ARBITRAGE SELON LE RÈGLEMENT SUR LE

ARBITRAGE SELON LE RÈGLEMENT SUR LE

 

PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(DÉCRET 841-98 DU 17 JUIN 1998, c.B-1.1, r.8)

 

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)

(ORGANISME D’ARBITRAGE ACCRÉDITÉ PAR LA RÉGIE DU BÂTIMENT DU QUÉBEC)

______________________________________________________________________________

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE LAVAL

DOSSIER CCAC : S14-070901-NP

 

 

 

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 6613-6635 BOUL. DES LAURENTIDES

LAVAL

 

 

                                                                               « BÉNÉFICIAIRE »

 

c.

 

9141-0001 QUÉBEC INC.

 

 

« ENTREPRENEUR »

 

et

 

GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.

 

 

« ADMINISTRATEUR »

 

 

_____________________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________________

 


 

REPRÉSENTANTS :

 

 

 

 

POUR LE BÉNÉFICIAIRE :                           Claude Lefebvre

 

 

 

 

POUR L’ENTREPRENEUR :                         Me Mélanie Jacques

 

                                                                       Me Marc-Antoine Vandal

 

 

 

 

POUR L’ADMINISTRATEUR :                     Me Marc Baillargeon

 

 

 

 

ARBITRE :                                                     Yves Fournier

 

 

 

 

DATES D’AUDITION :                                 13 et 27 avril 2015


 

                                               DÉCISION

 

 

[1]        S’autorisant de son droit de recourir à l’arbitrage en vertu de l’article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le Bénéficiaire contesta le 8 juillet 2014 la décision rendue par le conciliateur, Richard Berthiaume, datée du 25 juin 2014.  Ce rapport de l’Administrateur ciblait principalement tant la fin des travaux que la réception des parties communes.

 

DÉCISION DU CONCILIATEUR

 

[2]        Monsieur Richard Berthiaume  fixe la réception des parties communes au 27 mars 2009, soit six (6) mois suivant la première assemblée du Syndicat et détermine que la date de fin des travaux des parties communes se situe au 14 novembre 2007, soit la date de la facture de terrassement fournie par l’Entrepreneur.  Ainsi s’énonce les motifs de sa décision :

 

Considérant qu’à la connaissance de l’Administrateur, aucun avis de fin des travaux n’a été remis au syndicat ainsi qu’aux acheteurs connus ;

 

Considérant qu’à la connaissance de l’Administrateur, aucune réception des parties communes n’a été effectuée par un professionnel du bâtiment ;

 

Considérant que le syndicat de copropriété n’a pas été en mesure de fournir de preuves pour valider la date de fin des travaux des parties communes, bien que l’Administrateur ait fait cette requête à maintes reprises ;

 

Considérant que l’Entrepreneur a été en mesure de fournir notamment une facture pour le terrassement de l’immeuble concerné et qu’à cette étape, on peut présumer que les travaux relatifs aux parties communes du bâtiment étaient terminés ;

 

Considérant qu’en date du 27 septembre 2008, s’est tenue l’assemblée de transition du syndicat de copropriété ;

 

Considérant qu’en date du 27 septembre 2008, le bâtiment était en état de servir conformément à l’usage auquel il est destiné et pouvait être reçu ;

 

Considérant que le syndicat des copropriétaires était en mesure de mandater un professionnel du bâtiment afin d’effectuer la réception des parties communes, et ce, à compter de la première assemblée du syndicat des copropriétaires ;

 

Considérant qu’il est dans l’intérêt du syndicat des copropriétaires, de l’Entrepreneur et de l’Administrateur qu’une date de réception des parties communes soit fixée ;

 

[3]        L’arbitre limite par la suite les faits à la découverte, le 6 juillet 2013, de la présence d’un champignon sur le mur externe, derrière le bâtiment.

 

[4]        Il s’ensuit une expertise menée par le Centre d’Expertises Légales en Bâtiments laquelle fut requise par le Syndicat.  L’expertise conclut en la présence de champignons et de moisissure en concentration importante sur les structures mises à jour tels les panneaux intermédiaires, les lisses ainsi que les colombages composant la structure de l’immeuble.

 

[5]        Le conciliateur ajoute que la conclusion de l’expert est à l’effet que la pose inadéquate du revêtement d’acrylique a ainsi contribué à la perte des structures intra murales dissimulées sous les revêtements d’acrylique.

 

[6]        Monsieur Berthiaume rejette la réclamation du Syndicat statuant que la situation fut constatée et dénoncée dans la sixième année suivant la fin des travaux.

 

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

 

[7]        Deux seules questions sont en litige à ce stade et les parties en conviennent.

 

            Premièrement :                         Quelle est la date de la fin des travaux ?

 

            Deuxièmement :           Quelle est la date de réception des parties communes ?

 


 

LES TÉMOIGNAGES

 

A)        Stéphane Bossus

 

[8]        Monsieur Stéphane Bossus, expert en bâtiment, fut mandaté par le Syndicat des Copropriétaires 6613-6635 des Laurentides, Laval pour faire un rapport quant à la situation de l’immeuble regroupant les adresses civiques 6613 à 6635 des Laurentides.

 

[9]        Le soussigné se permet de rapporter le verbatim de son témoignage puisqu’au stade de l’argumentation la procureure de l’Entrepreneur indique qu’elle s’était objectée à la production du rapport d’expertise de monsieur Bossus.  Celui-ci est questionné par monsieur Claude Lefebvre, avocat à la retraite, représentant du Syndicat :

 

Claude Lefebvre :  Votre visite, monsieur Bossus, prit place à quelle date ?

Stéphane Bossus :  Le 12 août 2013.

Claude Lefebvre :  Avez-vous produit un rapport d’expertise ?

Stéphane Bossus :  Oui, lequel est daté du 9 septembre 2013.

Claude Lefebvre :  Le document d’expertise a déjà été produit.

Claude Lefebvre :  Vous avez constaté des dommages ?

Stéphane Bossus :         Oui, j’ai procédé à des trous exploratoires en découpant, en sciant le parement acrylique composé d’acrylique et d’un treillis de fibre de verre posé et collé directement sur les panneaux muraux intermédiaires.  J’ai ouvert à plusieurs endroits pour constater l’état de la structure.

                             …

Je parle bien sûr des murs périmétriques de l’immeuble, les murs extérieurs.

Claude Lefebvre :         Alors le rapport est déposé, je vous remercie monsieur Bossus.  Je n’ai pas d’autres questions.

L’arbitre :              Questions ?

Me M. Jacques :    Je n’ai pas de question.

Me Baillargeon :    Je n’ai pas de question.

L’arbitre :              On peut libérer le témoin ? Oui.

L’arbitre :              Vous êtes libéré.

 

B)        Richard Berthiaume

 

[10]      Monsieur Richard Berthiaume est le signataire du rapport de conciliation daté du 25 juin 2014.  Il est membre de l’Ordre des technologues du Québec et est au service de l’APCHQ depuis 2009.

 

[11]      Il possède une petite entreprise (Projesco) laquelle verse dans les inspections d’immeubles.

Son travail au sein de cette compagnie se fait à l’extérieur de ses heures de travail comme conciliateur.

 

[12]      Dans un premier temps, il indique avoir « rédigé en entier la décision » pour reconnaître plus tard qu’il a soumis un projet (« brouillon ») à la rédactrice en chef laquelle peaufina la décision.

 

[13]      Dans l’ensemble le témoin s’en remet à sa décision.  Il n’a pas retrouvé ou retracé d’avis de fin des travaux.  Il a requis des parties qu’on lui fournisse des documents pouvant lui permettre d’établir cette date.  Seul l’Entrepreneur s’est exécuté.

 

[14]      Par trois tentatives le représentant du Syndicat (monsieur Claude Lefebvre) le questionna quant à savoir qui du Bénéficiaire ou de l’Entrepreneur est en mesure de connaître la fin des travaux.  À chaque occasion, consciemment ou non, la réponse ne cibla ni de près, ni de loin le questionnement répétitif.

 

[15]      À plusieurs reprises, il a requis du Bénéficiaire de produire des documents, mais ce fut sans résultat.  Il avance même que la présidente du Syndicat, madame Mercier- Angulo, lui aurait répondu : « On va fournir ça à l’arbitrage.  On ne veut pas démontrer ces preuves-là tout de suite ».

 

[16]      Cela est fort particulier puisque la présidente ne pouvait savoir à l’avance la décision du conciliateur.  Il insiste même pour ajouter qu’elle lui « mettait beaucoup de pression pour que je rende ma décision ».

 

[17]      Selon monsieur Richard Berthiaume  le fait que des gens habitaient l’immeuble signifie « qu’il était en état de servir ».

 

[18]      Il détermine que la fin des travaux relatifs aux parties communes se situe au 14 novembre 2007 en se référant à une facture pour des travaux de terrassement de l’immeuble (pièce A-9) laquelle porte la même date.  Il est d’avis qu’à cette étape « on peut présumer que les travaux relatifs aux parties communes étaient terminés ».

 

[19]      La facture ne donne aucune adresse précise, elle n’est pas adressée à l’Entrepreneur et il est indiqué « travaux à compléter ».  Le conciliateur concède « qu’on ne peut présumer que le travail n’est pas complété ».

 

[20]      Le représentant du Bénéficiaire (monsieur Lefebvre)  proposa au témoin de prendre connaissance d’une décision rendue par la conciliatrice, Marie-Pier Germain, architecte, en date du 28 mars 2011, dans le dossier opposant un copropriétaire de l’immeuble en cause, Jean-Sébastien René, et le même entrepreneur, à savoir la compagnie 9141-0001 Québec Inc. (GAMM # 2011-19-007).

 

[21]      Le cahier de pièces de l’Administrateur pour ce dossier (GAMM) fut déposé sous réserve des objections formulées tant par la procureure de l’Entrepreneur que par celui de l’Administrateur sur la base notamment, de la non-pertinence et sur le fait que cela ne ciblait qu’un copropriétaire, donc une partie privative ce qui n’a rien de commun avec les parties communes.

 

[22]      Le Tribunal disposera de l’objection après le compte-rendu des témoignages.  Le cahier (pièce B-15) produit sous réserve fut consulté par les parties après que le soussigné eut considéré qu’il en résulterait un préjudice évident pour les autres parties si cette démarche n’était pas entreprise.

 

[23]      Monsieur Claude Lefebvre amena le conciliateur à prendre connaissance de la pièce B-2 (première réunion annuelle du Syndicat des Copropriétaires 6613-6635 des Laurentides) qui dresse le procès-verbal de la première assemblée annuelle tenue le 27 septembre 2008.  Il dirige le témoin vers la première résolution qui se lit ainsi :

 

IL EST RÉSOLU de payer à Construction Royale C.G.R. inc. le montant de 825.74 $ représentant des ajustements de débours relativement aux dépenses communes engagées par ces derniers pour le compte du Syndicat au moment où ces derniers auront complété les travaux suivants :

 

-          Réparation des portes arrières donnant accès aux compteurs électriques.

 

-          Installation d’une pancarte indiquant clairement les adresses du bâtiment sur le boulevard Des Laurentides. (Sic)

 

[24]      Monsieur Richard Berthiaume reconnaîtra que tant les portes arrière des chambres électriques que la pancarte font partie de la partie commune.

 

[25]      Le conciliateur assure qu’il avait livré verbalement aux parties l’essence de la décision qu’il avait à rendre au terme de la quête de documents lui permettant de confirmer sa décision.

 

[26]      Il distingue que sa détermination de la fin des travaux repose sur une présomption tandis que pour la réception des parties communes qu’il positionne à six mois après l’assemblée des copropriétaires prend assise sur l’article 25.1 du Règlement.

 

[27]      À la question : « S’il n’y a pas eu un avis de fin des travaux, est-ce que vous pouvez prétendre que c’est six mois (le délai additionnel) ? ». Monsieur Richard Berthiaume raisonne ainsi : « C’est pour ça que l’on donne un six mois de grâce par rapport à la première assemblée ».

 

[28]      Pour le conciliateur la seule condition pour déterminer la fin des travaux se veut « l’habitabilité ».  « C’est la seule condition, c’est l’article 25.1 », ajoute-t-il.  Il concèdera en bout de piste que sa décision traitant des deux dates importantes reposent sur des présomptions.

 

C)        Gerlando Granata

 

[29]      Monsieur Gerlando Granata est l’un des associés de la compagnie 9141-0001 Québec Inc., l’Entrepreneur dans le présent dossier.

 

[30]      Lui, son père, Giovanni Rizzuto, et un autre individu étaient les trois associés de la compagnie à ses débuts.  Ils avaient un permis de la Régie du bâtiment et c’était leur premier projet immobilier.  La compagnie n’a fait que sous-traiter en rapport à la construction de l’immeuble en cause. Il adhèrera à la proposition de monsieur Claude Lefèbvre qu’ « ils étaient des promoteurs, en fait ».

 

[31]      Chacun des associés surveillait les travaux et il y avait toujours la présence d’au moins un associé sur le chantier.  Son père avait de l’expérience en construction.  Aucun avis de fin des travaux ne fut envoyé tant au Syndicat qu’aux copropriétaires.  Il ignorait cette procédure tout comme la réception des parties communes.

 

[32]      Il reconnaît avoir reçu en janvier 2015 une demande écrite du Syndicat exigeant la transmission d’un avis de fin des travaux.  Sur les conseils de ses procureurs, il n’a pas donné suite à cette demande.  Une lettre de Me Marc-Antoine Vandal du 3 février 2015 rétorqua à cette requête.

 

[33]      Monsieur Granata n’a pas souvenir que sa compagnie ait réparé les portes arrière donnant accès aux compteurs électriques ajoutant qu’il ignorait qu’il y avait une problématique à ce niveau.

 

[34]      Il ne peut dire s’il a reçu le chèque de 825.74 $ allégué dans la première résolution du Syndicat, en date du 27 septembre 2008.  Il laisse tomber que « tout le monde faisait n’importe quoi » et « personne avait une tâche spécifique ».  Dans la même veine, il n’a pas souvenir qu’il manquait une pompe à puisard et des manivelles pour les fenêtres. Ces derniers points ayant été amenés par l’un des copropriétaires, à savoir Jean-Sébastien René.

 

[35]      Il acquiescera au fait  que selon les plans de l’architecte il n’avait pas été prévu que les chambres électriques seraient à l’extérieur du bâtiment.

 

[36]      En contre-interrogatoire, Me Mélanie Jacques l’amène à confirmer que la date de paiement des factures (inscrites sur les factures) est toujours contemporaine à la date de la fin des travaux  devant être exécutés.  Il en est ainsi notamment pour la  facture traitant du muret et du remplissage par de la pierre.

 

D)        Jean-Sébastien René

 

[37]      Monsieur Jean-Sébastien René est l’un des copropriétaires de l’immeuble, habitant au 6625 des Laurentides, à Laval.

 

[38]      À la prise de possession de sa copropriété, en janvier 2010, il constate que des plusieurs travaux sont encore à compléter.

 

[39]      De façon non limitative il note qu’il n’avait pas de pompe à puisard, ni de couvercle pour couvrir l’ouverture de ce puisard au niveau du plancher.  Cette ouverture (2’ X 4’) qui devait recevoir ladite pompe se trouvait dans sa garde-robe.

 

[40]      Il n’avait ni moustiquaire, ni manivelle pour ouvrir les fenêtres.  Il rencontra monsieur Granata (père) pour que ces travaux puissent être complétés.  Finalement, la pompe à puisard fut installée.  Quant au couvercle qui devait fermer l’ouverture, cela pris deux années avant d’avoir un résultat concret.  Il a dû porter plainte et a même porté sa cause en arbitrage.  Finalement le litige fut réglé hors cour. Le conciliateur avait déjà établi dans ce dossier ( Jean-Sébastien René) que certains points apportés par le bénéficiaire appartenaient aux parties communes.

 

[41]      Monsieur René confessa à l’audition qu’il ignorait que ces travaux inachevés faisaient partie des parties communes.

 

[42]      Dans un autre ordre d’idées, il confirme avoir participé le 5 février 2015 à la pré-réception du bâtiment en présence de monsieur Martin Lantagne, inspecteur agréé en bâtiment   (pièce B-12).

 

E)        Claudine Mercier-Angelo

 

[43]      Madame Mercier-Angelo est présidente du conseil d’administration du Syndicat des Copropriétaires 6613-6635, des Laurentides, Laval.

 

[44]      Elle vérifia l’exactitude du procès-verbal (pièce A-2) de la première assemblée des copropriétaires tenue le 27 septembre 2008 puisqu’aucune signature n’apparaissait au-dessus des administrateurs identifiés.  Elle remonta jusqu’à Benoît Chagnon qui, à l’époque, agissait comme secrétaire-trésorier.  Ce dernier lui confirma la véracité du texte et de la résolution.  Le chèque avait été émis selon Benoît Chagnon.  Toutefois, malgré des recherches et vérifications auprès de la banque, le chèque ne fut jamais encaissé, ni porté au débit du compte du Syndicat.

 

[45]    Elle affirme que les portes arrière des chambres électriques n’ont jamais été réparées par l’Entrepreneur.  Les portes s’ouvraient en temps de vents forts.  C’est le Syndicat qui s’est finalement chargé de réparer les portes.

 

[46]      Elle produit un tableau (pièce B-4) montrant le contrôle des votes du Syndicat entre le 24 août 2007 et le 10 janvier 2008.  Le tableau nous instruit sur la date effective où le vote des copropriétaires trématait celui de l’Entrepreneur.  La date du 10 janvier 2008 doit être retenue, alors que la première assemblée des copropriétaires prit place le 27 septembre 2008, assemblée à laquelle l’Entrepreneur était présent.

 

[47]      À son arrivée au poste de présidente soit en octobre 2013, elle a entreprit des recherches afin de savoir s’il y avait eu un avis de fin des travaux.  Le résultat fut négatif.

 

[48]      En contre-interrogatoire elle a dû reconnaître que les travaux pour réparer les portes arrière donnant accès aux compteurs électriques furent finalement exécutés par le syndicat cinq (5) ans après la résolution du 27 septembre 2008.

 

[49]      Le 23 janvier 2015, elle a transmis au nom du Syndicat un avis de fin des travaux des parties communes (pièce B-6). Un autre avis fut transmis pour confirmer la réception des parties communes par un professionnel du bâtiment. L’inspection prit place  le 5 février 2015.  De fait, elle fut confiée à Martin Lantagne, inspecteur en bâtiment.

 

F)        Martin Lantagne

 

[50]      Monsieur Lantagne est un expert en bâtiment qui a procédé à remettre un rapport d’inspection (pièce B-11) pour la propriété en cause et ce à la demande du Bénéficiaire.

 

[51]      Le Tribunal a reçu favorablement l’objection des procureurs de l’Administrateur et de l’Entrepreneur à l’effet que le Tribunal ne pouvait prendre en considération ledit rapport quant à son contenu.

 

[52]      Monsieur Lantagne atteste avoir visité l’unité de Jean-Sébastien René en 2010 et que plusieurs points traitant de la partie commune avaient été remarqués dont la pompe à puisard.

 

OBJECTIONS

 

[53]      Le Tribunal entend disposer de deux objections formulées en cours d’audition.

 

A-        Objection à la production du rapport d’expertise de Stéphane Bossus, expert en bâtiment, daté du 9 septembre 2013, formulée par l’Entrepreneur.

 

[54]      Lors de l’argumentation de Me Mélanie Jacques celle-ci a soutenu que le soussigné avait acquiescé à son objection quant à la production du rapport d’expertise de monsieur Bossus.

 

[55]      Le Tribunal a pris soin de reprendre le texte de l’interrogatoire de ce dernier (voir plus haut) afin de s’assurer qu’aucune objection n’avait été formulée et que ledit rapport (pièce B-1) avait été déposé sans contestation.  Faut-il ajouter que le conciliateur lui-même en fait état et ce, sur trois paragraphes de sa décision.  Je ne peux concevoir que ce rapport, qui aurait dû faire partie du cahier de pièces de l’Administrateur, ne pourrait faire partie de la preuve en arbitrage.  L’objection ne peut être retenue.

 

B-        Objection quant à la production du cahier de l’Administrateur (B-15) dans le dossier impliquant Jean-Sébastien René  c. 9141-0001 Québec inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ inc.

 

[56]      L’objection formulée tant par Me Jacques que Me Baillargeon prend assise sur le fait que les parties sont prises par surprise, qu’il s’agit d’un dossier qui ne touche qu’une partie privative et que ce n’est point pertinent.

 

[57]      Dans un premier temps, le Tribunal a requis immédiatement une suspension afin que les parties formulant l’objection puissent prendre connaissance du cahier de pièces.  De plus, il fut exigé par le soussigné que copies soient faites et remises à l’Entrepreneur et à l’Administrateur.

 

[58]      La décision dans cet arbitrage avait déjà été produite (pièce B-10) par le Bénéficiaire.  Il faut reconnaître qu’il s’agit d’une façon fort boiteuse d’introduire un cahier de pièces.

 

[59]      Toutefois, la décision rendue par l’inspectrice, Marie-Pier Germain, architecte, dans ce dossier, ne touche pas uniquement que la partie privative du Bénéficiaire Jean- Sébastien René.  En effet, les points traitant de la porte de grillage et les manivelles manquantes pour les fenêtres furent considérés comme portant sur les parties communes.

 

[60]      Considérant que ces points  avaient déjà été traités par le témoignage de monsieur Jean- Sébastien René, je ne vois pas le préjudice que pourrait subir les opposants.  Quant à la pertinence, il faut reconnaître qu’elle existe.  L’objection est mise de côté.

 

ARBITRAGE BASÉ UNIQUEMENT SUR LA PREUVE SOUMISE AU CONCILIATEUR

 

[61]      Le procureur de l’Administrateur tant lors d’une des conférences téléphoniques préparatoires que lors de son argumentation a fait valoir que l’arbitre ne devrait retenir que la preuve présentée au conciliateur et que sa décision devrait être basée uniquement sur cette preuve.  En d’autres mots, il ne pourrait s’agir au niveau de l’arbitrage d’une forme de procès de novo. J’ai alors indiqué que je n’endossais pas ce point de vue.

 

[62]      L’arbitre est investi d’une fonction juridictionnelle.  Il a comme tâche de trancher en analysant à la lumière de ses compétences les arguments et les informations qui lui sont présentés.

 

[63]      Toute partie qui soumet un litige à l’arbitrage doit bénéficier du respect des principes suivant : le droit de faire part de sa position et de soumettre son litige à un décideur impartial et indépendant.

 

[64]      La justice fondamentale que doit respecter toute entité décisionnelle se décline en deux principes de base connus : Audi alteram partem  (le droit pour toute partie d’être entendue)  et Nemo judex in causa sua debet esse  (nul ne peut être juge dans sa propre cause).

 

[65]      Afin que le droit d’être entendu soit effectif il faut reconnaître le droit de soumettre toute preuve pertinente, le droit d’appeler des témoins, de les contre-interroger et le droit de réplique dans certaines circonstances.

 

[66]      Le Règlement n’emploie pas le mot appel mais présente le vocable « demande d’arbitrage ».  L’article 106 du Règlement se lit ainsi :

 

106.  Tout différend portant sur une décision de l’administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l’annulation de l’adhésion d’un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l’arbitre désigné en vertu de la présente section.

 

Peut demander l’arbitrage, toute partie intéressée :

 

1o        pour une réclamation, le bénéficiaire ou l’entrepreneur ;

2o        pour une adhésion, l’entrepreneur.

 

La demande d’arbitrage concernant l’annulation d’une adhésion d’un entrepreneur ne suspend pas l’exécution de la décision de l’administrateur sauf si l’arbitre en décide autrement.

 

(Je souligne)

 

[67]      En aucun temps et d’aucune façon le législateur a fait valoir dans le Règlement un énoncé s’apparentant de près ou de loin à celui formulé par le procureur de l’Administrateur.  L’article 116 édicte :

 

116.     L’arbitre statuera en fonction des règles de droit, mais fera aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

 

[68]      Encore faut-il relire l’article 19 où le législateur utilise les mots « soumettre le différend » :

 

19.       Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait d’une décision de l’administrateur, doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur…

 

(Je souligne)

 

[69]      L’une des parties n’étant pas satisfaite de la décision du conciliateur peut soumettre, présenter le différend à l’arbitrage et ce différent reste tout entier. Le législateur n’a jamais restreint la preuve pouvant être présentée.

 

[70]      Mon collègue Jeffrey Edwards écrivait dans la décision arbitrale Gauthier et Gagnon c. Goyette Duchesne Lemieux inc. et La Garantie des Bâtiment Résidentiels Neufs de l’APCHQ inc. (1) :

 

[130Même s’il n’y a pas d’erreur grave dans la décision de l’inspectrice-conciliatrice, il n’en demeure pas moins que la demande d’arbitrage donne droit à un procès de novo et le Tribunal d’arbitrage est requis de faire sa propre évaluation de la preuve administrée contradictoirement et d’en tirer ses propres conclusions.  Il a également bénéficié d’une preuve plus complète que ce qui a été disponible à l’inspectrice-conciliatrice.

 

(Je souligne)

 

[71]      L’arbitre Marcel Chartier, dans l’affaire Latreille c. Léonard Caron et Fils Ltée et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ inc. (2), écrivait :

 

[9L’arbitrage est un peu comme un procès « de novo ».  Aussi le procureur de l’administrateur a-t-il passé en revue tous les délais du Règlement, et il a fait la preuve écrite et testimoniale qu’aucun n’a été respecté, en y incluant bien sûr, celui mentionné dans la décision de l’administrateur en date du 16 janvier 2008.

 

[72]      L’arbitre peut trancher toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de sa compétence.  Il est possible que les parties procèdent uniquement sur la foi du dossier de l’Administrateur sans présenter de nouvelle preuve.  Il est possible aussi de présenter une nouvelle preuve tant pour le Bénéficiaire que l’Entrepreneur.  Un fleuve de décisions le confirme.

 

[73]  L’arbitrage permet sans l’ombre d’un doute la possibilité d’approfondir le dossier par une enquête plus poussée.  Un élément de preuve nouveau qui vient confirmer ou infirmer un aspect du dossier original peut donc être présenté lors de l’audition.  Je dirais que toute preuve pertinente est donc admissible dans la mesure où les règles de l’équité procédurale sont respectées.  J’en conclue que l’arbitre a le pouvoir de livrer toute décision qui aurait dû être rendue en premier lieu ce qui lui permet d’entendre toute nouvelle preuve portant sur l’objet de la décision contestée.  Toutefois ceci ne va pas jusqu’à permettre de modifier la nature de la question ou des questions en jeu.

 

[74]      La jurisprudence en matière arbitrale et rendue en vertu du Règlement nous permet de constater que la preuve d’éléments subséquents sera recevable si elle facilite à infirmer ou à confirmer le bien-fondé de la décision du conciliateur et évidemment si elle est en lien avec la demande initiale.

 

[75]      Albert Mayrand, dans Dictionnaire de maximes et locutions latines utilisées en droit (3) définit ainsi le procès de novo :

 

Le procès de novo est la reprise d’un procès déjà instruit, soit parce que le premier procès est entaché d’une irrégularité, soit parce qu’on en a appelé du jugement rendu.  À la différence de l’appel, dans un procès de novo on recommence le procès.  Le procès de novo permet entre autre de recevoir, lors de l’audition, une preuve totalement différente de celle entendue en première instance.  Le tribunal peut aussi considérer de nouveaux éléments de preuve pour rendre sa décision.

 

[76]      L’arbitrage n’est pas un véritable appel, au sens où on l’entend habituellement.  La décision du conciliateur se veut une décision administrative ne découlant aucunement d’une audition.  L’arbitre ne juge pas non plus en fonction de mémoires présentés par les parties, accompagnés de notes sténographiques.

 

[77]      Avec respect, soutenir que l’arbitre doit se limiter à ce que le conciliateur a obtenu comme preuve peut facilement préjudicier l’une ou l’autre des parties et ce, pour de multiples raisons.  Conclure qu’il s’agit d’un appel au sens où on l’entend dans les causes civiles ou criminelles ne saurait être exact en matière d’arbitrage.

 

[78]      Il s’infère de ce qui précède que l’arbitrage se rapproche d’avantage d’un procès de novo.

 

POSITION RESPECTIVE DES PARTIES

 

LE BÉNÉFICIAIRE

 

[79]      Sans reprendre l’entièreté de l’argumentation de chacune des parties, je tenterai de reprendre l’essentiel de leur position respective.

 

[80]      Je rappelle que le Tribunal doit déterminer deux dates :

 

1                    Date de l’avis de la fin des travaux et

2                    Date de la réception des parties communes

 

[81]      Je fais ici un bref résumé des procédures.

 

[82]      Le Syndicat a transmis le 17 septembre 2013 une dénonciation à l’Entrepreneur et à l’Administrateur qui se limitait au texte suivant : « Pose du revêtement d’acrylique ».

 

[83]      Curieusement, cet avis aurait été reçu par l’Administrateur le 11 décembre 2013.  Le Bénéficiaire justifiait sa position laconique par le rapport de l’expert (pièce B-1) Stéphane Bossus daté du 9 septembre 2013. L’Entrepreneur de son côté n’a pas soulevé de retard dans la réception dudit avis.

 

[84]      Suite à la décision du conciliateur du 25 juin 2014 le Syndicat formula une demande d’arbitrage le 8 juillet 2014.

       

 POSITION DU BÉBÉFICIAIRE.

 

[85]      Dans un premier temps, le Bénéficiaire relève que l’Entrepreneur n’a pas donné l’avis de fin des travaux et partant, ne s’est pas acquitté de son obligation légale, prévue au paragraphe 12 de l’Annexe 11 du Règlement, à savoir :

 

L’Entrepreneur s’engage :

                          …

 

12o à donner avis de la fin des travaux des parties communes à chaque bénéficiaire connu et au syndicat de copropriétaires et aviser l’administrateur et tout futur acquéreur d’une partie privative lors de la conclusion du contrat de la date déclarée de la fin des travaux ;

 

[86]      Madame Mercier-Angelo a transmis à l’Entrepreneur une mise en demeure (pièce B-5) de signifier l’avis de fin des travaux, ce qui fut décliné par ce dernier.

 

[87]      Dans la même veine monsieur Lefebvre, représentant du Bénéficiaire fait un rappel de l’inspection des parties communes initiée par le Bénéficiaire d’exécuter par un professionnel du bâtiment en date du 5 février 2015.  Une invitation avait été faite à l’Entrepreneur lequel refusa par lettre de son procureur (pièce B-7) en date du 3 février 2015.

 

[88]      Même si le professionnel en bâtiment, monsieur Martin Lantagne, procéda ex parte de l’Entrepreneur, le représentant du Syndicat soumet que l’arbitre peut tenir pour valide la réception des parties communes le 11 février 2015, date du rapport de l’inspecteur Lantagne.  Cette prétention prend appui sur la décision   Syndicat de Copropriété Les Habitations Melatti 7014 Marie-Rollet et 7011 Louis-Hébert à La Salle c. Les Constructions G. Melatti inc. et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ. (4)

 

[89]      Cette décision est à l’effet que la réception des parties communes peut prendre place même en l’absence d’avis de fin des travaux et ex parte de l’Entrepreneur là où celui-ci ne respecte pas ses obligations dictées aux paragraphes 12 et 13 de l’Annexe 11 du Règlement.

 

[90]      Le Bénéficiaire avance que l’Administrateur en l’instance aurait pu donner l’avis de fin des travaux en lieu et place de l’Entrepreneur.  La décision rendue par mon collègue Claude Dupuis semble confirmer cette affirmation dans le dossier du Syndicat de copropriété du 4551-4565 de Niverville c. GDMD Développement inc. et La Garantie Habitation du Québec inc. (5)

 

[91]      Monsieur Lefebvre reprend la lecture de l’article 25 du Règlement traitant de l’expression « fin des travaux des parties communes » :

 

« fin des travaux des parties communes » : la date à laquelle tous les travaux de l’entrepreneur convenus par écrit avec le bénéficiaire et relatifs aux parties communes sont exécutés et le bâtiment est en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine ;

 

[92]      Au même article, le dernier alinéa énonce qu’il appartient au professionnel du bâtiment choisi par le Syndicat des copropriétaires de déclarer la date de fin des travaux des parties communes.  Encore faut-il que le mécanisme de réception des parties communes ait été mis en place et enclenché par l’avis de fin des travaux de l’Entrepreneur au Syndicat et aux copropriétaires connus.

 

[93]      Le  dernier alinéa de l’article  33 du Règlement  précise la procédure à suivre pour la réception des parties communes.

 

[94]      Dans la présente affaire il ne peut y avoir réception présumée des parties communes en vertu des dispositions de l’article 25.1 du Règlement car l’Entrepreneur n’a pas donné d’avis de fin des travaux.

 

[95]      Le représentant du Syndicat rapporte la décision de Me Johanne Despatis, dans le dossier Le Syndicat de Copropriété Les Jardins St-Hippolyte et La Garantie des Bâtiments Neufs Résidentiels de l’APCHQ et 9129-2516 Québec inc. c. Les Jardins St-Hippolyte. (6)

 

[96]      Elle écrit :

 

[44] S’agissant de la question de la réception, lorsque l’entrepreneur ne remplit pas ses engagements en l’occurrence celui de notifier l’acquéreur de la fin des travaux, ce n’est pas au bénéficiaire, selon la volonté exprimée par le législateur en adoptant l’article 25.1, d’en payer le prix.

 

[45] Je conclus de tout ce qui précède qu’en l’espèce, l’administrateur a eu tort de conclure qu’il y avait eu réception des parties communes au 10 juillet 2005.  De la sorte ses conclusions fondées sur cette prémisse sont mal fondées puisqu’il n’y a jamais eu réception des parties communes au sens du Règlement.

 

[97]      Monsieur Lefebvre rappelle que monsieur Berthiaume a reconnu que sa décision reposait sur des présomptions.

 

[98]      Devant la situation particulière du présent dossier le Bénéficiaire demande de conclure que l’Administrateur a eu tort de fixer la date de réception des parties communes au 27 mars 2009 car il n’y a pas eu d’avis de fin des travaux, ni inspection par un professionnel du bâtiment.

 

[99]      Les conclusions recherchées par le Syndicat se présentent ainsi :

 

DÉCLARER que la fin des travaux des parties communes est postérieure au 27 septembre 2008 et que la réclamation du Bénéficiaire a été faite à l’intérieur du délai de 5 ans prescrit par l’article 27.5 du Règlement ;

 

DÉCLARER que la réception des parties communes  a été faite le 9 septembre 2013 et que la réclamation du bénéficiaire pour vices cachés a été faite à l’intérieur du délai de 3 ans suivant la réception ;

 

DÉCLARER que la dénonciation du vice de construction par le Bénéficiaire à l’Entrepreneur et à l’Administrateur fut faite dans un délai raisonnable au sens du Règlement.

 

RETOURNER la demande initiale du Bénéficiaire à l’Administrateur en y ajoutant l’indemnité réclamée par le Bénéficiaire, soit la somme de 3 161.81 $ qu’il a dû verser à CELB Inc. pour honoraires d’expertise.

 

 

POSITION DE L’ENTREPRENEUR

 

[100]    Me Mélanie Jacques, procureure de l’Entrepreneur, indique  que la détermination de la gravité des prétendus vices allégués affectant l’immeuble n’est d’aucune importance en l’instance.

 

[101]    Elle rappelle que le Bénéficiaire n’a fourni aucune preuve documentaire ou factuelle au conciliateur.  L’Entrepreneur, au contraire, a approvisionné ce dernier par des éléments de preuve tangibles supportant sa position.

 

[102]    Soulignant que le Syndicat avait transmis une demande visant à obtenir un avis de fin des travaux en date du 23 janvier 2015, elle souligne qu’il appartient à l’arbitre d’en confirmer la date.

 

[103]    Le fardeau de preuve repose sur le Bénéficiaire et il doit démontrer que la décision est erronée, eu égard aux éléments de preuve que le conciliateur détenait au moment où il s’est prononcé sur la date du point de départ de la Garantie.  Cette position sera reprise par le procureur de l’Administrateur.  Le soussigné a déjà disposé de cette approche.

 

[104]    Me Jacques soutient que le représentant du Bénéficiaire, monsieur Lefebvre, a admis que le Bénéficiaire n’avait aucune preuve à offrir « contre le conciliateur ».

 

[105]    Elle traite par la suite de la détermination de la date du point de départ de la garantie.  Elle soutient qu’en matière de construction il ne peut y avoir qu’une seule et même date de fin des travaux.  Elle rapporte les propos de Me Denise Pratte : (7)

 

Le calcul des délais et la fin des travaux

 

La notion de fin des travaux est capitale, tout comme elle l’était dans le droit antérieur.  En effet, elle marque le départ du calcul des délais pour accomplir les formalités de conservation des hypothèques légales du domaine de la construction.  Elle est définie à l’article 2110, et al. 1 C.c.Q.  Suivant cette disposition, elle survient « lorsque l’ouvrage est exécuté et en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine ».  La notion de fin des travaux a été empruntée au droit antérieur et les nombreuses causes de jurisprudence ayant permis de mieux cerner cette notion, demeurent pertinentes.

 

Nous reprendrons ici seulement les balises les plus importantes qui ont été établies par la jurisprudence.  Premièrement, il n’existe qu’une seule fin des travaux pour l’ensemble d’un projet de construction ou de rénovation touchant un immeuble, c’est-à-dire par unité d’exploitation.  Ainsi, les participants à la construction doivent tous exécuter leurs formalités de conservation de leur hypothèque légale dans le même délai maximal.

 

[106]    La date de fin des travaux est une question factuelle et propre à chaque situation.  La procureure propose au soutien de cette affirmation le passage suivant de la décision Entrepôt International Québec, s.e.c. c. Protection incendie de la capitale inc. : (8)

 

Par ailleurs, la fin des travaux est une question de fait qui doit être laissée au juge du fond.  En effet, la définition de l’article 2110 C.c.Q. (l’ouvrage est exécuté et en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine) implique nécessairement un examen factuel.  Ni la réception des travaux sans réserve ni le paiement ne sont synonymes de fin des travaux.  Le certificat de fin des travaux  n’est pas non plus déterminant.  Si le point de départ la prescription est généralement une question de fait, c’est particulièrement le cas pour le point de départ qui dépend de la fin des travaux.

 

 

[107]    Me Jacques endosse évidemment la décision du conciliateur.  Cinq factures produites par l’Entrepreneur se positionnant entre 2005 et le 14 novembre 2007 soutiennent, selon elle, la date de fin des travaux établie par monsieur Berthiaume.

 

[108]    Elle propose que le Bénéficiaire a admis que la fin des travaux était survenue le 14 novembre 2007 et ce, par l’entremise de la pièce B-4 qui se veut le « contrôle des votes du Syndicat ».  Je dois réfuter illico cet argument car il irait à l’encontre de toute la preuve et les conclusions recherchées par le Bénéficiaire.  L’écriture ciblée sur le tableau préparé par la présidente du Syndicat se lit ainsi : « 14-11-2007 - fin des travaux - adm - 3486-65114 ».  Il s’agit plutôt de la date que l’Administrateur a déterminée comme fin des travaux.  Qui plus est, les répartitions des votes démontrent que l’Entrepreneur était toujours majoritaire à cette date.

 

[109]    Quant au témoignage de Jean-Sébastien René, les plaintes alléguées par celui-ci ne sauraient repousser la date de fin des travaux.  Ces éléments sont négligeables selon l’Entrepreneur et l’immeuble demeurait habitable et propre à servir à l’usage auquel on le destinait.

 

[110]    Traitant de la réception des parties communes elle reconnaît que l’Entrepreneur ne peut se prévaloir de la présomption édictée à l’article 25.1 du Règlement.  Elle fait appel à l’article 116 de ce même Règlement qui stipule :

 

116.  Un arbitre statue conformément aux règles de droit ; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

 

[111]    Elle rapporte la décision rendue par la juge Michèle Monast (9) qui s’exprimait ainsi :

 

[45] L’article 116 du règlement précise que l’arbitre doit décider selon les règles de droit et mentionne qu’il peut faire appel aux règles de l’équité si les circonstances le justifient.

 

[46] C’est le cas, notamment, lorsque l’application littérale des dispositions du règlement ne permettent (sic) pas de remédier à une situation donnée ou lorsque les circonstances font en sorte que l’interprétation stricte du règlement est susceptible d’entraîner un déni de justice parce qu’elle ne permet pas d’en appliquer l’esprit et d’assurer la protection des droits des parties.

 

(…)

 

[66] La possibilité pour l’arbitre de faire appel aux règles de l’équité constitue en outre une marque de reconnaissance par le législateur qu’il a une certaine marge de manœuvre pour disposer au mieux des différends qui surviennent entre les bénéficiaires de la garantie et l’administrateur du plan lorsque l’application stricte des dispositions du plan ne permettent pas de remédier à une injustice.

 

[112]    Selon l’Entrepreneur le raisonnement épousé par le Bénéficiaire neutralise le but poursuivi par l’article 116 du Règlement qui vise à octroyer à l’arbitre le pouvoir de juger en équité lorsque les règles de droit sont insuffisantes comme en l’espèce.  Pour confirmer sa position Me Jacques  oriente le Tribunal vers la décision rendue par Me Jeffrey Edwards, dans SDC du 4880 Beaubien E. c. 9036-7236 Québec Inc. et L’APCHQ.  (9)  Il écrit :

 

[9] Après discussion entre les parties (Administrateur, Bénéficiaire et Entrepreneur), celles-ci se sont entendues afin de fixer la date de la réception des parties au 5 décembre 2006.  Il reste que, malheureusement, il n’y a jamais eu un réel et véritable examen des parties communes par un représentant du Bénéficiaire et durant lequel celui-ci aurait pu dénoncer des déficiences ou malfaçons apparentes.  Nous n’avons d’autres choix que de procéder plutôt par fiction juridique à cet égard.  Il en résulte une certaine ambiguïté par rapport au moment précis auquel nous pouvons dire que le Syndicat avait l’obligation de dénoncer une malfaçon ou un vice apparent.  Dans cette situation, le Tribunal doit prendre en considération tous les facteurs pertinents pour éviter une iniquité,  tant pour le bénéficiaire que pour l’Entrepreneur (…)

 

[113]    Dès janvier 2008 les copropriétaires détenaient la majorité des votes (pièce B-4) et le Bénéficiaire aurait dû sans délai convoquer une assemblée des copropriétaires pour effectuer le « transfert du Syndicat » et procéder à l’inspection pré-réception.

 

[114]    Elle fait appel à la même décision de Me Jeffrey Edwards (9)  , qui écrivait :

 

[9]

…….

Cependant, l’absence de capacité, tant juridique que factuelle, pour le Syndicat à agir avant la prise de contrôle du Syndicat fait en sorte qu’il serait inéquitable d’opposer automatiquement au Syndicat de copropriété son inaction avant le moment de transfert de contrôle, avec tous les effets juridiques, en l’absence d’un examen, en bonne et due forme, des parties communes par un professionnel retenu à cette fin, ou son équivalent, par le Syndicat de copropriété.

 

[115]    Le même arbitre avait déjà retenu ce même raisonnement lorsqu’il livra sa  décision  du 7 juin 2006, dans SAC MRLH c. Constructions G. Melatti Inc. et L’APCHQ (10),

 

[116]    La procureure rapporte deux autres décisions (11) qui vont dans le même sens et dont Me Michel A. Jeannot en est le signataire.

 

[117]    Dans la décision Copropriété du 4475 à 4477 Dagenais Ouest, Copropriété du 4479 à 4481 Dagenais Ouest c. Les Maisons Zibeline et la Garantie Qualité Habitation et la Garantie des Maisons Neuves de l’APCHQ (11), Me Michel A. Jeannot écrit aux paragraphes 26 à 29 :

 

[26] Considérant donc que de l’avis du Tribunal ce formulaire signé [formulaire de réception des parties communes] par le représentant de l’Entrepreneur n’est [pas] valide (selon la jurisprudence arbitrale en semblable matière), il ne saurait constituer réception des parties communes et je n’ai d’autre choix que de déclarer le formulaire en l’espèce non conforme et inopposable aux Bénéficiaires ;

 

[27] Selon une jurisprudence constante, il m’appartient donc de déterminer une date de réception des parties communes puisque, à défaut, la présente décision aurait comme conséquence de faire revivre des garantes (sic) déjà éteintes par l’écoulement du temps, une situation qui aurait pour conséquence d’octroyer dans certains cas, des garanties de toute évidence plus longues que celles prévues par le législateur (et subsidiairement à partir desquelles l’Administrateur établit et perçoit des primes pour offrir et respecter les garanties prescrites par le Règlement) ;

 

[28] Le soussigné est d’avis et adhère à la jurisprudence constante à l’effet que, et pour éviter une situation inéquitable à l’égard d’une partie (ce qui inclut l’Administrateur), il est justifié de faire appel à l’article 116, de juger en équité, et donc déterminer à même la preuve qui m’est offerte, une date de réception des parties communes ;

 

[29] Quant à cette détermination, je me réfère à la Pièce GMN-10, un extrait du fichier informatisé de l’Inspecteur Général des Institutions Financières (IGIF), lequel nous informe que le transfert de contrôle du Syndicat de l’Entrepreneur aux copropriétaires aurait été fait, ou du moins signé en juillet 2007 pour faire l’objet d’un dépôt (auprès de l’Inspecteur Général des Institutions Financières) en octobre 2007.  Personne ne nous explique la raison du délai entre l’exécution du transfert et son dépôt, chose certaine, après octobre 2007, nul ne peut contester que le Syndicat n’était plus sous la possession et/ou contrôle de l’Entrepreneur et c’est donc le 1er novembre que je retiendrai [comme date de réception des parties communes].

 

[118]    Elle soutient qu’il serait tout à fait équitable et conforme à l’esprit de l’article 116 du Règlement de confirmer la décision des conciliateurs et d’établir la date de réception des parties communes au plus tard le 27 mars 2009.

 

[119]    Endosser le positionnement du Bénéficiaire, dans les cas où l’Entrepreneur omettrait de bonne foi de transmettre un avis de fin des travaux ferait en sorte que le Bénéficiaire « n’aurait qu’à attendre, le cas échéant, qu’un vice se manifeste et ce, dans n’importe quel délai, pour demander la réception des parties communes et ainsi fixer unilatéralement et artificiellement le point de départ de la Garantie, laquelle pourrait donc avoir une durée indéfinie ».

 

[120]    Le Bénéficiaire pourrait ainsi prolonger les différentes garanties selon son bon vouloir, ce qui n’a clairement pas été la volonté du législateur qui a plutôt établi des durées de garanties fixes.

 

[121]    En conclusion, elle soumet qu’il est de la compétence du présent Tribunal d’arbitrage de déterminer une date du point  de départ de la Garantie qui serait équitable autant pour le Bénéficiaire que pour l’Entrepreneur et l’Administrateur et ce, en analysant l’ensemble de la preuve déposée au dossier d’arbitrage et conséquemment le Tribunal ne pourrait que conclure que :

 

1                    La date de fin des travaux est, au plus tard, le 14 novembre 2007 ;

 

2                    La date de réception des parties communes est, au plus tard, le 27 mars 2009.

 

 

POSITION DE  L’ADMINISTRATEUR

 

[122]    Me Marc Baillargeon s’est appliqué à reprendre et à endosser la position adoptée par la procureure de l’Entrepreneur, Me Mélanie Jacques.  Il a soumis la décision (12) de Me Lydia Milazzo du 21 avril 2013, laquelle se ralliait à la décision Villas du Golf (11).

 

[123]    Il a rappelé à l’arbitre sa position à l’effet que l’arbitrage ne pouvait et ne devait être assimilé à une forme d’audition de novo.  Il a fait valoir que l’arbitre devait se limiter à reprendre la preuve apportée au conciliateur.

 

[124]    Le procureur de l’Administrateur fut le seul à traiter des frais d’expertise de 3161.81 $ dollars réclamés par le Bénéficiaire, somme qu’il a dû verser à CELB (Centre d’Expertises Légales en Bâtiments).

 

[125]    Selon lui, le Tribunal devrait rejeter la demande des Bénéficiaires de pourvoir au remboursement des frais d’expertise.  Deux décisions sont soumises pour confirmer le bien-fondé de son positionnement.

 

[126]    Me Jean-Philippe Ewart dans C. Coloccia et G. Boniggine c. Trilikon Construction Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ (13).

 

[127]    Les passages suivants sont retenus :

 

Ledit rapport d’expertise est daté du 12 novembre 2009 mais n’a pas été soumis pour les fins de la Décision 1 et n’a pas été mis en preuve pour les fins de la Décision 2.

 

Dans les circonstances particulières, les éléments qui seraient requis afin de déterminer que ce rapport soit caractérisé de rapport d’expertise n’ont pas été mis en preuve et d’ailleurs conséquemment le droit au contre-interrogatoire pour les fins de cette caractérisation n’ont pas eu l’occasion d’être exercés.  D’autre part, il ne peut être accordé aucune pertinence à ce rapport pour les fins des ordonnances du Tribunal aux Décisions 1 et 2.

 

Conséquemment, ledit rapport ne constitue pas un rapport d’expertise au sens du Règlement et il ne peut être pourvu à un remboursement quelconque.

 

[128]    Me France Desjardins, dans Marie Brodeur et Alain Thériault c. Construction Michel St-Gelais Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. (14), s’exprime ainsi :

 

[69] Après analyse exhaustive d’une abondante jurisprudence traitant des frais d’expertise, il est clair que la situation sous étude en est une d’exception.  En effet, quoique ce ne soit pas exclusif, dans la majorité des cas, les frais d’expertise sont engagés par le bénéficiaire en vue de convaincre les autres parties et le tribunal d’arbitrage du bien-fondé de sa réclamation et c’est dans ce cadre que ce dernier est appelé à en disposer.

 

[70 ] Une jurisprudence constante a établi la nécessité qu’une expertise réponde à trois critères pour être admissible au remboursement par l’Administrateur en vertu des articles 22 et 124 du Règlement à savoir : le bénéficiaire a gain de cause total ou partiel; les frais sont raisonnables et ils sont pertinents eu égard à l’issue du litige.

 

[71] En l’espèce, les Bénéficiaires ont certes eu gain de cause auprès de l’Administrateur.  Toutefois, de l’avis du Tribunal, non seulement ils ont engagé des frais d’expertise d’abord pour connaître la nature du problème et, par la suite, pour élaborer une solution qui les satisfasse, mais ces expertises n’ont pas été utilisées pour appuyer leurs prétentions en arbitrage, une condition jugée essentielle pour autoriser l’arbitre à statuer sur leur remboursement.

 

[129]    Basé sur les deux décisions, Me Marc Baillargeon, conclut que les frais d’expertise ne devraient pas être supportés par l’Administrateur.

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

[130]    Le Règlement, faut-il le rappeler, est d’ordre public (15).  Il campe les conditions applicables à ceux qui désirent administrer un plan de garantie.  Il enchâsse tant les modalités que les limites du plan de garantie tout comme le contenu du contrat de garantie auquel le Bénéficiaire a adhéré.  Les difficultés d’interprétation que peut rencontrer l’arbitre ainsi que les questions quant aux droits du Bénéficiaire ou de l’Entrepreneur doivent trouver réponse dans le Règlement.

 

FARDEAU DE PREUVE

 

[131]    Puisque le Bénéficiaire conteste le bien-fondé de la décision de l’Administrateur, le fardeau de preuve repose sur ses épaules.  L’article 2803 du Code civil énonce :

 

Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

 

Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

 

[132]    L’article 2804 mérite également qu’il soit reproduit :

 

La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.

 

 

ABSENCE DE PREUVE FOURNIE PAR LE BÉNÉFICIAIRE AU CONCILIATEUR

 

 

[133]    La procureure de l’Entrepreneur argue que le Bénéficiaire n’a présenté aucune preuve au conciliateur pour soutenir sa demande si ce n’est que la date de l’assemblée de transition du Syndicat, et le fait d’avoir constaté la présence d’un champignon sur le mur externe qui fut suivie de l’expertise de CELB.

 

[134]    Cet argument, avec respect pour l’opinion contraire, ne peut être retenu. J’ai déjà considéré plus haut que l’arbitrage devrait être assimilé à une forme dérivée du procès de novo.  Ce qui est recherché lors d’une audition ce sont tous les éléments qui servent à conclure dans un sens ou dans l’autre.  On peut facilement présumer que la preuve étayée par le Syndicat ne pouvait être élaborée que par quelqu’un qui possède une formation juridique et qui possède une connaissance particulière du Règlement.

 

ADMISSION DU BÉNÉFICIAIRE

 

[135]    Me Jacques soutient que le représentant du Syndicat, Claude Lefebvre, avocat à la retraite, «  a admis que le Bénéficiaire n’avait aucune preuve à offrir contre le conciliateur ».  L’admission aurait pris place à l’audition du 13 avril 2015, à 11h03.

 

[136]    Le soussigné avait noté ce passage et je dois dire que cette « admission » est prise hors contexte.  Le représentant ne discutait pas de la décision du conciliateur.  Comment harmoniser une telle admission alors que la preuve testimoniale et documentaire présentée à l’audition émanait en très grande partie du Bénéficiaire.  Comment concilier cette « admission » alors que les conclusions recherchées par le Syndicat visent à réfuter les conclusions du conciliateur. Cet argument ne peut être retenu.

 

 

ADMISSIONS

 

[137]    Deux (2) faits sont non contestés selon la preuve soumise et reconnus par monsieur Richard Berthiaume dans son rapport :

 

1o Aucun avis de fin des travaux n’a été transmis par l’Entrepreneur au Bénéficiaire, (annexe II, 12o)

 

2o Aucune réception des parties communes n’a été transmise par un professionnel en bâtiment à chaque bénéficiaire connu, au syndicat et à l’Entrepreneur (art. 25, 6ième alinéa).

 

DÉTERMINATION DE LA DATE DU POINT DE DÉPART DE LA GARANTIE

 

[138]    L’Entrepreneur soumet qu’en matière de construction il ne peut y avoir qu’une seule et même date de fin des travaux.  Il est proposé de s’en remettre à la notion de la fin des travaux proposée par Me Denise Pratte (16).  Voici le texte :

 

Le calcul des délais et la fin des travaux

 

La notion de fin des travaux est capitale, tout comme elle l’était dans le droit antérieur.  En effet, elle marque le départ du calcul des délais pour accomplir les formalités de conservation des hypothèques légales du domaine de la construction.  Elle est définie à l’article 2110, al. 1, C.c.Q.  Suivant cette disposition, elle survient « lorsque l’ouvrage est exécuté et en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine ».  La notion de fin des travaux a été empruntée au droit antérieur et les nombreuses causes de jurisprudence ayant permis de mieux cerner cette notion demeurent pertinentes.

 

Nous reprendrons ici seulement les balises les plus importantes qui ont été établies par la jurisprudence.  Premièrement, il n’existe qu’une seule fin des travaux pour l’ensemble d’un projet de construction ou de rénovation touchant un immeuble, c’est-à-dire par unité d’exploitation.  Ainsi, les participants à la construction doivent tous exécuter leurs formalités de conservation de leur hypothèque légale dans le même délai maximal.

 

[139]    La notion de fin des travaux est celle codifiée à l’article 2110, al. , C.c.Q.  Il est bien établi et reconnu, tant par la doctrine que par la jurisprudence, qu’en cas de contradiction entre le texte d’une loi spéciale et particulière et une loi d’application générale, le texte de la loi particulière doit avoir préséance sur le droit commun (17).

 

[140]       L’arbitre doit forcément s’en remettre à l’article 25 du Règlement qui stipule à la sous-section « Couverture de la garantie » :

 

25. Pour l’application de la présente sous-section, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :

 

« fin des travaux des parties communes » : la date à laquelle tous les travaux de l’entrepreneur convenus par écrit avec le bénéficiaire et relatifs aux parties communes sont exécutés et le bâtiment est en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine;

 

[141]       Il est proposé que la gravité des prétendus vices allégués affectant l’immeuble et les travaux à lui apporter, le cas échéant, ne sont d’aucune pertinence en l’instance et ne doivent pas être considérés par l’arbitre dans le cadre de sa décision. Devant un tel argument le Tribunal pose la question suivante : En contrepartie faut-il en conclure autant quant aux conséquences pouvant découler d’une décision favorable au Bénéficiaire, car en bout de piste le considérant monétaire vaudrait tout autant pour l’une ou l’autre des parties?

 

[142]       Les plaintes alléguées par le Bénéficiaire Jean-Sébastien René peuvent-elles repousser la date d’échéance ?  L’Entrepreneur assure qu’elles ne peuvent.

 

[143]       Les travaux suivants ignorés par l’Entrepreneur remontent à la date de réception du bâtiment par le copropriétaire, i.e. le 22 janvier 2010 (pièce B-15, onglet 8).  Monsieur René mentionne que la pompe puisard (« sump pump ») n’était pas installée et il n’y avait pas de couvercle de puisard.  Celle-ci servait pour tout le bâtiment selon la preuve non contredite.  Personne n’a contesté que cet élément appartienne aux parties communes.  La connaissance de ce manquement ne pouvait émaner des autres copropriétaires puisqu’il n’y avait pas eu antérieurement d’occupant pour cette unité.  Monsieur René acheta en 2010 la dernière unité disponible.

 

[144]       Pourrait-on prétendre qu’entre le 24 août 2007 et le 25 janvier 2010, cette même unité n’aurait pas été visitée par un ou des potentiels acheteurs ?  Poser la question c’est peut-être y répondre.  Dès lors cette situation était déjà connue de l’Entrepreneur.

 

[145]       Le puisard est situé sous le plancher de la garde-robe de sa chambre à coucher et la trappe de plancher pour y avoir accès n’était pas posée.  Ces éléments manquants furent corrigés plus tard par l’Entrepreneur.

 

[146]       D’autres éléments comme le recouvrement de la tuyauterie, les moustiquaires et les manivelles pour l’ouverture des fenêtres étaient manquants.  Ces carences, non contestées, appartiennent à la notion de « partie commune ». Mais je dois les qualifier de menus travaux.

 

[147]       La situation des portes arrière donnant accès aux compteurs électriques, appartient également à la définition des parties communes. La qualification de cette situation se range dans la même catégorie.

 

[148]       Quant à l’installation d’une pancarte indiquant clairement les adresses du bâtiment sur le boulevard des Laurentides, ne peut être considérée comme faisant partie des parties communes au sens du Règlement et de la jurisprudence en matière d’arbitrage.

 

[149]       De la jurisprudence soumise par les parties il est patent qu’il existe deux courants qui s’opposent lorsque l’avis de fin des travaux et la réception des parties communes n’ont jamais été exécutés.

 

[150]       Certains arbitres ont appliqué l’article 116 du Règlement qui enseigne que :

 

116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit, il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

                                  (Je souligne)

 

[151]       Cette jurisprudence réfute l’application littérale des dispositions du Règlement laquelle ne permet pas de remédier à une situation donnée laquelle entraîne  un déni de justice.  De là, la nécessité de recourir à l’équité.  Ce raisonnement fut retenu principalement par Me Jeffrey Edwards (9) et (10) et Me Michel A. Jeannot (11).

 

[152]       Toutefois, il convient de reconnaître que le législateur n’a pas prévu une présomption ayant pour paradigme l’article 25.1 du Règlement. Cet article n’a-t-il pas permis de combler un vide juridique? Dès lors, pourquoi le législateur n’a-t-il pas agi en connaissance de l’état de la jurisprudence qui précédait les amendements de 2006. Le législateur savait ce qu’il faisait, nul doute.

 

 

[153]       L’ancien juge en chef de notre plus haut Tribunal, le juge Lamer écrivait dans l’arrêt S. Schachter c. Canada (19), à la page 683 :

 

Lorsque l’on détermine s’il faut donner une interprétation large à un texte législatif, la question n’est pas de savoir si les tribunaux peuvent prendre des décisions qui entraînent des répercussions de nature financière, mais bien jusqu’à quel point il est de circonstance de le faire.

 

[154]       La juge Deschamps dans Dikranian c. Québec (Procureur général) (20) s’est ainsi exprimée :

 

[69] Le législateur est libre d’énoncer dans ses lois des dispositions qui peuvent paraître dures.  Il n’appartient pas aux tribunaux de s’immiscer dans le processus législatif.

       

[155]       Me Jacques propose que l’orientation que pourrait prendre le type de dossier sous étude puisse entraîner des comportements inadmissibles et inacceptables de la part d’un syndicat.  En effet, ce dernier pourrait de mauvaise foi laisser aller le temps, les années, sans soulever la question de la date de la fin des travaux et celle de réception des parties communes afin de bénéficier d’un prolongement quant aux vices cachés notamment.  Le Tribunal lui a fait reconnaître que dans le présent dossier aucune preuve de mauvaise foi n’a été exposée.

 

[156]       Il est soumis que dans des situations où le Bénéficiaire néglige de procéder dans un délai raisonnable à la réception des parties communes (comme c’est le cas en l’espèce), cela ne peut être opposable à l’Entrepreneur et à l’Administrateur qui se verraient inéquitablement pénaliser en raison de ce manque de diligence.  Deux (2) décisions traitant de situations et prenant place avant le 7 août 2006 (amendements) sont soumises.

 

[157]       Dans Syndicat de copropriété MRLH (10), l’arbitre écrit :

 

En l’espèce, le fait que le bénéficiaire n’a pas depuis le 15 novembre 2003 et jusqu’au 1er mai 2006, procédé à la réception des parties communes de l’immeuble avec un professionnel de la construction de leur choix ne saurait pénaliser l’Entrepreneur et l’Administrateur en prolongeant indûment les garanties prévues au Règlement.

 

Le Tribunal d’arbitrage est d’avis que la date de réception des parties communes doit être celle de la date à laquelle le Bénéficiaire aurait dû, selon le Tribunal d’arbitrage, être en mesure de procéder à la réception des parties communes.

 

[158]       Dans Syndicat de copropriété « Le Carré Rosemont-Boyer » c. Société immobilière Leroux inc., (18)  l’arbitre Alphonse Fournier s’exprime ainsi :

 

[25] Par ailleurs, le fait que le syndicat de copropriété n’ait pas, à ce jour, procédé à la réception des parties communes du bâtiment avec un professionnel de la construction, pourrait pénaliser l’administrateur de la garantie, en prolongeant indûment les garanties de 3 ans et de 5 ans prévues au règlement.

 

[26] L’article 116 du règlement prévoit : […]

 

[27] Les circonstances du présent litige sont, selon l’arbitre soussigné, de la nature de celles dont parle le législateur à l’article 116 du règlement.

 

[159]       Ce courant jurisprudentiel repris après l’ajout de l’article 25.1 du Règlement prend assise sur la notion d’équité codifiée à l’article 116 de ce même Règlement.  Mais comment circonscrire la notion d’équité.

 

[160]       L’équité est « bâtie » autour du sentiment naturel de ce qui est juste et non du droit positif : Le Médiateur de la République française (21)  l’a définie ainsi et je crois qu’elle peut facilement s’appliquer ici :

 

Un correctif du droit écrit quand l’application de celui-ci entraîne des conséquences manifestement disproportionnées.  C’est également un complément permettant de combler les lacunes de la loi et de la réglementation quand un cas précis n’a pas été envisagé par celles-ci.  Application d’une norme de justice naturelle à une situation particulière, l’équité permet d’adapter les conséquences de la loi, nécessairement générale, à la complexité des circonstances et à la singularité des situations concrètes.

                                

                                        (Je souligne)

 

 

 

[161]       L’équité introduit l’idée de proportion, d’équilibre entre la finalité d’une loi et les conséquences de l’acte pour la personne qu’il touche.  On peut parler d’égalité de traitement.

 

[162]       Les tribunaux n’ont d’autre choix que d’appliquer la loi lorsqu’elle ne présente aucune ambiguïté.  L’équité peut interpréter le droit à la lumière de la finalité d’une loi au lieu d’annihiler un droit pour une condition technique ou de forme.

 

[163]       Je suis d’avis que le décideur qui joue un rôle d’interprète du droit ne lui permet pas de créer des normes.  Les interventions en équité doivent s’appuyer sur des balises qu’on pourrait les regrouper ainsi.  D’abord il faut respecter l’intention du législateur, puis évaluer la gravité du préjudice et déterminer s’il est opportun de déroger.  Il ne doit donc pas avoir une disproportion au niveau des conséquences.

 

[164]       Il faut que le choix de la solution que réclame l’équité soit toujours dénuéeqaa de controverses.  En effet, plusieurs conceptions de la solution équitable peuvent de fait s’affronter.

 

[165]       Il y a lieu de décider équitablement compte tenu de toutes les circonstances en l’espèce et du contexte.  Je suis d’avis qu’il faut être tout autant équitable envers le Bénéficiaire que l’Entrepreneur.

 

[166]       Le gouvernement du Québec, en adoptant le Plan de Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs, voulait ainsi protéger les acheteurs et élever la qualité des futures constructions neuves.

 

[167]       Le contrat de la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ se veut un contrat de cautionnement qui garantit l’ouvrage et l’exécution déterminés et convenus avec l’Entrepreneur.  Ce contrat de cautionnement garantit l’exécution des travaux contre les malfaçons et des vices, notamment.

 

[168]       L’approche du contrat de cautionnement est traitée par mon collègue, Me Robert Masson, dans SDC du 8673, 8675 et 8677 Centrale c. Constructions Melval Inc. et Garantie Habitation du Québec Inc. (23).

 

[169]       C’est un contrat conditionnel et limitatif en ce que la caution indique explicitement dans quelles conditions s’ouvriront les garanties qu’elle offre et quelles sont ces garanties.  On retrouve ces conditions à l’article 7 du Règlement :

 

Un plan de garantie doit garantir l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues [au Règlement] …

 

[170]       C’est aussi un contrat de cautionnement réglementé car toutes les clauses du contrat sont la reproduction intégrale, en faisant les adaptations nécessaires, d’extraits du Règlement qui impose cette intégralité.

 

[171]       Plus loin, il discute de l’article 25.1 du Règlement dans ces termes :

 

[50] Or l’article 25.1 du Règlement explique que l’avis de fin des travaux que transmet l’Entrepreneur informe aussi de la fin de ses obligations en regard de la réception.  En ne s’acquittant pas de son obligation de transmettre l’avis de fin des travaux, l’Entrepreneur n’a pas été libéré de ses obligations à l’égard de la réception, notamment celle de fixer le point de départ de la computation de tous les délais relatifs à la garantie offerte, tel que le stipule l’article 27 du Règlement.

 

[51] En conséquence de ce qui précède, si la date de réception du bâtiment était fixée en juin ou en décembre 2004, le bénéficiaire serait lésé dans ses droits.  Or l’article 140 du Règlement empêche le bénéficiaire de « renoncer aux droits que lui confère le présent règlement »; encore moins qu’on lui fasse perdre.

 

[52] L’administrateur de la garantie, caution de l’entrepreneur, était donc bien fondé d’agir en lieu et place de l’entrepreneur pour préserver ses droits et mettre un terme au flottement qui existait suite au défaut de ce dernier de transmettre l’avis de fin des travaux ; et de demander au bénéficiaire de mandater un professionnel pour inspecter les parties communes du bâtiment pour que son rapport d’inspection serve d’acte de réception du bâtiment et fixe ainsi la date de réception de l’ouvrage.  D’où la « Note A » de l’inspecteur au début du rapport d’inspection du 10 octobre 2007 qui fixe la date de réception de l’ouvrage au 7 juillet 2007.

 

[172]       En ce sens, il y a lieu de revenir à l’article 25 du Règlement qui définit ainsi la fin des travaux des parties communes :

 

25. Pour l’application de la présente sous-section, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :

 

« fin des travaux des parties communes » : la date à laquelle tous les travaux de l’entrepreneur convenus par écrit avec le bénéficiaire et relatifs aux parties communes sont exécutés et le bâtiment est en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine ;

 

[173]       Dans certaines décisions (10 et 18) rapportées par l’Entrepreneur, il est reproché au Syndicat de ne pas avoir procédé à la réception des parties communes alors qu’il n’y avait  pas eu dans un premier temps un avis de fin de travaux.

 

[174]       Pourtant le législateur impose et oblige l’Entrepreneur à transmettre cet avis.  À l’annexe 11 du Règlement il est prévu que :

 

« L’Entrepreneur s’engage :

 

  (…)

 

11o à transmettre sur demande de l’administrateur, les rapports de surveillance continue et l’attestation de conformité préparés par un professionnel du bâtiment indépendant de l’entrepreneur, le cas échéant ;

 

[175]       Pourquoi impose-t-on une obligation au Syndicat, quand le législateur a établi qu’il y avait une prémisse à cette étape de la réception des parties communes.  Ce même législateur n’a pas parlé pour rien dire.  De façon imagée et simpliste c’est comme si on demandait à un sous-traitant de peinturer les murs, alors que ceux-ci ne sont pas encore en place.

 

[176]       L’arbitre Claude Dupuis écrit dans la décision SDC du 4551-4565 de Niverville c. GDMD Développement Inc. et La Garantie Habitation du Québec Inc. (22) :

 

[36] Avant les modifications effectives en août 2006, le règlement ne fixait aucun délai au syndicat pour la réception des parties communes à la suite de la réception d’un avis écrit de fin des travaux expédié par l’entrepreneur.

 

[37] Cet avis n’ayant jamais été expédié par l’entrepreneur, le procureur de l’administrateur soutient qu’il appartenait au syndicat de voir à ce que l’entrepreneur respecte ses obligations légales.

 

[38] En tout respect pour l’opinion contraire, le soussigné est d’avis qu’il appartient plutôt à l’administrateur de la garantie de voir à ce que l’entrepreneur respecte ses obligations légales ou contractuelles; c’est là l’essence du plan, comme en témoigne l’article 7 du décret.

 

[177]       L’arbitre Claude Mérineau, dans F. Vallée et le SDC Chs-Baudelaire c. Habitation Vally Inc. et Garantie des Maîtres Bâtisseurs Inc. (24) traitant de l’absence de l’avis de fin des travaux, écrit et conclut :

 

[11] L’entrepreneur ayant admis qu’il n’a pas donné au Syndicat des copropriétaires l’avis de fin des travaux des parties communes l’informant de ses obligations en regard de la réception, les dispositions de l’article 25.1 du Règlement établissant la date de réception ne s’appliquent pas.

 

[12] Puisque ledit avis de fins des travaux, à toute fin pratique, a été donné par l’entrepreneur au Syndicat des copropriétaires au cours de l’audience, le 19 mars 2007, l’arbitre établit la réception des parties communes au 19 mars 2007.

 

[13] En conséquence, les dispositions de l’article 27, paragraphes 3o, 4o et 5o du Règlement s’appliquent à compter de cette date.

 

[178]       Il est probable que le conciliateur dans le présent dossier attribua un délai de six (6) mois, suivant ainsi une certaine tendance rencontrée dans les rapports de conciliateurs ou en s’inspirant de la décision de Me Jeffrey Edwards dans SDC MRLH c. Les Constructions G. Melatti Inc. et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, (25).

 

[179]       La réception des parties communes d’une copropriété est une démarche bien encadrée et qui donne effet à des couvertures lesquelles reposent sur des délais extinctifs qui courent dès l’accomplissement de cette étape.

 

[180]       Le Règlement à l’article 33 encadre le processus de réception ainsi :

 

33. Chaque partie privative visée par la garantie doit être inspectée avant la réception.  Cette inspection doit être effectuée conjointement par l’entrepreneur et le bénéficiaire à partir d’une liste préétablie d’éléments à vérifier fournie par l’administrateur.  Le bénéficiaire peut être assisté par une personne de son choix.

 

L’inspection doit être différée lorsque la réception de la partie privative intervient après la fin des travaux des parties communes.

 

Les parties communes visées par la garantie doivent être inspectées avant leur réception.  Cette inspection doit être effectuée conjointement par l’entrepreneur, le professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires et ce dernier à partir d’une liste préétablie d’éléments à vérifier fournie par l’administrateur.

 

[181]       Comme le soulignait le représentant du Syndicat, Claude Lefebvre, la réception se veut une démarche rigoureuse et formaliste.  La définition de cette réception des parties communes est prévue à l’article 25 du Règlement.

 

[182]       Il est approprié de donner lecture de certains passages de la décision rendue par Me Johanne Despatie, dans SDC Les Jardins St-Hyppolite (6) :

 

[33]  En l’espèce il est déjà admis qu’il n’y a pas eu de réception formelle des parties communes au sens de l’article 25 et également que même si on appliquait le nouvel article 25.1 à l’espèce, il n’y en aurait pas eu de présumée non plus.

 

 [34]  Pourquoi ? Parce que les copropriétaires n’ont jamais reçu l’avis de fin des travaux que doit expédier l’entrepreneur à chaque bénéficiaire connu ainsi qu’au syndicat, et ce aussi bien selon l’article 25 que l’article 25.1  En outre, dans ce dernier cas, les autres conditions de réalisation de la présomption n’étaient pas non plus remplies à la date d’entrée en vigueur de cette disposition en février 2006.

 

[35]   En somme, nous sommes en présence d’une situation où il n’y a eu ni réception réelle ni réception présumée des parties communes au sens des articles 25 et 25.1 du Règlement.

 

 

[41] Le législateur, réputé connaître l’état du droit, y compris de la jurisprudence, choisit en février 2006 la voie de l’amendement au Règlement  pour  consacrer la  possibilité  que  la réception d’une copropriété puisse se faire selon un mode autre que  celui connu jusqu’alors  et  qui  peut être étiqueté de formaliste. Le législateur veut ouvrir la porte à une réception concrète, empirique, à défaut d’avoir été formaliste.

 

[42] Choisit-il pour ce faire d’élargir explicitement l’autorité de l’arbitre déjà investi d’une certaine discrétion d’air en équité ?  Non.  Il opte plutôt pour une présomption qu’il assujettit à des conditions strictes investissant du coup l’arbitre de l’autorité d’assurer que des conditions prédéterminées soient réunies, mais pas, soit dit avec égards, de celle de pouvoir déborder de ces conditions pour en adopter des différentes au nom de son autorité d’agir en équité.

 

[43] Il ne faut pas oublier que le Règlement a pour objet d’offrir une garantie mise au point par l’industrie afin de protéger l’acheteur d’un immeuble neuf.  À la manière d’une assurance, le Règlement comporte à la fois des obligations pour le bénéficiaire et des obligations pour l’entrepreneur qui y souscrit.  Ainsi, si un bénéficiaire ne remplit pas ses engagements, il s’expose aux conséquences stipulées et réciproquement pour l’entrepreneur.

 

[44] S’agissant de la question de la réception, lorsque l’Entrepreneur ne remplit pas ses engagements en l’occurrence celui de notifier l’acquéreur de la fin des travaux, ce n’est pas au bénéficiaire, selon la volonté exprimée par le législateur en adoptant l’article 25.1, d’en payer la note.

 

                                   (Je souligne)

 

[183]       Le texte clair et sans équivoque que le Règlement emploie ne fait aucun doute que l’étape de l’avis de fin des travaux repose exclusivement sur les épaules de l’Entrepreneur.  Aucune espèce de faute ou de négligence ne peut être attribuée au Syndicat.

 

[184]       L’arbitre Guy Pelletier, dans SDC 670 Manoir Masson et Développement c. Magma Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, (26) statue que le professionnel du bâtiment soit désigné par le Syndicat pour pouvoir déclarer la date de fin des travaux.  De plus, il est impératif que le mécanisme de réception des parties communes ait été mis en place et enclenché par l’avis de fin des travaux de l’Entrepreneur au Syndicat et aux copropriétaires connus.

 

[185]       À l’encontre de la présomption énoncée par le conciliateur Richard Berthiaume, je suis de l’opinion de Me Albert Zoltowski, dans SDC 3667346 c. Les Habitations Trigone Inc. (27) quand ce dernier soutient :

 

[78] Je note que le fait que le bâtiment aurait pu être « en état de service conformément à l’usage auquel on le destine » le 7 août 2006, comme le prétend l’avocat de l’Administrateur n’est pas, selon moi, suffisant pour que je puisse conclure qu’à cette date la « fin des travaux des parties communes » a eu lieu.  Selon moi, la définition de cette expression à l’article 25 du Règlement cité ci-haut requiert que deux conditions soient remplies : la première est que tous les travaux de l’entrepreneur convenus par écrit avec le Bénéficiaire doivent être exécutés et la deuxième - que le bâtiment soit en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine.

 

[186]       Dans le présent dossier, l’amendement de 2006 rattaché à cette définition amène l’ajout des mots : « sous réserve, le cas échéant, de menus travaux à parachever qu’il indique ».  Plusieurs travaux ou manquements ont été rapportés par Jean-Sébastien René et un autre (portes arrière de la chambre électrique) par la présidente du Syndicat.

 

[187]       À l’exception de la pompe à puisard les autres points doivent être qualifiés de mineurs.  Leur cumul ne saurait faire naître un travail d’importance, ayant des conséquences potentielles importantes pour le bâtiment.

 

[188]       L’absence de pompe à puisard ne doit être qualifiée de manquement mineur ou de travail mineur.  Le puisard a pour principale fonction de collecter les eaux nettes provenant du drain de fondation et de plusieurs autres sources.

 

[189]       Si l’architecte l’avait prévu, il faut considérer qu’elle était importante pour le type d’immeuble, pour le positionnement géographique et pour de possibles refoulements ou inondations.

 

[190]       L’importance vient des conséquences que peut entraîner l’absence d’une pompe à puisard.  Faut-il ajouter que le trou était béant, donc sans couvercle.

 

[191]       On n’est pas ici en face d’une moustiquaire manquant ou de manivelles manquantes pour ne citer que ces deux cas.

 

[192]       Ce qui est quelque peu troublant, c’est que l’Entrepreneur a été plus que négligent pendant plusieurs années et qu’il a fallu qu’un copropriétaire achète et habite l’unité pour le constater.

 

[193]       Monsieur a dû en faire mention à l’un des associés après l’achat de son unité qui remonte au 25 janvier 2010.  Je crois approprié de déterminer que l’exécution par l’Entrepreneur s’est faite vers le 1er mars 2010.  Je considère que cette date se veut ainsi la date de la fin des travaux.

 

[194]       La décision de monsieur Richard Berthiaume blâme exclusivement le Bénéficiaire, lui imposant même la responsabilité d’effectuer la réception des parties communes, ignorant ainsi le fardeau initial imposé à l’Entrepreneur par l’autorité réglementaire.

 

[195]       Monsieur Granata, tout comme ses associés,  car on peut en inférer,  ignoraient les deux étapes donnant ouverture à la garantie sinon l’Entrepreneur se serait exécuté.  Qui plus est, monsieur Granata, le seul à témoigner comme représentant de l’Entrepreneur, n’avait aucune expérience dans le domaine, en incluant également ses associés, s’exécutaient ainsi comme entrepreneur. Faut-il retenir ce qu’il a admis, à savoir : « tout le monde faisait n’importe quoi ».  L’inexpérience et par surcroit la mauvaise gestion de l’Entrepreneur débouchent sur des conséquences néfastes que le Bénéficiaire n’a pas à encourir.

 

[196]       L’annexe 11 du Règlement établit que l’Entrepreneur s’engage notamment :

 

(…)

 

9o à remettre à l’administrateur, sur la formule fournie par celui-ci la liste des travaux relatifs au bâtiment dénoncés par écrit au moment de la réception du bâtiment ou de la partie privative, selon le cas, et devant faire l’objet de parachèvement ;

 

10o à fournir, sur demande de l’administrateur, les plans de conception et/ou de réalisation d’architecture, de structure, de mécanique, de tuyauterie et d’électricité ainsi que les devis spécifiques à un bâtiment visé ;

 

11o à transmettre sur demande de l’administrateur, les rapports de surveillance continue et l’attestation de conformité préparés par un professionnel du bâtiment indépendant de l’entrepreneur, le cas échéant ;

 

12o à donner avis de la fin des travaux des parties communes à chaque bénéficiaire connu et au syndicat de copropriétaires et aviser l’administrateur et tout futur acquéreur d’une partie privative lors de la conclusion du contrat de la date déclarée de la fin des travaux ;

 

13o à effectuer une inspection préréception conjointement avec le bénéficiaire ou le professionnel du bâtiment désigné par le syndicat de copropriétaires et ce dernier, selon le cas, et ce, à l’aide de la liste préétablie d’éléments à vérifier fournie par l’administrateur, en remettre une copie dûment remplie aux conclusions du contrat et à en transmettre, sur demande, le résultat à l’administrateur.

 

                                  (Je souligne)

 

[197]       Peut-on présumer que l’Entrepreneur était au fait de tous ses engagements ?  Le vocabulaire employé dans l’Annexe parle de réception de bâtiment, d’attestation de conformité préparée par un professionnel en bâtiment indépendant de l’Entrepreneur, d’avis de fin des travaux des parties communes et d’inspection préréception. Nul doute, qu’un degré élevé d’incompétence, de négligence et d’insouciance se retrouvaient chez pas un, mais trois associés.

 

[198]       À la section II du chapitre III du Règlement il est traité des « Conditions à remplir par l’Administrateur ».  Il est imposé, entre autres, au titre « Autres conditions », certaines obligations que le législateur impose à l’Administrateur.  Nous pouvons souligner les suivantes :

 

68. L’administrateur doit, pour assurer la mise en application du plan approuvé, établir et faire approuver un programme d’inspection couvrant les diverses étapes de construction d’un bâtiment et tenant compte notamment de l’expérience des entrepreneurs, de la nature des projets de construction et des catégories de bâtiments visés.

 

69. L’administrateur doit fournir à chaque entrepreneur la liste d’éléments à vérifier pour chaque catégorie de bâtiments, approuvée par la Régie aux fins de l’inspection qui précède la réception.

 

(…)

 

71.  L’administrateur doit assurer la formation des entrepreneurs à l’égard du contenu du plan approuvé et du contrat en découlant.

 

                                      (Je souligne)

 

[199]       On doit comprendre que l’autorité réglementaire s’est assurée tant en ciblant l’Administrateur que l’Entrepreneur que ce dernier principalement serait formé, encadré et suivi et ce, particulièrement s’il a peu ou aucune expérience.  Dans le cas sous étude, les associés de l’Entrepreneur étaient à leurs premières armes, donc totalement inexpérimentés dans ce domaine pointu. Rien ne transpire qu’ils avaient été ainsi instruits.

 

[200]       Encore ici le Bénéficiaire doit-il en être victime ?  Nullement.

 

[201]       Le Bénéficiaire s’est exécuté, nous dit Claude Lefebvre.  Il a mis en demeure l’Entrepreneur de transmettre un avis de fin des travaux le 23 janvier 2015, ce qui fut refusé par l’Entrepreneur.  Le résultat fut le même pour la demande de participation conjointe avec le Bénéficiaire et le professionnel du bâtiment.  L’inspection des parties communes s’est faite en l’absence de l’Entrepreneur le 5 février 2015.

 

[202]       Le Bénéficiaire soumet la décision d’Alcide Fournier, dans SDC Les Habitations Melatti 7014 Marie- Rollet et 7011 Louis-Hébert à Lasalle (4).  Les paragraphes suivants résument bien la question en litige et la décision :

 

4   Selon monsieur Melatti, les travaux de construction de l’immeuble ont débuté en décembre 1999 et tout était terminé en avril 2001.

 

9    Le 12 avril 2001, M. Melatti procède avec M. Basile Nakouzi, architecte, à l’inspection du bâtiment, à l’établissement de la liste préétablie d’éléments à vérifier et à la réception des parties communes du bâtiment.

 

10   Les services de M. Nakouzi, architecte, ont été retenus et payés par l’entrepreneur.

 

11   Convoquée par M. Melatti, la première assemblée du syndicat de copropriété a lieu le 18 juin 2002.

 

(…)

 

13    Le 18 juin 2004, le syndicat de copropriété procède, avec un professionnel du bâtiment, à l’inspection du bâtiment, à l’établissement d’une liste préétablie d’éléments à vérifier et à la réception des parties communes.  L’entrepreneur, invité à participer à cette inspection, ne s’y est pas présenté et n’a pas signé les documents.

 

14   Tous les copropriétaires entendus affirment qu’ils n’ont pas reçu l’avis de fin des travaux des parties communes et qu’ils n’ont pas été invités à participer à l’inspection du bâtiment le 12 avril 2001 en compagnie de l’entrepreneur et de l’architecte Nakouzi.

 

15   L’entrepreneur et sa représentante, Mme Puera, admettent que l’avis de fin des travaux des parties communes n’a pas été expédié aux copropriétaires et que ceux-ci n’ont pas, non plus, été invités à participer à l’inspection faite par M. Nakouzi le 12 avril 2001.

 

                                        (Je souligne)

 

[203]       L’entrepreneur prétend que la date de réception des parties communes est le 12 avril 2001.

 

[204]       Le Bénéficiaire, dans le jugement ci-haut rapporté, plaide que la date de réception des parties communes est le 18 juin 2004, date de l’inspection par leur professionnel en bâtiments, l’ingénieur Bernard Marois.

 

[205]       L’arbitre Alcide Fournier conclut ainsi quant à la date de réception des parties communes :

 

21   Quant à la réception du bâtiment, le document produit à cet effet et daté du 12 avril 2001 ne peut être accepté car il a été réalisé en contravention des dispositions expresses de l’article 25 du règlement.

                          …

 

23   Le seul document produit en preuve qui rencontre les exigences de l’article 25 du règlement est celui daté du 18 juin 2004 et signé par M. Bernard Marois, ingénieur.

 

24  L’arbitre soussigné doit donc conclure que la réception des  parties communes a eu lieu le 18 juin 2004.

 

[206]       Nonobstant l’absence de l’entrepreneur lors de l’inspection, bien qu’il y fut invité et nonobstant l’absence de la signature de l’entrepreneur sur les documents l’arbitre a statué que la date de réception des parties communes était le 18 juin 2004, date de l’inspection ou du document émis par le professionnel choisi par le syndicat des copropriétaires.

 

[207]       Considérant la ratio decidendi de cette dernière sentence arbitrale, le Bénéficiaire propose au Tribunal de déclarer que la date de réception des parties communes est le 11 février 2015, date du rapport de l’inspecteur Martin Lantagne.

 

[208]       L’Entrepreneur fut négligent en ne transmettant pas l’avis de fin des travaux.

 

[209]       L’Entrepreneur représenté par trois (3) associés agissait de façon irresponsable, je le rappelle,  en ce sens que « n’importe qui faisait n’importe quoi ». Au surplus l’Administrateur aurait dû minimalement apporter formation et suivi auprès de l’Entrepreneur. A la limite, l’Administrateur aurait dû agir au lieu et place de l’Entrepreneur comme il avait été fait par le passé, minimalement une fois, car d’autres situations semblables ont pu exister  sans que le dossier accoste dans un processus de conciliation.

 

[210]       L’Entrepreneur n’a pas respecté ses obligations découlant du Règlement et de l’Annexe 11.

 

[211]       L’Entrepreneur a complété les travaux des parties communes au 1er mars 2010, date que le soussigné assimile à l’avis de la fin des travaux.

 

[212]       Même en appliquant la notion d’équité traitée plus haut, le Tribunal, avec beaucoup de respect, n’endosse pas le courant jurisprudentiel donnant effet à l’article 116 du Règlement pour les raisons suivantes, du moins pour les particularités du présent dossier:

 

a)      Il n’y a pas de lacune dans le Règlement actuel ;

 

b)      Il faut considérer les conséquences de l’acte pour la personne qu’elle touche.  Le Syndicat a respecté ses obligations et a toujours agi de bonne foi ;

 

c)      Donner raison à l’Entrepreneur en terme d’équité serait faire fi des nombreuses obligations non respectées par celui-ci et par l’Administrateur ;

 

d)      Donner raison à l’Entrepreneur serait synonyme d’une attribution à l’aveugle d’un semblant d’iniquité ;

 

e)      Donner raison à l’Entrepreneur serait imposer en tout temps le tort au Bénéficiaire peu importe les circonstances;

 

f)       Donner raison à l’Entrepreneur c’est faire fi des obligations imposées à celui-ci et à l’Administrateur;

 

[213]       L’Entrepreneur était cautionné par un Administrateur qui de toute évidence n’a pas suivi, enseigné, renseigné et/ou encadré son Entrepreneur.

 

[214]       Il faut être équitable en l’espèce.  Ce n’est pas parce que des conséquences possibles économiquement (prolongement des garanties) sont mentionnées en argumentation que cela en fait la preuve.  L’Entrepreneur ou l’Administrateur ont-ils des assurances pour couvrir ce genre de situation?  Possiblement. Plusieurs questions auraient dû être posées au conciliateur ou à une autre personne appelée à témoigner par l’Administrateur.

 

[215]       Le Bénéficiaire serait tout autant pénalisé si je considère les conséquences pour les deux parties.

 

[216]       Le soussigné s’est vu proposer février 2015 pour la date de la réception des parties communes.  Je ne peux retenir cette date car la situation particulière du dossier milite pour une autre époque.

 

[217]       Me Philippe Landry, dans sa décision Les Habitations Bel Horizon Inc. c. SDC 195 rue de Bourdages et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc.(28), présente une approche alternative qui mérite d’être considérée.

 

[218]       Dans ce dossier l’Entrepreneur avait interjeté appel de la décision de l’Administration.  La question en litige qui nous intéresse était de déterminer la date de la réception des parties communes.

 

[219]       Je crois convenant de rapporter les passages pertinents eu regard à la présente affaire :

 

[10] Pour ce qui est de la réception des parties communes, il est clair que le délai de 6 mois prévu à l’article 25.1 du Règlement ne peut pas s’appliquer, car de l’aveu même de l’Entrepreneur, il n’a jamais transmis d’avis de fin des travaux.

 

[11] De plus, il ressort du contre-interrogatoire de M. Gagnon qu’il n’y a pas eu d’inspection des parties communes par un professionnel du bâtiment choisi par le syndicat des copropriétaires.

 

[12] Dans sa décision, l’Administrateur a choisi la date du 15 novembre 2010, soit le moment de la dénonciation de la part du Bénéficiaire, comme date de réception des parties communes, puisqu’il était conscient des lacunes de procédure au dossier et que le début de la couverture de la garantie se devait de commencer à un certain moment donné.

 

[13] Bien que Mme Lehoux ne soit pas professionnel du bâtiment, il n’en demeure pas moins que le rapport  non daté qu’elle a produit constitue un geste important et sérieux.  En effet, le rapport contient plus d’une vingtaine de photos qui illustrent les problèmes dénoncés.  Qui plus est, ce rapport s’accompagne d’une lettre introductrice datée du 30 novembre 2010 et de Me Marie-Cécile Bodeus qui explicite la démarche entreprise par Mme Lehoux et le syndicat de copropriété.

 

[14] Pour toutes ces raisons, le tribunal déclare la date du 30 novembre 2010 comme la date de réception des parties communes plutôt que la date proposée par l’Administrateur, puisque ni la preuve documentaire, ni le témoignage de M. Dubuc ne supportent la date avancée du 15 novembre 2010.

 

[220]       Le Tribunal, tenant compte de l’expertise de Stéphane Bossus faite à la réquisition du Syndicat, datée du 9 septembre 2013, et qui fut transmise aux parties en février 2015 et déposée à l’audition (pièce B-1.1), considérant que ce rapport est étoffé et fait état des vices de construction dont le conciliateur Richard Berthiaume en fait état dans sa décision, considère qu’il est juste et approprié de fixer au 9 septembre 2013 la date de réception des parties communes.

 

FRAIS D’EXPERTISE

 

[221]       Le Bénéficiaire réclame de l’Administrateur la somme de 3 161.81 $ qu’il a dû verser à CELB pour le rapport d’expert du 9 septembre 2013, signé par Stéphane Bossus.

 

[222]       L’Administrateur s’est objecté au paiement de ces frais en faisant référence aux décisions de Me France Desjardins (14) et de Me Jean-Philippe Ewart (13).

 

[223]       Les critères avancés dans ces deux (2) décisions pour déterminer si les coûts d’expertise sont recevables sont totalement endossés par le soussigné.  Les passages pertinents de ces deux décisions furent rapportés plus haut aux paragraphes 127 et 128.

 

[224]       Comme le rapporte Me France Desjardins, la jurisprudence a établi la nécessité que l’expertise réponde à trois (3) conditions essentielles pour être admissibles au remboursement par l’Administrateur en vertu des articles 22 et 124 du Règlement.  Je reproduis ces articles :

 

22. L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.

 

124. L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.

 

(Je souligne)

 

[225]       Tenant compte de ces trois critères, le Tribunal donne raison au Bénéficiaire.

 

[226]       Les frais d’expertise m’apparaissent raisonnables compte tenu du temps alloué sur place et la confection du rapport.

 

[227]       Quant à la pertinence, je retiens que le conciliateur en a fait état dans son rapport en ces termes :

 

À la suite de cette découverte, ils font appel à un expert en bâtiment, à savoir Le Centre d’Expertise Légales en Bâtiments (Témoins Experts Inc.) (CELB).

 

L’expert constate la présence de champignons et de moisissure en concentration importante sur les structures mises à jour tels les panneaux muraux intermédiaires, les lisses ainsi que les colombages composant la structure de l’immeuble.

 

La conclusion de l’expert est à l’effet que la pose inadéquate du revêtement d’acrylique a ainsi contribué à la perte des structures intramurales dissimulées sous les revêtements d’acrylique.

 

ANALYSE ET DÉCISION (point 1) :

 

L’administrateur, lors de l’inspection, a été en mesure de constater la situation dénoncée par le syndicat.

 

[228]       Dans la présente sentence arbitrale, la même expertise fut produite.  Qui plus est, le soussigné en fait l’utilisation afin de fixer la date de réception des parties communes.

 

[229]       Les trois (3) conditions essentielles ayant été rencontrées,  la demande du Bénéficiaire quant aux frais d’expertise doit être reçue.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

ACCUEILLE les demandes du Bénéficiaire ;

 

DÉCLARE que la date de fin des travaux doit être fixée au 1er mars 2010 ;

 

DÉCLARE que la date de la réception des parties communes doit être fixée au 9 septembre 2013 ;

 

RETOURNE le dossier à l’Administrateur ;

 

ORDONNE à l’Administrateur de procéder à une nouvelle inspection du bâtiment en présence des parties et/ou de leur expert, et ce dans un délai de quarante (40) jours des présentes et ce en conséquence de la présente décision ;

 

ORDONNE à l’Administrateur de transmettre son rapport dans les trente (30) jours suivants son inspection ;

 

ORDONNE à l’Administrateur d’aviser les parties dans un délai minimal de dix (10) jours de la date de ladite inspection de l’heure et la date de cette dernière.

 

ORDONNE à l’Administrateur de rembourser au Bénéficiaire dans un délai de quinze (15) jours ouvrables suivant la présente décision la somme de 3 161.81 $ se rapportant aux frais d’expertise de CELB, représenté par Stéphane Bossus.

 

DÉCLARE que tous les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.

 

 LAVAL, CE 1ER JUIN 2015.

 

Yves  Fournier

Yves   Fournier

Arbitre

                                                          RÉFÉRENCES

      ________________________________________________

 

1          [2006] Can LII, 6049  SORECONI, 080227001, 29 septembre 2008

2           SORECONI, 080227001, 29 septembre 2008.

3           3e éd. Cowansville, Les Éditions   Yvon Blais inc., 1994, p. 106.

       4        SORECONI,  041104001, 6 janvier 2005.

5        GAMM, 2007-09-010, 6 novembre 2007.

       6        GAMM, 2008-09-002, 20 novembre 2008.

       7         Contrats, sûretés et publicité des droits, Collection de droit 2007-2008, École du Barreau, vol. 6,                      2007, p. 152.

8            [2014] QCCA 616, para 5.

9            CCAC, S09-070101-NP, 14 décembre 2009.

      10       [2006] Can II, 60440.

      11      SDC Les Villes du Golf, phase II c. Les maisons Zibeline et la Garantie Qualité Habitation et la                 Garantie des Maisons Neuves de L’APCHQ, CCAC, S09-180801-NP et S09-100902-NP, 15 mars               2010 et Syndicat des Villas sur le Parc Rembrandt c. Les Villes sur le Parc Rembrandt et la Garantie                Qualité Habitation, SORECONI, 060309001, 8 mars 2007.

      12    SDC Seigneurie de Lafontaine Bloc 2500 c. Groupe Cotiplex inc. et La Garantie Abritat, CCAC,                S12-091301-NP, 21 avril 2013.

13      SORECONI, 101211001, 25 janvier 2012.

14      CCAC, S12-031301-NP, 25 juillet 2012.

15      Articles 3, 4, 5, 105, 139 et 140 du Règlement.

16      9140-2644 Québec inc. c. Fixair inc., [2008], QCCQ, 391, para 28.

17      Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 3e éd., Montréal, Éditions Thémis, p. 338 et suivantes.

18      [2005] Can LII, 59125 (QC OAGBRN).

19      [1992] 2 R.C.S., p. 679.

20      [2005] CSC 73 (Can II).

21      Tiré de « L’argument de l’équité ». Le Médiateur de la République, France,

                http://www.mediateur-de-la-republique.fr/mediateu/role/equite.htm

22      GAMM, 2007-09-010.

23      SOQUIJ, AZ-50507627.

24      SORECONI, 070123001, 19 avril 2007.

25      SORECONI, 050715001, 7 juin 2006.

26      SORECONI, 090304001, 15 mars 2010.

27      CCAC, S12-021301-NP, 5 août 2012.

28      SORECONI, 110112001, 12 juillet 2012.