ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : CCAC
ENTRE : SYLVAIN BOURDEAU CONSTRUCTION & FILS;
(ci-après l’« Entrepreneur »)
ET : ISABELLE ROBERT & JACKY MÉLANÇON
(ci-après les « Bénéficiaires »)
ET : GARANTIE QUALITÉ HABITATION;
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier CCAC : S17-061302-NP
Décision
Arbitre : Michel A. Jeanniot, ClArb
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Sylvain Bourdeau
Pour les Bénéficiaires : Absent
Pour l’Administrateur : Me François-Olivier Godin
Date de l’audition : 20 décembre 2017
Date de la Décision : 17 janvier 2018
Identification complète des parties
Bénéficiaires : Madame Isabelle Robert
Monsieur Jacky Mélançon
[...]
Trois-Rivières (Québec) [...]
Entrepreneur : Sylvain Bourdeau Construction & Fils
8-B, chemin Masse, suite 400
Trois-Rivières (Québec) G8W 1H3
Administrateur : Garantie Qualité Habitation
9200, boul. Métropolitain Est
Montréal (Québec) H1K 4L2
Et leur procureur :
Me François-Olivier Godin
Bélanger Paradis Avocats
9200, boul. Métropolitain Est
Montréal (Québec) H1K 4L2
L’arbitre a reçu son mandat de CCAC le 5 septembre 2017.
Valeur en litige
Classe III, valeur de + de 15 000 $
Plumitif
2017.06.13 Réception de la demande d’arbitrage par le greffe du CCAC
2017.06.15 Notification d’arbitrage transmise aux parties
2017.08.02 Demande de provision pour frais à l’Entrepreneur et à l’Administrateur
2017.09.05 Nomination de l’arbitre
2017.09.18 Comparution de Me François-Olivier Godin pour l’Administrateur et réception du cahier de pièces
2017.09.18 LT aux parties : disponibilités pour fixer appel conférence / conférence de gestion et échanges subséquents de courriels pour des nouvelles dates de disponibilités
2017.11.16 LT aux parties : confirmation date et heure de l’appel conférence / conférence de gestion
2017.11.20 Appel conférence / conférence de gestion et transmission subséquente du procès-verbal aux parties (audience fixée au 8 décembre 2017)
2017.12.05 LT aux parties : confirmation lieu, heure et salle de l’audience du 8 décembre 2017
2017.12.05 LT aux parties : règles de preuve
2017.12.06 Appel conférence avec les parties
2017.12.07 LT aux parties : confirmation de l’audience du 20 décembre 2017, de endroit, salle et heure
2017.12.18 Réception des Bénéficiaires : leur expert ne sera pas présent à l’audience du 20 décembre 2017, réponse aux Bénéficiaires et correspondance de Me Godin
2017.12.20 Enquête et audition, salle 2.15 du Palais de justice de Trois-Rivières
2018.01.17 Décision
Décision
Admissions
[1] Il s’agit d’un bâtiment résidentiel neuf non détenu en copropriété aussi connu et identifié comme le [...] à Trois-Rivières (Québec) ;
[2] La réception du bâtiment eut lieu le 26 juin 2014;
[3] Les réclamations écrites des Bénéficiaires furent en date des 16 août 2016 et 17 mars 2017;
[4] Il y eu un premier rapport de conciliation émis (par l’Administrateur) le 15 janvier 2015, amendé le 19 janvier 2015 suivi d’un rapport d’inspection daté du 27 avril 2015. Le rapport de conciliation complémentaire, source de la présente demande d’arbitrage, est daté du 24 mai 2017 :
[4.1] lors de l’inspection d’où résulte le rapport de conciliation supplémentaire, l’Entrepreneur n’ayant été convoqué, ce dernier est alors absent et donc, ne contribue pas au processus;
[5] Ce rapport de conciliation complémentaire imbrique trente (30) points dont seulement quatre (4) sont portés en arbitrage (par l’Entrepreneur);
[6] La demande d’arbitrage se limite aux points 2, 9, 11 et 23 du rapport de conciliation complémentaire du 24 mai 2017;
[7] Ces points sont les suivants :
[7.1] point n°2 : parement du plancher de bois franc au rez-de-chaussée : ondulation et craquement;
[7.2] point n°9 : comptoir de cuisine : joint de comptoir et joint d’étanchéité;
[7.3] point n°11 : salle de bain : toilette;
[7.4] point n°23 : linteau au-dessus de la porte patio dans la salle à manger au rez-de-chaussée : affaissement;
[8] Tel qu’il m’en est coutume, je ne reprendrai pas ici avec force de détails tous et chacun des éléments de preuve et plaidoirie qui m’ont été présentés. Je ne retiendrai ici que les éléments ginglymes à mon processus décisionnel;
Point n°2 : Parement du plancher de bois franc au rez-de-chaussée : ondulation et craquement
Discussion sur le point n°2
La position de l’Administrateur
[9] L’Administrateur constate, à son rapport, une ondulation excessive du parement de plancher de bois franc et plus particulièrement sur toute la surface de la salle à manger et requière, de l’Entrepreneur, de faire les vérifications nécessaires mais, et surtout, les correctifs requis;
[10] Le conciliateur a identifié la zone problématique et dans le cadre de son contre-interrogatoire, admet qu’aucune prise d’humidité du bois ne fut faite, uniquement de l’air ambiant;
[11] L’ondulation est limitée à la salle à manger et presque toute la surface de plancher de la salle à manger (70% à 75% de sa superficie) et non pas limitée à certaines zones. La problématique et le dérèglement est perceptible à l’œil nu et est localisé à l’emboutement sur la longueur des planches (à ce qui est identifié dans le commerce, par le «bout étroit des planches»). Selon les directive du manufacturier et du fournisseur de ce produit, ni la température ni le taux d’humidité ambiant tel que constaté par le conciliateur ne devrait être un facteur;
[12] Le conciliateur de l’Administrateur reconfirme par son témoignage que l’ondulation (comprendre le «désordre») était sur une partie importante du plancher de la salle à manger. L’emboutement sur la longueur était la problématique et non pas l’emboutement des extrémités et, en ce qui le concerne, il s’agit d’un désordre et que ce désordre est de la gravité de «vice caché»;
[13] Certaines épreuves photographiques sont produites au soutien de cette assertion. Effectivement, le soussigné constate qu’il y a des démarcations : certaines d’entre elles sont visibles à l’œil nu;
[14] L’Administrateur est d’opinion qu’il s’agit, en toute probabilité, d’un problème d’installation;
La position de l’Entrepreneur
[15] Pour la première et la deuxième visite, il n’y avait que des craquements (des «sons») en provenance du plancher il n’y avait alors pas d’ondulation. L’ondulation est quelque chose de «nouveau»;
[16] Il questionne à savoir pourquoi il y aurait seulement une (1) zone qui est problématique :
[16.1] cette zone de la salle à manger qui est directement au-dessus de ce qui, à l’époque, a été constaté «de visu» comme les espaces de cordes à linge des Bénéficiaires (i.e. qui est situé directement au-dessus de la zone au sous-sol que les Bénéficiaires utilisaient comme zone pour étendre sur une corde leurs linges pour sécher); et
[16.2] que le même lot de bois fut utilisé pour toute la maison (ainsi que le même installateur pour toute la maison);
[17] Pour l’Entrepreneur, ce désordre résulte d’un usage impropre du bâtiment (le sous-sol) par les Bénéficiaires;
La position des Bénéficiaires
[18] Bien que dûment convoqués et ayant d’ailleurs fixé la date d’enquête et audition dans la collégialité avec tous les intervenants au dossier (suite à une première demande de remise à l’intérieur d’un délai de trente [30] jours de la part des Bénéficiaires), ces derniers ont, en toute connaissance de cause, pour des raisons qui leurs sont propres (exemptes de cas fortuit ou force majeure), décider de ne pas être présents, de ne pas offrir de preuve non plus que de questionner ou contre-interroger;
Point n°9 : comptoir de cuisine : joint de comptoir et joint d’étanchéité
Discussion sur le point n°9
La position de l’Administrateur
[19] L’Administrateur avait mentionné que, suite à une première visite des lieux, des travaux correctifs ont été effectués par l’Entrepreneur concernant la jonction des dessus de comptoir de cuisine et que depuis, une ouverture entre les deux (2) comptoirs est «revenue» et ce, pour la longueur du joint du comptoir et donc que l’Entrepreneur devra faire des correctifs requis selon les règles de l’art et l’usage courant du marché;
La position de l’Entrepreneur
[20] Comme pour le plancher, l’Entrepreneur nous représente que le désordre résulte probablement d’un trop plein d’humidité, un accident, un possible incident ou plus probablement résulte de l’utilisation ou de l’usage par les Bénéficiaires de leur comptoir (i.e. la conséquence d’une présence récurrente, d’un trop plein d’humidité à cette zone bien particulière). À titre de corolaire à cette hypothèse, dans les années précédentes, alors que le cuisiniste avait été faire des réparations, des retouches ou des corrections au comptoir, si cette situation avait alors été présente, elle aurait été notée et, à tout le moins, sans nécessairement dire qu’il (le cuisiniste) l’aurait corrigé, il en aurait certainement avisé l’Entrepreneur;
Point n°11 : salle de bain : toilette
Discussion sur le point n°11
La position de l’Administrateur
[21] Il a été suggéré que la toilette de la salle de bain au rez-de-chaussée, qui a d’ailleurs déjà été remplacée, semblait, à l’occasion, mal fonctionné. Ceci a été constaté par le conciliateur et ce dernier enjoint l’Entrepreneur à faire les vérifications nécessaires et, au besoin, les correctifs requis;
[22] Lors de la dernière inspection, le conciliateur (pour l’Administrateur) en vient à la conclusion que des correctifs qui ont été faits en 2014-2015 n’ont pas eu une longévité suffisante et que c’est à refaire ou recorriger;
[23] À nouveau, ici, l’Administrateur est d’opinion qu’il s’agit de la suite ou continuité en tout ou en partie d’un élément préalablement dénoncé et que ce désordre constitue une «malfaçon» puis un «vice caché» puisque survenu plus tardivement entre la première et la troisième année de la couverture;
La position de l’Entrepreneur
[24] Quant au point n°11, il s’agit d’une toilette (bol de) de remplacement. Le bien meuble ayant été remplacé quelques semaines après réception par les Bénéficiaires de leur bâtiment suite à, ce que les Bénéficiaires suggéraient, était un «problème d’avaler». Deux (2) ans plus tard, ce bien meuble (le bol de toilette) a été l’objet «d’ajustement» puisque ses amarres au plancher (vis et boulons) avaient besoin d’un simple (re) serrement;
[25] L’Entrepreneur affirme que dans les deux (2) premières semaines de prise de possession par les Bénéficiaires, ce le bol de toilette a été changé. Il y avait alors suggestion à l’effet que possiblement il «avalait mal» - ceci n’est pas admis ou reconnu mais il n’en demeure pas moins qu’en 2014, le bol de toilette a été changé;
[26] Entre janvier 2015 et avril 2015, des travaux ont été faits et des correctifs ont été faits pour stabiliser le bol de toilette;
[27] Il y a eu un grief au niveau des ajustements («ballottements»). Ceci a été fait (admission de toutes les parties présentes) entre janvier 2015 et avril 2015. En 2017, suite à une visite de l’inspecteur, ce dernier constate à nouveau un «ballottement». L’Entrepreneur suggère que la problématique qui a été constatée ne résulte que de l’usage possiblement hors normes et qu’à tout évènement, n’est pas d’une gravité telle que peut être qualifier de «vice caché»;
Premier Jugé
[28] Pour les motifs ci-haut exposés, entre autre au paragraphe 18, la preuve versée par l’Entrepreneur concernant les points n° 2, 9 et 11 est raisonnable, crédible et surtout non-contredite et doit donc prévaloir;
Point n°23 : linteau au-dessus de la porte patio dans la salle à manger au rez-de-chaussée : affaissement
Discussion sur le point n°23
La position de l’Administrateur
[29] La préoccupation ou constat qui a enclin l’Administrateur à qualifier le dérèglement de «vice caché» est composé de deux (2) éléments :
Premier élément
[29.1] une déflection visible du cadre de la porte-patio, qui est au-dessus des (3) portes-patios (coulissantes);
Deuxième élément
[29.2] une fissure du placoplâtre au-dessus d’une des portes-patio qui elle (la fissure), se continue sur le plafond - ce qui suggère qu’il s’agit d’un problème de structure plutôt que d’assemblage de la porte-patio;
[30] La preuve versée par l’Entrepreneur est floue et semble se limiter à questionner le niveau de gravité du désordre, elle n’est certainement pas concluante : il y a dérèglement et il appert sérieux. La source et la cause de ce dérèglement doit être identifiée et corrigée;
[31] Ici, l’Administrateur, à sa décision lorsqu’il conclue sur ce point, enjoint l’Entrepreneur à investiguer puis à corriger des défauts;
Deuxième Jugé
[32] Je considère que le désordre constaté au pourtour des portes patios, quoi qu’en disent les représentants de l’Entrepreneur, nécessite d’être investigué et corriger. Les conclusions de l’Administrateur ne sont qu’à cet effet. Je me dois donc de maintenir cette conclusion et d’ordonner à l’Entrepreneur d’investiguer et d’apporter les correctifs nécessaires au pourtour des portes patios;
[33] L’Entrepreneur (ou le prestateur de services), a le libre choix des moyens d’exécution et il n’existe entre ce dernier et l’Administrateur et les Bénéficiaires, aucun lien de subordination sujet à son obligation de résultat. Le choix des correctifs et/ou la méthode de correction appartient à l’Entrepreneur (in fine article 2099 du Code Civil du Québec);
DÉCISION
[34] Je rappelle, ici, que l’Entrepreneur est en demande et qu’à cet effet, c’est ce dernier qui a le fardeau de la preuve. Sans que ce fardeau lui soit indu, il a néanmoins l’obligation, avec prépondérance, de convaincre;
[35] Je rappelle, ici, que les Bénéficiaires ont choisi consciemment et en toute connaissance de cause, de ne pas être présents en dépit du fait que la première date d’audience retenue dans la collégialité fut remise à leur demande et à une date, alors, mutuellement convenue, ces derniers sont (volontairement) absents;
[36] En temps utile avant l’enquête et audition, les Bénéficiaires ont communiqués avec les procureurs de l’Administrateur informant ces derniers qu’ils avaient pris la décision de ne pas se présenter à l’audience et ont choisi de ne faire aucunes représentations. Le président du tribunal tient à préciser qu’il a véhiculé, et à plusieurs reprises (notamment lors de la conférence de gestion du 20 novembre 2017 et par correspondance du 5 décembre 2017), que toutes les parties sont et demeurent ultimement maîtres de leur dossier, de la gestion de leur preuve et que celui ou celle qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention et, bien qu’il ne m’appartenait pas de suggérer ou de conseiller à qui que ce soit leur conduite, les règles de preuve concernant le ouï-dire suggèrent qu’une partie ne peut produire un écrit sans que son auteur (signataire) ne soit présent afin d’en authentifier l’origine et l’intégrité et soit disponible pour être interrogé (contre-interrogé) quant à la valeur probante de cet écrit;
[37] Dans la règle de la proportionnalité, le soussigné avait, de plus, préciser qu’une partie peut éviter la vacation d’un tiers en obtenant une reconnaissance quant à l’origine et l’information qu’un document porte ainsi que de la véracité de son contenu mais qu’il est dans l’intérêt d’une partie d’être présente afin de faire usage de son droit de témoigner et au contre-interrogatoire et donc, de «tester» la probité de toute preuve qui lui est, en tout ou en partie, opposable;
[38] En dépit de ces communications, les Bénéficiaires ont décidés d’être absents;
[39] Suivant mon appréciation des faits, des témoignages et de la preuve offerte à l’audience ainsi que et ma compréhension de la Loi, de la jurisprudence connue et en raison de la preuve testimoniale non contredite à savoir les explications qui me furent soumises par l’Entrepreneur, je me dois de faire droit à la demande de l’Entrepreneur, réformer la décision de l’Administrateur, du moins, quant aux points 2, 9, 11 mais de maintenir le point 23, le tout sans préjudice et sous toute réserve du droit qui est leur (les parties) de porter devant les tribunaux civils leurs prétentions ainsi que de rechercher les correctifs ou réparations, bien entendu le tout sujet aux règles de droit commun et de la prescription civile;
[40] Après avoir pris connaissance des pièces et procédures ainsi que des arguments des parties, le Tribunal d’arbitrage, sur demande, rend les conclusions suivantes;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE PARTIELLEMENT la demande de l’Entrepreneur;
RÉFORME la décision de l’Administrateur quant aux points n° 2, 9, 11;
MAINTIENT le point n°23 de la décision de l’Administrateur;
CONSIDÉRANT l’article 123 du Règlement, les coûts du présent arbitrage seront partagés à parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur puisque ce dernier fut le demandeur ;
RÉSERVE à Garantie Qualité Habitation ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, toute somme versée incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par.19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et places, et ce, conformément à la Convention d’adhésion (l’article 78 du Règlement);
LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage (départagés à parts égales avec l’Entrepreneur) à la charge de Garantie Qualité Habitation conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
Montréal, le 17 janvier 2018
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Michel A. Jeanniot, ClArb.
Arbitre / CCAC