ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

François P. Gendron

(ci-après le « bénéficiaire »)

 

ET :

3858081 Canada inc. / Les Maisons Dominus

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

La Garantie Habitation du Québec inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier QH : 76720 - 7908

No dossier GAMM : 2015-16-019

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis

 

Pour le bénéficiaire :

M. François P. Gendron

 

Pour l'entrepreneur :

Aucun représentant

 

Pour l'administrateur :

Me François-Olivier Godin

 

Date d’audience :

16 mars 2016

 

Lieu d’audience :

Beloeil

 

 

Date de la sentence :

7 avril 2016

I : INTRODUCTION

[1]           Il s’agit ici d’une unité d’habitation non détenue en copropriété divise, située en Montérégie.

[2]           Le revêtement des quatre murs extérieurs de la propriété est en bois usiné de marque St-Laurent.

[3]           La réception du bâtiment a eu lieu le 10 mai 2011.

[4]           Le bénéficiaire, M. François P. Gendron, aurait observé un gonflement du parement extérieur au début de juillet 2014.

[5]           Le tout se situe dans un contexte d’une situation générale dans le secteur relativement au comportement du parement extérieur des propriétés avoisinantes.

[6]           Voilà pourquoi, à l’appui de sa requête, le bénéficiaire a déposé une sentence arbitrale du soussigné[1] datée du 5 octobre 2015, dans laquelle l’arbitre ordonnait à l’entrepreneur de procéder au remplacement intégral du revêtement des murs extérieurs.

[7]           Dans le présent dossier, le bénéficiaire a la même exigence.

[8]           Étant donné la situation générale dans le secteur, l’entrepreneur, Les Maisons Dominus, a effectué une dénonciation à l’administrateur, laquelle a également servi au même titre dans la présente affaire.

[9]           Un premier rapport de conciliation de l’administrateur, signé par M. Patrick Simard, a ainsi été émis le 7 octobre 2014, concluant comme suit :

·         Décision

Considérant nos observations ;

Considérant que la situation a l’apparence d’un vice-caché [sic] ;

Par conséquent, l’entrepreneur soumissionnaire devra vérifier et remplacer le revêtement de bois usiné, selon les règles de l’art, et l’usage courant du marché.

[10]        À la lecture de cette conclusion, le bénéficiaire, comme le soussigné d’ailleurs, a tout d’abord cru que tout le parement extérieur devait être remplacé.

[11]        À la suite de la décision ci-devant mentionnée de l’administrateur, les travaux ont débuté le 10 novembre 2015, soit la journée où le bénéficiaire a finalement été informé que le remplacement était partiel, c’est-à-dire selon un appel d’offre émis par le gestionnaire des travaux de l’administrateur :

1.    REVÊTEMENT EXTÉRIEUR BOIS USINÉ : GONFLEMENT

Ø  Mur latéral droit : remplacer le revêtement du mur après avoir prévu de le ventiler;

Ø  Mur façade avant : remplacer la moulure du coin avant gauche ;

Ø  Mur façade arrière : remplacer le cadrage de la fenêtre de cuisine ainsi que la planche décorative localisée entre les deux étages, remplacer la moulure de coins [sic] du côté gauche.

[12]        Toutefois, l’administrateur, dès le lendemain du début des travaux, mandatait M. Michel Arès, en remplacement de M. Simard, afin d’émettre un rapport de conciliation supplémentaire; ce dernier est daté du 27 novembre 2015 et ne recommande aucune intervention supplémentaire.

[13]        Par sa demande d’arbitrage, le bénéficiaire exige le remplacement intégral du parement extérieur sur les quatre façades de sa propriété.

[14]        En cours d’enquête, les personnes suivantes ont témoigné :

        M. François P. Gendron, bénéficiaire

        M. Sylvain Brosseau, expert retenu par le bénéficiaire

        M. Michel Arès, T.P., conciliateur pour l’administrateur

[15]        Au soutien de ses prétentions, le bénéficiaire a soumis la sentence rendue le 5 octobre 2015 par l’arbitre Claude Dupuis dans l’affaire Lina Paola Daza Espinosa et Juan Camilo Mejia Valencia -et- 3858081 Canada inc. / Les Maisons Dominus -et- La Garantie Habitation du Québec inc.

[16]        À l’appui de son argumentation, le procureur de l’administrateur a déposé la sentence rendue le 26 décembre 2006 par l’arbitre Johanne Despatis dans l’affaire Syndicat de la copropriété des Habitations Henri-Deslongchamps -et- La Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ -et- Gestion Giovanni Scalia inc.

[17]        Par l’entremise de sa procureure, l’entrepreneur avait déjà renoncé à toute convocation dans ce dossier.

[18]        Les parties ont accordé au soussigné un délai de 60 jours à compter de la date de l’audience pour rendre sentence dans la présente affaire.

II : DÉCISION ET MOTIFS

[19]        D’entrée de jeu, je vais comparer la situation actuelle avec celle existant dans l’affaire faisant l’objet de la décision que j’ai rendue en octobre 2015 au sujet d’un immeuble avoisinant, construit par le même entrepreneur, avec le même type de parement; cette sentence a été précédemment mentionnée.

[20]        Dans le cas de cet immeuble avoisinant, la situation était totalement différente; dès la visite des lieux, on constatait que le parement extérieur était dans un état assez lamentable, à savoir qu’il présentait des gonflements et des gondolements très évidents, des joints complètement disloqués, du calfeutrage détérioré et des bordures passablement dégradées; dans ce dossier, à la fois l’expert des bénéficiaires ainsi que l’inspecteur-conciliateur de l’administrateur ont affirmé que le danger potentiel existait relativement à la dégradation de la structure.

[21]        À première vue, lors de la visite des lieux, il semblait évident que ce parement était très déficient et devait être remplacé.

[22]        Par contre, dans le présent dossier, lors de la visite des lieux, cette évidence n’était pas présente. Les gondolements et les gonflements sont très faibles et difficilement appréciables, très peu de joints sont légèrement disloqués, et je n’ai pas noté de dégradation importante dans les bordures; cette situation est tout à fait différente de celle de l’habitation avoisinante.

[23]        Dans son rapport, M. Sylvain Brosseau, expert retenu par le bénéficiaire, invoque du déclin gauchi, l’absence ou la mauvaise installation des solins, des dégagements insuffisants.

[24]        M. Brosseau conclut ainsi :

[…]

●  Afin d’éviter tout dommage conséquentiel tel que la détérioration de la structure et le risque de contamination fongique affectant la qualité de l’air ambiant pouvant rendre les lieux inhabitables, nous recommandons la réfection complète du REVÊTEMENT ST-LAURENT et son système de support intégrant une ventilation avec lame d’air drainante et solinage selon les Lois, Codes et Normes en vigueur lors de la construction d’origine.

[…]

[25]        Comme il a été auparavant mentionné, M. Michel Arès, inspecteur-conciliateur pour l’administrateur, a procédé à une inspection de l’habitation le 11 novembre 2015, soit le lendemain du début des travaux ordonnés par son confrère, M. Patrick Simard, dans son rapport du 7 octobre 2014.

[26]        Cette visite a été effectuée quatre ans et demi après la réception de l’unité d’habitation.

[27]        M. Arès a relevé des taux d’humidité dans le matériel; ces derniers se situaient entre 12 et 15 %, soit la normale, alors que ces lectures ont été prises en automne. Lors de sa visite, une section du mur arrière était ouverte pour les fins des travaux; le témoin n’a noté aucune trace d’humidité, ni aucune trace de moisissure à l’intérieur du mur; selon lui, le parement est sain, et il n’existe aucune menace de perte de l’ouvrage.

[28]        En résumé :

        Dans le cas de l’habitation avoisinante soulevé par le bénéficiaire, le soussigné a fait une visite des lieux en août 2015; dans le cas présent, la visite des lieux a été effectuée en mars 2016; ces deux propriétés ont été bâties par le même entrepreneur et livrées en 2011; l’état du parement de ces deux habitations lors de ces visites n’est pas du tout comparable.

        Dans le présent dossier, après quatre ans et demi d’existence, il n’y a aucune preuve de dégradation possible de l’immeuble, alors que des tests d’humidité ont été effectués et que les murs ont été ouverts.

        L’administrateur a procédé à des inspections en septembre 2014 et en novembre 2015; M. Arès a pu constater qu’aucune manifestation de dégradation n’était apparue durant cette période de 14 mois.

[29]        Le tribunal poursuit maintenant ses observations en utilisant les expressions suggérées par l’expert du bénéficiaire, soit, et je cite : […] les références aux termes « avant, arrière, gauche et droit », supposent que vous êtes dans la rue face à la maison.

FAÇADE AVANT

[30]        Faisant suite à la visite des lieux et aux considérations ci-devant énoncées, le tribunal ne peut justifier aucune intervention de la garantie sur ce mur extérieur. Certes, l’expert du bénéficiaire a identifié des malfaçons sur cette façade, particulièrement dans les coins, comme le démontrent ses photos; toutefois, à cet égard, la garantie est expirée.

FAÇADE ARRIÈRE

[31]        Dans son rapport de conciliation daté du 7 octobre 2014, M. Patrick Simard avait identifié deux corrections à apporter sur ce mur; en effet, il avait détecté de l’humidité au cadrage inférieur droit de la fenêtre de la cuisine ainsi que sur la planche décorative localisée entre les deux étages; ces anomalies, à la suite de l’intervention de l’administrateur, ont été corrigées le ou vers le 10 novembre 2015.

[32]        Vers la même date, un autre conciliateur a procédé à une inspection des lieux, alors qu’une section du mur était ouverte; il n’a pu observer aucune trace d’humidité ni de moisissure. Certes, comme l’a souligné l’expert du bénéficiaire, il existe quelques défauts de conception; toutefois, après quatre ans et demi d’existence de l’unité d’habitation, il y a une preuve prépondérante à l’effet que les préjudices sont inexistants.

[33]        Le tribunal ne fera donc pas intervenir la garantie pour cette façade.

FAÇADE LATÉRALE GAUCHE

[34]        À la suite de la visite des lieux, c’est sur cette façade du bâtiment que les manifestations sont les plus évidentes; les photos incluses dans le rapport de l’expert Brosseau le démontrent également.

[35]        Le gonflement du parement est très apparent, plus particulièrement tout près du toit. De plus, deux non-conformités sont présentes dans cette section, soit le dégagement entre le déclin et le bardeau d’asphalte (partie supérieure) et le dégagement entre le bardage et le sol fini (partie inférieure).

[36]        Il a été prouvé, et ceci n’a pas été contesté par l’administrateur, que ces deux non-conformités favorisent la dégradation du matériel.

[37]        Le revêtement du mur latéral gauche devra donc être intégralement remplacé.

FAÇADE LATÉRALE DROITE

[38]        Relativement à cette section, en cours d’enquête, une entente est intervenue entre le bénéficiaire et l’administrateur à l’effet que les planches du parement extérieur situées entre le compteur électrique et la moulure de transition seront remplacées.

III : CONCLUSION

[39]        Pour les motifs ci-devant énoncés, le tribunal ORDONNE à l’entrepreneur de procéder, selon les règles de l’art, au remplacement intégral du revêtement extérieur de la façade latérale gauche du bâtiment; à défaut par l’entrepreneur de remplir ses obligations, le tribunal ORDONNE à l’administrateur d’y suppléer.

[40]        Le tribunal PREND ACTE de l’entente ci-devant décrite intervenue entre les parties au sujet de la façade latérale droite et ORDONNE à ces dernières de s’y conformer.

[41]        Le tribunal ACCORDE à l’entrepreneur un délai de trente (30) jours à compter de la présente pour compléter l’ensemble des travaux ci-devant mentionnés; à défaut par l’entrepreneur de remplir ses obligations, ce délai sera majoré de trente (30) jours pour l’administrateur.

Frais d’expertise

[42]        Conformément à l’article 124 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le tribunal CONDAMNE l’administrateur à rembourser au bénéficiaire les frais d’expertise encourus, soit un montant de DEUX MILLE QUATRE-VINGT-SIX DOLLARS ET SOIXANTE-DIX-NEUF CENTS (2 086,79 $), et ce, dans les trente (30) jours de la présente.

Coûts de l’arbitrage

[43]        Conformément à l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le soussigné DÉCLARE que les coûts du présent arbitrage sont totalement à la charge de l’administrateur.

 

BOUCHERVILLE, le 7 avril 2016.

 

                                                                                                                                              

 

 

 

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Claude Dupuis, arbitre

 



[1]     Lina Paola Daza Espinosa et Juan Camilo Mejia Valencia -et- 3858081 Canada inc. / Les Maisons Dominus -et- La Garantie Habitation du Québec inc., sentence arbitrale rendue le 5 octobre 2015 par M. Claude Dupuis (GAMM).