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CANADA                                                     Centre canadien d’arbitrage commercial

PROVINCE DE QUÉBEC                         C.C.A.C.

No. S05-1004-NP

 

                                                                   Sylvie Jean & Bruno Raymond         

                                                                   729 Rue D’Orion,

St-Jean-Chrysostome, Québec

G6Z 3M6

 

                                                                   Demandeurs-bénéficiaires

 

                                                                   c.

 

La Garantie Qualité Habitation

375 Verdun, Bur. 201,

Québec,   Québec

Représentants : Me A. DeAndrade &

M. Robert Linteau

 

Défenderesse

                                                                              

                                                                   et

 

                                                                   Les Résidences P. F. Inc.

                                                                   395 Rte 112,

                                                                   Vallée Jonction, Québec

                                                                   G0S 3J0

                                                                   Représentant : M. Martin Leclerc

                                                                  

                                                                   Entrepreneur mis en cause                                                                     

 

 

SOMMAIRE DES ÉVÉNEMENTS ET DE L’OBJET DU LITIGE

 

-    Madame Sylvie Jean et Monsieur Bruno Raymond (ci-après les Demandeurs) ont signé le 8 juillet 2004 avec Les Résidences P. F. Inc. (ci-après l’Entrepreneur) un contrat d’achat pour une maison neuve devant être érigée au 729 Rue D’Orion secteur St-Jean-Chrysostome dans la Ville de Lévis, laquelle maison était couverte par le plan de garantie de la Défenderesse (ci-après La Garantie).

-   Le contrat d’achat était du type clef en main et l’Entrepreneur avait l’entière responsabilité des travaux de fondations, de la mise en place de la maison et de la finition de celle-ci sur les lieux.

-    En ce qui a trait aux fondations (semelles et solage), l’Entrepreneur a donné un sous-contrat à « Construction Bati-Forme Inc. » (ci-après le Sous-traitant) représenté lors de l’audition par MM. Danny Chabot et Éric Cloutier.

-    Le document de fin des travaux et de réception du bâtiment a été signé par les parties le 6 octobre 2004.

-    Lorsque les fondations ont été mises en place, la rue n’était pas terminée. Par contre, les réseaux d’aqueduc, d’égouts sanitaire et pluviaux étaient en place et les grilles d’égout pluviales et les trous d’homme (man hole) étaient installés.

-    L’objet principal du litige est à l’effet que les fondations selon les demandeurs ont été coulées trop basses d’environ 14 pouces ce qui, selon eux, leur cause un préjudice appréciable car selon les plans approuvés pour fin de construction, la partie avant du sous-sol est dotée de fenêtres pour procurer le plus de lumière possible aux pièces qui y seront aménagées éventuellement.

-    De plus, les Demandeurs affirment que cela leur cause des inconvénients majeurs en regard à l’accumulation d’eau sur le terrain.

-    Ils refusent les solutions proposées par l’Entrepreneur à savoir l’installation de margelles qui, selon eux, sont de nature à diminuer l’éclairage naturel du sous-sol et ne veulent pas avoir à payer des frais supplémentaires pour un aménagement paysager qui devra compenser pour le manque de hauteur des fondations.

-    L’Entrepreneur quant à lui refuse toute responsabilité quant à cette prétendue erreur sur la hauteur des fondations et La Garantie pour sa part refuse d’intervenir en alléguant dans son rapport du 19 septembre 2005 que cette erreur était apparente lors de l’inspection pré-réception complétée et signée le 6 octobre 2004 et que toute anomalie qui était visible aurait due être indiquée à ce formulaire pour être considérée par La Garantie.

-    Devant ces faits, les Demandeurs ont transmis en date du 7 octobre 2005 une lettre au C.C.A.C. pour contester la décision rendue par La Garantie et demander l’arbitrage tel que prévu à la section 6.12 du contrat de garantie.

-    Le 6 décembre 2005, le soussigné était saisi du dossier par le C.C.A.C. et autorisé à agir en tant qu’arbitre dans le présent litige.

 

 

AUDITION

Après ententes concernant les disponibilités des parties, l’audition a été fixée au 27 janvier 2006 au domicile des Demandeurs.

Avant que ne débute l’audition, le Tribunal  arbitral a informé les parties de la procédure qu’il entendait suivre, des règles de droit et de preuve applicables afin que chacune d’elles puissent exprimer son point de vue librement à tour de rôle.

D’entrée de jeux, les parties s’entendent pour retirer de l’arbitrage les quatre premières plaintes qui apparaissent au rapport d’inspection du 19 septembre 2005 et qui concernent :

1.      les décorations au-dessus des portes et des fenêtres;

2.      les ouvertures qui ont été scellées mais dont la couleur n’est pas identique au revêtement;

3.      la couleur de l’aluminium des joues de fenêtre;

4.      les persiennes à reposer en façade.

Les demandeurs affirmant qu’ils ont soit reçu satisfaction concernant ces plaintes, soit qu’ils y renoncent pour se concentrer sur l’élément principal du litige : le dessus des fondations qui selon eux est au moins 14 pouces trop bas par rapport à la rue finie.

Toujours selon les Demandeurs et tel que les plans pour fin de construction le démontre, il n’y avait aucune margelle de prévue devant les fenêtres du sous-sol et, de plus, pour appuyer leurs dires, ils affirment qu’ils ont même payé un extra au contrat pour s’assurer que le revêtement de cannaxel couvre le solage jusqu’au bas des fenêtres. Ils affirment en plus qu’ils ont payé aussi un extra pour un solage de 8’6’’ au lieu de 8’, toujours dans le but d’avoir un sous-sol plus éclairé.

Selon eux, la solution préconisée par l’Entrepreneur viendrait diminuer de façon importante l’éclairage naturel du sous-sol et en conséquence, ils ne veulent pour aucune considération accepter l’installation de margelles.

La Garantie pour sa part prétend que la hauteur de la fondation était apparente lors de l’inspection pré-réception, que les Demandeurs auraient dû faire mention de l’anomalie sur le formulaire et qu’en conséquence, ladite erreur, s’il y a lieu, ne peut être considérée par La Garantie.

Selon La Garantie, ce sont les fenêtres qui posent problème et si le niveau fini de la rue a été surélevé, il appartient aux Demandeurs de se prévaloir d’un recours auprès de la Ville de Lévis pour obtenir compensation.

Les représentants du Sous-traitant quant à eux affirment qu’ils se sont basés sur le dessus d’un regard d’égout (man hole) comme référence pour établir le niveau des semelles des fondations. De plus, ils affirment que la rue n’était pas à son niveau final et que le dessus du regard était surélevé de plusieurs pouces par rapport à l’infrastructure de la rue. Ils ajoutent que même un camion dix roues n’aurait pu passer par dessus le regard d’égout sans risquer de l’accrocher.

Dans son plaidoyer, Me De Andrade mentionne, entre autres, qu’aucune norme n’a été enfreinte, et que la Ville de Lévis a émis un permis en conformité avec son règlement de zonage. Il ajoute qu’il n’y a pas de préjudice causé aux Demandeurs puisqu’il n’y a pas eu d’infiltration d’eau, qu’il n’y a pas atteinte à la sécurité des occupants et que l’anomalie mentionnée n’affecte pas la qualité du bâtiment.

 

 

DÉCISION ARBITRALE

Le Tribunal d’arbitrage, après avoir entendu les différents témoignages et après avoir examiner les plans approuvés pour fin de construction, est à même de constater que les Demandeurs n’ont jamais envisagé d’avoir des margelles devant les fenêtres du sous-sol.

Le Sous-traitant, en se basant sur le dessus d’un regard d’égout pour établir le niveau des semelles de fondations, a procédé de façon conforme aux pratiques courantes lorsque la rue n’est pas à son niveau final.

Le Tribunal d’arbitrage diffère d’opinion avec La Garantie, l’Entrepreneur et le Sous-traitant, lorsque ceux-ci prétendent que le niveau final de la rue a été surélevé. Rien n’a été mis en preuve pour soutenir une telle affirmation. Il serait très inhabituel et vraiment contraire aux règles de l’art que la Ville de Lévis n’ait pas fait placer le dessus des regards d’égout à leur niveau définitif. Le témoignage de M. Cloutier, Sous-traitant, est éloquent en ce sens lorsqu’il affirme que le regard d’égout sur lequel ils se sont basés dépassait de plusieurs pouces la surface de roulement temporaire qui prévalait lors des travaux de mise en place des fondations. De plus, le secteur de la résidence est relativement plat à première vue, et la rue ne semble pas avoir de pente décelable à l’œil.

De l’avis du Tribunal d’arbitrage, il s’agit d’une malfaçon et ledit Tribunal diffère d’opinion avec La Garantie à l’effet que cette anomalie était visible et aurait dû être dénoncée par les Demandeurs lors de l’inspection pré-réception. Les Demandeurs, tout en étant des personnes responsables et éclairées, n’avaient pas les connaissances requises pour identifier à ce moment le problème de manque de hauteur de la fondation. Seul un spécialiste avec un instrument approprié (un niveau d’arpentage) pouvait correctement évaluer le manque exact de hauteur. Selon les Demandeurs, le représentant du Sous-traitant leur a confirmé ce dernier point.

Les représentants du Sous-traitant et de l’Entrepreneur ont témoigné à l’effet que le dessus des fondations de la maison des Demandeurs était déjà plus haut que celui des maisons avoisinantes. Le Tribunal d’arbitrage ne peut prendre en considération cet état de fait car les résidences avoisinantes ne sont pas dotées en façade de fenêtres au sous-sol.

Les Demandeurs, dans leur témoignage, ont mentionné à plusieurs reprises qu’ils ne demandaient pas à ce que le niveau du dessus du solage soit rehaussé, demande qu’il va s’en dire occasionnerait des coûts très importants.

Ils veulent que l’erreur soit atténuée par un aménagement paysager adéquat et un traitement approprié des eaux de ruissellement tout en évitant l’installation de margelles aux fenêtres.

En conséquence, le Tribunal d’arbitrage statue et ordonne ce qui suit :

Il s’agit, selon le Tribunal d’arbitrage, d’une malfaçon qui porte atteinte à la qualité du bâtiment à laquelle sont en mesure de prétendre les Demandeurs conformément à l’article 6.4.2 du contrat de garantie.

Les Demandeurs sont en droit de s’attendre à ce que l’erreur commise, en regard de la hauteur du dessus du solage, soit compensée par un aménagement paysager adéquat.

Le Tribunal d’arbitrage fait suite aux demandes des Demandeurs et ordonne à La Garantie de faire procéder aux travaux appropriés à savoir :

a)      faire l’installation de gouttières pour acheminer l’eau en provenance du toit jusqu’au drain pluvial;

b)      prévoir un aménagement du terrain qui éloignera les eaux de surface de la maison sans avoir recours à des margelles (surtout en façade) et y installer un ou des puisards si nécessaire;

c)      aménager l’entrée de façon à éviter l’accumulation d’eau et drainer celle-ci vers la rue ou autre;

d)      s’assurer que l’aménagement et la finition du terrain s’harmonise avec l’environnement de façon à minimiser l’impact visuel du manque de hauteur des fondations.

De plus, le Tribunal d’arbitrage ordonne à La Garantie de soumettre aux Demandeurs les plans d’aménagement avant de faire procéder aux travaux.

 

 

 

Québec, le 16 février 2006

 

 

  L’Arbitre

 

 

 

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  Claude Desmeules, ing.