ARBITRAGE
En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs (LRQ, c. B-1.1, r. 8)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec (RBQ)
Groupe d’arbitrage - Juste Décision (GAJD)
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Entre
Christiane LeBel et Jean-Claude Dupont
(ci-après « les Bénéficiaires »)
Et
Le Bâtisseur 55 inc.
(ci-après « l’Entrepreneur »)
Et
La Garantie Abritat inc. (ci-après « l’Administrateur »)
No dossier Abritat : 316675-2
No dossier GAJD : 2015921
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DÉCISION ARBITRALE
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Arbitre : Rosanna Eugeni
Pour les Bénéficiaires : Jean-Claude Dupont
Alain Proteau, de la firme Inspect de Francheville
Pour l’Entrepreneur : Mario Gélinas
Pour l’Administrateur : Me Nancy Nantel
Anne Delage, inspecteur conciliateur
Date d’audience : le 8 décembre 2015
Lieu d’audience : Auberge Escapade,
3383 rue Garnier
Shawinigan, Québec
Date de la décision : le 15 janvier 2016
Identification des parties :
LES BÉNÉFICIAIRES : Christiane LeBel et Jean-Claude Dupont
[…] Shawinigan (Québec) […]
L’ENTRENEUR : Le Bâtisseur 55 inc..
2 500, 15e rue
Grand-Mère (Québec) G9T 5K5
L’ADMINISTRATEUR : La Garantie Abritat inc.
7333, place des Roseraies, 3e étage
Anjou (Québec) H1M 2X6
Chronologie :
12 juin 2012 : Réception du bâtiment.
18 février 2015 : Lettre de dénonciation des Bénéficiaires sur les fenêtres (mise en demeure) reçue par l’Administrateur le même jour.
9 mars 2015 : Demande de réclamation par les Bénéficiaires (formulaire Abritat) reçue par l’Administrateur le 11 mars 2015.
15 avril 2015 : Transmission de la réclamation des Bénéficiaires et du rapport d’inspection de Inspec de Francheville sur 11 points daté du 13 avril 2015, reçus par l’Administrateur le 16 avril 2015.
27 mai 2015 : Inspection du bâtiment par l’inspecteur de l’Administrateur.
8 septembre 2015 : Rapport d’inspection et décision de l’inspecteur de l’Administrateur.
21 septembre 2015:Réception par Groupe d’arbitrage - Juste Décision (GAJD)
de la demande d’arbitrage de la part des Bénéficiaires.
22 septembre 2015:Désignation de l’arbitre par GAJD.
29 octobre 2015: Réception par le tribunal arbitral du cahier des pièces de
l’Administrateur.
17 novembre 2015: Conférence préparatoire avec les parties.
22 novembre 2015: Transmission de l’avis d’audience aux parties.
8 décembre 2015 : Visite du bâtiment et audience.
Introduction :
[1] La réception du bâtiment en cause par les Bénéficiaires a lieu le 12 juin 2012. Il s’agit d’une résidence de type « bungalow » comportant un étage, sans sous-sol.
[2] Monsieur Dupont témoigne qu’en octobre 2012 apparaît un problème de déformation des lames de bois du plancher. Après s’être adressé à l’Entrepreneur sans obtenir satisfaction, il dénonce le problème à l’Administrateur le 10 octobre 2013. L’Administrateur ouvre un dossier pour cette réclamation (le dossier 316675-1).
[3] Au cours du troisième hiver après la prise de possession de la résidence, le 18 février 2015, les Bénéficiaires envoient une lettre à l’Entrepreneur et à l’Administrateur en copie le même jour, car ils trouvent que les fenêtres n’atteignent pas un rendement acceptable. Ensuite, ils font parvenir une demande de réclamation datée du 9 mars 2015 à l’Administrateur, et ce dernier ouvre un second dossier, numéroté 316675-2, celui qui fait l’objet du présent arbitrage.
[4] Monsieur Dupont témoigne que ce n’est que le 5 avril 2015 qu’il reçoit la décision de l’Administrateur sur le dossier du plancher en lattes de bois à l’effet que l’Administrateur prendra en charge la correction du plancher. En effet, au cours des mois suivants, les lames de bois du plancher sont enlevées pour être remplacées par des tuiles en céramique.
[5] Monsieur Dupont explique que c’est dans ce contexte qu’il décide de faire inspecter sa résidence par une firme spécialisée.
[6] Monsieur Proteau de la firme Inspect de Francheville, inspecte la résidence le 13 avril 2015 et produit un rapport le même jour. À la seconde page de son rapport, il écrit :
« L’aspect général de l’immeuble de qualité standard nous apparaît, à première vue, en bonne condition.
Cependant, un examen attentif nous a permis d’observer certaines déficiences pouvant affecter l’usage et la valeur marchande du bâtiment,… ».
[7] À la page 12 de son rapport, monsieur Proteau énumère 11 correctifs à apporter, dont celui de remplacer les lames de bois du plancher.
[8] Le 15 avril 2015, monsieur Dupont transmet le rapport de monsieur Proteau à l’Entrepreneur et à l’Administrateur en copie conforme accompagné de sa lettre de dénonciation. Il demande qu’on lui rembourse « …dans un premier temps, la facture de l’inspecteur …et de régler les différents vices cachés et vices de construction dont il est fait mention sur le récapitulatif du rapport… ».
[9] Le 27 mai 2015, l’inspecteur conciliateur désigné par l’Administrateur, madame Delage, effectue l’inspection pour chacun des points du récapitulatif du rapport de l’inspecteur Proteau. Elle émet son rapport (la décision de l’Administrateur pour le dossier 316675-2) le 8 septembre 2015. Dans ce rapport elle indique, en ce qui a trait au plancher de bois à remplacer, que l’Administrateur a traité de ce point dans une décision antérieure (dossier 316675-1). Quant aux 10 autres points, elle conclut que la demande de réclamation des Bénéficiaires ne peut être considérée.
[10] Le 21 septembre 2015, les Bénéficiaires font appel de la décision de l’Administrateur émise en application du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (le « Règlement »), datée du 8 septembre 2015 (dossier 316675-2) (la « Décision »), sur les 10 points suivants :
· Point no 1 : Isolant à corriger au pourtour de la dalle de béton du bâtiment
· Point no 2 : Absence de liens continus et contreventements manquants
· Point no 3 : Absence de grille d’aération à la base du revêtement de fibre de bois dur
· Point no 4 : Pentes du terrain à corriger sur la partie arrière du bâtiment
· Point no 5 : Enduits fissurés à réparer
· Point no 6 : Échangeur d’air qui n’est pas conforme aux normes
· Point no 7 : Absence de ventilateur de toiture
· Point no 8 : Fenêtres à guillotine (7) dont le rendement énergétique minimal convenu dans une entente n’est pas atteint
· Point no 9 : Absence de solins aux ouvertures et à la base des murs de la véranda
· Point no10. Asphalte à corriger ainsi que sa fondation granulaire près de la porte levante du garage
Analyse des facteurs généraux et des critères à considérer :
[11] Selon la preuve présentée par les parties, ces 10 points ont été dénoncés par écrit à l’Administrateur dans les deuxième et troisième années de la garantie, soit après l’échéance de la garantie relative aux malfaçons non apparentes.
[12] Pour que la garantie s’applique, les points dénoncés doivent constituer des vices cachés tels que définis à l’alinéa 4 de l’article 10 du Règlement.
[13] M. Dupont tient à expliquer que le long délai pour le dossier des planchers de bois, entre la date de sa dénonciation et la décision de l’Administrateur sur la prise en charge des travaux correctifs, a fait en sorte qu’il s’est occupé seulement plus tard de demander une inspection de sa résidence et d’aviser l’Administrateur d’autres problèmes avec sa résidence.
[14] En particulier, M. Dupont dit qu’il n’a pas mentionné le problème des fenêtres plus tôt, car il était occupé avec celui du dossier des planchers en bois.
[15] M. Dupont ajoute que dans le passé, il avait acheté des maisons âgées, et avait toujours fait faire des inspections avant l’achat. Cette fois, il a cru que cela n’était pas nécessaire puisqu’il s’agissait d’une maison neuve avec un plan de garantie. Il ajoute également qu’à son avis l’inspection devrait être obligatoire et incluse dans la garantie.
[16] Me Nantel souligne que le Règlement duquel est née la garantie est d’ordre public et qu’il faut nécessairement rester dans les limites des dispositions pertinentes de cette garantie[1]. Elle insiste entre autres sur le fait que les Bénéficiaires ont le fardeau de la preuve[2] et qu’ils doivent prouver que les situations sont d’une certaine gravité pour qualifier un élément de « vice caché ».
[17] Étant donné que les Bénéficiaires contestent le bien-fondé de la Décision de l’Administrateur, le fardeau de la preuve repose sur les Bénéficiaires afin de démontrer que la position de l’Administrateur est contraire aux dispositions contenues à l’article 2803 du Code civil :
« Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »
[18] Bien que toutes les circonstances entourant le dossier des planchers en bois ne me sont pas connues, je suis sensible à l’aggravation qu’a pu causer aux Bénéficiaires le long délai à ce que leur plancher en bois soit corrigé. Cependant il n’y avait pas lieu pour autant pour eux de retarder l’inspection de leur résidence ni la transmission d’avis écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur de tout autre problème.
[19] Ayant attendu la troisième année pour faire l’inspection, les Bénéficiaires ne peuvent se prévaloir que de la couverture offerte par la garantie de trois ans pour vices cachés et de la garantie de cinq ans pour vices de conception, de construction ou de réalisation et vices de sol, et ne peuvent plus se prévaloir de la garantie pour vices ou malfaçons apparents (dénoncés au moment de la réception du bâtiment) ni de la garantie pour malfaçons existantes et non apparentes (découvertes dans l’année qui suit la réception).
[20] Cette couverture pour vices cachés est décrite à l’article 10 alinéa 4 du Règlement[3] :
« 10. La garantie d’un plan dans le cas du manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
…
4o la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil; »
[21] Afin de connaître les critères d’un vice caché, il faut se référer à l’article 1726 du Code civil et si nécessaire à l’interprétation doctrinale ou jurisprudentielle de cet article. Cet article stipule que:
« Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.
Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. »
Gras ajouté
[22] La garantie de cinq ans est décrite ainsi à l’article 10 alinéa 5 du Règlement :
« 5o La réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de la premières manifestation significative; »
[23] L’article 2118 du Code civil stipule que :
« À moins qu’ils
ne puissent se dégager de leur responsabilité, l’entrepreneur, l’architecte et
l’ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le
sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont solidairement tenus
de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des
travaux, que la perte résulte d’un vice de conception, de construction ou de
réalisation de l’ouvrage, ou, encore, d’un vice de sol. »
[24] Me Nantel a remis aux parties et à la soussignée lors de l’Audition un cahier de 15 autorités, que j’ai également consulté pour rendre cette décision.
Valeur du litige :
[25] Les Bénéficiaires indiquent dans leur demande d’arbitrage que la valeur estimée de leur réclamation est de 20 000 $.
[26] Dans son rapport d’inspection, monsieur Proteau estime la valeur des travaux correctifs qu’il propose pour chacun des points. Le total des estimations est de 19 500 $ lorsqu’on écarte le problème du plancher de bois de l’autre dossier (Abritat no 316675-1). Je retiens les estimations du rapport de monsieur Proteau aux fins de cette décision, et j’indique pour chaque point ci-dessous les montants estimés pour les travaux correctifs qu’il propose.
Les 10 points analysés :
[27] Je n’ai pas reproduit ici tous les témoignages, mais seulement ceux qui m’ont paru les plus importants pour rendre cette décision.
[28] Monsieur Proteau, inspecteur agréé membre de l’AIBQ et de l’ANIEB, a remis son curriculum vitae aux Parties et à l’Arbitre lors de l’audition. Madame Lepage a également présenté ses études et son expérience en inspection de bâtiment au début de l’audition. Tous deux ont plusieurs années d’expérience dans l’inspection de bâtiments et la soussignée les considère comme témoins experts.
[29] Monsieur Proteau précise toutefois que son rapport n’est pas une « expertise ». Elle est basée sur une inspection visuelle seulement; car c’était la limite du mandat que lui ont confié les Bénéficiaires. Il n’a pas fait d’essais ou d’autre investigation. Je constate d’ailleurs qu’il indique aux seconde et troisième pages de son rapport : « Ce rapport est préparé exclusivement pour Jean-Claude Dupont et Christiane Lebel » et à la page 4 : « Ce rapport est conçu pour votre usage personnel… ». À la fin de l’arbitrage, M. Proteau a accepté de remettre à l’Arbitre et aux Parties quelques autres documents qui lui ont servis lors de son témoignage.
Point no 1: Isolant à corriger au pourtour de la dalle de béton du bâtiment (4 500$)
[30] La fondation est composée d’un plancher-dalle en béton et il s’agit d’un plancher chauffant. Selon l’inspecteur Proteau, la dalle a une résistance thermique insuffisante, car le document Loi et règlement commentés sur l’économie d’Énergie Édition 2003 demande que le pourtour de la dalle soit recouvert de 38 mm d’isolant (alors que l’épaisseur mesurée par lui à l’aide d’un pic est de 25 mm), et qu’une feuille de 600 mm de longueur d’isolant 38 mm soit placée au pied de la dalle sur le périmètre du bâtiment.
[31] Madame Delage fait valoir que ce document n’est pas en vigueur dans la ville de Shawinigan. Monsieur Gélinas souligne qu’il s’agit d’une dalle chauffante et par conséquent elle n’a pas besoin d’être isolée autant qu’une dalle conventionnelle non chauffée. Dans son rapport, M. Proteau indique aussi que : «... le calcul de la dalle porteuse devra être vérifié par un ingénieur… ». Mais aucun calcul n’est produit.
Point no 2 : Absence de liens continus et contreventements manquants (1 250$)
[32] Le toit du bâtiment est en pente à double versant. L’ossature est composée de fermes de toit préfabriquées avec supports de couverture en contreplaqué. Selon M. Proteau, les liens continus et des contreventements sont manquants et de ce fait, le toit est sujet à gauchissement. Il réfère aux règles de l’art pour les liens continus et suggère que le plan de montage du fabricant indique sans doute les contreventements manquants, mais il n’a pas ce plan.
[33] M. Gélinas dit qu’il n’a pas conservé le plan de montage. Il ajoute que certains éléments sont requis pour le montage, mais ne sont plus requis après la mise en place du contreplaqué et du « gyproc », la structure du toit étant alors plus rigide. Madame Delage souligne qu’il n’y pas de gauchissement visible du toit, donc aucune problématique à ce jour. À son avis, il faudrait un calcul par un ingénieur pour établir s’il y a un réel manquement.
[34] Pour les points nos 1 et 2, il ne s’agit pas de vices cachés au sens du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidents neufs. Les Bénéficiaires n’ont même pas démontré qu’il s’agit de malfaçons.
Point no 3 : Absence de grille d’aération à la base du revêtement de fibre de bois dur (300 $)
[35] M. Proteau informe que l’Entrepreneur a installé une fourrure en bois sur tout le périmètre du bas du revêtement de fibre extérieur des murs du bâtiment. Il montre que les instructions d’installation du manufacturier du revêtement des murs extérieurs « CanExel » précisent : « Afin d’assurer la ventilation, les espaces supérieur et inférieur entre les lattes doivent demeurer ouverts. Il est acceptable que l’espace supérieur se situe sous le soffite. Lorsque les murs sont ventilés vers le soffite, celui-ci doit être ventilé afin que l’air puisse s’échapper. L’ouverture doit donner directement vers l’extérieur, mais l’installation d’un grillage-moustiquaire est acceptable. » Selon M. Proteau il faut donc installer un grillage-moustiquaire au bas du mur de revêtement au lieu de la fourrure.
[36] Madame Delage souligne qu’il n’y a aucun indice que les murs souffrent d’un manque d’aération (il n’y a pas de gondolement). Elle ajoute par ailleurs qu’une solution encore moins coûteuse, celle de percer des trous à intervalle dans la fourrure, pourrait être mise en œuvre s’il faut aérer davantage le mur.
[37] Le point 3 ne peut être considéré comme un vice caché vu qu’aucun défaut n’a été constaté et que la valeur des actions correctives proposées est très minime.
Point no 4 : Pentes du terrain à corriger sur la partie arrière du bâtiment (1 100 $)
[38] Dans son rapport, M. Proteau indique que « des accumulations d’eau étaient présentes à la partie arrière du bâtiment et de la véranda, nécessite des corrections. ». Sa visite de la résidence a eu lieu au printemps pendant la fonte des neiges. À l’audition, M. Proteau dit qu’il ne devrait pas y avoir d’eau stagnante à moins de 6 pieds de la fondation et que lors de l’inspection, il avait les pieds dans l’eau.
[39] Il n’y avait pas présence d’accumulation d’eau sur le terrain lors de la visite des lieux qui a précédé l’arbitrage le 8 décembre 2015. M. Dupont mentionne qu’il désire qu’un système de drainage souterrain soit installé. Les Parties discutent toutefois qu’il suffirait de faire une rigole à partir du point où pourrait s’accumuler l’eau jusqu’au fossé à l’arrière de la propriété, pour que de l’eau stagnante puisse s’écouler vers le boisé à l’arrière.
[40] Lors de l’audition, madame Delage souligne que la pente du terrain était visible et donc connue par les Bénéficiaires depuis très longtemps.
[41] Le point 4 n’est pas un vice caché puisque les pentes du terrain étaient visibles lors de la prise de possession. Même si les Bénéficiaires n’avaient pas constaté ces pentes, l’accumulation d’eau devait s’être manifestée au cours du printemps de la première année de la garantie. Par ailleurs, la gravité de cette déficience ne me paraît pas suffisante pour être classifiée comme « vice caché ».
Point no 5 : Enduits fissurés à réparer (850 $)
[42] Lors de la visite des lieux, des fissures locales dans les murs de gypses étaient présentes à certains endroits dans différentes pièces de la résidence. Selon M. Proteau, ces fissures sont causées par le retrait des matériaux, et madame Delage est d’accord.
[43] M. Dupont dit que le problème est survenu en 2012, mais que lui et M. Gélinas avaient convenu d’attendre l’année suivante pour les réparer, puis ensuite il était pris avec le problème du plancher en bois. Madame Delage souligne que cette déficience a été déclarée à l’Administrateur le 10 octobre 2013, soit après la fin de la garantie pour vices et malfaçons non apparentes.
[44] Le point 5 n’est pas un vice caché, car la déficience était connue dès la première année après la prise de possession. Elle aurait pu être une malfaçon non apparente si elle avait été déclarée par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans la première année.
Point no 6 : Échangeur d’air qui n’est pas conforme aux normes (3 500 $)
[45] M. Proteau écrit dans son rapport :
« Échangeur d’air, modèle de base, fonctionnel.
Constat : l’appareil et la distribution d’air ne répondent aux exigences en vigueur au moment de la construction, les conduits sont coincés, nécessite des correctifs.
Note : selon la réglementation en vigueur, un ventilateur extracteur principal préchauffant l’air extérieur doit acheminer cet air vers les pièces, réglementation à vérifier auprès de votre municipalité. »
[46] Lors de la visite de la résidence, M. Proteau fait remarquer que l’échangeur d’air n’a pas de dispositif pour réchauffer l’air extérieur. Il y a un seul contrôle d’humidité pour toute la résidence. Il n’y a pas dans chaque pièce un conduit et un contrôle individuel. De plus, selon lui, la prise d’air dans la salle de bain est reliée au conduit de l’échangeur d’air alors que cela n’est pas permis.
[47] Un lecteur d’humidité se trouve dans le secteur cuisine/salle à manger/salon de la résidence et M. Gélinas fait remarquer que le degré d’humidité est de 40o, soit le niveau « confortable » et normalement désiré.
[48] À son témoignage, M. Proteau, qui avait recherché la réglementation en vigueur de la municipalité de la Ville de Shawinigan, montre que le Code national du bâtiment de 1995 a été adopté par la ville en 2008. Il fait référence ensuite à l’article A-9.32.3 de ce Code pour expliquer que la norme exige que l’air extérieur soit réchauffé avant qu’il n’atteigne les pièces de la résidence. Mais les pages extraites A-125 et A-126 du Code remises par M. Proteau à la fin de l’audition n’indiquent pas qu’il faille des conduits et contrôles dans chaque pièce.
[49] M. Proteau ajoute que les défauts du système de ventilation pourraient conduire à des problèmes de santé, à cause de la circulation d’air viciée dans la résidence.
[50] Madame Delage fait remarquer que les manquements mentionnés par l’inspecteur des Bénéficiaires auraient pu être décelés et reportés avant la fin de la première année de la garantie.
[51] Une composante hors norme du bâtiment découverte dans la troisième année de la garantie est-elle forcément un « vice caché » au sens du Règlement ? À cet égard j’ai consulté d’autres décisions. Dans l’affaire Lucia Iulianella et Martin Lajoie[4], Me Boulanger fait référence à l’affaire Thivierge, et écrit :
« Se référant à l’ouvrage de Me Jeffrey Edwards[5], la Cour a réitéré que « le vice caché doit être grave, en ce sens qu’on doit établir objectivement que la vente n’aurait pas eu lieu ou que le prix de vente aurait été significativement moindre, suivant les termes de l’article 1726 CCQ. Il ne suffit pas de démontrer que le bien vaut moins en raison du vice. » La Cour a complété son exposé en mentionnant certaines règles établies en jurisprudence depuis la parution de l’ouvrage de Me Edwards, notamment « le fait qu’un immeuble ne respecte pas le Code National du Bâtiment (ou une autre norme de construction) n’est porteur de vice caché que si, de ce fait, l’immeuble est vendu impropre à l’usage auquel il est destiné ».
[52] Revenant au présent cas, le système de ventilation n’est pas aux normes de l’époque de la construction. Je constate toutefois que l’échangeur d’air actuel remplit la fonction pour lequel il est destiné. Les Bénéficiaires réussissent sans difficulté apparente à maintenir le degré d’humidité au niveau désiré. Aucune de preuve que le système en place pose un danger à la santé n’a été présentée par les Bénéficiaires.
[53] Le système d’échangeur d’air hors norme est sans doute une « malfaçon » au sens du Règlement. Mais il n’est pas un « vice caché » au sens de l’article 10 (4) du même règlement, il ne présente pas un déficit d’usage grave au point que le prix de vente du bâtiment serait significativement moindre.
Point no 7 : Absence de ventilateur de toiture (850 $)
[54] M. Proteau avance que la ventilation du comble du toit est insuffisante en partie supérieure et qu’il faudrait installer un ventilateur sur le toit pour pallier à ce problème.
[55] Selon M. Gélinas, le système de bardeaux (« shingles » et « mousse ») qu’il a installé permet une ventilation adéquate du toit. Madame Delage soulève qu’il n’y a aucune trace d’un manque de ventilation. À son avis seul des calculs par un spécialiste pourraient établir s’il manque réellement de la ventilation. Elle ajoute que tout au plus il pourrait s’agir d’une malfaçon.
[56] Basé sur la preuve, cette déficience possible ne peut pas être considérée un vice caché au sens de la garantie; le manquement n’a pas été démontré, le dommage non plus. De plus, la valeur de la correction proposée est minime.
Point no 8 : Fenêtres à guillotine (7) dont le rendement énergétique minimal convenu dans une entente n’est pas atteint (1 050 $)
[57] M. Proteau note dans son rapport :
« Les fenêtres de qualité standard sont du type guillotine, volet et cadre en PVC, vitrage thermos.
Constat : les volets sont branlants et ne sont pas hermétiques, des infiltrations d’air se manifestent selon la mention des propriétaires, nécessite des correctifs. Note : un test d’infiltrométrie permettrait d’évaluer la qualité de l’étanchéité des fenêtres. » ;
[58] M. Proteau propose dans son rapport la mesure corrective suivante : « Ajuster les volets des fenêtres à guillotine ».
[59] Dans la Décision de l’Administrateur, Mme Delage écrit que :
« Au cours de l’hiver 2012-13, soit la première année de garantie, les bénéficiaires ont constaté que les fenêtres à guillotine ne donnaient pas le rendement minimal convenu dans une entente. Ils mentionnent que le froid s’en dégage et qu’il y a formation de gouttes d’eau et de glace et en exigent le remplacement ».
[60] Mme Delage note également :
« Les bénéficiaires mentionnent qu’ils n’ont pas dénoncé ce problème plus tôt, car ils étaient aux prises avec de graves problèmes de planchers. »
[61] M. Gélinas dit que les fenêtres sont tel que convenu lors de l’entente avec les Bénéficiaires, elles sont « standard », en PVC et à guillotine.
[62] L’insatisfaction des Bénéficiaires sur le rendement des fenêtres date de la première année de garantie, mais ils n’ont avisé l’Entrepreneur et l’Administrateur par écrit que dans la troisième année. De plus, l’essai d’infiltrométrie suggéré par M. Proteau pour évaluer l’étanchéité des fenêtres n’a pas été effectué. Les Bénéficiaires n’ont nullement démontré qu’il s’agit d’un vice caché.
Point no 9 : Absence de solins aux ouvertures et à la base des murs de la véranda (2 300 $)
[63] M. Proteau montre que l’article 9.27.3.2 du Code national du bâtiment 1995 (page 9-104), en vigueur dans la Ville de Shawinigan, indique qu’un solin doit être posé au-dessus des ouvertures pratiquées dans un mur extérieur alors que les fenêtres extérieures du bâtiment n’ont pas de solins alors qu’il n’y a pas de solins.
[64] M. Gélinas indique que la membrane imperméable qu’il a installée derrière les fenêtres agit comme le ferait un solin assure l’étanchéité des fenêtres.
[65] Madame Delage n’avait pas examiné les fenêtres lors de son inspection, n’ayant pas remarqué que M. Proteau en avait parlé dans son rapport. Elle répond toutefois que des solins sont requis selon le Code mais fait remarquer par ailleurs qu’il n’y a aucune trace de problème d’étanchéité visible lors de la visite de la résidence.
[66] Quant à l’absence de solins à la base des murs de la véranda, la Décision de l’Administrateur indique :
:
« L’entrepreneur mentionne que la véranda n’a pas été construite par lui et n’a jamais fait partie de son contrat. »
[67] Mme Delage écrit ensuite que les travaux et matériaux fournis par le bénéficiaire sont exclus de la garantie (article 12.1du Règlement).
[68] Séance tenante, M. Dupont se dit d’accord avec madame Delage, en ce que la véranda n’est pas comprise dans la garantie puisque l’Entrepreneur n’a construit que la structure de cette partie du bâtiment.
[69] En résumé, les solins des fenêtres sont en cause, mais non plus la véranda. Le manque de solins au-dessus des fenêtres va à l’encontre des normes en vigueur lors de la construction. Il n’y pas de trace d’infiltration d’eau. La valeur des correctifs proposés est trop minime.
[70] Tout comme le point no 6, le système d’étanchéité des fenêtres hors norme pourrait être une « malfaçon » au sens du Règlement. Mais il n’est pas un « vice caché » au sens de l’article 10 (4) du même règlement, il ne présente pas un déficit d’usage grave au point que le prix de vente du bâtiment serait significativement moindre.
Point no10 : Asphalte à corriger ainsi que sa fondation granulaire près de la porte levante du garage (3 500 $)
[71] Lors de la visite du bâtiment, les Parties et l’Arbitre ont pu constater que l’asphalte du stationnement au voisinage de la porte de garage est soulevé par les effets du gel. Selon M. Proteau, le remblai sous la dalle aurait été mal compacté.
[72] Madame Delage souligne que l’article 12.9 du Règlement stipule que les espaces de stationnement et autres ouvrages extérieurs sont exclus de la garantie, et que l’Administrateur ne peut donc pas donner suite à la réclamation.
[73] L’article 12.9 précise que les exclusions de la garantie sont:
« 9o les espaces de stationnement et les locaux d’entreposage situés à l’extérieur du bâtiment où se trouvent les unités résidentielles et tout ouvrage situé à l’extérieur du bâtiment tel les piscines extérieures, le terrassement, les trottoirs, les allées et le système de drainage des eaux de surface du terrain à l’exception de la pente négative du terrain; »
[74] Le soulèvement de l’asphalte du stationnement ne peut donc pas être considéré comme un vice caché au sens de la garantie.
Conclusion :
[75] Les Bénéficiaires ne m’ont pas démontré que la Décision de l’Administrateur est mal fondée et qu’elle doit être renversée.
[76] L’exaspération des Bénéficiaires face au problème des lattes de bois du plancher dans les premières 3 années après la prise de possession de leur maison ne justifie pas d’avoir retardé de dénoncer les autres problèmes à l’Entrepreneur et à l’Administrateur ni de remettre à plus tard l’inspection de la résidence.
[77] Les points qui font l’objet des dénonciations des Bénéficiaires du 10 octobre 2013 et du 15 avril 2015, faites dans la 2e année et la 3e année de la garantie sont refusés parce qu’ils ne rencontrent pas les critères de vices cachés.
[78] Ils ne rencontrent pas non plus les critères de vices de construction ou vices de conception au sens de l’article 10(5) du Règlement puisqu’aucune perte de l’ouvrage n’a été constatée compromettant la solidité de l’édifice ou de défectuosités graves entraînant des inconvénients sérieux.
POUR CES MOTIFS L’ARBITRE SOUSSIGNÉ :
MAINTIENT la décision de l’Administrateur,
REJETTE la demande des Bénéficiaires.
Vu les articles 116 et 123 du Règlement, ORDONNE que l’Administrateur assure les frais du présent arbitrage, sauf pour un montant de 100 $ à être assumé par les Bénéficiaires.
< Rosanna Eugeni >
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Rosanna Eugeni, ing
Arbitre
[1] Roll c. Groupe Maltais (97( inc., Soreconi, 6 juin 2006, Michel A. Jeanniot, arbitre, #6
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Desindes, C.A. Montréal, no 500-09-013349-030, 15 décembre 2004, jj Rousseau-Houle, Morin, Rayle, #11,#29,#37 à 39
[2] Roll c. Groupe Maltais (97( inc., Soreconi, 6 juin 2006, Michel A. Jeanniot, arbitre, #24-30-47-55 et 91
Picard c. Berthiaume Constructif inc., CCAC, 30 août 2006, Jean Royer arbitre, #56 à 58 et 66
Les entreprises Chapam Ltée c. SDC condo « SO » phase 2, CCAC, 10 décembre 2010, Roland-Yves Gagné, arbitre #83
[4] Lucia Iulianella et Martin Lajoie c. Rénovations Laroche & Fils inc., décision arbitrale de Me Pierre Boulanger datée du 30 octobre 2009, CCAC no. S07-121101-NP
[5] J. Edwards, La Garantie de Qualité du Vendeur en Droit Québécois, Wilson & Lafleur, 1998