ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

CANADA

Province du Québec

District : Terrebonne

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 No dossier Garantie : 129833-8665

 No dossier GAMM : 2022-10-25

 

Entre

MARTINE PAQUETTE

Bénéficiaire

Et

9317-3938 QUÉBEC INC. / IMMOBILIER APARA Entrepreneur

Et

LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR) 

Administrateur

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

______________________________________________________________________

 

Arbitre :

Me Jean Morissette

 

 

Pour les bénéficiaires :

Madame Martine Paquette

 

 

Pour l’entrepreneur :

Monsieur Nicolas Corpart

 

 

Pour l’administrateur :

 

Me Éric Provençal

Date(s) d’audience :

5 juillet 2023

 

 

Lieu d’audience :

Laval

 

 

Date de la décision :

28 août 2023

______________________________________________________________________

 

 

[1]          La demande d’arbitrage de la Bénéficiaire du 25 octobre 2022 mentionne que les points : 

1.                      Revêtement extérieur en fibrociment;

2.                      Revêtement extérieur léger-brun (canexel)

3.             Revêtement extérieur complet

de la décision de l’Administrateur du 4 octobre 2022 sont portés en arbitrage;

[2]          Une demande de remboursement pour des mesures conservatoires effectuée auprès de la GCR le 20 juillet 2022 est également formulée par la Bénéficiaire;

LES FAITS

[3]          Le contrat de vente notarié (pièce A-4) mentionne que la prise de possession du bâtiment résidentiel neuf est en date de la signature du contrat, soit le 28 août 2017;

[4]          La dénonciation qui a initié les dispositifs du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (LRQ ch. B-1.1, r.8), ci-après appelé « le Règlement » est du 6 juillet 2022 et spécifie :

« De nombreuses lattes de fibrociment des deux côtés de la maison sont en train de se détacher.  L’affaissement du revêtement extérieur risque d’engendrer des problèmes d’infiltration d’eau ou autres problèmes majeurs, des dommages matériels notamment aux 3 airs climatisés, aux fenêtres, à l’asphalte, à la clôture, aux bâtiments voisins ou encore de causer des blessures à des personnes.  Voir les causes de ce problème de solidité, y remédier. 

[5]          Les formulaires de dénonciations à l’Entrepreneur complétés par la Bénéficiaire exposent aussi le problème soulevé de la façon suivante :

Date de la première observation : 5 juillet 2022

Point 1. « De nombreuses lattes de fibrociment des deux côtés de la maison sont en train de se détacher.  Voir les photos ci-jointes. L’affaissement du revêtement extérieur risque d’engendrer des problèmes d’infiltration d’eau ou autres problèmes majeurs, des dommages matériels notamment aux 3 airs climatisés, aux fenêtres, à l’asphalte, à la clôture, aux bâtiments voisins ou encore de causer des blessures à des personnes.  Voir les causes de ce problème de solidité, y remédier. (pièce A-

3); et

Date de la première observation : 8 juillet 2022

Point 3. « En raison des problèmes de solidité visibles au revêtement extérieur

(lattes de fibrociment qui se détachent, joints de canexel ouvert, fissures au sol près

du revêtement en avant, etc.), une vérification de la solidité de l’Ensemble du revêtement est demandée afin de sécuriser les lieux, soit de s’assurer que des dommages supplémentaires ne soient pas causés notamment à l’intégrité du bâtiment, aux bâtiments voisins ainsi qu’aux personnes circulant près de la maison. (pièce A-5)

[6]          La Bénéficiaire, le matin de l’audition, se désiste des points 2 : revêtement légerpose et 4 : revêtement extérieur complet – brique et vinyle de sa demande d’arbitrage.  Les conclusions de la présente confirmeront un tel désistement;

[7]          C’est ainsi que l’arbitrage porte sur le point 1 de cette décision du 4 octobre 2022.  Le titre de ce point est revêtement extérieur en fibrociment;

[8]          La décision de l’Administrateur rendue par Monsieur Robert Prud’Homme, agissant comme conciliateur pour l’Administrateur mentionne avoir constaté lors de sa visite du 9 septembre 2022, en présence de Madame Paquette (un représentant de l’Entrepreneur étant absent) que :

« Lors de notre visite, nous avons pu constater :

Sur la latérale gauche

1.     Des interstices entre les panneaux;

2.     Des panneaux qui ne s’alignent pas au bas;

3.     Des clous apparents;

4.     Un clou de finition ressorti;

5.     Des panneaux retroussés à leur bout

6.     Des sections de panneaux qui s’affaissent;

 

Sur la latérale droite

 

1.     Des panneaux retroussés à leur bout à quelques endroits;

2.     Bas de panneaux non alignés à quelques endroits;

3.     Un panneau affaissé

 

Il a été déclaré à notre visite, que l’administrateur a procédé à certains travaux sur le revêtement de fibrociment.  En effet, au dossier de réclamation

129833-1302, l’Administrateur a procédé au remplacement d’un panneau de ce revêtement sous la marquise de la latérale gauche en 2019.

 

La Bénéficiaire a déclaré lors de notre visite avoir remarqué un léger différent d’alignement lors de l’installation du revêtement de fibrociment par l’Entrepreneur.  Cependant, elle a affirmé avoir constaté la situation dénoncée à l’été 2022.

 

L’Administrateur est d’avis que la situation dénoncée est attribuable au nonrespect des standards du marché de la pose de ce type de revêtement.

 

L’Administrateur a reçu la copie de la dénonciation le 6 juillet 2022.  Notre analyse permet de conclure que la découverte de la situation est en 5e année de la couverture par le plan de garantie ».

[9] Son analyse lui permet de déterminer que :

         la situation décrite a été découverte dans la cinquième année suivant la fin des travaux et dénoncée par écrit dans un délai raisonnable suivant sa découverte;

         la situation dénoncée est attribuable au non-respect des standards de la pose de ce type de revêtement; 

         la plainte de la Bénéficiaire ne rencontre pas les critères du vice de construction au sens du paragraphe 5 de l’article 10 du Règlement puisque la situation que dénonce la Bénéficiaire ne rencontre pas le niveau de gravité du vice de construction visé par l’article 2118 du Code civil du Québec;

[10]      Que l’on utilise la date du formulaire d’inspection pré réception, le 26 août 2017, la date du contrat notarié, le 28 août 2017 ou la fin des travaux, le 1er novembre 2017, c’est bien les conditions du paragraphe 5 de l’article 10 du Règlement qui doivent être rencontrées;

[11]      Ce paragraphe 5 de l’article 10 du Règlement se lit ainsi :

10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

 

 

 

 

 

 

 

 

  la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation significative;

 

 

 

  ….

 

[12] L’article 2118 du Code civil du Québec établit que :

 

2118. À moins qu’ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l’entrepreneur, l’architecte, l’ingénieur et le technologue professionnel qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d’un vice de conception, de construction ou de réalisation de l’ouvrage, ou, encore, d’un vice du sol.

TÉMOIGNAGE

[13]      La Bénéficiaire fait entendre la technologue professionnelle en génie civil, qualifiée d’expert de consentement entre les parties, Madame Janick Marinier.  Son rapport du 15 mars 2023 est basé sur sa visite réalisée le 10 novembre 2022, les photos reçues de la Bénéficiaire ou d’un entrepreneur qui effectuera une intervention dans le joint du toit de la marquise et le mur du côté gauche de la maison et de la fiche technique émise par la GCR;

[14]      Les conclusions de son rapport mentionnent particulièrement :

« Ces déficiences sont provoquées par une mauvaise pose du revêtement dès la construction de la maison par l’entrepreneur général.

La seule façon de corriger définitivement ces déficiences importantes et risques de blessures graves est de retirer le revêtement au complet, de s’assurer de la qualité de la fixation (structure, fourrure), de la pose adéquate des solins et de refaire le parement au complet en respectant, cette fois, les règles de l’art.

D’ici à ce que le remplacement puisse être fait, des mesures temporaires devront être mises en place afin d’éviter la chute des panneaux lousses et qui se détachent.

Dans ce contexte, je suis également d’avis que les déficiences de pose représentent des vices de construction importants qui causent un préjudice évident à la pérennité de l’enveloppe du bâtiment, auxquels il faut remédier rapidement.

[15]      Son témoignage viendra souligner que la pérennité de l’enveloppe du bâtiment serait atteinte puisqu’il y a risque de chute des lattes de fibrociment, qu’il y a risque d’infiltration d’eau et qu’il s’agit d’un problème général;

[16]      Son propos est à l’effet qu’elle s’inquiète de la présence d’autres dommages et que la situation s’aggrave;

[17]      À l’occasion de son contre-interrogatoire, nous apprendrons que, les problèmes dénoncés en 2022 par la Bénéficiaire et qu’elle a constatés, n’existaient pas en

2018.  Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’indice de déficience que le problème n’existe pas car les dommages que cause les carences dans la pose sont sous le revêtement.  Cette dernière réponse sera donnée lorsqu’on lui fera remarquer que presque la totalité des lattes de fibrociment n’ont pas bougé et que moins de 5% d’entre elles accusent un mouvement;

[18]      Madame Martine Paquette pour sa part insistera pour fixer le moment des premiers signes du vice dans les premières journées du mois de juillet 2022 (A-6 et B-3) et à l’époque de la dénonciation qu’elle avait faite en 2018;

[19]      La lecture de la dénonciation (pièce A-10) de 2018 nous apprend que les points à vérifier (corriger / finaliser) en ce qui concerne l’extérieur de la maison :

(…)

Extérieur :

Béton autour de la maison (on voit le bois et des tiges de métal) (à finaliser)

Silicone non fait ou mal fait autour des sorties et entre briques et revêtement (finaliser/corrige)

Revêtement à corriger

Espace entre blocs de ciment sur le côté et revêtement (finaliser/corriger)

Porte sur le côté : contour non fini (bois) près du seuil (finaliser/corriger)

Peinture linteaux (malfaçon)

Mortier manquant côté de la porte avant (finaliser/corriger)

[20]      Plus loin, toujours dans cette même pièce A-10, dans le courriel du 3 juillet 2019, la Bénéficiaire écrit : 

« Aussi, en fin de semaine, une planche du revêtement extérieur est tombée.  Cela a abimé le luminaire (voir les photos).  Je voudrais m’assurer qu’aucune autre planche ne tombe.  Est-ce possible d’intervenir rapidement afin de sécuriser l’Espace? D’autant plus qu’une porte se situe à cet endroit. »

[21]      C’est suite à cette dénonciation que l’Administrateur prendra en charge la correction du décrochage de cette latte de fibrociment de manière urgente;

[22]      Les photos accompagnant ce courriel du 3 juillet 2019 montrent qu’effectivement une latte de fibrociment s’est décrochée et n’est retenue que par le luminaire de l’entrée de côté de la maison.  Le décrochage d’une latte de revêtement survient le week-end du 29 juillet 2019;

[23]      L’Entrepreneur fera entendre Monsieur Simon Déry, propriétaire de la société ayant travaillé en sous-entreprise et posé le revêtement.  L’outillage spécifique à la pose de ce revêtement qui était un matériel nouveau, a été acheté pour ce contrat et utilisé.  Il reconnait que le travail comporte certaines erreurs.  Il ajoute que malgré son expérience de travail, plus de 20 ans en relation avec l’entrepreneur général, il n’a pas réussi à poser un revêtement sans aucune erreur.  Appuyé des pièce E-1 et E-2, Care & Maintenance du fabriquant Allura et d’un courriel du représentant de la compagnie fabricante du revêtement, il confirme que les erreurs de pose qu’il a constatées et les reproches de décrochage de quelques lattes de revêtement se réparent;

[24]      Monsieur Nicolas Corpart, représentant de l’Entrepreneur, témoignera sur le fait que les quelques déficiences constatées relèvent de l’entretien du revêtement le tout tel que mentionné aux recommandations du manufacturier qui se retrouvent à la pièce E-1;

[25]      Le signataire de la décision pour l’Administrateur reconnaît que moins de 5% du revêtement semble affecté d’une déficience.  Il souligne qu’à tous les joints du revêtement se retrouve une plaque de tôle et que les photographies prises à l’occasion des travaux de l’Entrepreneur qui est intervenu dans le joint du mur et du toit de la marquise, montrent l’absence d’infiltration d’eau et que les plans de protection contre les intempéries remplissent leur rôle de façon adéquate;

[26]      Lors de son contre-interrogatoire, il expliquera que c’est à la lecture de la dénonciation (pièce B-3) qu’il considère que la première observation de la déficience qu’il a analysée consiste à une observation du 5 juillet 2022 de la Bénéficiaire.  La date inscrite au formulaire comme première observation est le 5 juillet 2022.  Cette inscription lui confirme qu’il doit traiter la dénonciation dans la cinquième (5e) année de garantie du paragraphe 5 de l’article 10 du Règlement;

[27]      En réouverture de preuve, la Bénéficiaire insistera sur le fait qu’il y a aggravation des marques de déficience depuis 2018, que ce n’est pas une situation soudaine qui est survenue en 2022.  Elle ne décrit pas ou ne remet pas d’image de l’aggravation qu’elle dit avoir constaté;

[28] En réponse à la question du tribunal, Monsieur Prud’homme et Madame Marinier répondront qu’ils n’ont pas constaté d’aggravation des pertes au bâtiment reliées aux déficiences entre leurs visites.  L’expert de la Bénéficiaire a visité le bâtiment le 10 novembre 2022 alors que Monsieur Prud’homme a fait sa visite des lieux le 9 septembre 2022.  L’un et l’autre témoigne qu’ils n’ont pas constaté d’une aggravation de la situation dénoncée en comparaison avec la visite effectuée le matin de l’audition, le 5 juillet 2023 en compagnie du soussigné;

[29] L’experte Marinier s’exprimera ainsi :

« Je ne peux pas dire qu’il y a un nombre de planche additionnelle qui s’affaisse depuis ma visite de novembre 2022, peut-être que le bout des planches retrousse un peu plus. »

[30] Monsieur Prud’homme pour sa part dira :

« Il n’y a pas d’aggravation suivant ma visite de septembre 2022 avec ce que l’on a pu constater ce matin ».

 

REMBOUSEMENT DES FRAIS POUR MESURES CONSERVATOIRES

[31]      Suivant l’objection de l’Administrateur quant à l’absence d’une décision au sujet de la réclamation de la Bénéficiaire d’un remboursement d’une somme de 1 894,11 $, les représentants de l’Administrateur acceptent de traiter, séance tenante, cette demande de remboursement de ces frais (pièce B-10) après que le tribunal ait souligné qu’il en était question lors de la conférence de gestion du 6 février 2023 et rapporté au procès-verbal du 21 février 2023 qui a suivi;

[32]      Après que Monsieur Prud’homme a eu l’opportunité d’analyser cette demande, l’Administrateur conclu au rejet de la demande de remboursement pour frais de travaux conservatoires puisqu’il ne qualifie pas les travaux décrits à la pièce B-10 comme urgent et dans le but de conserver l’intégrité du bâtiment résidentiel neuf;

[33]      Les photographies de ces travaux (pages 14, 16, 18 et 19 du rapport de l’experte Marinier, pièce B-2, démontrent qu’il n’y avait aucune infiltration d’eau à cet endroit.  Il s’agit plutôt de travaux exploratoires afin de vérifier que la pose du revêtement était efficace.  Il ajoute que l’expert de la Bénéficiaire n’a pas mentionné dans son rapport qu’il s’agissait de travaux d’urgence et que la facture du couvreur spécialisé Duro-Toit ne mentionne pas qu’il s’agit de travaux pour palier à la fixation de lattes dangereuses (pièce B-10);

[34]      Les conclusions de ma décision viendront confirmer que la décision de l’Administrateur sur ce sujet est bien fondée.  Les travaux de cet entrepreneur étaient des travaux exploratoires pour vérifier de la présence ou non d’infiltration (ce qui n’est pas le cas).  Il n’y a pas de preuve d’une réparation ou d’intervention aux lattes de fibrociment qui auraient été sécurisées à ce moment.  La facture B-10 exprime de simples travaux sur la marquise.  Aucun témoignage n’explique les travaux et on ne connaît pas les raisons qui ont incité la Bénéficiaire à faire effectuer lesdits travaux;

[35]      En fait, les photographies montrent plutôt qu’il s’agissait d’une réparation et non de travaux urgents pour conserver les composantes du bâtiment ou les préserver de dommages importants.  La Bénéficiaire exprimera s’être sentie obliger de voir s’il y avait des dommages à cet endroit;

[36]      En réouverture de preuve, la Bénéficiaire fera entendre l’experte Marinier afin de souligner que si effectivement les outils spécialisés ont été utilisés comme l’Entrepreneur en pose de revêtement l’a mentionné, pourquoi voyons-nous apparaître des têtes de clous par endroit.  Sur cette question, Monsieur Déry précisera pour l’Entrepreneur que même avec les adaptateurs et le guide de pose, il peut y avoir une imprécision dans leur usage.  Il répètera et insistera qu’il est impossible de faire la pose d’un revêtement sans qu’il n’y ai aucune déficience que ce soit.  La job parfaite n’existe pas;

PLAIDOIRIES

[37]        Me Éric Provençal pour l’administrateur plaide :

i)        La Bénéficiaire a le fardeau de la preuve;

ii)      Malgré la présence d’une malfaçon, la preuve est insuffisante pour qualifier la situation comme étant un vice de construction mettant en péril le bâtiment résidentiel neuf et ne se qualifie pas comme un vice conforme à l’article 2118 du Code civil du Québec, tel que requis par le paragraphe 5 de l’article 10 du Règlement;

[38]        La Bénéficiaire argumente que les premiers constats d’une déficience au revêtement apparaissent en 2018 et qu’il en est question dans la première décision à l’article 20 de la décision du 6 septembre 2018 de l’Administrateur. Ce point a fait l’objet de réparations sous la responsabilité de l’Administrateur et, depuis ce temps il y a aggravation puisque plusieurs des signes de déficiences du revêtement n’étaient pas présents à l’époque de cette première décision;

[39]        Elle soumet que l’aggravation de la situation apporte la preuve suffisante d’une perte d’usage et un danger à la sécurité des personnes qui pourraient être blessées si une latte de fibrociment se décrochait comme cela c’est déjà produit;

[40]        De son côté, l’Entrepreneur plaide que malgré la présence de déficiences, celles-ci relèvent de l’entretien normal du revêtement et relèvent de la responsabilité de la propriétaire des lieux. Ce ne sont pas des déficiences suffisamment importantes pour mettre en péril le bâtiment;


ANALYSE

[41]      La seule reprise d’un passage de la décision que j’ai rendu dans l’affaires Lefrançois c. 9125-3575 Québec inc. et la Garantie des Maîtres Bâtisseurs en octobre 2010[1] soumise par la Bénéficiaire ne peut servir à qualifier l’inspection effectuée par le signataire de la décision sous examen comme insuffisante ou bâclée.  Il est important pour le lecteur, de lire cette décision rendue en 2010 et considérer tous les faits que j’y ai analysé avant de qualifier le rôle du conciliateur et son inspection;

[42]      De reprendre simplement des propos d’un jugement hors contexte pour me convaincre que l’inspection effectuée par le conciliateur ne rencontre pas les critères que j’ai énoncé dans cette décision d’octobre 2010, ne suffit pas;

[43]      Pour conclure que monsieur Prud’homme n’a pas fait son travail, il faut qu’une preuve le démontre ce qui n’est pas le cas en espèce;

[44]      Le signataire de la décision sous examen, tout comme l’expert de la Bénéficiaire et le sous-entrepreneur en pose du revêtement admettent qu’il y a présence de carences dans la pose du revêtement.  Ces divergences dans l’emplacement des attaches, irrégularité dans le chevauchement des lattes, les décrochements de certaines d’entre elles, l’absence d’attache et des clous ayant percé le revêtement sont diverses erreurs attribuables au non-respect du standard décrit au manuel d’installation du fabricant du revêtement Allura;

[45]      Plus spécifiquement, au rapport de madame Marinier, pièce B-11 on peut y lire les prescriptions du manufacturier qui de manière apparente n’ont pas été respectées par le poseur du revêtement :

1)     Les motifs de décalage qui à quelques endroits se retrouvent à moins de 32 pouces ce qui est contraire aux spécifications afin d’éviter des motifs notables (page 33);

2)     L’absence à quelques endroits de peinture là où il y a eu des coupes au fibrociment;

3)     Quelques imperfections dans l’usage de l’adaptateur Big Sky pour maintenir le bon emplacement des coûts lors de l’utilisation d’un clouage invisible, ce qui est le cas en instance (page 11);

4)     Une pression d’air au-delà du 80 et 85 psi recommandé puisque des clous ont percé le fibrociment (page11);

 

5)     L’impossibilité d’utiliser des fixations de part et d’autre du revêtement lorsqu’aucun montant n’est disponible aux extrémités (page 34);

6)     L’usage d’un solin installé derrière un joint d’about de bardage (page 15);

[46]      L’Entrepreneur, tout en reconnaissant que le revêtement comporte des carences apparentes nous réfère au manuel d’installation, pièce E-1;

[47]      On peut y lire :

 

Section 16 : Entretien et maintenance 

 

Bien que le parement de fibrociment Allura soit un produit nécessitant remarquablement peu d'entretien, les suggestions et les recommandations cidessous devraient être suivies pour une satisfaction à long terme. 

 

Maintenance et entretien périodiques 

 

Le parement devrait être inspecté sur une base régulière en effectuant l'entretien de routine suivant au besoin :

 

         Rattacher le parement mal fixé. 

 

         Couper les arbres ou les buissons qui touchent le parement. 

 

         Remplacer le produit de calfeutrage qui a durci, qui est fendu ou qui a perdu son pouvoir d'étanchéité. 

 

         Remplir les petits trous qui peuvent apparaître dans le parement avec un produit de calfeutrage acrylique de haute qualité ou un produit de réparation cimentaire. 

 

         Corriger le drainage aux endroits où il s'accumule de l'eau qui reste en contact avec le parement. Le contact à long terme avec de l'eau pourrait décolorer le parement. 

 

         Éviter de mouiller régulièrement le parement avec les tourniquets d'arrosage, car dans plusieurs régions l’eau contient de la rouille ou des minéraux qui pourraient décolorer la surface du parement, écourter la durée de vie de la peinture et faciliter la croissance de moisissures et champignons. 

[48]      Monsieur Claude Prud’homme et l’expert Bazinet confirme que depuis leur visite en 2022 il n’y a pas eu aggravation des déficiences observées lors de notre visite des

lieux le matin de l’audition.  Il n’y a pas eu de preuve de décrochage ou d’affaissement additionnel d’une quelconque partie du revêtement;

[49]      J’estime également que Monsieur Déry, qui se déclare intéressé au dossier puisqu’il représente la société qui a posé le revêtement et qui fait des affaires avec l’entrepreneur-général en cause, a témoigné de façon candide et crédible.  Il a admis qu’à certains endroits on peut constater des déficiences dans la pose du revêtement;

[50]      Par ailleurs il mentionne que la situation observée se répare.  Ce témoignage n’est pas contredit et ses explications sont crédibles;

[51]      Tout comme l’a mentionné et l’a écrit Madame Bazinet, les travaux ont été terminés en novembre 2017, et j’ai pu observer qu’effectivement des entretiens de routines tel que spécifié dans le manuel d’installation du fabriquant doivent être effectués;

[52]      Qu’un revêtement de ce type âgé d’un peu plus de 5 ans accuse des marques de déficience me convainc, tout comme l’Entrepreneur qui en a fait la pose, qu’il y a malfaçon;

[53]      À cet effet, le paragraphe introductif de l’entretien de maintenant du manuel d’installation du fabriquant mentionne et je cite :

« Bien que le parement de fibrociment Allura soit un produit nécessitant remarquablement peu d’entretien, les suggestions et recommandations ci-dessous devraient être suivies pour une satisfaction à long terme ».

(les soulignés sont du soussigné)

[54]      Le revêtement de fibrociment tel que présenté dans ce manuel d’installation requiert de temps à autre un entretien.  Certaines réparations doivent aussi être exécutés pour une satisfaction à long terme;

[55]      Il y a présence de malfaçons et les carences dans la pose du revêtement inscrit dans le rapport de l’experte de la Bénéficiaire en fait la nomenclature :

[56]      La technologue professionnelle ajoute observer :

         L’absence d’un espace libre de 1 à 2 pouces entre le revêtement extérieur et la marquise du côté gauche;

         Certains chevauchements entre les rangs à plus de 1,25 pouces;

         Des attaches clouées à moins de 1 pouce de leur partie supérieure;

         Des attaches apparentes à certains endroits;

         Des extrémités d’abouts formant des joints entre les panneaux de fibrociment à moins de 32 pouces de distance;

[57]      J’ai compris de la preuve que madame Marinier a demandé de retirer une ou deux lattes de fibrociment à la jonction du mur gauche et de la marquise afin de vérifier de la présence ou non de dommages vu l’absence d’un espace libre;

[58]      Les photographies prisent par l’Entrepreneur qui a effectué le dégarnissage à cet endroit montrent l’absence de dommage ou d’infiltration.  Il y a malfaçons sans preuve que ces carences causent une perte d’usage ou la mise en péril du bâtiment résidentiel neuf;

[59]      La décision sous examen se base sur une dénonciation de la Bénéficiaire du 6 juillet

2022 (A-5) complétée par une dénonciation additionnelle du 8 juillet 2022 (A-6);

[60]      Il n’y a pas de preuve contradictoire sur la date de réception du bâtiment survenue le 28 août 2017, pièce A-4 et la fin des travaux pour le revêtement en novembre de la même année;

[61]      Conformément au plan de garantie, je dois vérifier si le conciliateur signataire de la décision du 4 octobre 2022 respecte les dispositions du paragraphe 5 de l’article 10 du Règlement qui se lit ainsi;

10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

 

  (…);

 

  (…)

 

  (…);

 

  (…);

 

  la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation significative;

 

  (…);

 

  (…);

 

[62]      L’Administrateur conclut que les carences dans la mise en place du revêtement, ici admit par l’Entrepreneur qui en a fait la pose, ne mettent pas en jeu la perte partielle ou totale de l’ouvrage;

[63]      Je suis d’accord avec cette décision et voici pourquoi; [64] L’article 2118 du Code civil du Québec se lit ainsi :

2118. À moins qu’ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l’entrepreneur, l’architecte, l’ingénieur et le technologue professionnel qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d’un vice de conception, de construction ou de réalisation de l’ouvrage, ou, encore, d’un vice du sol.

[65]      Même si les mots « perte de l’ouvrage » ne sont pas limitatifs, la preuve de défectuosités sérieuses devrait entraîner des inconvénients ou dangers que l’édifice ne pourra plus servir à l’usage qu’il est destiné en tout ou en partie.  Madame la juge Rousseau-Houle sur cette question de vice qui entraîne la perte totale ou partielle de l’ouvrage mentionne[2] :

« …Une ruine simplement partielle est suffisante lorsque, par suite de vices affectant la partie maîtresse de l’ouvrage, il y a menace d’effondrement ou fléchissement de certaines parties de l’immeuble ou simplement des fissures importantes pouvant causer la perte de composantes essentielles du bâtiment. »

[66]      L’arbitre Jeffrey Edwards[3] écrit qu’il n’est pas nécessaire d’attendre qu’une propriété s’écroule pour considérer qu’il y a perte de l’ouvrage.  Dans cette décision du 15 août 2012 soumise par la Bénéficiaire, la preuve reçue par l’arbitre est à l’effet que le problème soulevé ne pouvait être réglé par des travaux partiels, ce qui n’est pas le cas ici;

[67]      Effectivement, en plus de l’absence d’aggravation de la situation que nous a confirmé l’expert de la Bénéficiaire et le conciliateur depuis leurs visites respectives des lieux (périodes du 10 novembre 2022 et 5 juillet 2023 pour Madame Bazinet et

9 septembre 2022 et 5 juillet 2023 pour Monsieur Prud’Homme) la preuve qu’il est possible de réparer les carences constatées n’est pas contredite;

[68]      En d’autres mots, la Bénéficiaire ne rencontre pas son fardeau de faire la preuve de la perte potentielle d’une composante essentielle de son bâtiment;

[69]      J’ajoute aussi que l’analyse de la preuve ne me permettrait pas de conclure à un vice suffisamment grave pour conclure à la présence d’un vice caché au sens du 4e paragraphe de l’article 10 du règlement;  

[70]      Je mentionne cela car la première mention d’un décrochage qui représenterait un danger pour les personnes qui se trouvaient près de la maison est dans le courriel du 3 juillet 2019, Pièce A-10.  Selon la preuve, les travaux pris en charge par l’Administrateur ne visaient que cette latte.  Aucune autre carence ou malfaçon n’aurait été réparé;

[71]      Le point 20, sujet de la dénonciation du 23 avril 2018 concerne un espace, une partie précise sur laquelle il manque du revêtement qui n’est pas finalisé.  Il n’est pas question de carence ou malfaçon dans la pose du revêtement; 

 

[72]      Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire que je traite de l’argument de la

Bénéficiaire d’une dénonciation du problème le 23 avril 2018 et sujet du point 20 de la décision de l’Administrateur du 6 septembre 2018 (pièce A-14);

REMBOURSEMENT DES COÛTS POUR TRAVAUX CONSERVATOIRES

[73]      La Bénéficiaire réclame le remboursement d’une somme de 1 894,11 $, pièce B-10, à titre de travaux pour mesures conservatoires urgentes.  La preuve présentée concerne plutôt des coûts payés pour vérifier de la qualité des travaux de l’Entrepreneur à la jonction du mur et de la marquise;

[74]      Il y a ainsi absence de preuve que ces travaux servaient à conserver l’intégrité du bâtiment ou de corriger un vice qui causait un ou des dommages qui affectait la durée utile du bien, son usage ou sa mise en péril;

FRAIS D’EXPERTISE

[75]      Un montant total et raisonnable de 3 714,48 $ est réclamé par la Bénéficiaire à titre de frais d’expertise en vertu de l’article 124 du Règlement;

[76]      Il n’est pas suffisant que l’expert conclue à des vices.  Il faut que les carences observées soient analysées en fonction des exigences du Règlement;

[77]      L’absence de dommages constatée lors du dégarnissage par l’Entrepreneur couvreur et l’absence d’aggravation était des indices que les exigences de la présence d’un vice suffisamment grave pour mettre en péril le bâtiment était absent;

[78]      Puisque la Bénéficiaire n’a pas de gain total ou partiel de sa demande d’arbitrage, cette demande sera rejetée;

[79]      Au sujet de la qualité du travail du conciliateur Prud’Homme et l’inspection qu’il doit faire en vertu du Règlement à l’occasion de l’analyse d’une dénonciation et avec égard, je n’ai reçu aucune preuve qui me permet de conclure que son travail n’est pas conforme à mes remarques, dans la décision Lefrançois[4]

[80]      Un argument de plaidoirie doit être appuyé de faits en preuve ce qui n’est pas le cas.  Une partie doit faire une lecture sérieuse de cette décision rendue en 2010 et considérer le fardeau qu’il doit rencontrer;

POUR CES MOTIFS :

DONNE ACTE du désistement des point 2 et 4 de la décision de l’Administrateur du

4 octobre 2022 de la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire;

 

REJETTE les demandes d’arbitrage de la Bénéficiaire du point 1 de cette même décision du 4 octobre 2022 et de sa demande de remboursement pour travaux conservatoires;

CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage conformément à l’article 123 du Règlement, sans partage de ces coûts;

RÉSERVE à l’Administrateur ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur et/ou sa caution pour tous travaux, toutes actions et toutes sommes versées incluant les coûts exigibles pour les frais d’Expertises et d’arbitrage (par. 19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;

Advenant un délai de plus de trente (30) jours de la présentation de la facture pour le paiement de ces frais, l’intérêt légal de 5% s’ajoutera.

 

 

 

 

 JEAN MORISSETTE, arbitre

 


[1] Lefrançois c. 9125 Québec inc. et La Garantie des Maîtres Bâtisseurs inc., GAMM 2009-10-001, 7 octobre

2010

[2] SDC 423, rue Alcide-C.-Horth c.Construction MACB inc. et Garantie Construction Résidentielle(CannLii 57147 (QCOAGBRN)

[3] SDC Carrefour Renaissance 3410 et 4032802 Canada inc. et Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec inc. 

[4] Lefrançois c. 9125 Québec inc. et La Garantie des Maîtres Bâtisseurs inc., GAMM 2009-10-001, 7 octobre

2010