ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : CCAC
________________________________________________________________________
ENTRE : | GERMAN MOLINA
Bénéficiaire
|
C. :
ET : | GESTION OR-CONCEPT INC.
Entrepreneur
LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)
Administrateur |
Dossier CCAC : S21-022801-NP
SENTENCE ARBITRALE RECTIFIÉE
Arbitre : Me Sophie Truesdell-Ménard
Pour le Bénéficiaire : M. German Molina
[...]
Montréal (Québec) [...]
Pour l’Entrepreneur : M. Sébastien Lemyre
Gestion Or-Concept inc.
12450, de l’Avenir, bureau 201
Mirabel (Québec) J7J 2J1
Pour l’Administrateur : Garantie de construction résidentielle
4101, rue Molson, 3e étage
Montréal (Québec) H1Y 3L1
Robert Prud’homme, conciliateur
Et son procureur : Me Pierre-Marc Boyer
4101, rue Molson, 3e étage
Montréal (Québec) H1Y 3L1
Date de l’audition : 15 novembre 2021
Date de la Décision : 14 mai 2022, rectifiée le 16 mai 2022
Extraits pertinents du Plumitif
28.02.2021 Réception par le greffe du CCAC de la demande d’arbitrage du bénéficiaire
12.03.2021 Nomination de Me Sophie Truesdell-Ménard à titre d’arbitre
11.05.2021 Réception du cahier de pièces de l’Administrateur par courriel
27.05.2021 L’arbitre accorde un délai jusqu’à la mi-juin aux parties pour tenter de finaliser un règlement à l’amiable
16.06.2021 Démarches pour fixer une conférence de gestion
09.07.2021 Tenue de la conférence téléphonique de gestion : les parties ont réglé plusieurs points et désirent continuer leurs discussions de règlement; de plus, le conciliateur émettra une décision supplémentaire sous peu
22.07.2021 Décision supplémentaire du conciliateur
10.09.2021 Tenue d’une rencontre de gestion et transmission du procès-verbal
15.11.2021 Transmission par les parties de leur preuve documentaire et audition virtuelle par le biais de la plateforme Zoom
14.05.2022 Décision
SENTENCE ARBITRALE
INTRODUCTION
[1] La propriété du bénéficiaire est un triplex, aussi connue et identifiée comme le [...], [...] et [...], à Montréal.
[2] La dénonciation écrite du bénéficiaire est reçue par l’Entrepreneur et par l’Administrateur le 23 septembre 2020.
[3] La réclamation du bénéficiaire est reçue par la GCR le 18 octobre 2020.
[4] Une décision est rendue le 2 février 2021, puis une décision supplémentaire suit le 22 juillet 2021, toutes deux par le conciliateur Robert Prud’homme, agissant pour l’Administrateur.
Mandat et juridiction
[5] Le Tribunal est saisi du dossier conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) (le « Règlement ») adopté en vertu de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1) (la « Loi sur le Bâtiment »), par nomination de la soussignée en date du 12 mars 2021, le tout suivant une réclamation pour couverture sous le plan de garantie au Règlement visé par les présentes (le « Plan de garantie ») relativement à une demande d’arbitrage des bénéficiaires parvenue au greffe du CCAC le 28 février 2021.
[6] Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les Parties et la juridiction du Tribunal est donc confirmée.
[7] À titre d’arbitre, la soussignée doit statuer conformément aux règles de droit et faire appel à l’équité lorsque les circonstances le requièrent[1].
[8] Bien que la soussignée ait le droit de faire appel à l’équité lorsque les circonstances le commandent, l’appel à l’équité par le biais de l’article 116 du Règlement ne peut faire échec à une disposition du Plan de garantie qui est sans ambiguïté et calquée sur ce Règlement, qui est d’ordre public.
Analyse
[9] Ont témoigné à l’audience :
[10] Pour fins d’analyse, le Tribunal traitera de chacun des points l’un après l’autre, soit :
a) Point 1 : Remplacement d’une fenêtre;
b) Point 4 : Remplacement des cales de bois sous les terrasses de la mezzanine;
c) Point 6 : Absence de membrane drainante sur l’élévation latérale droite;
d) Point 7 : Absence de conduits de drainage au bas du mur de fondation sur la latérale droite du bâtiment;
e) Point 8 : Absence de la chape de béton léger au plancher de la mezzanine;
f) Point 9 : Oxydation des cornières d’acier utilisées pour le retour de maçonnerie de la mezzanine;
g) Point 10 : Demande d’arpentage de l’entrepreneur au nom du bénéficiaire;
h) Point 11 : Extra pour installation d’une 4e thermopompe sur la mezzanine;
i) Point 12 : Retard de livraison;
j) Point 19 : Système d’échangeur d’air et récupérateur de chaleur.
Point 1 : Remplacement d’une fenêtre
[11] Au moment de l’audience, l’installation de la nouvelle fenêtre était prévue de façon imminente;
[12] Ainsi, à la demande des parties, le Tribunal réserve sa juridiction à cet égard.
Point 4 : Remplacement des cales de bois sous les terrasses de la mezzanine
[13] Le bénéficiaire voudrait que les cales de bois sous les terrasses de la mezzanine soient remplacées par des cales d’aluminium, craignant que les cales de bois se dégradent et pourrissent sous l’effet de l’humidité.
[14] Il ajoute que les cales, qui ont un profil « en C », sont de la même taille que les coussins de caoutchouc sur lesquels elles sont posées et s’inquiète qu’avec de légers déplacements des coussins, les cales ne soient plus soutenues.
[15] L’entrepreneur explique pour sa part qu’il a changé les cales qui étaient accessibles au pourtour de la terrasses pour des cales en aluminium, car elles sont les plus susceptibles d’être exposées à de l’eau.
[16] Il précise que les autres cales ne sont pas accessibles, sont en bois de cèdre blanc, qui est résistant à l’eau et adéquat pour un tel usage. Il ajoute que les cales qui sont sous les terrasses ne sont pas directement exposées à l’eau, étant protégées par les terrasses.
[17] De son côté, le conciliateur estime aussi que les éléments installés pour supporter les terrasses sur toits, soit les caoutchoucs et les cales, sont adéquats.
[18] Il précise que le platelage de la terrasse est étanche et pourvu de gouttières qui empêchent l’écoulement d’eau sous celle-ci, de sorte que les cales de bois sont effectivement protégées de l’eau.
[19] De plus, il confirme que le cèdre blanc est une essence de bois très résistante à l’eau : il s’agit donc selon lui d’une bonne option pour cet usage.
[20] D’autre part, il n’a pu constater aucun indice d’affaissement ou d’instabilité des terrasses.
[21] Le Tribunal comprend que le bénéficiaire a des craintes quant à la durabilité des cales de bois mais ses craintes ne sont pas appuyées par une opinion d’expert qui viendrait contredire le témoignage crédible et probant du conciliateur, au même effet que celui de l’entrepreneur, à l’effet que les cales de cèdre blanc à l’abri des intempéries sont adéquates pour exercer leur fonction.
Point 6 : Absence de membrane drainante sur l’élévation latérale droite
[22] Le bénéficiaire explique que les plans spécifiaient qu’une membrane d’étanchéité (composition MF-1) serait installée, mais que l’entrepreneur l’a avisé que ce serait un extra s’il voulait absolument qu’elle soit posée.
[23] Pour ne pas retarder le chantier, le bénéficiaire dit avoir accepté un extra de 889$ plus taxes dont il réclame le remboursement, car pour lui cet élément prévu aux plans devait donc faire partie du coût des travaux.
[24] L’entrepreneur explique pour sa part que les plans d’architecture prévoyaient l’installation de cette membrane vu la stratégie d’étanchéité qui consistait à percer de petits conduits dans la fondation pour connecter au drain français.
[25] Il témoigne à l’effet que cette méthode est inhabituelle en résidentiel et il ne voit pas l’intérêt de faire entrer l’eau extérieure dans le bâtiment pour connecter au drain, c’est pourquoi il a préféré écarter cette stratégie illustrée aux plans d’architecture.
[26] Bien qu’il admette que l’étanchéité est habituellement du ressort de l’architecte, l’entrepreneur explique que la structure est du ressort de l’ingénieur et que les fondations font partie de la stratégie structurale.
[27] Ainsi, puisque les plans d’architecture prévoyaient des ouvertures dans la fondation pour passer les conduits, l’entrepreneur a plutôt opté pour la stratégie d’étanchéité prévue aux plans d’ingénierie, qui est celle habituellement retenue en résidentiel.
[28] Il a donc adopté la stratégie d’étanchéité illustrée aux plans de l’ingénieur en structure (pièces D-5 et D-6), soit de mettre une membrane drainante à l’intérieur du bâtiment, et une membrane caoutchouteuse bitumineuse à l’extérieur (en remplacement du goudron), ce que le bénéficiaire aurait autorisé.
[29] D’ailleurs, le bénéficiaire n’allègue pas qu’il y aurait eu des infiltrations d’eau au sous-sol et n’a mis en preuve aucun élément permettant de douter de l’efficacité de la stratégie d’étanchéité mise en place.
[30] De son côté, le conciliateur explique avoir rejeté cet item de réclamation car il n’a pas été dénoncé lors de l’inspection pré-réception, contrairement au délai imposé par le Règlement.
[31] En effet, l’article 10 du Règlement prévoit :
« 10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
1° […]
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception. […] » (nos soulignements)
[32] Or, cet item était apparent au moment de l’inspection préréception, d’autant plus que le bénéficiaire a fait un suivi de chantier élaboré et que cet item avait été spécifiquement discuté entre l’entrepreneur et lui avant la réception, ce qui démontre que cette situation était bien connue du bénéficiaire à ce moment.
[33] Cet item n’a cependant pas été dénoncé par le bénéficiaire à la réception.
[34] N’eut été la question du délai, le conciliateur témoigne à l’effet qu’il aurait tout de même conclu qu’il n’y avait pas de malfaçon, en présence de la membrane hydrofuge à l’extérieur, d’un panneau gaufrant et d’une membrane intérieure, le tout assurant que la fonction d’étanchéité serait remplie.
[35] Il précise que la membrane drainante n’est pas spécifiquement requise par le Code, qui requiert plutôt que les fondations soient rendues hydrofuges. Or, il estime que c’est le cas ici.
[36] Le Tribunal conclut, comme le conciliateur, qu’il ne s’agit pas d’une malfaçon, et que si tant est que c’en eût été une, la réclamation n’aurait pu être accueillie vu l’absence de dénonciation lors de la réception du bâtiment.
[37] Rappelons finalement que le bénéficiaire ne prétend pas non plus qu’il s’agit d’une malfaçon mais réclame plutôt le remboursement de l’extra de 889$ plus taxes payé pour cette membrane qui selon lui faisait partie des travaux contractuels et donc du prix contractuel.
[38] Or, le Règlement ne contient aucune disposition permettant de demander un tel remboursement.
[39] Il faut comprendre que le Règlement est un plan de garantie et a donc une application strictement limitée à ce qui fait l’objet de la garantie.
[40] Ainsi, il s’ajoute aux recours juridiques ordinaires découlant du droit commun et n’empêche pas les bénéficiaires d’exercer de tels recours devant les tribunaux de droit commun.
[41] Cependant, le Tribunal d’arbitrage constitué en vertu du plan de garantie ne peut pas se prononcer sur des recours juridiques qui ne découlent pas de la garantie strictement décrite au Règlement.
Point 7 : Absence de conduits de drainage au bas du mur de fondation sur la latérale droite du bâtiment
[42] Ce point est relié au point précédent, en lien avec la stratégie d’étanchéité des fondations.
[43] Le bénéficiaire explique que les plans d’architecture prévoyaient des conduits de drainage connectés au drain français le long de la ligne de lot, alors que les plans d’ingénieur ne prévoyaient pas de tels conduits. Ceci impliquait des percements à la base de la fondation.
[44] Le bénéficiaire a insisté auprès de l’entrepreneur pour exécuter les conduits tel que prévu aux plans d’architecture, ce que l’entrepreneur a refusé, proposant plutôt l’installation d’une membrane extérieure de type « Resisto ».
[45] Le bénéficiaire a finalement accepté la solution proposée par l’entrepreneur car ce dernier avait arrêté le chantier la veille devant ce conflit.
[46] Par la suite, l’entrepreneur lui a envoyé une lettre datée du 17 janvier 2020 (p.6 de la pièce P-7) limitant sa responsabilité à cet égard.
[47] Le bénéficiaire demande donc au Tribunal de retirer ladite lettre de l’entrepreneur du dossier et de déclarer que la garantie de l’entrepreneur s’applique également à ces travaux.
[48] L’entrepreneur explique que cet item est lié au point 6, soit au changement de stratégie d’étanchéité. Vu la stratégie adoptée, ces conduits n’étaient plus nécessaires et ne sont donc pas prévus aux plans d’ingénieur D-5 et D-6.
[49] De son côté, le conciliateur explique que cet élément aussi, comme le point 6, était visible et discuté durant la construction et n’a pas été dénoncé au formulaire pré-réception. Il l’a donc rejeté puisqu’hors délai.
[50] Sans égard à ce motif, il considère qu’il ne s’agit pas d’une malfaçon car le système d’étanchéité décrit au point précédent joue sa fonction, rendant ces conduits inutiles.
[51] Le Tribunal est d’avis qu’il n’a pas à intervenir sur ce point : dans l’éventualité où le bénéficiaire avait une réclamation à faire valoir en vertu de la garantie de l’entrepreneur, il présentera sa réclamation.
[52] Si l’entrepreneur décide de faire valoir la lettre en question pour plaider que la réclamation est hors garantie, les parties feront valoir leurs arguments et l’instance saisie se prononcera sur la validité ou non de la lettre de l’entrepreneur pour valoir exclusion de la garantie.
Point 8 : Absence de la chape de béton léger au plancher de la mezzanine
[53] Le bénéficiaire explique que les plans prévoyaient une chape de béton pour insonorisation au plancher de la mezzanine, ce que l’on peut effectivement constater à la page 2 de la pièce P-7, sous la rubrique « Planchers / dalles » au point P2.
[54] Lors des travaux, il a remarqué que cette chape de béton n’avait pas été installée au niveau de la mezzanine et s’en est enquit auprès de l’entrepreneur.
[55] L’entrepreneur lui explique alors que ce n’est pas exigé au Code, ni nécessaire, car ces chapes sont utilisées habituellement entre des logements distincts pour assurer une insonorisation adéquate.
[56] Pour le bénéficiaire, cet élément était important sans égard aux exigences du Code, en regard de sa qualité de vie et de la valeur de son immeuble.
[57] L’entrepreneur explique pour sa part que le bénéficiaire lui avait demandé (courriel du 15 décembre 2019 à la page 3 de P-8) s’il était possible d’abaisser le plancher de la mezzanine d’un pouce pour augmenter la hauteur libre vu la pente du toit. Il interprète cette demande comme étant une renonciation à faire installer la chape de béton (qui a un pouce et demi d’épaisseur), car ce serait de cette manière qu’il a gagné l’espace demandé par son client.
[58] Cependant, le bénéficiaire assure que l’entrepreneur ne l’a jamais informé que pour réaliser cet abaissement du plancher, il faudrait éliminer la chape de béton et se dit convaincu qu’il y avait d’autres moyens pour obtenir le rabaissement recherché.
[59] Il demande donc qu’un crédit lui soit octroyé pour cette chape qui n’a pas été installée. Il ne précise cependant pas la valeur du crédit recherché.
[60] L’entrepreneur explique pour sa part que les poutrelles préfabriquées étaient déjà commandées et fabriquées, de sorte que pour arriver au rabaissement demandé par le bénéficiaire, un ajustement à la hauteur des poutrelles n’était plus possible.
[61] La seule manière d’obtenir le rabaissement souhaité à ce stade était donc d’enlever la chape de béton et il avait compris que c’était ce que le bénéficiaire souhaitait. Il précise avoir tout de même posé une membrane insonorisante sous le plancher.
[62] De son côté, le conciliateur croit se souvenir que le rabaissement a été demandé par le bénéficiaire une fois le plancher de la mezzanine déjà en place, ce qui limitait les options.
[63] De toute façon, le conciliateur a rejeté cet item car hors délai, encore une fois car il s’agissait d’une situation connue du bénéficiaire mais non dénoncée lors de l’inspection préréception.
[64] Le Tribunal constate que cet item n’a effectivement pas été dénoncé lors de la réception, malgré qu’il était apparent et connu du bénéficiaire.
[65] De plus, encore ici, aucune disposition du Règlement ne permet d’accorder un crédit sur le prix des travaux contractuels et aucune preuve n’a été soumise pour établir la valeur du crédit recherché.
Point 9 : Oxydation des cornières d’acier utilisées pour le retour de maçonnerie de la mezzanine
[66] Le bénéficiaire témoigne à l’effet que la membrane requise à la figure 5.6.1.2. -01.3 (p.2 de la pièce P-9) de la documentation fournie par la Garantie Construction Résidentielle (GCR) pour protéger le linteau (cornière d’acier) des murs de maçonnerie n’a pas été installée par l’entrepreneur.
[67] Il montre au Tribunal des photos (pièce P-9) qui montrent que les cornières en acier non galvanisé sont déjà oxydées lors de la réalisation des travaux.
[68] Il reproche à l’entrepreneur d’avoir tenté de corriger la situation en installant une membrane sous les linteaux plutôt que sur les linteaux, comme on le voit notamment à la photo figurant à la page 5 de la pièce P-9.
[69] Le bénéficiaire observe des traces orangées sur le scellant (photos pièce P-9) et s’inquiète de l’oxydation des linteaux.
[70] En conséquence, il demande que des travaux correctifs soient effectués par l’entrepreneur pour enlever la membrane posée dessous et plutôt poser la membrane par-dessus les linteaux, tel qu’illustré à la documentation de la GCR.
[71] L’entrepreneur explique pour sa part que la présence de linteaux résulte d’un amendement aux plans initiaux. Selon lui, la correction effectuée avec une membrane « Resisto » sous les linteaux (pièce « P-1 » des pièces soumises par l’entrepreneur) les recouvre bien et est suffisante.
[72] Il ne voit pas l’utilité d’enlever toute la maçonnerie pour installer une telle membrane derrière la maçonnerie, sur le dessus des linteaux, estimant que ce seraient des travaux d’une grande ampleur par rapport à leur utilité, étant donné que toutes les composantes du mur sont déjà en place derrière la maçonnerie et sont suffisantes selon lui pour en assurer l’étanchéité.
[73] De son côté, le conciliateur explique qu’il a également rejeté ce point car il n’a pas été dénoncé lors de l’inspection pré-réception, alors que le bénéficiaire lui avait transmis des photos de la problématique pendant la construction.
[74] Le Tribunal n’est pas de cet avis : le témoignage du bénéficiaire est crédible lorsqu’il explique qu’il avait dénoncé cette malfaçon par courriel à l’entrepreneur avant l’inspection préréception (page 2 de la pièce P-9), et que l’entrepreneur a accepté d’apporter des correctifs. C’est alors que l’entrepreneur a apposé la membrane « Resisto » sous les linteaux.
[75] Ainsi, le bénéficiaire explique que lors de l’inspection préréception, il était sous l’impression que le correctif était adéquat, car l’entrepreneur l’affirmait et les traces orangées n’étaient pas encore apparues aux abords de la membrane sur le coulis.
[76] Le Tribunal est d’avis qu’on ne peut conclure qu’il s’agissait d’une malfaçon apparente au sens du Règlement, d’autant plus que le bénéficiaire affirme qu’il n’a eu qu’un temps limité (2 heures environ) pour effectuer l’inspection préréception.
[77] Le conciliateur a précisé à l’audience que si cet item avait été dénoncé à la réception, il aurait considéré que l’oxydation présente au niveau des cornières d’acier ne respectait pas l’article 9.20.5.2, qui exige que les cornières soient ou bien galvanisées ou bien protégées par un apprêt les protégeant de la rouille. Vu leur état de corrosion observée, il aurait considéré qu’il s’agit d’une malfaçon.
[78] Il confirme que la maçonnerie étant poreuse, les cornières d’acier sont exposées à de l’eau et/ou de l’humidité même sous la maçonnerie et ne sont donc pas adéquatement protégées par les membranes « Resisto » posées sur leurs surfaces extérieures seulement.
[79] Le Tribunal adhère à l’explication fournie par le conciliateur et à sa conclusion à l’effet qu’il s’agit d’une malfaçon.
Point 10 : Demande d’arpentage de l’entrepreneur au nom du bénéficiaire
[80] Le bénéficiaire explique que malgré les repères d’implantation laissés par l’arpenteur, l’entrepreneur a coulé la semelle en empiétant sur la propriété voisine.
[81] La voisine en question ayant porté plainte, l’inspecteur de la ville a fait arrêter le chantier et a exigé que l’empiètement soit corrigé. L’entrepreneur a donc demandé à l’arpenteur de revenir pour refaire le marquage d’implantation.
[82] Le bénéficiaire soutient que ces frais additionnels de l’arpenteur (facture 19-570 de la pièce P-10) au montant de 838,83$ devraient être à la charge de l’entrepreneur.
[83] L’entrepreneur ayant fait défaut d’acquitter ladite facture malgré la demande de l’arpenteur, le bénéficiaire a dû l’acquitter lui-même pour que l’arpenteur accepte de finaliser son dossier. Il en demande donc le remboursement.
[84] L’entrepreneur explique pour sa part que l’arpentage était de la responsabilité du bénéficiaire en vertu du contrat.
[85] Les repères initialement installés par l’arpenteur ont servi lors de l’excavation, mais comme le terrain était très exigu, coincé entre deux bâtiments déjà existants, on risquait d’avoir perdu un ou des repère(s) lors de l’excavation.
[86] Comme la construction devait se faire en limite de propriété, l’entrepreneur a demandé un second arpentage sur les semelles existantes pour être certain que ce soit bien implanté avant de couler les fondations.
[87] Selon lui, l’arpenteur aurait dû valider avec son client, le bénéficiaire, s’il était d’accord pour procéder à ce second arpentage pour plus de sûreté, et le bénéficiaire demeure responsable de tous les frais d’arpentage requis par la situation particulière de sa propriété.
[88] De son côté, le conciliateur explique que le Règlement ne prévoit pas de disposition permettant de demander un tel remboursement, il ne peut donc le reconnaitre.
[89] Le Tribunal constate effectivement que le contrat prévoyait que l’arpentage était aux frais du bénéficiaire et que le Règlement ne prévoit pas de dispositions permettant d’octroyer le remboursement demandé.
Point 11 : Extra pour installation d’une 4e thermopompe sur la mezzanine
[90] Le bénéficiaire explique que le contrat prévoyait 3 thermopompes et que pour l’unité du niveau 2, vu la mezzanine, il fallait prévoir une thermopompe à double zone.
[91] L’entrepreneur ayant eu des doutes sur la faisabilité de cette installation, les parties se seraient rendues au chantier ensemble et auraient convenu d’une solution pour passer les conduits requis.
[92] Suite à cette rencontre, l’entrepreneur confirmait par courriel, le 11 février 2020, qu’il serait possible d’installer une unité à double zone en prévoyant une puissance d’au moins 24 000 BTU (courriel en page 4 de la pièce P-11).
[93] L’entrepreneur a par la suite avisé le bénéficiaire que ceci serait finalement impossible à réaliser et a donc facturé pour l’ajout d’une thermopompe pour la mezzanine (courriel du 5 février 2020 en page 3 de la pièce P-11). Le bénéficiaire a payé cet extra au montant de 2000$ taxes incluses (p. 12 de la pièce P-11).
[94] Le bénéficiaire soutient n’avoir jamais accepté cette solution et que celle-ci résulte en une problématique de contrôle de la température dans cette unité.
[95] Il est d’avis que la responsabilité devrait être partagée entre l’entrepreneur et lui-même à cet égard et demande donc le remboursement de la moitié de la facture de 2000$ déjà payée, soit 1000$.
[96] L’entrepreneur explique pour sa part que son devis technique prévoyait 3 thermopompes, soit une par étage.
[97] Il précise que la climatisation est un accessoire utile au confort des occupants, mais que ce n’est ni obligatoire au Code, ni prévu aux plans du bénéficiaire.
[98] Pour assurer une performance optimale, il aurait fallu avoir des plans d’un ingénieur mécanique qui aurait calculé les performances requises et prescrit les appareils et emplacements appropriés.
[99] Il témoigne avoir tenté de répondre à la demande du bénéficiaire quant à l’installation d’une thermopompe à deux zones pour l’étage de la mezzanine mais l’unité prévue initialement n’était pas assez performante pour ce faire.
[100] Il soutient que c’est donc avec le consentement du bénéficiaire qu’il a fourni une 4e thermopompe pour desservir la mezzanine.
[101] De son côté, le conciliateur réitère qu’aucune disposition du Plan ne permet de demander un remboursement, d’où son rejet de ce point.
[102] Le Tribunal doit encore une fois conclure, comme le conciliateur, qu’aucune disposition du Règlement ne permet de demander un remboursement ou un crédit.
Point 12 : Retard de livraison
[103] Le bénéficiaire fait valoir que le contrat prévoyait une livraison pour le 1er avril 2020, à moins d’un avis écrit transmis au bénéficiaire au moins 60 jours avant cette date si un retard de maximum 15 jours est prévu, à défaut de quoi les pénalités contractuelles du par. 2.4 s’appliquent (article 2 du Contrat pièce P-12).
[104] Le bénéficiaire témoigne à l’effet qu’aucun tel avis ne lui a été transmis.
[105] Sur la base du sommaire des acomptes, des photos et des échanges courriels produits en liasse en pièce P-12, le bénéficiaire est d’avis que l’avancement en était à 79% le 6 mars 2020.
[106] Au moment de l’ordre de fermeture des chantiers le 24 mars 2020 vu la pandémie, soit une semaine avant la date de livraison prévue, le bénéficiaire fait valoir que plusieurs sous-contrats n’étaient même pas encore octroyés, sur la base de divers courriels, photos et bon de commande produit en liasse en pièce P-12.
[107] Il fait donc valoir que cet arrêt dû à la pandémie ne peut pas expliquer à lui seul l’important retard de livraison, laquelle a eu lieu le 4 septembre 2020, soit environ 5 mois après la date de livraison contractuelle.
[108] Le bénéficiaire convient que la pandémie a causé du retard et demande donc que l’entrepreneur soit condamné à lui payer la pénalité contractuelle (article 7.1.1 du Contrat) pour la moitié du retard de livraison de 150 jours, soit 200$/jour pour 75 jours, représentant un montant de 15 000$.
[109] L’entrepreneur raconte que la situation de la pandémie a considérablement bouleversé ses opérations et qu’elle constitue une Force majeure, de sorte qu’on ne peut lui imputer la responsabilité pour l’ensemble des délais de livraison.
[110] Il explique qu’il avait demandé des soumissions à ses sous-traitants dès l’automne mais que plusieurs d’entre eux ont rencontré des difficultés d’approvisionnement dans le contexte de la pandémie, avant même l’arrêt des chantiers ordonné par le gouvernement du Québec.
[111] Il illustre ses propos par son courriel du 15 novembre 2019 au fournisseur de l’escalier en colimaçon, Nord-est Métal Inc., pour lui demander sa soumission, et de celui du 28 juillet 2020 de ce sous-traitant indiquant qu’il venait de recevoir ledit escalier (en liasse comme pièce D-8).
[112] Il fait également valoir que le bénéficiaire a parfois tardé à faire des choix de matériaux et de finition auprès de ses fournisseurs, ce qui est nié par le bénéficiaire.
[113] Dans les circonstances, il estime n’être responsable que de 20 à 25 jours ouvrables de retard et souligne que le calcul fait par le bénéficiaire du nombre de jours de retard qu’il réclame est en jours calendriers et non en jours ouvrables.
[114] De son côté, le conciliateur n’a pas reconnu ce point car en ce qui a trait à tous les délais liés à la pandémie, les bénéficiaires devaient être dirigés vers le programme spécial de la SHQ (Société d’habitation du Québec) qui prévoyait des compensations pour les retards de construction reliés à la pandémie de Covid.
[115] Par ailleurs, la fin des travaux prévue au Contrat était prévue pour le 1er avril 2020 et un préavis était requis en cas de retard prévu dans la livraison. Or, aucune preuve d’un tel avis ne lui a été fournie.
[116] En date de l’arrêt des chantiers ordonné le 24 mars 2020, il restait une semaine à l’échéancier contractuel avant la date prévue de livraison.
[117] L’arrêt des chantiers s’est prolongé jusqu’au 13 avril 2020, donc a duré 3 semaines. Or, l’entrepreneur a mis 4 mois et demi pour compléter les travaux après la reprise : le conciliateur estime que c’est beaucoup.
[118] Le conciliateur souligne que le montant de la pénalité contractuelle de retard ne peut être réclamé via le Plan de garantie, mais que le bénéficiaire peut démontrer des coûts réels de relocalisation qui sont couverts par le Plan de garantie jusqu’à concurrence d’une somme de 6 000$, tel que prévu aux articles 13 et 14 du Règlement.
[119] En l’espèce, le bénéficiaire a fourni des preuves convaincantes au montant de 4 425$ comme loyer effectivement payé pendant la période de retard de livraison, soit du 1er avril au 28 août 2020.
[120] Cependant, le bénéficiaire admet avoir bénéficié du programme de la SHQ qui vient de lui rembourser 4 000$ pour de tels frais de logement, laissant un solde de 425$ admissible.
[121] Le Tribunal concoure avec le raisonnement du conciliateur et vu l’absence d’avis de délai de livraison de la part de l’entrepreneur, il accordera la somme de 425$ représentant le solde non-compensé par la SHQ.
[122] Le Tribunal précise qu’il n’a pas compétence pour se prononcer sur l’applicabilité de la pénalité de retard prévue au contrat, car sa juridiction est limitée aux dispositions du Plan de garantie; les tribunaux de droits communs sont ceux compétents à cet égard.
Point 19 : Système d’échangeur d’air et récupérateur de chaleur
[123] Les parties avaient convenu de faire réaliser une expertise sur le système d’échangeur d’air et de récupérateur de chaleur.
[124] Cette expertise a été réalisée par Équilitech et recommandait le changement de l’appareil.
[125] Ce changement a déjà été effectué, mais les parties indiquent que certains tests restent à réaliser sur le nouvel appareil.
[126] Le Tribunal, à la demande des parties, réserve donc sa juridiction à cet égard.
REMARQUEs GÉNÉRALEs
[127] Notons que la présente décision s’inscrit dans le cadre strict de l’application du Règlement et de la couverture offerte par le Plan de garantie émis par l’Administrateur conformément à ce règlement.
[128] Il n’appartient pas au Tribunal dans la présente instance de décider de toute question en litige qui pourrait relever de l’application du droit commun ou d’autres lois qui pourraient s’appliquer au présent litige entre les parties.
[129] Le Tribunal tient à remercier chacune des parties pour leur collaboration, laquelle a permis un déroulement harmonieux de l’audience.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[130] RÉSERVE la juridiction du Tribunal d’arbitrage quant aux points 1 (remplacement d’une fenêtre) et 19 (système d’échangeur d’air et récupérateur de chaleur);
[131] CONVOQUE les parties à une conférence de gestion par visioconférence visant à disposer des points 1 et 19, à une date à être déterminée ultérieurement;
[132] REJETTE la demande du bénéficiaire quant aux points 4 (remplacement des cales de bois sous les terrasses de la mezzanine), 6 (absence de membrane drainante sur l’élévation latérale droite), 7 (absence de conduits de drainage au bas du mur de fondation sur la latérale droite du bâtiment), 8 (absence de la chape de béton léger au plancher de la mezzanine), 10 (demande d’arpentage de l’entrepreneur au nom du bénéficiaire) et 11 (extra pour installation d’une 4e thermopompe sur la mezzanine);
[133] MAINTIENT les décisions de l’Administrateur quant aux points 4, 6, 7, 8, 10 et 11;
[134] ACCUEILLE la demande formulée par le bénéficiaire quant au point 9 (oxydation des cornières d’acier utilisées pour le retour de maçonnerie de la mezzanine);
[135] ACCUEILLE PARTIELLEMENT la demande du bénéficiaire quant au point 12 (retard de livraison);
[136] ANNULE les décisions de l’Administrateur quant aux points 9 et 12;
[137] ORDONNE à Gestion-Or Concept Inc. (l’Entrepreneur) de corriger le vice de construction rattaché à l’absence de membrane drainante sur les linteaux conformément à la figure 5.6.1.2. – 01.3 « Solins dans les murs de maçonnerie » provenant de la Garantie Construction Résidentielle (pièce P-9);
[138] ORDONNE à Gestion-Or Concept Inc. (l’Entrepreneur) de s’exécuter d’ici le 1er octobre 2022, le délai étant un délai de rigueur, et, à défaut par l’Entrepreneur de s’y conformer, ORDONNE à l’Administrateur de les exécuter à l’intérieur d’un délai supplémentaire de quarante-cinq (45) jours de calendrier après l’expiration de ce premier délai sans autre avis ni délai;
[139] ORDONNE à Gestion-Or Concept Inc. (l’Entrepreneur) de payer au bénéficiaire la somme de 425$ dans les 30 jours de la présente décision, le délai étant de rigueur et qu’à défaut par l’Entrepreneur de rembourser cette somme au bénéficiaire dans ce délai, ORDONNE à l’Administrateur, comme caution des obligations de l’Entrepreneur en vertu du Règlement, de rembourser au bénéficiaire la somme de 425$ dans les trente (30) jours supplémentaires;
[140] RÉSERVE à l’Administrateur ses droits à être indemnisé par l’entrepreneur et/ou sa caution pour toute somme versée en ses lieux et place, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe II du Règlement), et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;
[141] LE TOUT, avec les frais d’arbitrage à la charge de l’Administrateur conformément au Règlement, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après expiration d’un délai de grâce de 30 jours.
Montréal, le 16 mai 2022
_______________________________________
Me Sophie Truesdell-Ménard
Arbitre
[1] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Desindes, [2004] no AZ-50285725 (C.A.), par. 43.