ARBITRAGE
SELON LE RÈGLEMENT SUR LE
PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Chapitre B-1.1, r. 8)
SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS INC. (SORECONI)
(Organisme d’arbitrage accrédité par la Régie du bâtiment du Québec)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
Dossier no: 212204001
BRIGITTE BLAIS,
-et-
DANY LACROIX,
Les Bénéficiaires
c.
L’Entrepreneur
-ET-
LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR),
L’Administrateur
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Me James R. NAZEM
Pour les Bénéficiaires: Me Sophie VÉZINA
Pour l’Entrepreneur : (non représentée)
Pour l’Administrateur : Me Nancy NANTEL
Description des parties
BÉNÉFICIAIRES :
BRIGITTE BLAIS
-et-
DANY LACROIX
[...]
East Broughton (Québec), [...]
Canada
ENTREPRENEUR :
CONSTRUCTION MARYL INC.
a/s Yves NADEAU
21, 7ième rue
St-Martin (Québec), G0M 1B0
Canada
ADMINISTRATEUR :
LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)
a/s Me Nancy NANTEL
4101, rue Molson, bureau 300
Montréal (Québec), H1Y 3L1
Canada
LIST DES PIÈCES
L’Administrateur a produit les pièces suivantes :
A-1 : Extrait du contrat préliminaire signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 28 mars 2015;
A-2 : Contrat de garantie signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 23 avril 2015;
A-3 : Formulaire d’inspection pré-réception signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 27 juin 2015;
A-4 : Acte de vente aux Bénéficiaires signé devant le notaire le 16 juillet 2015;
A-5 : Formulaire de dénonciation daté du 9 octobre 2020;
A-6 : Formulaire de réclamation daté du 22 novembre 2020;
A-7 : En liasse, courriel de l'avis de 15 jours transmis par l’Administrateur à l’Entrepreneur le 27 novembre 2020, ainsi que les preuves de remises par courriel le ou vers le 27 novembre 2020, incluant :
- Formulaire de dénonciation (voir A-4);
- Formulaire (vierge) de mesures à prendre par l’Entrepreneur;
A-8 : Rapport d’inspection visuelle sommaire du 4 septembre 2020 réalisé par Jonathan Vachon, inspecteur en bâtiment;
A-9 : En liasse, la décision de l'Administrateur datée du 18 février 2021, ainsi que les preuves de remises par courriel à l’Entrepreneur et aux Bénéficiaires le ou vers le 19 février 2021, incluant :
- Annexe A : Courriel des Bénéficiaires transmis à l’Administrateur le 12 février 2021 re : explications quant au délai pour les démarches pour l’inspection;
A-10 : Lettre de la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation du 23 mars 2021 re : nomination du médiateur Me Léonce E. Roy;
A-11 : Courriel de la notification de l'organisme d’arbitrage du 26 avril 2021, incluant:
- Demande d'arbitrage des Bénéficiaires du 22 avril 2021;
- Relevé du Registraire des entreprises du Québec daté du 22 avril 2021;
- Lettre du 26 avril 2021 confirmant la réception de la demande d’arbitrage et nomination de l’arbitre;
A-12 : Curriculum Vitae de Martin Bérubé;
A-13 : Décision rectifiée de l’Administrateur;
A-14 : La demande d’arbitrage;
Les Bénéficiaires ont produit les pièces suivantes :
B-1 : Les courriels échangés entre les parties le 27 novembre 2022, le 8 janvier 2020, le 7 décembre 2020, le 13 janvier 2021 et le 20 janvier 2021;
B-2 : Publicité de l’Administrateur;
B-3 : Rapport d’inspection de Jonathan Vachon daté du 8 septembre 2020;
B-4 : Quatre photos démontrant les mesures des fenêtres du sous-sol.
INTRODUCTION
[1] Le tribunal d’arbitrage est initialement saisi du dossier à la suite d’une demande d’arbitrage par les Bénéficiaires reçue par la Société pour la Résolution des Conflits Inc. (SORECONI) le 22 avril 2021 et la nomination du soussigné le 26 avril 2021.
[2] Les parties ont été convoquées dans un premier temps à une conférence téléphonique de gestion le 18 juin 2021. Or, l’Entrepreneur a fait défaut d’assister à cette conférence.
[3] Afin de nous assurer de l’équité procédurale dans ce dossier, la conférence téléphonique a été remise pour ainsi permettre à l’Entrepreneur de se faire entendre. La conférence de gestion a donc été fixée à une nouvelle date, soit le 14 juillet 2021.
[4] Les avis aux parties ont été envoyés à nouveau par le soussigné par courriel aux adresses fournies par l’Administrateur. Quatre différentes adresses ont été utilisées pour aviser l’Entrepreneur de la date de la conférence téléphonique de gestion : constructionmaryl@globetrotter.net, constructionmaryl@sogetel.net, constructionmary@gmail.com et constructionmaryl@gmail.com. Il est à noter que cette dernière adresse est celle mentionnée par, Mme Maryse LACROIX, la représentante de l’Entrepreneur au contrat de garantie (pièce A-2).
[5] Aucun message de difficulté de livraison n’a été reçu du serveur par l’arbitre soussigné concernant les courriels envoyés à l’entrepreneur aux adresses constructionmaryl@globetrotter.net et constructionmaryl@gmail.com. Par contre, selon le serveur, le message n’a pu être livré aux adresses constructionmaryl@sogetel.net et constructionmary@gmail.com ni le 18 juin 2021 ni le 14 juillet 2021.
[6] Malgré tous les courriels envoyés, l’Entrepreneur a fait défaut de se présenter à toutes les conférences téléphoniques de gestion ainsi qu’à l’audition au fond de l’arbitrage.
[7] Lors de la conférence téléphonique de gestion tenue le 3 septembre 2021, les Bénéficiaires ont demandé la scission du dossier afin de procéder d’abord sur la question de l’échéance de la garantie. L’Administrateur ne s’est pas objecté à cette demande de scission et l’arbitre soussigné l’a accordée.
[8] Le 13 octobre 2021, l’Administrateur s’est désisté de sa décision rendue le 21 février 2021 pour rendre une nouvelle décision.
[9] L’arbitre soussigné est demeuré saisi du dossier dans le cas où les parties désireraient soumettre une demande d’arbitrage suite à la nouvelle décision de l’Administrateur.
[10] Une décision corrigée a été rendue le 11 novembre 2021 par l’Administrateur. Celui-ci a rejeté la réclamation des Bénéficiaires sur tous les points objets de la demande.
[11] Une demande d’arbitrage concernant cette décision corrigée a été envoyée par les Bénéficiaires et reçue par la Société pour la Résolution des Conflits Inc. (SORECONI) le 22 novembre 2021. Le soussigné a été confirmé arbitre à cette nouvelle demande le 10 décembre 2021.
[12] Cette demande d’arbitrage est déposée en vertu de l’article 35[1] du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après, le « Règlement »).
[13] Les parties ont été convoquées à participer à une conférence téléphonique de gestion le 21 avril 2022 et l’Entrepreneur, avisée par courriel aux mêmes adresses qu’avant, a encore fait défaut d’y participer.
[14] Lors de cette conférence téléphonique de gestion, la date de l’audition virtuelle de l’arbitrage au fond a été fixée au 22 juin 2022.
[15] Le procès-verbal de cette conférence téléphonique a été envoyé par courriel aux parties, incluant l’Entrepreneur aux mêmes adresses déjà indiquées.
[16] Lors de l’audition virtuelle tenue le 22 juin 2022, une fois de plus, l’Entrepreneur a fait défaut de comparaître, malgré avoir été dûment avisée par courriel, en même temps que les autres parties, de la date et de l’heure de l’audition virtuelle ainsi que du lien pour y participer.
LES FAITS
[17] L’Entrepreneur et les Bénéficiaires ont conclu un contrat préliminaire le 28 mars 2015 concernant la construction d’un bâtiment unifamilial jumelé. Cette pièce a été produite au dossier sous la cote A-1.
[18] Le formulaire d’inspection préréception a été produit au dossier sous la cote A-3. Il a été signé par les Bénéficiaires le 27 juin 2015.
[19] Le formulaire de dénonciation à l’Entrepreneur, produit sous la cote A-5 et daté du 9 octobre 2020, est étampé « reçu le 14 octobre 2020 » par l’Administrateur.
[20] Le formulaire de réclamation, produit sous la cote A-6 et daté du 22 novembre 2020, est étampé « reçu le 25 novembre 2020 » par l’Administrateur.
[21] Le formulaire de dénonciation a été transmis à l’entrepreneur le 27 novembre 2020 par l’Administrateur, tel qu’en fait foi la pièce A-7.
[22] La visite des lieux par le conciliateur a été effectuée le 5 février 2021.
[23] Douze points faisaient l’objet de la décision initiale et la décision corrigée de l’Administrateur.
[24] L’Administrateur a rejeté la réclamation des Bénéficiaires à l’égard de tous ces douze points dans sa décision initiale et sa décision corrigée.
[25] Voici la liste de ces réclamations tel que libellées par les Bénéficiaires dans le formulaire de dénonciation à l’Entrepreneur (A-5):
1. BARRES D’ARMATURES NON RECOUVERTES;
2. FISSURES SUR LA FONDATION;
3. MUR MITOYEN ENTRE LES UNITÉS AU GRENIER;
4. ALLÈGES MUNIES DE JOINTS DE MORTIER;
5. MEMBRANE AU-DESSUS D’UNE FENÊTRE N’EST PAS EN SAILLIE;
6. JOINTS DE MORTIER DÉTÉRIORÉS;
7. DÉFICIENCE D’INSTALLATION DES SOLINS AU-DESSUS DE CERTAINES FENÊTRES;
8. CHAMBRE AU SOUS-SOL, FENÊTRES S’OUVRANT DE L’INTÉRIEUR SANS OUTIL;
9. GRANDEUR D’OUVERTURE MINIMALE SELON RÈGLEMENTATION MUNICIPALE;
10. FISSURES SUR LE PLACOPLATRE;
11. MORTIER (JOINTS) À REFAIRE DANS LES ESCALIERS;
12. LES SOUTIENS DE FAÇADE EN « L » NE SONT PAS PRÉSENTS;
LA PREUVE
[26] Vu le défaut de l’Entrepreneur de comparaître au tribunal d’arbitrage, aucun représentant de l’Entrepreneur n’a été entendu en preuve.
[27] En demande, les deux Bénéficiaires ont témoigné. Ils ont affirmé ne pas être des experts en construction et ne pas avoir pu apprécier la gravité ou non des signes tel que des fissures sur la fondation. Il s’agissait de leur première acquisition immobilière.
[28] La Bénéficiaire Brigitte BLAIS a témoigné à l’effet qu’ils n’avaient reçu que les pages 2 à 4 du formulaire de préréception A-3, ce qui expliquerait pourquoi seulement ces pages ont été paraphées ou signées par les parties. La première page de A-3 n’est ni paraphée ni signée.
[29] Selon elle, l’immeuble a été entièrement construit par l’Entrepreneur. En 2020, les Bénéficiaires estimaient qu’ils arrivaient à la fin de leur garantie et ont donc engagé l’expert Jonathan VACHON afin d’évaluer l’état de leur bâtiment, d’où son rapport d’inspection daté du 8 septembre 2020 produit sous la cote A-8.
[30] D’ailleurs, le formulaire de dénonciation à l’Entrepreneur A-5 a été complété par les Bénéficiaires en collaboration avec ledit expert.
[31] Selon les Bénéficiaires, c’est lors de cette inspection qu’ils ont constaté ou compris, pour la première fois, plusieurs des points dénoncés tel que les fissures à la fondation. Quant aux autres points, même s’ils les avaient constatés, les Bénéficiaires ne pouvaient savoir s’ils étaient importants.
[32] La Bénéficiaire Brigitte BLAIS a ajouté que son entourage lui disait que c’était normal puisqu’il n’y avait pas d’autre signe de problème majeur.
[33] Le Bénéficiaire Dany LACROIX a témoigné avoir remarqué, pour la première fois, des taches de rouille au niveau des armatures quelques semaines avant l’inspection par l’expert Jonathan VACHON.
[34] Le Bénéficiaire Dany LACROIX a également témoigné avoir observé quelques gouttelettes d’eau suite à un essai en arrosant les fenêtres. Il s’agissait d’un événement isolé. Aucune infiltration d’eau n’a été observée suite à une pluie ou chute de neige.
[35] L’expert des Bénéficiaires, Jonathan VACHON, a témoigné avoir effectué un bilan de santé avant la cinquième année de la réception du bâtiment. Il a admis ne pas avoir inspecté la fondation sous le sol.
[36] Son rapport daté du 8 septembre 2020 a été produit sous la cote A-8. Il y traite de plusieurs points, dont les réclamations 1 à 10. Mais, les réclamations 11 et 12 ne s’y trouvent pas.
[37] Il a également préparé un rapport complémentaire (A-13) daté du 30 mars 2022, où il explique que les fissures peuvent laisser passer l’eau et s’agrandir par les cycles de gel et de dégel annuels. Il y mentionne que le mur mitoyen doit empêcher ou grandement ralentir la propagation des flammes d’une unité à l’autre sur toute la surface mitoyenne.
[38] Même si son rapport complémentaire indique qu’il a visité les lieux le 30 mars 2022, Jonathan VACHON a témoigné à l’effet qu’il n’avait pas visité les lieux à cette date et que son rapport complémentaire avait été rédigé sans visite.
[39] En se référant à la page 6 de son rapport du 8 septembre 2020, Jonathan VACHON a témoigné que les défauts à corriger avaient été mentionné pour prévenir l’apparition de problèmes plus sérieux. Des corrections devaient donc être effectuées. Voici les points saillants de son témoignage :
[40] Sur la première réclamation, il a admis que, pour pouvoir évaluer la situation, les barres d’armature sous le sol devraient être découvertes. Or, il n’avait pas vérifié les barres d’armature sous le sol. Ses commentaires n’étaient donc fondés que sur son observation des barres d’armateur à l’extérieur du sol.
[41] Sur la deuxième réclamation, il a témoigné que la présence de fissures était grave. Il n’avait pas mesuré les fissures de fondation observées. Mais, il a témoigné qu’il n’avait pas observé de problème structural à la bâtisse. Le problème, selon lui, était que l’infiltration d’eau dans une fissure cause un dommage éventuel au matériel qui pourrait pourrir ou moisir. Il est à noter que cet expert n’a pas observé de signe d’infiltration d’eau à l’intérieur.
[42] Jonathan VACHON n’a pu identifier la cause de ces fissures. Il a reconnu que les fissures pouvaient, entre autres, être dues à l’assèchement des matériaux. Ça pouvait aussi être le résultat de mauvaises mis en place. Finalement, il a admis que ce genre de fissures était fréquent.
[43] Sur la troisième réclamation, il a déclaré que le mur mitoyen était non-conforme et donc un risque pour les occupants. Les normes pour les murs mitoyens coupe-feu seraient dans le code national du bâtiment.
[44] Sur la quatrième réclamation, il a déclaré que les allèges étaient munies de joints de mortier à l’horizontal. Il a ajouté que ces joints de mortier à l’horizontal auraient tendance à absorber l’eau plus facilement et à se détériorer plus rapidement, créant ainsi un risque d’infiltration. Il a admis toutefois qu’il s’agissait d’un avertissement plutôt que de l’entretien.
[45] Sur la cinquième réclamation, il a expliqué que la membrane en saillie était nécessaire pour empêcher les risques d’infiltration d’eau. Il reconnait toutefois que si les autres éléments du bâtiment étaient bien installés, l’absence de membrane en saillie était moins grave. Il est à noter que son rapport, à la page 16, mentionne que « le solin (membrane) est visible dans une chantepleure au dessus d’une fenêtre. Toutefois, celui-ci n’est pas en saillie … » et confirme la présence du solin.
[46] Sur la sixième réclamation, il a témoigné que les joints de scellement étaient détériorés à quelques endroits et étaient à refaire afin de prévenir des infiltrations d’eau. Il a admis toutefois que si l’eau entrait par un joint, elle ressortissait par la chantepleure.
[47] Sur la septième réclamation, il a témoigné que, même s’il manquait des solins aux fenêtres du mur de façade, il n’avait observé aucune infiltration d’eau à l’intérieure.
[48] Sur les huitième et neuvième réclamations, le carré de la fenêtre lui semblait avoir été conforme, mais le dégagement n’était pas conforme. De plus, l’appui de fenêtre était à plus de 1.5 mètre au-dessus du plancher.
[49] Sur la dixième réclamation, il a reconnu que la fissure dans le revêtement du placoplâtre n’était qu’une question d’esthétisme plutôt qu’un problème de construction.
[50] Sur la onzième et la douzième réclamation, il explique qu’elles ne font pas partie de son rapport et qu’il n’a aucun commentaire à ce sujet autre que les soutiens de la façade sont dans les normes de la tolérance.
[51] Questionné par le soussigné quant à la gravité de chacune des réclamations, l’expert a reconnu que les points 1, 4, 5, 6, 7 et 10 ne sont pas graves, s’agissant surtout de l’ordre de l’entretien. Il a toutefois insisté que l’intégrité de la bâtisse était menacée par l’infiltration éventuelle d’eau par les fissures. Il a ajouté que la sécurité des occupants était menacée par la non-conformité du mur mitoyen qui n’est pas coupe-feu.
[52] Martin BÉRUBÉ, qui a agi comme conciliateur dans le dossier, a témoigné que, considérant la prolongation des délais due à la pandémie de la Covid-19, la réclamation avait été déposée en début de la cinquième année au niveau de la couverture de la garantie.
[53] Il a expliqué en premier que le formulaire d’inspection préréception A-3 était composé d’un seul feuillet déplié en quatre parties. Selon lui, les Bénéficiaires avaient donc reçu la première page même si elle n’est pas paraphée.
[54] Selon lui, la gravité d’un vice majeur rend impropre le bâtiment à l’habitation. Il ajoute que pour qualifier un vice de majeur, il faut que l’importance de la problématique soit suffisamment grande qu’il empêche d’habiter le bâtiment.
[55] Martin BÉRUBÉ a témoigné sur chacune des réclamations des Bénéficiaires. Voici comment il justifie la décision de l’Administrateur:
[56] Sur la première réclamation, il a reconnu avoir observé, lors de sa visite du 5 février 2021, de la rouille sur les tirants de coffrage au niveau de la fondation. Les tiges de métal n’étaient pas recouvertes. Mais, il n’avait vu aucun signe d’infiltration d’eau à l’intérieur. Il n’avait, non plus, remarqué aucune conséquence découlant de ce fait sur le bâtiment. Il a ajouté qu’il en avait conclu à une absence de gravité justifiant le qualificatif de vice majeur. Il a ajouté que, de toute façon, même s’il avait manqué de l’enduit à la fondation sur le tirant de coffrage, par expérience, il savait que lorsque les entrepreneurs remblaient la fondation, ils mettent de l’enduit à la fondation ce qui recouvre les tirants de coffrage et les protège.
[57] Sur la deuxième réclamation, il a indiqué avoir mesuré la dimension des fissures. Elles étaient entre 1 et 1,25 mm. Il a témoigné qu’aucune des fissures ne permettait l’infiltration d’eau à l’intérieur. Il excluait donc le qualificatif de vice majeur. Il a ajouté que rien ne démontrait une problématique structurale au bâtiment.
[58] Sur la troisième réclamation, il a reconnu qu’il manquait un gypse d’un côté du mur mitoyen au niveau de l’entretoit. Il a toutefois expliqué que cette non-conformité relevait du vice caché et non pas du vice majeur. Il a témoigné que, dans la portion habitable, la résistance au feu requise était rencontrée.
[59] Il a témoigné sur la durée de la propagation du feu du premier au troisième étage. L’avocate des Bénéficiaires s’y est objecté et son objection a été prise sous réserve.
[60] Sur la quatrième réclamation, il a expliqué que les joints des allèges n’avaient aucune conséquence sur le bâtiment puisque les allèges étaient placées sur le revêtement de la maçonnerie. Il a conclu que, même s’il pouvait y avoir un détachement, l’impact ne serait pas celui d’un vice majeur. Un joint de scellant aurait réglé la problématique.
[61] Sur la cinquième réclamation, il a reconnu que la membrane n’était pas visible dans la chantepleure. Mais, il a témoigné que le solin de départ pouvait avoir été installé à deux-tiers de la brique et accomplir sa tâche. Selon lui, le solin devait être présent sinon il y aurait eu des infiltrations, ce qui n’avait pas été observé.
[62] Sur la sixième réclamation, il a témoigné qu’un léger mouvement au niveau du linteau avait causé la fissure du mortier. Il ne s’agissait donc pas nécessairement d’un problème structural. La flexion du linteau pouvait l’avoir déformé et causé la fissuration. Il a ajouté « on le retrouve fréquemment là au niveau des joints des linteaux de cette situation-là au niveau de la portée des linteaux » insistant qu’il ne s’agissait pas de vice majeur mais plutôt d’une malfaçon apparente. Finalement, selon lui, la fissure du mortier n’aurait aucune conséquence, hormis l’usure du joint du mortier. Même si l’eau pénétrait le joint, l’eau serait évacuée par la chantepleure, évitant qu’elle entre dans le bâtiment. Une réfection serait donc recommandée afin d’éviter des infiltrations qui pourraient détériorer davantage le joint.
[63] Sur la septième réclamation, selon lui, il n’y avait pas de vice majeur au niveau des plans de protection. Il n’y avait pas eu d’infiltration et les solins n’étaient pas requis par le code en vigueur en 1985. Les barrières de protection devaient donc être en place. Autrement, l’infiltration d’eau se serait rendu à l’intérieure du bâtiment derrière le revêtement de fibrociment.
[64] Sur les huitième et neuvième réclamations, il a indiqué qu’il ne s’agissait pas d’un vice majeur concernant l’accès et la hauteur des fenêtres du sous-sol. Il n’avait toutefois pas les mesures pertinentes. Mais, selon lui, l’illustration à la page 22 du rapport de l’expert des Bénéficiaires concernant la hauteur de la fenêtre n’était qu’une recommandation du code. Il n’y avait aucune autre obligation que la superficie du dégagement de la fenêtre au niveau des chambres pour l’évacuation au niveau de l’incendie. Il s’agissait donc d’un vice caché et non d’un vice majeur. L’espace était adéquat pour évacuer. Ce n’était que le mécanisme qui était déficient.
[65] Sur la dixième réclamation, il a déclaré que la fissuration observée ne correspondait pas à un vice majeur. Il n’y avait eu aucun mouvement structural et pas de malfaçon apparente couverte par la garantie.
[66] Sur la onzième réclamation, sa position était que la fissure était au niveau des joints de céramique. Il n’y avait aucune fissure au niveau des céramiques. Il ne s’agissait donc pas d’un vice majeur puisqu’il n’y avait pas de mouvement structural. Ça pouvait correspondre à une malfaçon non-apparente.
[67] Sur la douzième réclamation, il était d’accord avec la position de l’expert des Bénéficiaires à l’effet que le bâtiment est conforme à ce niveau et qu’il n’y avait pas de vice majeur.
[68] Conformément à l’engagement des Bénéficiaires lors de l’audition, le 5 juillet 2022, l’avocate des Bénéficiaires a fourni les mesures des fenêtres du sous-sol avec quatre photos au soutien de la réclamation 9. Ces photos sont cotées en liasse B-4.
[69] Les photos B-4 démontrent que les fenêtres étaient 48,26 centimètres (19 pouces) de haut par 66,04 centimètres (26 pouces) de large. La surface d’ouverture de la fenêtre au sous-sol était donc 0,32 mètres carrés. Selon le rapport de l’expert Jonathan Vachon, la surface d’ouverture devait être au moins 0,35 mètres.
LES PLAIDOIRIES
[70] La position des Bénéficiaires est à l’effet que la garantie quinquennale de l’article 10 (5) du Règlement et de l’article 2118 C.c.Q. leur est applicable.
[71] À l’appui de leur position, ils plaident que c’est le critère de probabilité de détérioration qui devrait guider le tribunal d’arbitrage dans son interprétation des mots « perte de l’ouvrage » de l’article 2118 C.c.Q. dans son sens juridique.
[72] Selon leur procureure, il n’est nul besoin de constater une détérioration immédiatement. La simple preuve de sa réalisation dans le futur suffit pour satisfaire ce critère.
[73] D’un autre coté, la position de l’Administrateur est que toute ouverture, tel qu’un problème de calfeutrage, n’est pas un vice majeur même s’il risque de causer une infiltration d’eau. Il ne s’agirait que d’un problème d’entretien plutôt qu’un vice majeur.
L’OBJECTION PRISE SOUS RÉSERVE
[74] Lors de son témoignage, Martin BÉRUBÉ a témoigné sur la durée de la propagation du feu du premier au troisième étage. L’avocate des Bénéficiaires s’y est objecté et son objection a été prise sous réserve. Cette objection est rejetée puisque Martin BÉRUBÉ, en tant que conciliateur du dossier, pouvaient expliquer son raisonnement lors de la rédaction de la décision de l’Administrateur.
QUESTIONS EN LITIGE
[75] L’arbitre soussigné voit la même question centrale en litige pour toutes les dénonciations ci-haut énumérées : Est-ce que chacun des défauts invoqués par les Bénéficiaires risque de nuire à la solidité et à l’utilité de leur bâtiment?
ANALYSE
[76] D’abord, étudions l’impacte du témoignage de la Bénéficiaire Brigitte BLAIS à l’effet que les Bénéficiaires n’avaient reçu que les pages 2 à 4 du formulaire de préréception, produit comme pièce A-3;
[77] Si les Bénéficiaires n’ont pas reçu la page 1 du formulaire de préréception A-3, ils n’ont pas pu prendre connaissance de son contenu.
[78] Or, même si les explications de la première page de la pièce A-3 quant à l’obligation de la remplir n’ont pas été portées à la connaissance des Bénéficiaires, il n’en demeure pas moins que les autres pages dudit formulaire sont éloquentes sur la nature du document.
[79] À la page 2 de la pièce A-3, les parties et le bâtiment sont décrits. Aux pages 2 à 4, la « Liste d’éléments à inspecter » sont identifiés. À la page 4, à la section déclaration de réception, on peut y lire « En ce 27 juin 2015, le ou les bénéficiaires déclarent que les travaux relatifs au bâtiment … sont terminés, sous réserve des éléments à corriger ou de menus travaux à compléter identifiés sur la présente liste … » et les Bénéficiaires l’ont signé après avoir coché « RÉCEPTION – AVEC RÉSERVE » en caractères gras.
[80] Même si la première page de la pièce A-3 n’a pas été présentée aux Bénéficiaires, ils concevaient bien les conséquences de leurs signatures sur ce document à la page 4.
[81] À tout événement, à la page 3 de l’acte d’achat de la bâtisse, produit comme pièce A-4, les Bénéficiaires déclarent avoir vu et examiné l’immeuble à leur satisfaction.
[82] Le défaut d’avoir reçu la page 1 de la pièce A-3 n’a aucun impact sur notre dossier.
[83] Par conséquent, l’arbitre soussigné retient que la date de la réception du bâtiment est celle indiquée à la pièce A-3, soit le 27 juin 2015.
[84] De plus, le défaut d’avoir fait l’inspection préréception n’a pas pour effet de reporter la date du début de la garantie.
[85] La dénonciation A-5 porte la date du 9 octobre 2020 et a été reçue par l’Administrateur le 14 octobre 2020. En tenant compte des délais de suspension des prescriptions reliés à la crise sanitaire, l’écoulement du temps ne laisse aux Bénéficiaires que la possibilité de réclamer la couverture de la garantie du plan uniquement sous l’article 10 (5) du Règlement qui se réfère à l’article 2118 du Code civil du Québec (ci-après C.c.Q.).
[86] Afin de bénéficier des dispositions de l’article 2118 C.c.Q., les Bénéficiaires doivent démontrer une « perte de l’ouvrage » résultant « d’un vice de conception, de construction ou de réalisation de l’ouvrage … ».
[87] Selon la jurisprudence, il n’est pas nécessaire de démontrer que l’ouvrage a péri. Il suffit de démontrer que le défaut allégué risque de nuire à la solidité et à l’utilité du bâtiment.
[88] Dans la cause de Verville c. Poirier[2], Cour d’appel s’exprimait ainsi :
[30] Les tribunaux ont conclu que le concept de perte doit recevoir une interprétation large. …
[33] Quant à la preuve de la perte de l’ouvrage – partielle et totale – dans les cinq ans, celle-ci est définie par la jurisprudence et il suffit d’établir une menace de destruction éventuelle probable, dans la mesure où elle aura pour conséquence de rendre l’immeuble impropre à l’usage auquel on le destine et à entraîner une marchande diminution importante de sa valeur.
(souligné par le soussigné)
[89] Dans son traité sur les contrats de construction en droit public et privé[3], la juge Thérèse Rousseau-Houle a ainsi analysé l’expression perte de l’ouvrage à l’article 1688 C.C.B.C (aujourd’hui 2118 C.c.Q.):
« Si la jurisprudence a reconnu à maintes occasions que le terme ‘périr’ de l’article 1688 n’est pas limitatif, elle a néanmoins réduit la portée aux vices graves causant des dommages sérieux aux gros ouvrages. Il doit s’agir de déficiences qui peuvent mettre en péril la solidité ou la stabilité de l’édifice ou de ses composantes essentielles. »
[90] En vertu de l’article 2803 C.c.Q., le fardeau de cette preuve repose sur la partie qui veut faire valoir un droit[4], en l’occurrence les Bénéficiaires.
[91] D’ores et déjà, il est à noter que les Bénéficiaires n’avaient remarqué aucun problème avant l’inspection de leur maison par Jonathan VACHON en septembre 2020. Ce fait est éloquent sur l’impact des défauts allégués sur l’usage de l’immeuble.
[92] Ils n’ont d’ailleurs jamais constaté d’infiltration d’eau dans le bâtiment suite à une pluie ou une chute de neige.
[93] Appliquons ces principes à chaque dénonciation:
1. Les barres d’armatures non recouvertes
[94] L’expert des Bénéficiaire a déclaré que pour connaître l’état des barres d’armature, les barres d’armature sous le sol devaient être découvertes. Puisqu’il n’avait pas vérifié les barres d’armature sous le sol, la preuve des Bénéficiaires sur ce point est déficiente.
[95] De plus, aucun signe d’infiltration d’eau n’a été observé de l’intérieur du bâtiment.
[96] La demande d’arbitrage des Bénéficiaires sur ce point doit échouer.
2. Les fissures sur la fondation
[97] L’expert des Bénéficiaires n’a observé aucun signe d’infiltration d’eau à l’intérieur. Il a, de plus, témoigné qu’il n’avait pas observé de problème structural à la bâtisse. Selon lui, l’infiltration d’eau dans une fissure causerait un dommage éventuel au matériel qui pourrait pourrir ou moisir.
[98] Il n’a donc pas identifié un désordre structural. Il n’a pas, par exemple, démontré un affaissement d’élévation de quelque composante. En fait, il n’a pu identifier la cause de ces fissures. Il a même reconnu que les fissures pouvaient être causées par l’assèchement des matériaux et que ce genre de fissures était fréquent.
[99] D’ailleurs, la preuve a démontré que les fissures n’étaient pas de largeur importante. Selon le témoignage de Martin BÉRUBÉ, elles étaient chacune entre 1 et 1,25 mm.
[100] Or, il faut démontrer plus que des petites fissures[5] :
[129] Tel que vu dans plusieurs décisions arbitrales, des fissures minimes peuvent être occasionnées par le retrait du béton lors du séchage, ce qui est un phénomène normal
« … maçonnerie légèrement fissurée aux allèges de fenêtre et au-dessus de la porte d'entrée principale sont rejetées puisque de telles fissures se produisent lors du séchage du ciment et de son retrait, ce qui constitue une situation attribuable au comportement normal des matériaux, exclue du plan de garantie ».
[130] Le Règlement prévoit à son article 12.2 que ce genre de fissures causées par un mouvement normal des matériaux est exclu de la Garantie …
[101] Il s’agit d’un simple retrait normal des matériaux. En vertu de l’article 12 (2) du Règlement, les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux, tels les fissures, sont exclues de la garantie. L’entretien des fissures capillaires des Bénéficiaires n’est donc pas couvert par le plan de garantie.
[102] Finalement, ajoutons que la simple possibilité d’infiltration ou même l’infiltration d’eau elle-même n’est pas automatiquement synonyme de perte au sens de l’article 2118 C.c.Q.
[103] La demande d’arbitrage des Bénéficiaires sur ce point doit échouer.
3. Le mur mitoyen entre les unités au grenier
[104] Selon la preuve, le règlement municipal applicable est silencieux quant aux mesures de protection contre le feu pour les murs mitoyens. Le règlement municipal n’adopte pas, non plus, une version récente du code national du bâtiment.
[105] Il y a toutefois malfaçon puisque, selon la preuve, il manquait un gypse d’un côté du mur mitoyen au niveau de l’entretoit. En fait, l’expert des Bénéficiaires et le conciliateur reconnaissent tout deux qu’il y a malfaçon. Le mur coupe-feu s’arrête avant l’entretoit. Le débat se situe donc au niveau de l’évaluation de la gravité de ce vice.
[106] La procureure de l’Administrateur argumente qu’il ne s’agit pas d’un vice grave puisque, tel que suggéré par le témoin Martin BÉRÉBUÉ, le défaut n’est qu’à l’entretoit et que les occupants du bâtiment auront le temps nécessaire pour sortir avant la propagation du feu.
[107] Cet argument ne tient pas. Les dispositions de l’article 2118 C.c.Q. ne se limitent pas aux occupants du bâtiment. Elles se réfèrent surtout au bâtiment lui-même. La fonction d’un mur coupe-feu, comme le nom l’indique, est d’empêcher la propagation du feu. En cas d’incendie, ce coupe-feu manquant pourra faire la différence cruciale entre la perte de l’ouvrage ou sa permanence dans les quelques minutes qui précèdent l’arrivée des pompiers et la maîtrise de l’incendie. L’absence du coupe-feu pourra littéralement mener à la « perte » du bâtiment.
[108] Il est donc erroné de prétendre que l'article 2118 C.c.Q. n'a pas d'application en l'espèce. Les Bénéficiaires ont donc raison de rechercher à renverser la décision de l’Administrateur sur ce point.
4. Les allèges munies de joints de mortier
[109] Selon le témoin expert des Bénéficiaires, les allèges du bâtiment étaient munies de joints de mortier à l’horizontal qui auraient tendance à absorber l’eau plus facilement. Il a, toutefois, admis qu’il s’agissait d’un avertissement. Autrement dit, il n’y avait aucune gravité.
[110] De plus, Martin BÉRUBÉ a expliqué que ces joints n’avaient aucune conséquence sur le bâtiment puisque les allèges étaient placées sur le revêtement de la maçonnerie. Un joint de scellant aurait réglé la problématique.
[111] La demande d’arbitrage des Bénéficiaires sur ce point doit échouer.
5. La membrane au-dessus d’une fenêtre n’est pas en saillie
[112] Selon l’expert des Bénéficiaires la membrane en saillie est nécessaire pour empêcher les risques d’infiltration d’eau. Il reconnait toutefois qu’en présence des autres éléments bien installés du bâtiment, l’absence de membrane en saillie était moins grave.
[113] Il s’agit de possibilité mais pas de probabilité d’infiltration d’eau. La preuve ne démontre pas que la situation des fenêtres s’aggravera.
[114] Il n’y a eu aucune preuve d’humidité excessive, de moisissure, de pourriture ou de dommages causés par une infiltration d’eau en conséquence d’un tel défaut.
[115] À tout événement, le conciliateur Martin BÉRUBÉ assure que le solin devrait être présent sinon il y aurait déjà eu des infiltrations, ce qui n’a pas été observé par les Bénéficiaires.
[116] La demande d’arbitrage des Bénéficiaires sur ce point doit échouer.
6. Les joints de mortier détériorés
[117] Malgré qu’il ait déclaré que les joints de scellement étaient détériorés à quelques endroits, l’expert des Bénéficiaires a admis que, même si l’eau entrait par un joint, elle ressortissait par la chantepleure sans entrer dans le bâtiment.
[118] De plus, Martin BÉRUBÉ a expliqué qu’un léger mouvement au niveau du linteau avait causé la fissure du mortier. Il ne s’agissait pas nécessairement d’un problème structural. Selon lui, la fissure du mortier n’aurait aucune conséquence, hormis l’usure du joint du mortier. Puisque, même si l’eau pénétrait le joint, l’eau serait évacuée par la chantepleure, évitant qu’elle entre dans le bâtiment. Le critère de gravité, après plus de cinq ans, n’est pas satisfait.
[119] Il n’y a pas de preuve par prépondérance des probabilités que la détérioration surviendra. Les autres composantes telles la membrane empêchent la pénétration de l’eau. D’ailleurs, aucune infiltration n’est survenue dans le bâtiment en plus de cinq (5) ans. Le seul incident est survenu quand le Bénéficiaire Dany LACROIX a arrosé les fenêtres avec un jet d’eau horizontal. L’arbitre soussigné ne considère pas ce fait, puisqu’il ne s’agit pas d’un phénomène normal.
[120] La demande d’arbitrage des Bénéficiaires sur ce point doit échouer.
7. La déficience d’installation des solins au dessus de certaines fenêtres
[121] L’expert des Bénéficiaires a confirmé n’avoir observé aucune infiltration d’eau à l’intérieure, même s’il manquait des solins aux fenêtres du mur de façade.
[122] Le conciliateur, de son coté, a témoigné que les solins n’étaient pas requis par le code en vigueur en 1985. Vu l’absence d’infiltration, les barrières de protection devaient donc être en place.
[123] La demande d’arbitrage des Bénéficiaires sur ce point doit échouer.
8 et 9. La hauteur et la grandeur des fenêtres au sous-sol
[124] La hauteur des fenêtres n’est pas conforme à la recommandation d’1,5 m. Or, il ne s’agit pas d’une règle mais d’une recommandation.
[125] Quant à la dimension de l’ouverture, il n’est pas conforme aux exigences légales.
[126] Mais cette non-conformité ne met pas le bâtiment en péril. Il n’y aura aucunement une « perte de l’ouvrage » tel que l’entend l’article 2118 C.c.Q. et la jurisprudence applicable. Le bâtiment continuera d’exister dans la même condition avec ces mêmes fenêtres.
[127] La demande d’arbitrage des Bénéficiaires sur ce point doit échouer.
10. Les fissures sur le placoplâtre
[128] Lors de son témoignage, l’expert des Bénéficiaires a reconnu que la fissure dans le revêtement du placoplâtre n’était qu’une question esthétique. Ce défaut ne peut donc causer la perte de l’ouvrage dans le sens de l’article 2118 C.c.Q. et la demande d’arbitrage des Bénéficiaires sur ce point doit échouer.
11. Le mortier (joints) à refaire dans les escaliers
[129] L’expert des Bénéficiaires s’est abstenu de faire des commentaires sur le point. Vu l’absence de preuve par les Bénéficiaires à ce sujet, leur demande d’arbitrage sur ce point doit échouer.
12. Les soutiens de façade en « L » ne sont pas présents
[130] L’expert des Bénéficiaires s’est abstenu de faire des commentaires sur le point. Vu l’absence de preuve par les Bénéficiaires à ce sujet, leur demande d’arbitrage sur ce point doit échouer.
FRAIS
[131] L’article 37 du Règlement stipule :
Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
[132] De plus, l’article 116 du Règlement permet à l’arbitre de faire « aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient ».
[133] Même si les Bénéficiaires n’ont eu gain de cause que sur le point 3, les frais d’arbitrage, aussi bien en droit selon les Articles 116 et 37 du Règlement qu’en équité, seront partagés à parts égales entre l’Entrepreneur et l’Administrateur du Plan de garantie.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires Brigitte BLAIS et Dany LACROIX uniquement sur le point 3 de la réclamation concernant le mur mitoyen entre leur maison et le grenier. L’Entrepreneur Construction Maryl Inc. devra donc procéder aux travaux correctifs requis afin de mettre en place, à l’entretoit, un mur mitoyen coupe-feu de l’unité voisine sur toute la surface mitoyenne entre les unités, et ce, dans les soixante (60) jours suivant la réception de la présente décision par courrier recommandé;
À défaut par l’Entrepreneur d’effectuer et compléter lesdits travaux dans lesdits délais, ORDONNNE à l’Administrateur La Garantie de Construction Résidentielle (GCR) d’effectuer lesdits travaux, en ses lieux et place, dans les soixante (60) jours suivants l’expiration du délai accordé à l’Entrepreneur Construction Maryl Inc.;
REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires sur tous les autres points;
LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage partagés, à parts égales, entre l’Entrepreneur Construction Maryl Inc. et l’Administrateur La Garantie de Construction Résidentielle (GCR), incluant les frais de l’expertise de Jonathan VACHON, avec les intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par SORECONI, après un délai de grâce de trente (30) jours;
ET
RÉSERVE à La Garantie de Construction Résidentielle (GCR) (« l’Administrateur ») ses droits à être indemnisée par l’Entrepreneur Construction Maryl Inc. pour les coûts exigibles pour l’arbitrage (paragraphe 19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
Montréal, le 8 août 2022
__________________________
JAMES R. NAZEM
Arbitre / SORECONI
Procureurs :
Bénéficiaires :
Me Sophie VÉZINA
Entrepreneur :
Non représentée et absent
Administrateur :
Me Nancy NANTEL
La Garantie de Construction Résidentielle (GCR)
[1] 35. Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait d’une décision de l’administrateur, doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur à moins que le bénéficiaire et l’entrepreneur ne s’entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d’en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l’arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation.
[2] Verville c. Poirier, 2021 QCCA 124.
[3] Les Contrats de construction en droit public & privé, Wilson et Lafleur, 1982, p. 343,
[4] SDC 1191 rue Panet c. Les Terrasses Plessis Panet Inc., non reporté, CCAC, S12-063001-NP, 3 juin 2013, Me Roland-Yves Gagné, arbitre, para. 25.
[5] MV et al. c. Les Constructions Raymond et fils inc., 2018canlii128203, Me Jean-Phillipe Ewart, arbitre.