TRIBUNAL D’ARBITRAGE
Sous légide du
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
CCAC : S16-072901-NP ENTRE
QH: OO2-162
GABRIELLA ET DAN DUMITRU
c.
IMMOBILIER VERIDIS I INC.
’’Entrepreneur’’
Et
GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC
’’Administrateur’’
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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE
GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-88 du 17 juin 1998)
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DÉCISION ARBITRALE RENDUE LE 20 MARS 2017
SUR REQUÊTE EN PRÉCISION
YVES FOURNIER ARBITRE
IDENTIFICATION DES PARTIES
BÉNÉFICIAIRES : GABRIELA et DAN DUMITRU
[...]
LAVAL, (QUÉBEC)
[...]
ENTREPRENEUR : IMMOBILIER VERIDIS I INC.
1440, STE-CATHERINE OUEST, # 220
MONTRÉAL, (QUÉBEC)
H3G 1R8
ADMINISTRATEUR : GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC
Personne moralement constituée dont le siège social est situé au :
9200, BOUL. MÉTROPOLITAIN EST,
MONTRÉAL, (QUÉBEC)
H1K 4L2
REPRÉSENTÉE PAR
Me FRANÇOIS-OLIVIER GODIN
DÉCISION SUR REQUÊTE EN PRÉCISION
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PRÉAMBULE
1-Par voie d’échanges de courriels les parties ou leur représentant ont formulé une demande de précision visant l’interprétation d’un passage de la décision rendue par le soussigné en date du 3 mars 2017.
2- La décision visait notamment quelle méthode de réfection des plancher en bois devait être retenue. Au terme de l’audition le Tribunal a retenu en partie la décision de l’Administrateur soutenue par l’ingénieur de l’Entrepreneur et en partie par la méthode de l’ingénieur des Bénéficiaires.
3- Au terme de cette décision, le Tribunal dans l’une de ses conclusions écrivait ceci :
ORDONNE à l’Administrateur de retenir les services d’un ingénieur spécialisé en structure de bâtiment lequel sera chargé de surveiller les travaux selon un agenda défini par l’Administrateur;
ORDONNE à l’ingénieur choisi par l’Administrateur de faire rapport écrit pour chacune de ses visites et il devra fournir à la fin des travaux une attestation écrite quant à la conformité des travaux au Code du Bâtiment, aux règles de l’art et aux usages courants du marché et ce, tant aux Bénéficiaires qu’à l’Administrateur ainsi qu’une copie signée de son rapport;
6- Devant cette requête le Tribunal s’adressa aux autres parties pour obtenir
leur consentement en ciblant la requête des Bénéficiaires. Elles ont toutes acquiescé en insistant sur l’urgence que décision soit rendue.
QUESTION SOUMISE
7- En ordonnant que l’Administrateur retienne les services d’un ingénieur spécialisé en structure de bâtiment lequel serait chargé de surveiller les travaux et en ordonnant que l’ingénieur désigné fasse rapport des travaux exécutés et qu’il fournisse une attestation écrite de la conformité des travaux conformément au Code du Bâtiment et aux règles de l’art, le Tribunal permettait-il a l’Administrateur de choisir l’ingénieur qui avait été retenu par l’Entrepreneur lors de l’audition? Telle est la question a laquelle le Tribunal doit répondre.
POSITION DES PARTIES
BÉNÉFICIAIRES:
8- Les Bénéficiaires soumettent qu’aucun des deux ingénieurs qui ont témoigné pour eux ou pour l’Entrepreneur ne peuvent être retenus comme ingénieur désigné par l’Administrateur car ils sont en conflit d’intérêts. (1)
ENTREPRENEUR :
9- L’Entrepreneur s’est limité à dire qu’il s’en remettait à la décision du Tribunal.
ADMINISTRATEUR :
10- L’Administrateur souligne que la méthode de correction soumise par l’ingénieur Vasquez a été retenue par le Tribunal. Ce dernier est parfaitement qualifié tel que l’énoncé de son curriculum vitae l’a confirmé.
11- De plus, selon l’Administrateur, puisque l’ingénieur Vasquez n’est ni employé de l’entrepreneur ou de l’administrateur, celui-ci est indépendant. D’ailleurs, il a été reconnu par le Tribunal comme un expert ce qui implique nécessairement que le Tribunal reconnaît son impartialité. Il référe à cet effet à l’article 22 du Code de procédure civile : (2)
L’expert dont les services ont été retenus par l’une des parties
ou qui leur est commun ou qui est commis par le tribunal a pour
mission, qu’il agisse dans une affaire contentieuse ou non
contentieuse, d’éclairer le tribunal dans sa prise de décision.
Cette mission prime les intérêts des parties.
12- Finalement on allègue que l’ingénieur Vasquez est le mieux placé pour survailler les travaux puisque c’est lui qui a développé la méthode corrective.
DISCUSSION
13- Il est désolant que la dernière décision ait conduit à une forme d’incompréhension pour certains et à un conflit d’interprétation. Dans l’écriture d’une décision l’un des pricipaux objectifs consiste à communiquer de façon intelligible. Les mots utilisés doivent être appropriés pour représenter fidèlement la volonté du décideur. En bout de piste il faut rédiger de façon à ce que les parties comprennent le jugement sans questionnement et ce, dans son entièreté.
15- L’administrateur ou le gestionnaire lorsqu’il se voit confier une tâche ou un mandat par l’arbitre doit agir avec impartialité, neutralité, équité et intégrité. L’apparance ou la perception est une des caractéristiques primordiales de ces derniiers concepts. (3)
17- La Commission de la fonction publique, dans l’affaire McKendry et le Conseil du Trésor(4) s’exprimait dans ces termes en regard du conflit apparent:
¨(Traduction) Un conflit d'intérêts ou l'apparence
d'un tel conflit peut facilement être reconnu, par un
citoyen sensé comme étant contraire à la politique
publique. Le doyen Manning a cité l'exemple extrême
d'un vérificateur d'impôt gouvernemental qui vérifierait
son propre rapport d'impôt acte que tout être
raisonnable reconnaîtrait spontanément comme étant
inapproprié, peu importe combien grande est l’intégrité
du vérificateur. Un nombre infini d'autres exemples,
(Je souligne)
18- Ceci dit, je dois conclure que l’Administrateur aurait dû reconnaître,
sans grand questionnement, qu’il y avait ici apparence de conflit d’intérêts pour l’ingénieur désigné. L’ingénieur avait été pour les fins de la sentence arbitrale le conseiller, l’ingénieur, l’expert de l’Entrepreneur. En même temps l’Entrepreneur était le client du même ingénieur.
19- De son côté, l’ingénieur Vasquez aurait également dû faire valoir à l’Administrateur qu’il était en conflit d’intérêts et ce, pour les mêmes raisons.
20- Pour l’ingénieur, un conflit d’intérêts naît lorsque son jugement professionnel est influencé par des considérations qui ne relèvent ni de l’intérêt du client, ni de l’intérêt du public (5). Cette notion vise non seulement le conflit d’intérêts réel, mais également le conflit apparent ou potentiel. Donc, l’ingénieur qui donne l’impression d’être en conflit d’intérêts enfreint l’article 3.05.03 du Code de Déontologie des Ingénieurs (5) :
L’ingénieur doit sauvegarder en tout temps son
Indépendance professionnelle et éviter toute
situation où il serait en conflit d’intérêts.
22- Lorsqu’il y a apparence de conflit d’intérêts cela portera tout autant atteinte à l’honneur, à la dignité et à la crédibilité de sa profession qu’un réel conflit d’intérêts. (6)
23- Si le Tribunal avait voulu que l’un ou l’autre des experts qui ont témoigné devant lui soit retenu pour faire le suivi il l’aurait évidemment identifié. Ce qui ne fut pas le cas.
24- En conséquence l’Administrateur devra choisir un autre ingénieur spécialisé en structure de bâtiment et ce, dans les 72 heures de la présente décision.
25- Les frais du présent arbitrage seront supportés par l’Administrateur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
PRÉCISE que l’Administrateur ne pouvait retenir les services professionnels de l’ingénieur Vasquez comme choix d’ingénieur spécialisé en structure de bâtiment lequel doit être chargé de surveiller les travaux selon un agenda défini par l’Administrateur et de faire rapport écrit pour chacune de ses visites et de fournier une attestation écrite de la conformité des travaux tels que précisés au jugement ;
ORDONNE que l’Administrateur choisisse un ingénieur spécialisé en structure de bâtiment qui n’a ou n’a eu aucun lien d’affaires ou autres avec l’une ou l’autre des parties et n’ayant aucun lien familial ou autres qui pourraient donner quelque apparence de conflit d’intérêts ;
ORDONNE que l’Administrateur procède à ce choix dans les 72 heures de la présente décision ;
ORDONNE que l’Administrateur remette à l’ingénieur copie de deux décisions rendues dans le présent dossier par le soussigné avant qu’il entreprenne son mandat ;
ORDONNE à l’Administrateur de payer les frais du présent arbitrage.
LAVAL, 20 mars 2017.
Yves Fournier
RÉFÉRENCES
(1) Courriel du 16 mars 2017 émanant de Dan Dumitru ;
(2) Courriel du 17 mars 2017 émanant de Me François-Olivier Godin ;
(3) Frazer c. Canada (Commission des relations de travail dans la
Fonction publique), (1985), 2 R.C.S. 455, paragraphe 43 ;
(4) McKendry et le Conseil du Trésor, CFPC, 166-2-674, 1973 ;
(5) Chapitre 1-9, r 6 ;
(6) Vandenbroeek, François, L’ingénieur et son Code de déontologie,
Les Éditions Juriméga, 1993, p.95-97 ;