ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI)

______________________________________________________________________

 

Entre

M. Gilbert Champagne

Bénéficiaire

Et

Le Groupe Lagacé Habitations Inc.

Entrepreneur

Et

LA GARANTIE Qualité Habitation INC.

Administrateur mis en cause

 

 

No dossier Garantie :

QH : 2439-2443, Ste-Catherine

No dossier SORECONI :

070402001

 

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

______________________________________________________________________

 

Arbitre :

Alcide Fournier

 

 

Pour les bénéficiaires :

Me  A. Franco

 

 

Pour l’entrepreneur :

Nil

 

 

Pour l’administrateur :

Me De Andrade

 

Date(s) d’audience :

26 juin 2007

 

 

Lieu d’audience :

Montréal

 

 

Date de la décision :

23 juillet 2007

______________________________________________________________________

 

 

 

 

 

 

Identification des parties

 

 

 

 

 

 

 

 

Bénéficiaire :

 

Gilbert Champagne

7801, rue La Fontaine

Montréal, Qc

H1L 3H4

 

 

 

 

 

 

Entrepreneur :

 

Le Groupe Lagacé Habitations Inc.

1908, boul. Taschereau,

Bureau 202,

Ville Lemoyne, Qc

J4P 3N2

 

 

 

 

 

 

 

Administrateur :

 

La Garantie Qualité Habitation Inc.

7400, boul. des Galeries d’Anjou, bureau 200,

Montréal, Qc

H1m 3M2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Historique du dossier

 

 

 

 

 

21 mars 2006 :                     Requête en vertu de la « Loi sur les arrangements avec les créanciers des L.R.C. (1985 c. C-36)

 

 

 

18 décembre 2006 :            Ordonnance initiale modifiée en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des L.R.C.

 (1985 c.C-36)

 

 

22 janvier 2007 :                   Contrat d’achat par Gilbert Champagne de Groupe  Lagacé Habitations Inc. des unités résidentielles des 2439 à 2443, Ste-Catherine, Montréal.

 

 

12 mars 2007 :                     Décision de l’administrateur

 

 

28 mars 2007 :                     Demande d’arbitrage

 

 

19 avril 2007 :                       Nomination d’un arbitre

 

 

11 mai 2007 :                       Convocation des parties à une audience prévue pour le 23 mai 2007

 

 

22 mai 2007 :                       Convocation des parties à l’audience

 

 

26 juin 2007 :                        Audience tenues dans les bureaux de l’administrateur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1]                               À l’audience, les personnes suivantes sont présentes :

 

-          M. Gilbert Champagne, bénéficiaire représenté par Me A. Franco qui était accompagné de Me Jessica Tremblay, stagiaire,

 

-          Me De Andrade, procureur de l’administrateur.

 

 

 

 

[2]                               Le litige porte sur 10 unités de logement portant les numéros civiques 2439 à 2443, rue Ste- Catherine, à Montréal.

 

 

[3]                               Par contrat notarié devant Me Louis G. Bourque, le bénéficiaire a acheté les 10 unités d’habitation de Groupe Lagacé Habitations Inc. le 22 janvier 2007.

 

 

[4]                               Le 22 janvier 2007, Groupe Lagacé Habitations Inc. était assujetti à une ordonnance rendue en vertu de la « Loi sur les arrangements avec les créanciers des L.R.C. (1985 c. C-36).

 

 

[5]                               À l’audience, les procureurs ont admis que l’entrepreneur, Groupe Lagacé, était sous le coup d’une ordonnance en vertu de la loi fédérale C-36 sur les arrangements avec les créanciers.

 

 

[6]                               Les procureurs ont également admis que lors de la vente, le Groupe Serpone agissait comme contrôleur en vertu de la loi C-36 et non comme syndic à la faillite.

 

 

[7]                               Il est également admis :

 

            -que lors de la vente, le Groupe Lagacé Habitations Inc. n’était pas en faillite;

 

            -qu’il n’y a pas eu de contrat préliminaire selon l’article 234 du Code civil;

 

-qu’il y avait plusieurs hypothèques légales de construction concernant les immeubles 2439-2443 Ste-Catherine;

 

            -qu’un décret a radié les hypothèques légales;

 

            -que les dits immeubles ont été construits en 2004-2005;

 

-que les dits immeubles ont été enregistrés au plan de garantie Qualité Habitation Inc.

 

[8]                               Dans sa décision du 12 mars 2007, l’administrateur écrit :

 

 

                        « ……à la lecture de l’acte de vente, nous sommes dans l’obligation de constater que ladite vente a été faite sans aucune garantie et que ladite vente a l’effet d’un décret au sens du code de procédure civile et donc exclue de l’application du règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs au sens de l’article 2 alinéa 3 dudit règlement. »

 

 

 

[9]                               Selon le procureur de l’administrateur, l’acheteur des immeubles a renoncé à ses droits en consentant, devant notaire, à la clause  suivante :

 

 

                        «   Non GARANTIE

 

 

                        Nonobstant ce qui est stipulé en la présente, la présente vente est consentie sans garantie quelconque tant en ce qui concerne l’état de la propriété et sa situation  locative que les titres  à la propriété, telle vente étant consentie aux risques et périls de l’acquéreur, tel que précité dans les promesses d’achat qui ont précédé le présent acte. »

 

 

 

[10]                             Selon le procureur, cette disposition est claire et ne nécessite pas une interprétation.

 

 

[11]                             Le procureur soumet également que l’acte de vente signé par l’acheteur devant notaire prévoit également :

 

 

                        « DÉCLARATION RELATIVE À L’AVANT-CONTRAT

 

 

                        Cette vente est faite en exécution de l’Ordonnance de la Cour Supérieure, Chambre commerciale, District de Montréal, rendue le 22 mars 2006 et modifiée le 21 avril 2006, modifiée de nouveau le 20 juin 2006, le 19 juillet 2006, le 19 septembre 2006 et le 17 octobre 2006, portant le numéro 500-11-027746-060, déclarant que les ventes des unités appartenant à Le Groupe Lagacé Habitations Inc. auront l’effet d’un décret tel que décrit à l’article 696 du code de procédure civile du Québec. »

 

 

 

 

 

 

[12]                             Pour le procureur de l’administrateur, l’effet de ce décret dans le présent litige est de rendre inapplicable la garantie fournie par  Garantie Qualité  Habitation Inc.

 

 

[13]                             Qui plus est, selon le procureur, le demandeur dans la présente cause est un spéculateur qui a acquis les unités d’habitations dans le but évident de les revendre à profit si possible et de ne pas les habiter lui-même.

 

 

[14]                             Or, le règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs a pour but de protéger les consommateurs, c'est-à-dire les personnes qui acquièrent une unité d’habitation dans le but de l’occuper elles-mêmes et non de protéger les spéculateurs comme le demandeur dans le présent litige.

 

 

[15]                             Le procureur du bénéficiaire, quant à lui, indique que l’article 2 alinéa 3 du règlement n’est pas pertinent au présent litige puisqu’au moment de la vente, le Groupe Lagacé Habitations Inc. n’était pas en faillite et avait le statut juridique requis d’un entrepreneur de construction qui conclut une vente d’unités d’habitations.

 

 

[16]                             Quant à la renonciation par le bénéficiaire à la garantie du vendeur, celle-ci s’est fait en vertu du Code civil et non en vertu du règlement.

 

 

[17]                             Par surcroît, selon la jurisprudence actuelle, pour qu’une telle renonciation soit valide, elle doit rencontrer un certain nombre de conditions  et il n’est pas du tout certain qu’un tribunal civil y ferait droit.

 

 

[18]                             Quant au décret tel qu’énoncé dans l’acte notarié, son effet, selon le code de procédure civile, est de purger certains droits réels.

 

 

[19]                             Or, la garantie  donnée par la garantie Qualité Habitation ne peut être assimilée à un droit réel et ne tombe donc pas sous le coup de cet article du code de procédure.

 

 

[20]                             Également, le procureur soumet que le règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs est d’ordre public et que son article 140 est clair : un bénéficiaire ne peut, par convention privée, renoncer à la garantie.

 

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

 

[21]                             Avant d’analyser le fonds du litige, il est nécessaire d’éclaircir certains points soumis par le procureur de l’administrateur à l’audience.

 

 

[22]                             Le règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs indique à l’article 1 qu’un bénéficiaire est une personne physique ou morale, une société, une association, un organisme sans but lucratif ou une coopération qui conclut avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf…

 

 

[23]                             Cette définition ne prévoit pas que le bénéficiaire doit lui-même habiter l’immeuble ou encore que l’achat est fait dans un but de revente ou non.

 

 

[24]                             Ainsi, selon cette définition, M. Champagne doit être considéré dans le présent litige, à titre de bénéficiaire de la garantie s’il y a lieu.

 

 

[25]                             Cette même définition de « bénéficiaire » indique que le contrat doit être conclu avec un entrepreneur.

 

 

[26]                             Il a été admis par les parties que lors de la vente, Le Groupe Lagacé Habitations Inc. éprouvait des difficultés financières et était sous le coup d’une ordonnance rendue en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers (1985 L.R.C. c. C-36).

 

 

[27]                             En vertu de cette ordonnance, le Groupe Serpone Inc. agissait à titre de contrôleur pour l’application de ladite ordonnance.

 

 

[28]                             Au moment de la vente, Le Groupe Lagacé Habitations Inc. avait le statut juridique d’entrepreneur et pouvait valablement procéder à la vente d’actifs tels les immeubles faisant l’objet du présent litige.

 

 

[29]                             Bien que cette entreprise était sujette à des conditions juridiques particulières, aucune preuve n’a été faite à l’effet qu’elle ne pouvait procéder à la vente et aucune preuve n’a été faite qu’au moment de la vente, l’entreprise était en faillite et aucune preuve n’a été faite qu’il s’agissait d’une vente en justice faite par un syndic.

 

 

[30]                             En conséquence, pour les fins d’application du règlement sur le plan de garantie, M. Champagne et Le groupe Lagacé Habitations Inc. peuvent respectivement être considérés comme bénéficiaire et comme entrepreneur.

 

 

[31]                             De plus, l’article 2 alinéa 3 du règlement invoqué par le procureur de l'administrateur ne s’applique pas au présent litige puisqu’il ne s’agit pas d’immeubles acquis par un entrepreneur d’un syndic.

 

 

[32]                             Avant de décider de la valeur de la renonciation à la garantie signée par l’acheteur M. Champagne en faveur de l’entrepreneur Le Groupe Lagacé Habitations Inc, plusieurs distinctions s’imposent.

 

 

 

[33]                             D’abord, le Code civil du Québec prévoit un régime légal de garantie de l’entrepreneur et du vendeur professionnel qui précise les droits et obligations de l’entrepreneur vendeur et de l’acheteur.

 

 

[34]                             Le règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs prévoit un régime de garantie particulier obligatoire qui prévoit les droits et obligations des entrepreneurs et des bénéficiaires.

 

 

[35]                             Bien qu’il ait des ressemblances entre ces deux régimes, l’application de l’un n’exclut pas l’application de l’autre.

 

 

[36]                             À titre d’exemple, les terrassements, les trottoirs extérieurs ne sont pas assujettis à la garantie en vertu du plan de garantie, ce qui n’empêche pas l’entrepreneur de répondre de leur qualité en vertu du code civil.

 

[37]                             D’autres distinctions pourraient être faites entre ces deux régimes mais, pour les fins de solution du présent litige, il n’est pas nécessaire d’en faire une analyse exhaustive.

 

 

[38]                             Cependant, notons tout de même que les recours en vertu du code civil doivent être exercés devant les tribunaux civils, et les recours en vertu du règlement sont exercés, entre autre, devant un tribunal d’arbitrage comme c’est le présent cas.

 

 

[39]                             Ainsi, l’arbitre soussigné, bien qu’il puisse interpréter certains articles du code civil ou du code de procédure civile dans l’application de son mandat, doit fonder sa décision sur les articles du règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

 

 

[40]                             Quant à la renonciation à la garantie signée par le bénéficiaire en faveur de l’entrepreneur, il s’agit d’une convention privée signée entre deux parties devant un notaire.

 

 

[41]                             La Cour d’Appel (Garage Robert Inc. 2426-9888 Quebec Inc.) le 11 avril 2000, décidait qu’à certaines conditions, cette renonciation à la garantie pouvait être valable entre deux vendeurs professionnels et encore faut-il que le vendeur n’ait pas connu la nature du vice ou qu’il ne pouvait le connaître.

 

 

[42]                             Ainsi, l’arbitre soussigné constate que la renonciation à la garantie faite par le bénéficiaire en faveur de l’entrepreneur dans le contrat de vente pourrait être valable et seul un tribunal civil peut répondre à cette question.

 

 

[43]                             Quant à l’argument faisant valoir que la vente à l’effet d’un décret en vertu de l’article 696 du Code civil, il faudrait également le faire valoir devant un tribunal civil.

 

 

 

[44]                             Cependant, à la lecture des articles 695 et 696 du code de procédure civile, il est évident que ce sont les droits réels qui sont visés par ceux-ci et que la garantie qualité habitation ne peut être assimilée à un droit réel.

 

 

[45]                             Quant au règlement sur le Plan de garantie, l’article 16 prévoit que la garantie d’un plan bénéficie à tout acquéreur subséquent pour le terme qui reste à courir à la garantie.

 

 

[46]                             Ainsi, on  peut déduire que la garantie est attachée au bâtiment lui-même et non au bénéficiaire.

 

 

[47]                             Le règlement prévoit :

 

 

140.  Un bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent règlement.

 

 

[48]                             La Cour du Québec dans l’affaire Roberto Milzi et Carole Dorion, demandeurs, c. Construction  André Taillon Inc. (28 octobre 2003) et la Cour d’Appel dans l’affaire Garantie APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle (15 décembre 2004) ont reconnu le caractère d’ordre public du règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et le caractère obligatoire des dispositions dudit règlement.

 

 

[49]                             Ainsi, la convention privée signée devant le notaire ne peut modifier le règlement sur le plan de garantie et doit être considérée nulle et non avenue pour les fins dudit règlement.

 

 

                                   En conséquence, après analyse du code civil, du code de procédure civile, du règlement, de la doctrine et de la jurisprudence, l’arbitre soussigné :

 

 

                        -renverse la décision rendue par l’administrateur le 12 mars 2007,

 

-déclare que la garantie Qualité Habitation Inc.s’applique aux immeubles acquis par le bénéficiaire, selon les modalités qui y sont prescrites.

 

 

 

 

 

 

 

Alcide Fournier