TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Sous l’égide du

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

(CCAC)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

Dossier CCAC no: S22-042801-NP

 

SOCIÉTÉ DE DÉVELOPPEMENT UNITED LTÉE

Demanderesse

c.

LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)

Administrateur

 

  _______________________________________________

 

DÉCISION ARBITRALE INTÉRIMAIRE

Mesures conservatoires - Article 111 du Règlement

  _______________________________________________

 

 

Arbitre :             

Me Jean Philippe Ewart

 

Pour l’Entrepreneur :                           

Me Jérémie Poliquin

KPP Avocats inc.

 

Pour l’Administrateur :                 

Me Marc Baillargeon

Contentieux de l’Administrateur

 

 

Dates de l’Instruction : 30 mai, 2, 7, 9 juin 2022

Date de la Décision : 16 juin 2022

 

 

 

 

TABLE DES MATIÈRES

 

 

 

I. Introduction

 

II. MANDAT ET JURIDICTION

 

III. PIÈCES

 

IV. Chronologie

 

V. LITIGE

 

VI. PROCÉDURES PRINCIPALES ANTÉRIEURES

 

VII. FAITS PERTINENTS

 

VIII. QUESTION SOUS ÉTUDE

 

IX. Analyse et Motifs

 

  1. Liminaire

(1) Le Règlement

(2) La Loi sur le Bâtiment

 

B.  Les mesures conservatoires de l’art. 111 du Règlement

(1) Interprétation

(2) Critères des mesures de conservation

(3) Distinction entre travaux de construction et mesures de conservation

(4) Déterminer les mesures applicables et autorisation

 

C.  Le choix des mesures de conservation par le Tribunal et Ordonner qu’elles soient effectuées par la Demanderesse

 

D. Sommaire des conclusions

 

X.  COÛTS D’ARBITRAGE

 

XI.  DISPOSITIF

 

 

 

 

 

 

Identification des Parties

 

ENTREPRENEUR :                    SOCIÉTÉ DE DÉVELOPPEMENT UNITED LTÉE

A/S : Me Jérémie Poliquin

KPP Avocats inc.

5524, rue St-Patrick, porte 572

Montréal (Québec) H4E 1A8

Demanderesse »)

 

 

ADMINISTRATEUR :    LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)

A/S: Me Marc Baillargeon

Contentieux de GCR

4101, rue Molson, bureau 300

Montréal (Québec) H1Y 3L1

Administrateur »)

 

 

I. Introduction

 

[1]                La présente décision arbitrale se situe dans le cadre d’une demande d’arbitrage par la Demanderesse  DemandeARB ») en suivi d’une décision de l’Administrateur (quelquefois « GCR ») de lui refuser (inter alia Pièce A-22) l’adhésion au plan de garantie en conformité du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.08) (« Règlement ») adopté en vertu de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1) Loi »).

 

[2]               La présente décision arbitrale intérimaire ne s’adresse qu’à l’application de l’article 111 du Règlement et n’emporte aucun constat (sauf ce que est requis pour les fins des présentes) et ne doit pas être interprétée comme une décision sur les prétentions ou allégués des parties au mérite de la DemandeARB.

 

[3]               La Régie du Bâtiment du Québec (« Régie ») a émis une Ordonnance de suspension des travaux de construction (alinéa 1, art. 124.1 Loi) en date du 17 mars 2022 relativement aux Bâtiments (défini ci-dessous).

 

[4]               Dans le cadre de l’Instruction au mérite, la Demanderesse (quelquefois aussi « SDU ») (Pièce A-17) a soumis une Demande de sauvegarde’ datée du 1er juin 2022 qui s’apparente malgré son intitulé à une demande de conservation en conformité de l’art. 111 du Règlement et est l’objet des présentes.

 

[5]               Le Tribunal a d’autre part procédé à une visite des lieux le 2 juin 2022. L’Instruction s’est conclue le 9 juin 2022.

[6]               Quoique la trame factuelle sera plus amplement décrite à la décision au mérite, certains éléments descriptifs sont relativement à Construction United Canada Ltée CUC ») (Pièce A-15), une société sœur de SDU, dont l’actionnaire majoritaire est respectivement dans chaque cas (CUC et SDU) la Fiducie Résidence JAAM   FRJAAM ») (Pièce A-16).

 

 

II. MANDAT ET JURIDICTION

 

[7]               Le Tribunal est saisi du dossier en conformité du Règlement par nomination du soussigné en date du 2 mai 2022.  Aucune objection à la compétence du Tribunal a été soulevée par les Parties et juridiction du Tribunal a été conséquemment confirmée.

 

 

III. PIÈCES

 

[8]               Les Pièces contenues au Cahier de l’Administrateur et dont référence sera faite aux présentes sont identifiées comme A-, avec sous-numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier ou en continu suite à dépôt subséquent en cours d’enquête, alors que les Pièces présentées par l’Entrepreneur sont identifiées comme E- et EE-.

 

[9]               Diverses requêtes découlant de l’approche de l’art. 264 C.p.c. et objections à la preuve ont été soumises et seront adressées à la décision arbitrale au mérite, alors qu’il n’y a pas d’impact à la preuve pour les présentes fins ni objection quant à l’origine de la preuve documentaire ou à l’intégrité de l’information qu’elle porte n’a été soulevée.

 

 

IV. Chronologie

 

[10]           Sommaire de la chronologie d’intérêt :

2004.09. Constitution de SDU, alors 9146-9072 Québec Inc. (changement de nom à SDU en date du 26 janvier 2022) f/a/s Constructions et Rénovations Georges Thériault de décembre 2004 au 27 mars 2022.

2011.06.  Constitution de CUC, alors marjtech inc. (changement de nom à CCU en date du 2 septembre 2019).

2020.12.16  Décision de l’Administrateur – Refus d’adhésion de CUC     (en liasse, Pièce A-21) - transmission le 2021.01.13.

2021.11.23  Mise en demeure de GCR (Pièce A-12) et rapport de signification 2012.12.16

2022.01.24  Demande d’adhésion de la Demanderesse SDU (Pièce A-4).

2022.01.25  Bilan financier de FRJAAM sur formulaire GCR

(Pièce A-3, en liasse).

2022.01.26  Convention d’adhésion SDU (Pièce A-1).

2022.03.17  Régie - Ordonnance de suspension des travaux (Pièce A-11).

2022.04.20 Correspondance de GCR à SDU intitulée ‘Intervention requise (Pièce A-7).

2022.04.27  Mise en demeure des procureurs (alors) de SDU à GCR (Pièce A-14).

2022.04.28 Avis d’intention de refus d’une demande d’accréditation de GCR à SDU (Pièce A-2).

2022.04.28 Demande d’arbitrage de SDU (Pièce A-23 en liasse).

2022.05.02  Notification CCAC - Nomination de l’arbitre Me Ewart

(Pièce A-23 en liasse).

2022.05.06  Régie – Avis préalable au refus d’autorisation de reprise des travaux suivant une ordonnance rendue en vertu de l’article 124.1 de la Loi sur le bâtiment (Pièce A-10).

2022.05.06  Demande au Tribunal Administratif du Travail (« TAT »)

(Pièce A-9).

 2022.05.11  Conférence préparatoire – Arbitrage.

2022.05.19  Décision de l’Administrateur - Adhésion refusée (Pièce A-22).

2022.05.30 Instruction

2022.06.01  Demande d’« Ordonnance de sauvegarde » et liste des travaux de conservation à exécuter en annexe.

2022.06.02 Visite des lieux; Instruction.

2022.06.07 Instruction

2022.06.08 Demande de GCR de réouverture d’enquête; accordée.

2022.06.09 Instruction.

 

 

V. LITIGE

[11]           En date du 1er juin 2022, le procureur de l’Entrepreneur a fait part au Tribunal d’une « Demande d’ordonnance de sauvegarde et liste des travaux de conservation à exécuter » (« Demande »).

 

[12]           Il s’est avéré approprié, dans le cadre de la Demande, et le Tribunal a donc pourvu, à visite des lieux, et de chacun des trois bâtiments principalement concernés par des mesures conservatoires, soit ceux identifiés aux rapports intitulés ‘Examen Préliminaire’ pour chacun de trois bâtiments (les « Rapports GCR ») dans un cadre de ‘Projet Sommet Sutton’ (intitulé par la Demanderesse) (situés sur le lot 4 867 559)  Projet M »), et inscrits au dossier arbitral sous les cotes suivantes et numérotés:

 

 

Quant au quatrième bâtiment   Bâtiment 1 ») sur le site et partie du Projet, le Tribunal a constaté qu’il n’en est encore qu’au stade des fondations et la preuve est à l’effet qu’il n’y a de rapport similaire aux Rapports GCR (collectivement, les quatre bâtiments sur le lot 4 867 559, adresses civiques 569 à 583 Chemin ou Rue Maple, Sutton, les « Bâtiments »).

 

[13]           Pour fins d’identification seulement, et de facilité de lecture, le Tribunal retient la numérotation des Bâtiments prévue aux Rapports GCR, 581-583 Maple (« Bâtiment 4 »), 577-579 Maple (« Bâtiment 3 ») et 573-575 (« Bâtiment 2 »).

 

[14]           Sont présents lors de la visite des lieux, en sus de l’Arbitre soussigné,. G. Thériault (répondant autorisé pour SDU - licence #8321-0385-39), J. Thériault Corey, directeur général SDU et M. Gauthier, V.P. affaires juridiques SDU, et par conférence téléphonique les procureurs respectifs de l’Administrateur et de SDU, ainsi que G. Chicoine de l’Administrateur et auteur des Rapports GCR.

 

[15]           Des photographies prises par le soussigné ont été déposées au dossier du Greffe par le Tribunal cotées T-1 (re : 581-583 Maple), T-2 (re : 573-575 Maple)       T-3 (re : 577-579 Maple) et T-4 (d’ensemble).

 

VI. PROCÉDURES PRINCIPALES ANTÉRIEURES

 

[16]           SDU a déposé une demande pour obtenir l’accréditation nécessaire afin que la Régie du Bâtiment du Québec (RBQ)  Régie ») émette en sa faveur les licences de :

 

sous-catégorie 1.1.1 ~ Entrepreneur en bâtiments résidentiels neufs visés à un plan de garantie, classe I ~ qui autorise inter alia les travaux de construction pour une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée, détenue ou non en copropriété divise et un bâtiment multifamilial à partir du duplex jusqu’au quintuplex, non détenu en copropriété divise; et

 

sous-catégorie 1.1.2 ~ Entrepreneur en bâtiments résidentiels neufs visés à un plan de garantie, classe II ~ qui autorise les travaux de construction pour un bâtiment multifamilial détenu en copropriété divise, comprenant au plus 4 parties privatives superposées.

 

[17]           La Régie a émise une Ordonnance de suspension des travaux de construction relativement aux Bâtiments en date du 17 mars 2022, suite à préavis d’intention ((« Ordonnance RBQ »). (alinéa 1, art. 124.1 Loi)

 

[18]           SDU et CUC déposent un recours de contestation de l’Ordonnance RBQ auprès du Tribunal Administratif du travail (Division de la construction et de la qualification professionnelle) TAT ») le 18 mars 2022.

[19]            

[20]           Suite à l’Instruction, alors que ce dossier est en délibéré, SDU et CUC déposent un acte de désistement auprès du Tribunal Administratif du travail, contesté, et par décision motivée il est pris acte du désistement et le dossier est fermé. (Hon. F. Caron, j.a.)

 

[21]           La Demanderesse a soumis à la Régie une Demande de reprise de travaux transmise le 2 mai 2022 pour le Projet M.

 

[22]           La Régie a émis Avis préalable au refus d’autorisation de reprise de travaux datée du 6 mai 2022.

 

[23]        La Demanderesse a pourvu au dépôt d’une Demande en révision de l’Ordonnance de la Régie en suspension des travaux (Décision du bureau des régisseurs en date du 6 mai 2022) devant le Tribunal administratif du travail (Pièce A-9) datée du 6 mai 2022, dont décision de rejet du recours datée du 24 mai 2022 alors que l’entrepreneur est forclos de droit pour cause de prescription.

 

[24]           LAdministrateur a émis un Avis d’intention de refus d’une demande d’accréditation adressé à SDU (Pièce A-2) en date du 28 avril 2022.

 

[25]           Suite au dépôt d’une Demande d’arbitrage le 28 avril 2022 (précité, la DemandeARB), le CCAC pourvoit à nomination du soussigné le 2 mai 2022.

 

VII. FAITS PERTINENTS 

  

[26]           SDU est régie par Loi sur les sociétés par actions (RLRQ, C. S-31.1) LSA »), antérieurement 9146-9072 Québec Inc. (constituée en Septembre 2004 et changement de nom à SDU en date du 26 janvier 2022, f/a/s Constructions et Rénovations Georges Thériault de décembre 2004 au 27 mars 2022).

 

[27]           CUC est régie par la LSA, antérieurement marjtech inc. (constituée en juin 2011 et changement de nom à CCU en date du 2 septembre 2019).

 

[28]           SDU détient une licence d’entrepreneur général (Pièce A-19), sous-catégorie 1.3

(RBQ # 8321-0385-39) et de quinze (15) sous-catégories entrepreneur spécialisé, incluant 2.7 travaux d’aménagement’, 7 Isolation étanchéité couvertures et revêtement extérieur et de plus que CUC, 3.1 Structures de béton et 6.1 Charpentes de bois

 

[29]           CUC détient une licence d’entrepreneur général (Pièce A-18).sous-catégories 1.2 et 1.3 (RBQ #5658-7116-01) et de treize (13) sous-catégories entrepreneur spécialisé, incluant ‘2.7 travaux d’aménagement’ et ‘7 Isolation étanchéité couvertures et revêtement extérieur’

 

[30]           FRJAAM est actionnaire majoritaire de SDU et CUC, sous date initiale d’inscription au Cidreq du 4 juin 2007, ayant en date des présentes comme fiduciaires inscrits A.-M. Poudrier et L. Trevor-Deutch. La preuve au dossier est à l’effet que les bénéficiaires de FRJAAM sont quatre enfants de M. Benoit Laliberté, constituant de la FRJAAM.

 

[31]           La Demanderesse est déjà intervenue à la construction des Bâtiments du Projet M lorsqu’elle se voit refuser l’adhésion au Plan.

 

VIII. QUESTIONS SOUS ÉTUDE

 

[32]           Le Tribunal peut-il dans les circonstances particulières du dossier ordonner des mesures de conservation prévues à l’article 111 du Règlement ? et, si oui, la Demanderesse peut-elle effectuer ou faire exécuter ces mesures de conservation?

 

[33]           Pour les motifs qui suivent, le tribunal répond affirmativement ç ces deux questions.

 

IX. Analyse et Motifs

 

  1. Liminaire

 

(1) Le Règlement

 

[34]           La Cour d’appel confirme dès 2004 que le Règlement est d’ordre public [1], tel que la Cour le confirme à diverses reprises par la suite. [2].

 

[35]           Le Règlement prévoit que toute disposition d’un plan de garantie (« Garantie » ou « Plan ») qui est inconciliable avec le Règlement est nulle [3].

 

[36]           La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue [4]. Le Tribunal peut d’autre part faire appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.[5]

 

[37]           Une demande de mesures conservatoires est régie, dans les circonstances, aux dispositions de l’article 111 du Règlement qui prévoit que :

 

« 111. Avant ou pendant la procédure arbitrale, une partie intéressée ou l’Administrateur peut demander des mesures nécessaires pour assurer la conservation du bâtiment. ».

D. 841-98, a. 111.

 

(2) La Loi sur le Bâtiment

 

[38]           Le Règlement est adopté par la Régie en conformité de l’article 185, inter alia par. 19.6 de la Loi quant à établir les normes et critères du Plan, entre autre la procédure d’arbitrage permettant à un entrepreneur de se pourvoir contre une décision de l’Administrateur refusant ou annulant son adhésion au Plan (sous-par.19.6 d)), et la Régie peut obliger tout entrepreneur à adhérer à un Plan en conformité des articles 77 et 78 de la Loi.

 

[39]           Dans ce cadre, le Règlement stipule :

 

« 106. Tout différend portant sur une décision de l’administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l’annulation de l’adhésion d’un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l’arbitre désigné en vertu de la présente section. »

(nos soulignés)

 

[40]              L’Ordonnance RBQ a été émise sous l’égide de l’art. 124.1 de la Loi :

 

« 124.1. La Régie peut ordonner la suspension des travaux de construction lorsque la personne qui les exécute ou les fait exécuter n’est pas titulaire d’une licence ou si celle-ci n’a pas la catégorie ou la sous-catégorie appropriée.

Les travaux ne peuvent reprendre avant que la Régie ne l’ait autorisé. »

2019, c. 28, a. 14 (en vigueur  10 janvier 2020).

[41]              La Loi pourvoit à définition de l’expression « travaux de construction » :

 

« 9. Pour l’application de la présente loi, sont  assimilés à des travaux de construction les travaux de fondation, d’érection, de rénovation, de réparation, d’entretien, de modification ou de démolition. »

 

[42]           D’autre part, la Loi identifie quant à ses objets, en extrait, pour nos fins, à l’art. 1 de la Loi   d’assurer la qualité des travaux de construction d’un bâtiment‘ et ‘  d’assurer la qualification professionnelle, la probité et la solvabilité des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires’.

 

[43]           Le Règlement d’application de la Loi sur le Bâtiment ( B-1.1 r.1) a été soulevé en cours d’Instruction et plus particulièrement l’art. 3.2.2.à la section ‘Exemption de l’application du chapitre IV de la loi sur le bâtiment’ qui  stipule  [ndlr : le Chapitre IV de la Loi s’intitule ‘Qualification professionnelle des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires]

 

« 3.2.2. L’entrepreneur qui, à la demande d’un administrateur autorisé par la Régie à administrer un plan de garantie approuvé, exécute des travaux de parachèvement ou de correction, est exempté de l’obligation d’être titulaire de la sous-catégorie de licence 1.1.1 ou 1.1.2, s’il est titulaire de la sous-catégorie de licence requise pour exécuter de tels travaux à l’égard d’un bâtiment non visé par un plan de garantie. »

 

B.  Les mesures conservatoires de l’art. 111 du Règlement

 

(1) Interprétation

 

[44]           Afin d’asseoir l’analyse des diverses dispositions du Règlement pour nos fins , une brève revue des principes et règles d’interprétation (de valeur supplétive[6]) qui guident le Tribunal est d’intérêt, soit un compendium de l’interprétation contextuelle et de l’interprétation large et libérale de l’art. 41 de la Loi d’interprétation [7] envisagées comme deux aspects d’une seule et même approche, soit la méthode téléologique, recherchant le but, objet et finalité du texte législatif, dans un contexte global afin de permettre de supporter son esprit, l’intention du législateur, sa ratio legis, tenant entre autre compte que le Règlement est d’ordre public.

 

[45]           La Cour Suprême du Canada a maintes fois repris l’application du modern principle qui fait consensus en tant que méthode d’interprétation législative depuis l’arrêt Stubart Investments Ltd. citant E.A. Driedger Construction of Statutes (2e éd. 1983, à la p. 87) « […]  qui y énonce la règle moderne de façon brève »:

 

[TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur. » [8]                                                                            (nos soulignés)

 

[46]           Cette approche est d’ailleurs demeurée le fer de lance de l’interprétation des lois depuis l’affaire Stubart dans de nombreuses décisions de la Cour Suprême [9].

 

[47]          Finalement, notons ce que la Pre  Lauzière confirme, et qui est d’intérêt particulier pour nos fins:

 

« La première règle qui se profile est celle de l’unité du texte, selon laquelle la loi forme un tout, dont l’unité se dégage à partir de plusieurs éléments du texte.

[…]

C’est aussi en vertu de cette règle [ndlr art. 41.1 L.I.] que l’emploi du même mot à plusieurs reprises dans le texte de loi fait présumer que le législateur a voulu lui donner partout la même signification et, a contrario, que l’emploi de mots différents fait présumer que le législateur a voulu leur donner des significations différentes. »[10]                                                                                                       (nos soulignés)

 

(2) Critères des mesures de conservation

 

[48]           Afin de mieux saisir les ‘mesures nécessaires pour assurer la conservation du bâtiment’ prévues à l’art. 111 du Règlement, le Tribunal considère utile d’analyser le parallèle des critères avancés par la jurisprudence sur le caractère conservatoire, entre autres tel que soulevé par l’art 18 (5) du Règlement dans un cadre de demande de remboursement, des travaux correctifs visés, soit une réparation nécessaire, urgente et conservatoire :

 

« 18. La procédure suivante s’applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l’article 10 : […]

 

[…]  En l’absence de règlement, l’administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l’entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes et de parachever ou corriger les travaux dans le délai raisonnable qu’il indique, convenu avec le bénéficiaire; »                                                                       (nos soulignés)

 

[49]           Alors que ces critères de conservatoire, nécessaire et d’urgence sont cumulatifs sous l’art. 18 (5) du Règlement, on peut cerner ceux qui s’appliquent à l’aspect conservation – qui emporte certaines caractéristiques de la nécessité – mais qui ne comprend pas un l’élément d’urgence.

 

[50]           Le soussigné s’est déjà prononcé sur l’absence d’une nécessité d’un critère d’urgence pour les fins des mesures prévues à l’art. 111 du Règlement dans une décision intérimaire sur mesures conservatoires dans l’affaire Syndicat de la copropriété ELM et Condominiums ELM 345 inc., 2019 CanLII 127292 :

 

[27]  Il est avancé que cette mesure conservatoire nécessaire est jointe à une situation d’urgence. Notons simplement que l’élément d’urgence, souvent soulevé conjointement au critère de nécessité en jurisprudence arbitrale sous le Règlement, se retrouve afin de permettre une ordonnance par l’Administrateur (et donc si requis par le Tribunal) de remboursement possible de coûts par l’Entrepreneur au Bénéficiaire soulevé à l’article 34 (5) du Règlement (seule disposition au Règlement qui traite de ce critère d’urgence pour ces fins) alors que l’article 111 du Règlement ne requiert pour l’intervention du Tribunal qu’une nécessité conservatoire, donc de prévenir s’il se peut une dégradation, d’assurer la conservation du Bâtiment.

 

[28]     Conséquemment, le Tribunal n’a pas pour nos fins à caractériser d’urgence la situation visée (quoique des représentations ont été faites d’à propos quant à la saison hivernale).

 

[51]           La mesure conservatoire limite les travaux à ce qui est requis afin de préserver le bâtiment – ce qui emporte une distinction avec des travaux qui représentent une solution finale, des travaux finaux (tels ceux par exemple en suivi des plans et devis et qui débordent alors d’une mesure conservatoire, soit d’éviter une dégradation additionnelle de la problématique) sauf lorsque des travaux finaux sont la seule et unique solution comme mesure conservatoire.

 

[52]        En certaines circonstances précises, au cas par cas, des travaux finaux seront les travaux qui résultent en ce qu’un processus d’arbitrage ne peut réglementer ou adjuger alors qu’il n’y a alors plus de travaux correctifs à ordonner.

 

[53]        La jurisprudence arbitrale est à cet effet, dans diverses décisions [11] et plus particulièrement récemment (2017) dans l’affaire Grenier [12] :

 

« [34] Pour obtenir un remboursement, il faut que les trois critères soient satisfaits, soit : réparations conservatoires, réparations urgentes et réparations nécessaires.

 

[35] Or, dans le présent litige, les Bénéficiaires n’ont pas procédé à une réparation mais au remplacement complet du drain de fondation.

 

[36] En aucun cas les travaux réalisés par les Bénéficiaires ne peuvent être qualifiés de conservatoires.

 

[38] Dans le présent litige, les Bénéficiaires ont opté pour la solution définitive, ce qui a pour conséquence de les exclure de l’application de l’article 18, 5è paragraphe. »

 

[54]           C’est d’ailleurs de même conclusion dans l’affaire Saindon [13] sous la plume de l’auteur et arbitre Me Edwards (maintenant l’Hon. Edwards, de la Cour Supérieure).

 

[55]           Dans l’affaire Saindon, le tribunal d’arbitrage accueille une demande de rejet de l’entrepreneur et de l’administrateur dans une affaire où tous les travaux correctifs qui étaient l’objet de la demande d’arbitrage ont été réalisés avant l’instruction (et après dépôt de la demande d’arbitrage et nomination de l’arbitre) – de telle sorte que le tribunal est alors d’avis qu’il n’y a plus matière à décider.

 

[56]           On se doit toutefois de distinguer des circonstances présentes (en partie seulement) les affaires Grenier (précitée, où l’arbitre considère que les travaux sur drain de fondation sont une solution définitive) et Saindon car la raison invoquée par les bénéficiaires dans Saindon est alors uniquement qu’ils étaient en instance de séparation, que le bâtiment devait être vendu et qu’ils considéraient que la résidence était invendable en raison d’affaissements ‘observés’ (alors qu’aucune mention de mesure conservatoire ou d’urgence n’est soulevée).

 

[57]           Dans une récente affaire (2020) Desrochers c Provost [14] (plutôt d’exception - l’Administrateur ordonne remboursement de travaux) mais dont l’analyse concorde avec la jurisprudence autre sur le sujet quant aux critères des mesures de travaux et qui accueille la demande de l’entrepreneur en grande partie d’infirmer la décision de l’administrateur de remboursement à la bénéficiaire de travaux exécutés.

 

[58]           Notre collègue et arbitre alors, Me Karine Poulin (maintenant l’Hon. Poulin, Tribunal Administratif du travail), présente dans Desrochers une analyse exhaustive de la preuve et ses motifs s’y adressent en détail, soit, inter alia pour nos fins :

 

[223] Le remboursement du coût des réparations demeure une mesure exceptionnelle puisque la finalité du Règlement est de faire en sorte que l’entrepreneur répare ses travaux s’ils sont affectés de vices ou de malfaçons. Ce n’est qu’en cas de défaut de l’entrepreneur que l’Administrateur intervient et prend en charge les réparations (3). Aussi, puisque le remboursement est une exception à la règle générale, elle ne vise que les travaux nécessaires, urgents et conservatoires (4).

 

Ndlr : L’arbitre cite (3) Consortium MR Canada Ltée c. Montréal (Office municipal d’habitation de), 2013 QCCA 1211, arrêt de la Cour d’appel confirmant un jugement de la Cour Supérieure confirmant une décision arbitrale du soussigné.

Ndlr : (4) le tribunal arbitral citant les décisions en note[15] ci-dessous.

 

[316]    Dans la présente affaire, la preuve a démontré que les travaux effectués par la Bénéficiaire étaient probablement requis. Cependant, ce que la Bénéficiaire a demandé à l’entrepreneur […] c’est de reconstruire comme sur les plans. Elle n’a pas demandé des travaux de réparation, et encore moins des travaux conservatoires. Le remboursement des travaux finaux n’est pas ce que prévoit le Règlement. La mise en place de la solution définitive ne correspond pas aux réparations envisagées par le Règlement à titre de mesure conservatoire.

 

[338]    En général, et bien que chaque cas soit un cas d’espèce, la règle veut que les travaux finaux ne constituent pas des travaux conservatoires.

 

(nos soulignés, citations omises)

 

(3) Distinction entre travaux de construction et mesures de conservation

 

[59]           En sommaire, et d’abondant du sens commun de ‘mesure de conservation’, le Règlement fait référence à diverses dispositions à l’expression ‘travaux de construction’ tels entre autre à la définition d’entrepreneur à l’art. 1 du Règlement ou à l’Annexe II (tels paras. 6 c), 15 ou 16) et donc sous la règle d’interprétation précitée le Législateur a voulu faire une distinction entre travaux de construction et mesures de conservation.

 

[60]           De plus, et de nouveau d’abondant du sens commun, les travaux pour mesures de conservation aux présentes ne sont pas des travaux que l’on a qualifiés dans certaines décisions arbitrales de ‘finaux’ ou de ‘remplacement complet’ sauf selon le Tribunal lorsque des tels travaux finaux sont la seule et unique solution comme mesure conservatoire.

 

[61]           Chaque cas est un cas d’espèce et donc requiert la discrétion et évaluation du Tribunal dans un cadre de demande d’arbitrage.

 

(4) Déterminer les mesures applicables et autorisation

 

[62]           Le fardeau de la preuve repose sur les Bénéficiaires (2803 et 2804 C.c.Q.) et doit être prépondérant.

 

[63]           Le Tribunal a pris connaissance de la demande d’«Ordonnance de sauvegarde» soumise par le procureur de l’Entrepreneur ainsi que de la liste des travaux de conservation à exécuter (Annexe 1, signée par Georges Thériault).

 

[64]           Les Parties ont pourvu à représentations respectives relativement à chacun des quinze (15) points identifiés à cette liste des travaux de conservation à exécuter proposée par la Demanderesse en annexe de la Demande, soit :

 

  1. Finir de monter les carrés des bâtiments en cours;
  2. Nivelage de sol partie Ouest et retrait des matières pour entreposage de matériaux pour permettre la réception des matériaux nécessaires à l’exécution des travaux;
  3. Terminer d’ériger et assembler l’érection des murs extérieurs et porteurs intérieur des bâtiments;
  4. Terminer les murs porteurs mitoyens et murs en bloc de béton;
  5. Pose des autres fermes de toit;
  6. Pose de platelage de toit;
  7. Assemblage du parapet central;
  8. Installation des sous-couches de membranes bitumineuses pour sceller les toits;
  9. Installation des membranes de finition et d’étanchéité des toits;
  10. Installation des panneaux OSB sur les murs extérieurs façade et pose de pare-air de protection sur OSB;
  11. Installation des fermes de toit sur les façades et couvrir parties avant des bâtiments;
  12. Installation OSB sur les façades;
  13. Mise en place des membranes pour bardeaux;
  14. Finition des installations des pare-air sur toutes les surfaces de bois, murs extérieurs et installation des fourrures, latte de bois, forence et étanchéification de la coquille des bâtiments;
  15. Installation provisoire des portes et fenêtres dans le but d’empêcher l’infiltration d’eau à l’intérieur des bâtiments.

 

[65]           Après revue et représentations des Parties, de consentement sujet à certains retraits ou restrictions par le Tribunal, les mesures conservatoires décrites aux Points sont autorisées.

 

[66]           De cette liste des travaux de conservation à exécuter, l’Administrateur a confirmé la nécessité de Finir de monter les carrés des bâtiments en cours’ (point no. 1) pour le Bâtiment 4 et 3, et les discussions ont couvert à la demande du Tribunal (i) certains des éléments soulevés par les Rapports GCR, et d’autre part (ii) que la description de différents autres points se retrouvaient intégrés ou complémentaires du point no. 1 de caractère générique.

 

[67]           L’ensemble de la montée du carré lorsqu’autorisée comme mesure (Bâtiments 3 et 4) emporte les points 10 et 12, et le point 14 quant aux murs de façades. Le point 2 s’applique à l’ensemble du Projet M. Le Point 15 tel que rédigé est refusé pour tous les Bâtiments.

 

[68]           L’avancement respectif de la construction des Bâtiments requiert des mesures conservatoires différentes, soit entre autre ce qui n’est pas exhaustif :

 

[68.1] Bâtiment 4 :

-l’ensemble de la montée du carré est requise (ce qui est quelquefois caractérisé du ‘rough de construction’).

 -  le soutènement du mur mitoyen requiert de compléter entre autre la structure du plancher du 3e étage qui permet appui du mur sur la structure horizontale; pour les fins du pontage du toit (en plus de la bitumineuse et membrane granulaire de finition sablée, et soudée pour éviter clous et arrêtes),

- il est aussi nécessaire de permettre la mise en place de deux bassins versants, afin de permettre l’évacuation de l’eau due aux intempéries via des drains sur chacun des côtés du mur.

 Si ce n’est déjà obtenu, les recommandations d’un ingénieur en structure sont requises avant de modifier la méthode adéquate de support des charges au mur mitoyen dans un contexte de mesures conservatoires.

 

[68.2[ Bâtiment 3 : une recommandation d’un ingénieur en structure sur la nécessité de l’érection des murs porteurs intérieur du Bâtiment (partie du point 3 et point 4) est requise quant à cet aspect. Si la nécessité est ainsi confirmée, les commentaires appliqués au Bâtiment 4 s’appliquent alors mutatis mutandis au Bâtiment 3.

 

[68.3] Bâtiment 2 : la montée du carré n’est pas requise (et conséquemment entre autres les points 1,3 à 9 incl., point 11 en partie : installation des fermes de toit et le point 13 ne trouvent pas application) et les mesures de conservation sont principalement par la voie d’abris pour pare intempéries (après que soit entreposé les différents éléments de fermes de toit et autres retrouvés sur le site de ce Bâtiment.

 

[68.4] Tel qu’indiqué ci-haut, le Bâtiment 1 ne requiert pas de mesures de conservation (sauf protection ou entreposage des matériaux de construction situés sur le site).

 

[69]           L’approche a été de respecter les paramètres et critères de l’aspect conservatoire sous l’art. 111 du Règlement, et donc les travaux de cette liste ont été confirmés de consentement comme requis pour fins de conservation et entre autre d’étanchéité et protection des intempéries et afin d’éviter une dégradation de l’état des Bâtiments.

 

C.  Le choix des mesures de conservation par le Tribunal et Ordonner qu’elles soient effectuées par la Demanderesse

[70]           Subsidiairement si requis, ce qui n’est pas inféré, le Tribunal peut ordonner toute demande prévue de l’Administrateur du Plan qui serait de sa compétence.

 

[71]           La Cour d’appel dans l’affaire Construction Réal Landry inc. c Rae [16] infirme un jugement de la Cour supérieure sur révision judiciaire qui annulait une décision arbitrale sous le Règlement et rétablit donc la sentence arbitrale [17], et confirme l’approche de l’arbitre Me Despatis :

 

« (116) … L’administrateur a l’autorité, … de statuer sur les travaux que doit faire l’entrepreneur assujetti au Plan.

 

(117) Cet énoncé, avec égards, ne contredit pas celui de l’argument de l’administrateur voulant que l’entrepreneur ait le libre choix des méthodes correctives. […] En cela le choix des travaux et méthodes d’exécution, renvoie à des réalités distinctes, la première désignant l’objet à faire et la seconde la façon d’y arriver.

(118) De nier en l’espèce à l’administrateur cette faculté … à ordonner tels ou tels travaux correctifs.  Ce serait là une interprétation absurde de la législation et contraire à l’esprit du plan.

 

(119) Il est de commune renommée qu’une sentence arbitrale à l’instar de tout jugement doit être exécutable. … Cela signifie que si l’administrateur peut suivant le Plan indiquer les travaux à faire, l’arbitre susceptible de réviser la décision de l’administrateur peut donc également le faire lorsque l’administrateur ne l’a pas fait en conformité du Plan. »                                                         (nos soulignés)

 

[72]           Conséquemment, subsidiairement, tel que prévu à l’art 3.2.2. du Règlement d’application de la Loi sur le Bâtiment (précité) soit que l’Administrateur peut ordonner des travaux à un entrepreneur sans qu’il soit titulaire de la sous-catégorie de licence 1.1.1 ou 1.1.2, s’il est titulaire de la sous-catégorie de licence requise pour exécuter de tels travaux sous l’exemption prévue à cet article 3.2.2, le Tribunal peut pourvoir à demande et Ordonner que la Demanderesse pourvoit à des mesures de conservation.

 

[73]           Dans les circonstances, l’Entrepreneur Demanderesse est titulaire de quinze (15) sous-catégories entrepreneur spécialisé, incluant celles requises pour effectuer les travaux de mesures de conservation prévues aux présentes et notant d’abondant que la Demanderesse est titulaire d’autre part d’une licence d’entrepreneur général sous-catégorie 1.3.

 

[74]           Tenant compte du principe de l’autonomie de l’entrepreneur et de son libre choix des moyens d’exécution des travaux (2099 C.c.Q.), une distinction se doit toutefois d’être faite entre d’une part le choix des méthodes ou modes d’exécution des travaux et, d’autre part, les type et qualité des travaux, de l’ouvrage lui-même – deux réalités distinctes que souligne sous le Règlement l’arbitre Despatis dans l’affaire Rae précitée :

 

« 117 […] En cela le choix des travaux et méthodes d’exécution, renvoie à des réalités distinctes, la première désignant l’objet à faire et la seconde la façon d’y arriver. »

 

[75]           Le choix des travaux et de même les conditions de correction sont de la compétence du Tribunal, tel que souligné par la Cour supérieure sous la plume de l’Hon. Dufresne (maintenant de notre Cour d’appel) dans l’affaire Garantie Habitation et Sotramont [18] :

 

« 92. […] l’Arbitre agit à l’intérieur de sa compétence lorsqu’il fixe les conditions de correction ou de réfection du plancher.  En ce faisant, l’Arbitre accomplit son mandat à l’intérieur de la compétence que lui accorde la loi. »              (nos soulignés)

 

 

[76]          Notons finalement le corollaire sous lequel un entrepreneur dans un cadre d’accréditation s’engage (en conformité des paras. 3 et 18 de l’Annexe II du Règlement, découlant entre autres de l’article 78 (3) du Règlement) :

 

« 3° à respecter les règles de l’art et les normes en vigueur applicables au bâtiment; »

« 18. à mettre en place s'il y a lieu, toutes les mesures nécessaires pour assurer la conservation du bâtiment … »

 

D. Sommaire des conclusions

 

[77]           Tout différend découlant d’un refus d’adhésion d’un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l’arbitre, et donc incluant mesures de conservation.

 

[78]           Les présentes ne s’adressent qu’à l’application de l’article 111 du Règlement et n’emportent aucun constat (sauf ce que est requis pour les fins des présentes) et ne doivent pas être interprétées comme une décision sur les prétentions ou allégués des parties au mérite de la DemandeARB.

 

[79]           Il y a distinction au Règlement.et à la Loi entre des travaux de construction (incluant d’en assurer la qualité) et les mesures de conservation  qui y sont prévues.

 

[80]           Le Tribunal a compétence sur le choix des mesures de conservation et d’ordonner dans les circonstances qu’elles soient effectuées par la Demanderesse.

 

 

X.  COÛTS D’ARBITRAGE

 

[81]          Le Tribunal, en conformité de l'article 123 du Règlement :

 

« Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur. »

 

conclut et Ordonne que l’Administrateur et l’Entrepreneur Demanderesse assument pour chacun 50% respectivement des coûts du présent arbitrage.

 

 

 

 

 

 

XI.  DISPOSITIF

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

[82]           ACCUEILLE la demande de mesures de conservation de la Demanderesse.

 

[83]           ORDONNE que les mesures de conservations identifiées aux présentes soient effectuées par l’Entrepreneur Demanderesse.

 

[84]           CONFIRME que Tribunal conserve juridiction non seulement quant au mérite mais pour tout désaccord entre les Parties découlant des présentes Ordonnances et décision arbitrale intérimaire, sur simple avis écrit de désaccord d’une partie déposée au dossier et transmis à la partie adverse, sans autre procédure ou avis.

 

[85]           LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage à la charge de l'Administrateur et l'Entrepreneur Demanderesse pour chacun en parts égales (50/50) conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.

 

 

DATE:16 juin 2022

 

 

Me Jean Philippe Ewart

Arbitre

 

 


[1] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ c. Desindes, 2004 CanLII 47872 (QCCA) para.11   et paras. 32 et 4 respectivement.

 

[2] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. MYL Développements 2011 QCCA 56, par. 13, ainsi que Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de)

2013 QCCA 1211 par.18, confirmant un jugement en pourvoi judiciaire de la Cour supérieure confirmant une décision du soussigné

 

[3] Gazette Officielle Québec, Décret D.841-98, a.5, art. 5 du Règlement.

 

[4] Idem, art. 20 et 120 du Règlement.

 

[5] Idem, article 116 du Règlement.

 

[6] CÔTÉ, Pierre-André avec la collab. de Stéphane BEAULAC et Mathieu DEVINAT, Interprétation des lois, 4e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2009, paragr. 134 et 136.

 

[7]    « 41. Toute disposition d’une loi est réputée avoir pour objet de reconnaître des droits, d’imposer des obligations ou de favoriser l’exercice des droits, ou encore de remédier à quelque abus ou de procurer quelque avantage.

Une telle loi reçoit une interprétation large, libérale, qui assure l’accomplissement de son objet et l’exécution de ses prescriptions suivant leurs véritables sens, esprit et fin.

« 41.1. Les dispositions d’une loi s’interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble et qui lui donne effet. »

 

[8] Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, p. 578 (j. Estey).

 

[9] Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21. VOIR au même effet dans un cadre autre que législation fiscale, Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets) [2002] 4 RCS 45, 154.

 

[10] Lucie LAUZIÈRE, Professeure titulaire, Faculté de droit, Université Laval, L’Interprétation des lois, Rédaction juridique, Chaire de l’Université Laval, 2012, p.9 (s. 3.1). www.redactionjuridique.chaire.ulaval.ca/sites/redactionjuridique.chaire.ulaval.ca/files/lauziere-interpretation_des_lois_2012.pdf

 

[11] Demers et Vézina c. Construction JPH inc. (en faillite), 2007 CanLII54579 (QC OAGBRN), C. Dupuis, Arbitre, GAMM, par. 36 à 38.

 

[12] Grenier et 9129-3704 Québec inc., 2017 CanLII 147990 (QC OAGBRN)

 

[13]  Saindon et Dion c. Emli Construction inc. et La Garantie des Maisons Neuves de l’’APCHQ, 29 janvier 2009, GAMM 2008.09.003, Me J. Edwards, arbitre (maintenant Hon. Edwards, j.c.s.)

 

[14] Éric Desrochers Construction inc c Provost et Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. (Abritat), (O.A.G.B.R.N., 2020-12-10), 2020 CanLII 100505 (QC OAGBRN), SOQUIJ AZ-51729908, Me Karine Poulin, Arbitre, GAMM.

 

[15] Côté c. 9047-4131 Québec inc., 2012 QCCQ 7538; Cumberland Recyclers Ltd c. Machineries Rosaire Thériault inc., 2001 CanLII 24468 (QC CQ); Gidal Construction inc. et Lazaris, 2010 CanLII 29562 (QC OAGBRN); SDC 8105 De Londres, Brossard et Habitations Signature Brossard inc., 2017 CanLII 147989 (QC OAGBRN), 20 mai 2017, Me A. Fournier; Grenier et 9129-3704 Québec inc., 2017 CanLII 147990 (QC OAGBRN); Pampena et Habitations André Taillon inc. et al., GAMM, no 2013-13-001, 6 avril 2014, Me K. Poulin.

 

[16] 2011 QCCA 1851

 

[17] Rae et Nutter et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Construction Réal Landry inc., Me Johanne Despatis, arbitre, 10 juin 2008; GAMM 2007-09-013.

 

[18] La Garantie Habitation du Québec inc. et Sotramont Québec inc. c. Gilles Lebire et SORECONI et Lise Piquette et Claude Leguy et Maurice Garzon; Cour supérieure, 12 juillet 2002, 540-05-006049-013.