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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec :
LA SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DE CONFLITS INC. (SORECONI)
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ENTRE : CONSTRUCTION XP INC.
(ci-après désignée « l’Entrepreneur »)
MONSIEUR RICHARD PARADIS
-et-
MADAME LUCIE GODIN
(ci-après désignés « les Bénéficiaires »)
LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)
(ci-après désignée « l'Administrateur »)
No dossier SORECONI : 160208001
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DÉCISION INTERLOCUTOIRE
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Arbitre : Me Luc Chamberland
Pour l’Entrepreneur : Me France Deschênes (absente)
Pour les Bénéficiaires : Me Pierre Godin
Pour l'Administrateur : Me Pierre-Marc Boyer
Pour le Syndic : Roy, Métivier, Roberge inc. (absent)
Date de l'audition préliminaire : Le 28 avril 2017
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Date de la décision : Le 17 mai 2017
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Identification complète des parties
Arbitre : Me Luc Chamberland 79, boul. René-Lévesque Est, bureau 200 Québec (Québec) G1R 5N5
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Entrepreneur : Construction XP inc. 1771, av. Industrielle Québec (Québec) G3K 1L8 Et son avocate : Me France Deschênes
(absente)
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Bénéficiaires : M. Richard Paradis Mme Lucie Godin [...] Québec (Québec) [...] Et son avocat : Me Pierre Godin
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Administrateur : Garantie de construction résidentielle (GCR) 7171, rue Jean-Talon Est, bureau 200 Anjou (Québec) H1M 3N2 Et son avocat : Me Pierre-Marc Boyer
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Syndic : Roy, Métivier, Roberge inc. Syndic autorisé en insolvabilité Édifice Iberville III 2960, boulevard Laurier, bureau 210 Québec (Québec) GIV 4S1
(absent)
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Décision interlocutoire
[1] Le 1er novembre 2015, les Bénéficiaires, M. Richard Paradis et Mme Lucie Godin signaient avec l’Entrepreneur, Construction XP inc., un contrat de garantie des bâtiments non détenus en copropriété divise (A-1). La Garantie de construction résidentielle (GCR) était identifiée au contrat (A-1), à titre d’Administrateur du plan de garantie.
[2] Le 29 mars 2016, les Bénéficiaires déposaient une dénonciation concernant différentes déficiences affectant l’immeuble, dont un problème d’insonorisation du plancher du logement au no [...] (A-3).
[3] Le 5 juillet 2016, suite à une visite des lieux, l’Administrateur rendait une décision (A-18) concernant le seul point encore en litige, soit l’insonorisation du plancher. Il a accueilli la réclamation des Bénéficiaires et a ordonné à l’Entrepreneur de régler le vice caché, soit en apportant tous les correctifs nécessaires pour que l’insonorisation du plancher respecte les recommandations de la SCHL concernant les bruits d’impact (55).
[4] Le 2 août 2016, l’Entrepreneur faisait une demande d’arbitrage contestant la décision de l’Administrateur.
[5] Le 18 novembre 2016, l’arbitre rendait une première décision interlocutoire portant sur la communication de la preuve entre les parties.
[6] Le 3 mars 2017, l’avocate de l’Entrepreneur, Me France Deschênes, adressait un courriel au soussigné et à toutes les parties, lequel indiquait :
Nous vous informons que notre cliente, Construction XP inc., a déposé un avis d’intention de faire une proposition en date du 14 février 2017. Vous trouverez ci-joint copie de ce document.
Par conséquent, nous comprenons que le dossier d’arbitrage sera suspendu et que la partie non utilisée provision pour frais sera retournée à l’entrepreneur et à l’administrateur.
[7] À ce courriel était annexé le formulaire 33 et le Certificat de dépôt d’un avis d’intention de faire une proposition, par. 50.4(1). On peut lire au formulaire 33, la phrase suivante :
4. Conformément à l’article 69 de la Loi, les procédures engagées contre moi sont suspendues à compter de la date du dépôt du présent avis auprès du séquestre officiel de ma localité.
[nos soulignés]
[8] Quant au Certificat, on peut aussi lire :
Conformément au paragraphe 69(1) de la Loi, toutes les procédures contre la personne insolvable susmentionnée sont suspendues à compter de la date du dépôt de l’avis d’intention.
[nos soulignés]
[9] Suite au courriel du 3 mars 2017, de nombreux courriels ont été échangés entre les parties, tant sur la demande de suspension que sur la demande de remboursement de la provision pour frais.
[10] Il n’est pas nécessaire de reproduire l’ensemble des courriels échangés, mais le tribunal retiendra les plus significatifs. Le 20 mars 2017, Me Deschênes écrit :
Nous confirmons de nouveau qu’il n’a jamais été de l’intention de notre cliente de se désister de son appel. Afin d’éviter tout malentendu, nous confirmons de nouveau que notre cliente renonce à récupérer, pour l’instant, la portion non-utilisée de la provision pour frais qu’elle a versée.
Tel que mentionné par ma collègue, Me Anne-Marie Gagné, en mon absence, notre cliente n’a pas à demander la suspension du dossier d’arbitrage, cette suspension étant automatiquement ordonnée par l’article 69 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité depuis le dépôt de l’avis d’intention.
Si une partie souhaite obtenir la levée de cette suspension, nous comprenons qu’elle en fera la demande auprès du tribunal siégeant en matière de faillite, conformément à l’article 69.4 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.
[11] Le 24 mars 2017, Me Deschênes s’exprime comme suit :
Nous considérons qu’il ne s’agit que de l’application pure et simple des effets prévus à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité lors du dépôt d’un avis d’intention.
Si Me Boyer souhaite invoquer que la Loi sur la faillite et l’insolvabilité ne s’applique pas à un arbitrage tenu en vertu du Règlement sur le plan de garantie, nous sommes d’avis qu’il doit transmettre un avis exposant ses prétentions au Procureur général du Québec et au Procureur général du Canada, conformément à l’article 76 du Code de procédure civile. Nous croyons qu’il ne revient pas à notre cliente de faire les frais d’un tel débat, notre cliente étant, de surcroît, présentement en difficulté financière.
En effet, Me Boyer semble indiquer que l’application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, une loi fédérale, serait contraire aux objectifs poursuivis par le législateur provincial. Nous référons ici aux arguments fournis par Me Boyer dans son courriel du 20 mars 2017.
[12] Le 31 mars 2017, Me Deschênes écrit :
Dans le seul but de limiter les frais pour notre cliente, sans admission de quelque nature que ce soit, nous confirmons que nous ne serons pas présents lors de l’audience demandée par Me Boyer. Nous continuons en effet de prétendre que le dépôt d’un avis d’intention par notre cliente a entraîné la suspension du dossier d’arbitrage et que si une partie souhaite obtenir la levée de cette suspension, elle doit en faire la demande auprès de la Cour supérieure, siégeant en matière de faillite, suivant l’article 69.4 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Ceci dit, puisque de notre côté, le dossier est déjà en état, nous prenons la décision de ne pas investir plus de temps ou d’argent pour traiter de cette question.
Nous souhaitons tout de même être informés de la date à laquelle l’audience se tiendra et de la décision qui sera rendue par Me Chamberland.
[13] Le 10 avril 2017, le tribunal adressait aux parties, par courriel, une lettre les convoquant à une audition le 28 avril 2017. Cette lettre a aussi été adressée par courriel et par courrier au syndic de l’Entrepreneur, Roy, Métivier, Roberge inc. On peut y lire :
Nous adressons aussi la présente lettre au syndic afin que celui-ci puisse intervenir, le cas échéant, concernant l’ordonnance de suspension émise en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LRC 1985, c B-3) ou informer les parties et l’arbitre de sa décision de continuer ou non le recours intenté par l’Entrepreneur devant le présent tribunal d’arbitrage.
[14] Lors de l’audition du 28 avril 2017 au bureau du tribunal d’arbitrage, Me Pierre Godin et Me Pierre-Marc Boyer étaient présents, respectivement pour les Bénéficiaires et pour l’Administrateur. Ni Me Deschênes ni un représentant de l’Entrepreneur n’était présent. Il en est de même pour le syndic. Interrogées par l’arbitre, les parties présentes ont déclaré au tribunal n’avoir eu aucune communication avec le syndic de l’Entrepreneur.
La question en litige
[15] La question en litige consiste donc à déterminer si l’avis d’intention de faire une proposition, en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité L.R.C. (1985) ch. B-3 (ci-après « LFI ») a pour effet de suspendre le processus d’arbitrage prévu au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, ch. B-1.1, r. 8 (ci-après le « Règlement »).
Les prétentions de l’Administrateur
[16] Les prétentions de l’Administrateur se retrouvent à son plan d’argumentation écrit. Le tribunal reproduira seulement celles qui sont en exergue :
PREMIÈRE PARTIE : la compétence de l’arbitre.
L’administrateur GCR est d’avis que seule la Cour supérieure, conformément à l’article 183(1.1) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (L.R.C., 1985, ch. B-3) (ci-après « LFI ») a compétence pour suspendre un recours en arbitrage intenté par un entrepreneur dans le cadre du régime du plan de garantie, et non le tribunal d’arbitrage.
[…]
DEUXIÈME PARTIE : argumentation subsidiaire (et complémentaire) si le tribunal déclare avoir compétence.
A) L’article 69(1) de la LFI prescrit qu’un créancier ne peut intenter ou continuer aucun recours contre une personne insolvable. Le même principe s’applique en cas de faillite, à l’article 69.3(1).
[…]
B) L’objectif de l’article 69(1) LFI est d’éviter qu’un créancier donné soit avantagé par rapport à d’autres créanciers suite au dépôt d’un avis d’intention aux termes de l’article 50.4 LFI par une personne insolvable.
C) Le Règlement est à caractère social et son objectif est la protection des acheteurs de bâtiments résidentiels neufs :
Les prétentions de Bénéficiaires
[17] L’avocat des Bénéficiaires a déclaré être en accord avec les prétentions de l’avocat de l’Administrateur. Il a insisté sur l’objectif de protection des acheteurs visés au Règlement.
[18] Malheureusement, en raison des circonstances exposées plus tôt, le tribunal n’a pu bénéficier des représentations de l’Entrepreneur et du syndic, à l’exception des courriels rédigés par Me Deschênes.
L’analyse et les motifs
[19] Les dispositions les plus pertinentes à la question soulevée se lisent comme suit` :
2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
[…]
créancier Personne titulaire d’une réclamation prouvable à ce titre sous le régime de la présente loi. (creditor)
[…]
réclamation prouvable en matière de faillite ou réclamation prouvable Toute réclamation ou créance pouvant être prouvée dans des procédures intentées sous l’autorité de la présente loi par un créancier. (claim provable in bankruptcy, prouvable claim or claim provable)
[…]
50.1 (1) Avant de déposer copie d’une proposition auprès d’un syndic autorisé, la personne insolvable peut, en la forme prescrite, déposer auprès du séquestre officiel de sa localité un avis d’intention énonçant :
a) son intention de faire une proposition;
b) les nom et adresse du syndic autorisé qui a accepté, par écrit, les fonctions de syndic dans le cadre de la proposition;
c) le nom de tout créancier ayant une réclamation s’élevant à au moins deux cent cinquante dollars, ainsi que le montant de celle-ci, connu ou indiqué aux livres du débiteur.
L’avis d’intention est accompagné d’une copie de l’acceptation écrite du syndic.
[…]
69 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) et des articles 69.4, 69.5 et 69.6, entre la date du dépôt par une personne insolvable d’un avis d’intention aux termes de l’article 50.4 et la date du dépôt, aux termes du paragraphe 62(1), d’une proposition relative à cette personne ou la date à laquelle celle-ci devient un failli :
a) les créanciers n’ont aucun recours contre la personne insolvable ou contre ses biens et ne peuvent intenter ou continuer aucune action, exécution ou autre procédure en vue du recouvrement de réclamations prouvables en matière de faillite;
[nos soulignés]
[20] En premier lieu, l’arbitre ne partage pas les prétentions de l’Administrateur selon lesquelles il devrait décliner compétence parce que seule la Cour supérieure peut suspendre le présent arbitrage.
[21] En vertu du principe bien établi selon lequel tout tribunal a compétence pour se prononcer sur sa propre compétence, l’arbitre est d’avis qu’il a compétence pour décider de la question décrite précédemment.
[22] En d’autres termes, avant de conclure que la Cour supérieure pourrait suspendre le présent arbitrage, ce que l’arbitre ne conteste pas, encore faut-il décider si le présent arbitrage est suspendu par l’art. 69(1) de la LFI.
[23] Le tribunal, comme l’avocat de l’Administrateur n’a pu trouver aucune décision sur ce point dans le contexte du Règlement.
[24] L’art. 69 prévoit une suspension, de plein droit, des procédures applicable dès le dépôt d’un avis d’intention de faire une proposition. Selon le libellé du paragraphe a), cette suspension s’adresse aux créanciers qui ont un recours contre la personne insolvable, contre ses biens ou qu’ils ont une autre procédure en vue du recouvrement d’une réclamation prouvable. La définition d’une réclamation prouvable, énoncée à l’art. 2, nous confirme qu’elle doit être détenue par un créancier.
[25] En l’espèce, c’est l’Entrepreneur qui est en demande devant le présent tribunal d’arbitrage. Les Bénéficiaires et l’Administrateur n’exercent pas présentement un recours contre la personne insolvable.
[26] Au surplus, l’Entrepreneur continue à vaquer à ses occupations ou opérations et à exercer la très grande majorité de ses droits. En effet, ce dernier n’a pas encore fait faillite, et le syndic n’a pas encore la saisine des biens de l’Entrepreneur. Il a un rôle essentiellement de surveillance des opérations de la personne insolvable.
[27] Dans la poursuite de ses opérations, l’Entrepreneur aurait très bien pu faire part aux parties de ses intentions. Par exemple, il aurait pu solliciter une courte suspension, pour prendre une décision quant à la poursuite du présent dossier. Il aurait pu également nous informer de son intention de poursuivre sa demande d’arbitrage ou de se désister de celle-ci. Alors que l’Entrepreneur agit à titre de demandeur dans le présent recours, sa position aurait pour effet de suspendre le présent arbitrage pour une période indéterminée et de priver ainsi les Bénéficiaires du régime de protection prévu au Règlement, encore une fois pour une période indéterminée. Parfois, les procédures en matière de faillite s’étalent sur plusieurs années.
[28] Dans l’affaire 8032661 Canada inc. c. Moushaghayan, 2015 QCCS 5721, le tribunal était saisi d’une requête des défendeurs visant à ordonner aux demanderesses de fournir un cautionnement de 200 000 $ suite à l’obtention par les demanderesses d’ordonnances d’injonction de types Anton Piller et Mareva. La Cour supérieure écrivait :
Les Avis d’intention de déposer une proposition concordataire et l’article 69 (1) de la LFI
[96] Il est exact que l’article 69 (1) de la LFI s’applique dès le dépôt par une personne insolvable d’un tel avis d’intention. Le sursis opéré par le dépôt de l’avis d’intention comporte cependant certaines limites dont il sera question ci-après. Entre temps, ce sursis va s’appliquer jusqu’au dépôt d’une proposition concordataire pourvu que ce dépôt ait lieu à l’intérieur des délais impartis par le LFI ou jusqu’au moment où la personne insolvable est présumée avoir fait cession de ses biens.
[97] Dans le cadre du dépôt d’un avis d’intention, le syndic nommé par la personne insolvable n’a pas la saisine des biens de celle-ci et il n’a pas les attributs de la fonction de séquestre intérimaire en vertu des articles 47 (1) et 47.1 de la LFI. Il est essentiellement chargé de surveiller les opérations de la personne insolvable.
[98] En matière d’avis d’intention, il faut conserver à l’esprit que malgré son dépôt, la personne insolvable qui se prévaut de ces dispositions de la LFI continue à vaquer à ses occupations ou opérations et à exercer la très grande majorité de ses droits et recours sans aucune interférence. Ceci ne la libère cependant pas de l’obligation fondamentale d’agir de bonne foi et d’exercer ses droits et recours de bonne foi.
[99] L’effet suspensif de l’article 69 (1) de la LFI ne concerne que les procédures intentées en vue du recouvrement contre la personne insolvable d’une créance qui constitue une réclamation prouvable.[Soulignement ajouté]
[100] Quant aux créanciers, le dépôt d’un avis d’intention a pour effet d’empêcher l’institution ou de suspendre la poursuite de procédures judiciaires contre la personne insolvable ou contre ses biens dans la mesure où celles-ci visent ou couvrent une réclamation prouvable contre la personne insolvable au sens de la LFI.
[101] Ainsi, pendant la période couverte par le dépôt de l’avis d’intention, la personne insolvable conserve la saisine de ses biens et peut continuer à exercer elle-même ses opérations commerciales, le cas échéant, ainsi que ses droits et recours, tout en se plaçant temporairement à l’abri de ses créanciers qui détiennent une réclamation prouvable contre elle.
[102] En pareilles circonstances, rien n’empêche les défendeurs de continuer à se défendre contre les procédures initiées par les demanderesses qui sont libres et qui manifestement désirent continuer leurs propres procédures judiciaires. Mais, la poursuite de ces procédures ne peut s’exercer par les demanderesses dans un contexte où elles vont bénéficier d’une « immunité » totale face aux défendeurs grâce à la LFI.[1]
[nos soulignés]
[29] Dans la Collection de droit 2016-2017, on peut lire :
Quant aux recours pendants au moment de la faillite, les procédures visant à déterminer le quantum des dommages après que la question de responsabilité a été déterminée ne sont pas suspendues. Un jugement peut être rendu par un tribunal à tout moment lorsque l’affaire était en délibéré avant le processus initié en vertu de la Loi sur la faillite. Notons également qu’un appel déposé par une personne insolvable ayant initié un processus en vertu de la Loi sur la faillite n’est pas suspendu (la suspension s’appliquant aux créanciers de cette personne insolvable et non à elle-même).[2]
[nos soulignés]
[30] À l’appui de cette proposition, les auteurs citent l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario dans Hall-Chem Inc. v. Vulcan Packaging Inc., où on peut lire :
Subsection (1) clearly makes reference to a creditor, not a debtor such as the appellant Belec. Despite this language, which would not appear to have any application to an appeal by a bankrupt against a judgment creditor, counsel for the trustee stated that Vulcan, as a creditor, was continuing its action against Belec, the debtor, by resisting Belec's appeal against Vulcan's judgment. This submission makes no sense to me. In my view, the applicable section of the B.I.A. is 71(2):[3]
[31] De plus, la poursuite de l’arbitrage n’aura pas pour effet de privilégier un créancier par rapport aux autres créanciers dans la faillite. Dans l’hypothèse où l’arbitre confirmerait la décision de l’Administrateur d’ordonner à l’Entrepreneur d’exécuter les travaux correctifs, ce dernier bénéficierait d’un délai pour exécuter les travaux. À défaut de s’exécuter, l’art. 18 par. 6 du Règlement prévoit que la Garantie de construction résidentielle (GCR) exécuterait les travaux à la place de l’Entrepreneur. Par la suite, celle-ci pourrait produire une réclamation prouvable dans la faillite de l’Entrepreneur.
[32] Le contexte juridique et factuel de la demande d’arbitrage se distingue aussi sur un autre point. Nous ne sommes pas en présence d’un litige qui concerne que l’Entrepreneur et les Bénéficiaires. L’Administrateur du plan de garantie agit en quelque sorte à titre de responsable du plan de garantie. L’art. 74 du Règlement prévoit :
74. Aux fins du présent règlement et, en l’absence ou à défaut de l’entrepreneur d’intervenir, l’administrateur doit assumer tous et chacun des engagements de l’entrepreneur dans le cadre du plan approuvé.
[33] L’art. 120 énonce que la décision arbitrale lie les parties intéressées et l’Administrateur. L’Entrepreneur n’est donc pas partie au litige seulement avec les Bénéficiaires.
[34] Il n’est pas contesté que le Règlement instaure un régime de protection des acheteurs de bâtiments résidentiels neufs.
[35] Me Denys-Claude Lamontagne dans son ouvrage, Droit de la vente, s’exprime comme suit :
Depuis le 1er janvier 1999, toutes les constructions résidentielles neuves sont soumises au nouveau plan de garantie instauré par la Régie du bâtiment. Avec cette protection, d’ordre public, une des plus complètes au Canada, la Régie compte mettre un point final aux cauchemars des propriétaires ». [4]
[36] L’arbitre est d’opinion que l’avis de proposition déposée par l’Entrepreneur n’a pas pour effet de suspendre les présentes procédures d’arbitrage. Cette interprétation s’harmonise tant avec la LFI qu’avec le Règlement. Je ne vois aucune incompatibilité entre le Règlement et la LFI. En conséquence, un avis au procureur général en vertu de l’art. 76 C.p.c. ne m’apparaît pas nécessaire.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[37] REJETTE la demande de suspension des procédures devant le tribunal d’arbitrage;
[38] ORDONNE la continuation des présentes procédures devant le tribunal d’arbitrage;
[39] Le tout, frais à suivre.
tr
Québec, le 17 mai 2017
____________________________________
Luc Chamberland, avocat
Arbitre / Société pour la Résolution de Conflits inc. (SORECONI)
[1]. 8032661 Canada inc. c. Moushaghayan, 2015 QCCS 5721. Requête pour permission d’appeler rejetté, EYB 2015-260385.
[2]. Philippe H. Bélanger, Bogdan-Alexandru Dobrota et Jocelyn T. Perreault, « Chapitre III : Les effets de la faillite », dans Collection de droit 2016-2017, École du Barreau du Québec, vol. 10, États financiers, fiscalité corporative, faillite et insolvabilité, 2016, p 132 (CAIJ).
[3]. Hall-Chem Inc. v. Vulcan Packaging Inc., 1994 CanLII 1384 (ON CA), [1994] O.J. No. 2692 (C.A. Ont.). Malgré l’intérêt de la decision de la juge seule dans Therrien c. Lefebvre, 2015 QCCA 1949, l’arbitre ne s’appuiera pas sur celle-ci parce qu’il s’agit d’une requête pour autorisation qui a été déférée à la Cour qui, par la suite, n’a pas eu à se prononcer sur la question de l’art. 69.3 LFI.
[4]. D.-C. Lamontagne, Droit de la vente, 3e édition, Éditions Yvon Blais, Cowansville, 2005, p. 158.