ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
(Loi sur le bâtiment, L.R.Q., c. B-1.1
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Centre canadien d’arbitrage commercial inc. (CCAC)
ENTRE : Pierre Lamarre
(ci-après « le Bénéficiaire »)
ET : Société en commandite Lofts Angus
(ci-après « L’Entrepreneur »)
ET : Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc. ès qualité d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Abritat inc.
(ci-après « l’Administrateur »)
No dossier CCAC : S16-102501-NP
Arbitre : |
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Me Albert Zoltowski |
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Pour le Bénéficiaire : |
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Monsieur Pierre Lamarre |
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Pour l’Entrepreneur : |
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Monsieur Daniel Lefebvre |
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Pour l’Administrateur : |
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Me Julie Parenteau
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Identification complète des parties
Arbitre : |
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Me Albert Zoltowski 1010, de la Gauchetière Ouest Bureau 950 Montréal (Québec) H3B 2N2 |
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Bénéficiaire : |
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Monsieur Pierre Lamarre [...] Montréal (Québec) [...] |
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Entrepreneur : |
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Société en commandite Lofts Angus. 15 Place du Compte Saint-Sauveur (Québec) J0R 1R4
À l’attention de Monsieur Daniel Lefebvre |
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Administrateur : |
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Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc. ès qualité d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat inc. 7333, Place des Roseraies, bureau 300 Montréal (Québec) H1M 1X6
À l’attention de Me Julie Parenteau |
L’arbitre a reçu son mandat du CCAC le 26 octobre 2016.
29 juin 2016: |
Inspection du bâtiment par l’Administrateur; |
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11 octobre 2016 : |
Décision de l’Administrateur; |
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25 octobre 2016 : |
Réception par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial de la demande d’arbitrage du Bénéficiaire; |
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26 octobre 2016: |
Nomination de l’arbitre; |
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23 novembre 2016 : |
Réception par le tribunal arbitral du cahier des pièces de l’Administrateur; |
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28 novembre 2016 : |
Avis aux parties de la tenue de la conférence préparatoire; |
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1er décembre 2016 : |
Conférence préparatoire avec la participation de l’avocate de l’Administrateur et du Bénéficiaire, sans la participation de l’Entrepreneur ; |
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9 mars 2017 : |
Visite des lieux et audience; |
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8 septembre 2017 : |
Sentence arbitrale. |
SENTENCE
Introduction
1. Dans sa décision du 11 octobre 2016, Madame Anne Delage, l’inspecteur-conciliateur de l’Administrateur rend sa décision dans laquelle elle rejette les 7 réclamations qui ont été dénoncées par le Bénéficiaire à l’Entrepreneur et à l’Administrateur.
2. Insatisfait de cette décision, le Bénéficiaire la porte à l’arbitrage auprès du CCAC.
3. Cet organisme désigne l’arbitre soussigné (ci-après le « Tribunal arbitral » ou le « Tribunal ») pour qu’il prenne en main la procédure arbitrale et statue sur tous les points un arbitrage.
4. Selon la procédure établie, une conférence préparatoire par voie téléphonique a eu lieu avant l’audition. Tel que convenu lors de cette conférence, l’Administrateur et le Bénéficiaire ont communiqué à toutes les parties et au Tribunal la preuve documentaire qu’ils avait l’intention de soumettre lors de l’audition.
5. Malgré le fait qu’il avait était avisé de la tenue de cette conférence préparatoire, l’Entrepreneur n’y a pas assisté et il n’a communiqué aucune preuve documentaire avant l’audition.
6. L’Entrepreneur a été représenté à l’audition par Monsieur Daniel Lefebvre qui y a aussi témoigné mais n’a soumis aucune autre preuve.
7. Le matin du jour de l’audition, l’arbitre soussigné a visité l’unité [...] qui appartient au Bénéficiaire. Elle est située dans un bâtiment situé au [...] à Montréal. La partie privative de cette unité constitue l’objet de cet arbitrage. Me Julie Parenteau qui est l’avocate de l’Administrateur, son inspecteur -conciliateur Madame Anne Delage, le représentant de l’Entrepreneur, Monsieur Daniel Lefebvre, ainsi que le Bénéficiaire étaient présents lors de cette visite.
8. Après cette visite, toutes ces personnes se sont rendues au 1010 de la Gauchetière Ouest, bureau 950, à Montréal pour la tenue de l’audition qui a duré une journée complète.
Les délais et l’article 35.1 du Règlement
9. Au tout début de cette sentence, le Tribunal doit se pencher sur l’application de l’article 35.1 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs [1](ci -après le « Règlement ») qui traite du non- respect par un bénéficiaire des délais de recours ou de mise en œuvre de la garantie . Pourquoi ? Parce que l’Administrateur dans sa décision a rejeté certaines réclamations du Bénéficiaire à cause de son non-respect de tels délais.
10. L'article 35.1 du Règlement énonce ceci :
« Le non-respect d’un délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l’entrepreneur ou l’administrateur manque à ses obligations prévues aux articles 33, 33.1, 34, 66, 69.1,132 à 137 et aux paragraphes 12, 13, 14 et 18 de l’annexe II, à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n’a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou, à moins que le délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d’un an. »
11. Le Tribunal doit citer également l’article 137 du Règlement. Cet article prévoit que :
« L’entrepreneur doit remettre au bénéficiaire un double du contrat de garantie dûment signé et en transmettre une copie à l’administrateur. »
12. Dans ce dossier, la preuve non-contredite a été faite que le contrat de garantie qui fait partie du formulaire intitulé « Contrat préliminaire et contrat de garantie (condominium) » qui a été signé par le Bénéficiaire le 23 décembre 2013 et par l’Entrepreneur le 9 janvier 2014, a été reçu par le Bénéficiaire seulement le 2 mai 2016, soit quelques 28 mois après sa signature par l’Entrepreneur.
13. L’avocate de l’Administrateur a reconnu également qu’elle n’avait dans son dossier que la 1ère et le 6e page de ce formulaire et que les autre pages qui comprennent habituellement le contrat de garantie, étaient manquantes. Elle a déposé en preuve ces 2 pages sous la cote A-2.
14. Le Bénéficiaire a prouvé également que le formulaire d’inspection préréception qui a été rempli et signé par le Bénéficiaire et le représentant de l’Entrepreneur et qui est daté du 7 septembre 2014 ne lui fut transmis par l’Entrepreneur que le 2 mai 2016. Selon l’article 13 de l’Annexe II du Règlement, l’Entrepreneur avait l’obligation de remettre une copie dûment remplie de ce document au Bénéficiaire.
15. Finalement l’Administrateur a omis de remettre au Bénéficiaire, et ce en contrevenant à l’article 69.1 du Règlement, dès la réception de la demande d’enregistrement du bâtiment ou dès que le Bénéficiaire est connu, le document explicatif sur l’application du Règlement préparé par la Régie du bâtiment. Encore une fois, le Bénéficiaire a reçu ce document seulement le 2 mai 2016, après qu’il en fasse la demande à l’Administrateur.
16. Des arbitres ont déjà analysé et statué sur l’application de l’article 35.1 (ou de l’article 19.1 qui s’applique aux bâtiments non détenus en copropriété divise) aux manquements d’un entrepreneur, et particulièrement celui de remettre une copie signée du contrat de garantie a un bénéficiaire, contrairement à l’article 137 du Règlement.
17. Dans la sentence Yves Brouillette et Louise Hébert, [2] l’arbitre Alcide Fournier a écrit comme suit :
« [32] Or, le contrat de garantie a été signé et copie reçue par les bénéficiaires le 3 mars 2006, soit quelques jours après la proclamation de l’article 35.1
[33] L’arbitre soussigné estime que le législateur a voulu que les délais ne soient pas opposables au bénéficiaire tant et aussi longtemps que l’entrepreneur ne lui remette une copie signée du contrat de garantie même s’il s’est écoulé près de 4 ans entre la signature du contrat préliminaire de construction et la signature du contrat de garantie.
[34] Ce manquement de l’entrepreneur à son obligation de faire signer le contrat de garantie et d’en remettre copie aux bénéficiaires est la cause de l’imbroglio juridique actuel.
[35] De plus, le législateur attache une très grande importance à cette obligation de l’entrepreneur puisque son non-respect est assorti des sanctions des plus sévères allant de la suspension des délais (art.35.1) au non paiement des sommes qui lui sont dues par les bénéficiaires ( art. 138).
…………. .
[38] En fait, les bénéficiaires ont affirmé avoir été informé de l’existence d’un contrat de garantie lorsqu’ils ont signé le 3 mars 2006.
[39] Selon eux, ils n’avaient pas été informés du contenu dudit contrat de garantie avant cette date.
[40] Par ailleurs, aucune preuve n’a été faite que l’ignorance des bénéficiaires du contenu de la garantie n’ait pas été le résultat du fait qu’ils n’aient pas signé et reçu copie du contrat de garantie.
[41] Même si toutes les autres conditions ne sont pas réunies, dans le présent litige, un fait indéniable demeure, à savoir que le contrat de garantie conclu entre les bénéficiaires, l’entrepreneur et l’administrateur a été signé le 3 mars 2006, soit après l’entrée en vigueur de l’article 35.1 et que cet article doit trouver application.
[42] Selon l’arbitre soussigné, le présent litige en est un où doit s’appliquer l’article 116 du règlement.
116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit : il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.
[43] Dans le présent litige, faire en sorte que la réclamation des bénéficiaires est hors délai et donc irrecevable est tout à fait inéquitable puisqu’elle est le résultat direct d’un manquement grave de l’entrepreneur.
[44] Par ailleurs, le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs a été adopté pour protéger les consommateurs acheteurs de maisons neuves, et il doit être interprété en leur faveur.
[45] En conclusion, l’arbitre soussigné estime qu’en équité, tous les délais opposables aux bénéficiaires en vertu du plan de garantie ont été suspendus entre la date de signature du contrat préliminaire de construction (8 mars 2002) et la date de la signature du contrat de garantie par les bénéficiaires ( 3 mars 2006) et qu’ainsi aucun délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie ne sont expirés depuis plus d’un an., y compris celui de la garantie de 3 ans.
18. Dans la cause Medgine Jean et Hertel Brunache,[3] l’arbitre Guy Pelletier s’est exprimé ainsi :
[25] De façon générale, Me Séguin plaide à l’effet que la garantie offerte est limitée et que les règles ont été établies par le législateur. Il rappelle que la dénonciation doit se faire dans le délai prescrit de 6 mois de la connaissance du problème, ce qui, manifestement n’a pas été respecté dans ce dossier.
[26] Me Séguin dépose trois décisions [1] supportant son argumentation à l’effet que le délai de 6 mois pour dénoncer un problème est un délai de rigueur comme en fait foi la jurisprudence.
27] L’arbitre fait remarquer à Me Séguin que le Contrat de garantie auquel il se réfère n’est pas signé par l’Entrepreneur et lui demande sa position sur ce fait.
28] Me Séguin mentionne qu’il s’agit du Contrat préliminaire et que le Bénéficiaire l’a signé en toute connaissance de cause, de sorte qu’il ne peut ignorer ses obligations.
Analyse :
[29] Dans le présent cas, l’arbitre doit déterminer si le Bénéficiaire a respecté les obligations qui lui sont dictées par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[30] Il convient de rappeler le droit applicable dans le cas où le Bénéficiaire découvre des malfaçons ou des vices cachés. Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs se lit ainsi à l’article 10:
10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
…
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
(les soulignements sont de l’arbitre)
[31] La Section IV du même règlement précise ce qui suit :
135. La signature de l'entrepreneur doit être apposée sur la dernière page des doubles du contrat de garantie à la suite de toutes les stipulations.
D. 841-98, a. 135.
136. La signature apposée par l'entrepreneur lie l'administrateur.
D. 841-98, a. 136.
137. L'entrepreneur doit remettre au bénéficiaire un double du contrat de garantie dûment signé et en transmettre une copie à l'administrateur.
D. 841-98, a. 137.
138. Le bénéficiaire n'est tenu à l'exécution de ses obligations prévues au contrat conclu avec l'entrepreneur qu'à compter du moment où il est en possession d'un double du contrat de garantie dûment signé.
[32] À la page 4 du document intitulé Contrat préliminaire et Contrat de garantie, on lit ce qui suit :
« Le contenu du présent contrat de garantie a été approuvé par la Régie du bâtiment du Québec en date du 5 octobre 1998… »
[33] À la page 6 de ce document, les règles relatives au contrat de garantie sont les suivantes :
1. L’entrepreneur doit remettre au bénéficiaire un double du contrat de garantie dûment signé et en transmettre une copie à l’Administrateur.
2. Le bénéficiaire n’est tenu à l’exécution de ses obligations prévues au contrat conclu avec l’entrepreneur qu’à compter du moment où il est en possession d’un double du contrat de garantie dûment signé
3. Le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs étant obligatoire, le bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits qui lui sont conférés par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[34] L’Administrateur, appuyé par la jurisprudence, a plaidé que le délai de 6 mois pour dénoncer un problème est de rigueur et que le Bénéficiaire a l’obligation de respecter cette exigence.
[35] Le document déposé en preuve par l’Administrateur ne comporte pas la signature de l’Entrepreneur et il n’a pas été prouvé qu’il existait un autre document respectant les exigences réglementaires.
[36] Avec respect, le Tribunal reconnaît les obligations du Bénéficiaire quant au délai de dénonciation prescrit à l’article 10, mais doit aussi considérer les obligations imposées à l’Entrepreneur aux articles 133 à 137 ainsi que la protection accordée au Bénéficiaire à l’article 138 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et conclure, dans le présent cas, que le non-respect de l’article 10 par le bénéficiaire ne peut lui être opposé.
…
[38] L’arbitre considère donc que les Points 4 et 5 relatifs aux dommages au gazon et à la clôture ne sont pas couverts par la garantie.
[39] Quant aux Points 1 et 2, le Tribunal considère que des vérifications doivent être faites par l’Administrateur pour déterminer si les travaux ont été faits conformément aux normes et règles de l’art et dans le cas contraire, qu’il exige que des correctifs soient apportés par l’Entrepreneur.
DÉCISION :
[40] L’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.»
[42] Suivant mon appréciation des faits, de la preuve versée au dossier et présentée à l’audition et du droit applicable, je suis d’avis que le délai tardif pour dénoncer les problèmes par le Bénéficiaire ne peut lui être opposé conformément aux exigences du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. »
19. Dans une autre sentence, Marie-Ève Lévesque et Alexandre Gagnon, [4] l’arbitre Alcide Fournier suit un raisonnement semblable :
6] L’Administrateur de la Garantie argumente
………
-l’infiltration d’eau au sous-sol arrière dans une pièce prévue pour une salle de bain s’est produite pour la première fois en novembre 2010, et la dénonciation n’a été faite à l’Administrateur que le 22 juin, 15 juillet et 30 août 2011, soit bien après l’expiration du délai de 6 mois entre la date de la découverte du désordre et la date de dénonciation à l’Administrateur et qu’en conséquence, l’Administrateur ne peut faire droit à la réclamation des Bénéficiaires.
[7] À l’audience, les Bénéficiaires racontent toutes les difficultés qu’ils ont eues avec leur entrepreneur, Sebecam Renovation.
…….
[9] L’Entrepreneur Sebecam ne leur a pas fait signer le contrat de garantie ni remis copie de ce dernier.
[10] Il n’y a pas eu d’inspection pré-réception et le formulaire prévu à cette fin n’a pas été complété.
[11] Les Bénéficiaires ignoraient donc la teneur dudit contrat de garantie et ils ont dû eux-mêmes procéder à l’enregistrement de leur immeuble auprès de la Garantie.
[12] Les Bénéficiaires, en invoquant les articles 19.1 et 138 du règlement, estiment que les manquements graves de l’Entrepreneur ne peuvent avoir pour conséquence que leurs réclamations soient considérées hors délai par l’Administrateur.
[13] Ils prétendent en effet que s’ils avaient été informés adéquatement, ils auraient respecté les délais pour présenter leurs réclamations et que toute la présente situation est due à la négligence de leur entrepreneur.
Décision
[14] Il faut d’abord noter que le présent tribunal d’arbitrage n’a pas à décider des travaux requis pour corriger les désordres constatés avant d’avoir statué sur la recevabilité des réclamations présentées par les Bénéficiaires.
[15] Également, les Bénéficiaires ne nient pas qu’un délai de plus de 6 mois s’est écoulé entre la constatation des désordres et la présentation de leurs réclamations à l’Administrateur de la Garantie.
[16] Les Bénéficiaires disent qu’ils n’ont pas été informés des dispositions de la Garantie parce que l’Entrepreneur ne leur a pas remis copie du contrat et n’a pas fait d’inspection pré-réception du bâtiment, a manqué à toutes ses obligations en vertu du plan de garantie, et que le non- respect des délais ne peut leur être opposé à cause de ces manquements graves de l’Entrepreneur.
[17] En réponse à ces arguments, l’Administrateur répond que le règlement sur le plan de garantie adopté en vertu de la loi sur le bâtiment ( L.R.Q. c.B-1.1.r 8) est d’ordre public et que le principe que « nul n’est sensé ignorer la loi » s’applique au présent litige.
[18] Selon l’Administrateur, ce caractère d’ordre public du règlement sur le plan de garantie a été confirmé par la Cour d’Appel du Québec dans la cause Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes & Yvan Larochelle et René Blanchet es qualité (500-09-013349-030).
[19] Les Bénéficiaires, quant à eux, se réfèrent entre autres, aux articles 17, 19.1 137 et 138 du règlement :
…….
19.1. Le non-respect d'un délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l'entrepreneur ou l'administrateur manque à ses obligations prévues aux articles 17, 17.1, 18, 66, 69.1, 132 à 137 et aux paragraphes 12, 13, 14 et 18 de l'annexe II, à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n'a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou que le délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d'un an.
137. L'entrepreneur doit remettre au bénéficiaire un double du contrat de garantie dûment signé et en transmettre une copie à l'administrateur.
138. Le bénéficiaire n'est tenu à l'exécution de ses obligations prévues au contrat conclu avec l'entrepreneur qu'à compter du moment où il est en possession d'un double du contrat de garantie dûment signé.
[20] Dans le présent litige, la preuve prépondérante révèle que :
-1. l’Entrepreneur n’a pas inscrit l’unité résidentielle des Bénéficiaires auprès du plan de garantie,
-2. l’Entrepreneur n’a pas fait signer de contrat de garantie aux Bénéficiaires,
-3. l’Entrepreneur n’a pas remis copie du contrat de garantie aux Bénéficiaires,
-4. l’Entrepreneur n’a pas fait d’inspection avant réception du bâtiment avec les Bénéficiaires,
-5. l’Entrepreneur n’a pas fait signer le formulaire de réception du bâtiment.
[21] Dans un règlement s’apparentant à un règlement sur la
protection du consommateur, il est difficile de croire qu’une telle incurie de la part de
l’Entrepreneur n’est pas sanctionnée.
[22] L’article 138 précise que le Bénéficiaire n’est tenu à l’exécution de ses obligations envers l’Entrepreneur que s’il obtient une copie du contrat de garantie.
[23] En transposant le texte au présent litige, on peut lire l’article 19.1 de la façon suivante :
« Le non respect d’un délai de recours ( pas plus de 6 mois entre la découverte du désordre et la réclamation) ne peut être opposé au Bénéficiaire, si l’Entrepreneur manque à ses obligations prévues aux articles 17 (inspection pré-réception) et suivants.»
[24] Interpréter autrement cet article pourrait conduire à des situations tout à fait inéquitables où l’entrepreneur ne remplit pas ses obligations et que les consommateurs subissent la conséquence de cette incurie.
[25] En effet, il suffirait, comme dans le présent litige, que l’Entrepreneur ne remplisse pas ses obligations relativement au plan de garantie, pour permettre à l’Administrateur d’invoquer l’écoulement des délais pour que la garantie ne s’applique pas.
[26] L’intention du législateur en adoptant le règlement sur le plan de garantie était, entre autre, de protéger les consommateurs contre des entrepreneurs négligents, comme dans le présent litige.
[27] Quant au caractère d’ordre public du règlement, l’entrepreneur ne l’a pas respecté et il faut se poser la question : est-ce que seul le consommateur doit en subir les conséquences ?
[28] À l’article 116 du règlement, le législateur a écrit :
Un arbitre statue conformément aux règles de droit ;
il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.
[29] Par cet article, le législateur a voulu que l’arbitre règle des situations qui ne pouvaient pas être toutes décrites dans un règlement.
[30] L’arbitre soussigné estime que le présent litige correspond à ce qu’a désiré le législateur en permettant au tribunal d’arbitrage de faire appel à l’équité pour résoudre le problème.
[31 En conséquence, l ’arbitre soussigné estime que compte tenu de la situation très particulière, les réclamations des Bénéficiaires sont recevables par l’Administrateur de la Garantie. »
20. Dans une sentence récente datée du 19 avril 2017, mon collègue Me Roland-Yves Gagné a considéré l’application de l’article 35.1 du Règlement lorsque l’entrepreneur a fait défaut de remettre une copie signée du contrat de garantie aux bénéficiaires. Il s’agit de la cause Bruno Evangelista [5]:
« Remise d’une copie du contrat de garantie signée par les Bénéficiaires mais non signée par l’Entrepreneur
[16] Les Bénéficiaires ont mis en preuve qu’à la signature du contrat de garantie, leur copie signée par eux leur a été remise, mais aucune copie signée par l’Entrepreneur ne leur a été remise par la suite.
[17] C’est ce contrat de garantie non signé par l’Entrepreneur qu’ils ont envoyé à l’Administrateur avec leur réclamation en 2014.
[18] L’Entrepreneur dit que les Bénéficiaires ont signé quatre contrats devant l’agent de l’immeuble,
[18.1] les Bénéficiaires ont gardé leur copie,
[18.2] l’agent d’immeuble est allé voir l’Entrepreneur, et
[18.3] l’Entrepreneur a
[18.3.1] signé les trois copies que lui a remises l’agent d’immeuble;
[18.3.2] gardé une copie pour lui; et
[18.3.3] remis à l’agent d’immeuble deux copies, une pour qu’il la remette aux Bénéficiaires et l’autre pour qu’il la garde.
[19] L’Entrepreneur est sûr que l’agent d’immeuble a remis sa copie signée aux Bénéficiaires, mais
[19.1] l’Entrepreneur n’étant pas présent à cette remise,
[19.2] l’agent d’immeuble n’étant pas présent à l’audience, et
[19.3] les Bénéficiaires affirmant de façon crédible n’avoir jamais reçu cette copie signée par l’Entrepreneur mais n’avoir qu’une copie signée par eux-mêmes seulement,
la preuve prépondérante est donc à l’effet que les Bénéficiaires n’ont jamais reçu cette copie signée par l’Entrepreneur.
[20] les Bénéficiaires citent les dispositions de l’article 138, et plaident que vu les dispositions de l’article 138, on ne peut pas leur invoquer le non-respect du délai du recours de six mois prévu au Règlement.
[21] Les articles 137 et 138 se lisent ainsi :
137. L'entrepreneur doit remettre au bénéficiaire un double du contrat de garantie dûment signé et en transmettre une copie à l'administrateur.
138. Le bénéficiaire n'est tenu à l'exécution de ses obligations prévues au contrat conclu avec l'entrepreneur qu'à compter du moment où il est en possession d'un double du contrat de garantie dûment signé.
[22] L’Administrateur plaide
[22.1] l’article 19.1 du Règlement qui se lit comme suit (note, l’ article 35.1, pour les copropriétés, est au même effet) :
19.1. Le non-respect d'un délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l'entrepreneur ou l'administrateur manque à ses obligations prévues aux articles 17, 17.1, 18, 66, 69.1, 132 à 137 et aux paragraphes 12, 13, 14 et 18 de l'annexe II, à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n'a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou que le délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d'un an;
[22.2] l’absence de préjudice car les Bénéficiaires avaient en leur possession, la copie du contrat de garantie expliquant les devoirs et obligations des parties,
[22.2.1] l’absence de signature de l’Entrepreneur ne leur a donc causé aucun préjudice et la signature présente sur leur copie n’aurait rien changé, vu l’absence de préjudice;
[22.3] de façon accessoire, la situation pourrait être différente si aucune copie n’avait été remise, les Bénéficiaires auraient peut-être pu invoquer ne pas être au courant de leurs devoirs et obligations, mais ce n’est pas le cas ici.
…………..
l
Décision
[24] Vu la preuve, vu le Règlement, le Tribunal d’arbitrage rejette le moyen de défense des Bénéficiaires quant à l’article 138 (et 137) du Règlement.
[25] D’abord, tous les précédents de décisions arbitrales connues du soussigné (qui a lu toutes les décisions à ce sujet pendant son délibéré, les décisions étant publiques) portent sur des cas où l’Entrepreneur n’avait remis aucun contrat de garantie, ce qui avait eu une incidence sur les Bénéficiaires; aucun des précédents n’est similaire au présent cas :
………..
[30] Dans le présent dossier,
[30.1] l’Administrateur et l’Entrepreneur (voir les paragraphes [22] et [23] ci- haut corroborés par la preuve prépondérante dans le présent dossier) ont l’Entrepreneur n’a eu aucune incidence sur le non-respect du délai de recours, se
[30.2] subsidiairement,
[30.2.1] rien dans la preuve,
[30.2.2] rien dans les allégations,
[30.2.3] rien dans les plaidoiries des Bénéficiaires,
n’a invoqué ou démontré une quelconque incidence (selon l’article 19.1) de l’absence de signature de l’Entrepreneur sur la copie du contrat de garantie remise aux Bénéficiaire, sur le non-respect du délai de recours quand ce non- respect a été invoqué lors du présent arbitrage.
[31] Vu les articles 19.1, 137 et 138 du Règlement, vu la preuve des faits au dossier, vu les décisions arbitrales rendues par nos collègues, vu que l’Entrepreneur et l’Administrateur ont démontré l’absence de préjudice causé par l’absence de la signature de l’Entrepreneur sur la copie du contrat de garantie remise aux Bénéficiaires, le Tribunal d’arbitrage soussigné rejette la position des Bénéficiaires basée sur la remise d’une copie du contrat de garantie non signée par l’Entrepreneur et déclare que les délais de dénonciation et de recours prévus dans la version applicable du Règlement s’appliquent aux Bénéficiaires dans le présent dossier. »
21. Selon le Tribunal arbitral, l’intérêt de la décision Bruno Evangelista pour les fins de la présente revue jurisprudentielle réside dans le fait que l’arbitre Rolland-Yves Gagné applique l’article 35.1 du Règlement au défaut de l’entrepreneur de remettre une copie signée du contrat de garantie aux bénéficiaires et à la possibilité que ce manquement puisse permettre la suspension du délai de dénonciation de 6 mois.Toutefois, il ne permet pas la suspension de ce délai car l’une des deux exceptions qui y sont prévues a été prouvée. Il s’agit de la preuve que le défaut de remise du contrat de garantie n’a eu aucune incidence sur le non-respect des délais par les bénéficiaires.
22. Selon le Tribunal, cette jurisprudence démontre que dans des circonstances appropriées, lorsqu’un Entrepreneur manque à son obligation prévue à l’article 137 du Règlement de remettre un double du contrat de garantie dûment signé à un bénéficiaire, ce dernier peut invoquer l’article 35.1 selon lequel son non-respect du délai maximal de 6 mois pour dénoncer un défaut de construction prévu aux articles 10 ou 27 du Règlement ne peut pas lui être opposé.
1.Climatisation qui n’est pas uniforme entre le salon et la chambre à coucher
23. Dans sa décision l’inspecteur-conciliateur Madame Anne Delage a décrit la situation comme suit :
« Au cours de l’été 2015, soit en première année de garantie, le bénéficiaire a constaté qu’il ne lui était pas possible d’obtenir une température uniforme entre la chambre à coucher et la pièce adjacente, le salon. Il mentionne qu’il doit surclimatiser le salon pour réduire la température de la chambre.
L’entrepreneur mentionne que le bénéficiaire ne balance pas sa climatisation sur les deux étages comme il devrait le faire.
Lors de l’inspection, l’administrateur a pu constater que l’unité est climatisée par deux appareils de climatisation muraux dont l’un est situé au rez-de-chaussée et l’autre à l’étage et que pour obtenir une température équilibrée, les deux unités doivent fonctionner.
Il est aussi évident que puisque que le système de climatisation n’en n’est pas un central, des disparités de températures seront toujours présente entre les pièces. »
24. Dans sa décision, elle applique l’article 10(3) du Règlement qui réfère à la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et qui doivent être dénoncées par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons.
25. Elle statue que cette situation a été découverte et dénoncée conformément aux exigences de l’article 10(3) du Règlement .
26. Toutefois, elle conclut que « la situation que dénonce le bénéficiaire ne rencontre pas les critères de la malfaçon au sens de l’article 10(3) du Règlement » et elle rejette cette réclamation.
Note
27. Le Tribunal note que la référence par Madame Delage au paragraphe 3 de l’article 10 du Règlement est, strictement parlant, incorrecte car cet article 10 s’applique à un bâtiment non détenu en copropriété divise. Cette référence aurait dû plutôt se rapporter au paragraphe 3 de l’article 27 du même règlement, qui vise les bâtiments détenus en copropriété divise, comme celui dans ce dossier. Toutefois, le texte de ces deux paragraphes 3 est identique.
Preuve
28. La preuve que le Tribunal considère pertinente peut être résumée comme suit :
29. Le Bénéficiaire a déposé en preuve le texte qui décrit la vraie nature de sa plainte. Il l’a rédigé après sa réception de la réponse de l’Entrepreneur à sa plainte initiale au sujet de sa climatisation. Ce texte a été envoyé par courriel à l’Administrateur le 16 mai 2016 (pièce B-1, en liasse) :
· « réponse du promoteur : ‘ en ce qui a trait à votre air climatisé, il s’agit pour vous de trouver la bonne calibration de vos appareils pour les conditions différentes qui existent entre votre rez-de-chaussée et votre deuxième étage. ’
Cette réponse est incompréhensible. Mon unité est située au 4e étage, et j’ai une mezzanine, donc située au 5e étage. Or, il ne s’agit pas d’un problème entre les deux étages. La différence de température relevée est entre la pièce à aire ouverte (salon et cuisine) et la chambre à coucher située au même étage (4e étage), où la température peut atteindre 3 à 4° degrés de plus que dans le salon malgré le fonctionnement du climatiseur. Le diffuseur est localisé dans le salon au 4e étage. De toute évidence, celui-ci n’est pas localisé adéquatement, ou n’est pas de puissance suffisante, ou ne peut suffire à lui seul à assurer le même niveau de climatisation dans la chambre à coucher que dans le salon- cuisine, auquel cas il faut prévoir un diffuseur également dans la chambre à coucher. À tout événement, le devis prévoit que la climatisation sera de puissance suffisante dans toute l’unité. »
30. Le Bénéficiaire témoigne que lors des canicules (25 degrés C. ou plus), la température dans sa chambre à coucher ne descend pas en dessous de 23. 5 °C. Dans l’espace « walk in » avoisinant cette chambre et dans sa salle de bain, la température est d’au moins 0.5 degré C. à 1 degré C. plus élevée. Au cours de ces périodes de canicule, il a déjà dû dormir pendant plusieurs jours de suite au salon où se trouve l’unité de climatisation car dans sa chambre à coucher il était impossible de dormir.
31. Le Bénéficiaire réfère au document intitulé « LOFT ANGUS- Devis Sommaire » (pièce A-4). Sous le titre « 3. Mécanique/ électricité », on peut lire ceci au sujet de la climatisation :
« La climatisation (en option) sera individuelle pour chaque unité et assurée par un climatiseur à éléments séparés. L’évaporateur intérieur sera contrôlé par télécommande et d’une puissance suffisante pour toute l’unité. Le condenseur extérieur sera invisible de la rue et situé soit derrière des louves, soit au sous-sol soit sur la toiture des mezzanines…. » (souligné par le Tribunal)
32. Ce devis fait partie des documents d’achat du condo. C’était le seul devis parmi ces documents.
33. En contre-interrogatoire, il reconnait que son évaluation de la suffisance de la climatisation est basée sur le niveau de son confort.
34. Il n’a pas fait de vérification technique de son climatiseur.
35. Il possède 2 manuels d’instructions de ses appareils de climatisation et il change leurs filtres.
36. Pour atténuer la chaleur dans sa chambre à coucher, il laisse la toile baissée sur la fenêtre de cette chambre toute la journée.
37. Le représentant de l’Entrepreneur témoigne que les 2 unités de climatisation situées au niveau du 4e étage et au niveau de la mezzanine fonctionnent en tandem avec l’échangeur d’air. Ces 2 systèmes sont en perpétuel mouvement. Un équilibrage parfait de ces 2 systèmes n’existe pas.
38. Selon lui, la climatisation à l’unité du Bénéficiaire est suffisante.
39. L’auteur de la décision de l’Administrateur, Mme Anne Delage témoigne que selon les notes qu’elle a prises lors de sa visite en juin 2016 au condo du Bénéficiaire, ce dernier se plaignait de la différence entre la température de sa chambre à coucher et celle du salon. Selon elle, c’est une situation normale.
40. C’est sur cette base qu’elle a rendu sa décision.
41. Elle déclare que le Bénéficiaire ne lui a pas mentionné que la climatisation dans sa chambre est insuffisante, qu’il était incapable d’atteindre une température confortable dans sa chambre à coucher par temps chaud ou qu’il devait coucher dans le salon lors des canicules.
42. Elle témoigne que si elle connaissait que la vraie problématique dont se plaignait le Bénéficiaire était l’insuffisance de la climatisation et particulièrement son insuffisance dans la chambre à coucher lorsque la température extérieure était chaude, elle aurait demandé que divers tests techniques soient effectués avant de rendre sa décision.
43. En ce qui concerne le délai de dénonciation, elle témoigne que pour apprendre à faire fonctionner un système de climatisation et pour découvrir un problème de climatisation, il faut faire fonctionner un tel système pendant un long délai. Elle donnerait au Bénéficiaire un an pour découvrir un tel problème.
Prétentions des Parties
44. La prétention principale du Bénéficiaire est que la climatisation dans son unité de condominium est insuffisante. Ceci est contraire au devis que l’Entrepreneur lui a remis et qui prévoit « une climatisation suffisante pour toute l’unité ». (pièce A-4)
45. L’avocate de l’Administrateur reconnaît que la décision de l’inspecteur-conciliateur, Madame Anne Delage est fondée sur un écart de température entre les pièces plutôt que sur l’insuffisance de la climatisation.
46. Toutefois elle soumet divers arguments l’encontre de la preuve du Bénéficiaire :
- Elle doute de sa crédibilité lorsqu’il a affirmé qu’il a découvert le problème de sa climatisation graduellement, plutôt que de le découvrir en été 2014 . Il a témoigné d’avoir aménagé dans son condo le 26 juillet 2014.
- Selon elle, le Bénéficiaire aurait pu prendre des mesures pour atténuer la chaleur excessive dans sa chambre à coucher lors des canicules en y installant un éventail ou en couchant au niveau de la mezzanine où se trouve une autre chambre ( et une 2e unité de climatisation).
- Le témoignage du Bénéficiaire quant à l’insuffisance de la climatisation dans son unité n’est appuyé d’aucune preuve technique. Cette preuve est insuffisante pour démontrer l’existence d’une malfaçon.
47. La prétention de l’Entrepreneur est que le bâtiment a été construit selon les plans d’ingénieurs et ces plans ont été approuvés par la ville de Montréal. Selon lui, l’Entrepreneur a été obligé de suivre ces plans.
48. Il soumet que le Bénéficiaire n’a pas fait la preuve que son système de climatisation est défectueux .
Analyse et décision
49. Le Bénéficiaire a fait la preuve que la température dans sa chambre à coucher, particulièrement quand il fait chaud dehors est très inconfortable . Le fait qu’il se sente obligé de dormir dans le salon pendant de telles périodes est anormal.
50. Malgré la prétention de l’avocate de l’Administrateur, selon la preuve devant le Tribunal il n’y a pas de raison de douter de sa crédibilté.
51. La plainte du Bénéficiaire est fondée sur la non-conformité de sa climatisation au devis de l’Entrepreneur. Lorsque la preuve de cette situation est suffisante, elle peut constituer une malfaçon. Voici comment les auteurs Me Sylvie Rodrigue et Me Jeffrey Edwards dans leur chapitre « La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons » faisant partie du livre « La construction au Québec : Perspectives juridiques » [6]s’expriment à ce sujet :
« Comme son nom l’indique, une « malfaçon » est un travail mal fait ou mal exécuté. Or, un travail donné est considéré « bien » ou « mal » fait selon les normes qui lui sont applicables. Deux types de normes sont couramment employées pour établir l’existence d’une malfaçon, que celles-ci soient écrites ou verbale, entre les parties. Premièrement, ce sont les conditions contractuelles fixées, que celles-ci soient écrites ou verbales, entre les parties. Deuxièmement, en l’absence de conditions précises expressément arrêtées, recours est fait aux « règles de l’art » qui sont suivies pour chaque corps de métier ou secteur pertinent. » (souligné par le Tribunal)
52. Dans le cas qui nous occupe, la preuve de l’insuffisance de la climatisation dans une partie de son unité est fondée largement sur le degré de l’inconfort du Bénéficiaire. Cette preuve de nature subjective est pertinente mais elle n’est appuyée sur aucune vérification technique par un spécialiste.
53. Toutefois, dans les circonstances de cette réclamation, il serait injuste de rejeter la demande du Bénéficiaire uniquement sur l’absence d’une telle vérification.
54. Le Tribunal souligne que l’inspecteur-conciliateur, Madame Anne Delage a reconnu qu’elle a rendu sa décision sur la base d’écarts de températures entre les pièces plutôt que sur l’insuffisance de climatisation dans certaines pièces. De plus, elle a déclaré que si elle savait que la dénonciation visait l’insuffisance de la climatisation et que ceci obligeait le Bénéficiaire à coucher dans le salon pendant les périodes de canicules, elle aurait ordonné que des vérifications techniques soient faites avant de rendre sa décision.
55. Le Tribunal souligne que la compréhension incomplète ou erronée de l’inspecteur-conciliateur, Madame Delage quant à la nature exacte de la plainte du Bénéficiaire ne peut pas être attribuée au Bénéficiaire. Le texte de la la vraie nature de la plainte de ce dernier qui est cité ci-haut au paragraphe 29 fait partie, selon la preuve, de la dénonciation écrite qu’il a envoyée à l’Administrateur et à l’Entrepreneur.
56. Dans ces circonstances, le Tribunal conclut qu’il serait juste que le dossier de cette réclamation soit retourné à Madame Delage ou un autre inspecteur-conciliateur de l’Administrateur pour qu’il fasse une nouvelle inspection, ordonne une vérification technique quant à la suffisance de la climatisation dans la chambre à coucher du Bénéficiaire au 4e étage de son unité, y compris lorsqu’il fait très chaud dehors, et rende une nouvelle décision à ce sujet.
57. Cette conclusion du Tribunal est fondée sur l’article 116 du Règlement qui stipule que :
« Un arbitre statue conformément aux règles de droit ; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient. »
58. Vu cette conclusion, le Tribunal n’a pas besoin d’analyser les autres prétentions des parties.
2. Absence de rondelle métallique au pourtour du tuyau de la toilette de la salle de bain principale
59. Le Bénéficiaire témoigne qu’en janvier ou février 2016, il n’a pas noté la date exacte, il a découvert l’absence de la rondelle métallique qui devait cacher le trou d’entrée du tuyau de la toilette dans le mur de sa salle de bain principale.
60. Selon l’inspecteur-conciliateur, Madame Anne Delage, il s’ agit d’une malfaçon apparente qui aurait dû être dénoncée lors de l’inspection préréception de la partie privative de l’unité, mais elle ne l’a pas été. Pour cette raison elle a rejeté cette réclamation.
Analyse et décision
61. L’article 27(2) du Règlement se lit comme suit :
« La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception; »
62. L’absence de cette rondelle n’a pas été inscrite au rapport d’inspection préréception daté du 7 septembre 2014 et signé par le Bénéficiaire et l’Entrepreneur (pièce A-2) .
63. Lors de sa visite des lieux, le Tribunal a pu constater l’emplacement de cette rondelle. Il a aussi vu que le Bénéficiaire a confectionné de ses mains avec du papier aluminium une rondelle pour cacher l’entrée du tuyau de la toilette dans le mur.
64. Selon le tribunal il s’agit bel et bien d’une malfaçon apparente qui devait être dénoncée au moment de la réception. Il est d’accord avec la décision de l’inspecteur- conciliateur sur ce point .
65. Par conséquent, la demande du Bénéficiaire sur ce point est rejetée.
3. Prise de courant au-dessus du lavabo de la salle de bain principale non protégée
66. Dans sa décision, l’inspecteur-conciliateur, Anne Delage rejette cette réclamation au motif que la situation a été découverte dans la 2e année de la réception de la partie privative. Pour être couverte par la garantie, il faudrait qu’il s’agisse d’un vice caché.
67. Or selon elle, cette situation ne rencontre pas les critères d’un vice caché.
Preuve
68. Le Bénéficiaire témoigne à l’effet que la prise électrique au-dessus du lavabo dans sa salle de bain principale n’est pas munie d’un interrupteur poussoir ni d’un témoin lumineux. Selon lui, elle ne possède pas un DFT (détecteur différentiel de fuite à la terre). Il n’est pas certain que cette prise est protégée selon les normes applicables.
69. Le représentant de l’Entrepreneur témoigne que cette prise est installée en série avec une autre prise dans la salle d’eau qui est adjacente à la salle de bain.
Analyse et décision
70. Le Bénéficiaire en tant que demandeur devant ce Tribunal, a le fardeau de la preuve (art 2803 du Code Civil du Québec).
71. Pour que ce Tribunal puisse statuer en sa faveur et déclarer que cette prise électrique est affectée d’un vice ou d’une malfaçon, il doit faire la preuve qu’elle est non conforme aux règlements provinciaux, ou municipaux pertinents ou en leur absence, à la norme CSA-C22.1 prévue au Code canadien de l’électricité ( le tout tel que stipulé au paragraphe 9.34.1.1 du Code de construction du Québec, ch.1- Bâtiment et Code National du bâtiment- Canada 2005 (modifié)).
72. Le Bénéficiaire n’a pas témoigné à titre d’expert. Dans son témoignage, il exprime une crainte quant à la non-conformité de la prise électrique mais ceci ne constitue pas une preuve suffisante pour que le Tribunal puisse déclarer qu’elle est affectée d’un vice ou d’une malfaçon.
73. Etant donné que le Tribunal rejette cette demande du Bénéficiaire, il n’a pas besoin de se pencher sur la question du délai de la découverte ou de la dénonciation de cette situation.
4. Joint fissuré entre le lavabo et le mur de la salle de bain principale
74. Dans sa décision, Mme Delage écrit que le Bénéficiaire a constaté au mois de mai 2016 soit durant la deuxième année de la garantie, que le joint entre le lavabo et le dosseret de la salle de bain principale était fissuré.
75. Elle écrit également « lors de l’inspection, l’administrateur a pu constater que le joint comporte une fissure de retrait qui est relative au comportement normal des matériaux ».
76. Toutefois elle a rejeté cette réclamation sur la base que cette fissuration ne rencontre pas les exigences d’un vice caché. Étant donné que selon elle, la découverte de cette situation a eu lieu dans les 3 ans de la réception du bâtiment, pour que la garantie puisse la couvrir, il fallait qu’elle rencontre les exigences d’un vice caché.
Preuve
77. Lors de l’audition, le Bénéficiaire a témoigné qu’il a découvert cette fissure en 2015 mais qu’il ne se rappelait pas de la date exacte. En contre-interrogatoire, il a déclaré qu’il a fait cette découverte graduellement.
78. Lors de l’audition, Madame Delage a témoigné qu’elle aurait reconnu cette situation comme une malfaçon mais qu’elle n’a pas pu la reconnaitre comme un vice caché.
Analyse et décision
79. Le Bénéficiaire a témoigné qu’il a découvert cette fissure en 2015.
80. Ni l’Entrepreneur ni l’Administrateur ne l’ont interrogé au sujet de cette date. Étant donné que cette découverte a été faite par le Bénéficiaire lui-même, le Tribunal retient son témoignage que cette découverte a été faite en 2015 plutôt qu’en 2016 comme l’a noté Mme Delage dans sa décision.
81. Étant donné que cette situation est apparu graduellement d’après le témoignage du Bénéficiaire, il est probable que la première manifestation de cette fissure est apparue en 2015 mais dans la première année de la garantie.
82. Quant à la qualification de la nature de ce défaut de construction, Madame Delage a reconnu à l’audition qu’il s’agissait d’une malfaçon. Selon la preuve de l’apparition graduelle de cette fissure, il ne pouvait s’agir que d’une malfaçon non-apparente au moment de la réception dont la réparation est garantie selon le paragraphe 27(3) du Règlement :
« 27. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:
1°…..
2°…..
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons; »
83. En conséquence, le Tribunal accueille la demande du Bénéficiaire relativement à cette réclamation.
5. Robinet de la cuisine et de la douche de l’étage dont le débit est trop faible
84. Dans sa décision, Madame Delage a décrit la situation comme suit :
« Au cours de l’été 2014, soit en première année de garantie, le Bénéficiaire a constaté que le débit d’eau était trop faible au robinet de la cuisine et au robinet de la douche de l’étage »
85. Toutefois, elle est d’avis que ces robinets comportent des réducteurs de débit et que leur débit est normal.
Preuve
86. Le Bénéficiaire témoigne à l’audition que le débit d’eau du robinet de la cuisine est de 4 litres à la minute. Selon l’information qu’il a obtenu sur l’internet, un débit normal est de 12 litres à la minute.
87. Le représentant de l’Entrepreneur témoigne que lors de la visite des lieux immédiatement avant l’audition, il a constaté la présence de calcaire dans l’aérateur du robinet de la cuisine. Il opine qu’avec un bon entretien, le débit devrait être bon.
88. Lors de sa plaidoirie, l’Administrateur a soumis que le délai entre la découverte du débit insuffisant du robinet de la cuisine en été 2014 et la dénonciation écrite à l’Administrateur et à l’Entrepreneur en mai 2016 excède le délai maximal de 6 mois d’une dénonciation écrite qui est prévu par le Règlement. De plus, il soumet que le Bénéficiaire se s’est pas déchargé de son fardeau de preuve : il a omis de prouver les spécifications du robinet et la norme servant à déterminer un débit normal.
Analyse et décision
89. Tel que déjà mentionné ci-haut, le fardeau de prouver l’insuffisance du débit d’eau des deux robinets repose sur le Bénéficiaire.
90. Sa preuve se limite à un témoignage lors de l’audition et d’une démonstration lors de la visite avant l’audition, d’un débit de 4 litres à la minute du robinet de la cuisine
91. Son témoignage relativement à un débit d’eau normal de 12 litres d’eau à la minute fondé sur une information provenant de l’internet ne constitue pas une preuve suffisante de la norme applicable au débit d’eau du robinet de la cuisine du Bénéficiaire.
92. Le Tribunal est d’accord avec l’argument soumis par l’avocate de l’administrateur à ce sujet.
93. En ce qui concerne l’insuffisance du débit de la douche de l’étage, le Bénéficiaire n’a soumis aucune preuve s’y rapportant.
94. Le Tribunal conclut qu’il ne peut accueillir la demande du Bénéficiaire relativement à cette réclamation.
95. Vu cette conclusion, le Tribunal n’a pas besoin d’examiner les autres prétentions des paties.
6. Hotte de la cuisinière inefficace
96. Dans la décision de l’Administrateur, Mme Delage note que le Bénéficiaire a découvert que la hotte de la cuisinière était inefficace en juillet 2014 puisque les odeurs de cuisson n’étaient pas évacuées assez rapidement.
97. Comme l’Administrateur a été informé pour la première fois de cette situation le 18 mai 2016, le délai maximal de dénonciation écrite de 6 mois entre la découverte et la dénonciation, tel que prévu par les différents paragraphes de l’article 27 du Règlement , a été dépassé. Pour cette raison elle rejette cette réclamation du Bénéficiaire.
Preuve
98. La Preuve pertinente peut être résumé comme suit :
99. Le Bénéficiaire a découvert graduellement que sa hotte était inefficace et bruyante. Il ne l’a pas découvert en juillet 2014, comme Madame Delage l’a noté dans sa décision.
100. En fait, dans le rapport d’inspection préréception daté du 7 septembre 2014 (pièce A-2), à la dernière page on peut lire la note suivante : « Air climatisé impossible à vérifier ».
101. Le devis provenant de l’Entrepreneur (pièce A-4) décrit les caractéristiques de la hotte comme suit : «Hotte encastrée en acier inoxydable, vitesse variable, capacité de 400pcm avec filtre, éclairage et évacuation extérieure. »
102. Au printemps 2016 le Bénéficiaire a découvert que la hotte de sa cuisinière est une BROAN série PM250 avec une capacité d’évacuation de 250 PCM et dont le volume sonore est de 8.0 SONES.
103. Le fabricant des hottes BROAN annonce aussi le modèle de hotte BROAN 390 PCM qui est plus performant, avec une capacité d’évacuation de 390 pcm et dont le volume sonore est moindre soit 6.0 SONES. (pièce A-5 en liasse).
104. Selon les caractéristiques de la hotte BROAN 390PCM, elle est trop haute pour être encastré au- dessus de la cuisinière du Bénéficiaire.
105. Selon le Bénéficiaire, il existe sur le marché des hottes qui seraient conformes aux caractéristiques de la hotte décrite dans le devis de l’Entrepreneur. À l’appui, il montre et dépose en preuve une brochure avec une photo et une description des caractéristiques de la hotte FABER encastrable (modèle INHC29SS600B-654279)
(pièce B-4 en liasse).
Plaidoiries
106. Le Bénéficiaire plaide que la hotte au-dessus de sa cuisinière ne possède pas un volume d’évacuation suffisante. Elle est non-conforme au devis de l’Entrepreneur qui prévoyait une capacité d’évacuation de 400 PCM plutôt que 250 PCM qui est le cas de la hotte installée chez lui.
107. Il craint que ce volume d’évacuation insuffisant pourrait permettre à la graisse d’abimer ses armoires de cuisine et ses murs.
108. Il soumet également que sa hotte nuit à sa qualité de vie.
109. L’Entrepreneur plaide que la hotte installée chez le Bénéficiaire fait partie de l’ensemble des systèmes de ventilation et d’échange d’air et qu’une hotte plus performante pourrait débalancer la ventilation dans tout le bâtiment.
110. Le procureur de l’Administrateur invoque le même argument que celui avancé par l’inspecteur-conciliateur, Mme Delage dans sa décision: le délai maximal de 6 mois entre la découverte du problème en été 2014 et sa dénonciation en mai 2016 a été excédé et ce contrairement aux dispositions du Règlement.
Analyse et décision
111. Selon le Tribunal, le Bénéficiaire a fait la preuve que la capacité de sa hotte de cuisine est insuffisante et ce contrairement aux devis de l’Entrepreneur qui prévoyait une évacuation de 400 PCM plutôt que 250 PCM.
112. Cette non-conformité au devis qui constitue un document contractuel et établit clairement la norme qui s’applique à la capacité de la hotte, constitue une « malfaçon » selon l’extrait du livre « La construction au Québec : Perspectives juridiques » cité ci -dessus :
« Comme son nom l’indique, une « malfaçon » est un travail mal fait ou mal exécuté. Or, un travail donné est considéré « bien » ou « mal » fait selon les normes qui lui sont applicables. Deux types de normes sont couramment employées pour établir l’existence d’une malfaçon, que celles-ci soient écrites ou verbale, entre les parties. Premièrement, ce sont les conditions contractuelles fixées, que celles-ci soient écrites ou verbales, entre les parties. Deuxièmement, en l’absence de conditions précises expressément arrêtées, recours est fait aux « règles de l’art » qui sont suivies pour chaque corps de métier ou secteur pertinent. » (souligné par le Tribunal)
113. Selon la preuve, cette insuffisance d’évacuation de la hotte n’était pas apparente lors de la réception de la partie privative de l’unité, le 7 septembre 2014. Le témoignage du Bénéficiaire quant à l’apparition graduelle de cette découverte n’est pas contredite par une preuve convaincante.
114. En contre interrogatoire, le Bénéficiaire a reconnu qu’il est possible qu’il ait fait cette découverte en 2014. Compte tenu de la preuve, le Tribunal établit la date de cette découverte au 31 décembre 2014.
115. Etant donné que le rapport d’inspection préréception porte la date du 7 septembre 2014, cette découverte a eu lieu dans la première année qui suit la réception.
116. Est-ce qu’en est-il du dépassement par le Bénéficiaire du délai de 6 mois entre la découverte et la date de la dénonciation de cette malfaçon le 18 mai 2016 ?
117. Tel que mentionné ci-haut sous le titre « Les délais et l’article 35.1 du Règlement » l’Entrepreneur a manqué à son obligation prévue à l’article 137 du Règlement à remettre un double du contrat de garantie dument signé au Bénéficiaire.
118. Selon la preuve au dossier, ce contrat de garantie signé a été remis au Bénéficiaire seulement le ou vers le 3 mai 2016. De plus, le Bénéficiaire n’avait pas reçu de l’Administrateur jusqu’à la même date le document explicatif sur l’application du Règlement préparé par la Régie du Bâtiment en contravention de l’article 69.1 du Règlement.
119. Selon le Tribunal, et conformément à la jurisprudence citée sous la section « Les délais et l’article 35.1 du Règlement » ces manquements, particulièrement lorsqu’ils sont combinés ensemble, peuvent déclencher l’application de l’article 35.1 du Règlement. Il s’ensuit que le non-respect du délai de dénonciation de 6 mois par le Bénéficiaire ne pourrait pas lui être opposé à moins que l’Entrepreneur ou l’Administrateur ne démontrent que leurs propres manquements n’ont eu aucune incidence sur le non-respect du délai par le Bénéficiaire ou que ce délai ne soit échu depuis plus d’un an.
120. Dans ce dossier, ni l’Entrepreneur ni l’Administrateur n’ont fait cette démonstration. Il en résulte que ce dépassement du délai de dénonciation de 6 mois par le Bénéficiaire ne peut pas lui être opposé.
121. Le Tribunal conclut que le Bénéficiaire a prouvé que la hotte installée au-dessus de sa cuisinière ne possède pas la capacité d’évacuation de 400 PCM prévue dans le devis de l’Entrepreneur. Il s’agit d’une malfaçon non apparente lors de la réception qui est découverte dans la première année suivant cette réception et dont la dénonciation dans les 6 mois de la découverte ne peut pas être opposée au Bénéficiaire,
122. La réparation d’une telle déficience est prévue au paragraphe 27(3) du Règlement que le Tribunal a cité précédemment au paragraphe 82.
123. Toutefois le Tribunal note que le Bénéficiaire n’a pas fait la preuve quant au volume sonore excessif de sa hotte. Le devis de l’Entrepreneur ne contient aucune promesse quant au volume sonore de la hotte. La perception subjective du Bénéficiaire à ce sujet ne constitue pas une preuve suffisante. Cette preuve aurait dû être faite au moyen d’une preuve technique, laquelle est faite habituellement par un expert.
7. Porte de la terrasse qui s’ouvre vers l’intérieur
124. L’Administrateur a rejeté cette réclamation au motif que la terrasse est comprise dans les parties communes du bâtiment. Une telle réclamation ne peut être faite que par le syndicat de la copropriété plutôt que par le Bénéficiaire personnellement.
Analyse et décision
125. Le Bénéficiaire n’a soumis aucune preuve pour contester la décision de l’Administrateur. Par conséquent, le Tribunal ne peut pas accueillir la demande du Bénéficiaire s’y rapportant.
Documents de l’Entrepreneur après l’audition
126. lendemain de l’audition, soit le 10 mars 2017, le représentant de l’Entrepreneur a transmis par courriel au Bénéficiaire avec copie à l’Administrateur et au Tribunal les documents suivants :
- Divers dessins techniques et spécifications concernant la climatisation dans le bâtiment ;
- Divers dessins techniques et spécifications qui réfèrent à une hotte de cuisine.
127. Lors de l’audition, le représentant de l’Entrepreneur a mentionné qu’il possédait divers documents techniques pour démontrer que le bâtiment a été construit conformément aux normes applicables.
128. Lors de l’audition le Tribunal l’a avisé que, vu les délais pour la communication de la preuve documentaire avant l’audition établis lors de la conférence préparatoire qu’il n’a pas respectés, vu l’absence totale de la présentation de quelque preuve documentaire que ce soit par l’Entrepreneur lors de l’audition à l’étape de l’enquête, vu la tardivité de la transmission de ces documents après l’enquête et les plaidoiries des parties - le Tribunal ne pourra pas les prendre en considération pour les fins de sa sentence.
129. Conformément à cet avis du Tribunal au représentant de l’Entrepreneur, le Tribunal n’a pas considéré ces documents pour les fins de cette sentence.
Conclusions supplémentaires
130. La Loi sur les bâtiments ainsi que le Règlement ne contiennent pas de clause privative complète. L’arbitre a compétence exclusive, sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel.
131. Tel que déjà mentionné, selon l’article 116 du Règlement, l’arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.
132. Selon l’article 123 du Règlement, lorsque le demandeur est le Bénéficiaire, les coûts de l’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur à moins que le Bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas, l’arbitre départage ces coûts.
133. Dans cette cause, le Bénéficiaire a eu gain de cause sur certains aspects de sa réclamation.
134. De plus, aux termes de l’article 124 du Règlement, l’arbitre doit statuer, s’il y a lieu quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’Administrateur doit rembourser au Bénéficiaire lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.
135. Dans cette cause, le Bénéficiaire n’a déposé en preuve aucune expertise.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ARBITRAL :
REJETTE les demandes d’arbitrage du Bénéficiaire relativement aux points suivants :
2. Absence de rondelle métallique au pourtour du tuyau de la toilette de la salle de bain principale
3. Prise de courant au-dessus du lavabo de la salle de bain principale non protégée
5. Robinet de la cuisine et de la douche de l’étage dont le débit est trop faible
7. Porte de la terrasse qui s’ouvre vers l’intérieur
ANNULE la décision de l’Administrateur relativement au point « 1 Climatisation qui n’est pas uniforme entre le salon et la chambre à coucher » ; RETOURNE le dossier de cette réclamation à l’Administrateur pour que l’inspecteur-conciliateur Mme Delage ou un autre inspecteur - conciliateur de l’Administrateur fasse une nouvelle inspection, pour qu’il ordonne qu’une vérification technique quant à la suffisance de la climatisation dans la chambre à coucher principale du Bénéficiaire soit effectuée et pour qu’il rende une nouvelle décision quant à cette réclamation, en annexant à cette décision le rapport de vérification technique mentionné ci-haut, le tout dans un délai de 60 jours de la date de cette sentence ; nonobstant ce délai de 60 jours, le Tribunal RÉSERVE au Bénéficiaire le droit de prolonger ce délai, pour des raisons climatiques qui pourraient être requises pour une telle vérification technique, jusqu’au 31 août 2018, au moyen d’un avis écrit que le Bénéficiaire devra être transmettre à l’Administrateur, avec copie à l’Entrepreneur, dans les 15 jours suivant cette sentence ;
ACCUEILLE le point « 4. Joint fissuré entre le lavabo et le mur de la salle de bain principale » et ORDONNE à l’Entrepreneur de faire la réparation de ce joint dans un délai de 35 jours de la date de cette sentence et à défaut de l’Entrepreneur de compléter cette réparation à l’intérieur de ce délai, ORDONNE à l’Administrateur de l’effectuer à l’intérieur d’un délai additionnel de 15 jours, ces réparations devant être effectuées selon les règles de l’art de l’industrie de la construction qui y sont applicables ;
ACCUEILLE le point « 6. HOTTE DE LA CUISINIÈRE INEFFICACE » et ORDONNE à l’Entrepreneur de la remplacer en installant une hotte nouvelle qui sera encastrée, en acier inoxydable, avec vitesse variable, une capacité de 400pcm avec filtre, éclairage et évacuation extérieure, dans un délai de 35 jours de la date de cette sentence et à défaut de l’Entrepreneur de compléter le remplacement et l’installation de cette hotte à l’intérieur de ce délai, ORDONNE à l’Administrateur de l’effectuer à l’intérieur d’un délai additionnel de 15 jours, cette installation devant être effectuée selon les règles de l’art de l’industrie de la construction qui y sont applicables ;
DÉCLARE que les coûts de cet arbitrage sont à la charge de l’Administrateur;
RÉSERVE à Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Abritat Inc ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour tous travaux, toute(s) action(s) et toute somme versée incluant les couts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe ll du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;
LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage à la charge de Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc, ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Abritat Inc, conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise
par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
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Montréal, le 8 septembre 2017 |
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Me ALBERT ZOLTOWSKI Arbitre / CCAC[1] |
[1] R.Q. c.B-1.1.r.0.2
2 Yves Brouillette et Louise Hébert et Construction Jean -F. Toulouse inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ. Inc., Alcide Fournier, arbitre, 23 juin 2008,SORECONI 071029001;
[3] Medgine Jean et Hertel Brunache c. Goyette Duchesne & Lemieux et La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., Guy Pelletier, arbitre, 26 janvier 2009, SORECONI 08102002;
[4]Marie-Ève Lévesque et Alexandre Gagnon et Sébecam Rénovations inc. et La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de L’APCHQ inc; M. Alcide Fournier arbitre; 22 mars 2012; CCAC S11-120602 NP;
[5] Bruno Evangelista et Melissa Lamolinara c. Construction Trilikon inc et Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc. ès qualité d’ administrateur provisoire de La Garantie Abritat inc; Me Roland-Yves Gagné arbitre; 19 avril 2017; dossier CCAC no : S15-101101-NP
[6] La Construction au Québec : Perspectives juridiques, Ogilvy Renault S.E.N.C.,Wilson & Lafleur, Montréal, 1998;