ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment: SORECONI
ENTRE: LUCIE ROGER
(ci-après «la Bénéficiaire»)
ET: MAISONS MARCOUX INC.
(ci-après «l’Entrepreneur»)
ET: LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.
(ci-après «l’Administrateur»)
Nos dossiers SORECONI: 122006001 / 122006002
Nos dossiers APCHQ: 12-343.1SP / 12-343SP
Arbitre: Me Philippe Patry
Pour la Bénéficiaire: Madame Lucie Roger
Pour l’Entrepreneur: Aucun représentant
Pour l’Administrateur: Me Stéphane Paquette
Monsieur Michel Hamel,
inspecteur-conciliateur
Date de la sentence: 2 janvier 2013
Identification complète des parties
4563, avenue Wilson
Montréal (Québec) H4A 2V5
Bénéficiaire: Madame Lucie Roger
42, rue de la Pointe
Rivière-Héva (Québec) J0Y 2H0
Entrepreneur: Maisons Marcoux Inc. (faillite)
Syndic Ernst & Young Inc.
150, boulevard René-Lévesque Est
Bureau 1200
Québec (Québec) G1R 6C6
Administrateur: La Garantie des Maisons Neuves de l’APCHQ
5930, boulevard Louis-H. Lafontaine
Anjou (Québec) H1M 1S7
et son procureur:
Me Stéphane Paquette
Monsieur Michel Hamel,
inspecteur-conciliateur
Décision
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 5 juillet 2012.
10 décembre 2007: Contrat préliminaire et contrat de garantie;
12 mai 2008: Formulaire d'inspection préréception;
17 février 2009: Décision de l'Administrateur;
12 février 2012: Réclamation écrite de la Bénéficiaire à l'Administrateur dans les deux dossiers;
11 mai 2012: Inspection supplémentaire (dossier 122006001) et inspection (dossier 122006002) de l'Administrateur;
25 mai 2012: Décisions de l'Administrateur;
20 juin 2012: Réception par SORECONI de la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire dans les deux dossiers datée du 17 juin 2012;
21 août 2012: Réception des deux cahiers de pièces de l’Administrateur;
7 septembre 2012: Audience préliminaire par conférence téléphonique;
15 novembre 2012: Rapport d'inspection de Le Marquis Concept Inc.;
20 novembre 2012: Réception du document Description des travaux du 4 mars 2008 de l'Administrateur;
3 décembre 2012: Réception de la confirmation de service de Les Portes Decko Inc. du 16 février 2011 de la Bénéficiaire;
4 décembre 2012: Visite des lieux à Rivière-Héva et audience à la salle du conseil de la municipalité de Malartic.
Introduction:
[1] La Bénéficiaire a interjeté appel de la décision de l’Administrateur du 25 mai 2012 à savoir que les travaux étaient acceptables concernant le remplacement des quatre portes jardin situées du côté nord[1].
[2] Elle a aussi contesté une deuxième décision de l'Administrateur en date du 25 mai 2012 à savoir que les fissures au plancher de la salle de bain du sous-sol ne rencontraient pas «les critères de vice majeur en ce sens qu'il n'y pas perte de l'ouvrage»[2].
[3] Lors de l'audience préliminaire par conférence téléphonique du 7 septembre 2012, toutes les parties ont convenu qu'il valait mieux joindre les deux dossiers pour les fins de l'audience et de la décision de l'arbitre.
[4] Le tribunal a entendu les témoignages de Madame Lucie Roger et de l'expert Jean-Philippe Grenier de Le Marquis Concept Inc. (via une conférence téléphonique) pour la Bénéficiaire, et de Monsieur Patrick Morin de Rénovation P.M., de Monsieur Camille Cloutier, ancien directeur des ventes et du développement des affaires de l'Entrepreneur (via une conférence téléphonique), et de Monsieur Michel Hamel, inspecteur-conciliateur, pour l'Administrateur.
Juridiction:
[5] Compte tenu que les parties n'ont soulevé aucune objection préliminaire à la constitution du tribunal ou à la tenue de l'audience ni avant et ni pendant l'audience, le tribunal déclare que juridiction lui est acquise.
Faits:
[6] En septembre 2009, l'entrepreneur engagé par l'Administrateur, P.M. Rénovation, a procédé au remplacement des quatre portes jardin par quatre portes patio localisées du côté nord. Suite à un rapport d'inspection de Les Portes Decko inc. du 10 février 2011, P.M. Rénovation a isolé le pourtour de ces portes et a ajusté ces portes. Malgré ces travaux, la Bénéficiaire souligne que l'infiltration d'air, d'eau et de neige persiste par ces quatre portes[3].
[7] Six tuiles de céramique du plancher de la salle de bain du sous-sol présentent une fissure.
Questions en litige:
[8] Les questions en litige deviennent donc les suivantes: quant au premier dossier concernant les portes patio, est-ce que l’Entrepreneur engagé par l’Administrateur, Rénovation P.M., a rempli son obligation de résultat de régler le problème ayant fait l’objet de la décision du 17 février 2009[4] et notamment de déterminer si les portes installées sont d’une qualité acceptable et si elles ont été installées conformément aux règles de l’art applicables en l’espèce?
[9] Au sujet du second dossier touchant les fissures au plancher de la salle de bain du sous-sol, deux questions se posent: 1. Est-ce que le recouvrement du plancher de la salle de bain du sous-sol fait partie des obligations de l'Entrepreneur incluses au contrat de construction conclu entre la Bénéficiaire et l'Entrepreneur? Et 2. Considérant la date de réception du bâtiment du 12 mai 2008 et de la dénonciation du problème le 12 février 2012, dans la quatrième année de garantie, est-ce que les fissures au plancher de la salle de bain du sous-sol constituent un vice majeur en vertu du paragraphe 10(5) du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[5] (le Règlement), à savoir: résultent-elles d'un vice de conception, de construction ou de réalisation ou des vices de sol ayant causé la perte de l’ouvrage au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec?
Analyse et décision:
- Infiltration d'air, d'eau et de neige par les quatre portes patio situées du côté nord
[10] Lors de la visite des lieux en présence de toutes les parties impliquées, le tribunal a observé que les quatre portes patio situées en face du bord de l'eau s'ouvraient et se refermaient facilement. De plus, le tribunal n'a pas constaté d'infiltration d'air, d'eau ou de neige par ces quatre portes. Il est à noter qu'il n'y avait pas de vent lors de cette journée.
[11] Mme Roger avance que des infiltrations d'air, d'eau et de neige se produisent lors de périodes de grands vents, deux photos à l'appui intégrées dans le rapport d'inspection de l'expert Grenier. Ces photos non datées démontrent une accumulation légère de neige au bas des deux portes patio du rez-de-chaussée. Dans son témoignage, l'expert Grenier a indiqué que le problème résultait non pas de la qualité d'installation des portes patio, mais plutôt du niveau de la performance des ouvertures, d'où sa recommandation de l'installation de portes patio à quatre panneaux (communément appelées 2 + 2).
[12] Cependant, considérant le témoignage de M. Morin à savoir que les portes patio qu'il a installées en septembre 2009 étaient plus étanches que les portes jardin d'origine.
[13] Considérant que suite au rapport d'inspection de Les Portes Decko inc. du 10 février 2011, M. Morin est retourné chez la Bénéficiaire pour isoler le pourtour des portes patio avec un isolant soufflé plus hermétique;
[14] Considérant que M. Morin n'a alors pas constaté de pouce d'équerrage contrairement à la note de confirmation de service après-vente de Les Portes Decko inc. du 16 février 2011 qu'il avait en mains et qui indiquait «Service terminé, les 4 portes ont le même problème manque d'équerrage [...][6];
[15] Considérant les mesures des quatre portes patio à l'aide d'une équerre ou trait carré de M. Morin lors de l'inspection supplémentaire de l'Administrateur en date du 11 mai 2012;
[16] Considérant que lors de cette inspection «toutes les portes fonctionnaient parfaitement et le coupe-brise était en contact continu avec la surface de la porte»[7];
[17] Considérant que M. Hamel a témoigné à l'effet que le type de porte patio utilisé avec fenêtre homologuée «Energy Star» avec verre Low-E, non obligatoire au moment de son installation, était de qualité supérieure et plus résistante au vent conformément à la norme CSA-440 (étanchéité à l'air, étanchéité à l'eau et résistance au vent);
[18] Considérant que l'expert Grenier n'a pas pris de mesures d'équerrage et n'a pas constaté de pouce d'équerrage lors de son inspection du 26 octobre 2012;
[19] Considérant les observations suivantes lors de cette visite énumérées à la page 2 du rapport de l'expert Grenier:
· Les portes s'ouvrent et se referment sans difficulté.
· Les éléments permettant l'étanchéité des portes (coupe-froid) sont présents et semblent agir correctement afin de combler les espaces entre les pièces mobiles et fixes.
· Aucun défaut et/ou bris n'a été constaté sur les ouvertures.
[20] Considérant que l'expert Grenier a reconnu à l'audience que les quatre portes patio étaient bien installées;
[21] Considérant le point pertinent soulevé par le procureur de l'Administrateur à savoir que la Bénéficiaire réclame plus, soit des portes patio doubles, c'est-à-dire des portes patio à quatre panneaux (communément appelées 2 + 2), que les portes standard d'origine qu'elle a achetées;
[22] Considérant l'absence de preuve présentée par la Bénéficaire démontrant la déficience, le non-fonctionnement ou la mauvaise installation des quatre portes patio, le tribunal n'a aucune preuve à considérer et à analyser en ce qui a trait à la performance de ces portes[8].
[23] Le tribunal conclut donc selon la balance des probabilités que la Bénéficiaire ne s'est pas déchargée de son fardeau de preuve et n'a pu établir l'absence de fondement de la décision de l'Administrateur.
- Fissures au plancher de céramique de la salle de bain du sous-sol
[24] Lors de la visite du bâtiment en présence de toutes les parties impliquées, le tribunal a remarqué l'apparition de fissures sur six tuiles du plancher de céramique de la salle de bain du sous-sol.
[25] En interrogatoire principal, l'expert Grenier a mentionné que le support de revêtement de sol sur la dalle de béton était inadéquat et pas assez rigide pour la pose de céramique et qu'en conséquence, un deuxième contreplaqué devrait être collé et vissé à intervalles réguliers. Il a aussi réitéré que compte tenu que le revêtement avait été posé sur le sous-plancher, le problème ne pouvait résulter des fissures de retrait au niveau de la dalle de béton tel que l'affirmait l'inspecteur-conciliateur dans sa décision.
[26] Le tribunal a également entendu le témoignage via une conférence téléphonique de M. Cloutier, l'ancien directeur des ventes et du développement des affaires de Maisons Marcoux inc. qui avait fait affaires directement avec la Bénéficiaire. Sa signature en date du 12 mai 2008 comme représentant de l'Entrepreneur apparaît d'ailleurs au formulaire d'inspection préréception.
[27] Il a relaté avec aplomb l'ensemble des travaux confirmant pour les fins de l'arbitrage que le recouvrement du plancher de la salle de bain du sous-sol n'était pas inclus dans le contrat. En effet l'information détaillée des documents «Description des travaux»[9] et «Annexe F»[10] soumis en preuve le matin de l'audience par la Bénéficiaire indique clairement que les travaux au contrat ne comprenaient pas la salle de bain #2, soit celle du sous-sol, et qu'ainsi, qu'aucun raccord de plomberie, ni aucune pose du sous-plancher 3/8 obligatoire sous céramique et de son recouvrement n'étaient prévus.
[28] À l'encontre de cette preuve testimoniale et documentaire importante, la Bénéficiaire a fait valoir que selon une entente verbale intervenue avec la haute direction, Maisons Marcoux inc. avait accordé plusieurs faveurs à son représentant en région, soit au conjoint actuel de la Bénéficiaire Monsieur Daniel Robillard, par exemple: travaux du balcon extérieur, installation de la douche et pose de la céramique dans la salle de bain du sous-sol non couverts dans le contrat écrit «Description des Travaux».
[29] Sans se prononcer sur l'existence même de cette entente verbale, le tribunal conclut que même en présumant de l'existence d'une telle entente verbale, celle-ci n'est pas opposable à l'Administrateur pour les motifs qui suivent.
[30] En vertu du Règlement, l'Administrateur se porte caution des obligations de l'Entrepreneur selon le contrat de vente ou de construction entre la Bénéficiaire et l'Entrepreneur. En l'espèce, la preuve indique que l'Administrateur n'a pas été informé de l'existence de cette entente verbale alléguée avant l'audience du 4 décembre 2012 et n'a pu ainsi y consentir de quelque manière que ce soit. Dans ces conditions, une telle entente verbale n'est pas opposable à l'Administrateur. Qui plus est, le tribunal est d'avis qu'il n'a pas compétence sur ce genre d'ententes qui relèvent plutôt de la compétence des tribunaux de droit commun.
[31] De toute façon, même si le tribunal avait donné préséance à la version de la Bénéficiaire, il n'en demeure pas moins que la preuve soumise par la Bénéficiaire n'a pas établi que les fissures aux tuiles du plancher de céramique de la salle de bain du sous-sol pourraient entraîner la perte du bâtiment. De l'aveu même de l'expert Grenier, il n'y a aucun danger à ce que le bâtiment s'écroule.
[32] Le tribunal en arrive ainsi à la conclusion que la Bénéficiaire n'a pas démontré selon la prépondérance de la preuve que les fissures aux six tuiles du plancher de céramique de la salle de bain du sous-sol constituent ou pourraient constituer des problèmes graves susceptibles d'entraîner la perte totale ou partielle de l’ouvrage au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec.
Les frais d’arbitrage:
[33] Considérant que la Bénéficiaire n'a obtenu gain de cause sur aucun des aspects de ses deux réclamations, l'Administrateur et la Bénéficiaire devront partager les coûts du présent arbitrage conformément à l'article 37 du Règlement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE:
REJETTE les deux appels de la Bénéficiaire;
CONDAMNE la Bénéficiaire au paiement des coûts du présent arbitrage limités au montant de 750.00$ et l’Administrateur au paiement du solde de ces coûts.
Montréal, le 2 janvier 2013
__________________________
ME PHILIPPE PATRY
Arbitre / SORECONI
[1] Cahier de pièces, A-2, page 4.
[2] Idem, A-7, page 6.
[3] Idem, A-6.
[4] Idem, A-1.
[5] Décret 841-98.
[6] Cahier de pièces, A-9, page 1 et pièce B-1, pages 1 et 2.
[7] Supra, note 1.
[8] Gast and Ramos v. Samcon Gordon Inc. and La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.Habitation du Québec inc. (SORECONI 121804001), Holländer, 1 octobre 2012.
[9] Pièce B-3, pages 4 et 6.
[10] Pièce B-4, page 2.