TRIBUNAL D’ARBITRAGE
(constitué en vertu du règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs sous l’égide de la SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS INC. (SORECONI), organisme d’arbitrage agréé par la RÉGIE DU BÂTIMENT DU QUÉBEC chargée d’administrer la Loi sur le bâtiment (l.r.q. c. b-1.1))
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
DOSSIER N° : 060831001 Soreconi
011697-1 Garantie APCHQ
MONTRÉAL, le 12 décembre 2006
ARBITRE : Marcel Chartier
François Gagnon
Danielle Saindon
Bénéficiaires
c.
Les Constructions Levasseur inc.
Entrepreneur
et
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc.
Administrateur de la garantie
SENTENCE ARBITRALE
Identification des parties
BÉNÉFICIAIRES |
François Gagnon Danielle Saindon 5140 rue Savoie Trois-Rivières, Qc G8Y 7L1 |
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ENTREPRENEUR |
Les Constructions Levasseur inc. 7375 Avenue de la Montagne Trois-Rivières, Qc G8Y 5E3 |
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ADMINISTRATEUR |
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. 5930 Boul. Louis-H-Lafontaine Me Patrick Marcoux Tél. : (514) 353-9960 Fax : (514) 353-3393 |
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Liste des pièces produites au dossier lors de l’audition
Pièce A-7 : Sentence arbitrale par l'arbitre soussigné, en date du 9 mai 2005 (Soreconi 050407001, Administrateur # 022669), Michel Gariépy, Construction J Thériault inc., La Garantie de l'APCHQ;
Pièce A-8 : Sentence arbitrale par l'arbitre Claude Dupuis ing., en date du 4 février 2005 (Administrateur # 010397 Jeanne Cyr et Pierre Girard, Le Groupe Trigone Construction inc. et la Garantie de l'APCHQ;
Pièce A-9 : Sentence arbitrale par Alcide Fournier, en date du 15 juin 2005 (Soreconi # 050401002, Administrateur 014154) Chantal Lachaussée et Martin Gayola, Construction Julien Dalpé inc. La Garantie de l'APCHQ;
Pièce A-10 : Sentence arbitrale par Henri P Labelle, en date du 5 mai 2006 Adel Chackal et Lina Bardakji, 9096-2556 Québec inc., La Garantie de l'APCHQ;
Pièce A-11 : Sentence arbitrale par Claude Mérineau, en date du 18 septembre 2006 (Soreconi 060403001 Administrateur # 05706) Pierre Fleurant, 9054-4651 Québec inc., La Garantie de l'APCHQ;
Pièce B-1 : Sentence arbitrale rendue le 24 mars 2005 par Me Jeffrey Edwards (groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (g.a.m.m.) ( # 13 185-4)
ARBITRAGE
Mandat
L’arbitre a reçu son mandat de la société Soreconi, en date du 7 septembre 2006.
Historique du dossier
3 février 2005 |
Réclamation écrite des bénéficiaires à l'entrepreneur |
25 avril 2006 |
Réception de la demande de réclamation par l'administrateur |
19 mai 2006 |
Décision de l'administrateur |
21 août 2006 |
Demande d'arbitrage |
7 décembre 2006 |
Audition |
12 décembre 2006 |
Décision |
AUDITION du 7 décembre 2006
[1] L’audition a eu lieu au domicile des bénéficiaires, 5140 rue Savoie Trois-Rivières
[2] Étaient présents à l’audition :
a) M. François Gagnon, bénéficiaire,
b) Me Patrick Marcoux, procureur de l’administrateur,
c) M. Alain Deschesnes, conciliateur-conseil chez l'administrateur.
d) Mme Josée Charron, assistante à la production chez l'administrateur.
e) Mme Chantal Gosselin, sténographe,
[3] L'entrepreneur n'était pas représenté.
[4] Les bénéficiaires viennent en arbitrage d'une décision de l'administrateur où l'on peut lire à l'onglet 4 du cahier des pièces émis par l'administrateur:
«Anjou, le 19 mai 2006
Madame Danielle Saindon
Monsieur François Gagnon
[...]
Objet : Décision de l'administrateur
N/Dossier : 011697-1
Madame, Monsieur
La présente fait suite à votre lettre reçue à nos bureaux le 25 avril 2006 pour une demande de réclamation concernant votre entrepreneur « Constructions Levasseur Inc. », dénonçant des problèmes présents le 3 février 2005.
Malheureusement, nous ne pouvons intervenir dans ce dossier puisque le problème n'a pas été dénoncé dans le délai prescrit. En effet, l'article 10 du Règlement sur le plan de garantie stipule au point 5 que « La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir : la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés par écrit à l'entrepreneur et à l'administrateur (La Garantie des maisons neuves), dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de perte graduelles, de leur première manifestation »
À cet effet, vos problèmes étant survenus en février 2005, ceux-ci auraient dû être dénoncés à La Garantie des maisons neuves au plus tard le 3 août 2005, tel que décrit au paragraphe précédent.
recours
Les décisions de l'administrateur ont été rendues suivant les termes et conditions figurant au contrat de garantie, adopté conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, R.R.Q., c. B-1.1,r.0.2 et approuvé par la Régie du bâtiment du Québec.
Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait de l'une ou des décisions rendues, peut exercer des recours, soit l'arbitrage ou la médiation.
arbitrage
Dans le cas de l'arbitrage, la demande doit être soumise par la partie requérante, dans les trente (30) jours de la réception par poste certifiée de la décision de l'administrateur ou, s'il y a eu médiation, dans les trente (30) jours suivant la réception de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.
Alain Deschesnes, T.P.
Conciliateur-conseil
Service d'inspection et de conciliation»
[5] En début d'audition, Me Patrick Marcoux déclare que le délai de 30 jours ne sera pas soulevé par son client, l'administrateur, car il n'est pas de leur intention d'explorer la question de santé du bénéficiaire sur ce point.
[6] Me Marcoux soulève que le délai de 6 mois de la découverte du vice ou de sa première manifestation n'a pas été respecté pour la dénonciation par écrit à l'administrateur.
Témoignage du bénéficiaire François Gagnon
[7] Le bénéficiaire déclare qu'il conteste la décision de M. Deschesnes, pour l'administrateur, car il s'agit d'une question d'équité et d'un problème déjà reconnu par l'administrateur dans beaucoup de dossiers de son voisinage. Selon lui, plusieurs bénéficiaires auraient été réglés par l'administrateur ……. Il a commencé à communiquer avec l'APCHQ par téléphone, le 3 février 2005, il a envoyé une lettre à l'entrepreneur (pièce A-3 datée du 3 février 2005) qui n'a cependant été reçu par l'administrateur que le 25 avril 2006 et dont voici la teneure :
«Recommandé
Le 3 février 2005
Les Constructions Levasseur inc.
6375, rue de la Montagne
Trois-Rivières, QC
G8Y 7L1
Att : M. Daniel Levasseur
Monsieur,
Par la présente je tiens à vous remercier du service après-vente dont nous avons bénéficié suite à l'acquisition de notre résidence du 5140, Savoie à Trois-Rivières.
Comme vous le savez, l'achat d'une résidence est une dépense très importante. C'est un gage pour notre avenir. Ce n'est pas un bien que l'on change après quelques années.
Le secteur et votre renommée ont été des éléments très importants dans notre prise de décision d'acheter une résidence que vous avez construite.
Mais il y a une ombre au tableau. Dans notre secteur, plusieurs voisins auraient des problèmes de pyrite et de pyrotite dans leur solage.
Suite à une discussion que nous avons eue sur un de vos chantiers au début de l'été, vous êtes venu à notre résidence. Vous avez pu constater les dommages au plancher du sous-sol qui est fissuré à plusieurs endroits. Vous avez attribué ces fissures au retrait du béton.
Plus le temps passe et plus les fissures prennent de l'ampleur et plus le nombre s'accroît. Elles s'étendent même jusqu'au garage. Le risque est grand pour que nous ayons les mêmes problèmes que nos voisins pour lesquels un problème de pyrite a été décelé. Le problème est répandu dans le secteur. Il y a un bon nombre de maisons qui ont été identifiées comme ayant de la pyrite.
Malheureusement, nous ne pouvons pas voir si le solage est fissuré à l'intérieur étant donné que toutes les divisions sont faites, les joints tirés et les murs peinturés, ainsi que le garage.
Vous avez effectué des réparations à la façade de notre résidence dernièrement ainsi qu'à la structure. Malgré cela, de nouvelles fissures sont apparues dans les joints de brique.
Par la présente, je vous demande de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'obtenir des expertises et de procéder aux réparations qui s'imposeront dans le cas où de la pyrite serait découverte.
Bien à vous
François Gagnon Danielle Saindon
5140 Savoie
Trois-Rivières, Qc
G8Y 7L1
819-370-7977»
[8] À cette lettre, l'entrepreneur Levasseur lui a répondu au téléphone qu'il n'y avait pas de problème de pyrite. Alors, il a téléphoné à l'APCHQ où on lui a dit qu'il avait un délai de 5 ans pour faire sa réclamation. Chez ses voisins, le dossier a traîné en longueur, dit-il. Pour l'un de ses voisins, entre autres, le dossier a été terminé cet automne. Lors de quelques conversations téléphoniques avec l'administrateur, on lui a dit qu'on lui enverrait plusieurs formulaires pour faire sa réclamation. De fait, dit-il, il en a reçu 3 mais il n'en avait besoin que d'un seul. Quant à lui, il s'est servi du formulaire estampillé du 2 mars 2005 par l'administrateur. Il a à nouveau appelé chez l'administrateur où on lui a dit, qu'il n'y avait pas de problèmes que le délai de 5 ans n'était pas encore écoulé et qu'il pourrait faire sa réclamation.
[9] Au total, il aurait fait 6 ou 7 appels chez l'administrateur et en aucun temps, il n'a été question du délai de 6 mois mais plutôt du délai de 5 ans. Il continue en disant que le problème de pyrite était connu dans ce coin-ci. Il a acheté cette maison avec sa conjointe; la maison est payée et c'est l'investissement de toute une vie. Il trouve qu'il s'agit pour l'administrateur d'une question d'équité avec tout ce qui s'est passé dans le secteur. Il termine en disant qu'en définitive, ce qu'il veut, c'est qu'on fasse les réparations qui s'imposent.
Contre interrogatoire du témoin par Me Patrick Marcoux
[10] À Me Marcoux il répond que sa lettre du 3 février 2005 (A-3) a été envoyée à l'administrateur le 24 avril 2006; d'après lui, la Garantie de 5 ans se terminait le 1er mai 2006 puisqu'il avait pris possession de sa maison le 30 avril 2001.
[11] Toujours en réponse aux questions de Me Marcoux, il répond qu'il regardait aller les voisins et qu'il a attendu au 24 avril 2006 pour envoyer la lettre du 3 février 2005 qu'il avait déjà envoyée à l'entrepreneur, un peu plus d'un an plus tôt.
[12] À sa connaissance, répond-il, il y avait déjà 7 ou 8 maisons où l'on trouvait de la pyrite. Certains avaient pris des démarches, certains ont eu des indemnités, d'autres n'en ont pas eues. Il répond qu'il n'a aucune idée des montants qui ont été payés.
[13] Il répond à Me Marcoux qu'il ne conteste pas qu'il avait un délai de 6 mois pour se plaindre et qu'il a fait une erreur de ne pas lire le contrat en ce qui concerne ce fameux délai de 6 mois. Il s'est plutôt fié à ce qu'on lui donnait comme renseignements chez l'administrateur. À plusieurs reprises, ses appels à l'administrateur n'étaient même pas retournés. Il n'aurait jamais pensé que les choses tourneraient mal comme cela, car, autrement, il aurait été plus prudent.
Fin du contre interrogatoire de Me Marcoux
[14] Me Marcoux amène, ensuite, comme témoin Mme Josée Charron, qui est assistante à la production chez l'administrateur.
[15] Elle déclare que c'est elle qui ouvre le courrier et qui ouvre les enveloppes. Elle date tous les documents et, par la suite, c'est envoyé à la section conciliation. Comme exemple, quand on lui montre la pièce A-3 où la date de réception est indiquée comme le 25 avril 2006, elle répond que cette estampille fait partie de son travail.
Fin du témoignage de Mme Charron
[16] Pour terminer, M. Gagnon dit, à nouveau, qu'il n'a pas lu le contrat et que c'est M. Alain Deschesnes, l'inspecteur de l'administrateur, qui lui a appris que le délai de 6 mois était expiré. Il reconnaît qu'il s'était écoulé 14 mois, un délai de beaucoup supérieur aux 6 mois dont il n'était pas au courant.
[17] Le bénéficiaire reconnaît sa signature à une lettre qu'il a envoyée le 29 juin 2006 (A-5) dont voici la teneure:
« Le 29 juin 2006
objet: Garantie des maisons neuves de l'APCHQ
Dossier: 011697-1
A/S de: M. Alain Deschesnes, T.P. Conciliateur-conseil du servvice d'inspection
Monsieur,
La présente fait suite à votre lettre datée du 19 mai, que vous avez posté le 25 mai et que j'ai reçu le 28 mai 2006.
Je n'ai pas donné suite à cette lettre pour des raisons de santé.
Je suis dans l'obligation d'interjeter appel de la décision rendue car au mois de janvier 2005, j'ai communiqué avec un représentant de l'APCHQ qui m'a dit que la manière de procéder pour vous faire part de nos revendications suite au problème que nous avons avec notre maison.
Le représentant de l'APCHQ m'a dit que l'on me ferait parvenir les documents à compléter et que je devais commencer le processus en envoyant une lettre à mon constructeur. Ceci a été fait. Une copie de cette lettre vous a été soumise avec ma demande.
Cette lettre fut envoyée approximativement vers le 03 février 2005 au constructeur Daniel Levasseur.
Par la suite, j'ai du communiquer à nouveau avec le représentant de l'APCHQ car je ne recevais pas le formulaire que l'on m'avait dit que je devais compléter et que l'on aurait du m'expédier.
À chaque que fois que j'ai téléphoné pour obtenir le dit formulaire, je devais expliquer mon problème à nouveau avec le représentant. J'ai expliqué que j'avais envoyé la lettre au contracteur et que je n'avais toujours pas reçu le formulaire que je devais compléter et retourner à l'APCHQ.
À chacun de mes appels, le représentant de l'APCHQ me disait que ce n'était pas grave car on avait 5 ans de garantie pour les maisons neuves et il disait qu'il nous restait encore un an.
On ne m'a jamais parler du délai de 6 mois comme vous invoquez afin de refuser ma demande.
Ne recevant aucun formulaire, j'ai téléphoné à nouveau et un autre représentant m'a avisé qu'il éprouvait des problèmes avec le courrier à l'interne. L'APCHQ fait affaire avec une firme pour le courrier.
Cette personne m'a dit qu'elle allait me poster 2 ou 3 formulaires. Quand je lui ai parlé du délai, elle m'a affirmé que nous avions amplement le temps car nous avions 5 ans pour faire notre demande (garantie des maisons neuves).
J'ai reçu dans un intervalle de quelques jours, 3 enveloppes grand format contenant les formulaires de l'APCHQ à compléter.
Je me suis dit que même si j'ai eu de la difficulté à obtenir les formulaires, que ce n'était pas grave puisque l'on me répétait que j'avais un délai de 5 ans pour entreprendre ma démarche.
J'ai alors mis ces papiers de coté afin de voir évoluer le "dossier pyrite", puisque nous sommes dans un "secteur ciblé" pour la pyrite. En effet, plusieurs maisons du secteur ont été identifiées comme ayant de la pyrite.
Soit dit en passant, j'ai conservé les deux autres enveloppes de formulaires de réclamation dans lesquelles, comme vous devez le savoir, une date est inscrite par vous, car sur le formulaire que je vous ai envoyé, il y avait une date inscrite. Les autres enveloppes n'ont pas ouvertes, mais elles ont été conservées et pourraient être ouvertes au besoin.
Ce que je trouve tout à fait inacceptable est votre décision compte tenu du fait que vos représentants (employés de l'APCHQ) m'ont induit en erreur. La garantie des maisons neuves et censée me protéger et non me nuire avec des décisions qui viennent à l'encontre de ma protection.
Pour ces raisons, je vous renvoie le chèque original de la première demande et vous demande respectueusement d'accepter de revenir sur votre décision et d'ouvrir le dossier afin de faire les expertises qui s'imposent, et ce, dans un souci d'équité.
Nous vous rappelons que nous investissons beaucoup dans l'achat d'une maison. On achète préférablement des maisons neuves puisqu'elles ont une garantie de protection de 5 ans de l'APCHQ.
Bien à vous
François Gagnon»
Plaidoirie de Me Marcoux
[18] Le procureur de l'administrateur, pour appuyer sa plaidoirie a produit quelques causes d'arbitrage.
[19] Comme pièce A-7, le procureur a produit une décision de l'arbitre soussigné en date du 9 mai 2005. (Soreconi 050407001, Administrateur # 022669), Michel Gariépy, Construction J Thériault inc., La Garantie de l'APCHQ. Au paragraphe 7, le procureur lit ce qui suit:
« il a averti verbalement l'Entrepreneur en deçà du délai de 6 mois, mais il n'a pas dénoncé par écrit ce problème à l'Administrateur.»
[20] Un peu plus loin, à la même pièce, le procureur lit :
« ….[39] Sur ce dernier point, le Bénéficiaire termine aussi en disant que, si les gens étaient avisés, l'Administrateur recevrait les dénonciations à temps.
[40] L'arbitre est bien d'accord avec cette dernière remarque du Bénéficiaire mais dura lex sed lex " la loi est dure, mais c'est la loi". Il s'agit ci-devant d'une formule démontrant le caractère impératif de la loi qu'un juge doit appliquer sans hésitation quand elle est claire, même lorsque le résultat est pénible ou semble contraire à l'équité.
[41] Malheureusement pour le Bénéficiaire, la loi ne fait aucune distinction pour son cas particulier.»
[21] Comme pièce A-8, le procureur de l'administrateur a produit une sentence arbitrale de l'arbitre Claude Dupuis, ing., en date du 4 février 2005 (Administrateur # 010397 Jeanne Cyr et Pierre Girard, Le Groupe Trigone Construction inc. et la Garantie de l'APCHQ, où il a lu :
« [15] Le problème est que les bénéficiaires, qui ont constaté cette malfaçon en février 2001, ne l'ont dénoncée par écrit à l'administrateur qu'en avril 2004, soit plus de trois ans après la découverte.
[16] Il est vrai que les bénéficiaires ont dénoncé la situation, verbalement ou par écrit, à l'entrepreneur bien auparavant, mais ce dernier n'a pas réagi.
[17] Selon le bénéficiaire, ni le personnel de l'entrepreneur ni les représentants de l'administrateur avec lesquels il a communiqué à l'époque ne l'ont informé de la procédure exacte à suivre, à savoir une réclamation écrite à l'entrepreneur et à l'administrateur.
[18] Toutefois, quelles que soient les circonstances, L'article 10 du plan stipule que toute dénonciation doit être présentée par écrit à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte.»
[22] Comme pièce A-9, le procureur de l'administrateur a produit une sentence de M. Alcide Fournier, en date du 15 juin 2005 (Soreconi # 050401002, Administreur 014154) Chantal Lachaussée et Martin Gayola, Construction Julien Dalpé inc. La Garantie de l'APCHQ où il a lu les paragraphes qui suivent:
« [19] Le problème a donc été dénoncé par écrit à l'entrepreneur à l'intérieur du délai de 3 ans suivant la réception du bâtiment et à l'intérieur du délai de 6 mois de la découverte dudit problème.
[20] La dénonciation à l'administrateur de la garantie a été faite le 14 décembre 2004, soit plus de 3 ans après la réception du bâtiment ( 20 avril 2001) et plus de 6 mois après la découverte du problème ( 30 avril 2002).
[21] La réclamation des bénéficiaires a donc été valablement faite à l'entrepreneur mais a été présentée hors délai à l'administrateur de la garantie ce qui la rend irrecevable pour ce dernier.
[22] De plus, la preuve au dossier ne démontre pas que les bénéficiaires n'ont pas été empêchés, d'une quelconque manière de présenter leur réclamation à la garantie à l'intérieur des délais.
[23] Le seul fait de dire que l'on ignore une loi ne peut empêcher cette loi de s'appliquer. Le contraire conduirait à l'inapplication de toutes les lois.
[24] La seule explication fournie est à l'effet que les bénéficiaires ignoraient qu'ils devaient dénoncer la situation à la Garantie bien que cette exigence soit mentionnée au contrat de garantie.»
[23] Comme pièce A-10, le procureur de l'administrateur a produit une sentence arbitrale de Henri P. Labelle,en date du 5 mai 2006, Adel Chackal et Lina Bardakji, 9096-2556 Québec inc., La Garantie de l'APCHQ où il a lu les paragraphes qui suivent :
«31. Même si la lettre de l'Arrondissement de Pierrefonds/Sennevile adressée à l'Entrepreneur est datée du 11 février 2004 et que de ce fait les anomalies énoncées étaient signifiées à l'Entrepreneur officiellement à cette date, ceci ne constitue pas une dénonciation officielle auprès de La Garantie. En effet, le contrat de garantie exige que la dénonciation soit faite directement à La Garantie et non pas par l'entremise de l'Entrepreneur dont elle est le garant. Or la dénonciation officielle directement à la Garantie n'ayant été faite que le 15 octobre 2005, le délai de six mois était donc largement dépassé dans tous les cas, sauf en ce qui a trait au point 10. " Stabilité du garde-corps de l'escalier menant à l'étage".
32. À mon avis, la quasi-totalité des malfaçons dont se plaint le bénéficiaire et qui font l'objet du présent arbitrage sont des malfaçons que l'Entrepreneur doit corriger en vertu de ses obligations contractuelles. Cependant, dans tous les cas, sauf pour le point 10, je partage l'avis de La Garantie APCHQ, soit que le contrat de garantie ne couvre pas les sept autres points parce qu'ils n'ont pas été dénoncés à La Garantie APCHQ dans les délais de six mois prescrits dans le contrat de garantie.»
[24] Comme pièce A-11, le procureur a produit une sentence arbitrale de M. Claude Mérineau, en date du 18 septembre 2006 (Soreconi 060403001 Administrateur # 05706) Pierre Fleurant, 9054-4651 Québec inc., La Garantie de l'APCHQ où il a lu les paragraphes qui suivent:
«[17] L'arbitre ne doute pas de la bonne foi du bénéficiaire qui a cru en la collaboration de l'entrepreneur qui a effectué de nombreux travaux pour corriger les vices de constructions dénoncés à l'intérieur du délai de 5 ans depuis la réception de la partie privative du bâtiment, mais il doit tenir compte que le contrat de garantie exige que la dénonciation soit faite directement à l'entrepreneur et à l'administrateur dans le délai de six mois de la découverte du désordre.
[18] Pour ces motifs, l'arbitre rejette la réclamation du bénéficiaire et maintient la décision de l'administrateur.
[19] Toutefois, compte tenu de sa bonne foi, l'arbitre réserve les droits du bénéficiaire devant un Tribunal civil.»
[25] Pour terminer sa plaidoirie, le procureur de l'administrateur répète qu'il s'est écoulé 14 mois entre la découverte du problème et la dénonciation à l'administrateur. Par conséquent, dit-il, l'arbitre doit rejeter la demande des bénéficiaires.
[26] Le bénéficiaire est revenu, après la plaidoirie, pour dire que le délai de 6 mois pouvait être rallongé par l'arbitre. Et sur ce point, il réfère à une sentence arbitrale rendue le 24 mars 2005 par Me Jeffrey Edwards (groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (g.a.m.m.) (# 13 185-4) (Pièce B-1). L'arbitre y rejetait l'objection préliminaire soulevée par l'administrateur, prorogeait le délai de production de la demande d'arbitrage et déclarait recevable la demande d'arbitrage déposée par les bénéficiaires. Toutefois, le bénéficiaire, à une question de Me Marcoux, reconnaît qu'il s'agissait du délai de 15 jours (maintenant 30 jours) de l'article 19 du Règlement sur le Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ. Le bénéficiaire déclare qu'il ne conteste pas avoir dépassé le délai de 6 mois, mais il était de bonne foi et sa façon de procéder faisait suite à des renseignements fournis au téléphone par l'administrateur.
[27] D'après lui, les problèmes de pyrite étaient connus dans le quartier. Avec tous les travaux déjà faits par l'administrateur, on ne devrait pas le punir d'avoir attendu pour savoir comment ça se serait réglé chez ses voisins. C'est une question d'équité, dit-il, et l'arbitre devrait acquiescer à sa demande.
ANALYSE DE LA PREUVE
[28] La sentence arbitrale de Me Jeffrey Edwards citée par le bénéficiaire, comme pièce B-1, ne s'applique pas dans ce cas-ci, car le procureur de l'administrateur, dès le début, a déclaré qu'il ne soulevait pas le délai de 30 jours de l'article 19 même s'il était dépassé.
[29] Eu égard à l'équité à laquelle le bénéficiaire a référé à plusieurs reprises dans sa preuve testimoniale, l'arbitre n'a pas un pouvoir discrétionnaire très large; il lui faut des circonstances particulières et raisonnables, le bénéficiaire n'a pas fait cette preuve.
[30] Il aurait été essentiel que les faits étayés par le bénéficiaire démontrent l'impossibilité ou la quasi impossibilité de dénonciation à cause de pourparlers supposément dissuasifs avec l'administrateur.
[31] Or dans ce cas-ci, le bénéficiaire a admis :
1. avoir négligé de lire le contrat,
2. ne pas avoir respecté le délai de 6 mois en attendant 14 mois,
3. avoir attendu délibérément les résultats pour le même problème chez ses voisins ou dans son secteur,
4. ne pas s'être informé même tardivement sur le "Règlement ou sur le Contrat".
[32] Il aurait certes mieux valu qu'il s'occupe activement de son propre problème,
[33] L'arbitre note cependant qu'il a téléphoné à bien des reprises à l'administrateur, que l'administrateur aurait pu lui dire qu'il n'avait que 6 mois pour dénoncer par écrit, surtout et d'autant plus que l'administrateur était au courant d'un problème de pyrite dans le secteur des bénéficiaires.
[34] Le bénéficiaire a péché par excès de confiance.
[35] Ce sont des téléphonistes qui répondaient à ses appels téléphoniques chez l'administrateur, jamais des personnes en autorité; il a été naïf un tantinet.
[36] Le bénéficiaire aurait-il communiqué avec ses voisins présumément affectés qu'il aurait probablement été informé sur les délais. Il semble avoir fait cavalier seul. Voilà peut-être une autre des raisons de son déboire quant à sa méconnaissance du délai de 6 mois. En quelque sorte, le bénéficiaire a été l'artisan de son propre malheur.
[37] L'article 10, paragraphe 5, du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs stipule :
«10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
…….50 la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les cinq ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.»
[38] Selon sa propre admission, le bénéficiaire n'a pas lu le Règlement en ce qui concerne les délais d'une part, et il ne s'est pas informé non plus auprès de ses voisins qui avaient les mêmes problèmes d'autre part.
[39] Le soussigné reconnaît bien que le Règlement est là pour protéger le bénéficiaire qui est un profane, mais ce dernier aurait dû aussi s'aider lui-même en s'informant de façon un peu plus poussée. Comme il l'a dit lui-même, il attendait de voir comment se réglerait le conflit dans son secteur. Malheureusement, il a attendu beaucoup trop longtemps, et ce, à l'encontre des dispositions du Règlement dont la procédure est allégée et accélérée.
[40] Le système n'a pas été inéquitable et ou inaccessible pour lui; bien au contraire, il était entouré de voisins, dit-il lui-même, avec des problèmes semblables aux siens. Il n'a peut-être pas été suivi, conseillé, assisté par l'administrateur, mais il était, à toute fin pratique, entouré de personnes présumément affectées comme lui.
[41] Le bénéficiaire a pu déceler des vices qui s'aggravaient progressivement. Il aurait pu, soit lire le contrat de garantie, comme il le reconnaît dans son témoignage, soit s'informer à ses voisins pour éviter une dénonciation tardive et déraisonnable de plus de 14 mois. Le bénéficiaire est déçu et mécontent, mais il était tenu à une obligation de prudence et de diligence, compte tenu des circonstances dans le secteur.
[42] Les bénéficiaires peuvent avoir des recours contre l'entrepreneur, devant un Tribunal civil, et, l'arbitre réserve leur recours s'il y a lieu.
CONCLUSIONS
[43] POUR CES MOTIFS, l'arbitre,
[44] CONSIDÉRANT la preuve, les témoignages à l'audience,
[45] CONSIDÉRANT les dispositions du Règlement sur le Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs,
[46] CONSIDÉRANT la doctrine et l'abondante jurisprudence sur le délai de six (6) mois, du Règlement sur le Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs (art.10, par.5)
[47] CONSIDÉRANT que l'Administrateur a fait la preuve de la tardiveté de la dénonciation écrite,
[48] CONSIDÉRANT que les Bénéficiaires n'ont pas nié la tardiveté de la dénonciation écrite,
[49] REJETTE la demande des Bénéficiaires,
[50] MAINTIENT la décision de l'Administrateur à toute fin que de droit;
[51] RÉSERVE les recours des Bénéficiaires devant un Tribunal civil, s'il y a lieu.
COÛTS
[52] En ce qui concerne les frais, comme les bénéficiaires n’ont pas eu gain de cause, l’arbitre doit départager les coûts selon l’article 123.
[53] En conséquence, les frais de l’arbitrage aussi bien en droit qu’en équité, selon les articles 116 et 123 du Plan de Garantie, sont partagés entre les bénéficiaires pour une somme de 100 $, et l’Administrateur du Plan de Garantie de l’APCHQ pour la balance du coût du présent arbitrage.
Montréal, 12 décembre 2006
Marcel Chartier, avocat
Arbitre (Soreconi)