Le Centre d'arbitrage commercial national et international du Québec
Sentence arbitrale rendue à Montréal le 4 juillet 2001
Arbitrage du litige
entre
demandeurs
(ci-après, le ou les demandeurs ou le propriétaire)
c.
2325-1010 Québec inc.
(Le Groupe Développeur enr.)
défenderesse
(ci-après le ou les entrepreneurs)
et
La Garantie Habitation du Québec inc.
mise en cause
(ci-après, La Garantie Qualité-Habitation )
Henri P. Labelle, architecte,
arbitre
ORIGINAL
Audience tenue aux bureaux de Lozeau Gonthier Masse Richard, avocats
1010, de la Gauchetière ouest, bureau 1900, Montréal, H3B 2N2
le 30 mars 2001, de 13 heures à 15 heures et
le 7 juin 2001, de 9 heures à 18h30
Présents à l'audience:
pour les demandeurs:
aux deux séances
- Steven Galezowski
- Louise Smolska
- Luc Geoffrion, procureur, Lozeau Gonthier Masse Richard, avocats.
à la seconde séance seulement
- Jean-Guy Slevan, expert, G& S Consultants
pour la défenderesse:
aux deux séances
- Jean Berardelli
- Sylvain Saint-Hilaire
pour la mise en cause:
aux deux séances
- Sylvain Beausoleil
à la seconde séance seulement
- Alain Chamard
arbitre:
aux deux séances:
Henri P. Labelle, architecte
Préambule
L’arbitre a convoqué une conférence préparatoire téléphonique qui a eu lieu le 22 mars 2001 à midi.
À la suite de cette conférence téléphonique, Sylvain Saint-Hilaire, Sylvain Beausoleil et Henri P. Labelle se sont rencontrés au terrain du demandeur au Lac Croche, le 28 mars 2001, mais n’ont pas été capable d’y accéder parce qu’il était recouvert d’une abondante couche de neige.
Par la suite il a été convenu de tenir l’audience le 30 mars 2001 à 11h30 aux bureaux du procureur des demandeurs. Elle a commencée vers midi le 30 mars et, vers 15 heures, a été ajournée à une date cible convenue par les parties, soit le 22 mai 2001, pour permettre aux demandeurs de faire faire une expertise sur leur terrain, expertise qui, de l’avis général, ne pourrait pas être faite avant le 1er mai 2001.
Séance du 30 mars 2001
En attendant l’arrivée de J. Berardelli et de S. Saint-Hilaire, H. P. Labelle distribue un compte rendu de la conférence préparatoire téléphonique tenue le 22 mars 2001.
S. Galezowsi fait part qu’il ne s’est pas rendu à la visite des lieux mercredi le 28 mars à cause d’un malentendu quant à l’heure de la visite.
H.P. Labelle fait part qu’il n’a pas été possible d’accéder au terrain vu l’épaisse couche de neige qui le recouvrait et qu’il a simplement pu voir la partie supérieure des murs de fondation, y compris la pièce de bois au sommet des murs.
H.P. Labelle distribue la liste des documents dont il dispose et qui lui ont été transmis en presque totalité par le Centre d’arbitrage commercial national et international du Québec (CACNIQ). Ces documents sont regroupés dans deux chemises qu’il fait circuler afin que tous puissent en prendre connaissance, les consulter et les vérifier.
À l’arrivée de J. Berardelli et de S. Saint-Hilaire vers 11h55, H.P. Labelle répète ce qu’il a dit jusqu’alors, et permet à ces deux nouvelles personnes de prendre connaissance, de consulter et de vérifier les documents dont il dispose.
H.P. Labelle déclare que l’audition débute.
Il déclare qu’il a lu attentivement tous les documents dont il dispose, qu’il prend pour acquis qu’ils sont tous authentiques et pertinents et, à moins qu’il y ait contestation ou objection de la part d’un participant, il se fiera à ces documents. Par conséquent il considère qu’il n’y a pas lieu de les présenter et les déposer un par un comme la chose se fait en cour, ni de répéter au cours de l’audience tout ce qui est écrit dans les documents.
H. P. Labelle souligne que le présent arbitrage se fera selon les dispositions du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs de la Loi sur le bâtiment. S. Beausoleil montre à Luc Geoffrion sa copie de la Loi, et celui-ci tire une photocopie de la page couverture de ce document.
H. P. Labelle rappelle que la demande de l’arbitrage par les demandeurs découle de leur désaccord sur la façon dont La Garantie Qualité-Habitation offre d’appliquer la garantie comme elle l’indique dans son rapport du 21 février 2001, soit d’exiger de l’entrepreneur qu’il démantèle les fondations, qu’il évacue les débris du site et qu’il rembourse aux demandeurs la somme de $787.95
S. Beausoleil fait part que le document de garantie signé par l’entrepreneur et les demandeurs au moment de la signature du contrat de construction reprend textuellement les termes de la Loi.
Me Geoffrion distribue un dessin des empattements préparé par S. Galezowski.
S. Galwezowski montre trois photos des murs de fondation qu’il a prises au mois de septembre 2000 et les remet à H.P. Labelle.
Me Geoffrion ajoute qu’il dispose d’une vidéo-cassette enrégistrée par G&S Consultants lorsqu’ils ont fait leur expertise sur la qualité des travaux de fondations réalisés, et qu’il veut la présenter au cours de l’audience, en présence de la personne de G&S qui a fait l’expertise. Sa présense est nécessaire dit-il car le film ne comporte pas de bande sonore et l’expert pourrait compenser cette lacune par ses commentaires.
Au cours de la première séance, la discussion a porté beaucoup sur l’évaluation des ouvrages résiduels, c’est à dire les ouvrages que le propriétaire conserverait, advenant le cas où, tel que demandé par La Garantie Qualité-Habitation, l’entrepreneur démantèlerait les fondations, évacuerait les débris du site et le contrat entre le propriétaire et l’entrepreneur prendrait fin. La Garantie estime ces ouvrages résiduels à $19,212.05 ($30,196.94 - $10,984.89) incluant taxes (Rapport d’inspection de La Garantie Qualité-Habitation du 21 février 2001) et le propriétaire, à $5,406. (lettre de Me Geoffrion du 27 mars 2001)
Entre autres, l’entrepreneur estime à $3,005 (avant taxes) la valeur des travaux qu’il a effectués au poste de Conditions générales (lettre du 22 décembre 2000 au procureur des demandeurs), alors que le propriétaire n’attribue aucune valeur à ce poste (déclaré par S. Galezowski le 30 mars 2001). L’entrepreenur souligne que le poste Conditions générales couvre les items suivants: le coût de la garantie ($1,040.98), le salaire du surintendant, la surveillance, la gestion, les déplacements, les rencontres, la correspondance, les téléphones, les assurances, les démarches auprès des sous-traitants et les contrats signés avec eux, etc.
Vu l’écart substantiel entre l’évaluation de l’entrepreneur et celle du propriétaire, Me Geoffrion a fait part qu’il voulait avoir recours aux service d’un expert pour obtenir une évaluation objective.
S. Beausoleil fait part qu’il ne voulait pas et ne devait pas participer aux frais d’une expertise puisque sa propre évaluation (du 21 février 2001) fait usage des chiffres ventilés indiqués au contrat (demande de paiement numéro : 0) et de ce fait, il considère qu’ils ne sont par contestables. Donc, la seule contribution qu’un expert pourrait apporter serait de fournir son opinion sur le degré d’avancement de travaux aux divers postes.
Il est convenu d’ajourner l’audience jusqu’à une date où un expert pourrait se prononcer sur la valeur des travaux effectués. Le calendrier suivant est élaboré: visite de l’expert sur les lieux le 1er mai (après la fonte de la neige), transmission de son rapport aux parties le 15 mai et reprise de l’audience le 22 mai. Il est convenu que toutes ces dates sont des dates cibles et qu’elles sont toutes sujettes à confirmation.
L’audience est donc ajournée jusqu’à la date cible du 22 mai 2001.
Avec le consentement de toutes les parties, la reprise de l’audience a eu lieu le 7 juin 2001, de 9heures à 18h30
Subséquemment l’arbitre s’est rendu sur les lieux le 14 juin 2001, où il a rencontré S. Galesowzski, L. Smolska, S. Beausoleil et J. Berardelli
Résumé des faits non contestés, selon les témoignages des demandeurs, de la défenderesse et de la mise en cause
En l’année 2000, les demandeurs ont confié une mission à l’architecte Nathalie Doyon, de préparer des plans pour la construction d’une maison au Lac Croche sur un terrain dont ils étaient et sont propriétaires.
Les plans portent la date de 6 juin 2000. Au mois d’août 2000, les demandeurs ont rencontré à au moins trois reprises les représentants de Le Groupe Développeur enr. (Sylvain Saint-Hilaire et Jean Berardelli) en vue de leur accorder un contrat pour la construction de la maison décrite sur les plans préparés par l’architecte Doyon. Au cours de ces rencontres, les demandeurs ont fait part que leur budget de construction était de l’ordre de $200,000. alors que le coût de construction, d’après l’entrepreneur, à première vue, lui paraissait plutôt être de l’ordre de $300,000. Il a souligné, à titre d’exemple, que les plans indiquaient une construction pièce sur pièce, ce qu’il considère un type de construction assez coûteux et le changement qui lui venait immédiatement à l’esprit pour réduire le coût de façon importante serait d’avoir recours à un type de charpente conventionnelle, soit la construction des murs en colombages ainsi que l’élimination des travaux de maçonnerie prévus aux plans.
Il s’est tenu au moins trois réunions pour identifier des changements aux plans qui seraient acceptables au propriétaire et obtenir de la part des entrepreneurs une évaluation des économies correspondant à chacun des changements convenus. Au cours des trois réunions, dont une à laquelle l’architecte Doyon était présente, les changements acceptés par le propriétaire étaient inscrits par l’entrepreneur, sous forme de notes, de dimensions ou de croquis, sur la seule copie de plans dont il disposait. Avant la signature du contrat de construction entre propriétaire et entrepreneur, celui-ci a transcrit sur un document intitulé devis synoptique les changements qu’il avait indiqués sur sa copie de plans et qui avaient été convenus avec le propriétaire au cours des trois rencontres. J’ai compté que le devis synoptique comportait pas moins de 80 changements.
C’est avec cette copie de plans annotés que l’entrepreneur a commencé la construction de la maison pour les demandeurs, le 5 septembre 2000. Une semaine plus tard, les travaux de fondation, soient les empattements et les murs, étaient complétés. Au cours de l’audience S. Galezowski a décrit les malfaçons qu’il a constatées dans les travaux de fondations exécutés par l’entrepreneur. À toutes fins pratiques il a repris la liste des malfacons énumérées dans ses lettres à l’entrepreneur des 13 et 19 septembre 2000, soit : l’absence d’une fondation indiquée aux plans pour recevoir un foyer à être installé ultérieurement, une partie d’un mur de fondation de hauteur insuffisante, des empattements plus petits que les dimensions indiquées aux plans, le dessus des murs de fondations construits différemment de ce qui est indiqué aux plans et un empattement décentré par rapport au mur de fondation qu’il supporte.
L’entrepreneur allègue qu’à cause du grand nombre de changements qui ont été convenus au cours des trois rencontres il a omis d’en transcrire quelques uns sur le devis synoptique et de ce fait il s’est produit quelques erreurs dans l’exécution des travaux, comme par exemple l’omission de construire une fondation pour le futur foyer et la construction d’une partie d’un mur de fondation de hauteur insuffisante. Il rappelle cependant qu’il a offert à l’époque de corriger ces erreurs à ses frais (voir lettre de l’entreprenenur aux demandeurs non datée mais vraisemblablement écrite le 21 septembre 2000)
Quant à la dimension des empattements cependant il déclare que quand il a été décidé d’éliminer les travaux de maçonnerie, de réduire l’épaisseur des murs de fondation de 10 pouces à 8 pouces et d’avoir recours à des méthodes de construction plus conventionnelles pour réduire les coûts, il a pris pour acquis que les dimensions des empattements suivraient, c’est à dire qu’elles seraient aussi réduites, la dimension conventionnelle pour un mur de 10 pouces étant un empattement de 30” de largeur alors que pour un mur de 8 pouces, la largeur conventionnelle de l’empattement est de 24 pouces. Il a cependant omis d’indiquer ce changement dans le devis synoptique et ainsi les plans révisés, dont il a reçu copie seulement le 19 septembre 2000, soit une semaine après que les travaux de fondations eurent été complétés, indiquent des empattements de 30 pouces de largeur, comme ils l’étaient à l’origine, c’est à dire lorsque les murs étaient demandés à 10 pouces d’épaisseur. L’entrepreneur souligne d’ailleurs que c’est S. Galezowski qui a dit à l’employé de l’architecte Doyon, en l’absence de celle-ci, de conserver les empattements à 30 pouces de largeur. (lettre de N. Doyon à S. Galezowski du 25 septembre 2000). Le simple fait de discuter de la dimension des empattements avec l’employé de l’architecte après la réduction de l’épaisseur des murs constitue, d’après l’entrepreneur, une indication qu’il est normal de réduire un empattement lorsqu’on réduit une épaisseur de mur. Le problème, d’après l’entrepreneur, provient du grand nombre de changements apportés aux plans, et de la réception des plans corrigés après l’exécution des travaux, ce qui a obligé l’entrepreneur à travailler avec des plans annotés par lui-même, selon sa compréhension des modifications convenues, plutôt qu’avec des plans modifiés par l’architecte, selon la compréhension de celle-ci.
L’entrepreneur a de plus déclaré qu’il avait coté le projet 4 fois avant que le contrat ne soit signé pour le montant qui y est indiqué, soit $238,543.45
Expertise de Jean-Guy Slevan du 25 octobre 2000
L'expert Jean-Guy Slevan, de la firme G&S Consultant, appelé par les demandeurs, a fait la projection de deux films qu'il a réalisés sur le site. Le premier film, réalisé le 25 octobre 2000, confirme le rapport de G&S Consultants du 1er novembre 2000, sur l’expertise faite sur les lieux le 25 octobre 2000. Le rapport fait état que les empattements, selon les endroits où ils ont été coulés, reposent parfois sur un sol très mou, parfois même sur un sol dont la couche organique n’avait pas été enlevée, et parfois sur un sol plus résistant. Le rapport fait aussi état de vides à certains endroits sous les empattements. Le film confirme les anomalies décrites au rapport. J.-G. Slevan attribue les anomalies à une mauvaise exécution des travaux. L'entrepreneur quant à lui attribue les vides à de l'érosion qui se serait produite entre le moment de la coulée des empattements et la prise des films, soit un écart de plus de six semaines. L’érosion, explique l’entrepreneur, s’est produite du fait que les propriétaires lui avait demandé d'arrêter les travaux, et ainsi l'avait empêché de procéder aux travaux de remblayage immédiatement après le parachèvement des travaux de fondation, soit après la pose de l'étanchéité.
J.-G. Slevan n'a pas fourni d'opinion quant à la capacité portante du sol sur lequel les empattements reposent, n’ayant pas été mandaté pour la déterminer, et n'a donc pas non plus fourni d'opinion quant à la suffisance ou l'insuffisance de la largeur des empattements, la largeur de tout empattement étant fonction, entre autres, de la capacité portante du sol sur lequel il repose. Il a résumé ses constatations en déclarant tout au plus que les empattements avaient été coulés sur des sols de capacités portantes variables. Ceci est d'autant plus vrai que l'entrepreneur a déclaré qu'il avait rencontré du roc au coin nord-est de la maison et qu'une partie des fondations repose sur ce roc. La différence de capacité portante entre du roc et, aux pires endroits, un sol organique, est très grande. L’expert Slevan considère donc qu'il y aurait risque de tassements différentiels des murs de fondation si la maison était construite sur les fondations existantes, de tels tassements différentiels pouvant produire de la fissuration dans les murs de fondation et avoir des répercussions néfastes sur divers éléments de la maison.
Ma visite des lieux le 14 juin 2001 m'a permis de constater les malfaçons dans les travaux de fondation que S. Galesowski a décrites dans ses lettres à l'entrepreneur du 13 et 19 septembre 2000 ainsi que les constatations faites par l'expert J.-G. Slevan lors de son inspection des travaux du 25 octobre 2000, et corroborées par le premier film qu'il a présenté à la séance d'audience du 7 juin 2001.
En ce qui a trait aux travaux d’aménagement extérieur (de terrassement) j’ai vu le chemin d’accès, d’une largeur de 20 pieds environ, ce qui est conforme à ce j’ai pu constater aux plans, après que J. Berardelli me l’eut souligné. J’ai vu le talus en bordure ouest du chemin d’accès, qui atteint une largeur de 6 pieds, mesuré horizontalement, à l’endroit ou l’entrepreneur a ajouté 6 pieds de gravier pour combler la dénivellation la plus importante le long du chemin.
S. Galezowski a déclaré qu’il avait demandé à l’entrepreneur de construire le chemin d’accès à 16 pieds de largeur, plutôt qu’à 20 pieds comme indiqué aux plans. Il a aussi déclaré qu’il avait posé deux rubans pour indiquer les deux bordures du chemin à être construit et avait demandé qu’aucun arbre ne soit coupé au delà de ces deux rubans. J. Berardelli d’autre part a affirmé qu’un seul ruban avait été posé, soit celui du côté est du chemin.
L’impression que j’ai eu en comparant la densité des arbres à proximité des travaux de terrassement avec la densité des arbres ailleurs sur le terrain me laisse penser qu’il y a eu plus d’arbre coupés à ces endroits qu’il eut été nécessaire de couper, malgré l’affirmation par J Berardelli qu’il avait coupé seulement les arbres qui se seraient trouvés dans des talus et les arbres en mauvaise santé. Mon impression me parait explicable par le fait que J. Berardelli n’était pas présent pendant la totalité des travaux de coupe des arbres et que ses ouvriers n’auraient peut être pas compris la directive formelle donnée par le propriétaire de ne pas couper d’arbres au delà des limites qu’il dit avoir indiquées, sans sa permission expresse
À l’extrémité ouest du stationnment j’ai constaté le petit fossé creusé en bordure du stationnement pour le drainer, et à partir du fond du fossé, un talus à 45° jusqu’à la bordure ouest du terrain. Ce talus laisse voir que de la terre arable a été enlevée à cet endroit, et que l’entrepreneur dit avoir utilisé pour faire le remblais du côté ouest du chemin d’accès. La surface du remblais en bordure du chemin d’accès est de couleur différente de la couleur du chemin d’accès lui-même, qui lui est fait de gravier, ce qui permet de croire que le talus a été construit avec de la terre arable; ceci est d’ailleurs corroboré par la végétation qui a commencée à pousser sur la surface du remblais.
Je ne peux pas conclure que l’entrepreneur aurait evacué des lieux de la terre arable utilisable, autre que de petites quantités qui auraient été emportées en chargeant les souches dans des camions suite aux opérations de désouchement.
J.-G. Slevan a aussi fait la projection d'un film qu'il a réalisé sur le site le 2 mai 2001 pour illustrer les travaux réalisés, dont il a reçu le mandat d’en faire l’évaluation. J.-G. Slevan a donc présenté deux évaluations des travaux réalisés sur les lieux et appelés à demeurer en place de façon permanente, advenant le cas où les travaux de fondation seraient démantelés et évacués des lieux. Ceci dans le but de les comparer avec l'évaluation faite par l'entrepreneur et indiquée dans la lettre de La Garantie Qualité-Habitation du 21 février 2001.
Dans sa première évaluation, intitulée : "Quantification des coûts selon le contrat", il reprend les 5 items pour lesquels l'entrepreneur demande compensation, soit Conditions générales, Accès bruts et nivellement, Excavation et remblais, Allocation plage et Chemin d'accès.
Item # 1 (Conditions générales). J.-G. Slevan applique, au montant de $9,825. indiqué à ce poste au contrat, le pourcentage de la valeur des travaux réalisés par rapport au montant global du contrat, soit 8.05%, pour en arriver à un montant de $790.91 et qualifie la méthode qu'il a utilisée de juste et raisonnable. Je ne partage pas son opinion. En effet, tel qu'il a été expliqué au cours de l'audience par l'entrepreneur et La Garantie Qualité-Habitation, un certain nombre d'éléments de coûts, comme par exemple le prix de la garantie ($1,040.98), les frais reliés à la préparation et à la signature du contrat, les démarches faites par l'entrepreneur pour accorder des contrats à des sous-traitants, les commandes, le démarrage du chantier, le mesurage et l’implantation, occasionnent des coûts qui sont encourus avant même le début des travaux physiques sur les lieux et ne sont donc aucunement proportionnels au degré d’avancement des travaux. D'autres éléments, comme par exemple la direction et la surveillance des ouvriers et des sous traitants, peuvent aussi faire partie des conditions générales, et dans ces cas seulement, leur valeur peut à juste titre être considérée proportionelle à l'avancement des travaux. Ainsi, la proportion estimée par l'entrepreneur, soit environ 30% du montant total indiqué au contrat au poste des conditions générales, me paraît raisonnable.
Item #2, (Accès bruts et nivellement). Ici l'entrepreneur a souligné que tous les travaux énumérés à ce poste par J.-G. Slevan comme étant non complétés ne font pas partie de ce poste, étant inclus dans d’autres postes, comme par exemple la fosse septique, qui se trouve dans le poste 7 (Services sanitaires), le remblayage, qui se trouve dans le poste 6, (Excavation et remblais), etc. Ainsi, en tenant compte seulement des travaux que l’entrepreneur a lui-même inclus dans ce poste dans la ventilation des travaux annexée au contrat, l’entrepreneur considère que les travaux inclus à ce poste sont complétés et les évalue donc à 100% de $5,700 ce qui me parait raisonnable.
Item # 3 (Excavation et remblais). Ici encore l'entrepreneur a souligné que certains éléments de coûts que J.-G. Slevan a inclus dans le poste Excavation et remblais, pour arriver à un pourcentage de 30% de travaux réalisés, ont été inclus à d'autres postes par l'entrepreneur et de ce fait le pourcentage auquel J.-G. Slevan arrive ne correspond pas à la réalité. La proportion de 50% des travaux de ce poste réalisés, tel qu’estimé par l'entrepreneur, me parait raisonnable.
Item # 4. (Allocation plage). L'entrepreneur a déclaré qu'il avait commandé, reçu et payé pour 39 voyages de gravier (à $105. par voyage), en a utilisé 35 pour le chemin d'accès, a encouru des frais pour déplacer les 4 voyages résiduels vers le lac à l’aide d’une pelle mécanique, et a fourni d'autres matériaux nécessaires aux travaux de la plage, soit membrane et tuyau, que J.-G. Slevan n'aurait pas remarqués et que l’entrepreneur évalue à $100 et $75 respectivement. Compte tenu de ces explications, l'estimation de l'entrepreneur ($597.50) me parait raisonnable à ce poste aussi.
Quant à la seconde méthode d’évaluation employée par J.-G. Slevan, qu’il a appelé estimation des coûts dans un contexte de travaux donnés à la pièce pour en arriver à un estimé global de la valeur des travaux résiduels encore plus bas, soit $7,225.87 je ne la considère pas appropriée en l’occurrence, d'abord parce qu'elle n'a été complètement réalisée par J.-G. Slevan seul, à titre d'expert. En effet, plusieurs des données utilisées ont été fournies par le demandeur, S. Galezowski. De plus, aucun montant n’est inclus dans cette estimation pour tenir compte que les travaux ont été réalisés par un entrepreneur général et non par des ouvriers engagés directement par le propriétaire, Ainsi, les estimations ne tiennent pas compte des frais encourus par l’entrepreneur général, directement reliés aux travaux, soit des frais administratifs, de déplacement et de direction.
Dans les circonstances, je considère que la façon équitable de déterminer la valeur des travaux réalisés est de se référer à la ventilation de prix faisant partie du contrat entre propriétaire et entrepreneur et d’en faire usage.
S. Galezoswki a déclaré qu’il n’avait pas porté beaucoup attention aux montants attribués aux divers postes dans la ventilation des coûts faisant partie du contrat pour la raison qu’il les voyait dans le contexte d’un contrat global qui serait complètement réalisé et de ce fait chacun des chiffres en particulier n’avait pas grande importance, vu qu’en fin de compte il aurait à payer le montant global fixe indiqué au contrat.
J’ai regardé attentivement les montants indiqués à la ventilation du prix du contrat et en particulier ceux pour les divers postes considérés dans le présent arbitrage et je les considère raisonnables.
Je souligne ici que l'entrepreneur a estimé une première fois, dans sa lettre du 27 novembre 2000, à $23,206.87 les travaux qu'il a réalisés et qui demeureront au propriétaire advenant le cas ou les fondations seraient démantelées. Cette estimation a été réduite à $19, 212.06 à la demande de La Garantie Qualité-Habitation. La réduction d'environ $4,000. provient de deux postes: le chemin d'accès, réduit de $973. et l'élimination des fermes, pour un montant de $2,500. La différence provient des taxes sur ces montants.
Le chiffre original (memorandum de l’entrepreneur du 27 novembre 2000) comprenait un montant de $4473. pour le chemin d'accès et La Garantie Qualité-Habitation a demandé à l'entrepreneur de réduire ce chiffre à $3,500., qui était le montant que S. Galezowski lui avait demandé de ne pas dépasser pour le chemin d'accès. L'entrepreneur a donc accepté de réduire son estimation de $973, malgré, comme il l'a expliqué, que le montant de $3,500 correspondait à 35 voyages de gravier à $100. alors qu'il a finalement dû lui-même le payer $105 le voyage, et qu'en plus, il a encouru des frais pour étendre et niveler le gravier, ainsi que des frais administratifs.
Quand aux fermes, puisqu'elles n'avaient pas été livrées sur le site, l'entrepreneur a aussi accepté de ne pas en tenir compte, quoiqu'il avait lui-même déjà engagé des frais non récupérables pour ces fermes, en les commandant.
En tenant compte de tout ce qui précède, je considère que le montant de $19,212.06 indiqué dans la lettre de l'entrepreneur du 22 décembre 2000 est raisonnable et je le considère approprié. Je considère qu'il représente le coût des ouvrages que l'entrepreneur laissera sur le chantier après avoir démantelé les fondations et évacué du chantier les produits du démantèlement.
À quelques reprises S. Galezowski a mentionnée qu’il considérait qu’un montant net de près de $ 20,000 qu’il aurait alors déboursé pour la construction d'un chemin, le creusage d’un trou et quelques travaux de débroussaillage lui paraissait bien élevé. Il omet de considérer cependant la valeur des travaux intellectuels réalisés, avec une contribution substantielle de la part des entrepreneurs, au cours de trois réunions avec eux et la préparation de quatre cotations, pour en arriver à un design de maison correspondant plus adéquatement à son budget que les plans originaux produits par l’architecte Doyon.
Le procureur des demandeurs, dans le document daté du 18 mai 2001 qu’il m’a adressé, m’exhorte à imposer à la défenderesse des compensations qui iraient au delà des termes de la garantie, comme par exemple d’ordonner que la défenderesse corrige les travaux mal exécutés, verse des montants pour tous les dommages passés et futurs subis par ses clients, et complète la construction de la maison, ce qui iraient au delà des compensations prévues à la garantie. Comme le présent arbitrage a été demandé et se réalise dans le cadre du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, je considère qu’il ne m’appartient pas d’accorder des compensations pour de choses que la garantie ne couvre pas.
Il est vrai que La Garantie Qualité-Habitation a omis de fournir une estimation détaillée dans son rapport du 21 février 2001, tel que l’article 18.5 du Règlement l’y oblige, mais comme son chiffre net de $787.95 corresond exactement (ou plutôt à un cent près) au chiffre net de l’entrepreneur indiqué dans sa seconde proposition, soit celle du 22 décembre 2000, qui elle contient une estimation détaillée, j’ai pris pour acquis que les détails fournis par l’entrepreneur s’appliquaient aussi au rapport de La Garantie Qualité-Habitation.
Je considère que La Garantie Qualité-Habitation a correctement interprété les termes de la garantie, sur tous les points, notamment :
• son droit de choisir une des deux options qu’elle avait, soit de compléter l’ouvrage ou avoir recours au remboursement de l’acompte,
• de juger qu’il s'agissait d’un contrat d'entreprise et non d’un contrat de vente, la différence entre ces deux types de contrat donnant droit ou non au propriétaire à des allocations pour logement et entreposage. Dans le cas d’un contrat d’entreprise la garantie ne couvre pas de telles allocations
Je considére donc que sa décision d’ordonner le démantèlement des fondations et d’évacuer du site les débris est conforme aux termes de la garantie.
Ainsi, le manque de conformité des fondations avec les plans, les diverses malfaçons constatées dans la qualité des ouvrages de fondation et la question de la suffisance ou non des fondations, qui ont fait l’objet de beaucoup de discussion au cours de l’audience, ne se posent plus; elles ne sont pas pertinentes en l’occurence.
Je considère que l’évaluation des coûts des ouvrages résiduels par La Garantie Qualité-Habitation est correcte et de ce fait que l’entrepreneur doit rembourser au propriétaire la différence entre l’accompte versé ($20,000) et le coût de travaux résiduels ($19, 212.05) soit la somme de $787.95
Concernant la question de la coupe des arbres, à la suite des témoignages contradictoires que j’ai entendus d’une part et, d’autre part, mes observations sur les lieux, j’évalue à 75% les probabilités que l’entrepreneur aurait coupé des arbres qui n’auraient pas dû l’être et j’accorde donc aux demandeurs 75 % du montant qu’ils réclament à ce poste, soit $2,500 x .75 = $1,875.
J’ordonne donc aux défendeurs et à la mise en cause de verser aux demandeurs le montant de $2,662.95 au plus tard le 31 juillet 2001.
J’accorde de plus le paiement d’un intérêt annuel de 8% composé mensuellement sur le montant de $2,662.95 calculé à compter de la date de la demande de l’arbitrage soit le 1 mars 2001 jusqu’à la date du paiement, donc pour une période de 5 mois.
Ainsi le montant total que les défendeurs auront à payer aux demandeurs le 31 juillet 2001 sera : $2,662.95 x 1.006675 = $2,752.90
J’ordonne que l’entrepreneur démantèle les ouvrages de fondation, soit murs et empattements, évacue du site les débris provenant du démantèlement des ouvrages de fondation ainsi que les petits tas de béton que j’ai observés à proximité des murs de fondation. J’ordonne que ces travaux soient exécutés au plus tard le 3 août 2001, compte tenu des vacances dans l’industrie de la construction, et que l’entrepreneur prenne les précautions nécessaires pour éviter d’endommager la propriété des demandeurs et laisse le chantier dans un état de propreté adéquat.
Conformément à l’article 21 du Règlement, j’ordonne que les frais de l’arbitrage soit payés par La Garantie Qualité-Habitation.
Compte tenu que ni l’évaluation des ouvrages résiduels faite par l’expert J.- G. Slevan ni son témoignage au cours de l’audience n’ont eu quelqu’influence que ce soit sur les décisions que j’ai prises, je considère que les les frais de l’expert reliés à son expertise du 2 mai 2001 et à l’ensemble de son témoignage ne tombent pas dans la catégorie des frais raisonnables d’expertises pertinentes prévus à l’article 22 du Règlement. Je n’impose donc pas pas à La Garantie Qualité-Habitation ni à la défenderesse qu’elles participent au paiement des frais en question.
Henri
P. Labelle, architecte
arbitre