ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : CCAC

 

 

ENTRE :                                                        CONSTRUCTION DANIEL MATTEAU INC. ;

                                                                      

(ci-après l’« Entrepreneur »)

 

ET :                                                                LUC GUILLEMETTE ;

 

(ci-après les « Bénéficiaires »)

 

ET :                                                                RAYMOND CHABOT, ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC. ÈS QUALITÉ D’ADMINISTRATEUR PROVISOIRE DU PLAN DE GARANTIE DE LA GARANTIE ABRITAT INC. ;

 

(ci-après l’« Administrateur »)

 

Dossier CCAC :   S17-042001-NP

 

 

Décision

 

 

 

Arbitre :                                                          Me Michel A. Jeanniot

 

 

Pour l’Entrepreneur :                                     Monsieur Daniel Matteau

           

Pour le Bénéficiaire :                                    Monsieur Luc Guillemette

 

Pour l’Administrateur :                                  aucun représentant

 

Date de l’audition :                                        20 septembre 2017

 

Date de la Décision :                                   3 octobre 2017


 

 

Identification complète des parties

 

 

 

 

Bénéficiaire :                                                 Monsieur Luc Guillemette

                                                                        [...]

                                                                        Saint-Mathieu-du-Parc (Québec)

                                                                        [...]

 

                                                                       

 

Entrepreneur :                                               Construction Daniel Matteau Inc.

                                                                       950, boulevard Trudel

                                                                       Saint-Boniface (Québec) 

                                                                       G0X 2L0

 

                                                                      

 

 

Administrateur :                                            Raymond Chabot, administrateur provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Abritat Inc.

                                                                       7333, Place des Roseraies, bur. 300

                                                                       Montréal (Québec)  H1M 2X6

 

Et leur procureur :

                                                                       Me Nancy Nantel

                                                                       Contentieux des garanties

                                                                       7333, Place des Roseraies, bur. 300

                                                                       Montréal (Québec)  H1M 2X6


Mandat

 

L’arbitre a reçu son mandat de CCAC le 31 mai 2017.

 

Valeur en litige

 

Classe II, valeur de 15 000,00 $.

     

Plumitif

 

2016.04.20                 Réception de la demande d’arbitrage par le greffe du CCAC

2017.04.21                 Notification d’arbitrage transmise aux parties

2017.05.31                 Nomination de l’arbitre

2017.07.10                 Comparution de Me Nancy Nantel pour l’Administrateur et réception du cahier de pièces

2017.07.11                 LT aux parties : disponibilités pour fixer appel conférence / conférence de gestion

2017.08.21                 LT aux parties : confirmation date et heure de l’appel conférence / conférence de gestion

2017.08.23                 Appel conférence / conférence de gestion et transmission subséquente du procès-verbal aux parties

2017.08.24                 LT procureure de l’Administrateur : aucune représentation ne sera faite lors de l’enquête et audition, aucune présence

2017.09.13                 LT aux parties : confirmation endroit, salle et heure de l’enquête et audition

2017.09.20                 Enquête et audition (bureaux administratifs du CCAC)

2017.10.03                 Décision

 

 

Décision

 

Admissions

 

[1]       Il s’agit d’un bâtiment aussi connu et identifié comme le [...] à Saint-Mathieu-du-Parc (Québec) ;

 

[2]       La réception du bâtiment eut lieu le 14 mars 2015 ;

 

[2.1] la réception de la réclamation écrite est du 31 octobre 2016 ;

 

[2.2] l’inspection par l’Administrateur fut en date du 9 mars 2017 ;

 

[3]       Le contrat d’origine signé entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur est à l’effet que ce dernier construise la coquille du bâtiment ce qui inclut (entre autres) la toiture. Il s’agissait, à l’origine, d’un contrat à prix forfaitaire modifié en cours de construction pour être, par la suite, accompli à un taux horaire ;

 

[4]       Des modifications ont été apportées à la toiture de la construction à la demande expresse du Bénéficiaire ;

 

[5]       En raison du fait que l’eau ne parvienne pas à s’écouler adéquatement compte tenu de la forme et du design de la toiture et plus particulièrement en raison des modifications spécifiquement requises par le(s) Bénéficiaire(s) avec la résultante que plusieurs infiltrations d’eau se sont produites (l’eau s’écoule par le hall d’entrée, continue sa course jusqu’au sous-sol à travers les revêtements de gypse) ;

 

[6]       L’Entrepreneur et le Bénéficiaire reconnaissent la problématique, mais l’Entrepreneur mentionne que s’il doit intervenir, vu que le problème a source dans les modifications requises par le Bénéficiaire, et puisqu’il a construit cette toiture à un taux horaire, il le fera contre rémunération seulement et à un taux horaire à être convenu ;

 

[7]       L’ensemble des représentations principales des parties à l’enquête au fond vise la réclamation au point 1 (infiltration d’eau par la toiture) et l’analyse et motifs du Tribunal s’y concentre, à savoir :

 

[7.1] Est-ce que les modifications de la méthode de rémunération en cours de construction vicient le contrat de garantie ?

 

[7.2] Les modifications à la toiture ayant été spécifiquement demandées par le Bénéficiaire, ce dernier est-il seul à en assumer les conséquences ? 

 

[8]       Le plan garantit (inter alia article 2 du Règlement) l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire et l’ouverture de la Garantie en cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles (art.10 du Règlement). Le Tribunal devra déterminer en premier lieu si, dans les circonstances, l’Entrepreneur a manqué à ses obligations ;

 

[9]       Il est requis de cerner le fardeau de preuve applicable, d’une part aux obligations d’information (de renseignement) et de conseil et, d’autre part, le fardeau de preuve applicable à l’obligation de résultat, entre autres de bonne exécution technique des travaux de l’Entrepreneur agissant avec prudence et diligence ; la responsabilité de l’Entrepreneur sous l’article 2118 C.c.Q. devra être déterminée puisque cet article établit une présomption de responsabilité de l’Entrepreneur alors que le Bénéficiaire n’a pas à faire la preuve d’une faute, mais uniquement de l’absence du résultat prévu. Il faut aussi noter le prérequis de cette présomption en faveur du Bénéficiaire devant démontrer par prépondérance qu’il y a perte de l’ouvrage, résultant d’un vice prévu à l’article 2118 C.c.Q. (ce qui ici est admis, infra paragraphe [5] ;

 

[10]    Dans l’affirmative d’un tel manquement, il n’y aura pas lieu de déterminer si la situation décrite (au point 1) rencontre les critères du vice au sens de l’article 2118 C.c.Q. puisque cette question (la gravité du dérèglement) n’est pas en litige ;

 

 

 

La position de l’Entrepreneur

 

[11]    Les travaux de la toiture n’ont pas été faits selon plans et devis puisqu’un muret a été installé à une certaine jonction de la toiture ;

 

[12]    L’Entrepreneur suggère qu’en tout temps pertinent aux présentes, il était réfractaire à l’idée de mettre un muret à cet endroit et qu’il était d’opinion que ce muret était contre-indiqué (du moins, à cet endroit), mais que le Bénéficiaire a insisté (pour, semblerait-il, des questions d’esthétique) ;

 

[13]    L’Entrepreneur suggère avoir acquiescé à son corps défendant d’avoir agi selon les instructions du Bénéficiaire. Selon l’opinion de tous, les dérèglements (infiltrations d’eau) sont la résultante de la pose ou l’érection de ce muret à un endroit où soit a) la charpente, b) la structure ou c) les pentes, sont inappropriées, faisant en sorte que l’eau s’y accumule et q’avec la force du gel et du dégel, crée des ouvertures d’où les infiltrations ;

 

[14]    Selon l’Entrepreneur, il est évident que tant et aussi longtemps que les pentes du toit ne seront pas corrigées ou que le muret ne sera pas retiré, la situation d’infiltrations sera, à défaut d’être permanente, certainement récurrente ;

 

La position du Bénéficiaire

 

[15]    Le Bénéficiaire est conscient et accepte d’emblée que l’emplacement du muret est source de la problématique, mais affirme que l’Entrepreneur ne l’aurait pas mis en garde des conséquences (possibles ou éventuelles) de la pose de ce muret. Il nous suggère que si l’entrepreneur l’avait informé du risque, il n’aurait jamais accepté un tel dérèglement pour une simple question d’esthétique ;

 

ANALYSE ET MOTIFS - Obligations de l’Entrepreneur

 

Le Règlement

 

[16]    Le Règlement s’applique à la Garantie souscrite dans les circonstances pour contrat conclu en conformité de l’article 2 (1) c) du Règlement pour vente ou construction :

 

2. Le présent règlement s’applique aux plans de garantie qui garantissent l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur visées au chapitre II et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction :

 

« 1° des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et non détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie :

 

[…]  

 

c) un bâtiment multifamilial de plus de 5 logements détenu par un organisme sans but lucratif ou une coopérative »[1] ;

 

[17]    Le Règlement est d’ordre public et prévoit que toute disposition d’un plan de garantie inconciliable avec le Règlement est nulle[2]. Conséquemment, le Tribunal se réfère aux articles du Règlement lorsque requis, sans rechercher la clause correspondante au contrat de garantie, s’il en est ;

 

[18]    La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue [3];

 

[19]    Le Tribunal statue conformément aux règles de droit et peut aussi faire appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient[4]. Dans ce dernier cas, l’équité doit trouver assise dans le Règlement, et peut être inspiré des règles prévues au Code de procédure civile, quoique le Tribunal n’en soit pas lié[5]

 

[20]    L’article 10 du Règlement prévoit dans les présentes circonstances la couverture du plan dans le cas de manquement de l’Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du Bâtiment :

 

« 10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

 

[…]

 

3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons ;

 

4° la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil ;

 

5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. »[6] 

(nos soulignés)

 

Obligations de l’Entrepreneur

 

Obligations de l’Entrepreneur ; de moyen ou de résultat — 2118 C.c.Q.

 

[21]    Une des premières étapes est de déterminer si les obligations de l’Entrepreneur dans le contexte du contrat d’entreprise sont des obligations de moyen ou de résultat ;

 

[22]    Alors qu’il n’y a pas d’automatisme concernant[7] les autres obligations incombant à l’entrepreneur. , l’obligation de résultat est clairement établie dans l’article 2118 C.c.Q., tel que les auteurs Baudouin et Deslauriers écrivent d’ailleurs :

 

« 39 […] au chapitre du contrat d’entreprise […] le législateur a renoncé à fixer l’intensité de l’obligation de l’entrepreneur […] (sauf pour les pertes ou vices de construction des ouvrages immobiliers[8]) »[9] 

 

[23]    Dans le cadre d’activité de construction, et à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’un contrat avec plans et devis, l’obligation de résultat et le fardeau de preuve correspondant sont identifiées comme suit :

 

« Obligation de résultat — […] celui qui accepte de faire un travail précis, comme construire[10] […] selon certaines spécifications est responsable s’il n’atteint pas le résultat promis. Sur le plan de la preuve, l’absence de résultat fait présumer la faute du débiteur […] Elle place sur ses épaules le fardeau de démontrer que l’inexécution provient d’une cause qui ne lui est pas imputable »[11].

(nos soulignés)

 

[24]    Les auteurs Edwards et Ignacz dans La responsabilité de l’entrepreneur et du sous-entrepreneur[12] soulignent en reprenant les termes de l’art. 2100 C.c.Q. que :

 

« Le deuxième alinéa de l’article 2100 C.c.Q., au chapitre du contrat d’entreprise ou de service, énonce maintenant formellement le principe général selon lequel l’entrepreneur ne peut, lorsqu’il est tenu à une obligation de résultat, se dégager de sa responsabilité qu’en prouvant la force majeure. »

 

et concluent d’autre part :

 

« Dans le même sens, l’entrepreneur est tenu de livrer un ouvrage conforme aux plans et devis. De même, il répond envers le client de la faute du professionnel qu’il a engagé pour l’assister dans l’exécution de ses obligations. Au demeurant, il doit compléter les travaux entrepris, même s’il réalise qu’il va subir une perte en ce faisant. »                                                                        

(nos soulignés)

 

[25]    Selon l’article 2118 C.c.Q., l’obligation de l’Entrepreneur découlant du contrat d’entreprise est spécifiquement prévue comme étant une obligation de résultat, non seulement quant aux obligations prévues au contrat et aux plans et devis, mais aussi quant au respect des règles de l’art et de la conformité aux usages de l’industrie, tel que le souligne le Pr Vincent Karim sous son ouvrage Contrats d’entreprise :

 

« L’exécution d’un ouvrage en tous points conforme ne signifie pas nécessairement une exécution conforme seulement aux obligations prévues au contrat et aux spécifications prévues dans les plans et devis, mais aussi conforme aux règles de l’art et aux usages. […] En effet, il n’est pas inutile de rappeler que l’obligation de délivrer un ouvrage conforme aux règles de l’art est une obligation de résultat [13]». [NDLR L’auteur citant les décisions en note[14]]. 

(nos soulignés)

 

Obligations de l’Entrepreneur — bonne exécution - prudence et diligence

 

[26]    La base législative des obligations de l’entrepreneur au contrat d’entreprise se retrouve à l’article 2100 C.c.Q. qui, nous notons, est d’ordre public de protection[15] et requiert que l’entrepreneur, sous son obligation de bonne exécution technique des travaux, agisse avec prudence et diligence et se conforme aux usages et règles de son art :

 

« 2100. L’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d’agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l’ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d’agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s’assurer, le cas échéant, que l’ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

 

Lorsqu’ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu’en prouvant la force majeure ».

 

[27]    La force majeure qui doit revêtir un caractère grave, imprévisible et irrésistible, est une cause d’exonération de responsabilité à l’obligation de résultat (art. 1470 C.c.Q.) et comprend la faute d’un tiers ou du propriétaire. Ces moyens de défense peuvent être invoqués par tous les intervenants en construction, dont l’entrepreneur général. L’entrepreneur peut invoquer[16] la faute du client dans le choix d’une méthode d’exécution, dans une immixtion injustifiée du client, alors que celui-ci s’immisce en lui imposant l’opinion de son expert ou en lui imposant ses décisions quant aux méthodes ou aux matériaux à employer. Nous reverrons ces concepts dans l’étude de l’exonération de responsabilité de l’art. 2118 C.c.Q. sous la rubrique « Exonérations de 2119 C.c.Q. » ci-dessous

 

[28]    Dans l’affaire D’Aoust c. Lanthier[17] l’Honorable juge Landry a commenté l’obligation d’agir « avec prudence et diligence » de incombant à l’entrepreneur en citant et souscrivant aux définitions suivantes[18] :

 

« Le Code civil du Québec utilise ensemble, à plusieurs reprises les mots «prudence et diligence» dans le but de forcer les personnes qui posent des actes dans l’intérêt d’autrui à le faire conformément à la norme de conduite objective et abstraite de la personne avisée, placée en semblables circonstances.

 

Prudence : Qualité de la personne qui, réfléchissant à la portée et aux conséquences de ses actes, prend les mesures nécessaires pour éviter qu’ils ne constituent une source de dommage pour autrui ».                                          

(nos soulignés)

 

Obligation d’information, de renseignement — Entrepreneur

 

[29]    L’obligation de bonne exécution, et l’absence de subordination entre l’entrepreneur et son client (et le libre choix de l’entrepreneur des méthodes d’exécution des travaux (art. 2099 C.c.Q.[19])), sont encadrées par certaines obligations, dont une obligation d’information qui engage l’entrepreneur à bien renseigner son client sur les questions relatives au contrat (art. 2102 C.c.Q.) :

 

« 2102. L’entrepreneur ou le prestataire de services est tenu, avant la conclusion du contrat, de fournir au client, dans la mesure où les circonstances le permettent, toute information utile relativement à la nature de la tâche qu’il s’engage à effectuer ainsi qu’aux biens et au temps nécessaires à cette fin. »

 

[30]    Dans le cadre du contrat d’entreprise, l’Entrepreneur a l’obligation d’informer et renseigner son client, le tout regroupé sous son obligation de bonne foi :

 

« L’obligation de renseignement fait partie de l’obligation générale de bonne foi qui doit exister non seulement lors de l’exécution du contrat, mais également lors de sa formation [20]».

 

[31]    La Cour Suprême nous enseigne[21] (en 1992), dans la décision charnière Banque de Montréal c. Bail Ltée[22], sous la plume de l’Honorable juge Gonthier, que :

 

« … Ghestin[23] expose correctement la nature et les paramètres de l’obligation de renseignement. […]

 

Ø La connaissance, réelle ou présumée, de l’information par la partie débitrice de l’obligation de renseignement ;

Ø La nature déterminante de l’information en question ;

Ø L’impossibilité du créancier de l’obligation de se renseigner soi-même, ou la confiance légitime du créancier envers le débiteur. [24]»

 

et de conclure ~ tant pour les contrats de grands chantiers que pour les contrats que l’on pourrait qualifier de moindre envergure (conclusion que la Cour Suprême applique aussi au « … contrat de petite envergure, pour la construction d’une maison unifamiliale par exemple… »)[25] :

 

« En résumé, l’obligation de renseignement dans les contrats d’entreprise (…) est qualifiée par l’allocation des risques entre les parties, l’expertise relative des parties, ainsi que la formation continue du contrat, même en cours d’exécution. »[26]                                                                             

(nos soulignés)

 

[32]    En 2007, alors qu’elle traite postérieurement de l’obligation de renseignement dans l’affaire ABB c. Domtar (sous un banc de neuf (9) juges sous la plume de Hon. LeBel et Hon. Deschamps JJ) la Cour Suprême écrit :

 

« Alors que la garantie contre les vices cachés est expressément prévue au C.c.B.C. et au C.c.Q., l’obligation de renseignement découle plutôt du principe général de bonne foi (Banque de Montréal c. Bail Ltée, [1992] 2 R.C.S. 554, p. 586 ; art. 6, 7 et 1375 C.c.Q.) et du principe du consentement libre et éclairé. De plus, l’obligation générale de renseignement a un champ d’application beaucoup plus vaste que la simple dénonciation d’un vice caché. Elle englobe toute information déterminante pour une partie à un contrat, comme l’a souligné le juge Gonthier dans l’arrêt Bail. »

(nos soulignés)

 

[33]    L’obligation d’information incombant à l’Entrepreneur est une obligation continue, tout au long de ses relations contractuelles avec le client [27]:

 

« Le respect de l’obligation de renseignement qui découle de l’article 2102 C.c.Q. et de la bonne foi (art. 1375 C.c.Q.), s’illustre, […] non seulement lors de la négociation et de la conclusion du contrat[28], mais aussi, durant son exécution[29]. »[30]  

 

Obligation d’information — Bénéficiaire

 

[34]    Quoique la doctrine souligne que le libellé de 2102 C.c.Q. constitue une obligation d’information unilatérale de l’Entrepreneur, une telle obligation découle de la bonne foi en matière contractuelle et s’applique à toutes les parties. On peut donc saisir une obligation réciproque[31] incombant au client/maître de l’ouvrage :

 

« L’obligation prévue à l’article 2102 C.c.Q. est unilatérale[32]. L’article ne vise que l’entrepreneur […] et ne mentionne aucune obligation corrélative du client. Celui-ci a, toutefois, une obligation de se renseigner qui découle de l’article 1375 C.c.Q. et du devoir général qu’a tout créancier de se renseigner en regard de la théorie de l’acceptation des risques [33]»[34]                                         

(nos soulignés)

 

et notons que la Cour Suprême considère généralement que pour des particuliers acheteurs non experts en construction, cette obligation est pratiquement nulle[35] :

 

« Le contrat d’entreprise de petite envergure, pour la construction d’une maison unifamiliale par exemple, sera confié par un particulier novice en la matière à un entrepreneur expérimenté. Il est alors justifié que le maître de l’ouvrage [NDLR Les Bénéficiaires] soit pratiquement relevé de toute obligation de renseignement. »

 

[35]    Cette approche est reprise par la Cour d’Appel dans l’affaire Entreprises Daigle c. Investissements Kars[36] (L. Rochette J.C.A., para 92) qui cite et supporte l’énoncé du Pr Vincent Karim suivant : :

 

« En vertu de son devoir général (art. 1375 et 1434 C.c.Q.), le client n’est pas tenu d’informer l’entrepreneur ou le prestataire de services relativement aux informations que ce dernier connaît déjà ou devrait connaître en vertu d’une obligation de prudence et de diligence lui imposant de se renseigner. Leur obligation de se renseigner [NDLR Entrepreneur] est renforcée du fait de leur autonomie, de leur expertise et de leur compétence à cerner l’information nécessaire à l’exécution de leur prestation et de leur liberté quant au choix des moyens d’exécution (art. 2099 C.c.Q.). [37]»

 

[36]    Dans l’analyse des faits et échanges entre le Bénéficiaire, l’Entrepreneur, leurs représentants et les sous-traitants de ce dernier le Tribunal devra intégrer le niveau de l’obligation corrélative (incluant les paramètres se dégageant des autres obligations applicables) du maître de l’ouvrage, le Bénéficiaire puisque celui-ci a une certaine expertise en construction ;

 

[37]    La Cour d’appel s’exprime de nouveau, très récemment en 2015, dans l’affaire Consortium ad hoc Katz et réitère l’obligation de se renseigner incombant au Bénéficiaire :

 

« Dans l’arrêt Bail ltée, le juge Gonthier a indiqué « […] qu’il ne faut pas donner à l’obligation de renseignement une portée telle qu’elle écarterait l’obligation fondamentale qui est faite à chacun de se renseigner et de veiller prudemment à la conduite de ses affaires[38]». Cette règle de prudence, qu’elle soit vue comme une véritable obligation par certains auteurs[39] et par la jurisprudence[40] ou plutôt comme une condition attachée à la créance du créancier de l’obligation par d’autres auteurs[41], s’impose dans tous les cas. [42]»

                       (nos soulignés)

 

Obligation de conseil — Entrepreneur

 

[38]    Dans le cadre du contrat d’entreprise, l’Entrepreneur a de plus une obligation de conseil, distincte de l’obligation d’information :

 

« L’entrepreneur ou le prestataire de services a aussi l’obligation de se renseigner, ainsi que de renseigner et conseiller son client en faisant preuve de prudence et de diligence[43], de façon à ce qu’il puisse donner un consentement éclairé[44]. »[45]         

                                                                                  (nos soulignés)

 

[39]    Le principe de consentement éclairé, que l’on retrouve dans l’obligation de renseignement (Cour suprême dans l’affaire ABB c. Domtar précitée) est un principe de base en droit des contrats, il doit être « libre et éclairé » (1399 C.c.Q.) et, selon l’auteur et Hon. juge Baudouin :

 

« Le consentement est la condition la plus importante de la formation du contrat

[…] il convient, devant les développements récents, d’insister sur la portée réelle, et pour ainsi dire nouvelle, de l’exigence que le consentement soit éclairé et réfléchi. De plus en plus, en effet, le droit se préoccupe de l’information qui doit être connue du contractant pour l’aider à prendre une décision éclairée. Cette exigence… est désormais reliée à l’obligation de bonne foi (art. 1375 C. C.) [46]» 

(nos soulignés)

 

[40]    L’obligation de conseil de l’Entrepreneur est non seulement distincte de l’obligation d’information, mais a d’ailleurs une portée plus large :

 

« 354. L’obligation de conseil […]. Dans le cas du prestataire de services et de l’entrepreneur, en plus de se plier à l’obligation de renseignement, ils devront également s’assurer de la compréhension du client et son assimilation de ces renseignements afin qu’il soit en mesure de s’en servir adéquatement et de manière pertinente. Il en est ainsi lorsqu’ils doivent conseiller le client sur des questions relatives au choix des sous-traitants et des matériaux, alors que ce dernier insiste pour le faire. »[47] 

                                   (nos soulignés)

 

Plans et Devis — Impact aux obligations de l’Entrepreneur ?

 

[41]    Dans le cadre d’une obligation de résultat, l’Entrepreneur ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en invoquant la force majeure, notons aussi pour nos fins le principe général relatif aux plans et devis :

 

« Un défaut ou une imprécision quant aux plans et devis ne peut, non plus, servir de moyens d’exonération lorsque les usages et les règles de l’art ont été ignorés par l’entrepreneur[48] ou lorsque ce défaut aurait pu être détecté par un entrepreneur compétent qui connaît les règles de l’art de son métier. »[49] 

 

[42]    Ceci est d’ailleurs confirmé à diverses reprises par la Cour d’appel qui ajoute dans l’affaire Construction RSR c. Acier St-Denis :

 

« De plus, les tribunaux reconnaissent qu’à défaut d’exigences contractuelles, de plans et de devis, l’entrepreneur doit exécuter les travaux selon les règles de l’art (Pichette c. Bouchard, [1957] C.S. 18, à la p. 21).

 

Celui-ci ne peut invoquer l’insuffisance et l’ambiguïté des plans fournis pour nier sa responsabilité s’il n’a pas réalisé l’ouvrage conformément aux règles de l’art (Giustini c. Expo ornemental inc., 2007 QCCA 417 au para. [7] ; et Nardolillo c. Caruso, J.E. 87-710 (C.A.) ). »[50]                                                      

(nos soulignés)

 

Fardeau de preuve

 

[43]    La règle générale du fardeau de preuve se retrouve à l’article 2803 C.c.Q. qui prévoit que celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention ; ce principe peut être atténué et distingué quant à un aspect de l’obligation d’information de l’Entrepreneur en fonction des dispositions de l’article 2102 C.c.Q. (obligation d’un prestataire de services, avant la conclusion du contrat, de fournir au client, dans la mesure où les circonstances le permettent, toute information utile relative à la nature de la tâche qu’il s’engage à effectuer), mais ce n’est pas le cas dans nos circonstances ;

 

[44]    L’obligation d’information, de renseignement découle du principe général de bonne foi, et la bonne foi étant présumée (art. 2805 C.c.Q.), le client (le Bénéficiaire) qui désire invoquer un manquement de l’Entrepreneur à ces obligations doit en faire la preuve, par balance des probabilités ;

 

[45]    Afin de déterminer si l’entrepreneur a manqué à ses obligations d’information et de conseil (dans le cadre du Règlement pour fins d’ouverture de la Garantie), le fardeau de preuve repose sur le demandeur Bénéficiaire. Dans le cadre d’une obligation de résultat, entre autres de bonne exécution technique des travaux et de la responsabilité de l’Entrepreneur sous 2118 C.c.Q., l’absence du résultat fait présumer de la faute et les Bénéficiaires n’ont pas à faire la preuve d’une faute, uniquement de l’absence du résultat prévu. Ceci peut être établi de diverses façons, telle entre autres la présence d’une non-conformité aux règles de l’art. Rappelons finalement les dispositions de l’art. 2100 al.2 C.c.Q. qui stipulent que l’Entrepreneur ne peut se dégager de sa responsabilité sous une obligation de résultat qu’en prouvant la force majeure ;

 

[46]    La jurisprudence souligne à diverses reprises l’impact de cette présomption, tel cet extrait de notre Cour d’appel dans l’affaire Voie Maritime du St-Laurent c. United Dominion et Canron de 1996 sous la plume de l’Honorable juge Beauregard :

 

« Étant donné qu’en principe l’obligation d’un constructeur est une obligation de garantie, l’absence de faute de celui-ci n’a pas de pertinence à l’égard de la réclamation de son cocontractant pour la réparation ou le remplacement de la chose construite. »

 

et la doctrine est d’ailleurs au même effet :

 

« Le débiteur d’une obligation de résultat est tenu non seulement d’accomplir un fait, mais aussi de fournir un résultat précis. L’absence de ce résultat fait présumer la faute de l’entrepreneur ou du prestataire de services. Pour engager la responsabilité de ces derniers, le client n’a pas à faire la preuve d’une faute. Il lui suffit de démontrer le défaut au résultat convenu. »                     

(nos soulignés)

 

[47]    En 2004, la Cour d’appel nous rappelle dans l’affaire Silo Supérieur  que pour bénéficier de la présomption de responsabilité la preuve de la perte de l’ouvrage résultant d’un vice de construction doit être prouvée par prépondérance :

 

« En l’espèce, pour bénéficier de cette présomption, l’intimée devait démontrer par prépondérance de preuve qu’il y a eu perte de l’ouvrage et que celle-ci résultait d’un vice de construction […] »

 

et la doctrine conclut avec raison quant à l’effet de cette présomption sur la nécessité de fixer une cause exacte de la perte ou détermination spécifique du vice, tel Baudouin qui explique ainsi la preuve qui doit être faite pour entraîner l’application de la présomption de responsabilité de 2118 C.c.Q. :

 

« 1685  […]  Le propriétaire doit, en effet, démontrer que cette perte [de l’ouvrage] est bel et bien attribuable à un vice […]. Toutefois, la présomption dont bénéficie le propriétaire lui évite d’avoir à démontrer la cause technique exacte de la perte de l’édifice. […] »

                                                                      (nos soulignés)

 

Contrat et Devis — et le rôle assumé par les parties

 

Contrat à forfait / Contrat à l’heure — Modalités contractuelles

 

[48]    L’ensemble des diverses décisions analysées dans le cadre de la relation entre le Bénéficiaire maître de l’ouvrage et l’Entrepreneur soulignent toutes, soit une mise en situation référant au contrat entre un maître de l’ouvrage et l’entrepreneur, soit, l’importance capitale et essentielle de se référer en tout premier lieu au contrat entre ces parties ;

 

[49]    On a peu fait référence au Contrat à forfait ou à son contenu lors de l’enquête et quoique les circonstances spécifiques de sa négociation ou signature n’ont pas été détaillées devant le Tribunal, notons que ce Contrat fut, par la suite, converti en Contrat « à l’heure ». Les motifs de cette conversion ne furent pas exposés et quoi qu’il en soit, sont à distraire des présentes ;

 

Exonérations de 2119 C.c.Q.

 

[50]    Tenant compte du cadre d’application du Règlement, il n’est pas de la compétence du Tribunal de déterminer une responsabilité quelconque de tout tiers au dossier, que ce soit l’Architecte, le(s) concepteur(s) ou les sous-traitants de l’Entrepreneur, quoique certains éléments de preuve documentaire soient au dossier, mais uniquement saisis par le Tribunal pour les fins des présentes dans le cadre du Règlement ;

 

[51]    Pour déterminer les obligations de l’Entrepreneur et les limites de celles-ci, quant au Règlement, le Tribunal analyse, le lien contractuel ou à taux horaire et si besoin en est le contenu des plans et devis, afin de connaitre le rôle ou les obligations contractuelles ou légales de tiers pouvant avoir un impact sur celles de l’Entrepreneur,

 

[52]    Notons toutefois les principes repris entre autres dans l’affaire Protection incendie Idéal où la Cour supérieure en 2014, passage cité de nouveau au jugement de la Cour d’appel en 2015, nous avise :

 

« [15] La question de savoir qui est responsable du vice de construction est étrangère au litige principal. Les demandes dans ce litige bénéficient d’une présomption qui ne peut être repoussée que dans les conditions prévues à l’art. 2119 C.c.Q. et la malfaçon d’un sous-traitant, comme d’ailleurs le vice de fabrication des composantes, n’en font pas partie. »

 

Immixtion du propriétaire

 

[53]    Les auteurs Edwards et Rodrigue commentant 2118 C.c.Q. indiquent :

 

« Lorsqu’un architecte prépare des plans, il est entrepreneur de travail intellectuel. En revanche, lorsqu’il surveille les travaux de l’entrepreneur à la demande du maître de l’ouvrage, il devient le mandataire de ce dernier et est lié par ses actes et décisions. »

 

[54]    Cette citation est tirée de l’affaire Leclerc à la décision de 1969 de la Cour du banc de la Reine, sous cavea que l’arrêtiste indique plus clairement que c’est le propriétaire qui est lié par les décisions de l’architecte, sommaire plus audacieux que les propos de la Cour sous la plume du juge Pratte qui s’attarde plutôt aux clauses du contrat - formulaire type pour contrat d’entreprise alors utilisé par les architectes - et ce qui y est identifié comme compétences de l’architecte dans les circonstances ;

 

[55]    La Cour suprême (banc de cinq, dont dissidence des juges Laskin et Pigeon) soulignera d’ailleurs dans cette affaire le « contrat… attribuant les pouvoirs les plus étendus » à l’architecte ;

 

[56]    Une longue dissidence de l’Hon. Juge Pigeon (alors que la majorité s’exprime en trois paragraphes) où il considère erroné le motif avancé par le juge Pratte en Cour d’appel qui exonère l’entrepreneur, car il considère que « … c’est l’architecte qui a décidé », et que l’entrepreneur « n’a eu qu’à suivre ses instructions, et la qualité de son travail n’est pas mis en question » ;

 

[57]    Le Juge Pigeon est plutôt d’avis que, d’une part, dès que le principe de l’art. 1688 C.c.B.C. (prédécesseur de 2118 C.c.Q.) entre en jeu une approbation de l’architecte n’est pas un moyen de défense pour l’entrepreneur, et d’autre part :

 

« Nous sommes d’avis que l’arrêt Brown v Laurie [ndlr : citation non incluse : 16 L.C.J. 85] fait autorité de façon concluante contre la proposition voulant que le travail ayant été exécuté selon les conditions du contrat et sous la surveillance d’un architecte choisi par l’employeur, le constructeur soit libéré de la responsabilité qui lui incomberait autrement. (Wardle c. Bethune3, Canadian Consolidated Rubber Co. c. Pringle & Son Ltd. & The Foundation Co. Ltd.4)

3.  16 L.C.J. 85

4.  (1871), L.R. 4 P.C. 33 à 54.

 

[58]    L’exception de responsabilité de l’entrepreneur est d’ordre public et son interprétation doit être restrictive. Toutefois, cette position jurisprudentielle, « tempérée » par la majorité dans Leclerc, vise la question de surveillance. La Cour d’appel dans l’affaire Ville de Lac St-Charles, considère toutefois l’obligation de conseil de l’architecte tant aux plans et devis que sous mandat de surveillance, qui vise une problématique de pose de pavage sur une surface qui ne s’y prête pas (notez le parallèle au présent dossier) qui vise la pose / installation d’un muret à la jonction d’un plafond qui ne s’y prêt pas où deux firmes d’ingénieurs ont respectivement agi sur les plans et sur la surveillance, et où la Cour considère une obligation similaire de conseil des conséquences de la pose ;

 

[59]    L’arrêt Scaffidi Argentina c. Constructions GSS Gauthier — confirmé par la Cour d’appel en 2014 — adresse la question du choix des méthodes d’exécution, où nous avons constaté tel qu’indiqué plus haut une spécificité très marquée dans les instructions de l’Architecte à sa documentation :

 

« Le choix des méthodes d’exécution des travaux pourrait être considéré comme étant une atteinte au droit de l’autonomie de l’entrepreneur lorsque ce choix a été fait dans les cahiers des charges ou lors des négociations du contrat d’entreprise. Toutefois, Vincent Karim précise dans son ouvrage Contrat d’entreprise :

 

« 229. L’entrepreneur qui accepte de réaliser l’ouvrage selon les spécifications contenues dans les cahiers des charges, accepte en même temps de suivre la méthode d’exécution déjà choisie par le client, ce qui fait présumer non seulement sa connaissance et sa maîtrise de la mise en application de cette méthode, mais aussi sa reconnaissance que la méthode et les matériaux ainsi choisis sont appropriés. »

 

[60]    Toutefois notre problème semble demeurer entier, car dans cette affaire traitant d’un vice de conception de construction et de réalisation de l’ouvrage, le tribunal nonobstant l’exposé et citations précités, se tourne vers l’arrêt Davie Shipbuilding pour finalement circonscrire le tout sans répondre avec finalité, la preuve ayant démontré que l’entrepreneur a reconnu que l’érection / pose du muret serait ultimement (à court ou moyen terme) inappropriée ;

 

[61]    Il est clair que nous devons aussi nous tourner vers l’affaire Davie Shipbuilding Ltd. c. Cargill Grain Co. Ltd. qui est un arrêt clé pour le soussigné quant à la question sous étude. Cette affaire est d’ailleurs citée dans nombre de décisions subséquentes, par exemple dans la série de notre Cour d’appel dans Boulanger c. Commission scolaire régionale de l’Estrie que nous analyserons plus ci-après ;

 

[62]    L’arrêt Davie Shipbuilding c. Cargill est d’ailleurs précédé de l’affaire CCH Canadian Ltd. c. Mollenhauer où l’entrepreneur (Mollenhauer) s’est engagé par contrat à construire un immeuble pour l’appelante CCH, contrat qui décrivait la qualité et la quantité de la brique à utiliser (fournie par un tiers conformément au devis) qui s’est révélée impropre à son utilisation ; en sommaire, la Cour décrète que puisque la brique avait été fournie conformément au devis et la fourniture du matériau sous la surveillance de l’architecte de CCH, et puisque le propriétaire, CCH, ne s’était pas fié à la compétence et au jugement de l’entrepreneur, ce dernier n’était pas responsable des défectuosités ou de l’impropriété de la brique ;

 

[63]    La Cour suprême nous enseigne dans l’affaire Davie Shipbuilding c. Cargill à propos de la défense d’exonération :

 

« Pour que la responsabilité soit écartée, faut-il que la preuve établisse chez le propriétaire une plus grande compétence que chez son architecte et son entrepreneur.

Il faut regarder le tableau dans son ensemble. Le point de départ est la responsabilité des hommes de l’art ; ils sont responsables si la preuve n’établit pas à la satisfaction du tribunal la cause d’exonération qui résulte du fait du propriétaire. Si son expertise en la matière est très grande et qu’elle surclasse carrément celle des exécutants, la responsabilité de ceux-ci sera entièrement écartée. Si, par ailleurs, l’expertise du propriétaire est à peu près l’équivalente de celle des hommes de l’art, leur responsabilité ne sera que mitigée.

La doctrine et la jurisprudence françaises imposent une condition à l’exercice de cette défense : que les exécutants ne se sont pas volontairement fermé les yeux à des erreurs du propriétaire pouvant affecter la solidité de l’ouvrage. J’accepte cette condition. Ayant comme client un expert en la matière, les exécutants ne sont pas obligés de reprendre à pied d’œuvre tout ce que le propriétaire leur transmet comme données de base et comme documents. Si les exécutants, toutefois, à la lecture de ces données et de ces documents, ont des points d’interrogation, ils ont l’obligation d’en faire part au propriétaire expert, lui donnant ainsi l’occasion de prendre ses décisions en toute connaissance de cause. »

                                                                                   (nos soulignés)

 

[64]    Cet extrait cité de l’arrêt Davie s’adresse au « fait du propriétaire ». Les propos de Thérèse Rousseau-Houle dans son ouvrage Les contrats de construction en droit public et privé reprennent cette analyse :

 

« Dans l’arrêt Davie Shipbuilding c. Cargill Grain, la Cour suprême n’écarte pas la qualification du contrat qui est véritablement un contrat d’entreprise et ne cherche pas à contourner les conditions d’application de l’article 1688. Au contraire, elle reconnaît que les entrepreneurs sont présumés responsables de la perte des installations portuaires, mais qu’ils peuvent s’exonérer en prouvant que le dommage provient de la faute du propriétaire.

Deux conditions sont toutefois expressément posées pour que l’immixtion du propriétaire dans la réalisation des travaux puisse exonérer l’entrepreneur et l’architecte. Il faut d’une part que le maître de l’ouvrage soit notoirement compétent et que d’autre part, il se soit réellement immiscé dans la conception de l’exécution des travaux et que cette immixtion fautive soit la cause du dommage.

La spécificité du contrat d’entreprise oblige à reconnaître que l’exonération de l’entrepreneur ou de l’architecte est subordonnée à la constatation chez le maître de l’ouvrage d’une compétence technique notoire, compétence à défaut de laquelle, la responsabilité des architectes et entrepreneurs est retenue, car il est de leur devoir de résister aux interventions irresponsables d’un client profane. »

(nos soulignés)

 

[65]    Dans la foulée de l’arrêt Davie, on souligne de nouveau à diverses reprises la question de l’étendue de l’obligation de l’entrepreneur quant à la bonne exécution technique des travaux, l’obligation ou non de remettre en cause la conception des travaux, tels les énoncés de notre Cour d’appel dans l’affaire précitée de Ville de Lac St-Charles (problématique de pose de matériaux sur une surface qui ne s’y prête pas). La Cour — qui contrairement au juge de première instance, identifie les circonstances comme sujettes à l’article 1688 C.c.B.C. — délimite l’obligation de l’Entrepreneur comme suit :

 

« [26] Ces clauses soulèvent la question de l’étendue de l’obligation de l’entrepreneur d’exécuter les travaux suivant les règles de l’art.  Doit-il, par exemple, en raison de celles-ci, discuter ou remettre en cause la conception des travaux ? À notre avis, l’obligation de l’entrepreneur trouve sa limite dans ses connaissances, son expérience où, plus globalement, dans sa qualification professionnelle.  Ainsi, celui-ci est tenu d’exécuter l’ouvrage selon les plans et devis en respectant l’ensemble des techniques et des pratiques de construction approuvées qui assurent la qualité de l’ouvrage. Comme la Cour suprême l’affirme dans Davie Shipbuilding Ltd c. Cargill Grain Co., les fonctions de l’ingénieur et de l’entrepreneur sont différentes :

 

«Il ne faut pas oublier que les fonctions de l’ingénieur et de l’entrepreneur sont différentes, le premier étant l’homme de l’art à qui l’on confie normalement la conception et la préparation des plans et devis, et le second n’étant que l’exécutant.  Si le second a l’obligation de faire la vérification que veut lui imposer le jugement dont appel [soit l’obligation de vérifier les données transmises par le propriétaire expert], la présence de l’ingénieur n’est, à toutes fins pratiques, plus utile» [3]. [1978] 1 R.C.S. 570, 583.

 

[29] […] Choinière [NDLR Entrepreneur], conscient des problèmes […], a dénoncé à l’appelante et aux ingénieurs, à de nombreuses reprises, les problèmes susceptibles de découler de leur pavage. Dans cette situation précise, et sujette aux obligations découlant de l’article 1688 C.c.B.C., son obligation se limitait à dénoncer au donneur d’ouvrage les problèmes constatés. »

 

La Cour fait d’autre part référence en note à l’affaire Poulin ;

 

[66]    La Cour suprême s’adresse clairement à la faute du propriétaire dans Davie alors que sous la plume de l’Honorable Juge de Granpré on édicte :

 

« Cette faute du propriétaire peut être rattachée à des faits forts divers. […]. Elle peut être aussi le fait du propriétaire versé en la matière qui impose ses vues à son architecte et à son entrepreneur. C’est là une opinion généralement acceptée en France et je n’ai aucune hésitation à la faire mienne. »

 

[67]    La stipulation par le législateur de l’article 2119 al. 3 C.c.Q précité d’une exonération pour vices qui résultent des décisions imposées par le client confirme le concept de décisions imposées et cristallise les limites de cette immixtion, alors que la jurisprudence constante et récente, entre autres dans le jugement phare en 2014 de Deguise c. Montminy (cas de pyrite et de pyrrhotite où plus de 50 cabinets d’avocats ainsi que le soussigné ont agi), reprend Davie et confirme de nouveau :

 

« Le client peut s’immiscer injustement par le fait d’imposer l’opinion de son expert à l’entrepreneur ou à ses sous-traitants, mais il peut également s’immiscer injustement en imposant ses décisions quant aux méthodes ou aux matériaux à employer… » ;

 

[68]    Finalement, un groupe de décisions dans l’affaire sous enquête comporte des éléments similaires à notre présente cause, et sont d’un intérêt particulier pour plusieurs éléments de droit soulevés par le présent arbitrage soit Commission scolaire de l’Estrie c. Poulin (EYB 1985-145155, C.S., Tôth, J.) et en appel sous la plume du juge R. Chouinard (et Hon. Rousseau-Houle et Chevalier) (1992 CanLII 3528, QC CA) qui reprend sous Boulanger c. Commission scolaire régionale de l’Estrie (1992 CanLII 7800, QC CA) :

 

Ø  il s’agit de dégradation de plancher de tuiles (de carrière) dans des édifices scolaires (corridors, cafétéria, etc.) où les tuiles décollaient, bombaient ;

Ø  les architectes retenus par la commission scolaire maître de l’ouvrage avaient responsabilité de préparer plans & devis et surveillance des travaux ;

Ø  l’entrepreneur était sous contrat de construction s’obligeant à fournir les matériaux et exécuter les travaux ;

Ø  pour les travaux de recouvrement de plancher, l’entrepreneur retient les services d’un sous-contractant, qui lui obtient les tuiles d’un fournisseur tiers ;

Ø  l’architecte émet une modification n° 1) aux plans & devis relativement aux tuiles ;

 

[69]    En première instance, le juge ne retient pas la garantie légale de l’art. 1688 C.c.B.C. considérant qu’il n’y a pas perte de l’ouvrage, mais analyse la responsabilité de l’architecte et de l’entrepreneur sous la responsabilité générale contractuelle (art. 1065 C.c.B.C.). La Cour d’appel dans Boulanger s’adresse à la responsabilité de l’architecte, cite in extensio le juge de première instance dont elle partage l’opinion sur ce point[1].  Contrairement au présent dossier, dans Boulanger, l’architecte n’avait pas soumis les tuiles à des tests et le juge de première instance a indiqué que l’architecte avait « approuvé aveuglement » la tuile. Ce jugement permet de saisir la délimitation des rôles et responsabilités respectives d’un entrepreneur et d’un architecte agissant pour un propriétaire (« … propriétaire n’avait aucune expertise ni compétence dans le domaine, contrairement à la situation prévalant dans l’arrêt Davie Shipbuilding Ltd. c. Cargill Grain Co. Ltd.[3], le maître d’œuvre n’ayant jamais imposé un choix fondé sur ses recherches et son expérience ») - donc distingue selon la Cour l’affaire Boulanger de l’arrêt Davie pour ces fins alors que pour les nôtres, ceci place une emphase additionnelle de distinguer l’Entrepreneur du Bénéficiaire ;

 

[17] […]

 

« En apposant sa signature à la modification numéro 1 [NDLR Quant aux tuiles], il a engagé sa responsabilité professionnelle […]

 

[…] Le professionnel doit empêcher le propriétaire que celui-ci ne donne des ordres ou des directives d’où il pourrait résulter un dommage. Cette obligation lui incombe au moment où le propriétaire tente de s’immiscer dans l’ouvrage et non point au moment où un dommage se réalise et que l’on peut déterminer si le vice affecte la solidité de l’édifice ou n’est de nature qu’à causer des dommages sérieux sans compromettre la solidité de l’ouvrage. Il s’agit d’une obligation contractuelle et d’un devoir de conseil inhérent à la profession. »

 

[70]    En somme, pour qu’une immixtion du maître de l’ouvrage corresponde à une exonération de responsabilité, tenant compte entre autres (i) des paramètres prévus aux ententes contractuelles, et (ii) de la spécificité des choix de matériau et identification de méthodes d’exécution aux plans et devis, selon le cas :

 

Ø  elle doit être faite par un client ayant (i) une expertise de construction, une compétence technique notoire et (ii) une connaissance de la méthode d’exécution de l’Entrepreneur, alors que plus les connaissances du client en la matière seront vastes, et plus l’Entrepreneur aura de chances de voir sa responsabilité exonérée ; et

 

Ø  Cette immixtion résulte en une « faute du propriétaire » alors (i) qu’il impose l’opinion de son expert à l’entrepreneur (ou aux sous-traitants de celui-ci), expert pouvant être un architecte qui a soit préparé les plans et devis ou à responsabilité de surveillance de travaux et agit à titre de mandataire du maître de l’ouvrage, ou (ii) qu’il impose ses décisions quant aux méthodes ou matériaux à utiliser, tel par exemple par exigence de se conformer aux plans et devis alors que l’entrepreneur a pourvu à avis motivé de son désaccord ; et

 

Ø  l’entrepreneur doit donc :

 

(i)            être réticent à l’égard d’une telle immixtion, réticence qui doit faire l’objet d’un avis donné au client exprimant ce désaccord motivé, incluant informations pertinentes justificatives ;

(ii)          avoir avisé son client des risques et des conséquences pouvant en résulter ; et

(iii)         exprimer son intention de se dégager de toute responsabilité pour ses conséquences si le client insiste et maintient son immixtion ; et

 

Ø  finalement, cette immixtion doit être la cause de la perte de l’ouvrage.

 

 

DÉCISION

 

 

[71]    Je rappelle, ici, que l’Entrepreneur est en demande et qu’à cet effet, c’est ce dernier qui a le fardeau de la preuve. Sans que ce fardeau lui soit indu, il a néanmoins l’obligation, avec prépondérance, de convaincre ;

 

[72]    Après avoir pris connaissance des pièces et procédures ainsi que des arguments des parties, le Tribunal d’arbitrage, sur demande, rend la Décision suivante ;

 

 

 

 

Conclusions — Obligations de l’Entrepreneur : informations, conseil et résultat

 

Obligation continue d’information

 

[73]    L’obligation continue d’information (2102 C.c.Q.), de renseignement de l’Entrepreneur découle du principe général de bonne foi (art. 1375 C.c.Q.) et du principe du consentement libre et éclairé du récipiendaire de l’information. Le droit se préoccupe de l’information qui doit être connue du contractant pour l’aider à prendre une décision éclairée ;

 

[74]    Dans une situation de réalisations manifestement impropres à l’utilisation à laquelle ils sont destinés (2104 C.c.Q.), si applicable, l’obligation d’information de l’Entrepreneur est limitée à la dénonciation de la condition des biens ;

 

[75]    L’obligation de renseignement incombant à l’entrepreneur est généralement renforcée du fait de son autonomie et de la liberté de choix des méthodes d’exécution ;

 

[76]    D’autre part, l’obligation de renseignements incombant au Bénéficiaire, règle de prudence fondamentale (inter alia les arrêts Bail et Consortium Katz, la doctrine sous la plume du Pr Vincent Karim) est applicable dans les circonstances, que ce soit par l’expertise en construction (ou en rénovations) du Bénéficiaire, expertise qui de l’admission du tout, est en l’espèce inexistante ;

 

Obligation de conseil

 

[77]    L’obligation de conseil de l’Entrepreneur requiert de conseiller le client, en faisant preuve de prudence et de diligence, sur des questions relatives au choix des sous-traitants, des matériaux et des ouvrages (même alors que ce dernier insiste pour le faire), afin de s’assurer de la compréhension du client, de façon à ce que ce dernier puisse donner un consentement éclairé. L’Entrepreneur doit aviser le maître de l’ouvrage des conséquences et des dangers relatifs aux choix de celui-ci ;

 

[78]    À plus d’une reprise, l’Entrepreneur nous suggère avoir rempli cette obligation de conseil, mais ne produit aucun avis au soutien de sa prétention et la probité de cette information est véhément contestée par le Bénéficiaire ;

 

Faute du propriétaire — immixtion  (…)  Bonne foi ; force majeure et exonération

 

[79]    Selon le Tribunal, compte tenu des règles de prudence, diligence et de bonne foi, la demande unilatérale du Bénéficiaire d’ériger un muret, i, ne caractérise pas comme une faute du propriétaire d’une immixtion injustifiée. En effet, dans les circonstances, le Bénéficiaire n’impose pas ses décisions quant aux méthodes ou aux matériaux à employer. Seul son désir de la pose ou installation du muret est incontestablement mis en preuve, Il y a difficulté à saisir un accroc à la bonne foi du Bénéficiaire lorsqu’il explique que dans le doute, il n’aurait jamais insisté.

 

[80]    L’Entrepreneur a donc non seulement failli à ses obligations de renseignement et de conseil, notamment en omettant d’aviser le Bénéficiaire du caractère impropre à l’utilisation proposée des ouvrages, des matériaux et des biens devant être utilisés pour ou intégrés au bâtiment, mais aussi dans les circonstances, bien que j’accepte que l’Entrepreneur a exprimé son désaccord, en omettant d’aviser le Bénéficiaire de son intention de se dégager de toute responsabilité, ce que certains considèrent une condition de l’exonération ;

 

[81]    L’Entrepreneur a manqué à ses obligations légales et contractuelles quant à la réclamation au point 1 ;

 

[82]    Vu que nous sommes dans un cas de manquement par l’Entrepreneur à ses obligations légales et contractuelles au sens de l’article 10 du Règlement da, il pourrait être soulevé qu’il est ou non requis pour permettre ouverture à la couverture du Plan que ce manquement doit être associé aux faits de l’ensemble des réclamations, ou séparément à chacune d’entre elles ; Ce débat et détermination, s’il en est, ne sera pas requis pour nos fins vues la caractérisation ci-dessous du vice allégué à la réclamation qui rend prématuré une telle détermination ;

 

[83]    Vu l’obligation de bonne exécution et l’absence de subordination entre l’Entrepreneur et son client, le libre-choix des méthodes d’exécution des travaux appartenant à l’Entrepreneur (article 2099 C.c.Q.), le tout sujet à son obligation de résultat ;

 

[84]    Nous savons que l’arbitre désigné est autorisé par la Régie à trancher tout différend découlant des plans de garantie[51], ceci inclut toute(s) question(s) de fait(s), de droit et de procédure(s) ;

 

[85]    Suivant mon appréciation des faits et ma compréhension de la Loi, de la jurisprudence connue et en raison de la preuve testimoniale contradictoire à savoir les explications qui me furent soumises pour proposer que la décision de l’Administrateur doit être renversée, je me dois de rejeter la demande de l’Entrepreneur, le tout sans préjudice et sous toute réserve du droit qui est sien (l’Entrepreneur) de porter devant les tribunaux civils ses prétentions ainsi que de rechercher les correctifs ou réparations, bien entendu le tout sujet aux règles de droit commun et de la prescription civile ;

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

REJETTE la demande de l’Entrepreneur ;

 

CONFIRME la décision de l’Administrateur ;

 

ACCUEILLE la demande de réclamation du bénéficiaire pour le point 1 de la décision ;

 

ORDONNE à l’Entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis en ce qui a trait au point 1 de la décision et ce, dans un délai de quarante-cinq (45) jours suivants réception de la présente ; 

 

CONSIDÉRANT l’article 123 du Règlement, les coûts du présent arbitrage seront partagés à parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur puisque ce dernier fut le demandeur ;

 

RÉSERVE à Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Abritat Inc. (l’Administrateur) ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour tous travaux, toute(s) action(s) et toute somme versée incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par.19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et places, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement ;

 

LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage (départagés à parts égales avec l’Entrepreneur) à la charge de Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Abritat Inc. conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.

 

 

Montréal, le 3 octobre 2017

 

 

 

 

_______________________

Michel A. Jeanniot, ClArb.

Arbitre / CCAC

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] (L.R.Q. c. B -1.1, r.8) D.841-98, a.2; D. 920-2001, a.1

[2] Idem, D.841-98, a.5, article 5 du Règlement

[3] Idem, articles 20 et 120 du Règlement

[4] Art. 116 du Règlement, D.841-98, a.116

[5] Le terme «tribunal» du Code de procédure civile ne vise pas le Tribunal, comme nous le rappelle notre Cour d’appel (Skelling c. Québec (Procureur général) 2006 QCCQ 148, par.10) : «…, le terme «tribunal», défini à l’article 4 j) C.p.c., réfère aux tribunaux relevant de l’autorité législative du Québec, énumérés à l’article 22 C.p.c.. Il ne vise pas les tribunaux administratifs exerçant des fonctions quasi judiciaires». Et plus récemment, inter alia en 2012 (Packard c. Olivier 2012 QCCA 28, Dalphond, P.J.C.A. référant à 9103 — 0049 Québec Inc. c. Cour du Québec 2009 QCCS 3984) et se doit d’être compris comme pourvoyant qu’un tribunal administratif n’étant pas un tribunal judiciaire au sens de 22 C.p.c., conséquemment le Code de procédure civile ne s’applique pas au Tribunal (sauf dispositions spécifiques, tel qu’il peut être spécifiquement prévu au Règlement par exemple pour fins d’homologation (article 121 du Règlement; voir aussi l’article 119 94))

[6] Art. 10 du Règlement, Décret841-98, a.10; D.39-2006, a.1

[7] En autres circonstance où détermination est requise, le Tribunal se fonde inter alia sur les critères énoncés par P.-A. CRÉPEAU dans son ouvrage L’intensité de l’obligation juridique, Cowansville, Éd. Y. Blais, 1989, pour déterminer l’intensité de l’obligation dont doit répondre l’Entrepreneur

[8] Les auteurs référant aux arts. 2118, 2119 et 2121 C.c.Q.

[9] Baudouin et Deslauriers, La responsabilité civile, Éd. Yvon Blais, 2007, 7e éd., p.45

[10] Art. 2098 C.c.Q.; Voir aussi : 2911663 Canada Inc. c. A.C. Line Info Inc., J.E. 2004-811 (C.A.), REJB 2004-60090; Gagnon c. Bisson Inc., J.E. 2004-671 (C.S.), REJB 2004-54512

[11] Op. Cit. Baudoin et Deslauriers, La responsabilité civile, p. 1027, Paragr. 1-1251

[12] Ignacz, Marianne et Edwards, Jeffrey, La responsabilité de l’entrepreneur et du sous-entrepreneur dans le cade de La construction au Québec : perspectives juridiques - sous la direction de Kott, Olivier F. et Roy, Claudine, Wilson & Lafleur Ltée, Montréal, 1998, p. 542

[13] KARIM, Vincent, Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation) Contrats de prestation de services et l’hypothèque légale, Éd. Wilson & Lafleur, 2e édition, 2011, para. 248

[14] Motel Lévesque inc. c. Industries Desjardins Ltée, AZ-97021094, J.E. 97-246 (C.S.); Assurance mutuelle des fabriques de Montréal c. Constructions Loracon Inc., AZ-50427814, 2007 QCCQ 3215; Compagnie d’assurances St-Paul/St-Paul Fire & Marine Insurance Company c. SNC-Lavalin Inc., 2009 QCCQ 56 (jugement [NDLR alors] porté en appel) - Le Tribunal note que postérieurement à la publication de l’ouvrage Contrats d’entreprise du Pr Karim, la Cour d’appel (2011 QCCA 1551) statue que les intimés (SNC_Lavalin) n’ont pas rendu leurs services en respectant les règles de l’art qui dans les circonstances se trouvaient au Code national du bâtiment-1985 et que la Cour d’appel stipule être au moment de la conception des plans du bâtiment  

[15] Développement Tanaka Inc. c. Corporation d’hébergement du Québec, 2009 QCCS 3659 (appel rejeté)

[16] Deguise c. Monminy, 2014 QCCS 2672, para. 803 à 809; M. Richard, JCS (jugement phare sur pyrite)

[17] 2005 CanLII 14422 (QC CQ), para. 47 à 49

[18] REID, H. Dictionnaire du Droit québécois et canadien, Wilson et Lafleur, 2001, p. 182 et note 1, p. 451

[19] «2009. L’entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d’exécution du contrat et il n’existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution».

[20] ABB Inc. c. Domtar Inc., 2005 QCCA 733, para 72, (confirmé par la Cour Suprême 2007 CSC 50, [2007] 3 S.C.R. 461 (banc de neuf juges), Hon. LeBel et Hon. Deschamps JJ.), citant J. Pineault, D. Burman, S. Gaudet, Théorie des obligations, Thémis, 2001, p.573

[21] Noter que le contrat visé par l’affaire Banque de Montréal c. Bail était un contrat à forfait relatif

[22] [1992] 2 R.C.S. 554

[23] GHESTIN, J., Traité de droit civil, vol. II, Les obligation - Le contrat : formation (2e éd. 1988)

[24] Op. Cit. Banque de Montréal c. Bail Ltée, note 20, Gonthier J., pp.586,587

[25] Idem, p. 592. Voir rubrique «Obligation d’information — Bénéficiaires» ci-dessous

[26] Idem, p. 594

[27] Op. cit. 9034-1215 Québec Inc. c. Corporation Solutions Moneris Inc., J.E. 2006-553, (C.Q.), para. 29, citant Banque de Montréal c. Bail Ltée. Voir aussi BAUDOUIN et JOBIN, Les obligations, 6e édition, Éd. Y. Blais, 2005, paragr. 328

[28] Demeule c. Bell Canada 2007 QCCQ 13370; Lussier Électrique inc. c. Centre commercial d’Asbestos inc., 2009 QCCQ 6653

[29] A.C. Line Info Inc. c. 2911663 Canada Inc., AZ-50103715, J.E. 2002-232 (C.S.); Planchers Exclusifs P.L. Inc. c. Gagné, C.Q. Terrebonne, n° 700-32-009806-017, 20 janvier 2003, J. Audet; et, sur les obligations de l’article 1375 C.c.Q. voir aussi Sperandio c. 3095-9571 Québec Inc. (Construction Melcon), AZ-50319394 (C.S.)

[30] Op. cit. KARIM, Contrats d’entreprise paragr. 339

[31] Le Tribunal est sensible à cette obligation des demandeurs; on retrouve une expression de celle-ci dans 9034-1215 Québec Inc. c. Corporation solutions Moneris Inc. 2005 CanLII 50680 (QC CQ) :

«[30] Certes, l’obligation prévue à l’article 2102 C.c. est unilatérale. Cet article ne vise que le prestataire de services. Il ne mentionne aucune obligation corrélative de la part du client.

[31] Toutefois, il est manifeste que le client a, de son côté, une obligation «de se renseigner» laquelle découle de l’article 1375 C. c. et du devoir général qu’a tout contractant de se renseigner».

[32] L’auteur cite : Demeule c. Bell Canada, AZ-50463149, 2007 QCCQ 13370; Lussier Électrique Inc. c. Centre commercial d’Asbestos Inc., AZ-50566143, 2009 QCCQ 6653

[33] L’auteur cite entre autres : Banque de Montréal c. Bail Ltée, (précité note 20, [1992] 2 R.C.S. 554), J. Gonthier, plus particulièrement la section sur l’obligation de renseignement du client

[34] Op. cit., KARIM, Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), paragr. 340

[35] Op. cit. Banque de Montréal c. Bail Ltée, précité note 20, Gonthier, J., p. 592 :

«Le contrat d’entreprise de petite envergure, pour la construction d’une maison unifamiliale par exemple, sera confié par un particulier novice en la matière à un entrepreneur expérimenté. Il est alors justifié que le maître de l’ouvrage [NDLR Les Bénéficiaires] soit pratiquement relevé de toute obligation de renseignement.»

[36] Entreprises Daigle international inc. c. Investissements Kars (Canada) inc. 2009 QCCA 1150

[37] KARIM, V. Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque légale, Montréal, Wilson & Lafleur, 2004, p.72 (ndlr : nota : 1ère édition) — Citation au texte retirée

[38] Banque de Montréal c. Bail Ltée, précité note 20, p. 587

[39] JOBIN, P.-G. et VÉZINA, N., Baudouin et Jobin, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, n° 314, p. 413-415; Voir aussi KARIM, V., Les obligations, 3e éd., vol. 1, Montréal, Wilson & Lafleur, p.76-79

[40] Banque Laurentienne du Canada c. Mackay, 2002 CanLII 41095 (QC CA), para. 33-34, p. 370-371 (Baudouin, J.-L., J.C.A.); R. (Canada) c. Covex, J.E. 98-198 (C.S.) confirmé par Covex c. R., J.E. 2000-2110 9 C.A.), paragr. 12-13 de l’arrêt de la Cour d’appel

[41] LLUELLES, D. et MOORE, B., Droit des obligations, 2e éd., Montréal, Éditions Thémis, 202, n° 2009

[42] Québec (Procureure générale) c. Consortium ad hoc Katz, Gendron, Jodoin, Perron, Rousseau, Babin & Associés, Roussy, Michaud & Associés, Cadoret, Savard, Tremblay & Associés, Jean Roy, a. g. 2015 QCCA 159, paragr. 65

[43] Industries V.M. Inc. c. Berardini, AZ-00021570 (C.S.), conf. AZ-03019548 (C.A.); Lemieux c. Aubin, AZ-50170111 (2003) (C.Q.)

[44] Remax de l’Estuaire inc. c. Lauzier, AZ-98031333, J.E. 98-1689 (C.Q.). Voir aussi KARIM, V. «La règle de la bonne foi prévue dans l’article 1375 du Code civil du Québec : sa portée et les sanctions qui en découlent» (2000) 41 C. de D. 433, pp.435 et ss.

[45] Op. cit., KARIM, V. Contrats d’entreprise, paragr. 269

[46] Op. cit., BAUDOUIN, pp.245 et 246

[47] Op., cit., KARIM, Contrats d’entreprise, para. 354

[48] Nardolillo c. Caruso, AZ-87011229, J.E., 87-710 (C.A.); Gisutini c. Expo ornemental inc., 2007 QCCA 417

[49] Op. cit. KARIM, V., Contrats d’entreprise, paragr. 301

[50] Construction RSR Inc. c. Acier St-Denis Inc., 2007 QCCA 1466 (CanLII), paragr. 9

[51] Article 83.1 de la Loi