En vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs
(Décret 841-98 du 17 juin 1998, tel qu’amendé, c. B-1.1, r.0.2,
Loi sur le bâtiment, Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada) Groupe d’arbitrage Juste Décision – GAJD
ENTRE
MARIE LUCIE RENAUD et BERNARD JULES Bénéficiaires
Et
GROUPE IMMOBILIER GRILLI INC.
Entrepreneur
Et
RAYMOND CHABOT ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC., ÈS QUALITÉ D’ADMINISTRATEUR PROVISOIRE DU PLAN DE GARANTIE DE LA GARANTIE ABRITAT INC.
Administrateur
No dossier / Garantie : 16-078.2 NN
No dossier / GAJD : 20172806
No dossier / Arbitre : 35304-16
Arbitre : | Me Pierre Brossoit |
Pour le Bénéficiaire : | Bernard Jules |
Pour l’Entrepreneur : | Denis Côté |
Pour l’Administrateur : | Me Nancy Nantel |
Date d’audience : | 23 novembre 2017 |
Lieu : | 800, du Square Victoria, bureau 4600, Montréal, Québec |
Immeuble concerné : | [...], Québec |
Date de la décision : | Le 1er décembre 2017 |
LES PIÈCES
[1] Les pièces produites par les Bénéficiaires sont les suivantes :
B-1: Extrait du guide de la SCHL, concernant les problèmes d’humidité dans les aires de séjour;
B-2 : Courriel de Bernard Jules du 21 février 2016 à Marc-André Savage,
d’Abritat.
[2] Les pièces produites par l’Administrateur sont les suivantes :
A-1: Décision du 6 février 2017 (décision antérieure);
A-2: Courriel du 26 novembre 2016 qui comprend dénonciation datée du 27 février 2016;
A-3: Rapport de Groupe Inspection/Plus en date du 19 novembre 2016;
A-4: Demande de réclamation;
A-5: Avis de 15 jours en date du 27 février 2017;
A-6: Décision de l’administrateur en date du 23 mai 2017 et lettres;
A-7: Demande d’arbitrage en date du 17 juillet 2017;
A-8: Curriculum vitae de Richard Berthiaume, technologue professionnel;
A-9: Dessins de Richard Berthiaume au soutien de son témoignage concernant la condensation observée à la fenêtre de la chambre principale de l’Immeuble;
A-10: Extrait du guide de performance de l’APCHQ;
A-11: En liasse – 12 photos prises par Richard Berthiaume concernant les vices dénoncés.
[3] L’Entrepreneur n’a produit aucune pièce.
LES TÉMOINS
[4] Le Tribunal a entendu le témoignage des personnes suivantes :
Bernard Jules, pour les Bénéficiaires;
Richard Berthiaume, pour l’Administrateur;
Denis Côté, pour l’Entrepreneur.
LES FAITS
[5] Le 25 avril 2013, les Bénéficiaires ont pris réception de leur bâtiment sis au [...], à l’Ile-Bizard, Québec (ci-après « l’Immeuble »).
[6] Le 27 février 2016, les Bénéficiaires avisent l’Entrepreneur de l’existence à l’Immeuble de deux (2) vices, soit :
a) Dommages sous la fenêtre intérieure de la chambre des maîtres; et
b) Vitrage de la fenêtre située au-dessus de la porte d’entrée fissuré.
[7] Le 26 novembre 2016, devant l’inaction de l’Entrepreneur, les Bénéficiaires déposent une réclamation auprès de l’Administrateur.
[8] Le 14 mars 2017, l’inspecteur Richard Berthiaume inspecte l’Immeuble au sujet des deux (2) vices.
[9] Le 24 mai 2017, l’Administrateur, sous la plume de M. Berthiaume, rejette la demande de réclamation des bénéficiaires (la décision, pièce A-6).
[10] Le ou vers le 20 juin 2017, les Bénéficiaires demandent l’arbitrage de la décision de l’Administrateur, pièce A-6.
[11] Le montant estimé par les Bénéficiaires des travaux à effectuer pour corriger les deux (2) vices dénoncés est de 2 500 $, pièce A-7.
QUESTION EN LITIGE
[12] Les deux (2) vices dénoncés par les Bénéficiaires sont-ils, dans les circonstances, couverts par l’article 10.4 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement »)?
a) Dommages sous la fenêtre intérieure de la chambre des maîtres
[13] M. Berthiaume a rejeté cet item à sa décision, pièce A-6, pour les motifs ci-après retranscrits :
« Les bénéficiaires dénoncent des dommages sur le mur de placoplâtre causés par des infiltrations d’eau provenant, semble-t-il, de la fenêtre de la chambre des maîtres, situation qu’ils ont constatée au cours du mois de février 2016.
Lors de l’inspection, nous avons observé la présence de condensation au bas du vitrage de la fenêtre et à partir du bas de cette fenêtre, il nous a été possible de remarquer des traces d’eau se dirigeant vers la zone endommagée sous le cadrage de finition, affectant ainsi le mur de placoplâtre.
De l’avis de l’administrateur, les dommages observés sous la fenêtre intérieure de la chambre des maitres sont en lien avec le phénomène de condensation excessive constatée sur le vitrage de ladite fenêtre.
Or, pour éviter la formation de condensation excessive dans les fenêtres, le taux d’humidité relative à l’intérieur du bâtiment doit être contrôlé par les occupants en fonction de la température extérieure, tel que recommandé dans le tableau qui suit :
TEMPÉRATURE EXTÉRIEURE | TAUX D’HUMIDITÉ RELATIVE INTÉRIEUR RECOMMANDÉ |
-30o | 20% |
-25o | 25% |
-20o | 30% |
-10o | 40% |
-5o | 45% |
De plus, les occupants doivent éviter de fermer les toiles ou les rideaux afin de permettre le réchauffement de la face intérieure des fenêtres.
Dans de telles circonstances, on ne peut considérer ce phénomène comme un vice caché au sens du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le phénomène étant plutôt causé par les occupants eux-mêmes. »
[14] M. Berthiaume est technologue professionnel depuis 1993 et gravite dans le milieu de la construction depuis près de 30 ans, pièce A-8.
[15] M. Berthiaume a fait une visite de l’Immeuble en présence de la Bénéficiaire, Marie-Lucie Renaud, le 14 mars 2017 à 14h15.
[16] Au jour de sa visite, M. Berthiaume a constaté, photos pièce A-11, ce qui suit :
• Condensation au bas de la fenêtre;
• Accumulation d’eau au seuil de la fenêtre;
• Écaillement de la peinture près du seuil de la fenêtre; et
• Coulisses le long du mur entre la fenêtre et le plancher.
[17] M. Berthiaume a constaté également ce qui suit :
• Malgré l’heure de la journée, les rideaux de la chambre sont fermés;
• Les moustiquaires n’ont pas été enlevées pour l’hiver; et
• Absence de moisissure.
[18] À l’audition, M. Berthiaume explique avec détail les conséquences de laisser les rideaux fermés à une chambre en période de froid, ce qui, selon lui, est la cause de la condensation observée à la fenêtre de la chambre principale de l’Immeuble des Bénéficiaires, et qui a provoqué les dommages observés aux photos, pièce A-11.
[19] M. Berthiaume mentionne que la condensation est aussi possiblement due à une ventilation inadéquate des lieux, ce qui empêche l’air chaud de la pièce de réchauffer la vitre de la chambre.
[20] M. Côté est contremaître de chantier à l’emploi de l’Entrepreneur depuis 1986.
[21] Parmi ses responsabilités, M. Côté doit notamment s’assurer que l’isolation est installée selon les règles de l’art avant de fermer les murs d’un immeuble en construction de l’Entrepreneur.
[22] Dans le cas sous étude, il a fait cette inspection en compagnie d’un représentant de la ville de l’Ile-Bizard (ci-après la « Ville »), lieu où est situé l’Immeuble, puisqu’il s’agit d’une exigence de la Ville pour toute nouvelle construction résidentielle.
[23] L’Immeuble ayant été livré aux Bénéficiaires, M. Côté présume donc que l’inspection a confirmé que l’isolation de l’Immeuble a été faite selon les règles de l’art.
[24] Un rapport qui constate de cette inspection est gardé à la Ville, mais il n’a pas été produit à l’audition.
[25] Tout comme M. Berthiaume, il est d’avis que le vice dénoncé est dû aux mauvaises habitudes des Bénéficiaires et/ou à un mauvais entretien du système d’échangeur d’air de l’Immeuble.
[26] Le Bénéficiaire, Bernard Jules, soumet le rapport de Gérard Médor du Groupe Inspection/Plus, daté du 19 novembre 2016, pièce A-3.
[27] Malgré l’absence de M. Médor, l’Administrateur et l’Entrepreneur ne se sont pas objectés à la production du rapport, pièce A-3.
[28] Les observations et recommandations de M. Médor à son rapport, pièce A-3, sont sommaires et peu convaincantes sur la nature du vice.
[29] M. Médor conclut de ses observations que la situation dénoncée est « probablement due à une défaillance de la fenêtre superposée au mur et au plancher » et il propose une « inspection supplémentaire (…) pour déterminer la cause de l’humidité ».
[30] Les quatre (4) photos à l’appui du rapport, pièce A-3, ne démontrent aucune aggravation entre l’inspection de M. Médor du 19 novembre 2016 et les photos prises, pièce A-11, lors de l’inspection de M. Berthiaume le 14 mars 2017.
[31] Le Bénéficiaire, M. Jules, n’a produit aucune autre photo, qui aurait pu démontrer une aggravation de la situation entre l’inspection de M. Berthiaume le 14 mars 2017 et le 23 novembre 2017, date de l’audition du présent dossier.
[32] De l’ensemble de la preuve, le Tribunal conclut que les dommages causés par la condensation sont dus à de mauvaises habitudes des Bénéficiaires, ce qui n’est donc pas couvert par le Règlement.
[33] Conséquemment, le Tribunal rejette cet item de la réclamation des Bénéficiaires.
[34] La porte d’entrée est ceinturée par trois (3) vitres, l’une au-dessus de la porte et les deux (2) autres disposées de chaque côté de la porte.
[35] En janvier 2016, soit près de 2 ½ ans après la prise de possession de l’Immeuble, la fenêtre au-dessus de la porte s’est fissurée à sa pleine grandeur, photo A-11, d’où la réclamation des bénéficiaires.
[36] Selon M. Berthiaume, la situation dénoncée n’est pas due à la qualité ou à une mauvaise installation de la vitre, mais plutôt à un changement drastique de température (bris thermique), ce qui n’est donc pas un vice caché couvert par la garantie.
[37] Quant à la garantie du fabricant, elle ne serait que d’un an, mais aucune preuve documentaire n’a été présentée au Tribunal le confirmant.
[38] M. Côté est du même avis que M. Berthiaume.
[39] Interrogé par le Tribunal, M. Côté mentionne que trois (3) ou quatre (4) vitres auraient également été l’objet d’un bris thermique, parmi les 30 maisons résidentielles du projet immobilier où est situé l’Immeuble.
[40] Le Tribunal est d’avis que la preuve présentée à l’audition est insuffisante pour conclure que les fissures à la vitre des Bénéficiaires ont été causées par un bris thermique.
[41] Comment aussi expliquer que seule la vitre au-dessus de la porte d’entrée a été fissurée et non pas les deux (2) autres qui entourent la même porte?
[42] D’autre part, si l’on prend pour acquis qu’il s’agit d’un « bris thermique », comment expliquer que seules trois (3) ou quatre (4) propriétés ont subi un tel « bris thermique », parmi les 30 maisons résidentielles qui font partie du projet où est situé l’Immeuble des Bénéficiaires?
[43] L’Administrateur ne peut alléguer un « bris thermique », sans autre forme de preuve d’une telle situation, pour se décharger de sa responsabilité de livrer des biens de bonne qualité.
[44] Conséquemment, le Tribunal accueille cet item de la réclamation des
Bénéficiaires.
LES FRAIS D’ARBITRAGE
[45] Conformément à l’article 123 du Règlement, les frais du présent arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE en partie la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
REJETTE la réclamation des Bénéficiaires pour « dommages sous la fenêtre intérieure de la chambre des maîtres »;
ORDONNE à l’Entrepreneur de remplacer « le vitrage de la fenêtre situé audessus de la porte d’entrée » de l’Immeuble des Bénéficiaires, dans un délai de trente (30) jours de la réception de la présente décision, ou selon tout autre délai convenu entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires;
À défaut par l’Entrepreneur de réaliser les travaux dans le délai stipulé,
ORDONNE à l’Administrateur de les réaliser dans les trente (30) jours suivants, ou selon tout autre délai convenu entre l’Administrateur et les Bénéficiaires;
ORDONNE que les frais d’arbitrage du présent arbitrage soient payés en totalité par l’Administrateur, conformément à l’article 123 du Règlement.
À Montréal, le 1er décembre 2017
Me Pierre Brossoit, arbitre