ARBITRAGE SELON LE RÈGLEMENT SUR
LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Chapitre B-1.1, r. 8)
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
(Organisme d’arbitrage accrédité par la Régie du bâtiment du Québec)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
No dossier S22-071901-NP
JEAN-CLAUDE DROLET,
Bénéficiaire
c.
L’Entrepreneur
-ET-
LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR),
L’Administrateur
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Me James R. NAZEM
Pour le Bénéficiaire: M. Jean-Claude DROLET
Pour l’Entrepreneur : M. Xavier BROUILLETTE
Pour l’Administrateur : Me Éric Provençal
Description des parties
BÉNÉFICIAIRE :
M. Jean-Claude DROLET
[...]
Saint-Lin-Laurentides (Québec), [...]
Canada
ENTREPRENEUR :
9403-4030 QUÉBEC INC.,
faisant affaires sous la raison sociale
LES HABITATIONS X. BROUILLETTE
a/s Xavier BROUILLETTE
1460, rue Marier
Drummondville (Québec), J2C 3B6
Canada
ADMINISTRATEUR :
LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)
a/s Mme Laurianne Juvigny
4101, rue Molson, bureau 300
Montréal (Québec), H1Y 3L1
Canada
PIÈCES COMMUNIQUÉES
L’Administrateur a déjà communiqué les pièces suivantes aux autres parties :
A-1 : Contrat de garantie signé par le Bénéficiaire et l’Entrepreneur le 31 décembre 2020;
A-2 : Contrat préliminaire signé par le Bénéficiaire et l’Entrepreneur le 31 décembre 2020;
A-3 : Acte de vente signé par le Bénéficiaire et l’Entrepreneur le 14 janvier 2021;
A-4 : Courriel de dénonciation envoyé par les Bénéficiaires à l’Entrepreneur le 22 février 2022 auquel est joint le formulaire de dénonciation daté du 23 février 2022;
A-5 : Formulaire de réclamation signé par les Bénéficiaires le 16 mars 2022;
A-6 : Courriel de l’avis de 15 jours envoyé par l’Administrateur à l’Entrepreneur daté du 25 mars 2022 auquel sont joints:
- Le formulaire de dénonciation déjà soumis en A-4;
- Le formulaire des mesures à prendre par l’Entrepreneur (non inclus à la présente);
A-7 : Formulaire d’inspection préréception signé par le Bénéficiaire et l’Entrepreneur le 31 décembre 2020;
A-8 : En liasse, la décision de l’Administrateur datée du 22 juin 2022 ainsi que la preuve de réception de Postes Canada de Bénéficiaire datée du 26 juin 2022;
A-9 : Courriel de la notification de l’organisme d’arbitrage daté du 22 juillet 2022 auquel sont joints:
- La demande d’arbitrage du Bénéficiaire datée du 19 juillet 2022;
- La décision de l’Administrateur déjà soumise en A-8;
- La lettre de notification de l’organisme d’arbitrage ainsi que la nomination de l’arbitre datée du 22 juillet 2022
A-10 : Curriculum vitae de Marie-Pier Bédard.
INTRODUCTION
[1] Le Bénéficiaire a produit une demande d’arbitrage de la décision de l’Administrateur datée du 22 juin 2022 en vertu de l’article 35[1] du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après, le « Règlement »). La demande d’arbitrage a été reçue par l’organisme d’arbitrage CCAC le 19 juillet 2022[2].
[2] Trois points faisaient l’objet de la décision de l’Administrateur.
[3] L’Administrateur a accueilli la réclamation du Bénéficiaire sur le premier point tandis qu’il a rejeté la réclamation du Bénéficiaire sur les deux autres.
[4] L’audition du présent arbitrage a eu lieu le 15 août 2023 virtuellement et par moyens technologiques en utilisant la plateforme Whereby.
LA PREUVE
LA PREUVE DOCUMENTAIRE
[5] Le contrat de garantie[3] et le contrat préliminaire[4] entre les parties ont été signés le 31 décembre 2020.
[6] Le formulaire de préréception[5] également signé par le Bénéficiaire le 31 décembre 2020 indique que l’immeuble a été reçu sans réserve.
[7] Au formulaire de dénonciation à l’Entrepreneur[6] envoyé le 23 février 2022, le Bénéficiaire dénonce trois (3) points dont le gonflement du plancher. Ce gonflement aurait été observé pour la première fois le 19 mars 2021. Dans sa décision, l’administrateur rapporte que le Bénéficiaire a imputé le délai de dénonciation à plusieurs suivis auprès de l’Entrepreneur et des visites du fournisseur de matériaux.
[8] Aucune expertise n’a été produite au dossier par les parties malgré le fait que le soussigné a accordé un délai aux parties en 2022 pour consulter un expert et lui faire préparer un rapport d’expertise sur l’état du plancher en litige.
LES TÉMOIGNAGES
[9] Le Bénéficiaire a témoigné à l’effet que le plancher de l’immeuble gondolait, que le gonflement avait débuté par le plancher de la porte-patio et que le plancher avait été bien entretenu par une dame de ménage expérimentée. En contre-interrogatoire, il a admis que l’eau s’infiltrait dans les « cracks » du plancher et faisait gondoler le plancher flottant. Pour lui, c’était comme si le plancher n’avait pas d’étanchéité et, aussitôt qu’une goutte d’eau tombait sur le plancher, celui-ci gondolait à moins que la goutte ait été immédiatement asséchée. Il a comparé le plancher installé à du carton. Autrement dit, l’eau s’infiltrait aux interstices des lattes du bois flottant installé et faisait gonfler le bois.
[10] L’Entrepreneur, de son côté, assure avoir fait inspecter le plancher par le sous-traitant.
[11] La conciliatrice de l’Administrateur a avancé que les gonflements étaient causés par l’absorption de liquides. Elle a témoigné avoir observé que les gonflements étaient situés surtout aux parties latérales des lattes de bois. Il s’agirait donc de signe que les gonflements sont causés par des liquides qui pénètrent le bois par les côtés latéraux.
LA POSITION DES PARTIES
[12] Selon le Bénéficiaire, les matériaux du plancher installé sont défectueux puisqu’ils sont trop absorbants, ce qui permet l’absorption rapide des liquides qui, à son tour, cause de gonflement du bois.
[13] Selon l’Entrepreneur, puisqu’au moment de l’installation du plancher, il ne manifestait aucun gonflement, tout gonflement subséquent n’est plus de sa responsabilité.
[14] Selon l’Administrateur, la situation ne peut avoir été causée que par l’absorption d’un liquide. Le déversement de tout liquide constituerait, selon lui, une mauvaise utilisation du plancher et sa réparation serait rendue nécessaire par la faute du Bénéficiaire. L’exclusion de l’article 12 (3) du Règlement empêcherait donc toute couverture. De plus, puisque les gonflements se sont apparus trois (3) mois après la réception du bâtiment, l’Administrateur ne peut conclure qu’il s’agissait d’un défaut de fabrication.
QUESTIONS EN LITIGE
[15] L’arbitre soussigné établie cinq (5) questions en litige :
ANALYSE
L’IMPACT DE LA PRÉRÉCEPTION
[16] L’entrepreneur s’appuie sur l’acceptation sans réserve de l’immeuble pour alléguer une absence de garantie. Or, l’article 10 du Règlement indique que la garantie doit couvrir :
(Souligné par le soussigné)
[17] Il est donc clair que dans plusieurs cas, malgré la réception, la garantie s’applique. La question plus fondamentale est si le présent dossier tombe dans une de ces catégories.
L’IMPACT D’UN DÉVERSEMENT DE LIQUIDE
[18] L’Administrateur a pris la position que le déversement de liquide est une mauvaise utilisation du plancher selon l’article 12 (3) du Règlement. La réalité de la vie quotidienne semble plus nuancée. Il n’est pas difficile de concevoir des situations où le déversement de quelques gouttes est inévitable. Se laver les mains et prendre la serviette peut faire en sorte que quelques gouttes tombent sur le plancher. Une personne triste qui pleure et échappe une larme sur la plancher n’en fait pas une mauvaise utilisation.
[19] Tout bénéficiaire pourrait donc s’attendre à ce que son plancher puisse résister à la réalité de la vie quotidienne. La difficulté réside plutôt dans la détermination de la ligne à tracer entre la mauvaise utilisation et ce qui est nécessaire pour résister aux aléas de la vie quotidienne. Or, aucune des parties n’a produit d’expertise à ce sujet et aucun expert n’a témoigné à l’audition. La preuve est donc déficiente à ce sujet.
L’ÉTAT DU PLANCHER
[20] Le Bénéficiaire a témoigné que son plancher a des gonflements à plusieurs endroits. Selon lui, le nombre de gonflements augmente avec le temps et l’état de son plancher se détériore.
[21] L’Entrepreneur ne nie pas les gonflements. Il a même envoyé le fournisseur des matériaux pour inspecter le plancher.
[22] L’Administrateur carrément admet l’existence des gonflements au plancher. Les photos contenues dans la décision de l’Administrateur sont éloquentes à ce sujet.
[23] Il est donc inéluctable de conclure que le plancher du Bénéficiaire a des gonflements.
LA CAUSE DES GONFLEMENTS
[24] Même si l’arbitre soussigné sympathise avec le Bénéficiaire, il ne peut que constater qu’aucune preuve sur la cause des gonflements n’a été présentée lors de l’audition du dossier. Chaque partie a plutôt spéculé sur les causes des gonflements ou les a présupposées.
[25] Une des hypothèses avancées était le déversement de liquide. Mais l’arbitre soussigné ne peut présupposer de questions techniques sans expertise.
[26] Il va sans dire que cette question est également liée à la qualité des matériaux utilisés dans l’installation du plancher flottant.
[27] L’absence totale de preuve d’expertise fait obstacle à la partie en demande puisque c’est elle qui a le fardeau de la preuve. L’article 2803 C.c.Q. est clair à ce sujet.
« Art. 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention … »
LES MATÉRIAUX UTILISÉS ÉTAIENT-ILS DÉFECTUEUX
[28] Tel que déjà mentionné, l’absence de preuve d’expertise empêche l’arbitre soussigné à porter quelque conclusion à ce sujet.
[29] Je répète, l’absence de preuve fait échec à la demande d’arbitrage puisque la partie en demande a le fardeau de la preuve et, sans que ce fardeau lui soit indu, elle a néanmoins l’obligation de me convaincre. Dans mon appréciation des faits, je ne peux faire droit à la demande du Bénéficiaire.
FRAIS
[30] L’article 37 du Règlement stipule :
Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
[31] Le Bénéficiaire n’a pas eu gain de cause dans sa réclamation. Mais, l’article 116 du Règlement permet à l’arbitre de faire « aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient », lui donnant une discrétion. Faisant usage de cette discrétion, je départage les coûts de l’arbitrage à l’exonération du Bénéficiaire.
[32] Considérant le constat sur les gonflements et le rejet de la demande dû à l’absence de preuve technique, les frais d’arbitrage, selon les Articles 116 et 37 du Règlement, seront à la charge de l’Administrateur du Plan de garantie.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires sur tous les points;
LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage, à la charge de l’Administrateur La Garantie de Construction Résidentielle (GCR), avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par CCAC, après un délai de grâce de 30 jours;
RÉSERVE à La Garantie de Construction Résidentielle (GCR) (« l’Administrateur ») ses droits à être indemnisée par l’Entrepreneur et/ou caution, pour toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par.19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
Montréal, le 6 septembre 2023
__________________________
JAMES R. NAZEM
Arbitre / CCAC
[1] 35. Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait d’une décision de l’administrateur, doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur à moins que le bénéficiaire et l’entrepreneur ne s’entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d’en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l’arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation.
107. La demande d’arbitrage doit être adressée à un organisme d’arbitrage autorisé par la Régie dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur ou, le cas échéant, de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation. L’organisme voit à la désignation de l’arbitre à partir d’une liste des personnes préalablement dressée par lui et transmise à la Régie.
[2] Pièce A-9 du cahier de l’administrateur.
[3] Pièce A-1 du cahier de l’administrateur.
[4] Pièce A-2 du cahier de l’administrateur.
[5] Pièce A-7 du cahier de l’administrateur.
[6] Pièce A-4 du cahier de l’administrateur.