TRIBUNAL D’ARBITRAGE
Sous l’égide de la
SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS INC.
(SORECONI)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC Dossier no:
Soreconi 240408001 et 240408002
YVES CHASSÉ
c.
DÉVELOPPEMENT GLC INC.
(« Entrepreneur ») et
LA GARANTIE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (« GCR »)
(« Administrateur »)
ET
MONIQUE PERRON
c.
DÉVELOPPEMENT GLC INC.
(« Entrepreneur ») et
LA GARANTIE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (« GCR »)
(« Administrateur »)
DÉCISION ARBITRALE
Demande de Jonction d’instances
Arbitre :
Me Jean Philippe Ewart
Pour les Bénéficiaires :
Me Yannick Messier, MESSIER AVOCAT
Pour l’Entrepreneur : absent
Pour l’Administrateur : absent
Date de la décision arbitrale : 8 avril 2024
Compétence arbitrale ~ Ne pas statuer, Chose jugée
Jonction d’instances
Remboursement d’acomptes et détermination de la compétence arbitrale exclusive quant à la ‘fin des travaux’ respectivement des parties privatives et des parties communes et de leur réceptions, relativement à l’application du Règlement (Articles 25 et ss).
[1] Le procureur de M. Yves Chassé (Soreconi 240408001) et Mme Monique Perron (Soreconi 240408002) (collectivement, quelquefois, les « Bénéficiaires ») dépose une demande de jonction d’instances de ces deux dossiers dans le cadre des demandes d’arbitrage aux présentes [ndlr : Mme Monique Perron et M. Yves Chassé, respectivement (et en tous égards, uniquement pour alléger le texte, quelquefois, définis « Perron » et « Chassé »)].
[2] Chacune des DécisionsAdm (défini ci-dessous) ne couvre qu’un seul point de réclamation, soit une demande de remboursement d’acompte (pour des montants différents) et l’Administrateur conclut dans chaque cas que
« l’Adminstrateur n’a pas à statuer dans l’immédiat à l’égard du Point 1».
[3] Le Tribunal est saisi des dossiers précités par nomination du soussigné du 7 mars 2024 en conformité du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (RLRQ. c. B-1.1, r.08) (« Règlement ») adopté en vertu de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1), le tout suite quant à :
(i) Chassé, (dont dénonciation datée du 16 mai 2023 et réclamation reçue par l’Administrateur le 5 juin 2023) d’une décision de l’Administrateur
(no 200087-10288),
(ii) Perron (dont dénonciation datée du 25 mai 2023 et réclamation reçue par l’Administrateur le 29 mai 2023) d’une décision de l’Administrateur (no 200087-10273),
décisions de l’Administrateur datées respectivement du 7 février 2023 (collectivement, quelquefois, « DécisionsAdm »),pour couverture sous le plan de garantie au Règlement (« Garantie » ou « Plan ») relativement à des demandes d’arbitrage des Bénéficiaires à la Société pour la résolution des conflits Inc. (SORECONI) (« Centre ») datées respectivement du 28 février 2024 (« Demandes ARB ») reçues respectivement par le Greffe du Centre le 1er mars 2024.
[4] Le Tribunal a fixé conférence préparatoire tenue le 2 avril 2024 par
visioconférence, suite à des avis préalables aux parties et à l’Adminstrateur avec descriptifs des sujets devant être adressés.
[5] Les procureur des Bénéficiaires et Chassé sont présents. L’Entrepreneur est absent nonobstant que le représentant de l’Entrepreneur (S. Caumartin, président) avait confirmé sa présence par courriel du 9 mars 2024. Le Tribunal a retardé le début de la conférence, tenté de rejoindre l’Entrepreneur, sans succès. L’Adminstrateur a indiqué ne pas être présent lors de cette conférence mais requérait pourvoir à des représentations subséquemment, s’il en est, (ayant confirmé auprès du Tribunal).
[6] Subséquemment à la conférence, un Cahier de l’Administrateur (art. 109 du Règlement) est reçu pour le dossier Perron, et les parties et le Tribunal sont informé de la nomination aux Demande ARB de Me Marc Baillargeon à titre de procureur de l’Administrateur (contentieux GCR).
[7] Lors de cette conférence préparatoire, une conférence de gestion d’instance est fixée au 11 avril 2024, 13h30 par visioconférence. Un lien sera transmis en temps opportun.
[8] Les Bénéficiaires ont respectivement intervenus avec l’Entrepreneur à un Contrat préliminaire pour copropriété divise résidentielle, pour Perron (unité : adresse civique [...], unité [...], Ville de Bromont, « 113-6 »), daté du 2 février 2021 (Annexe III, DécisionAdm 273) et pour Chassé (unité : adresse civique [...], unité [...], Ville de Bromont, « 113-2 ») daté du 4 juin 2021 (Annexe IX, DécisionAdm 288).
[9] À ce stade de la preuve documentaire, on comprend par l’identification de la propriété visée aux DécisionsAdm dans chaque cas [Type : Unifamiliale en rangée’] et du contenu des déclaration de copropriété pertinentes qu’il s’agit d’unités en copropriété divise contenues dans un groupe de 6 unités, ce qui est confirmé par le témoignage de Chassé devant le Tribunal.
[10] On comprend que le projet, connu selon la preuve documentaire comme le projet ‘Destination Le B’ est divisé pour identification en phases. Les désignations de parties communes indiquent que les parties privatives 113-2 et 113-6, fractions de la même phase (lot [...]), ont toutes deux quote-part des parties communes de cette phase et aussi des parties communes à l’ensemble du projet ainsi que des droits accessoires qui s’y rattachent.
[11] Tel qu’indiqué précédemment, les réclamations des Bénéficiaires sont de la même nature, soit de remboursement d’acomptes, pour
(i) Perron sous réclamation pour un total de 51 845,25 $, en suivi de trois chèques dont le tireur est Perron et le bénéficiaire est l’Entrepreneur, de
30 000$ daté du 7 mai 2022 (encaissement 9 mai 2022),
19 000$ daté 3 juin 2022 (encaissement 7 juin 2022), et
2 845,25$ daté du 15 juin 2022 (encaissement 22 juin 2022)
(ii) Chassé, sous réclamation pour un total de 55 000$ en suivi de l’émission de traites bancaires payables à l’ordre de l’Entrepreneur, de
15 000$ datée du 21 avril 2020 20 000$ datée du 8 juin 2021
20 000$ datée du 19 mai 2022.
[12] Chassé témoigne que l’Entrepreneur a ‘abandonné’ le chantier, ‘quitté les lieux lors du début des vacances de la construction’, soit le ou vers le 14 juillet 2022 et n’est jamais revenu sur place (en date du 2 avril 2024) pour compléter les travaux.
[13] L’Entrepreneur a pourvu à délaissement volontaire en faveur de 9221-7827 Québec Inc. (« 9221 ») identifié comme créancier (Annexe VIII, DécisionAdm 273) visant inter alia à titre d’immeubles désignés les 113-2 et 113-6.
[14] Les Bénéficiaires ont respectivement intervenus avec l’Entrepreneur à un
‘Mémoire de convention’ pour Perron en date du 7 mai 2022 (Pièce P-11) et pour Chassé daté du 19 mai 2022 (Pièce P-12), qui stipule une prise de possession par anticipation et se caractérise de convention de pré-occupation.
[15] Perron a déposé une demande introductive d’instance en reconnaissance d’un droit de propriété et en passation de titre, (Cour supérieure 460-17-003243-227) modifiée en date du 9 novembre 2023 « DII Perron ») (Pièce P-3), avec dernière entrée au Plumitif (du 28 mars 2024, Pièce P-7), indiquant dépôt daté du 25 mars 2024 pour défense et pièces par 9221.
[16] Chassé a aussi déposé une demande introductive d’instance en reconnaissance d’un droit de propriété et en passation de titre (Cour Supérieure 460-17-003248226) datée du 25 novembre 2022; Chassé en témoignage avise que cette demande introductive sera amendée incessamment afin de refléter, sauf particularités de 113-2, les modifications avancées par la DII Perron.
[17] 9221 a déposé une demande introductive d’instance en réclamation d’indemnité de loyer et en expulsion des occupants sans droit (Cour du Québec 460-22007189-236), instance suspendue par jugement (Hon. D. Lapierre, j.c.q.) daté du 11 mars 2024 pour valoir jusqu’au jugement de la Cour supérieure dans le dossier 460-17-003243-227 précité.
[18] Le Règlement est d’ordre public tel que confirmé à diverses reprises par notre Cour d’appel [1] et prévoit que toute disposition d’un plan de garantie qui est inconciliable avec le Règlement est nulle [2] et conséquemment, le Tribunal se réfère aux articles du Règlement lorsque requis sans rechercher la clause correspondante au contrat de garantie, s’il en est.
[19] La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue [3][4], et l’arbitrage au Règlement est de novo 4 d’une décision de l’Administrateur et non un ‘appel’ de celle-ci.
[20] Les Bénéficiaires pourvoient à une Demande de Jonction d’instances.
[21] Afin de statuer sur cette demande, le Tribunal se doit d’adresser les questions suivantes et de statuer sur:
[21.1] Les demandeurs sont-ils en droit de requérir couverture de la Garantie ?
[21.2] Le Tribunal a-t-il compétence dans un cadre de décision de l’Administrateur de ‘Ne pas statuer’ ?
[21.3] Dans l’affirmative, le Tribunal a-t-il compétence exclusive sur une détermination de la couverture, s’il en est, incluant que ceci requiert détermination de la ‘fin des travaux’ tant quant aux parties privatives que communes ?
Bénéficiaires
[22] Le Règlement prévoit qu’une personne se qualifie à titre de bénéficiaire au sens du Règlement (art. 1) qui conclut avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf (et ce, pour les fins de couverture au Plan, quel que soit le stade subséquent de la vente ou construction).
«bénéficiaire»: une personne, une société, une association, un organisme sans but lucratif ou une coopérative qui conclut avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf et, dans le cas des parties communes d’un bâtiment détenu en copropriété divise, le syndicat de copropriétaires;
[23] Perron et Chassé sont des bénéficiaires et ont droit à la couverture de la Garantie, selon les modalités et conditions du Règlement, et dans les circonstances au dossier d’une propriété détenue en copropriété divise, le Règlement assure l’application de la Garantie (l’art. 2, para.2, sous-para. a))
« 2. Le présent règlement s’applique aux plans de garantie qui garantissent l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur visées au chapitre II et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction
[…]
2° des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie :
a) une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée »
dont le contenu, la couverture et ses paramètres et la mise en œuvre sont
prévues aux articles 25 et suivants du Règlement.
Promoteur et Entrepreneur
[24] Développement GLC Inc. (quelquefois « GLC ») est identifié comme
Entrepreneur aux DécisionsAdm et à l’Arbitrage de celles-ci et la preuve identifie que GLC est propriétaire du terrain (et de plus grande étendue, i.e. le projet ‘Destination Le B’) mais on note dans certaines procédures devant les Tribunaux de l’ordre judiciaire (voir rubrique ‘Déroulement procédural’ ci-dessus) que l’on réfère en certaines occasions à Les Manoirs Sharcau Inc. comme entrepreneur général (« Sharcau »).
[25] De même entre autres aux index aux immeubles de 113-2 et 113-6 (Pièces P-1 et
P-2) sous les inscriptions d’hypothèques légales de construction qui identifient Sharcau et GLC comme débiteurs (avec note alors que GLC est propriétaire).
[26] Au même effet, le jugement en jonction d’instances de Perron c. Développement GLC (mai 2023) 5qui stipule :
« (8)La partie mise en cause, Les Manoirs Sharcau inc., est l’entrepreneur retenu par la partie défenderesse [ndlr : GLC] pour la construction de l’immeuble situé au [...] à Bromont ; »
[27] Le Règlement ne réfère pas au concept de ‘promoteur immobilier’. Notre Code civil s’y adresse toutefois, entre autres 6 sous l’article 1093 C.c.Q.7 au chapitre de la copropriété divise, dans le cadre des assemblées de copropriétaires.
[28] Une distinction entre GLC comme promoteur immobilier, s’il en était, ou à titre d’entrepreneur général, ne restreint aucunement l’application du Plan aux obligations légales et contractuelles de GLC.
[29] La preuve initiale à ce stade devant le Tribunal est silencieuse sur le rôle de GLC versus Sharcau; mais dans les circonstances du Règlement, la garantie prévue que nous soyons en présence d’un contrat de vente ou d’entreprise est applicable tant par l’effet de l’art. 1794 C.c.Q. qui assujetti la vente par un entrepreneur d’un fond et immeuble d’habitation aux règles du contrat d’entreprise relatives aux garanties et qui y inclut le promoteur immobilier – de même que de l’art. 2124 C.c.Q. qui assimile le promoteur immobilier dans un cadre de vente, à un entrepreneur 8.
5 Perron c. Développement GLC inc. 2023 QCCS 1695, Me A. Hamel, greffière spéciale.
6 VOIR entre autres en application des articles (1104, 1106, 1785, 1788, 1794 et 2124 C.c.Q.) qui visent le promoteur, chacun selon ses circonstances.
7 1093. Est considéré comme promoteur celui qui, au moment de l’inscription de la déclaration de copropriété, est propriétaire d’au moins la moitié de l’ensemble des fractions ou ses ayants cause, sauf celui qui acquiert de bonne foi et dans l’intention de l’habiter une fraction pour un prix égal à sa valeur marchande
8 1794. La vente par un entrepreneur d’un fonds qui lui appartient, avec un immeuble à usage d’habitation bâti ou à bâtir, est assujettie aux règles du contrat d’entreprise ou de service relatives aux garanties, compte tenu des adaptations nécessaires. Les mêmes règles s’appliquent à la vente faite par un promoteur immobilier.
2124. Pour l’application des dispositions du présent chapitre [ndlr : Ch. 8e, Du contrat d’entreprise ou de service] , le promoteur immobilier qui vend, même après son achèvement, un ouvrage qu’il a construit ou a fait construire est assimilé à l’entrepreneur.
[30] D’abondant, le Tribunal note que L’État des renseignements d’une personne morale au Registre des entreprises Québec (consulté 2024.04.03) identifie Stéphane Caumartin à titre d’actionnaire majoritaire (et seul actionnaire inscrit), seul administrateur et président, secrétaire et trésorier de GLC et de Sharcau respectivement, cette dernière identifiée comme en faillite. Le Registre des détenteurs de licence RBQ de la Régie du Bâtiment du Québec (consulté 2024.04.03) avise que les licences d’entrepreneur tant de GLC (fin 2023.07.12) que de Sharcau (fin 2023.05.30) sont non valides.
Liminaire
[31] Il est important de noter que le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer la responsabilité de l’Entrepreneur qui peut découler d’autres lois et hors la compétence du Tribunal, mais bien d’agir quant à un différend portant sur une décision de l'Administrateur concernant une réclamation s’il y a manquement de l'Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles, et donc de déterminer si l’Administrateur a alors correctement considéré une réclamation dans le cadre de la Garantie.
[32] Ceci peut emporter une responsabilité de l’Administrateur (inter alia articles 33.1 et 34 para. 6 du Règlement).
Décision de l’Administrateur – Ne pas statuer est une décision
[33] Le Règlement d’ordre public prévoit, pour nos fins :
« 35. Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur… . »
et
« 106. Tout différend portant sur une décision de l’administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l’annulation de l’adhésion d’un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l’arbitre désigné en vertu de la présente section. »
(nos soulignés).
[34] On note l‘obligation de l’Adminstrateur au Règlement de statuer :
« 34(5) […] En l’absence de règlement, l’Administrateur statue sur la demande de réclamation, et ordonne… » (nos soulignés).
[35] Le Tribunal considère que pour l’Administrateur de décider de ne pas statuer, incluant dans le cadre d’une décision de l’administrateur, est en soi une décision de l’Administrateur au sens du Règlement [5].
[36] En premier lieu, on comprend que le différend soumis à la compétence exclusive de l’arbitre est plus large que la réclamation d’un bénéficiaire (ou entrepreneur) et que dans les circonstances, les Bénéficiaires sont insatisfaits de la décision de l’Administrateur de ne pas statuer. Par la suite, on doit noter la confirmation sous pourvoi en révision ou en contrôle judiciaire de la position prise par différentes décisions arbitrales (précitées).
[37] Le jugement phare de notre Cour d’appel (Hon. Rousseau-Houle, Morin et Rayle) sous la plume de Madame la juge Rayle dans l’affaire Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. c. Desindes [6] où le juge de première instance avait qualifié le ‘différend’ au Règlement uniquement comme portant sur une décision de refus de l’administrateur et avait statué que la décision de l’arbitre à ce dossier était en excès de juridiction [7] porte la Cour d’appel à renverser le jugement de première instance et à conclure
« Je conclus de ce qui précède que le différend n’est pas fonction de la seule réclamation des bénéficiaires; qu’il est le produit de l’insatisfaction du bénéficiaire ou de l’entrepreneur face à la décision prise par l’administrateur à la suite de son investigation du conflit entre le bénéficiaire et son entrepreneur, et que ce différend, s’il n’est pas résolu par entente… le sera par la décision d’un arbitre
qui est finale et sans appel…» [8] (nos soulignés)
[38] On retrouve divers autres jugements en révision ou pourvoi en contrôle judiciaire sur la question de l’excès de juridiction allégué du Tribunal dans le cadre du Règlement.13
[39] La Cour supérieure a confirmé dans l’affaire Moseka (2018) [9] que l’arbitrage est un procès «de novo», au cours duquel le Bénéficiaire et l’Entrepreneur peuvent apporter toute preuve nouvelle :
« [20] […] L’arbitre peut entendre des témoins, recevoir des expertises et procéder à l’inspection des biens ou à la visite des lieux.
[24] Le Tribunal rappelle que l’arbitre ne siège pas en appel ou en révision de la décision du Conciliateur. Il ne procède pas non plus à décider en se basant uniquement sur le dossier transmis. […] » (nos soulignés)
[40] Par la suite (2019), dans l’affaire GCR c Ewart [10] cette question est de nouveau soulevée et plaidée en 2019 par la GCR dans un pourvoi en contrôle judiciaire, ainsi que la question de nouveau quant à ce qu’une décision de l’Administrateur de ne pas statuer, alors que la Cour Supérieure s’exprime ainsi :
« [11] L’arbitre rejette les objections de GCR quant à son absence de compétence à décider d’une question non traitée dans sa décision du 3 février 2016 et d’ordonner le remboursement d’acomptes alors que GCR avait décidé de garantir le parachèvement des travaux.
13 VOIR entre autres : Garantie Habitation du Québec Inc. c. Piquette, [2002] J.Q. no 3230 (C.S.) (Hon.
Dufresne, maintenant de notre Cour d’appel) sous lequel l’Administrateur plaide qu’il n’y a « pas de différend nécessitant arbitrage… en l’absence de litige » et que la Cour détermine pas excès de compétence de l’arbitre. .
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Chartier où le juge Gascon (alors de la cour Supérieure et par la suite de la Cour Suprême du Canada) indique simplement que le différend 'ne fait pas l’objet d’une décision …’.
Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Guy Décarie et Habitations Beaux Lieux Inc., 2006 QCCS 907, alors que l’Administrateur plaide qu’un règlement intervenu où l’entrepreneur s’engageait à effectuer des travaux pour une certaine date, et donc qu’il n’y a plus de différend, La Cour (Hon. Hébert) citant l’art. 106 du Règlement, considère quant à la prétention de l’Administrateur que « … c’est là une interprétation très restrictive et exagérément légaliste) et rejeter la demande en révision.
[12] L’arbitre décide que GCR a omis de traiter la demande du bénéficiaire dont elle a été saisie avant l’arbitrage et qu’elle avait l’obligation de trancher. Elle ne peut objecter que cette question n’est pas visée par sa décision du 3 février 2016 pour faire échec à la compétence de l’arbitre. » (nos soulignés)
[41] La Cour identifie (para. 14) ce qu’elle considère être les questions en litige :
« 1) L’arbitre a t’il agit de manière ultra vires en statuant sur une demande non traitée dans la décision de GCR ?
2)L’arbitre a-t’il ordonné le paiement d’une indemnité non prévue par la Loi et le Règlement ? »
[42] La Cour sous son analyse poursuit et rejette le pourvoi en contrôle judiciaire de l’Administrateur :
[27] Le fait pour GCR de ne pas avoir traité, le 3 février 2016, l’ensemble de la demande du bénéficiaire, ce qui comprenait la dénonciation d’octobre 2015, ne peut servir de fin de non-recevoir à la juridiction de l’arbitre. Cette question est au cœur de la compétence de l’arbitre et sa décision est raisonnable. »
(nos soulignés).
[43] Afin de statuer sur la demande de jonction d’instances, tel que mentionné précédemment, le Tribunal a-t-il compétence exclusive sur une détermination de la couverture, s’il en est, de la Garantie dans les circonstances de bâtiments détenus en copropriété divise.
[44] Le Règlement distingue les protections offertes par le Plan avant ou après la réception de la partie privative ou des parties communes et pourvoit dans ce cadre de couverture ciblée inter alia à des définitions spécifiques de fins des travaux, parachèvement des travaux, et de réceptions.
[45] Il est difficile de conclure autrement dans un cadre de la compétence exclusive de l’Arbitre en conformité de l’art. 106 du Règlement que cette question est au cœur de la compétence de l’arbitre et qu’il se doit d’adresser l’application du Règlement à la couverture de la Garantie.
[46] Le Tribunal a été d’avis sur le banc que la demande en jonction d’instances doit être accueillie.
[47] En effet, s’inspirant du Code de procédure civile, le Tribunal a considéré les dispositions des articles :
« 158. À tout moment de l’instance, le tribunal peut, à titre de mesures de gestion, prendre, d’office ou sur demande, l’une ou l’autre des décisions suivantes:
1° prendre des mesures propres à simplifier ou à accélérer la procédure et à abréger l’instruction, en se prononçant notamment sur l’opportunité de joindre, disjoindre ou scinder l’instance, […] »
et
« 210. Le tribunal peut, même lorsque les demandes ne résultent pas de la même source ou d’une source connexe, ordonner la jonction de plusieurs instances entre les mêmes parties portées devant le même tribunal, pourvu qu’il n’en résulte pas un retard indu pour l’une d’elles ou un préjudice grave à un tiers.
Il peut en outre ordonner que plusieurs instances pendantes devant lui, entre les mêmes parties ou non, soient jointes pour être instruites en même temps et jugées sur la même preuve ou ordonner que la preuve faite dans l’une serve dans l’autre ou que l’une soit instruite et jugée avant les autres.
Il peut également, si plusieurs demandes ont été jointes, ordonner qu’elles soient disjointes en plusieurs instances, s’il l’estime opportun eu égard aux droits des parties ».
[48] Une jurisprudence nombreuse a guidée l’analyse et les présents motifs énoncés.
[49] Ce qui doit être pris en considération à la lecture de l’art. 210, al. 2 C.p.c. quant à la preuve est la connexité qu’il peut y avoir entre les faits à l’origine de ces actions de façon soulignée dans l’affaire Kennedy (2005) telle qu’elles puissent être ‘’ instruites en même temps et jugées sur la même preuve’’ [11]
[50] Cette approche a été tempérée par évolution de la jurisprudence [12] tel dans l’affaire Place Victorin (2015). Le Tribunal doit plutôt être guidé par l’existence d’un lien particulier et suffisant entre les faits à l’origine des deux recours sans que nécessairement toute la preuve à être offerte dans l’une soit pertinente dans l’autre instance [13]
[51] Plus récemment, dans AMC Usinage (2023) qui cite Hamel c Robitaille [14], la jonction d’instances est justifiée lorsque deux instances soulèvent les mêmes faits ou si une bonne partie de la preuve, sinon la totalité, est commune, ce qui est le cas aux présentes.
[52] De même, on se doit de référer à Perron c. Développement GLC [15] et l’analyse d’à propos de Me A. Hamel, greffière spéciale, à laquelle souscrit le soussigné :
(24) Le Juge Granosik [ndlr : Commission scolaire des Découvreurs c. Bedout, 2018 QCCS 61] a résumé les critères à évaluer pour statuer sur une demande de jonction d’instances :
<<[76] (…) L’objectif d’une demande en jonction d’instances est de simplifier la procédure, de réduire les frais de justice, et surtout, d’éviter des jugements contradictoires ainsi qu’une multiplication inutile des procédures. Le Tribunal, dans son analyse, doit donc tenir compte du degré de connexité des questions en litige qui se posent dans les deux instances ainsi que des économies de ressources et des gains d’efficacité qui pourraient être obtenus, tout en soupesant le préjudice éventuel subi par les parties ou certaines d’entre elles, en cas de jonction des instances. Par ailleurs, le fait que les deux instances puissent être jugées sur la même preuve ne signifie pas que toute la preuve doit être pertinente ou parfaitement identique.>>
[53] Il y a clairement connexité des questions en litige, un ensemble de la preuve tant documentaire (contrats et Mémoires) que factuelle (deux unités résidentielle du même ensemble, les mêmes Entrepreneur et mis en cause), et quoique la question de jugements contradictoires sous le Règlement ne se soulève pas puisque que l’arbitre soussigné a été nommé aux deux Demandes ARB ceci permettra d’éviter une multiplication inutile des procédures qui découleraient de deux arbitrages distincts.
[54] Conséquemment, le Tribunal confirme que la jonction d’instances est accueillie.
[55] Les frais d’arbitrage des présentes sont à la charge de l’Administrateur en conformité de l’art. 123 du Règlement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[56] ACCUEILLE la demande de jonction d’instances des Bénéficiaires des dossiers Soreconi 240408001 et 240408002.
[57] ORDONNE que les frais d’arbitrage soient à la charge de l’Administrateur;
[58] ORDONNE au Greffe de Société pour la Résolution des Conflits Inc. (SORECONI) de pourvoir à la publication de la présente sans autre avis ou délai.
[59] RÉSERVE à La Garantie Construction Résidentielle (l’ « Administrateur ») ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour toute action et toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (paragr.19 de l’annexe II du Règlement), en ses lieu et place et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
[60] LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage à la charge de La Garantie Construction Résidentielle conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
DATE: 8 avril 2024.
Me Jean Philippe Ewart, Arbitre
[1] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ c. Desindes, 2004 CanLII 47872 (QC CA) para.
11; Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. MYL Développements 2011 QCCA 56, para. 13; Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de) 2013 QCCA 1211 (para. 18), confirmant en appel un jugement de la Cour supérieure confirmant l’ensemble des motifs sur ‘Décision arbitrale de Suspension’ du soussigné.
[2] Articles 5, 139 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.08).
[3] Idem, articles 20 et 120 du Règlement.
[4] -3212 Québec Inc. c. Moseka 2018 QCCS 5286, para. 20 et 24.
[5] Frève et al c. Les constructions Levasseur inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., AZ-51117075, Me Roland-Yves Gagné, (CCAC) (2014.06.04); Desrochers c. Sotramont
Québec inc., 2010 CanLII 36091 ; Matheos-Erimos c. Construction D’Astous Ltée. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ AZ50557084.
[6] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Desindes et al, 2004 CanLII 47872 (QC C.A.), 15 décembre 2004.
[7] Jugement en date du 11 mars 2003, Hon. Pierre Fournier, C.S., paragr. 47 et 48 cités au jugement de la Cour d’appel.
[8] Op. cit. Desindes, C.A. para. 33. L’Honorable Rayle fait référence en note à l’article 18 (7) du Règlement, qui a été par la suite remplacé par une combinaison d’une nouvelle rédaction des paragr. 5 et 6 de l’article 18, qui sont toutefois au même effet et, pour les fins des présentes, sont en parallèle aux dispositions de l’art. 34 du Règlement applicable dans les cas de bâtiments détenus en copropriété divise.
[9] Op. cit. note 4, 9264-3212 Québec Inc. c. Moseka, para. 20 et 24.
[10] Garantie de construction résidentielle (GCR) c. Ewart 2019 QCCS 40 qui confirme la décision arbitrale du soussigné 9266-4374 Québec Inc.(f/a/s Les Constructions Alyro) c Alain Phaneuf et Garantie de construction résidentielle (GCR) CCAC no: S16-022901-NP, 11 juillet 2017, Me Jean Philippe Ewart, Arbitre, en en rejet d’un pourvoi en contrôle judiciaire par GCR, publiée par Soquij; voir aussi, entre autres ,sur la compétence exclusive de l’Arbitre Garantie de construction résidentielle (GCR) c. De Vallières Construction inc. 2023 QCCS 2084 qui cite GCR c Ewart.
[11] Kennedy c. Le Centre de crise de Québec, 2003 CanLII 25918
[12] Pour les jugements ou arrêts cités qui précèdent l’entrés en vigueur du Code de Procédure RLRQ c. C 25.01, notons que les articles 270 et 271 de l’ancien Cpc C-25 sont au même effet et textes similaires aux dispositions de l’art 210 précité.
[13] Place Victorin 2007 c. Services Jag inc., 2015 QCCS 4807; Voir aussi Groupe Hexagone, s.e.c. c. Québec (Procureur général), 2014 QCCS 4473.
[14] AMC Usinage inc. c. De Lima 2023 QCCQ 4794 qui cite Hamel c. Robitaille Équipement inc 2027 QCCS 1369, para. 28
[15] Perron c. Développement GLC inc., 2023 QCCS 1695, Me A. Hamel, greffière spéciale.