ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98)

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

Dossier no :     GAMM : 2014-03-002

QH : 78270 — 6725

DOYLE : 1500-029

 

 

ENTRE:

MME ANNE LAGANIÈRE M. SÉBASTIEN PLANTE

(ci-après les « bénéficiaires »)

ET:

LES CONSTRUTIONS DU SOUS-BOIS (MP) INC., (Jean Boulet)

(ci-après « entrepreneur »)

ET:

LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

 

DEVANT L'ARBITRE :                               Me Jean Doyle

 

 

 

PRÉSENTS :

 

Pour les bénéficiaires :                             Mme Anne Laganière

                                                                     M. Sébastien Plante

 

Pour l'entrepreneur :                                  M. Jean Boulet

                                                                     M. Claude Côté

 

Pour l'administrateur                                 Me François-Olivier Godin, procureur

                                                                     Monsieur Martin Gignac

 

Date d'audience :                                      Le 15 juillet 2014

 

Date de la sentence :                                Le 18 août 2014

 

HISTORIQUE

 

Le 5 mars 2014               Le rapport de monsieur Martin Gignac, inspecteur conciliateur pour la Garantie Qualité Habitation.

 

Le 25 mars 2014             La demande d'arbitrage de la part des bénéficiaires

 

Le 26 mars 2014             Mandat confié à l'arbitre soussigné

 

Le 7 mai 2014                 Conférence téléphonique de gestion

 

Le 15 juillet 2014             Audition de l'arbitrage

 

Le 18 août 2014              Décision arbitrale

 

 

LES FAITS

 

A. Le rapport de conciliation

 

1.        Le rapport de conciliation fait état de quatre (4) plaintes portées par les bénéficiaires soit :

Note : a) Une dénonciation du 19 décembre 2011 relative à la hotte de cuisine, la peinture de l'entrée du garage par la maison et des craquements provenant des bruits de ventilation;

Note : b) Une dénonciation du 31 janvier 2012 portant sur le problème du conduit de ventilation et sur un problème d'humidité excessive;

Note : c) Une dénonciation du ler février 2012 portant sur des claquements et craquements du système de ventilation;

Note : d) Une dénonciation du 28 novembre 2013 portant sur des problèmes de toiture, et des problèmes relatifs à la ventilation/chauffage et au bois torréfié;

2.        La décision de l'administrateur en date du 5 mai 2014 porte sur quatre (4) des  problèmes ci-haut dénoncés soit :

Ø    Système d'air pulsé : chauffage

Ø    Prises d'air extérieures

Ø    Parement extérieur en bois torréfié

Ø    Toiture : bardeaux d'asphalte

3. Les dénonciation, constatations et décision du conciliateur se lisent comme suit :

« Toiture / Bardeaux (IKO) -Début 2013 :

Suite à une journée venteuse, une dizaine de bardeaux sur la face sud de la résidence se sont soulevés. Plusieurs bardeaux se sont retrouvés sur le terrain de la résidence. Un appel a été fait par les Acheteurs à l'Entrepreneur afin de s'enquérir des recours possibles afin de réparer la toiture. L'Entrepreneur confirme alors qu'aucun recours n'était possible à cause de la force des vents.        Les Acheteurs remplacent les bardeaux.

-Novembre 2013 :

Au début de novembre 2013, des problèmes avec le bardeau de la toiture sont constatés sur la face sud de la résidence (voir pièce justificative # IMG 5212v2). Un appel est alors fait par les Acheteurs avec l'Entrepreneur afin de s'enquérir des recours possibles afin de réparer la toiture. L'Entrepreneur indique alors que des procédures doivent être entreprises par les Acheteurs auprès du fournisseur de bardeaux 1KO.

A la mi-novembre, les Acheteurs constatent d'autres dommages à la toiture sur le côté est (voir pièces justificatives # !MG 5217v2 et 1MG 5216v2), ainsi que sur le côté nord (voir pièce justificative #1MG 0931v2). Lors de la prise d'échantillons requise afin de compléter la réclamation 1KO, les Acheteurs réalisent que les bardeaux ne sont ps collés.

Ø     Constatations du conciliateur

Tel que stipulé aux articles 6.4.2.3, 6.4.2.4 et 6.4.2.5 du contrat de garantie obligatoire de condominium, les situations décrites doivent être dénoncées par écrit à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte

des vices et des malfaçons  Entre la situation observée et la dénonciation, il s'est écoulé plus de 9 mois, donc voici les extraits :

Extrait de l'article 6.4.2.3 :

La réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées par écrit à l'Entrepreneur et à Qualité Habitation dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte des malfaçon.

Extrait de l'article 6.4.2.4 :

La réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les trois (3) ans suivant la réception dénoncés, par écrit à L'Entrepreneur et à Qualité Habitation dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

Extrait de l'article 6.4.2.5 :

La réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les cinq (5) ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu'il n'y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l'Entrepreneur et à Qualité Habitation dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

> Décision

CONSIDÉRANT qu'il s'est écoulé un délai de neuf (9) mois entre la découverte des vices et des malfaçons et la dénonciation, par conséquent, La garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat »

4.             L'inspecteur conciliateur de l'administrateur ne s'est prononcé que sur les délais écoulés depuis, selon lui, la première manifestation de la problématique entourant les bardeaux de toiture et la dénonciation faite à l'entrepreneur et à l'administrateur.

5.             Le tribunal ne devra, par conséquent, se prononcer que sur ce point en litige, tel que demandé par la demande formelle d'arbitrage du 25 mars 2014 présenté par les bénéficiaires et qui se lit comme suit :

« #4 : Toiture : Bardeau d'asphalte.

D Les bénéficiaires contestent la décision de l'administrateur qui stipule que nous avions pas respecté le délai de 6 mois.

Comme en début 2013 la force des vents était exceptionnellement forte.  (à cet effet l'entrepreneur indiquait aux bénéficiaires qu'aucune garantie n'était possible), les bénéficiaires ne pouvaient alors connaître la gravité de la situation. Ce n'est qu'en novembre 2013 que les bénéficiaires ont réellement pris connaissance de l'ampleur du problème c-à-d bardeaux non collés sur plusieurs façades et non produit par de très fort vent) Nous demandons donc à l'Administrateur de rendre une décision sur le fond de la réclamation (c-à-d sur le problème et ses causes)

 

 

LA PREUVE

 

 

Témoignage de monsieur Sébastien Plante

 

6.             Le témoin reprend sensiblement ce qu'il avait couché sur papier dans l'intitulé NOTE D apparaissant en page 7/18 de l'exhibit A-2.

7.             Monsieur Plante communiquait à l'époque des faits pertinents au présent litige avec monsieur Tommy Mokhtari, employé de l'entrepreneur.

8.             Monsieur Mokhtari était responsable du service à la clientèle chez Construction CRD Inc.

9.             En début 2013 ou peut-être fin 2012, suite à de grands vents, une dizaine de bardeaux ont décollés sur la face sud de la propriété.

10.         Les bénéficiaires ont alors placé un appel chez Construction CRD pour se faire répliquer qu'il n'y avait pas lieu à l'application de la garantie de l'entrepreneur puisque les vents avaient alors soufflé à une vitesse supérieure à 85 km, ce qui relevait l'entrepreneur de toute responsabilité quant à cet événement.

11.         Il est à noter que ni les bénéficiaires ni l'entrepreneur n'ont produit quelque document que ce soit attestant d'une telle violence des vents, lors de l'événement décrit. Ni n'ont-ils produit la norme régissant un tel événement.

12.         Cependant, il est également à noter que le témoin spécifie qu'il y avait eu effectivement des vents forts violents et que l'entrepreneur, lors de son témoignage subséquent, considère que les vents devaient être effectivement très violents pour que la décision de son entreprise soit de ne pas réparer les dommages occasionnés à la toiture alors. La force excessive des vents doit donc être tenue pour avérée.

13.         A la fin novembre 2013, sans qu'aucun événement particulier ne cause de tels dommages, les bénéficiaires ont remarqué que des bardeaux de toiture décollaient sur toutes les faces de la toiture de la propriété.

14.         A la suite de cette constatation, les bénéficiaires ont communiqué à de nombreuses reprises, les échanges courriels ayant été produits par les bénéficiaires, dans le cadre d'une correspondance, subséquente à l'audience d'arbitrage mais de consentement, démontrant un suivi intense de requêtes, soit pour que les travaux soient effectués par l'entrepreneur, soit pour l'obtention de détails d'information et de documents en provenance du fabricant, pour étayer un dossier contre le fabricant des bardeaux la Compagnie 1KO.

15.         Le représentant de l'entrepreneur, monsieur Mokhtari, devait régulièrement être recontacté pour fournir les renseignements utiles pour une poursuite éventuelle des bénéficiaires contre la compagnie IKO.

16.         Par la suite, lorsqu'il s'est avéré que monsieur Mokhtari, d'une part, avait quitté l'entreprise et que, d'autre part, personne chez CRD ne prenait la relève pour assister les bénéficiaires, une dénonciation fut alors faite auprès de l'administrateur de la garantie.

17.         Les bénéficiaires souhaitaient introduire un rapport d'expert en preuve, mais le signataire de ce rapport étant absent lors de l'audience, le rapport, contesté par l'administrateur de la garantie, ne fut pas produit au dossier.

18.         Le témoin rappelle, cependant, au tribunal qu'un tel rapport d'expert a été demandé et dressé, à la suite d'une recommandation de la part de l'inspecteur-conciliateur monsieur Martin Gignac.

Témoignage de monsieur Martin Gignac

19.         Monsieur Gignac, dûment affirmé, établit son CV et rappelle que, lors de sa visite chez les bénéficiaires, en date du 5 février 2014, il était déjà en possession de la dernière dénonciation des bénéficiaires datée du 28 novembre 2013 et que, sa conversation avec les bénéficiaires dont monsieur Sébastien Plante, était au même effet. C'est-à-dire que, selon l'interprétation du témoin, la première constatation d'une défectuosité des bardeaux ou d'un décollement des bardeaux de toiture était fin 2012 début 2013 alors que la dénonciation auprès de l'administrateur de la Garantie date de novembre 2013, soit suite à un deuxième événement.

20.         Suite à cette constatation, monsieur Gignac ne s'est pas arrêté à la problématique technique du décollement des bardeaux puisque, selon lui, les délais courus entre la première constatation de la problématique et la dénonciation de ces événements, le portaient à conclure que les délais étaient de plus de six (6) mois, donc n'entrainaient pas l'application de la garantie Qualité Habitation.

21.         Comme il le stipule dans ses « constatations » :

« Tel que stipulé aux articles 6.4.2.3, 6.4.2.4 et 6.4.2.5 du contrat de garantie obligatoire de condominiums les situations décrites doivent être dénoncées par écrit à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six mois de la découverte des vices et des malfaçons . . . »

22.         Ces articles du plan de garantie reprennent essentiellement l'article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs qui aux paragraphes 3e, 48 et 5e mentionnent clairement que les dénonciations :

« Par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six mois de la découverte ... »

23.         Il n'y a, par conséquent, pas eu d'enquête technique de la part de l'inspecteur conciliateur monsieur Martin Gignac.

Témoignage de monsieur Jean Boulet

24.         Monsieur Boulet est le propriétaire de la compagnie Construction CRD Inc. et rappelle au tribunal que les bardeaux ont été arrachés lors de grands vents en fin décembre ou début janvier 2013 mais il ne produit à l'audience aucun document à cet effet.  Il ne fait que mentionner que si monsieur Mokhtari a répondu négativement à la demande de service après-vente des bénéficiaires c'est qu'une telle constatation de grands vents avait surement été vérifiée.

25.         D'autre part, il témoigne à l'effet que la norme relative aux toitures ne requiert qu'une bande de 36 pouces de papier noir en bordure de la toiture. Encore là, aucun document à l'appui.

ANALYSE

26.         Tel que précédemment énoncé, la preuve déposée devant le tribunal, tant par les documents soumis dans le cadre des dénonciations des bénéficiaires, que par les témoignages de Messieurs Plante et Gignac, il appert que le tribunal ne doit se pencher que sur l'appréciation des délais courus entre la première constatation d'une déficience des bardeaux de toiture, fin 2012 début 2013, et la deuxième manifestation d'une telle déficience en novembre 2013 et sa dénonciation rapide, cette fois, sans aucun doute, à l'intérieur des délais prescrits auprès de la Garantie et au Règlement.

27.         Lorsque les bardeaux ont décollé et arraché sur une seule face, soit la façade sud de la toiture en décembre 2012/janvier 2013, la preuve révèle-t-elle qu'à ce moment les bardeaux étaient déficients?

28.         A l'appui de la thèse soutenue par l'administrateur de la Garantie, son procureur, Me François-Olivier Godin, soumet au Tribunal une décision de monsieur Claude Dupuis, ingénieur, dans Martine Boivin et Guy Poulin et Champsblais Constructions Inc. et La Garantie Habitation du Québec Inc., en date du 3 octobre 2013.

29.         En page 7 de cette décision l'arbitre Claude Dupuis, s'exprime ainsi :

[48]        Il est admis que la première manifestation, soit l'apparition de quatre fissures au plancher de céramique dans le salon, remonte à décembre 2007. À cet égard, les bénéficiaires ont adressé une réclamation écrite à l'entrepreneur et à l'administrateur le 2 avril 2012; il s'est donc écoulé 41 mois entre la première découverte et la dénonciation.

[49]        A son article 10, le plan de garantie prévoit un délai maximum de six mois entre la découverte et la dénonciation.

[50]        Sans équivoque, la jurisprudence reconnaît que ce délai maximum de six est de rigueur et de déchéance, et si ce délai n'est pas respecté, le droit des bénéficiaires à la couverture de la garantie ainsi qu'à l'arbitrage est éteint.

[51]        Les bénéficiaires soutiennent que le vice est graduellement apparu.

[52]     En tout respect pour l'opinion contraire, le soussigné est d'avis que ce vice était très apparent dès décembre 2007 (quatre fissures au plancher du salon), encore plus à l'été 2008 (fissures au plancher de la cuisine), et ainsi de suite, année après année, selon le témoignage de Mme Boivin.

[53] Contrairement au bois, la tuile de céramique est un matériau inerte, sans mouvements propres. »

30.          De cette citation, le soussigné retient principalement que les parties étaient d'accord pour exprimer que le dommage s'est aggravé graduellement entre la première manifestation en décembre 2007 et la dénonciation du 2 avril 2012 qui, elle-même, faisait suite à une dernière manifestation de la problématique en octobre 2011.

31.          La preuve soumise au tribunal dans la présente instance témoigne plutôt de deux événements indépendants, soit, d'une part, le décollement et la chute de plusieurs bardeaux, conséquence de grands vents, et sur une seule face de la toiture. D'autre part, un deuxième événement s'est manifesté quelque 10 ou 11 mois plus tard, sans cause apparente et sur toutes les faces de la toiture.

32.          Il y a donc lieu pour le tribunal de constater qu'il ne paraît pas y avoir de similitude de cause ou rapprochement technique entre les deux manifestations de décollement des bardeaux de toiture, d'autant plus que la première manifestation ne résultait pas semble-t-il, à ce moment-là, d'une déficience, mais plutôt du résultat « normal » de réaction à des vents excédant la norme acceptable de résistance des bardeaux.

33.          La jurisprudence soumise par l'administrateur de la Garantie ne saurait, avec déférence pour l'opinion contraire, par conséquent, recevoir l'aval du tribunal puisque les faits rapportés dans cette cause de notre collègue l'arbitre Claude Dupuis et la preuve déposée devant le tribunal dans notre affaire divergent sensiblement.

34.       D'autre part, les bénéficiaires soumettent à l'étude du tribunal cinq (5) décisions de tribunaux d'arbitrage ou de tribunaux de droit commun qu'il y a lieu d'analyser, pour certaines, comme suit :

35.       La décision de l'arbitre Jean Morissette du Groupe d'Arbitrage et de Médiation sur Mesure dans Diallo et 4176855 Canada Inc., et la Garantie d'Habitation du Québec Inc., portant numéro 2012-13-001 (GAMM) est basée sur le résumé suivant :

« Lorsque celle-ci (madame Khardiata Diallo) a initialement écrit à l'entrepreneur, en juin 2010, l'inquiétude qu'elle exprimait n'était pas la preuve qu'elle connaissait la gravité et l'étendue du problème. La date de connaissance de ce dernier doit être fixée au mois de juin 2011, de sorte qu'il faut conclure que la dénonciation effectuée le mois suivant a été faite dans un délai raisonnable. »

Plus avant, dans sa décision, l'arbitre Jean Morrissette, retient ce qui suit :

[11] Le courriel du 28 juin 2010 de madame Diallo à l'entrepreneur fait état du niveau du terrain, pièce B-2. Le point 1 de ce courriel se lit ainsi :

« Point 1 : Je suis au [...] et mon terrain se trouve à un niveau très bas par rapport à celui de mon voisin de gauche (ouest) et d'en arrière (sud). Je m'inquiète de cette situation, car s'il V a  des déversements d'eau ou autre chose, tout va descendre sur mon terrain. J'aimerais savoir ce que Boulet compte faire pour pallier à cette situation, s'il prévoit faire un muret ou autre chose. (...) » 'nos soulignés)

Ce courriel n'est pas transmis à l'Administrateur,.

[12]           Les travaux de construction des maisons voisines de la sienne se poursuivaient. Elle a cru que l'Entrepreneur s'occuperait de la situation des niveaux de terrains plus élevés sans avoir à faire connaître spécifiquement à l'Administrateur, ce qu'elle soulève dans son courriel;

[13]           Il n'y a pas eu de réponse au courriel du 28 juin 2010 et malgré l'absence de réponse, elle n'y a pas donné de suite car l'Entrepreneur exécutait des travaux dans le quartier;

[14]           La dénonciation à l'Administrateur sera reçue le 8 août 2011, pièce A-3. La lettre du 4 juillet 2011 adressée par courrier recommandé à l'Entrepreneur, reçue le 8 août 2011 selon le cachet apposé sur la copie de la lettre par l'Administrateur, dénonce un désordre de la façon suivante :

« Monsieur,

A la suite des pluies abondantes du 24 juin dernier, j'ai eu une infiltration d'eau au sous-sol de ma résidence située au [4, à Gatineau (Québec). Cela a occasionné une inondation et des dégâts, et la cause reste toujours inconnue.... » (nos soulignés)

[15]           La Bénéficiaire soutient qu'elle a mentionné à monsieur Labelle la situation et possibles problèmes relatifs au niveau des terrains lors de son inspection du 10 novembre 2011. Elle a aussi mentionné l'existence du regroupement du voisinage des rues [...] et [...] dont le fondement relève d'une difficulté et carence de drainage du quartier.

[16]           Madame Diallo reconnaît ne pas avoir dénoncé à l'Administrateur les désordres en regard des points de la salle de bain (point 3) et de la porte de chambre des maîtres (point 4). Elle croyait que la dénonciation aux services après-vente de l'Entrepreneur serait suffisante;

[17]           Elle reconnaît les pluies diluviennes survenues les 23 et 24 juin 2011 au moment de l'infiltration d'eau dans le sous-sol de sa maison;

[18]           Elle n'a fait aucun travaux de terrassement et a fait effectuer la pose des gouttières;

[19]        Auparavant, il y avait un déshumidificateur dans la maison qui n'a pas été remplacé après son bris;

[20]           Les cassures des carreaux ont été constatées après la fuite d'eau provenant de la toilette;

[21]           En contre-interrogatoire, madame Diallo admettra que l'avis de dénonciation du 4 juillet 2011 mentionne spécifiquement que la cause de l'inondation est inconnue et que les pluies des 23 et 24 juin 2011 étaient exceptionnelles; »

36.     L'arbitre retient ensuite dans les positions des parties que « la bénéficiaire croyait que ses dénonciations à l'entrepreneur étaient suffisantes » (par. 45).

37.     L'Entrepreneur (par. 48) considère que les dommages résultant d'une infiltration d'eau au sous-sol résultent d'une pluie diluvienne.  Cette position est  corroborée par l'administrateur qui manifeste en plus que s'il y a eu dommage, c'est à cause d'une différence importante dans les niveaux de terrains avoisinants, reconnue par la bénéficiaire en 2010, mais qu'elle n'a dénoncé qu'en 2011 soit plus de six (6) mois après sa connaissance de la problématique.

38.     Monsieur l'arbitre Morrissette conclut sur la preuve qui lui est soumise aux paragraphes 65 et 66 de sa décision, comme suit :

[65] La preuve de l'expert-ingénieur n'est pas contredite à l'effet que pour une personne non-initiée au domaine de la construction, les pentes de terrain n'apparaissent pas une question importante. J'ajoute que l'inquiétude exprimée par madame Diallo dans soncourriel du 28 juin 2010, pièce B-2, n'est pas la preuve qu'elle en connaissait la gravité et l'étendue. Selon la preuve, ce n'est qu'au moment des pluies torrentielles de juin 2011 qu'elle réalise l'étendue du problème. C'est à partir de ce moment que ce vice qui apparaît graduellement ne peut plus être caché.

[66] La date de l'inondation du 24 juin 2011 est le point de départ d'une connaissance de la gravité et l'étendue du vice qu'entraine l'aménagement déficient. La dénonciation du 4 juillet 2011 est reçue par l'Administrateur le 8 août 2011, pièce A-3. Cette dénonciation effectuée dans les six (6) mois de l'événement qui permettait à la Bénéficiaire d'en soupçonner toute la gravité et l'étendue est valide. »

39. Dans une autre décision arbitrale portant le numéro GAMM 2012-19-001, l'arbitre Jeffrey Edwards maintenant Juge à la Cour du Québec, dans l'affaire de Justyna Lizotte et Robin Mongeau et Excellence Construction Inc. et la Garantie des maisons neuves de l'APCHQ, décidait le 4 juillet 2012 comme suit :

[6] Les Bénéficiaires ont pris possession de leur propriété le 9 février 2009.

[7] Le 9 mai 2011, ils ont fait une autre plainte écrie à l'Entrepreneur, cette fois envoyée en copie conforme à l'Administrateur (Pièce A-6). Ainsi ils sont à l'intérieur de la période de trois (3) ans de la garantie couvrant la présence de vices cachés.

[…]

[9] L'inspecteur a décidé que les Bénéficiaires n'ont ps respecté l'avis concernant le délai de dénonciation de six (6) mois à partir de la découverte du vice caché au sens de l'Article 1739 du Code civil du Québec qui est incorporé comme délai à l'Article 19 (4) du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après « Règlement »).

[10] Avec égards, nous ne partageons pas cet avis. Le point de départ du délai en vertu de l'Article 1739 est la découverte du vice. Cette découverte implique la connaissance du problème par l'acheteur. Selon la jurisprudence en vertu de l'Article 1739 C.c.Q., les réparations du vendeur et les discussions en vue de régler le problème prolongent le délai raisonnable. Il est normal dans les relations humaines que l'acheteur de bonne foi attende le résultat des démarches proposées par le vendeur professionnel pour régler le problème. Il est également normal que l'acheteur de bonne foi, une fois les réparations effectuées par le vendeur-entrepreneur, attende pour voir si les réparations effectuées ont eu le résultat promis par le vendeur et escompté par l'acheteur. (nos soulignés)

[11]            Devant cette absence de transparence, les Bénéficiaires ont néanmoins fait confiance à l'Entrepreneur et ont attendu pour voir si les travaux promis allaient régler le problème des bardeaux qui se soulèvent avec un vent d'une certaine intensité.

[12]            Selon le témoignage des Bénéficiaires, encore le 6 mai 2011, l'Entrepreneur a promis que le couvreur viendrait faire des réparations. Or, les Bénéficiaires ont finalement perdu patience et on fait leur plainte écrie avec copie conforme à l'Administrateur le 9 mai 2011, soit trois (3) jours plus tard.

[13]            Le soussigné voit difficilement comment il pourrait être considéré que cette plainte est hors délai.  À notre avis, les  Bénéficiaires ont été très diligents dans tout ce processus et, en particulier, ont respecté le délai de dénonciation prévu à l'article 10 (4) du Règlement. Or, étant donné le rejet de la demande des bénéficiaires par l'Administrateur au motif présumé du défaut de respecter ce délai, l'inspecteur de l'Administrateur n'a pas tranché la question de l'existence ou non d'une malfaçon ou d'un vice caché en vertu du Règlement Pour l'évaluation de ce point et compte tenu de notre décision quant au délai et à la recevabilité de la plainte des Bénéficiaires, le Tribunal d'arbitrage décide de renvoyer le dossier à l'Administrateur pour qu'il rende une décision sur le fond technique de l'affaire. »

40. Dans une décision de l'arbitre Alcide Fournier de l'organisme d'arbitrage SORECONI, dans Élizabeth Séguin et Gilles Séguin et Constructions Cholette Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels neufs de l'APCHQ Inc., portant le numéro de dossier SORECONI 061110001, en date du 30 janvier 2007, dont les faits présentent une similitude intéressante avec la cause sous-étude, l'arbitre reprend les éléments de preuve suivants :

[6] Dans sa décision du 4 octobre 2006, l'administrateur mentionne que les vices cachés ou vices majeurs doivent être dénoncés par écrit à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable ne pouvant excéder 6 mois de leur découverte ou première manifestation, ce qui n'est pas le cas dans le présent dossier.

[7] Selon l'administrateur, les premiers problèmes à la toiture se sont manifestés en 2003 et n'ont été dénoncés par écrit à l'administrateur que le 13 mars 2006, ce qui excède les délais prévus au contrat de garantie et au règlement sur le plan de garantie.

[8] Le bénéficiaire, M. Séguin, admet qu'entre 2003 et 2006, il est arrivé à quelques reprises que le toit soit endommagé par le vent.

[9] Bien qu'il ne se souvienne pas des dates précises, ces dommages mineurs ont été immédiatement réparés par l'entrepreneur.

[10] Le 16 février 2006, le vent cause des dommages considérables non seulement à la toiture de son unité résidentielle mais à l'ensemble des unités contenues dans le même immeuble.

[11]     Informé de la situation, l'entrepreneur refuse de faire les réparations à ses frais, puisque, selon lui, ce sont les vents qui ont causé les dommages de sorte que ce sont les assurances des bénéficiaires qui doivent assumer le coût des réparations.

[12]     M. Michel Bastien, architecte et expert des bénéficiaires, dépose les relevés d'Environnement Canada qui révèlent qu'à l'aéroport Montréal Trudeau, les vents n'ont pas dépassé 78km/heure le 16 février 2006.

[13]     De plus, selon cet expert, les bardeaux installés sur la toiture peuvent, selon les spécifications du fabriquant, résister à des vents beaucoup plus élevés, s'ils sont correctement installés.

41. Pour finalement décider comme suit :

[19]            Selon le règlement, l'arbitre a le pouvoir de réviser, s'il y a lieu, les décisions de l'administrateur.

[20]            Dans le présent litige, la décision de l'administrateur porte uniquement sur la recevabilité de la demande de réclamation des bénéficiaires de sorte que la décision de l'arbitre soussigné doit se limiter à cet élément.

[21]            La preuve révèle que des dommages mineurs sont survenus à la toiture de 2003 à 2006, et que ces dommages ont été réparés par l'entrepreneur.

[22]         Pour les bénéficiaires, il s'agissait de problèmes mineurs causés par le vent, puisque la région de Mont St-Hilaire est réputée pour ses vents forts et fréquent& (nos soulignés)

[23]         Le 17 février 2006, les dommages à la toiture sont importants et suite à l'avis d'un expert, le bénéficiaire prend conscience que l'ensemble de la toiture est affecté par un défaut majeur, soit l'installation déficiente des bardeaux de recouvrement. (nos soulignés)

[24]         Dans l'affaire Martin Lapointe et Marie-Claude Fortin contre Construction Réjean D'Astous et la Garantie de l'APCHQ Inc., l'arbitre soussigné affirmait aux paragraphes 65 et 66 et ce, après l'analyse de la jurisprudence de tribunaux civils :

65.           « De l'avis du soussigné, il ne suffit pas d'affirmer avoir pris conscience de l'importance d'un problème à une date donnée pour qu'automatiquement, la compilation du délai pour aviser par écrit l'entrepreneur et l'administrateur commence à cette date. »

66.           « Il faudrait à tout le moins que cette affirmation soit corroborée par certains faits concrets, comme cela peut se produire lors de dommages progressifs, par exemple. »

[25] Dans le présent dossier, la prise de conscience de la gravité de la situation a été provoquée d'abord par l'occurrence d'un dommage beaucoup plus important le 16 février 2006 et par le dépôt d'un  rapport d'expert qui affirme que l'ensemble des bandeaux du toit ont mal été cloués et collés. (nos soulignés)

[26] Ainsi l'arbitre soussigné estime que la date du 17 février 2006 doit être considérée comme étant la date de départ pour la compilation du délai.

DÉCISION

CONSIDÉRANT QUE les dommages occasionnés à la toiture à la fin 2012 début 2013 résultent, selon la preuve, de grands vents et ne représentent qu'un événement isolé qui ne laissait soupçonner aucune malfaçon, déficience ou vice caché affectant la toiture;

CONSIDÉRANT QUE les dommages à la toiture en novembre 2013 résultent, selon la preuve, d'une déficience des bardeaux sur toutes les faces de la toiture;

CONSIDÉRANT QUE l'entrepreneur est responsable de fournir aux bénéficiaires un toit étanche exempt de vices cachés, conformément à l'article 2100 du Code Civil du Québec qui se lit comme suit :

« Article 2100. L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure. »

Et qu'il n'y a aucune preuve de force majeure;

CONSIDÉRANT QUE la date de départ pour la computation du délai de dénonciation est établie à novembre 2013;

CONSIDÉRANT QUE la dénonciation fut transmise à l'entrepreneur et à l'administrateur, tel qu'il appert à la note D en page 7 de l'exhibit A-2, le 29 novembre 2013, soit à l'intérieur des délais prescrits au Règlement, à l'article 10 (4).

Le Tribunal d'arbitrage RENVOIE le dossier à l'administrateur pour qu'il rende une décision sur l'aspect technique de l'affaire.

Compte tenu que les bénéficiaires ont gain de cause dans leur contestation de la décision de l'administrateur, ce dernier ASSUMERA les frais de la présente demande d'arbitrage.

POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL D'ARBITRAGE

ACCUEILLE la demande d'arbitrage des Bénéficiaires;

DÉCLARE que la dénonciation des bénéficiaires du 29 novembre 2013 a été faite à l'intérieur du délai prévu à l'article 10 (4) du Règlement et est. par conséquent, recevable;

RENVOIE le dossier à l'administrateur pour qu'il rende rapidement une décision sur l'aspect technique de la problématique relative à la toiture de la propriété des bénéficiaires;

DÉTERMINE, conformément au Règlement sur le plan de Garantie des Bâtiments résidentiels neufs que les coûts du présent arbitrage sont payables, tels qu'établis aux articles 37 et 123 du Règlement.

Montréal, Le 18 août 2014

Me Jean Doyle, arbitre