ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
Dossier no : GAMM : 2013-16-015
APCHQ: 197796-1
ARBITRE: 1500-016
ENTRE:
SENGKEO SISALITH
(ci-après la « Bénéficiaire »)
ET :
GROUPE IMMOBILIER TREMBLAY INC.
(ci-après l’« Entrepreneur »)
ET:
ASSOCIATION APCHQ
(ci-après l’« Administrateur »)
DÉCISION ARBITRALE
DEVANT L’ARBITRE : Me Jean Doyle
Pour la bénéficiaire Madame Sengkeo Sisalith
Monsieur Richard Gervais,
technologue professionnel
Pour l’administrateur de l’APCHQ : Me Manon Cloutier
Monsieur Jocelyn Dubuc, inspecteur-conciliateur au service de l’Adminis-trateur de Garantie des maisons neuves de l’APCHQ
Pour l’entrepreneur M. Serge Tremblay
M. Alain Beaulieu, inspecteur expert en bâtiment, membre en règle de l’ANIEB
Date d’audience 14 octobre 2014
Date de la sentence 20 novembre 2014
HISTORIQUE DU DOSSIER
- 8 avril 2013 En arbitrage - Dénonciation de la bénéficiaire à l’endroit du Groupe Immobilier Tremblay avec copie à l’administrateur de la Garantie reçue par ce dernier le 9 avril 2013
- Le 17 juin 2013 2e dénonciation de la bénéficiaire à l’entrepreneur et avec copie reçue chez l’administrateur de la Garantie le 28 juin 2013
- Le 19 juillet 2013 Autre dénonciation de la part de la bénéficiaire à l’endroit de l’entrepreneur avec copie reçue par l’administrateur de la Garantie le 8 août 2013
- 22 août 2013 Inspection par monsieur Jocelyn Dubuc, inspecteur auprès de l’Administrateur de la Garantie des maisons neuves
- 9 septembre 2013 Date de la décision de l’inspecteur-conciliateur de l’Administrateur de la Garantie des maisons neuves
- 3 octobre 2013 Demande d’arbitrage auprès du GAMM
- 7 octobre 2013 Assignation de l’arbitre soussigné
- 11 février 2014 Appel conférence téléphonique de gestion
- 15 mai 2014 Appel conférence téléphonique de gestion
- 9 juin 2014 Séance d’arbitrage - remise pour cause d’absence des témoins experts
- 14 octobre 2014 Séance d’arbitrage
LE MANDAT
[1] Les parties n’ont pas contesté la juridiction du tribunal et celle-ci est, par conséquent, confirmée;
[2] La séance d’arbitrage se rapporte strictement aux points 1 et 2 de la décision de l’administrateur du 9 septembre 2013;
[3] LES PIÈCES
a. Les pièces déposées par l’administrateur de la Garantie sont colligées dans un cahier de pièces portant 10 onglets pour les pièces suivantes :
A-1 Contrat préliminaire et contrat de garantie en date du 11 mars 2011;
A-2 Formulaire d‘inspection pré-réception en date du 28 août 2011;
A-3 Acte de vente en date du 31 août 2011;
A-4 Lettre de la bénéficiaire à l’administrateur en date du 8 avril 2013;
A-5 Avis de 15 jours de l’administrateur à l’entrepreneur en date du 8 juillet 2013;
A-6 Lettre de la bénéficiaire à l’entrepreneur en date du 17 juin 2013;
A-7 Lettre de la bénéficiaire à l’entrepreneur en date du 19 juillet 2013;
A-8 Avis de 15 jours de l’administrateur à l’entrepreneur en date du 9 août 2013;
A-9 Décision de l’administrateur en date du 9 septembre 2013;
A-10 Demande d’arbitrage en date du 3 octobre 2013.
[4] Les pièces suivantes avaient été produites au dossier du tribunal :
Par la bénéficiaire
B-1 Rapport d’expertise de Cerf-Plan Inc., expertise en bâtiment, daté du 16 décembre 2013;
Pour l’entrepreneur
E-1 Sommaire de rapport / rapport d’inspection de AB Multi Inspection Inc., daté du 9 mai 2014;
LES FAITS
[5] Une visite des lieux a été tenue en présence de l’arbitre soussigné et des témoins présents le 14 octobre 2014;
[6] L’audition des témoins s’est tenue à la résidence de la bénéficiaire;
[7] Les témoignages se sont déroulés comme suit :
Témoignage de madame Sengkeo Sisalith
[8] Au début tout était impeccable lorsqu’elle a emménagé dans sa nouvelle résidence;
[9] Puis au bout de quelques mois, elle a noté de l’espace entre les lattes de bois au plancher du rez-de-chaussée et s’en est plainte au contremaître de l’entrepreneur;
[10] Ce dernier (Dave) lui a assuré que c’était normal. Le contremaître, qui a pris la relève, par la suite, lui a répété qu’une telle situation s’avérait normale;
[11] Nous étions rendus alors au mois de janvier 2012;
[12] Diverses personnes contactées, chez l’entrepreneur, lui ont affirmé, dans les mois suivants, que la situation rencontrée était normale, dans la perspective d’une maison neuve dont le taux d’humidité devait se stabiliser;
[13] Suite à ce témoignage de la bénéficiaire relativement au point en litige numéro 1, il y a lieu de statuer immédiatement sur le bien-fondé de la demande d’arbitrage;
POINT NO 1 - PLANCHER DU REZ-DE-CHAUSSÉE
[14] Madame Sisalith a pris possession de sa propriété le 28 août 2011, tel qu’il appert au formulaire d’inspection pré-réception qu’elle a signé le 28 août 2011;
[15] Sa dénonciation de la problématique relative au plancher du rez-de-chaussée est datée du 8 avril 2013 et reçue chez l’administrateur de la Garantie le 9 avril 2013, soit près de deux ans après la prise de possession.
[16] De plus, tel qu’il ressort du témoignage de madame Sisalith, elle avait constaté cette problématique environ un an avant la dénonciation.
[17] Le contrat de garantie signé par madame Sisalith, apparaissant en A-1 signé le 1er mars 2011, stipule au paragraphe 3.2 :
« 3.2 Vice et malfaçon : La Garantie des bâtiments résidentiels neuf de l’APCHQ Inc. réparera les vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil du Québec et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les trois (3) jours qui suivent la réception;
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. réparera les malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, malfaçons qui sont visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil du Québec et qui sont dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte des malfaçons. »
[18] Que l’on se reporte à la Garantie contre les vices et malfaçons apparents ou à la garantie des vices cachés, définie à l’article 3.3 du contrat de garantie, on constate que dans les deux cas, peu importe la situation que l’on retrouve au présent litige, la bénéficiaire devait dénoncer à l’entrepreneur et à l’administrateur de la garantie la situation observée dans les six (6) mois de sa découverte.
[19] Cette garantie de l’administrateur est conforme au règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs à l’article 10 par. 3 et 4 qui se lisent comme suit :
« 10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
1. . . .
2. . . .
3. La réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4. La réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil; »
[20] C’est, à juste titre, que la procureure de l’administrateur de la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. attire l’attention du tribunal sur le délai couru de plus de six mois, dans les circonstances, et lui rappelle les décisions rendues par les différentes juridictions qui ont eu à débattre de ces délais, tel qu’il appert, entre autres, dans deux causes :
[21] Dans Pierre Florent et 9054-4651 Québec Inc. et la Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, l’arbitre Claude Mérineau statuait comme suit, le 18 septembre 2006 :
« [16] L’arbitre reconnaît également qu’il s’est écoulé presque 14 mois entre la date de découverte du désordre et sa dénonciation à l’administrateur, délai qui excède le délai raisonnable de six mois de sa découverte prescrit par l’article 27 du Règlement.
Décision
[17] L’arbitre ne doute pas de la bonne foi du bénéficiaire qui a cru en la collaboration de l’entrepreneur qui a effectué de nombreux travaux pour corriger les vices de constructions dénoncés à l’intérieur du délai de 5 ans depuis la réception de la partie privative du bâtiment, mais il doit tenir compte que le contrat de garantie exige que la dénonciation soit faite directement à l’entrepreneur et à l’administrateur dans le délai de six mois de la découverte du désordre.
[18] Pour ces motifs, l’arbitre rejette la réclamation du bénéficiaire et maintient la décision de l’administrateur. »
[22] Dans une autre affaire de Syndicat de copropriété 7000 Chemin Chambly et Landry & Pépin Construction Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. l’arbitre, Me Michel A. Jeanniot, statuait comme suit :
« [17] La jurisprudence arbitrale (sous l’égide du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs) et l’état du droit tel que dicté par les tribunaux de droit commun est claire.
[18] A cet effet, je ferai miens les propos de notre collègue et arbitre Me Jean Philippe Ewart :
« En résumé, la dénonciation prévue à l’article 10 du Règlement se doit d’être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de six mois prévu au même article emporte et est un délai de déchéance, et si ce délai n’est pas respecté, le droit des Bénéficiaires à la couverture du plan de garantie visé et au droit à l’arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés. »2
[19] Une des conséquences de la déchéance de la perte ou forclusion d’exercice d’un droit particulier, tel que dans le cas sous étude est le fait que le droit du Bénéficiaire de requérir la couverture du plan de garantie n’est pas sujet aux dispositions de la suspension ou de l’interruption de la prescription applicable dans le cas des présentes. En situation de déchéance, le droit s’éteint dès que la période est expirée. Le titulaire du droit de ce fait ne peut même plus invoquer celui-ci par voie d’exception.
[20] Tenant compte de ce qui suit, il n’est pas nécessaire de répondre en détails à tout autre volet ou moyen soulevé.
[21] Il s’agit d’un délai de déchéance et pour toutes ces raisons, je ne pourrai donner suite à la demande du Bénéficiaire quant à ce point. »
[23] Dans les présentes circonstances et pour toutes les raisons ci-haut décrites, le Tribunal n’a d’autre choix que de MAINTENIR la décision de l’administrateur sur le point no 1 de sa décision portée en arbitrage et relatif aux planchers de bois défectueux au rez-de-chaussée et REJETTE la demande d’arbitrage de la bénéficiaire en conséquence.
POINT NO 2 - MOISISSURES SUR LE PLANCHER DU SOUS-SOL
[24] Dans sa décision apparaissant en A-9, monsieur Jocelyn Dubuc inspecteur-conciliateur pour l’administrateur de la Garantie statuait comme suit :
« Les faits
À l’été 2013, la bénéficiaire dit avoir découvert la présence de moisissures sur le plancher flottant de la chambre avant gauche du sous-sol.
Dès le 19 juillet 2013, elle adresse une lettre à l’entrepreneur pour l’informer de la situation et lui demande d’apporter les correctifs requis. Une copie de cette correspondance a été reçue par l’administrateur le 8 août 2013.
Notre visite du 22 août 2013 aura permis de constater qu’effectivement, il y a présence de quelques traces de moisissures sur le plancher flottant de la chambre avant gauche au sous-sol. Ce qui est plutôt étonnant, c’est que dans le même secteur, on observe des boursouflures anormales à la surface du plancher.
Ce qui est encore plus étonnant, c’est que la zone qui est principalement affectée par les dommages et les moisissures se situe tout près d’une cloison intérieure qui est adjacente à la salle familiale. Il n’y a donc aucune possibilité d’infiltration d’eau par la fondation à cet endroit. D’ailleurs, la bénéficiaire affirme n’avoir jamais constaté d’infiltration d’eau dans le sous-sol à ce jour.
ANALYSE ET DÉCISION (point 2) :
Considérant que la réception du bâtiment a eu lieu le 28 août 2011, on constate que la situation décrite au point 2 fut découverte par la bénéficiaire dans la deuxième année de la garantie, c’est-à-dire en juin 2013.
Par conséquent, pour statuer sur ce point, l’administrateur doit faire appel à l’article 10.4 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs portant sur le vice caché.
« 10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
4e la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil; »
Pour les fins d’application de l’article 10.4 du Règlement, le point 2 doit répondre à tous les critères du vice caché, à savoir :
a) Le vice doit être inconnu de la bénéficiaire au moment de recevoir le bâtiment;
b) Le vice doit être caché;
c) Le vice doit être antérieur à la vente;
d) Le vice doit être grave au point de rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné ou diminuer tellement son utilité que la bénéficiaire ne l’aurait pas acquis ou n’aurait pas donné si haut prix si elle l’avait connu. La gravité du vice doit d’abord et avant tout s’évaluer en fonction du déficit d’usage, autrement dit, des limitations qu’il pose aux occupants des lieux.
Dans le présent cas, l’administrateur n’a été en mesure d’identifier aucun vice caché pouvant être à l’origine des dommages que l’on observe au plancher. Tel que mentionné précédemment, la zone problématique ne se situe pas le long d’un mur extérieur et qui plus est, la bénéficiaire affirme n’avoir constaté aucune infiltration d’eau à ce jour.
L’administrateur ne peut qu’en déduire qu’il y a vraisemblablement eu un déversement d’eau accidentel à cet endroit, ce qui ne saurait relever de la responsabilité de l’entrepreneur.
L’administrateur en vient donc à la conclusion qu’il y a absence de vice caché. Au surplus, les dommages que dénonce la bénéficiaire sont exclus de la garantie en vertu de l’article 12.3 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
« 12. Sont exclus de la garantie :
3o les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire; »
Pour ces motifs, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation de la bénéficiaire à l’égard du point 2.
CONCLUSION
POUR TOUS CES MOTIFS, L’ADMINISTRATEUR :
NE PEUT CONSIDÉRER la demande de réclamation de la bénéficiaire pour les points 1 et 2. »
Témoignage de madame Sengkeo Sisalith
[25] Madame Sisalith ne s’est effectivement jamais rendu compte d’une problématique avec le plancher de la chambre d’ami au sous-sol.
[26] Elle a senti une mauvaise odeur, lorsqu’à un moment donné, elle a voulu préparer cette chambre avant l’arrivée de son frère, pour un séjour de courte durée;
[27] Elle n’avait jamais remarqué une odeur aussi forte et n’avait non plus remarqué, à aucune occasion, qu’il pouvait y avoir eu de l’eau sur le plancher.
[28] Elle a alors constaté que des petites bosses soulevaient les lattes de plancher flottant.
[29] Un peu plus tard, elle a remarqué qu’une grosse bosse avait fait son apparition.
[30] Lors d’une forte pluie, elle a porté une attention particulière et remarqué que le plancher devenait mouillé et qu’on sentait de l’eau perler lorsqu’on marchait.
[31] En réponse aux questions de la procureure de l’administrateur, madame Sisalith explique qu’elle a ajouté une mince couche de poussière de roche sur l’allée parcourant le côté gauche de sa résidence, parce que « la terre était trop sale » lorsqu’on y marchait.
[32] Elle ne savait absolument pas que la hauteur de ses fenêtres de sous-sol exigeait l’installation de margelles.
[33] Elle a fait les travaux de terrassement elle-même et affirme qu’elle n’a absolument pas compacté la poussière de roche ajoutée.
[34] Au sujet de sa dénonciation du 19 juillet 2013 apparaissant en A-7 et concernant un problème de moisissure qui est soudainement apparu au plancher du sous-sol, madame Sisalith affirme qu’elle a, dans un premier temps, dénoté une odeur nauséabonde qui se dégageait dans la chambre d’amis, au sous-sol, et qu’elle a, par la suite, comme elle l’a déjà mentionné, dénoté des bosses sur les lattes de plancher et, aussi, des traces blanches qu’elle a pu confondre entre efflorescence et moisissures.
[35] Étant donné que des éléments de preuve au dossier laissent entendre que madame aurait entretenu des plantes au sous-sol, elle affirme que c’est plutôt dans le garage qu’elle entretient les plantes. Il est possible que, lors du passage de l’expert de l’entrepreneur, elle ait dû, auparavant, les déplacer au sous-sol pour fins de travaux momentanés dans le garage.
[36] Madame Sisalith reprend également son témoignage antérieur à l’effet que la couche de poussière de roche, qui a été ajoutée à la surface du passage piétonnier au côté gauche de la maison, est très mince et ne peut, en aucun cas, avoir influencé de quelque façon que ce soit la hauteur entre le sol, tel que nivelé par l’entrepreneur, et la base de la fenêtre du sous-sol, qui semble accuser une infiltration d’eau.
Témoignage de monsieur Richard Gervais
[37] Monsieur Gervais a été reconnu comme expert par les parties et par le tribunal. M. Gervais travaille pour la firme Cerf-Plan Inc.
[38] S’appuyant sur son rapport rédigé le 16 décembre 2013 et faisant suite à une visite des lieux en date du 19 novembre 2013, monsieur Gervais partage ses constatations avec le tribunal de la façon suivante :
[39] Il nous réfère à la page 10 de son rapport, photo # 3, où l’on peut voir qu’il n’y a aucun calfeutrant autour de la fenêtre visée au sous-sol. Tel qu’on peut constater à la photo # 4, la finition de l’isolant, autour de la fenêtre, est très déficiente.
[40] Monsieur Gervais informe le tribunal que la hauteur du sol par rapport à la base de la fenêtre du sous-sol, à l’extérieur, doit être d’au moins 150 mm (6 pouces), à défaut de quoi une margelle est nécessaire.
[41] Monsieur Gervais attire notre attention aux photos 4 et 7 de son rapport qui démontrent que cet espacement minimum n’est pas respecté.
[42] Par ailleurs, tel qu’il appert aux photos numéros 3, 4, 5, 6, 7 et 8 aucune fenêtre ne présente une finition uniforme et évidemment étanche. Aucun calfeutrant n’y apparaît non plus. Même si un calfeutrant ne saurait, à lui seul, faire tout le travail d’étanchéité.
[43] La photo #10, apparaissant en page 13 de son rapport, porte le témoin à conclure que les boursouflures sur le plancher ne peuvent résulter d’aucune façon du lavage de ce dernier parce que les lattes de plancher se disjoindraient dans de telles circonstances.
[44] C’est évident, selon le témoin, que ces boursouflures résultent d’une infiltration d’eau sous le plancher.
[45] La photo #14 en page 15, du rapport du témoin expert, affiche quelques taches qui laissent soupçonner qu’il y a de l’eau derrière la finition de placo plâtre et qu’un détecteur à infrarouge doit être utilisé pour démonter les variations de température.
[46] La photo # 15 exhibe les travaux effectués pour ouvrir le mur et en montrer l’intérieur qui paraît évidemment humide et taché par l’eau qui s’y est infiltrée.
[47] La photo # 17 montre l’intérieur du mur, cerné, et l’isolant taché.
[48] Les photos # 18 et 19 font preuve du taux d’humidité apparaissant à l’intérieur du mur du sous-sol ainsi que sous le plancher.
[49] Par ailleurs, le taux d’humidité ambiant dans la chambre d’amis est de 29.5% tel qu’il appert à la photo # 21.
[50] La démonstration est faite que l’humidité ambiante est pratiquement idéale et ne peut être mise en cause et qu’ainsi la seule cause de l’infiltration dans le mur extérieur sous la fenêtre du sous-sol ainsi que sous le plancher du sous-sol dans la chambre d’amis est une infiltration d’eau au pourtour de ladite fenêtre.
[51] En réponse au contre-interrogatoire de la procureure de l’administrateur de la garantie, le témoin affirme que même s’il y avait une différence de niveau de 150 mm entre le sol aplani par l’entrepreneur et le bas de la fenêtre, l’entrepreneur doit quand même considérer l’environnement de la propriété et particulièrement la différence de niveau entre le sol de celle-ci et le sol plus élevé de la propriété voisine, ainsi que l’égouttement des eaux de gouttières des deux propriétés.
[52] Le témoin affirme également que la problématique, ici, est le manque d’étanchéité des fenêtres exposées aux intempéries et par l’apport d’eau excessif, favorisé par la hauteur du terrain voisin qui, dans certaines circonstances, peut provoquer que de l’eau s’infiltre par le bas de la fenêtre. Mais selon le témoin, toujours, c’est surtout lors de pluies abondantes que l’eau doit sûrement s’infiltrer au pourtour de la fenêtre et non pas par une accumulation d’eau, sous la fenêtre, jusqu’à sa base.
[53] L’opinion du témoin est à l’effet que la hauteur de la base de la fenêtre inférieure à 150 mm par rapport au sol ne peut pas provoquer les infiltrations ici. Il s’agit plutôt d’infiltration par l’eau de pluie, lorsqu’il y a pluie abondante accompagnée de vents favorables.
Témoignage de monsieur Serge Tremblay, représentant de l’entrepreneur
[54] Monsieur Tremblay est entrepreneur général et œuvre dans le domaine de la construction depuis 1986
[55] Selon lui, la fissure visible au coin inférieur gauche de la fenêtre, qu’on peut percevoir à la photo # 4 du rapport de Cerf-plan Inc., est une fissure de retrait et ne peut laisser l’eau s’infiltrer.
[56] Selon lui, l’eau entre par le bas de la fenêtre, après s’être accumulée, soit au moment de la fonte des neiges, soit lors de fortes pluies parce que le sol, fini en gravier compactable, empêche l’eau de s’infiltrer dans le sol et d’être évacuée.
[57] S’il n’y a aucun crépi à l’extérieur du mur de fondation, c’est qu’il s’agissait là d’une option que la bénéficiaire n’a pas choisi d’ajouter à son contrat d’achat.
[58] L’entrepreneur affirme également que l’acheteur doit faire appliquer le crépi dans les meilleurs délais possibles, puisqu’il ne s’agit pas d’un matériau ajouté uniquement pour l’esthétique, mais qu’il a une fonction d’imperméabilisation!
[59] En réponse aux questions de Me Cloutier, l’entrepreneur mentionne que le goudron appliqué sur la fondation de béton empêche l’infiltration d’eau à travers celui-ci.
[60] Le technicien en charge de l’application du goudron n’a pas à répondre à des mesures précises, ni d’exigence précise. Il fait ça « à l’œil » pour arriver à une hauteur raisonnable, tenant compte de la finition éventuelle du sol et du bas des fenêtres de sous-sol.
Témoignage de monsieur Serge Beaulieu, de Multi-Inspection
[61] Monsieur Beaulieu est l’inspecteur de Multi-Inspection retenu par l’entrepreneur.
[62] Monsieur Beaulieu ne fait pas partie de l’Ordre des Technologues mais est cependant reconnu régulièrement à la Cour, alors qu’il a témoigné dans plusieurs causes. Il est particulièrement expert dans la constatation et la correction des problèmes de moisissures. Il travaille à la décontamination des propriétés et, a d’ailleurs, pour ce faire, une certification universitaire.
[63] Monsieur Beaulieu a aussi appris, au fur et à mesure de ses quelque deux mille inspections. Il a effectué principalement des inspections préachat dans les domaines résidentiel et commercial.
[64] Suite à un débat sur la qualification d’expert de monsieur Beaulieu, le tribunal en arrive à la décision qu’il reconnaîtra son expertise, en ce qui a trait aux infiltrations d’eau, mais non à la problématique de plancher du rez-de-chaussée, dont le sort a été réglé plus avant dans la présente sentence.
[65] Monsieur Beaulieu a constaté, lors de sa visite en date du 24 avril 2014, que la pente naturelle du terrain allait de l’arrière vers l’avant de façon régulière. Ce qui est normal.
[66] Sans avoir mesuré l’épaisseur de la couverture de petite pierre, il affirme cependant que celle-ci, lorsque compactée, peut devenir ferme comme du béton et faire obstacle à toute infiltration d’eau permettant son évacuation soit par l’absorption naturelle du terrain soit par le drain français.
[67] Le problème, selon le témoin, origine du terrain voisin qui s’égoutte entièrement, tant à la fonte des neiges que lors de fortes pluies, par les gouttières qui s’évacuent vers la propriété de la bénéficiaire. L’eau, ainsi évacuée du terrain voisin, stagne sur la propriété de la bénéficiaire, dont le terrain accuse une pente négative vers la maison et monte graduellement le long de la fondation, pour atteindre la base de la fenêtre du sous-sol.
[68] Non seulement les gouttières du voisin évacuent l’eau de la moitié de la toiture de cette résidence, mais il en va de même de la toiture de la résidence de la bénéficiaire, dont les gouttières évacuent l’eau également le long de la fondation du côté gauche.
[69] Il faudrait éventuellement que la bénéficiaire pense à l’installation d’un drain agricole pour capter l’eau en provenance de la propriété voisine. Il faudrait également songer à corriger la pente négative pour la rendre positive et voir, en conséquence, à l’installation éventuelle de margelles.
[70] La pose du crépi est également nécessaire (!) car il a une fonction d’imperméabilisation et non pas seulement une fonction esthétique.
[71] En réponse aux questions de Me Cloutier, l’entrepreneur affirme que c’est lui qui a construit la propriété voisine, plus élevée que la propriété de la bénéficiaire et qu’il n’avait pas le choix de procéder à un dénivellement des deux propriétés, parce que la rue accuse une pente naturelle de la propriété voisine vers la propriété de la bénéficiaire.
Témoignage de monsieur Jocelyn Dubuc
[72] Monsieur Dubuc est inspecteur-conciliateur auprès de l’administrateur de la Garantie des maisons neuves.
[73] Lors de sa visite des lieux le 22 août 2013, il n’a aperçu aucun signe d’infiltration d’eau au sous-sol.
[74] Il a cependant remarqué des bosses, dans le plancher, près de la salle familiale, pas près de la fenêtre.
[75] Madame Sisalith lui a mentionné qu’elle n’avait jamais remarqué d’infiltration d’eau ou de flaque d’eau sur le plancher.
[76] Sa conclusion, quant à l’application de la Garantie dans la présente circonstance, fut qu’il s’agissait d’un vice caché, parce que la déficience n’a été découverte qu’en 2013, soit dans les deux années suivant la construction et la prise de possession de la propriété.
[77] Son analyse imposait la conclusion suivante :
« . . . l’administrateur n’a été en mesure d’identifier aucun vice caché pouvant être à l’origine des dommages que l’on observe au plancher. Tel que mentionné précédemment, la zone problématique ne se situe pas le long d’un mur extérieur et qui plus est, la bénéficiaire affirme n’avoir constaté aucune infiltration d‘eau à ce jour ».
[78] Cette analyse doit maintenant être révisée et amendée puisque l’eau, ce qui lui paraît maintenant évident, provient de la fenêtre, sans déterminer si c’est tout le tour ou strictement par la base de la fenêtre.
[79] Il constate, dans un deuxième temps, que cette infiltration peut avoir pour cause additionnelle l’absence de margelle, pourtant nécessaire par le manque de distance entre la surface du sol et la base de la fenêtre.
[80] Tel qu’on peut constater par la hauteur de l’application du goudron, qui est d’environ 4 pouces sous la base de la fenêtre, il paraissait alors évident, lors d‘une inspection simple de la part de l’entrepreneur, que des margelles étaient requises.
[81] Les margelles s’avéraient une nécessité évidente dès le départ.
[82] En argumentation, Me Cloutier, procureure de l’administrateur de la Garantie, rappelle au tribunal que sa juridiction est commandée par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[83] Quant au point numéro 2, relatif à la dénonciation pour des moisissures qui finalement se traduit par une dénonciation pour problème d’infiltration d’eau, l’opinion de l’administrateur de la Garantie est à l’effet qu’il y a effectivement infiltration d’eau, suite à l’étude de l’opinion de monsieur Richard Gervais et l’administrateur conclut qu’il y a vice caché couvert en vertu de la Garantie.
ANALYSE
[84] Les experts de l’entrepreneur et de la bénéficiaire s’accordent pour dire que le débit important d’eau, provenant de la fonte des neiges, ainsi que l’évacuation de l’eau par les gouttières par les deux propriétés voisines sont une cause probable d’accumulation et d’infiltration d’eau par le bas de la fenêtre du sous-sol.
[85] L’autre cause probable, non négligeable, avancée par le témoin expert produit par le bénéficiaire, est le manque d’étanchéité du pourtour de la fenêtre, non calfeutré, qui peut laisser pénétrer l’eau de pluie accompagnée de vents.
[86] Il apparaît clairement que l’infiltration d’eau provient de l’absence d’étanchéité du pourtour de la fenêtre. Soit que cette déficience laisse filtrer l’eau de pluie, soit l’eau évacuée en grande quantité par le terrain voisin surplombant le terrain de la bénéficiaire. Toute cette eau, lors de conditions favorables, s’accumule suffisamment haut pour s’infiltrer par la base de la fenêtre.
[87] Dans les deux cas, il y a manque d‘étanchéité de la fenêtre. Au surplus, si les dommages sont causés parce que l’eau monte à plus de quatre pouces de la surface du terrain à la base de la fenêtre, ce qui paraît considérable aux yeux du tribunal, il aurait dû y avoir installation de margelles.
[88] Dans les deux cas, l’entrepreneur paraît, sans hésitation, responsable de l’infiltration d’eau, par ladite fenêtre du sous-sol donnant sur la chambre d’amis de la résidence de la bénéficiaire et il doit corriger la situation.
[89] L’entrepreneur devra, par conséquent, procéder à l’installation de margelles sur le côté gauche de la résidence de la bénéficiaire, et à une meilleure étanchéisation des deux fenêtres du sous-sol situées sur le côté gauche de la résidence de la bénéficiaire. Il devra aussi remettre les murs et plancher de la chambre d’amis, située au sous-sol de la résidence, particulièrement le mur extérieur gauche et le mur de division entre la chambre d’amis et la salle familiale ainsi que le plancher complet de ladite chambre dans leur état original.
[90] Il serait souhaitable qu’un drain agricole soit inséré sous l’allée située sur le côté gauche de la propriété de la bénéficiaire.
DÉCISION
POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL
Le Tribunal ACCUEILLE la demande d’arbitrage de la bénéficiaire datée du 8 avril 2013;
ORDONNE à l’entrepreneur d’apporter les correctifs ci-haut décrits comme suit :
PROCÉDER à l’installation de margelles aux deux fenêtres du sous-sol donnant sur le côté gauche de la résidence de la bénéficiaire;
PROCÉDER à une meilleure étanchéisation des deux fenêtres du sous-sol donnant sur le côté gauche de la résidence de la bénéficiaire;
PROCÉDER à remettre les murs et plancher de la chambre d’amis, située au sous-sol de la résidence, particulièrement le mur extérieur gauche et le mur de division entre la chambre d’amis et la salle familiale ainsi que le plancher complet de ladite chambre dans leur état original.
LE TOUT dans un délai de trente (30) jours à compter de la présente ou, si la période hivernale l’en empêche, dans les quarante-cinq (45) jours suivant le 15 avril 2015.
ORDONNE que le coût du présent arbitrage soit défrayé selon les dispositions de l’article 123 du Règlement des bâtiments résidentiels neufs.
MONTRÉAL, le 20 novembre 2014
__(S) Jean Doyle, avocat, arbitre
1Pierre Florent et 9054-4651 Québec Inc. et la Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, l’arbitre Claude Mérineau, le 18 septembre 2006
2 Syndicat de copropriété 7000 Chemin Chambly et Landry & Pépin Construction Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. l’arbitre, Me Michel A. Jeanniot,