(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC)
No dossier Garantie: 16823-1395
No dossier CCAC : S09-061002-NP
Date: 28 février 2011
ENTRE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES LES CIMES DU MONT-TREMBLANT
(ci-après « le Bénéficiaire »)
ET CONSTRUCTION DUBÉ INC.
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : La Garantie HABITATION DU QUÉBEC inc (Qualité Habitation)
(ci-après « l’Administrateur »)
Arbitre : Me France Desjardins
Pour le Bénéficiaire : Monsieur Serge Malo
Me Mario Dufour, Paradis Wilson Avocats
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Bruno Dubé
Monsieur Pierre Lavoie
Me Étienne L. Morin, Prévost Fortin Avocats
Pour l’Administrateur : Me Avelino De Andrade
L’arbitre a reçu son mandat du CCAC le 21 octobre 2009
2004 Contrat préliminaire et contrat de garantie
15 juin 2005 Réception des parties communes
1er avril 2007 1ière réclamation à l’Administrateur
1er octobre 2007 1ière décision de l’Administrateur
8 avril 2008 2ième réclamation à l’Administrateur
7 juillet 2009 2ième décision de l’Administrateur
14 septembre 2009 3ième décision de l’Administrateur
5 octobre 2009 Demande d’arbitrage du Bénéficiaire
21 octobre 2009 Nomination de l’arbitre
18 novembre 2009 1ière conférence préparatoire
7 décembre 2009 Comparution des procureurs du Bénéficiaire
8 décembre 2009 Remise de la visite des lieux fixée le 9 décembre 2009
4 février 2010 Comparution des procureurs de l’Entrepreneur
8 février 2010 Remise de l’audition fixée le 11 février 2010
3 mars 2010 2ième conférence préparatoire
25 juin 2010 Remise de l’audition fixée les 29 et 30 juin 2010
18 août 2010 3ième conférence préparatoire en lieu et place de l’audition fixée cette date
8-9 décembre 2010 Visite des lieux et Audition
2 février 2011 Conférence téléphonique
[1] Dans une demande d’arbitrage présentée le 5 octobre 2009, le Bénéficiaire conteste en vertu de l’article 19 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1] (ci-après le Règlement), la décision suivante rendue le 14 septembre 2009 par l’Administrateur de la Garantie Habitation du Québec Inc. (ci-après l’Administrateur). Cette décision porte sur une réclamation relative à des problèmes affectant plusieurs plate-formes de fibre de verre des balcons extérieurs de l’immeuble à condominiums sis au 400-410 Allée des Cimes à Mont-Tremblant..
«Le syndicat nous mentionne que malgré certains travaux correctifs exécutés à l’automne 2008, certaines de ces réparations se sont fissurées de nouveau
Lors de notre inspection, nous avons constaté que les fissurations qui se sont produites sont situées majoritairement, sous les plateformes, alors qu’ailleurs, les réparations ayant été exécutées aux endroits où des coupes avaient été faites sous les plate-formes avaient tenues(sic).
De ce fait, l’entrepreneur devra procéder aux vérifications et aux correctifs requis, en assurant qu’aux endroits où les correctifs devront être exécutés, le contreplaqué composant l’âme de la plate-forme sera sain et exempt d’humidité anormale. Le tout afin de s’assurer que le fibre de verre et la résine qui sera mis en place, aura une adhérence permanente.
Par conséquent, l’entrepreneur devra faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis, selon les règles de l’art, et l’usage courant du marché».
[2] Cette décision était la dernière d’une série de trois rendues par l’Administrateur. Pour une meilleure compréhension du litige, le Tribunal reproduit ci-après les deux décisions antérieures rendues par l’Administrateur.
[3] Décision de l’Administrateur en date du 1er octobre 2007 :
«Le syndicat nous mentionne que plusieurs plateformes de fibre de verre des balcons, se sont fissurées et délaminées à différents endroits.
Lors de notre inspection, nous avons constaté la situation. Laquelle, de toute évidence, nous apparaît comme étant relié avec la fabrication des plateformes (sic) et également avec le scellement à certains endroits des coupes qui ont été pratiquées dans les plateformes.
Par conséquent l’entrepreneur devra faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis, selon les règles de l’art et l’usage courant du marché.»
[4] Décision de l’Administrateur en date du 7 juillet 2009 :
«Le syndicat nous mentionne que dans certains travaux correctifs exécutés à l’automne 2008, certaines des réparations se sont fissurées et que de nouvelles fissures à certains endroits sont apparues.
Lors des inspections, nous avons constaté la situation pour laquelle l’entrepreneur, dans une lettre datée du 20 mai 2009, s’est engagé à procéder aux travaux correctifs sur les dites plate-formes.
Lorsque les travaux correctifs seront complétés, le syndicat devra procéder à la maintenance de celles-ci en effectuant la vérification et les correctifs de tous les joints de scellant se retrouvant aux endroits où les coupes sont présentes et où des éléments y sont fixés. Le syndicat devra également procéder à la peinture de toutes les plate-formes afin de préserver l’étanchéité de ces dernières.»
[5] Les travaux de correction effectués en 2007, 2008 et 2009 n’ayant pas enrayé le problème, les copropriétaires ont donné mandat au Bénéficiaire de le régler une fois pour toutes, en exigeant que l’Entrepreneur change complètement les plateformes de l’ensemble des balcons desservant les 16 unités de condominium, d’où la présente demande d’arbitrage.
LA PREUVE
[6] Aucune objection préliminaire n’a été soulevée par les parties et, en début d’audience, celles-ci ont reconnu la compétence du Tribunal à entendre la demande d’arbitrage.
[7] Le cahier de pièces de l’Administrateur, la demande amendée d’ouverture de dossier d’arbitrage par le Bénéficiaire et la contestation de l’Entrepreneur, respectivement déposés en octobre 2009, décembre 2009 et décembre 2010, font partie intégrante du dossier, à l’exception des pièces P-2, P-3 et P-4 de la demande amendée d’ouverture de la demande d’arbitrage dont le dépôt a fait l’objet d’une objection du procureur de l’Entrepreneur. L’objection a été retenue par l’Arbitre au motif de l’absence à l’audition, des témoins auxquels ces documents réfèrent. Le dossier est également constitué de rapports d’expertises respectivement préparés pour le compte du Bénéficiaire et de l’Entrepreneur.
La preuve testimoniale
Chronologie des événements selon les témoignages entendus
[8] L’Entrepreneur, Construction Dubé Inc., a agi à titre d’entrepreneur général lors de la construction de l’immeuble sis au 400-410 Allée des Cimes à Mont-Tremblant dont le Bénéficiaire.
[9] Lors de l’installation des balcons de fibre de verre en 2004, des coupes ont été effectuées aux plateformes en vue de les insérer entre les poteaux de soutien.
[10] Lors de la réception du bâtiment le 15 juin 2005, le Bénéficiaire, Syndicat des copropriétaires les Cimes du Mont-Tremblant, fait procéder à une inspection par des professionnels, dont le rapport n’a pu être produit à l’audience en raison de l’absence de ses auteurs. Toutefois, le représentant du Bénéficiaire a témoigné avoir alors observé de la corrosion et des fissures aux balcons. L’Entrepreneur, qui s’était d’abord engagé à effectuer les réparations en 2006, invoquera alors la responsabilité du Bénéficiaire d’entretenir les balcons pour ne pas intervenir.
[11] La situation s’est détériorée de telle manière que le Bénéficiaire a demandé, en avril 2007, l’intervention de la Garantie. En juin 2007, l’Entrepreneur change toutes les vis qui tiennent les rampes dans le fibre de verre des balcons pour les remplacer par des vis galvanisées mais, selon le témoignage de monsieur Serge Malo, les vis auraient rouillé à nouveau.
[12] Dans la décision qu’il rend le 1er octobre 2007, l’Administrateur, sous la signature du conciliateur Normand Pitre, constate que plusieurs plateformes de fibre de verre des balcons se sont fissurées et délaminées à différents endroits. Il écrit que cette situation lui apparaît alors «de toute évidence» reliée à la fabrication des plateformes et le scellement à certains endroits des coupes qui ont été pratiquées dans les plateformes. À l’audition, il expliquera cependant s’être mal exprimé car selon lui, la coupe des plateformes sur place pour leur Installation fait partie de la fabrication.
[13] Le 8 avril 2008, une nouvelle réclamation est produite auprès de l’Administrateur de la garantie par le Bénéficiaire. Le 29 avril 2008, l’Entrepreneur transmet une lettre au Bénéficiaire dans laquelle il indique qu’après avoir vainement tenté de régler le dossier avec les sous-traitants et fournisseurs, il a obtenu des soumissions pour procéder aux réparations et est prêt à procéder dans un très court délai. Il ajoute : «Par contre, un des soumissionnaires spécialiste dans la fabrication et réparation de plateforme de fibre de verre nous précise que les dites plateformes doivent être peinturées aux quatre ans et la vérification des joints de calfeutrant entre les bâtisses et les balcons, chaque année.» Il poursuit en demandant l’engagement du Bénéficiaire de procéder aux travaux de peinture des plateformes une fois les réparations effectuées. Il est en preuve que c’est le soumissionnaire dont les services ont été retenus pour effectuer les travaux, Fibre de verre Gauthier, qui a fourni cette information à l’Entrepreneur.
[14] Le conciliateur inspecte l’immeuble le 20 mai 2008. En septembre 2008, les travaux sont exécutés par Fibre de verre Gauthier qui, selon le témoignage de monsieur Lavoie, vice-président de l’Entrepreneur, a suivi les directives de Qualité Habitation à savoir : agrandir les nids et «refibrer» le bois là où des coupes avaient été faites lors de l’installation. Selon le témoignage de monsieur Malo, représentant du Bénéficiaire, l’Entrepreneur a laissé les plateformes en «suspension» quelque temps parce qu’elles «étaient imbibées d’humidité».
[15] En mai et juillet 2009, monsieur Lavoie retourne sur les lieux avec le conciliateur Pitre. Ce dernier rend une deuxième décision le 7 juillet 2009, dans laquelle il constate que certaines des réparations effectuées à l’automne 2008 se sont fissurées et de nouvelles fissures sont apparues à certains endroits.. Il ajoute que l’Entrepreneur s’est engagé par écrit à procéder aux travaux correctifs sur les plateformes. Par conséquent, celui-ci devra faire les vérifications et correctifs selon les règles de l’art et l’usage courant du marché. Dans cette décision, l’Administrateur précise qu’une fois les travaux complétés, le Bénéficiaire devra assurer l’entretien des plateformes en les peinturant et en vérifiant les joints de scellant à l’endroit des coupes.
[16] En août 2009, Fibre de verre Gauthier délègue son représentant pour apposer de la peinture de résine, un travail que toutes les parties considèrent comme mal fait et ne respectant pas les règles de l’art. À l’audience, monsieur Malo le qualifiera même de «job de cochon». Invités à constater la situation, l’Entrepreneur et l’Administrateur participent à une rencontre avec monsieur Malo et monsieur Gauthier le 4 septembre 2009, au cours de laquelle ces derniers auraient eu un différend en regard de la qualité des travaux, monsieur Malo étant peintre en bâtiment.
[17] Un mois plus tard, le 14 septembre 2009, l’Administrateur rend une troisième décision dans laquelle il rapporte que, majoritairement, des fissurations se sont produites sous les plateformes alors qu’ailleurs, les réparations exécutées aux endroits où des coupes avaient été faites avaient tenu. Encore ici, l’Administrateur demande à l’Entrepreneur de faire les vérifications et correctifs requis, mais il ajoute qu’il devra s’assurer, avant de corriger, que le contreplaqué composant l’âme de la plateforme sera sain et exempt d’humidité anormale afin que le fibre de verre et la résine aient une adhérence permanente.
[18] Après cela, les copropriétaires ne voulaient plus de réparations (rapiéçage qui ne tient pas) et ont décidé de demander l’arbitrage car, selon Serge Malo, l’Administrateur aurait affirmé ne pouvoir exiger davantage de l’Entrepreneur.
Pour le Bénéficiaire
[19] Monsieur Serge Malo, président du Syndicat des copropriétaires depuis 2007, a expliqué que les copropriétaires ont décidé de demander l’arbitrage parce que le problème «traîne depuis 2005».
[20] Monsieur Malo confirme qu’en septembre 2008, des ancrages ont été effectués à tous les balcons et que certains balcons ont été réparés aux plate-formes. À l’aide de photos qu’il a prises, le témoin montre qu’en décembre 2008, déjà plusieurs fissures étaient réapparues. En février 2009, les copropriétaires ont commencé à adresser des mises en demeure au Bénéficiaire..
[21] Enfin, en réponse à Me Dufour, monsieur Malo affirme ne jamais avoir empêché l’Entrepreneur de faire les travaux. Il a même permis d’enlever un balcon pour l’analyser, ajoute-t-il. Concernant les reproches que l’Entrepreneur a faits au Bénéficiaire de ne pas avoir apposé du scellant sur les balcons, monsieur Malo indique attendre que les travaux soient finis car «ils vont peut-être lever les balcons»
[22] En contre-interrogatoire, le procureur de l’Entrepreneur réfère le témoin à certaines photos produites par le Bénéficiaire. Monsieur Malo indique qu’il n’est pas l’auteur des dommages qui y apparaissent. Il n’a pas arraché les pièces qui se détachent des plateformes des balcons.
[23] Référant à la décision de l’Administrateur rendue en septembre 2009, le procureur demande si le Bénéficiaire permet à l’Entrepreneur de venir faire les travaux. Le témoin répond que l’Administrateur l’a informé qu’on arrête tout en arbitrage. Il nie que l’Entrepreneur a offert d’effectuer les travaux en septembre 2009. Il confirme ne pas avoir effectué de travaux entre mai et septembre 2009 car le Bénéficiaire avait demandé une inspection de l’Administrateur et était en attente d’une décision de ce dernier.
[24] Me Morin demande ensuite au témoin ce qu’il comprend de la pièce E-4, une lettre adressée au témoin par l’Entrepreneur en avril 2008, lui demandant l’engagement écrit du Syndicat que celui-ci «procédera aux travaux de peinture des plateformes des immeubles concernées une fois les réparations effectuées». Monsieur Malo confirme sa compréhension à l’effet que l’Entrepreneur est prêt à faire les travaux correctifs mais en ce qui concerne l’engagement du Syndicat, le témoin affirme que le conciliateur de l’Administrateur lui aurait indiqué de ne toucher à rien avant la fin des travaux.
[25] En regard de la collaboration de l’Entrepreneur, monsieur Malo indique que celui-ci ne venait que lors des inspections par l’Administrateur. Il confirme que l’Entrepreneur a changé les vis sans que le Bénéficiaire lui ait demandé et qu’en mai 2009, la relation était bonne. C’est à la suite des travaux effectués par Fibre de verre Gauthier en août 2009 que monsieur Gauthier aurait insulté monsieur Malo lors de la rencontre du 4 septembre, mais ce dernier nie ne plus vouloir d’intervention du sous-traitant. Enfin, après la décision de l’Administrateur du 14 septembre 2009, selon le témoin, l’Entrepreneur n’a pas dit qu’il réparerait ni qu’il ne réparerait pas.
[26] En réponse à Me Morin, monsieur Malo indique que, pour empêcher la corrosion, le Bénéficiaire a peinturé les taches de rouille en 2007 sur les rampes de métal et les colonnes avec de la peinture Epoxy extérieur mais n’a fait rien d’autre car il attend la fin des travaux. Le Bénéficiaire a un budget pour peinturer le métal mais pas les joints des plate-formes car les copropriétaires savent que l’arbitrage est en cours. Le témoin réitère qu’il est peintre en bâtiment mais qu’on ne lui a jamais demandé de peinturer du fibre de verre..
[27] En contre-interrogatoire par Me De Andrade, monsieur Malo confirme que l’Entrepreneur n’était pas non plus satisfait des réparations effectuées en août 2009 par le fournisseur des balcons. À la question s’il accepterait qu’un autre fournisseur que Gauthier fasse les travaux, monsieur Malo rappelle que c’est le Syndicat qui décide. Il admet avoir parlé à monsieur Richard Di Muro, directeur général de Qualité Habitation mais à titre personnel pour lui demander conseil.
Pour l’Entrepreneur
[28] L’Entrepreneur fait entendre d’abord monsieur Bruno Dubé, président de Construction Dubé inc.. Celui-ci explique que la satisfaction est très importante pour lui. En référence à la première décision de l’Administrateur rendue en octobre 2007, le témoin indique que sa réaction a été de se dire qu’il y aurait des dépenses à faire. Il serait allé voir sur place et aurait conclu alors à un manque d’entretien des bâtiments. C’est pour cette raison qu’il aurait transmis la lettre datée du 29 avril 2008 au Bénéficiaire afin de s’assurer que celui-ci ferait l’entretien. À une question du procureur, monsieur Dubé précise que les balcons étaient sales, abîmés. Monsieur Malo aurait refusé de signer la lettre d’engagement sollicité.
[29] Quant à la nature des travaux effectués en septembre 2008, monsieur Dubé explique qu’il s’agit de travaux importants de réparation du fibre de verre. Il a fait les travaux pour respecter la garantie. En référence à la deuxième décision de l’Administrateur rendue en juillet 2009 que lui exhibe son procureur, monsieur Dubé indique qu’à sa connaissance, le Bénéficiaire n’a pas effectué de travaux. À la question de savoir si l’Entrepreneur a refusé de faire les travaux, le témoin répond «absolument pas».
[30] Concernant ses intentions en recevant la troisième décision de l’Administrateur, monsieur Dubé indique qu’il a toujours été prêt à faire les réparations tant que nécessaires, incluant reprendre celles qui n’ont pas tenu en 2008.
[31] En contre-interrogatoire par Me Dufour, monsieur Dubé soutient avoir vu les étapes de construction sur le chantier mais que son associé est plus présent sur les chantiers. Le témoin confirme avoir vu le rapport pré-réception du bâtiment mais n’a pas parlé au représentant du Syndicat des copropriétaires car ce n’est pas son rôle dans l’entreprise. À la question de savoir si l’Entrepreneur a une politique pour expliquer au client les travaux d’entretien à effectuer, le témoin répond qu’il n’a pas à faire cela car il n’est pas sur place pour le savoir. Il confirme ne pas avoir de politique à ce sujet ni rien d’écrit car il serait en lien direct avec les clients. Invité à détailler ce qu’il entend par «manque d’entretien du bâtiment», monsieur Dubé indique avoir observé un défaut d’entretien généralisé à l’extérieur du bâtiment.
[32] En référence au 1er paragraphe de la lettre transmise au Bénéficiaire en avril 2008 lequel fait état d’un problème avec le sous-traitant, le témoin affirme qu’il ne voulait tout simplement pas attendre de trouver un coupable car il voulait respecter la garantie. Il confirme que c’est le fabricant des plate-formes qui a indiqué qu’elles devaient être peinturées aux 4 ans et que la vérification des joints devait être effectuée chaque année. S’ils ont attendu si longtemps pour faire les travaux, c’est parce qu’ils ne recevaient pas de réponse de l’Administrateur concernant la lettre du 28 avril 2008 transmise au Bénéficiaire.
[33] Le témoin admet avoir été mis au courant du problème concernant la qualité des travaux exécutés en août 2009. Il n’était pas d’accord avec la demande d’arbitrage logée par le Bénéficiaire à la suite de la décision de l’Administrateur car cela l’empêchait de faire les travaux. Son associé, monsieur Lavoie, lui aurait dit que l’accès était refusé par le Bénéficiaire.
[34] Le procureur de l’Entrepreneur appelle ensuite monsieur Pierre Lavoie, Vice-président Administration de Construction Dubé inc.
[35] Invité à faire état des travaux qui ont été faits suite à la première décision de l’Administrateur en octobre 2007, monsieur Lavoie explique qu’à la fin de l’été 2008, l’Entrepreneur a suivi les directives de l’Administrateur d’agrandir les nids et «refibrer» le bois coupé pour le sceller. Appelé à préciser, le témoin explique que, lors de la mise en place des balcons, des coupes (nids) ont été pratiquées dans les plateformes pour insérer les panneaux entre les poteaux de soutien.
[36] En réponse à l’Arbitre concernant les fissures aux joints des planches des balcons à plateforme doubles, monsieur Lavoie répond qu’il ignore si un enduit de fibre de verre a été apposé sur la tranche des planches.
[37] Le témoin est retourné sur les lieux en juillet 2009 avec l’inspecteur de l’Administrateur, monsieur Pitre. Ils auraient constaté que certaines réparations n’avaient pas tenu. Le témoin a donc fait revenir le sous-traitant, lequel a effectué d’autres travaux en août 2009, lesquels ont donné lieu à la rencontre du 4 septembre.
[38] Par la suite, le représentant du Bénéficiaire aurait informé monsieur Lavoie que les copropriétaires avaient décidé de porter la cause en arbitrage. Quant à lui, l’Entrepreneur était prêt à respecter la décision rendue par l’Administrateur en septembre 2009.
[39] Le témoin confirme avoir été présent aux premières rencontres des copropriétaires au cours desquelles il aurait été question de l’entretien. De plus, ajoute-t-il, Qualité Habitation transmet un dépliant sur la garantie aux bénéficiaires.
[40] En contre-interrogatoire, en réponse à Me Dufour concernant la tenue de deux inspections de l’Administrateur à une année d’intervalle (20 mai 2008 et 25 mai 2009), le témoin explique que certaines fissures avaient réapparu suite aux travaux effectués à l’automne 2008. Quant aux raisons, le témoin opine qu’elles n’étaient peut-être pas sèches. Sur la question de la problématique de la fabrication des plate-formes dont fait état la première décision de l’Administrateur, monsieur Lavoie répond que tout le monde cherchait alors la problématique.
[41] Concernant l’absence de casse-goutte, monsieur Lavoie indique que «les balcons étaient vendus comme ça, on ne connaît pas ça, l’architecte n’a pas spécifié cela, les fabricants de balcons en fibre de verre ne proposaient pas cela».
[42] Référé aux photos prises par le représentant du Bénéficiaire en avril 2009, le témoin confirme avoir vu la situation. Quant à savoir s’il trouve cela acceptable, monsieur Lavoie réitère que l’Entrepreneur n’est pas spécialisé dans les balcons et qu’il suit les directives de l’Administrateur qui dit de faire réparer. Si les travaux n’ont été effectués qu’en août 2009, c’est qu’ils attendaient le beau temps. Lui-même n’était pas présent lors des travaux mais il confirme que la qualité des travaux ne le satisfaisait pas.
[43] Invité à expliquer le fait qu’il reproche au Bénéficiaire le manque d’entretien, ce qui aurait causé la dégradation des balcons, monsieur Lavoie répond «Non, c’est parce qu’on n’a pas pu toucher aux balcons».
La preuve d’experts
Monsieur Laurent Arsenault pour le Bénéficiaire :
[44] Le procureur du Bénéficiaire a fait entendre monsieur Laurent Arsenault, Ing., M.Sc(Eng), MBA, de la firme PROGESTION MEC (2009) Inc., mandaté pour examiner les balcons extérieurs de l’immeuble et «faire le constat de l’état des dommages présents sur ces balcons pour en établir les origines et causes ainsi que les mesures correctives appropriées en instance».
[45] Référant à son rapport d’expertise, daté du 12 août 2010, le témoin expose d’abord que l’immeuble comporte 36 balcons, composés ensemble de 48 panneaux de contreplaqué, certains balcons plus grands, nécessitant deux panneaux distincts. Il en fait la description suivante :
«Les balcons extérieurs sont composés de panneaux de contreplaqué revêts de deux couches d’enduit. La première de ces couches est posée directement sur le contreplaqué et sans renfort alors que la seconde couche comporte des fibres et des filaments de fibre de verre pour agir comme renfort.
La surface supérieure des balcons est entièrement recouverte de deux couches d’enduit . Au soffite, cette couche est prolongée autour du bord jusqu’à une distance d’environ 6 à 8 pouces vers l’intérieur sur les soffites. Des bandes additionnelles ont été rajoutées le long des joints des panneaux de contreplaqué utilisés dans la fabrication des balcons. Entre ces bandes renforcées aux soffites, seul l’enduit de base est présent.» [2]
[46] L’expert Arsenault a effectué une visite de l’immeuble le 19 juillet 2010. Il a observé que les encoches faites pour insérer les panneaux lors de leur installation n’auraient pas été recouvertes d’enduit de fibre de verre sur la face exposée du contreplaqué, plusieurs balcons sont fissurées aux soffites et quelques-uns en surface dont les réparations locales ont échoué. Certains rebords extérieurs des balcons sont fissurés et ne permettent pas le rejet d’eau. À l’arrière de l’immeuble, plus exposé aux éléments, il a observé un décollement de l’enduit à plusieurs endroits, incluant des plaques ajoutées lors des réparations. Il a constaté plusieurs traces de corrosion de cornières d’appui métallique et de vis d’attache. Plusieurs balcons n’auraient pas de pente suffisante pour permettre à l’eau de s’écouler.
[47] De ses observations, l’expert conclut qu’il y a eu exfiltration d’humidité en raison de la teneur excessive en humidité du contreplaqué lors de la pose des enduits de résine et de fibre de verre. Les enduits de fibre de verre étant très imperméables à la vapeur d’eau, l’humidité passe par les fissures. Il soupçonne un problème relié à la fabrication initiale des panneaux. L’absence de renfort de la couche d’enduit aux soffites favoriserait la fissuration des panneaux. Concernant le rejet d’eau, Arsenault est d’avis qu’il faudrait un casse-goutte pour empêcher l’eau de s’accumuler sur le rebord du panneau. Pour lui, ces balcons sont vendus pour leur pérennité et l’absence d’entretien qu’ils nécessitent. Une peinture de zinc doit être apposée pour protéger les pièces métalliques mais pas le fibre de verre.
[48] En contre-interrogatoire, monsieur Arsenault admet qu’il n’a pas utilisé d’hydromètre pour mesurer le degré d’humidité ni de niveau pour mesurer la pente des balcons. Il maintient qu’il n’est pas possible de peinturer le fibre de verre sauf en utilisant certains produits, dans des conditions très contrôlées, pas exposées aux éléments.
[49] Aux questions de Me Morin concernant ses observations en regard du décollement de plaques de fibre de verre rajoutées au revêtement en 2008, monsieur Arsenault confirme que quelques réparations sont demeurées en place. De même en est-il des scellements aux joints ou aux coupes mais il n’en a pas fait un inventaire exhaustif car les joints ne constituent, selon lui, qu’une partie de la problématique.
[50] Le témoin convient qu’il n’est pas à sa connaissance que le bois n’était pas sec à l’origine mais qu’il conclut ainsi par la vue de ses manifestations
[51] Le procureur de l’Administrateur réfère ensuite monsieur Arsenault aux photos 29 et 30 qui traitent de traces de corrosion. Le témoin indique qu’il ne croit pas que ce qu’il identifie comme des traces de corrosion soit en réalité du «jus de plywood». Il convient qu’il y a lieu d’entretenir les structures d’acier au besoin s’il y a des taches de corrosion mais il ne faut pas qu’il y ait d’autres problèmes. À la question de Me De Andrade concernant l’accentuation de la détérioration depuis 2008, monsieur Arsenault est d’avis qu’il n’y a pas eu davantage de détérioration.
[52] Aux questions de Me Morin, monsieur Arsenault confirme que la corrosion progresse sur une structure métallique à cause du climat. Il convient qu’en intervenant, on aurait pu corriger ce qu’on voit mais si l’exfiltration continue, un problème surgira ailleurs. Le témoin ne croit pas que le meilleur moyen de constater ses conclusions serait d’ouvrir une plate-forme car le temps a passé et la perméabilité a changé. Il n’exclut pas l’infiltration mais il voit mal qu’elle puisse se rendre au milieu du balcon.
Monsieur Stéphane Bossus pour l’Entrepreneur :
[53] Monsieur Stéphane Bossus, du Centre d’Expertises Légales en Bâtiment inc., est diplômé de l’École Polytechnique et spécialisé en pathologie des bâtiments résidentiels.
[54] L’expert Bossus, qui a procédé à la visite des lieux en présence du sous-traitant Fibre de verre Gauthier (lequel n’a pas témoigné à l’audience), conclut dans un premier rapport produit le 1er mars 200 que quelques déficiences affectent les balcons mais que les pentes de balcon mesurées avaient une inclinaison suffisante pour permettre l’évacuation normale des eaux. Quatre paliers en fibre de verre sont fissurés, à réparer localement. Des joints délimitant les barreaux des garde-corps et leur poteau d’assise devront être sablés et peints à l’aide de peinture anticorrosion. Selon lui, les réparations effectuées aux entailles des balcons et aux joints de scellant bordant les balcons et délimitant les panneaux les composant sont conformes aux règles de l’art. Par conséquent, le contreplaqué est «actuellement protégé contre les intempéries».
[55] Dans le deuxième rapport qu’il a produit pour le compte de l’Entrepreneur, monsieur Bossus était appelé à rédiger «un rapport d’expertise complémentaire dans le but de constater s’il s’est produit une détérioration desdits balcons depuis notre visite initiale du 5 février 2010». Il y observe que les surfaces des balcons n’ont pas été peintes, qu’aucun joint de scellant n’a été appliqué aux entailles effectuées aux plateformes pour les insérer aux poteaux et il soutient que cela peut générer de l’infiltration d’eau.
[56] Après avoir établi qu’il appert que ses mandats se sont vu interdire l’accès aux lieux pour la pose de scellant en 2009, le témoin opine que les dommages aux auraient ainsi été évitées. La détérioration serait telle que la plateforme de l’unité 410-7 doit être remplacée. Les joints de scellant non entretenus ont provoqué des fissures aux plateforme des unités 410-4 et 410-5 ainsi qu’à l’embout du balcon de l’unité 410-8. La réparation effectuée au soffite du balcon de l’unité 400-7 n’a pas tenu en raison, croit-il, de l’infiltration causée par les joints de scellant non refaits. De même en serait-il pour l’unité 400-8 en regard du joint de scellant entre les deux plateformes du balcon. À l’avant, l’absence d’entretien des joints de scellant aurait occasionné la perte partielle de la plateforme du 400-8, une fissuration de 9 pieds carrés au balcon de l’unité 410-4, des dommages aux coins des soffites des unité 410-3, 410-5 et 410-6. Il constate des taches de rouilles aux garde-corps des balcons.
[57] Pour appuyer ses conclusions, l’expert a demandé le retrait d’une plateforme pour fin d’analyse. Il a ainsi confirmé que l’absence de joint de scellant a favorisé des infiltrations d’eau et provoqué la fissuration de la fibre de verre par le gel en période hivernale et par le gonflement du contreplaqué sous l’effet de l’eau.
[58] Le témoin ne nie pas qu’il n’y a pas d’effet casse-goutte mais pour lui, ce n’est pas un gros problème, pas plus d’ailleurs que celui de la pente. Pour y remédier, monsieur Bossus croit qu’il serait simple d’ajouter des bagues, un larmier et qu’il est possible d’installer des casse-goutte esthétiques.
[59] Concernant les traces noires apparaissant sur certaines photos, le témoin croit que si des casse-goutte avaient été installés, il n’y aurait pas eu de telles traces. À preuve, le nez est fissuré horizontalement. La goutte n’étant pas cassée, elle peut être absorbée. Par ailleurs, si l’eau s’est rendue au nez, il est peu probable qu’il y ait eu exfiltration. À l’aide des photos montrant la plateforme retirée pour analyse, monsieur Bossus explique que les dommages sont circonscrits à l’endroit des colonnes et coins des limons de l’escalier. Il montre une putréfaction en ligne droite à l’endroit où les colonnes étaient. Montrant un manque d’enduit de fibre de monsieur Bossus conclut que les dommages proviennent d’infiltration d’eau.
[60] À la question de Me Morin concernant l’entretien des joints de scellant, monsieur Bossus indique que la forme des balcons nécessite manifestement un entretien. À sa connaissance, le Bénéficiaire n’a pas entretenu. À preuve, les joints fuient à au moins 5 balcons. Il opine que c’est pour cette raison que les réparations n’ont pas tenu.
[61] Monsieur Bossus est d’avis qu’il est possible de peinturer le fibre de verre avec de la peinture «gelcoat». En réponse au procureur, le témoin indique que l’entretien n’aurait pas empêché les dommages initiaux mais il n’y aurait pas eu d’aggravation. Ainsi, il établit l’aggravation en comparant les dommages entre sa première et sa deuxième visite respectivement en février et en septembre 2010. Lors de la première visite, il aurait constaté 4 pontages à dommages sérieux alors qu’à la seconde, il y en aurait eu 5 en plus de balcons en façade. Le pontage absorbant l’eau par effet de capillarité, il y a détérioration au haut du profilé. Selon lui, en entretenant, on aurait enrayé l’infiltration
[62] Pour corriger, monsieur Bossus est d’avis qu’il faudrait distancer les plaques de support du pontage et ajouter des larmiers pour créer l’effet casse-goutte. Il y aurait lieu de retirer les sections de pontage endommagées, réparer la zone affectée 1 pied et demi plus large et créer des bagues d’espacement. Concernant les niches, il recommande de les détacher du pontage et les sceller. Si la corrosion a progressé aux structures d’acier, il faudrait sabler et apposer de la peinture riche en zinc. Selon le témoin, en agissant il y a un an, on aurait définitivement limité les dommages.
[63] En conclusion, en février 2010, les balcons étaient réparables sauf 2 plate-formes à retirer (410-7 et 400-5). Selon le témoin, on peut présumer qu’ils étaient réparables en octobre 2009. Aujourd’hui, les réparations sont plus onéreuses en ce que 5 balcons doivent être remplacés totalement (410-7, 410-5, 410-8, 400-5 et 400-7).
[64] En contre-interrogatoire, monsieur Bossus indique qu’il n’a jamais parlé à aucun représentant du Bénéficiaire concernant les réparations effectuées aux balcons. C’est l’Entrepreneur qui lui a dit que ses représentants ont été évincés du chantier par le Bénéficiaire. À la question de Me Dufour, le témoin indique que le scellant pour un joint a une durée de vie de 7 à 10 ans alors que pour une surface planaire, c’est plus court.
[65] Dans son rapport, monsieur Bossus rapporte que le taux d’humidité se situait à 18%. À la question de Me Dufour s’il n’y aurait pas une contradiction quant à son opinion à l’effet que le bois était sec, le témoin indique qu’à 19% d’humidité, on s’assure que le bois ne créera pas de dommages. Relativement aux réparations recommandées, monsieur Bossus affirme qu’il ne s’agit pas de «patchage» car la totalité de la surface sera recouverte de fibre de verre. Il n’est cependant pas d’avis qu’il aurait fallu poser deux couches sur le soffite.
[66] Me Dufour rappelle monsieur Arsenault et lui demande son avis sur les bagues que monsieur Bossus recommande d’ajouter. Le témoin Arsenault est d’avis que les joints sur les panneaux aux balcons arrière ne sont pas des joints d’expansion. Ils ont probablement été fabriqués avec les nez. Il n’y aurait pas eu de corrosion s’il s’agissait seulement d’un défaut de scellement. Il réitère qu’il n’a jamais parlé de pentes inversées mais seulement d’eau stagnante. De plus, il est difficile de trouver quelqu’un pour réparer un bois à 19% d’humidité. Quant aux fissures à distance des niches, la solution proposée par monsieur Bossus ne sera pas complète et il sera plus difficile après cette intervention d’expliquer la raison des dommages. Il recommande le remplacement complet parce qu’il est risqué d’en échapper autrement, il pourrait y avoir dépareillement et il est difficile de prévoir s’il y aura d’autres balcons à réparer plus tard.
[67] En contre-interrogatoire par Me Morin, monsieur Arsenault opine qu’en ce qui le concerne, une pente à 1,5% serait suffisante plutôt que celle, plus importante, recommandée par monsieur Bossus. Sinon, il faudrait vérifier les effets sur la structure. Invité à expliquer de nouveau son avis à l’égard des poteaux et des niches, monsieur Arsenault explique que les faces verticales des niches agrandies ont été revêtues et sont donc maintenant moins vulnérables. Toutefois, à l’endroit où le nez retourne, il n’y a pas de revêtement.
[68] Contre-interrogé par Me De Andrade, monsieur Arsenault indique qu’il n’est pas au courant de l’existence, dans l’industrie, d’une norme de 24 heures d’eau stagnante sur un balcon mais sait qu’il s’agit d’une tolérance de l’industrie. Il est d’accord, en tant qu’expert, qu’il ne soit pas toujours obligatoire d’enlever et recommencer pour corriger une situation. Par contre, il est en désaccord avec la méthode corrective préconisée par l’expert Bossus car elle laisse des incertitudes. Son objectif, ajoute-t-il, est de ne pas laisser son client avec des problèmes. En matière de responsabilité professionnelle, il doit se demander ce qu’il va laisser derrière. Il considère donc que le remplacement est la seule solution qui n’aura pas d’impact. Quant à l’opinion de monsieur Pitre, signataire de la décision de l’Administrateur à l’effet qu’il y a eu défaut d’entretien, monsieur Arsenault répond qu’il respecte l’avis de monsieur Pitre mais ne le partage pas.
[69] À Me Morin qui lui demande de se reporter antérieurement pour évaluer s’il y a eu défaut d’entretien, monsieur Arsenault indique qu’il lui est impossible de se prononcer car on ne connaît pas l’état des panneaux originalement. Il est impossible de dire que les autres panneaux ne fissureront jamais.
[70] Me De Andrade lui demande pourquoi il n’a pas pris la mesure du taux d’humidité du bois alors que c’est la base de son hypothèse, monsieur Arsenault répond que cela aurait donné le taux d’humidité maintenant mais il y a eu une certaine évacuation de vapeur d’eau. Il admet qu’il ait pu y avoir infiltration d’eau comme le propose le témoin Bossus mais dans quelle mesure. «C’est là qu’on se sépare» dit-il.
La preuve de l’Administrateur
[71] Me De Andrade a fait entendre monsieur Normand Pitre, signataire de la décision pour l’Administrateur. Invité à expliquer la première décision qu’il a rendue en octobre 2007, monsieur Pitre indique qu’il se serait mal exprimé en invoquant que la situation dénoncée lui apparaissait être reliée à la fabrication des plateformes. Il n’aurait pas utilisé le mot juste. Selon lui, la modification des plateformes sur place avant leur installation fait partie de la fabrication.
[72] À la question du procureur si la décision rendue en 2007 impliquait de remplacer des plateformes, monsieur Pitre répond «pas du tout». Pas plus d’ailleurs qu’à la suite de son inspection en mai 2008, répond-il à la même question de Me De Andrade.
[73] La décision qu’il a rendue en juillet 2009 est justifiée par le fait que des travaux effectués à l’automne 2008 n’avaient pas tenu et de nouvelles fissures étaient apparues. Invité à expliquer ce résultat, monsieur Pitre répond : «si les travaux ont été mal exécutés, cela a favorisé de l’infiltration»
[74] Invité à se prononcer sur les conclusions de l’expert Arsenault en regard de l’exfiltration, monsieur Pitre opine que cette théorie est faussée par les coupes qui ont été faites sur place, lesquelles ont affecté l’étanchéité. Quant à la théorie de l’expert Bossus, monsieur Pitre explique que la méthode préconisée pour réparer est reconnue dans l’industrie. Il a toutefois des réserves en ce qui concerne les casse goutte car, de façon générale, les gouttes ne se rendent pas à la structure d’acier. Référant aux photos annexées aux rapports des experts, le témoin montre que l’eau se rend là où les coupes ont été faites.
[75] Pour l’expert Pitre, les traces identifiées comme de la corrosion seraient plutôt ce qu’on appelle communément du «jus de plywood». Ici, c’est de la rouille de surface. Pour l’empêcher, il faut entretenir .
[76] Le témoin est d’avis qu’il est possible de réparer le fibre de verre parce que la surface est saine. Par ailleurs, il ne faut pas installer le fibre de verre sur un contre-plaqué humide, ce que n’a peut-être pas vérifié le sous-contractant.
[77] Enfin, à la question si la situation s’est dégradée depuis 2008-2009, monsieur Pitre croit que «oui, si l’ouvrage avait été fait correctement».
[78] En contre-interrogatoire par le procureur du Bénéficiaire, monsieur Pitre explique que le jus de «plywood», c’est de l’humidité qui est présente seulement aux coupes, aux vis, aux plaques.
[79] Monsieur Pitre confirme que les réparations effectuées constituent du «patchage», qui n’a pas été exécuté selon les règles de l’art. Il n’accepterait pas ça chez lui ni pour le plan de garantie ajoute-t-il. Il confirme que les travaux ne sont pas complétés.
[80] À la question si c’est normal que l’entretien auquel le témoin référait dans sa décision de juillet 2009 ne soit pas effectué, monsieur Pitre indique qu’il s’attendait à ce que les travaux soient complétés en août 2009. Me Dufour s’enquiert si Qualité Habitation a une politique pour superviser ça. Monsieur Pitre répond que ce n’est pas son rôle.
[81] Appelé à expliquer ce qui se passe lorsqu’un dossier est porté en arbitrage, monsieur Pitre indique que la problématique en l’espèce, c’est que le Bénéficiaire demande le remplacement des balcons. « On ne peut demander à l’Entrepreneur de réparer», ajoute-t-il.
[82] Contre-interrogé par le procureur de l’Entrepreneur, monsieur Pitre confirme que l’Entrepreneur a toujours collaboré. À la question si on aurait dû laisser la chance au coureur de réparer quand-même, le témoin est d’avis que ce serait illogique puisque le Bénéficiaire demande le remplacement des balcons.
[83] Quant à la durée de vie d’un balcon de fibre de verre, elle est, de l’avis du témoin, de 15 ans, sans peinture.
L’ARGUMENTATION
[84] Me Dufour fait valoir que le Bénéficiaire a demandé l’arbitrage pour en finir une fois pour toutes avec le problème. Il rappelle la chronologie des événements telle qu’établie par le témoignage de monsieur Malo, président du Bénéficiaire et de la preuve présentée.
[85] Le procureur ajoute que le problème semble être le sous-traitant, la firme Gauthier, qui ne paraît pas être préoccupé par la satisfaction des clients. .
[86] Me Dufour rappelle le témoignage des experts Bossus qui considère que les balcons sont réparables selon les règles de l’art et Pitre qui confirme cette thèse. Toutefois, plaide-t-il, les règles de l’art ne semblent pas réalisables.
[87] Il rappelle que monsieur Pitre a lui-même dit que le «patchage n’est pas acceptable» mais on impose au Syndicat d’entretenir ce rapiéçage. Me Dufour argue que l’Entrepreneur et l’Administrateur demandent au Bénéficiaire : «sois responsable maintenant que ça a été butché»
[88] Le procureur rappelle que l’expert Arsenault est d’avis que la problématique de fond n’est pas résolue et que si on répare le «bobo» à la pièce, ça va continuer. Dans le but de satisfaire le client, l’Entrepreneur devait être conscient de la nécessité de remplacement.
[89] Selon le procureur, monsieur Pitre a été le plus judicieux en affirmant que l’Entrepreneur a été empêché de faire les travaux car sa décision a été portée en arbitrage et que le Bénéficiaire demande le remplacement. La cause de la dégradation réside donc dans l’exercice d’un droit. Il n’y a pas de mauvaise foi du Bénéficiaire qui n’avait pas à intervenir car ce faisant, il intervenait dans la Garantie.
[90] Pour Me Dufour, l’image du jus de «plywood» est très évocatrice car le contreplaqué est imbibé.. Or, l’expert Arsenault a expliqué qu’il sort là où c’est le plus faible, soit en dessous, là où il n’y a qu’une seule couche de fibre de verre.
[91] Me Dufour dépose ensuite un guide d’entretien de balcons en fibre de verre ainsi qu’une décision arbitrale rendue par Me jean Morrissette traitant du pouvoir de l’Administrateur de choisir les travaux à effectuer.
[92] Me Morin expose à son tour la chronologie des événements en insistant sur le fait que l’Entrepreneur a toujours exécuté les travaux correctifs mais le Bénéficiaire a empêché l’Entrepreneur de se conformer à la troisième décision de l’Administrateur en réclamant, en arbitrage, le remplacement de tous les balcons. De ce fait, ajoute le procureur, l’Arbitre doit prendre acte de l’offre de l’Entrepreneur de réparer. Monsieur Pitre a témoigné à l’effet qu’il a visité les lieux de 2007 jusqu’au jour de l’audition et que l’Entrepreneur a toujours collaboré et n’a jamais voulu se défiler.
[93] Me Morin argue par ailleurs que, selon les témoignages de messieurs Dubé et Lavoie, les balcons n’étaient pas entretenus adéquatement. Concernant la situation invoquée par le Bénéficiaire, Me Morin donne pour exemple l’eau qui monte dans une maison.
[94] Comme questions de droit , Me Morin réfère aux articles 2098 et 2099 du Code civil du Québec et plaide que l’Entrepreneur a le libre choix des moyens d’exécution. À ce sujet, il dépose un extrait de la Formation permanente du Barreau du Québec intitulée «Développements récents en droit de la construction».
[95] Dans l’obligation de l’Entrepreneur de fournir des plate-formes conformes aux règles de l’art, l’art 2099 CCQ est éloquent et doit être pris en compte. Référant à la cause St-Laurent c. Jacques Fortin, Me Morin argue que l’Entrepreneur a mandaté l’expert Bossus pour savoir comment corriger.
[96] En ce qui concerne l’obligation du Bénéficiaire de minimiser ses dommages, pour Me Morin, même si la faute appartient à l’Entrepreneur, le fait pour le Bénéficiaire de ne pas avoir réduit la perte démontre sa mauvaise foi.
[97] Citant un jugement rendu par la Cour du Québec, Me Morin plaide que l’arbitre doit laisser à l’Entrepreneur le droit de réparer, d’autant plus qu’il n’est pas contesté que les balcons sont toujours sous garantie et que la garantie sera reconduite si les réparations sont effectuées.
[98] Me Morin insiste que le Bénéficiaire n’a jamais dit à l’Entrepreneur de faire les travaux. Enfin, Me Morin plaide que si l’Arbitre conclut à la possibilité de corriger, il devrait maintenir la décision de l’Administrateur, réserver les droits de l’Entrepreneur quant aux dommages qu’il a subis.
[99] Me De Andrade plaide que l’arbitre doit se demander s’il a des motifs de renverser la décision de l’Administrateur, laquelle est au bénéficie du Bénéficiaire. L’arbitre ne peut imposer la méthode corrective.
[100] Le procureur argue que la preuve entendue, de la plaidoirie même de Me Dufour, monsieur Pitre est le plus objectif. Il a reconnu le problème et a décrété, dans sa deuxième décision, que l’Entrepreneur devait recommencer.
[101] Me De Andrade plaide que la théorie de l’expert Arsenault ne tient pas la route à cause des coupes qui on tété fates sur place. Si sa théorie était valide, il aurait pris des mesures du taux d’humidité ajoute-t-il. Contrairement à monsieur Arsenault, messieurs Bossus et Pitre affirment qu’il est possible de faire des réparations au fibre de verre. Par conséquent, la crédibilité d’un expert qui prend la position de son client et n’est pas capable de considérer d’autres options que la sienne doit être mise en cause.
[102] Le procureur dépose la décision rendue par l’arbitre Jeanniot dans l’affaire Véronique Marleau et Martin Morgantaler c. Trinité Construction et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, [3] dans laquelle celui-ci rappelle que son mandat se limite à constater des défauts et enjoindre l’Entrepreneur à les corriger et que ce dernier a le libre choix des moyens d’exécution ou de la méthode corrective, sujet à son obligation de résultat.
[103] Concernant la situation de droit invoquée par le Bénéficiaire, Me De Andrade rappelle les articles 6 et 7 du Code civil du Québec qui exigent la bonne foi. Sans prétendre à mauvaise foi du Bénéficiaire, sa façon d’agir est déraisonnable, opine-t-il. Le procureur rappelle qu’il ne s’agit pas de balcons qui sont en train de tomber. À son avis, quand on décortique les photos produites, il n’y a que trois à quatre balcons qui reviennent toujours. La situation serait donc totalement déraisonnable. Dans une situation de droit, il y a obligation de minimiser les dommages et de faire les travaux conservatoires, lesquels sont d’ailleurs couverts par le Règlement.
[104] Me De Andrade rappelle ensuite que les Bénéficiaires avaient le fardeau de preuve que la seule solution serait le remplacement. Or, le tribunal n’a pas cette preuve. L’Entrepreneur s’est trompé de sous-traitant mais veut réparer. Il faut donc maintenir la décision de l’Administrateur et lui ordonner de faire les travaux.
L’ANALYSE ET LES MOTIFS
[105] Avant d’amorcer l’analyse pour disposer du litige, il y a lieu de rappeler que le présent arbitrage se tient en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. Ainsi, bien que le Tribunal puisse interpréter certains articles du Code civil du Québec ou du Code de procédure civile dans l’application de son mandat, c’est en vertu du Règlement qu’il doit déterminer les droits et obligations de chacun. Sa décision doit, conformément à l’article 116 du Règlement, prendre sa source dans la règle de droit et s’appuyer sur la preuve soumise par les parties.
[106] Le Bénéficiaire a produit une demande d’arbitrage à l’égard d’une troisième décision rendue par l’Administrateur en application de la garantie applicable à l’immeuble en copropriété qu’il administre. Quoique celle-ci lui soit toujours favorable, le Bénéficiaire demande l’arbitrage afin, dit-il par son représentant, de «régler définitivement le problème» et à cette fin, réclame le remplacement complet des balcons des 16 condominiums qu’il administre.
[107] Selon ma compréhension de la preuve présentée à l’audience et de la contestation produite par l’Entrepreneur, ce dernier ne nie pas qu’il y ait problème mais plaide qu’il a été empêché d’effectuer les travaux correctifs entraînant ainsi une détérioration des balcons et attribue la faute au Bénéficiaire qui n’aurait pas entretenu adéquatement les balcons. Ce faisant, le Bénéficiaire n’aurait pas mitigé ses dommages et serait donc de mauvaise foi en réclamant le remplacement complet des balcons. Par conséquent, il est maintenant impossible pour l’Entrepreneur de se conformer à la décision rendue par l’Administrateur le 14 septembre 2009.
[108] L’Entrepreneur et l’Administrateur plaident d’autre part, que les balcons sont réparables, qu’on doit laisser à l’Entrepreneur la chance de corriger le problème selon la solution qu’il préconise puisqu’en application de l’article 2099 du Code civil du Québec, il a le libre choix de la méthode correctrice.
[109] Les questions auxquelles le Tribunal doit répondre sont donc les suivantes :
A) Les plateformes des balcons peuvent-elles être réparées ou doivent-elles être remplacées au complet?
B) L’Entrepreneur est-il, du fait du Bénéficiaire, dans l’impossibilité de se conformer à la décision de l’Administrateur?
A ) Les plateformes des balcons peuvent-elles être réparées ou doivent-elles être remplacées au complet?
[110] Il y a lieu de rappeler que les parties sont liées par un contrat de garantie dont les termes sont dictés par la loi et le Règlement.
[111] En regard du droit qui encadre les relations des parties qui ont conclu un contrat de garantie, il convient de rappeler les dispositions pertinentes du Règlement :
7. Un plan de garantie doit garantir l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section.
[…]
27. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:
1° le parachèvement des travaux dénoncés, par écrit:
a) par le bénéficiaire, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception ;
b) par le professionnel du bâtiment, au moment de la réception des parties communes ;
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil…..;
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil…..
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception…..;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux…..
[112] Ainsi la garantie trouvera application si l’Entrepreneur est en défaut de respecter ses obligations légales ou contractuelles, plus précisément s’il néglige de terminer les travaux convenus ou si l’exécution des travaux est affectée de vices ou de malfaçons. Pour bien cerner ces notions, l’Arbitre réfère aux définitions fournies, à titre de guide, par la Régie du bâtiment du Québec. Cet organisme est chargé, en vertu de la Loi sur le bâtiment,[4] de l’application du Règlement :
Vices ou malfaçons : Travail mal fait ou mal exécuté compte tenu des normes qui lui sont applicables. Ces normes se trouvent dans les conditions contractuelles et les règles de l’art (voir ci-dessus la notion de « règles de l’art »). Ces défauts d’exécution se distinguent des vices cachés et des vices de conception, de construction ou de réalisation par leur degré de gravité : il s’agit de défauts mineurs..
Règles de l’art : Ensemble des techniques et pratiques de construction reconnues, approuvées ou sanctionnées. Ces règles ont un caractère évolutif car les méthodes de construction, les équipements et les matériaux disponibles évoluent constamment.
Elles trouvent notamment leurs sources dans les documents suivants :
· les instructions ou guides fournis par les fabricants d’équipements ou de matériaux entrant dans la construction des immeubles;
· les normes ou standards publiés par les organismes de normalisation;
· les lois ou règlements contenant des prescriptions obligatoires relativement à l’ouvrage à construire;
· les publications scientifiques ou techniques utilisées à des fins d’enseignement des professions ou des métiers, ou servant à la diffusion du savoir le plus récent.» [5]
[113] Au surplus, les tribunaux ont établi le caractère d’ordre public du Règlement.. À cet effet, le Tribunal réfère notamment aux propos de l’Honorable Pierrette Rayle qui s’exprimait pour la Cour d’appel du Québec sur cette question, reproduits récemment par cette même Cour[6]
Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.[7]
[114] Il est important de souligner d’abord que l’Entrepreneur n’a pas contesté par voie d’arbitrage les trois décisions rendues par l’Administrateur lui imposant d’apporter, aux plateformes des balcons, les correctifs requis selon les règles de l’art et l’usage courant du marché. Le Tribunal en conclut que l’Entrepreneur convient que les travaux exécutés, tant à l’origine qu’après les corrections apportées, ne répondent pas aux exigences des règles de l’art. Le procureur de l’Entrepreneur a d’ailleurs indiqué ne pas contester que l’Entrepreneur a une obligation de résultat, qu’il n’a jamais voulu se défiler mais il argue que le choix des moyens d’exécution lui appartient.
[115] Certes, l’article 2099 du Code civil du Québec stipule :
2099 : L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.
[116] Ce droit comporte toutefois en corollaire un certain nombre d'obligations dont celle prévue à l'article 2100 du Code civil du Québec :
2100 L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.
Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.
[117] Le principe de l’autonomie de l’Entrepreneur dans le choix des méthodes, sujet à son obligation d’agir dans le meilleur intérêt de son client et de se conformer aux usages et règles de l’art a été reconnu de nombreuses fois dans les décision arbitrales rendues en application du Règlement.
[118] C’est sans doute dans cette perspective que l’Administrateur a plaidé que ni l’Administrateur, ni le Tribunal ne pouvait pas imposer une méthode correctrice et qu’il devait se limiter à maintenir ou renverser la décision rendue par l’Administrateur. Avec respect, le Tribunal partage le point de vue exprimé par l’arbitre Jean Morissette dans la cause Ménard et Les entreprises Christian Dionne et Fils inc., produite par le procureur du Bénéficiaire :
«Le texte des articles du Règlement que j’ai souligné m’indique que l’Administrateur a le pouvoir de choisir les travaux qui corrigeront la malfaçon. Nous rejetons l’argument de l’Administrateur et de l’Entrepreneur à l’effet que ce dernier est le seul maître de la façon choisie pour la correction de la malfaçon.
Les auteurs Kott et Roy établissent ce principe dans le cadre d’un contrat d’entreprise et non dans le cadre de l’application de la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.»[8]
……..
La méthode utilisée pour procéder aux travaux correctifs, soit le changement complet du parement de briques, est, nous l’accordons, de l’entière responsabilité de l’Entrepreneur.
S’il est d’usage pour l’Administrateur de ne pas s’immiscer dans la correction visant la malfaçon, ce n’est pas que le Règlement ne lui donne pas ce pouvoir. Interpréter le règlement autrement laisserait les Bénéficiaires à la merci d’un entrepreneur incompétent, ce qui va à l’encontre de l’existence même du Plan de Garantie des maisons neuves. Le pouvoir de statuer comporte le pouvoir de choisir les travaux pour corriger la malfaçon.
[119] Dans le même esprit, le Tribunal est d’avis qu’en privilégiant la solution préconisée par le Bénéficiaire ou celle avancée par l’Entrepreneur et l’Administrateur, le Tribunal n’impose pas une méthode de correction, Il répond simplement au mandat dont les parties l’ont investi en lui exposant leurs prétentions respectives.
[120] De son côté, le Bénéficiaire conteste le bien fondé de la décision de l’Administrateur. Le fardeau de la preuve repose donc sur lui, en application des dispositions contenues à l’article 2803 du Code Civil du Québec :
2803 Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
[121] Autrement dit, il lui appartient de démontrer qu’il faut remplacer les plateformes des balcons au complet pour qu’elles répondent aux exigences des règles de l’art. En l’espèce, quelles sont ces règles d’art?
[122] Au moins une des deux journées d’audition a donné lieu à un débat sur la solution appropriée pour remédier aux défauts qui affectent les balcons.
[123] Les officiers de l’Entrepreneur ont témoigné n’être pas spécialisés dans la fabrication et l’installation des balcons en fibre de verre. Ils n’ont toutefois fait entendre aucun témoin spécialisé dans ce domaine, incluant celui qui a effectué les travaux de correction et qui aurait recommandé qu’une peinture soit apposée aux quatre ans selon le témoignage de monsieur Dubé. À cet égard, la preuve prépondérante qui ressort des témoignages des experts, incluant celui de monsieur Pitre, est plutôt à l’effet qu’un balcon en fibre de verre a une durée de vie de 15 à 20 ans, sans peinture.
[124] À cet effet, le Bénéficiaire a produit un document intitulé «Réparation et entretien de fibres de verre» . On peut y lire :
Le fibre de verre qui recouvre les planchers des balcons peut durer de 20 à 25 ans sans entretien. Ceci a pour effet que bon nombre de propriétaires oublient leurs balcons et attendent qu’ils soient fissurés ou endommagés par de l’infiltration d’eau avant de réagir.
Lorsqu’une fissure apparaît en surface il faut agir rapidement si on veut faire une réparation et conserver l’ensemble du balcon. En effet, si de l’eau s’infiltre dans le contreplaqué, la réparation sera peu durable car l’humidité emmagasinée cherchera à s’échapper et fera fissurer le revêtement à nouveau»[9]
[125] Or, il est en preuve que, lors de l’installation des plateformes de fibre de verre, des coupes ont été pratiquées afin d’insérer les plateformes entre les poteaux de soutien. Dès la réception du bâtiment, des fissures ont été constatées, que l’Entrepreneur a attribuées à un problème d’entretien. Ce n’est qu’après que le Bénéficiaire ait déposé une réclamation auprès de la Garantie que l’Entrepreneur a changé toutes les vis pour les remplacer par des vis galvanisées. D’ailleurs à l’audition, le président de Construction Dubé a témoigné à l’effet que la réception de la décision de l’Administrateur lui a fait penser qu’il devrait engager des dépenses compte tenu des réparations à faire. Il ajoutera plus tard dans son témoignage, qu’il a effectué des travaux en septembre 2008 pour respecter la garantie, c’est-à-dire «rendre le bâtiment à la satisfaction de Qualité Habitation». Or, dans son témoignage, c’est plutôt la satisfaction du client que monsieur Dubé a indiqué être de première importance.
[126] Malgré les réparations effectuées en septembre 2008, des fissures sont réapparues comme en font foi les décisions rendues par l’Administrateur sous la signature de monsieur Pitre.
[127] L’expert Arsenault opine que l’humidité entrappée dans le contreplaqué des plateformes a généré leur fissuration à divers endroits. Selon lui, les enduits de fibre de verre étant très imperméables à la vapeur d’eau, l’humidité passe par les fissures. Il soupçonne un problème relié à la fabrication initiale des panneaux. L’absence de renfort de la couche d’enduit aux soffites favoriserait la fissuration des panneaux. À preuve, la corrosion constatée aux cornières et attaches métalliques. Par ailleurs, le nez des plateformes favorise le maintien de l’eau et la formation de gouttelettes au soffite et le drainage n’est pas assuré.
[128] De son côté, l’expert Bossus avait d’abord indiqué dans un premier rapport que, suite aux travaux effectués par l’Entrepreneur, le contreplaqué est «actuellement protégé contre les intempéries». Dans le second rapport, sept mois plus tard, il conclut que l’absence d’entretien des plateformes et des joints de scellant par le Bénéficiaire a engendré des infiltrations d’eau à partir de la face verticale des plateformes, provoquant leur fissuration.
[129] En fait, dans son deuxième rapport, Bossus établit ses constatations à partir de la prémisse suivante : le Bénéficiaire s’est-il conformé aux directives du conciliateur de la garantie Qualité Habitation, telles qu’exposées dans la décision qu’il a rendue le 7 juillet 2009?
[130] Certes, à l’audience, l’expert Bossus a expliqué à l’aide de photos, que les infiltrations d’eau à partir de la face verticale des plateformes génèrent des conséquences localisées et qu’il est possible de réparer en retirant la partie affectée en prenant soin de l’excéder de 20 pouces. Pour assurer l’effet casse-gouttes, il recommande d’installer des larmiers au débord des balcons, à leur soffite. . Il affirme que les travaux suggérés ne constitueraient pas du «patchage» et seraient esthétiques. Or, tous les témoins entendus à l’audience, ont qualifié les travaux effectués en août 2009 d’inacceptables en ce qu’ils constituaient du «patchage»
[131] Finalement, l’expert Bossus recommande de peinturer la surface de tous les balcons alors que la preuve a plutôt démontré qu’une telle solution n’est pas appropriée pour des balcons de fibre de verre.
[132] Le Tribunal partage l’avis de l’expert Arsenault à l’effet que la solution proposée ne serait pas complète et qu’il serait plus difficile d’expliquer la raison des dommages après cette intervention.
[133] Enfin, à l’audience, monsieur Pitre a assuré qu’il est possible de réparer mais en réitérant les conditions imposées dans sa décision du 14 septembre 2009 relatives à l’exigence préalable d’une surface saine et exempte d’humidité. Il ajoute «ce que monsieur Gauthier n’a peut-être pas vérifié». À la question suivante du procureur qui lui demande si la situation s’est détériorée depuis 2008-2009, monsieur Pitre répond « si l’ouvrage avait été fait correctement, oui»
[134] Cela dit, quoique les 330 photos prises par l’expert Arsenault n’aient pu être produites, la comparaison des rapports d’expertise et des photos produites de part et d’autre permet d’identifier au moins 20 balcons affectés de défauts importants. Cependant, aucun d’eux n’a clairement identifié les balcons qui nécessitent un remplacement.
[135] À l’audience, à la demande du tribunal, l’expert Bossus a d’abord identifié sept balcons nécessitant un remplacement complet pour finalement porter son choix définitif sur cinq balcons. De son côté, dans son rapport en date du 12 août 2010, l’expert Arsenault écrit, tenant compte de ses conclusions, que les balcons sont «vulnérables à des fissurations et des décollements additionnels». Il ajoute toutefois que «les panneaux qui sont déjà fissurés et endommagés devraient être remplacés par de nouveaux panneaux».
[136] Après analyse de l’ensemble de la preuve, des rapports d’expert et des photos produites au soutien des prétentions de chacune des parties, le Tribunal privilégie le remplacement complet des plateformes qui sont fissurées ou endommagées, la prépondérance de la preuve étant à l’effet que les plateformes des balcons sont affectées d’un vice de fabrication ou d’installation.
[137] Le tribunal convient qu’il est difficile de dire si d’autres plateformes seront fissurées ou endommagées plus tard. Toutefois, tant qu’il n’y a pas manifestation de défaut, il s’agit simplement d’une crainte qui n’est pas garantie en vertu du Règlement.
[138] Ainsi, pour éviter de telles manifestations, il y a lieu de retenir aussi les autres travaux recommandés par l’expert Arsenault, dans son rapport écrit daté le 12 août 2010 et déposé à l’audience :
[138.1] Modifier la géométrie des rebords des plateformes pour y aménager un rejet d’eau;
[138.2] Placer les plateformes avec une pente de 1,5% pour permettre l’écoulement des eaux en surface de ceux-ci;
[138.3] Enlever les panneaux pour exposer les cornières d’acier et corriger toute corrosion trouvée, ce qui implique la pose d’une peinture de protection riche en zinc sur les surfaces d’acier dûment préparées à cette fin.
[139] Enfin, la preuve soumise au Tribunal n’ayant pas permis d’identifier avec précision toutes les plateformes qui sont fissurées ou endommagées et les parties ayant avantage à régler la question, le Tribunal fait siens les propos de l’Honorable juge Michèle Monast de la Cour Supérieure, qui s’exprimait ainsi :
Il est acquis au débat que l'arbitre doit trancher le litige suivant les règles de droit et qu'il doit tenir compte de la preuve déposée devant lui. Il doit interpréter les dispositions du Règlement et les appliquer au cas qui lui est soumis. Il peut cependant faire appel aux règles de l'équité lorsque les circonstances le justifient. Cela signifie qu'il peut suppléer au silence du règlement ou l'interpréter de manière plus favorable à une partie. [10]
[140] Ainsi, appliquant les règles d’équité :
[140.1] Advenant qu’un litige subsiste à la suite de la présente décision quant à l’étendue des travaux relatifs au remplacement des plateformes fissurées ou endommagées, elles pourront s’adresser au présent Tribunal d’arbitrage pour en disposer;
[140.2] Le présent Tribunal d’arbitrage conservera compétence relativement à cette éventuelle décision.
B) L’Entrepreneur est-il, du fait du Bénéficiaire, dans l’impossibilité de se conformer à la décision de l’Administrateur?
[141] Dans sa contestation et à l’audience, l’Entrepreneur a longuement fait état du fait qu’il aurait été empêché par le Bénéficiaire de se conformer à la décision de l’Administrateur, celui-ci lui, prétend-il, lui ayant refusé l’accès au bâtiment depuis le dépôt de la demande d’arbitrage.
[142] À l’audience, le procureur de l’Entrepreneur a représenté que le Bénéficiaire a simplement exercé son droit à l’arbitrage à la suite d’une troisième décision de l’Administrateur portant les mêmes conclusions concernant les travaux à effectuer par l’Entrepreneur pour se conformer aux règles de l’art. Selon le Bénéficiaire, vu que les travaux correctifs déjà effectués n’avaient pas réglé le problème et qu’il était insatisfait des conclusions de la décision de l’Administrateur, il n’avait d’autre choix que de porter la décision en arbitrage, en conformité de l’article 35 du Règlement :
35. Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.
[143] Contestant l’argument du Bénéficiaire à l’effet que celui-ci n’a fait qu’exercer ses droits, l’Entrepreneur compare la situation sous analyse avec celle d’une poursuite qui serait engagée contre un entrepreneur à la suite d’inondation importante dans le sous-sol d’une maison et que le demandeur ne prendrait aucune mesure pour éliminer l’eau en raison de la procédure engagée.
[144] Certes, cette comparaison frappe l’imagination mais ne peut être retenue car elle n’a pas de mesure avec la situation sous analyse et la preuve soumise. D’une part, le Tribunal retient du témoignage même de monsieur Pitre, signataire de la décision de l’Administrateur, qu’en l’espèce, la situation n’est pas menaçante («on n’est pas en présence de balcons qui sont en train de tomber»). De plus, à l’audience, monsieur Pitre déclare qu’il n’aurait pas logique de demander à l’Entrepreneur de réparer avant l’issue de l’arbitrage alors que le Bénéficiaire demande le remplacement de tous les balcons.
[145] Le procureur de l’Entrepreneur a déposé quelques jugements[11] au soutien de son argumentation à l’effet que Construction Dubé inc. aurait été empêchée de procéder aux travaux correctifs. Avec respect, la jurisprudence soumise concerne, sur cet aspect de sa plaidoirie, des cas où le propriétaire de l’immeuble a soit mis fin au contrat prématurément, soit retenu les services d’un tiers pour procéder aux travaux. Aucune de ces situations n’est présente en l’espèce. De plus, trois décisions de l’Administrateur de la Garantie ont été rendues en faveur du Bénéficiaire et l’Entrepreneur a effectué des travaux à trois reprises avant que le Bénéficiaire ne porte sa réclamation en arbitrage.
[146] Beaucoup a été dit sur l’absence d’entretien des plateformes et structures des balcons, par le Bénéficiaire, tant pour expliquer les délais de réparations encourus par l’Entrepreneur que pour dégager ce dernier de sa responsabilité à l’égard de la dégradation qui en aurait découlé.
[147] Il ressort des témoignages tant de messieurs Dubé et Lavoie, représentants de l’Entrepreneur que de celui de monsieur Malo, représentant du Bénéficiaire que, dès 2006, alors qu’il s’était pourtant engagé à effectuer des réparations, l’Entrepreneur a invoqué le manque d’entretien de l’immeuble par le Bénéficiaire. Toutefois, lorsqu’il est invité à préciser, monsieur Dubé indique avoir observé un «défaut d’entretien généralisé à l’extérieur du bâtiment».
[148] La preuve n’a pas démontré que l’Entrepreneur a fourni des informations sur l’entretien à effectuer, se contentant d’indiquer qu’il participait au début, aux réunions copropriété. De plus, l’Entrepreneur n’a aucune politique d’information sur l’entretien car, selon le témoin Dubé, il est en lien direct avec les clients et Qualité Habitation transmet un dépliant au propriétaire lorsque la propriété est enregistrée au plan de garantie. Aucune preuve n’a été faite non plus, des travaux d’entretien recommandés par le fabricant car ni ce dernier, ni le sous-traitant qui a installé les balcons n’ont été appelés comme témoin à l’audience.
[149] En aucun temps l’Administrateur n’a, dans les décisions qu’il a rendues, mis en cause l’entretien par le Bénéficiaire pour justifier les défauts ou refuser d’intervenir comme le lui permet l’article 29 (3) du Règlement, qui se lit comme suit :
29. Sont exclus de la garantie:
………
3° les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l'entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire;
[150] Par ailleurs, selon l’Entrepreneur, le Bénéficiaire aurait manqué à son devoir de mitiger ses dommages en ne se conformant pas à la deuxième décision de l’Administrateur, laquelle indique que le Bénéficiaire devra assurer la «maintenance des plateformes une fois les réparations effectuées». De ce fait, l’Entrepreneur ne pourrait être tenu responsable de la détérioration des balcons depuis cette décision.
[151] À l’appui de son argumentation, le procureur de l’Entrepreneur a déposé plusieurs jugements traitant de cette obligation prévue à l’article 1479 du Code civil du Québec. Avec respect, le Tribunal ne juge pas pertinente cette jurisprudence en ce qu’elles ne concernant que des contrats d’entreprise qui sont antérieurs à l’adoption du Règlement et des exigences relatives au plan de garantie obligatoire.
[152] Relativement aux questions de faits, monsieur Pitre a expliqué à l’audience, que l’entretien devait être effectué par le Bénéficiaire «lorsque les travaux correctifs seront complétés» comme l’indique clairement la décision qu’il a rendue. Or, les travaux correctifs n’étaient pas terminés en août 2009, d’autant plus que toutes les parties ont, à l’audience, été unanimes pour qualifier les réparations effectuées à ce moment comme ne répondant pas aux règles de l’art, à la suite de quoi l’Administrateur a rendu une troisième décision en septembre 2009 dans laquelle il réitère que l’Entrepreneur doit procéder à des travaux correctifs selon les règles de l’art.
[153] Qui plus est, si le Bénéficiaire avait effectué des travaux sur les balcons, il aurait pu, en quelque sorte, camoufler le problème ou vicier la preuve en empêchant les experts de procéder à une expertise de la réelle situation, ce que l’Entrepreneur n’aurait sans doute pas manqué de lui opposer. D’ailleurs, à cet effet, Bossus a tenté de démontrer que le manque d’entretien a généré l’obligation de remplacer cinq balcons plutôt que deux après sa première visite. Or, rien dans son rapport du 1er mars ne permet de conclure qu’il considérait déjà le remplacement de deux plateformes. Au contraire, il y écrivait que «4 paliers en fibres de verre démontrent des fissures, lesquelles se devront d’être réparées localement».
[154] De son côté, le procureur de l’Administrateur, sans prétendre que le Bénéficiaire est de mauvaise foi, juge déraisonnable sa façon d’agir dans l’exercice de ses droits. À cet effet, il plaide que le Bénéficiaire aurait pu ou dû se pourvoir des dispositions pertinentes du Règlement en regard des réparations conservatoires nécessaires et urgentes effectuées. Cet argument a particulièrement retenu l’attention du Tribunal considérant la disponibilité de ce recours à l’ensemble des parties, comme le stipule l’article 111 du Règlement :
111. Avant ou pendant la procédure arbitrale, une partie intéressée ou l'administrateur peut demander des mesures nécessaires pour assurer la conservation du bâtiment
[155] Or, ni l’Entrepreneur, ni l’Administrateur ne s’est prévalu de cette disposition. Ils sont difficilement justifiés d’imputer aujourd’hui au seul Bénéficiaire, la responsabilité de la dégradation des balcons depuis la décision de l’Administrateur et le dépôt de leur demande d’arbitrage.
[156] Qui plus est, en vertu de l’article 78 du Règlement, pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d'accréditation, un entrepreneur doit signer la convention d'adhésion fournie par l'administrateur et comportant les engagements énumérés à l'annexe II du Règlement dont celui-ci :
………
18° à mettre en place s'il y a lieu, toutes les mesures nécessaires pour assurer la conservation du bâtiment ou à rembourser le bénéficiaire lorsque de telles mesures ont dû être mises en place de façon urgente par ce dernier;
[157] Enfin, le défaut de se conformer à cette obligation ainsi qu’à d’autres qui lui sont imposées relativement à la connaissance des mécanismes de la garantie qu’il doit assurer au bénéficiaire, entraînera, pour l’Entrepreneur, des effets importants sur son application, comme le prévoit l’article 35.1 du Règlement :
35.1 Le non-respect d'un délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l'entrepreneur ou l'administrateur manque à ses obligations prévues aux articles 33, 33.1, 34, 66, 69.1,132 à 137 et aux paragraphes 12, 13, 14 et 18 de l'annexe II, à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n'a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou, à moins que le délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d'un an.
[158] Il ressort de l’ensemble de ces dispositions, comme l’exprime l’arbitre Robert Masson, que :
«le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, mis en vigueur en vertu de la Loi sur le bâtiment, a été institué par le gouvernement du Québec afin de protéger les acheteurs et d’améliorer la qualité des constructions neuves»
Le Procureur général du Québec s’exprimait ainsi alors qu’il intervenait dans un débat concernant une sentence arbitrale rendue en vertu du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs où il avait été appelé :
«Les dispositions à caractère social de ce règlement visent principalement à remédier au déséquilibre existant entre le consommateur et les entrepreneurs lors de mésententes dans leurs relations contractuelles. En empruntant un fonctionnement moins formaliste, moins onéreux et mieux spécialisé, le système d’arbitrage vient s’insérer dans une politique législative globale visant l’établissement d’un régime complet de protection du public dans le domaine de la construction résidentielle»[12]
[159] Ainsi, au-delà des effets du seul contrat d’entreprise, c’est dans le cadre d’une relation fortement réglementée, dont le contenu est dicté par un règlement d’ordre public que le Tribunal est appelé à analyser le comportement des parties à l’arbitrage.
[160] Cela dit, le Tribunal convient, comme l’a plaidé le procureur de l’Administrateur, qu’en application des articles 6 et 7 du Code civil du Québec, le droit des bénéficiaires de demander l’arbitrage doit être exercé de bonne foi, sans intention de nuire et aucunement de manière déraisonnable. Avec égards, la preuve n’a pas démontré que le Bénéficiaire ne répondait pas à ces exigences.
[161] Au contraire, outre les motifs précédemment identifiés, le Tribunal retient que : la demande d’arbitrage n’a été déposée qu’en 2009, à la suite d’une troisième décision de l’Administrateur, alors que le problème avait été dénoncé dès 2005. Il s’est passé près de deux ans avant que l’Entrepreneur exécute les premiers travaux en remplaçant les vis. Il s’est passé un an entre la première décision de l’Administrateur et les travaux de correction aux nids et aux plateformes. Toutes les parties ont reconnu que les travaux effectués en août 2009, soit à la suite de la deuxième décision de l’Administrateur, ne respectaient pas les règles de l’art. En cours de procédure, le Bénéficiaire a autorisé l’Entrepreneur à retirer une plateforme pour fins d’analyse. Finalement, il est clair que le délai d’un an qu’a nécessité la mise en état du dossier depuis le dépôt de la demande d’arbitrage ne sont pas attribuables qu’au Bénéficiaire.
[162] Pour toutes ces raisons, le tribunal conclut que l’Entrepreneur n’est pas, du fait du Bénéficiaire, dans l’impossibilité de se conformer à la décision de l’Administrateur.
LES FRAIS D’EXPERTISE
[163] Le Bénéficiaire réclame les frais d’expertise encourus pour les services professionnels de l’expert Laurent Arsenault et sa présence à l’audience. Un premier compte, au montant de $5 735,18 a été déposé à l’audience. Il appert toutefois que les procureurs des autres parties n’en ont pas reçu copie. Il fut convenu que le compte relatif à la présence à l’audience serait produit postérieurement. Celui-ci, au montant de $4 035,28 a été transmis à l’Arbitre et aux autres parties le 29 décembre 2010. Le procureur de l’Administrateur ayant contesté les frais d’expertise, le Tribunal a tenu une conférence téléphonique le 2 février afin d’entendre les arguments des procureurs sur cette question.
[164] L’article 124 du Règlement stipule que l’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.
[165] L’Administrateur a représenté que les fais de déplacement et de soutien administratif sont exclus de la portée de l’article 124 du Règlement. Le Bénéficiaire réplique que ces frais font partie d’un tout et qu’à défaut de les spécifier, l’expert les réclamerait à son taux horaire ce qui risquerait d’être encore plus onéreux.
[166] L’Entrepreneur plaide que les frais sont exagérés compte tenu de la nature du dossier et qu’on doit appliquer la règle de la proportionnalité. Le Bénéficiaire réplique que l’expert est ingénieur. De plus, la réclamation étant évaluée autour de 100 000$, il faut considérer la règle de la raisonnabilité.
[167] L’Entrepreneur admet la présence d’un enjeu économique mais il argue que sa valeur est plus importante en raison de la demande du Bénéficiaire qui réclame le remplacement des balcons. Il convient que l’expert est ingénieur mais il n’a produit qu’un rapport et n’a été présent qu’une journée à la Cour.
[168] Pour sa part, l’Administrateur plaide qu’ayant reconnu la problématique, il y a lieu de se demander si le Bénéficiaire avait besoin d’une expertise. Le Bénéficiaire réplique que trois décisions ont été rendues par l’Administrateur et que les réparations n’ont pas tenu. Il était obligé de porter la cause en arbitrage pour contester la décision de l’Administrateur. Il a le fardeau de la preuve et doit démontrer que la problématique dépasse l’entendement de l’Administrateur.
[169] L’article 124 du Règlement établit trois critères de recevabilité au remboursement des frais d’expertise engagés par e Bénéficiaire. Il doit avoir gain de cause, c’est le cas en l’espèce, les frais réclamés doivent être raisonnables par rapport à la nature du problème et l’expertise doit avoir été utile.
[170] Quoique la problématique soit reconnue par l’Administrateur, celle-ci n’était toujours pas réglée après qu’il ait rendu ses deux premières décisions. Même si les décisions de l’Administrateur étaient favorables au Bénéficiaire, leur formulation manquait de clarté à bien des égards dont les causes du problème, ses conséquences réelles et les travaux requis pour y remédier définitivement.
[171] Il ne fait aucun doute que le Bénéficiaire se devait de faire appel à un expert, d’autant plus qu’il avait le fardeau de la preuve. Lorsque le Bénéficiaire a donné mandat à l’expert Arsenault, l’Entrepreneur avait déjà déposé un premier rapport d’expertise et fait retirer une plateforme pour fin d’analyse.
[172] De l’avis du tribunal, l’expertise a été indispensable à la compréhension de la problématique et directement éclairante quant à la solution à privilégier. Le rapport écrit et le témoignage de l’expert à l’audience ont permis la tenue de véritables échanges explicatifs sur les travaux correctifs souhaitables pour remédier au problème, sans quoi le Tribunal croit que l’entretien des balcons aurait été particulièrement au coeur du débat.
[173] Il y a cependant lieu de tenir compte du fait que l’Administrateur a reconnu le problème dès la première réclamation par le Bénéficiaire, d’autant plus qu’à l’audience, le témoignage de monsieur Pitre a été très utile pour corroborer certains faits ou opinions. Le tribunal évalue à 25% la contribution de l’Administrateur qui devra par conséquent rembourser 75% du montant des frais d’expertise.
[174] En ce qui concerne la raisonnabilité des frais d’expertise, le Tribunal n’a aucun motif pour remettre en cause le montant total des frais réclamés tel qu’établi à $ 9 970,45 et rien dans l’article 124 du Règlement ne l’autorise à exclure les frais de déplacement ou de soutien administratif.
[164]Dans les circonstances, il y a donc lieu de faire droit à la demande des bénéficiaires et d’ordonner le remboursement par l’Administrateur de 75% des frais d’expertise, soit un montant de $ 7 327,84.
LA DÉCISION
[175] L’arbitre doit statuer «conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient».[13] Sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel.[14]
[176] En vertu de l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et vu que le Bénéficiaire a obtenu gain de cause, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur;
123. Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE en partie la demande d’arbitrage du Bénéficiaire;
ORDONNE à l’Entrepreneur d’effectuer au plus tard le 15 juillet 2011, les travaux requis selon les règles de l’art, tels que recommandés par l’expert du Bénéficiaire dans son rapport écrit daté le 12 août 2010. À défaut par l’Entrepreneur de s’y conformer, ORDONNE à l’Administrateur de procéder auxdits travaux dans les trente (30) jours suivant l’expiration du délai alloué à l’Entrepreneur;
réserve les droits des parties de soumettre au présent Tribunal d’arbitrage tout différend qui pourrait subsister sur l’étendue des travaux relatifs au remplacement complet des plateformes fissurées ou endommagées et à cette fin, DEMEURE SAISI ET CONSERVE COMPÉTENCE pour en disposer.
ACCUEILLE EN PARTIE la demande du Bénéficiaire de rembourser ses frais d’expertise et en limite le montant à $7 327,84.
CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage..
___________________________________________
Me France Desjardins
Arbitre
[1] LRQ, c.B-1.1, r.0.2
[2] Page 2, 1er paragraphe de son rapport.
[3] Décision rendue le 27 juillet 2010 dans le dossier CCAC S09-081201-NP
[4] LRQ, c.B-1.1
[5] Brochure : Mesures à prendre pour votre maison concernant le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, Publication de la Régie du Bâtiment du Québec, dépôt légal 2007, Archives nationales du Québec.
[6] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. c. Myl Développement Inc. et Mario Lévesque, Cour d’appel 500-09-019672-096, 14 janvier 2011
[7] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle et René Blanchet, ès qualité d’arbitre au CCAC, Cour d’appel, 15 décembre 2004, motifs de la juge Pierrette Rayle
[8] Jose Ménard et Paul Mahoney c. Les Entreprises Christian Dionne et Fils inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ inc., 2006 CanLII 60456 ;
[9] Guide Perrier.com, article 1288-1742,
[10] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis ( 2007 QCCS 4701
[11] Laurier Saint-Laurent et Denise Macameau c. Jacques Fortin Construction inc. et Jacques Fortin c. Les gestions MCA inc., CS Abitibi, EYB 2002-34378;
Sylvain Therrien et Paule gendreau c. Goyette, Duchesne et Lemieux inc. et 141517 Canada inc., CQ Joliette, EYB 2004-81671
[12] Teymour Sharifi et Froogh Rezanejhad c. Groupe Immobilier Grilli Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Me Robert Masson, dossier Soreconi 061018003
[13] Article 116 du Règlement
[14] Articles 20 et 120 du Règlement