] Quoique la Bénéficiaire ne l'ait pas invoquée, le Tribunal s'est demandé si l'équité à laquelle l'arbitre peut faire appel dans certaines circonstances[18] pourrait lui permettre d'atténuer les conséquences de ce constat. . Après analyse, le Tribunal en vient à la conclusion qu'en présence d'un délai de déchéance, il ne peut recourir à l'équité. À cet égard, le Tribunal retient les propos suivants de l'arbitre Me Reynald Poulin.:
'Ainsi, tel que l'avait exprimé la jurisprudence arbitrale majoritaire et confirmé récemment par l'arbitre Jean Philippe Ewart dans les affaires Danesh et Apollonatos-Karounis, le délai maximal de dénonciation écrite en matière de vices prévu à l'article 2118 du Code civil du Québec constitue un délai de déchéance par application des règles de droit et ne peut, par conséquent, être modifié, par l'application de la règle d'équité. Si tel était le cas, l'arbitre ferait fi des règles de droit et ignorerait son rôle de décider dans le respect du cadre législatif qui est imposé. Dans le cas contraire, la décision arbitrale deviendrait tributaire d'une discrétion, basée sur l'application de la règle d'équité, qui risquerait d'être créatrice de droits et/ou d'obligations non spécifiquement prévus à la législation ni non plus par les parties au contrat de garantie qui intervient dans ce genre de dossier. Au surplus, si l'arbitre soussigné pouvait appliquer la règle d'équité en l'instance, ce qu'il ne peut pas pour les motifs exposés précédemment, ce contrat liant les parties (contrat de garantie pièce A-1) devrait être, de toute évidence, considéré. En effet, les parties à ce contrat ont reconnu avoir lu, compris et accepté toutes et chacune des clauses apparaissant à celui-ci et se sont engagées à les respecter. Une décision arbitrale qui aurait pour effet de changer les termes de ce contrat irait à l'encontre de la volonté déclarée des signataires.[19]
[67] Par ailleurs, quoique la Bénéficiaire n'ait fait aucune représentation à ce sujet, il ressort, tant de la preuve documentaire au dossier que de la preuve testimoniale, que les parties n'on pas complété le formulaire pré-réception du bâtiment et le bâtiment n'a pas été enregistré auprès de l'Administrateur de la garantie, l'Entrepreneur contrevenant ainsi à ses obligation et engagement suivants:
17. Chaque bâtiment visé par la garantie doit être inspecté avant la réception. Cette inspection doit être effectuée conjointement par l'entrepreneur et le bénéficiaire à partir d'une liste préétablie d'éléments à vérifier fournie par l'administrateur et adaptée à chaque catégorie de bâtiments. Le bénéficiaire peut être assisté par une personne de son choix.
L'inspection doit être différée lorsque la réception du bâtiment intervient après la fin des travaux.
137. L'entrepreneur doit remettre au bénéficiaire un double du contrat de garantie dûment signé et en transmettre une copie à l'administrateur.
Annnexe II
L'entrepreneur s'engage
18e à mettre en place s'il y a lieu, toutes les mesures nécessaires pour assurer la conservation du bâtiment ou à rembourser le bénéficiaire lorsque de telles mesures ont dû être mises en place de façon urgente par ce dernier;
[68] La preuve n'a d'autre part pas permis d'établir si l'Administrateur caution de l'Entrepreneur, a respecté ses obligations lorsque la Bénéficiaire a communiqué avec lui en juin 2011.
69.1. L'administrateur doit transmettre au bénéficiaire, dès la réception de la demande d'enregistrement du bâtiment ou, dès que le bénéficiaire est connu, le document explicatif sur l'application du présent règlement préparé par la Régie.
[69] Or, en vertu de l'article 19.1 du Règlement, le 'non-respect d'un délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l'entrepreneur ou l'administrateur manque à ses obligations' prévues au Règlement, dont celles prévues aux articles 17, 137 et 69.1.
[70] En application de ces dispositions, le Tribunal pourrait s'autoriser de l'équité pour dégager la Bénéficiaire des conséquences du non-respect du délai de dénonciation. Qui plus est, sur un plan plus factuel, la Bénéficiaire a, selon la preuve non contredite, été mal orientée tant par l'Entrepreneur que l'Administrateur. L'Entrepreneur a, dès la première inondation en 2008 , dirigé la Bénéficiaire vers ses assureurs alors même qu'il a, sans en expliquer les raisons, remplacé la pompe submersible et ajouté une alarme d'eau. En 2011, l'Administrateur aurait informé la Bénéficiaire que le délai de dénonciation en regard de la présence d'ocre ferreuse était expiré et l'aurait aiguillée vers les tribunaux civils.
[71] Quoique le Tribunal déplore ces interventions inadéquates de l'Entrepreneur et de l'Administrateur, le Tribunal ne les juge pas suffisamment sérieuses pour excuser l'inaction de la Bénéficiaire lors de la découverte initiale du problème de drains colmatés par l'ocre ferreuse en 2010, d'autant que la Bénéficiaire, a, à l'audience, reconnu avoir signé et bien lu le contrat de garantie qui porte sa signature en date du 16 février 2008.
[72] En regard de la décision rendue en mars 2013 et faisant l'objet du présent litige, la Bénéficiaire n'a pas non plus formellement contesté la date de réception du bâtiment, ni dans les documents transmis à l'Administrateur, ni lors de l'audition même. Au contraire, son témoignage à l'audience confirme plutôt la réception au 30 mai 2008.
[73] En conséquence de ce qui précède, le Tribunal conclut que la dénonciation ne respecte pas le délai de six (6) mois prescrit par le Règlement et que l'Administrateur était justifié de soulever ce moyen d'irrecevabilité.
[74] La Bénéficiaire réclame les frais d’expertise encourus pour les services professionnels de la firme ProspecPlus Conseils inc, (6 323,63$) et la présence à l’audience de monsieur Claude Guertin (799,08$ ). La somme des deux comptes représente un montant de 7 122,71$.
[75] Sur le mérite de la demande de remboursement des frais d'expertise, l'article 124 du Règlement stipule:
124. L'arbitre doit statuer, s'il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.
[76] Cette disposition du Règlement établit trois critères de recevabilité au remboursement des frais d’expertise engagés par le bénéficiaire. Il doit avoir gain de cause, les frais réclamés doivent être raisonnables par rapport à la nature du problème et l’expertise doit avoir été utile.
[77] En l'espèce, la Bénéficiaire n'a pas eu gain de cause mais le Tribunal croit juste de faire appel à l'équité comme le lui permet l'article 116 du Règlement pour accorder une partie des frais qu'elle a en quelque sorte été incitée à encourir pour faire valoir ses prétentions à l'encontre de la décision de l'Administrateur.
[78] C'est d'autant plus justifié que, tant l'Entrepreneur que l'Administrateur ont dirigé la Bénéficiaire vers d'autres intervenants ou instances que celles qui ont la responsabilité d'appliquer la réglementation sur le plan de garantie.
[79] Quoique ces faits ne soient pas de nature suffisante pour dégager la Bénéficiaire des conséquences du non-respect d'un délai de déchéance, il y a lieu d'en tenir compte pour partager la responsabilité des coûts qu'elle a défrayés.
[80] Cela étant, il y a lieu de considérer la pertinence eu égard à la nature du litige. La Bénéficiaire a jugé utile de procéder à des expertises pour identifier la cause des infiltrations récurrentes au sous-sol de sa résidence. L'Administrateur, a plaidé l'inutilité de l'expertise eu égard au débat limité au moyen d'irrecevabilité qu'il a soulevé pour rejeter la réclamation.
[81] En regard de la pertinence théorique de l'expertise aux fins du litige limité à la question des délais de dénonciation, le Tribunal partage la position de l'Administrateur sous réserve toutefois des commentaires précités quant au comportement de l'Entrepreneur et de l'Administrateur.
[82] De l’avis du Tribunal cependant, le rapport a été utile à la compréhension des positions respectives des parties. De plus, quoique l'Administrateur ait préalablement indiqué que le problème aurait été reconnu n'eut délai de dénonciation non respecté, l'expertise a permis de saisir l'étendue du problème en regard de la nappe phréatique. Le témoignage de l’expert à l’audience a permis la tenue d'échanges explicatifs sur les problèmes potentiels et les correctifs possibles.
[83] Il y a cependant lieu de tenir compte du fait que l'Administrateur a admis le rapport d'expertise, contribuant ainsi à limiter la durée de l'audience et, par conséquent, les coûts à cette étape des procédures.
[84] En ce qui concerne la raisonnabilité des frais d’expertise, le Tribunal n’a aucun motif pour remettre en cause le montant total des frais réclamés tel qu’établi.
[85] Dans les circonstances particulières du dossier et s'autorisant de l'article 116 du Règlement, il y a donc lieu de faire droit en partie à la demande de la Bénéficiaire et d’ordonner le remboursement par l’Administrateur de 30% des frais totaux réclamés, soit un montant de 2 136.81$.
LA DÉCISION
[86] Le Tribunal d'arbitrage doit statuer «conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient».[20] Sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel.[21]
[87] En vertu de l’article 123 du Règlement, l’arbitre doit départager les coûts de l’arbitrage.
123. Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
[88] Considérant l’ensemble du dossier et ses commentaires précédents quant à la responsabilitlé des partiee, les frais d’arbitrage sont partagés entre le Bénéficiaire pour un montant de 25,00$ et l’Administrateur pour la balance.
POUR LES MOTIFS EXPOSÉS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande d’arbitrage
MAINTIENT la décision de l'Administrateur
ACCUEILLE EN PARTIE la demande de la Bénéficiaire de rembourser ses frais d’expertise et en limite le montant à 2 136,81$
CONDAMNE la Bénéficiaire à payer vingt cinq dollars (25$) des frais d’arbitrage et l’Administrateur pour la balance.
LE TOUT sans préjudice et sous réserve des recours appropriés que le bénéficiaire pourrait porter devant les tribunaux civils.
___________________________________________
Me France Desjardins
Arbitre / CCAC
[1] L.R.Q. c. B-1.1, r.02
[2] Gilles Domaine et Jean-Claude Bellerive c. Construction Robert Garceau Inc. et La Garantie Qualité Habitation, CCAC S13-091201-NP, décision rendue par l'arbitre Me Michel Jeanniot le 18 juillet 2014; Pierre St-Laurent et Denise L'Anglais St-Laurent c. Les Habitations Signature inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., GAMM 2014-16-015, décision rendue par l'arbitre jean Morissette le 27 mars 2015.
[3] SDC des Copropriétaires du Golf 292 c. Les Habitations Actuel et Garantie Habitation du Québec, CCAC S14-061601-NP, dcision rendue le 6 novembre 2014.
[4] Voir note 1
[5] L.R.Q., c. B.-1.1
[6] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCH Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle et René Blanchet, ès qualité d’arbitre au CCAC, Cour d’appel, 15 décembre 2004, motifs de la juge Pierrette Rayle
[7] Sentence arbotrale rendue le 27 juillet 2010, CCAC S09-300901-NP, parag. 25
[8] op cit. note 2
[9] Alex Bouchard et Sophie Monasse c. Constuction Beauchamp Ouellet inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. SORECONI 071217001,16 avril 2008; Louis Julien c. Les Constructions Rénovation SM et La Garantie Habitation du Québec Inc;
[10] Wilson & Lafleur, 2008, parag. 466 et 467
[11] voir Notes 7, et 8
[12] Voir note 14, parag. 46 à 48
[13] Décision arbitrale rendue le 21 novembre 2013
[14] Voir note 5
[15] Voir note 15
[16] Voir note 16
[17] Pae 50 du rapport d'expertise de ProspecPlus Conseils Inc.
[18] Article 116 du Règlement
[19] Claude Carrier c. Constructions Paul Dargis inc. et la garantie des bâti,ments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc., le 9 avril 2010, CCAC: S09-061001-NP, parag. 75
[20] Article 116 du Règlement
[21] Articles 20 et 120 du Règlement