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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (DÉCRET 841-98)

 

 

ENTRE :

 

SOMICO CONSTRUCTION INC.

 

(« L’ENTREPRENEUR »)

 

ET :

 

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS

NEUFS DE L’APCHQ INC.

 

(« L’ADMINISTRATEUR »)

 

ET :

 

ERNEST PREGENT ET SUZANNE D’ASTOUS

 

(« LES BÉNÉFICIAIRES »)

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

Arbitre :                                                            Me Johanne Despatis

 

Comparution pour l’entrepreneur :                     M. Shahir Mikhail, entrepreneur

 

Comparutions pour l’administrateur :                 Me Luc Séguin, procureur, assisté de

                                                                        M. Pierre Bonneville, inspecteur-conciliateur

 

Comparutions pour les bénéficiaires :                 M. Ernest Prégent, bénéficiaire

                                                                        Mme Suzanne D’Astous, bénéficiaire

 

Date d’audience :                                              8 décembre 2004

Lieu d’audience :                                              Montréal, Québec

Date de la sentence :                                         20 janvier 2005

 


I

LE RECOURS

 

[1]               Somico Construction inc., l’entrepreneur, conteste en vertu de l’article 19 du Règlement  sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, ci-après le Plan, la décision suivante rendue le 27 septembre 2004 par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., l’administrateur :

« Cette inspection supplémentaire, à laquelle était présent, outre le soussigné, le bénéficiaire, M. Ernest Prégent, avait pour but de revoir les points 1 à 3 de notre rapport d’inspection émis le 31 mai 2004.

1. Infiltration d’eau au niveau des allèges de pierre à la fenestration

L’entrepreneur a déjà convenu d’une entente avec les bénéficiaires. Les travaux correctifs ont été exécutés par un sous-traitant mais les coûts inhérents aux travaux ont été déboursés par les bénéficiaires.

L’entrepreneur semble enclin à rembourser le paiement de la facture, mais avant taxes.

Ce dernier était, lors de notre inspection initiale, en accord avec le principe de correction.

Il devra donc, dans les quinze (15) jours suivant la réception de la présente, procéder au remboursement de la facture aux bénéficiaires.

[...]

L’entrepreneur devra se conformer à la décision rendue au point 3 à l’intérieur d’un délai de trente (30) jours suivant la réception du présent rapport.

Concernant le point qui suit, nous sommes en présence d’un vice caché qui, conformément à l’article 3.3 du contrat de garantie, a été dénoncé par écrit dans les trois (3) années suivant la réception. Par conséquent, l’entrepreneur devra effectuer les travaux mentionnés ci-dessous.

3. Infiltration d’air à la fenestration en place

L’entrepreneur a effectué les ajustements nécessaires aux fenêtres originales en place, mais le résultat obtenu ne rencontre pas la règle de l’art.

Les volets ouvrants n’épousent pas le cadrage, tant du côté des attaches que du côté des charnières et permettent ainsi l’infiltration d’air.

La qualité de la fenestration en place fait en sorte qu’il est impossible d’obtenir un rendement efficace, vu la hauteur des ouvertures.

Travaux :

Compte tenu de ce qui précède, l’entrepreneur devra apporter de nouveaux correctifs, en effectuant un remplacement complet de la fenestration, aux élévations principale et latérales gauche et droite.

[...]

Concernant le point qui suit, le bénéficiaire nous a informé que l’entrepreneur avait effectué les travaux correctifs à sa satisfaction et que par conséquent, l’intervention de La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ n’était plus requise.

2. Repointage de briques au-dessus de la porte-patio arrière du sous-sol.

[...] »

[2]               Il fut convenu que l’audience se déroulerait en français et en anglais, monsieur Ernest Prégent, le bénéficiaire, ayant accepté d’agir à titre d’interprète informel pour monsieur Shahir Mikhail, représentant de l’entrepreneur, qui s’exprime en anglais.

 

II

                                                                    LES FAITS

 

[3]               Monsieur Ernest Prégent et madame Suzanne D’Astous, les bénéficiaires, ont dénoncé le 29 novembre 2003 auprès de l’entrepreneur et de l’administrateur une série de problèmes constatés dans leur résidence située au 5051 rue de La Morandière à Pierrefonds, problèmes qu’ils estimaient couverts par le Plan.  

[4]               Une inspection fut éventuellement réalisée le 6 mai 2004 par monsieur Pierre Bonneville, inspecteur-conciliateur auprès du Service d’inspection et de conciliation de l’administrateur. Celui-ci a fait un premier rapport le 31 mai et une copie en fut transmise aux bénéficiaires et à l’entrepreneur.

[5]               Ce rapport, rédigé en français, a été reçu par les bénéficiaires le 3 juin 2004 et par l’entrepreneur le 4 juin 2004. A sa demande, une version anglaise lui en fut transmise le 28 juin suivant. Les extraits pertinents de ce rapport se lisent ainsi :

« Aucun règlement n'étant intervenu entre les parties, La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ doit statuer sur la demande de réclamation écrite des bénéficiaires.

La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ doit considérer les points 1 à 3 dans le cadre du contrat de garantie :

L'entrepreneur devra se conformer aux décisions rendues aux points 1 à 3 à l'intérieur d'un délai de trente (30) jours suivant la réception du présent rapport.

Concernant les points qui suivent, nous sommes en présence de vices cachés qui, conformément à l'article 3.3 du contrat de garantie, ont été dénoncés par écrit dans les trois (3) années suivant la réception. Par conséquent, l'entrepreneur devra effectuer les travaux mentionnés ci-dessous.

1. Infiltration d’eau au niveau des allèges de pierre à la fenestration

Travaux:

L'entrepreneur devra apporter tous les correctifs nécessaires aux allèges de pierre jointoyées au placage de maçonnerie, afin d'empêcher toute infiltration d'eau, et ce, tel que décrit à 'article 9.20.13.4(a) du Code national du bâtiment.

Il semblerait y avoir eu une rencontre entre les parties, après notre inspection, à la suite de laquelle une entente serait intervenue entre les parties en regard de la méthode corrective et des coûts engendrés.

Selon les informations recueillies, la méthode utilisée préconise de vider le joint de mortier, installer un boudin « éthafoam » et compléter par l'application d'un joint de calfeutrant.

Le bénéficiaire possède déjà un prix unitaire pour le type de réparation suggéré.

2. Repointage de briques au dessus de la porte-patio arrière du sous-sol

Travaux :

L'entrepreneur devra apporter tous les correctifs nécessaires au joint de mortier ouvert, afin d'empêcher toute infiltration d'eau. Les dispositions nécessaires devront être prises pour minimiser les différences de teinte entre les nouveaux joints de mortier et ceux existants.

3. Infiltration d’air à la fenestration en place

Travaux:

L'entrepreneur devra apporter tous les ajustements nécessaires afin d'empêcher toute infiltration d'air au périmètre des volets ouvrants des fenêtres originales, et ce, sur les trois niveaux, à l'exception des fenêtres arrière.

 [...] »

 

[6]               Ni les bénéficiaires, ni l’entrepreneur n’ont contesté ce rapport, i.e. qu’aucun des deux ne s’est prévalu à son encontre comme il leur était possible de le faire selon l’article 19 du Plan.

[7]               Selon la preuve présentée, concernant le point 1 du rapport du 31 mai, i.e. l’infiltration d’eau au niveau des allèges, l’entrepreneur a tout simplement refusé de rembourser les frais de réparation encourus par les bénéficiaires en niant y avoir jamais consenti.

[8]               Quant au point 2 du rapport du 31 mai 2004, l’entrepreneur a, au cours du mois de juillet, procédé aux correctifs demandés, i.e. le repointage de briques au-dessus de la porte patio du sous-sol. Ce point n’est plus en litige.

[9]               Au sujet du point 3 du rapport du 31 mai, i.e. le problème d’infiltration d’air à la fenestration en place, voici ce qui s’est passé à l’été 2004. Le 15 juillet, monsieur Daniel Roy de l’entreprise Portes et Fenêtres Val-Alain s’est présenté chez les bénéficiaires à la demande de l’entrepreneur pour inspecter les 11 fenêtres visées par le rapport du 31 mai. Monsieur Roy aurait alors conclu qu’il fallait corriger le mécanisme de fermeture des fenêtres. Il a informé les bénéficiaires qu’il présenterait à cette fin une soumission à l’entrepreneur. Le 9 août suivant monsieur Roy a procédé aux travaux en question et l’entrepreneur en a défrayé les coûts.

[10]            Insatisfaits des réparations effectuées par monsieur Roy et en raison du refus de l’entrepreneur de leur rembourser les frais de réparation visé par le point 1, les bénéficiaires ont à nouveau saisi l’administrateur de leurs problèmes le 10 août 2004 et lui ont demandé d’intervenir. Dès le lendemain, l’entrepreneur faisait connaître sa position à l’administrateur en affirmant dans une lettre qu’à son avis les travaux ordonnés dans le rapport du 31 mai relativement au point 2 et 3 avaient été faits et qu’en ce qui concernait ceux du point 1, il écrit : « that has been dealt with the beneficiary himself before you issue the inspection report! Without our involvement nor any agreement or settlement. »

[11]            L’administrateur a alors décidé de procéder à une nouvelle inspection qui a eu lieu le 8 septembre 2004. L’entrepreneur, bien que dûment informé, ne s’y est pas présenté. Il avait toutefois précédemment transmis à l’administrateur sa position dans une lettre datée du 26 août 2004.

[12]           Suite à son inspection du 8 septembre, monsieur Bonneville, qui avait aussi réalisé l’inspection de mai, a transmis une copie de son second rapport, reproduit plus haut, intitulé « Rapport d’inspection supplémentaire » daté du 27 septembre 2004 aux bénéficiaires et à l’entrepreneur en anglais et en français.

[13]           Suite à la réception de ce rapport, l’entrepreneur insatisfait adressait le 7 octobre la lettre suivante à l’administrateur :

« We would advise you as follows:

1. On the 1401 of June 2004 we faxed you a letter to please correspond with us in English to avoid any misunderstanding.

2. On the 11 of August 2004 we advised you that the work you demanded was completed to satisfaction, and that the work carried out by the beneficiary, obviously we cannot take any responsibility for either technically or otherwise.

3. On the 26th of August 2004 I faxed you a letter answering your fax of August 25, 2004. To our surprise we received yet another inspection report on the 30 of September 2004. Since your original inspection […], you have not attempted to call us even once. Since you have only been in continuous contact with the beneficiary it is obvious to us that this is an outward case of discrimination, and that you, Mr. Bonneville are biased- A bias caused by and not limited to the fact that I am not a French-speaking Canadian, is a complete breach of my rights and will not be accepted as a hindrance to my way of life, whether it is from the A.P.C.H.Q, Mr. Bonneville or anybody else.

4. The window supplier Laflamme is a reputable window manufacturer. They confirmed that the windows are up to CSA standards A440 (see attached letter) and they suggested a qualified technician Val-AIain inc. for repairs. We hired him to fix the windows at our cost on August 9, 2004, with, no complaint from the beneficiary during repairs or after completion and handing over to the beneficiary.

5. Therefore we have no choice but to close the file as the work that could be done has been done, successfully with no complaint whatsoever from the beneficiary in the allotted time as explained in our letter from the 26th of August. Since this letter (26th of August) has been completely ignored, the second report received on the 30th of September is of no relevance to us. »

 

[14]            L’administrateur a accusé réception de cette lettre le jour même et a informé l’entrepreneur de la chose à faire pour contester le rapport supplémentaire.

[15]            L’entrepreneur s’est prévalu de cette suggestion le 14 octobre 2004 et a en conséquence adressé une demande d’arbitrage au Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure, le GAMM.

[16]           Ce sont ces circontances qui ont mené à la tenue de la présente audience qui n’a porté que sur les point 1 et 3 du rapport daté du 27 septembre 2004.

[17]           Le point 3 du rapport du 27 septembre 2004 : Infiltration d’air par les fenêtres

[18]           Monsieur Armand Patenaude, ingénieur retenu par l’administrateur, est venu témoigner à titre d’expert. Précédé d’une inspection des lieux réalisée le 11 novembre 2004, son rapport daté du 19 novembre conclut :

« [...]

3. CONCLUSION

Le manque de compression du coupe-froid intermédiaire situé entre l'ouvrant et le dormant est certainement la cause provoquant des fuites d'air importantes, lesquelles conduisent aux sifflements observés par le propriétaire, à l'inconfort des occupants au voisinage de celles-ci, et/ou, à la formation de givre durant la période hivernale. 

[...]»

[19]           Monsieur Mikhail a déclaré ne pas contester les constatations de monsieur Patenaude et reconnaît en fait qu’un problème d’étanchéité affecte les 11 fenêtres en litige. Il conteste en revanche le correctif exigé par l’administrateur dans son rapport du 27 septembre qui a conclu à la nécessité de leur remplacement. En outre, l’entrepreneur soutient que le problème qui les affecte n’est pas un vice caché puisque cette infiltration aurait était détectable dès la première année.

[20]           Quoi qu’il en soit, selon monsieur Mikhail, il n’est pas nécessaire de changer ces fenêtres puisqu’il suffirait de leur ajouter un coupe-froid afin de remédier à la situation. A cet égard, il dépose la note suivante rédigée par un dénommé Armand Simoneau, lequel n’a pas témoigné, un superviseur au service après-vente de la Compagnie Laflamme, le manufacturier des fenêtres en question :

« This memo is to confirm that if the weatherstrip of the window is the problem, Laflamme Windows and Doors has the ability to install new weatherstrips, making the window to perform to a better degree. We will be waiting for your report on the conciliation meeting held this Wednesday. »

 

[21]           Le procureur de l’administrateur a objecté au dépôt de ce document que son auteur n’étant pas présent, il n’était pas admissible en preuve. J’ai néanmoins permis le dépôt sous réserve.

[22]           Pour sa part, l’expert Patenaude explique que le problème d’étanchéité des fenêtres est attribuable à un défaut au coupe-froid intermédiaire, un problème qu’il a rarement vu et que n’ont pas selon lui corrigé les travaux réalisés par monsieur Roy. Il ajoute que le remplacement des fenêtres suggéré par l’inspecteur Bonneville semble être la meilleure solution susceptible de régler définitivement le problème.

[23]           Cela dit, l’expert Patenaude reconnaît toutefois que l’ajout d’un coupe-froid tel que proposé par l’entrepreneur pourrait aussi être envisageable mais il s’interroge sur sa faisabilité à court terme. En effet, explique l’expert, les fenêtres en question comportent bel et bien une rainure censément prévue pour l’ajout d’un tel coupe-froid mais il doute qu’un tel coupe-froid existe. Selon lui, en effet, la rareté du problème rencontré fait qu’il serait peu probable qu’un tel coupe-froid soit même disponible à courte échéance. Selon l’expert, pour affirmer que l’ajout d’un tel coupe-froid règlerait le problème d’étanchéité des fenêtres, il faudrait non seulement qu’il existe mais qu’il ait aussi été testé en laboratoire, ce qui nécessiterait un délai supplémentaire.

[24]           Pour ces raisons, explique monsieur Patenaude, il écarte la solution avancée par l’entrepreneur parce qu’elle ne serait pas sérieusement envisageable dans un délai raisonnable en outre de ne pas présenter à ses yeux l’assurance de pouvoir régler définitivement le problème. Son témoignage à cet égard n’a pas été contredit.

[25]           Point 1 du rapport du 27 septembre 2004 : Infiltration d’eau au niveau des allèges de pierre à la fenestration

[26]           Monsieur Prégent, le bénéficiaire, affirme qu’au cours de la première inspection en mai 2004, il y a eu des discussions entre lui, l’inspecteur et l’entrepreneur concernant le correctif à apporter aux allèges de pierre en vue de régler le problème d’infiltration d’eau.

[27]           Il avait été question, affirme le bénéficiaire, de la possibilité d’y installer un boudin recouvert de scellant. Déjà à l’époque, explique monsieur Prégent, il avait en main une soumission à cette fin datée du 24 avril 2004 et préparée par l’entreprise Monsieur Caulking.

[28]           Monsieur Prégent affirme qu’à l’occasion d’une rencontre qu’il a eue avec l’entrepreneur après l’inspection du début mai, ce dernier avait verbalement consenti au correctif suggéré par l’entreprise Monsieur Caulking et qu’il s’était engagé à lui en rembourser le coût.

[29]           Monsieur Prégent ajoute avoir avisé l’administrateur par écrit le 19 mai 2004 de la conclusion de cette entente et que les travaux seraient effectués le 24 mai. Monsieur Prégent affirme qu’il n’aurait jamais fait effectuer ces travaux si l’entrepreneur n’y avait pas d’abord consenti et ne l’avait pas assuré qu’il allait les lui rembourser.  

[30]           Quoi qu’il en soit, explique monsieur Prégent, lorsqu’il s’est présenté chez monsieur Mikhail le 25 mai 2004 pour demander le remboursement des réparations faites par l’entreprise Monsieur Caulking, monsieur Mikhail a refusé de le rembourser en invoquant d’abord qu’il n’avait pas à payer les taxes apparaissant à cette facture puis, qu’il était de toute façon en désaccord avec ce type de correctif.

[31]            De son côté, monsieur Mikhail, tout en reconnaissant qu’il y a eu des discussions au sujet de la réparation suggérée par l’entreprise Monsieur Caulking et de la possibilité de régler ce point à l’amiable, nie qu’il y ait eu quelque entente que ce soit à cet égard.

[32]            Au surplus, ajoute monsieur Mikhail, il n’aurait jamais accepté de rembourser le coût des travaux effectués par l’entreprise Monsieur Caulking en outre parce qu’il nie qu’il y ait eu quelque déficience dans l’installation des allèges. Selon l’entrepreneur, l’infiltration d’eau résultait tout simplement du mauvais entretien du calfeutrage par les bénéficiaires.

[33]            Monsieur Mikhail, tout en répétant ne pas y souscrire, reconnaît n’avoir jamais contesté par voie d’arbitrage le rapport de l’administrateur daté du 31 mai qui concluait que les allèges en question étaient affectées d’un vice caché.

[34]           L’inspecteur Bonneville est venu expliquer ses conclusions au sujet des allèges en disant que pour être conforme au Code national du bâtiment, leur installation devait être faite selon la méthode décrite à la clause 9.20.13.4 du Code, ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce, d’où sa conclusion à ce sujet le 31 mai.

[35]           Monsieur Bonneville a aussi expliqué qu’étant donné qu’il avait cru comprendre qu’il y avait eu entente entre l’entrepreneur et les bénéficiaires sur une autre méthode pour corriger le problème, il en avait fait la mention dans son rapport du 31 mai. Monsieur Bonneville ajoute que même si la méthode envisagée suivant l’entente alléguée n’était pas conforme au Code national du bâtiment, elle aurait quand même été acceptable dans les circonstances. Si tel n’avait pas été le cas, il affirme qu’il ne l’aurait personnellement jamais approuvée dans son rapport et qu’il aurait exigé dès lors que l’entrepreneur se conforme au Code national du bâtiment.

[36]           Au sujet de l’entente invoquée, monsieur Bonneville avoue ne pas avoir vérifié auprès de l’entrepreneur si celui-ci confirmait qu’elle avait bel et bien eu lieu. Quoi qu’il en soit, ajoute monsieur Bonneville, si l’entrepreneur nie cette entente et la refuse, alors il devrait logiquement accepter volontiers de se plier à sa recommandation du 31 mai, qu’il n’a pas contestée, et conséquemment, apporter le correctif ordonné.

[37]           En contre-preuve, monsieur Mikhail viendra dire que s’il avait su qu’il en serait ainsi, il aurait effectué les travaux recommandés par l’inspecteur dans le rapport du 31 mai au moment où il a procédé au repointage des briques puisque tout l’équipement et le personnel nécessaires étaient en place. Il ne l’a pas fait à l’époque puisque les bénéficiaires avaient déjà fait faire les travaux de correction par un autre ce à quoi il réitère qu’il n’avait jamais consenti.

 

III

PLAIDOIRIES

 

L’entrepreneur

[38]           Concernant le problème d’infiltration d’air à la fenestration, l’essentiel des propos de l’entrepreneur est que les fenêtres ne sont pas affectées d’un vice caché. Selon lui, le problème d’infiltration était apparent dès la première année et il aurait dû être dénoncé dès cette époque. Monsieur Mikhail soutient qu’en ne le dénonçant que deux ans et demi après la prise de possession de leur résidence, les bénéficiaires avaient perdu leur garantie en vertu du Plan.

[39]           Subsidiairement, l’entrepreneur affirme que si le Tribunal retenait la solution qu’il avait lui-même avancée sur la suggestion de la compagnie Laflamme, il était prêt à procéder, mais seulement à ces travaux.

[40]           Quant au second point en litige, i.e. le problème d’infiltration d’eau au niveau des allèges de pierre à la fenestration, l’entrepreneur soutient qu’il n’y avait pas de vice caché au sens du Plan contrairement à ce que l’administrateur avait affirmé dans le rapport du 31 mai 2004.

[41]           Enfin réitère l’entrepreneur, il n’y a eu aucune entente entre lui et les bénéficiaires ni au sujet des correctifs qu’aurait pu faire Monsieur Caulking ni encore moins au sujet du paiement de leur compte. A cet égard, monsieur Mikhail rappelle que dans les faits, les bénéficiaires ont fait effectuer les travaux par Monsieur Caulking le 24 mai 2004 avant même que le rapport de l’administrateur daté du 31 mai ne soit émis.

 

L’administrateur

[42]           Pour l’administrateur, l’infiltration d’air par les fenêtres constitue bel et bien un vice caché couvert par le Plan, vice constaté par l’administrateur dès son rapport du 31 mai 2004 rédigé à la suite d’une inspection effectuée le même mois. Le procureur ajoute que l’entrepreneur n’avait pas à l’époque contesté cette conclusion.

[43]           Or, ajoute le procureur, si l’entrepreneur n’était pas satisfait de cette conclusion, il devait la contester en temps opportun, en l’occurrence, dans les 15 jours suivants sa réception, ce qu’il n’a pas fait. Au surplus, ajoute le procureur, la preuve révèle que l’entrepreneur avait procédé à des correctifs aux fenêtres, signe qu’il n’était pas aussi insatisfait de la décision qu’il l’affirme maintenant.

[44]           Au surplus, le procureur ajoute que la demande d’arbitrage formulée par l’entrepreneur ne portait que sur le rapport daté du 27 septembre et sur la question de savoir si le correctif exigé par l’administrateur, i.e. le remplacement des 11 fenêtres, est conforme. Or, à cet égard, rappelle le procureur, le témoignage de monsieur Patenaude n’avait pas été contredit alors que la solution avancée par l’entrepreneur soit l’ajout d’un coupe-froid, était en pratique écartée par l’expert entendue. Bref, selon le procureur, la meilleure solution serait celle préconisée dans le rapport du 27 septembre, soit le remplacement des 11 fenêtres.

[45]           Quant à la question d’infiltration d’eau au niveau des allèges de pierre, le procureur exprime l’avis que l’administrateur ne peut pas exiger le respect d’une entente prétendument intervenue entre un entrepreneur et un bénéficiaire. En effet, même si, ajoute le procureur, le but recherché est de favoriser la conclusion de pareilles ententes, on ne peut les exiger ni contraindre une partie à s’y conformer.

[46]           Quoi qu’il en soit, poursuit le procureur, la décision de l’administrateur concernant ce point en litige se retrouvait déjà dans le rapport du 31 mai, lequel n’a pas été contesté. Or, il concluait déjà que l’entrepreneur devait apporter « tous les correctifs nécessaires aux allèges de pierre jointoyées au placage de maçonnerie, afin d’empêcher toute infiltration d’eau, et ce, tel que décrit à l’article 9.20.13.4 (a) du Code national du bâtiment. ». Ainsi, soutient le procureur, puisque l’entrepreneur nie qu’il y ait eu entente entre lui et les bénéficiaires, son obligation était donc de se conformer à la décision de l’administrateur, ce qui n’a pas été fait.  

Réplique de l’entrepreneur

[47]           Se référant au problème d’infiltration d’air, l’entrepreneur réitère s’être conformé à la décision du 31 mai 2004, non pas, dit-il, parce qu’il était d’accord avec celle-ci mais uniquement dans le but de maintenir des bonnes relations avec ses voisins, les bénéficiaires. C'est pour cette raison qu’il ne l’aurait pas contestée.

[48]           Selon l’entrepreneur, les bénéficiaires n’avaient eux-mêmes jamais demandé que l’on remplace les fenêtres et cette recommandation de l’inspecteur serait plutôt le fruit d’un désir de vengeance de la part de l’administrateur.

[49]           Les parties n’ont invoqué aucune autorité.

 

 

 

 

 

IV

ANALYSE ET DÉCISION

 

[50]           Le litige ne porte que sur les points 1 et 3 de la décision rendue le 27 septembre 2004 par l’administrateur, les seuls que vise la demande d’arbitrage présentée par l’entrepreneur.

[51]           On se souvient que, selon la preuve, cette décision suivait une inspection supplémentaire qui avait été faite après que les bénéficiaires se soient plaints à l’administrateur que l’entrepreneur ne s’était pas conformé à la première décision de celui-ci rendue le 31 mai précédant et dont l’entrepreneur n’avait pas fait appel.

[52]           Rappelons que la décision du 31 mai concluait, notamment au sujet des mêmes points 1 et 3, que ces deux problèmes existaient bel et bien et qu’ils constituaient des vices cachés au sens du Plan que l’entrepreneur avait l’obligation de corriger.

[53]           Suite au rapport de mai, la correction du problème d’infiltration d’air a été entreprise par l’entrepreneur lui-même mais les bénéficiaires ont fait corriger par un tiers le problème d’infiltration d’eau au niveau des allèges en s’attendant d’en être remboursé par l’entrepreneur en raison d’une entente qu’ils allèguent avoir eue à cet effet avec ce dernier.

[54]           Ainsi au mois d’août, certains travaux avaient donc été faits par l’entrepreneur au sujet de l’infiltration d’air mais les bénéficiaires ne les jugeaient pas satisfaisants. Quant aux travaux effectués relativement à l’infiltration d’eau, l’entrepreneur refusait d’en faire le remboursement censément convenu avec les bénéficiaires. C'est sur cette toile de fond que les bénéficiaires se sont plaints le 10 août auprès l’administrateur, qui a opté pour une seconde inspection suivie d’un second rapport. C'est celui-là qui a conduit au présent litige.

[55]           Une constatation juridique s’impose : la première décision de l’administrateur, i.e. celle du 31 mai, n’a pas, de l’aveu même de l’entrepreneur, été portée en arbitrage par celui-ci; qu’il vienne affirmer par la suite avoir été en désaccord avec celle-ci n’y change rien. Cette décision du 31 mai doit être tenue pour définitive. Elle ne peut en conséquence pas faire l’objet d’une révision déguisée dans le cadre du présent arbitrage qui ne saurait être utilisée pour remettre en question des conclusions non contestées en temps utile. En effet, le rapport non contesté du 31 mai a acquis pour nos fins force de chose jugée. Autrement dit, la seule décision susceptible d’être contestée devant moi est celle du 27 septembre 2004 et seulement dans la mesure que je viens de préciser.

[56]           C’est donc dans le respect de ces paramètres juridiques que j’entends me pencher sur le recours de l’entrepreneur qui soulève deux questions : la validité de l’ordonnance relative au remboursement aux bénéficiaires des frais encourus en vue de mettre fin au problème de  l’infiltration d’eau au niveau des allèges de pierre; et le bien fondé de l’ordonnance de remplacement de la fenestration en place en vue de mettre fin au problème d’infiltration d’air.

[57]           Qu’en est-il de la décision de l’administrateur d’ordonner à l’entrepreneur de rembourser aux bénéficiaires les frais encourus en vue de la correction du problème d’infiltration d’eau au niveau des allèges de pierre?

[58]           Le Plan prévoit à son paragraphe 18 (5) que  «  dans les 20 jours qui suivent l'inspection, l'administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l'absence de règlement et il en transmet copie, par poste recommandée aux parties impliquées » [caractères gras ajoutés]. Le paragraphe suivant prévoit « qu’en l'absence de règlement, l'administrateur statue sur la demande de réclamation et, le cas échéant, il ordonne à l'entrepreneur de rembourser le bénéficiaire pour les réparations conservatoires nécessaires et urgentes, de parachever ou de corriger les travaux dans le délai qu'il indique et qui est convenu avec le bénéficiaire ». [caractères gras ajoutés]

[59]           L’examen de la décision rendue le 31 mai révèle que l’administrateur n’y a pas fait le constat d’un règlement concernant la question de l’infiltration d’eau au niveau des allèges. En fait, il a ordonné à l’entrepreneur d’« apporter tous les correctifs nécessaires aux allèges de pierre jointoyées au placage de maçonnerie, afin d'empêcher toute infiltration d'eau, et ce, tel que décrit à 'article 9.20.13.4 (a) du Code national du bâtiment. »

[60]           Selon ma compréhension des propos de l’inspecteur Bonneville et de son rapport du 31 mai concernant une éventuelle solution à l’amiable du problème des allèges, ce dernier fait tout simplement un commentaire en passant, un obiter, dirait-on, lorsqu’il écrit qu’il est possible que les parties aient convenu d’une solution autre que celle qu’il ordonnait, mais sans plus. Cela signifiait en pratique qu’en l’absence d’un règlement ferme en faveur d’une solution différente, la décision de l’inspecteur, la seule, était qu’il y avait bel et bien un vice caché à ce niveau et qu’il était ordonné à l’entrepreneur de le corriger en conformité de l’article 9.20.13.4 du Code national du bâtiment.

[61]           En pratique, l’entrepreneur n’a rien fait en exécution de cette ordonnance alors que de leur côté les bénéficiaires ont eu recours aux services d’un tiers qu’ils ont payé en croyant agir sur la foi d’une entente aujourd’hui niée par l’entrepreneur. À ce sujet, la preuve prépondérante révèle, à mes yeux, qu’il y a effectivement eu entente entre l’entrepreneur et les bénéficiaires comme l’inspecteur l’avait cru.

[62]           Cela étant, l’administrateur ne pouvait pas lorsque le moment était venu pour les bénéficiaires de faire sanctionner cette entente, ordonner à l’entrepreneur de s’y conformer, dès lors que l’entente alléguée n’avait pas été l’objet par l’administrateur d’un constat de règlement au sens du Plan puisque tel n’était pas le sens de la décision du 31 mai.

[63]           Cela dit, le procureur de l’administrateur a raison de soutenir que même l’absence d’une entente n’aurait pas relevé l’entrepreneur de sa responsabilité juridique à l’égard de la correction du problème d’infiltration d’eau. Selon lui, cette absence d’entente ne le dispenserait donc pas, en toute logique, de devoir exécuter les travaux ordonnés dans le premier rapport.

[64]           Avec égards, il y a ici, toutefois, à mon avis une sorte d’impossibilité pratique pour l’entrepreneur d’exécuter les travaux ordonnés puisque d’autres ont été faits depuis par un tiers, travaux faits avec l’accord des bénéficiaires qui s’en sont d’ailleurs dits satisfaits.

[65]           Cela dit, l’article 116 du Plan prévoit que l’arbitre « statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient. »

[66]           La présente situation justifie à mes yeux une intervention en équité. En effet, au départ l’administrateur a constaté la présence d’un vice et ordonné qu’il soit corrigé. Il a eu vent en même temps qu’une entente avait vraisemblablement été conclue en vue d’une autre solution que celle que lui-même ordonnait, solution alternative qu’il avait somme toute approuvée. Par la suite, l’inspecteur de l’administrateur a été appelé à inspecter les travaux faits, suivant cette solution alternative, et il les a jugés acceptables. Le coût de ces travaux a à l’évidence été lui aussi jugé acceptable par l’administrateur puisqu’il a subséquemment ordonné à l’entrepreneur de les payer.

[67]           La situation actuelle s’apparente nettement à celle qui survient lorsque l’entrepreneur ne donne pas suite à une ordonnance de l’administrateur et que ce dernier, comme il se doit de le faire en tant que caution diligente, les fait alors lui-même exécuter par un tiers, à ses propres frais, pour ensuite en réclamer le coût par subrogation à l’entrepreneur.

[68]           C'est en invitant fortement l’administrateur a agir ainsi en l’instance que j’entends, strictement pour une question de droit, accueillir le recours de l’entrepreneur à l’égard du point 1 du rapport du 27 septembre dans la mesure où cette ordonnance comporte effectivement une conclusion distincte de celle posée par l’ordonnance de mai qui, elle, ne concluait pas au paiement d’une somme d’argent mais bien à une exécution en nature.

[69]           En accueillant le recours à ce sujet, je n’entends pas libérer l’entrepreneur de son obligation à l’égard du vice constaté, et qu’il n’a d’ailleurs pas contesté.

[70]           Qu’en est-il du second point en litige, i.e. l’ordonnance de remplacement des fenêtres en place en vue de corriger les infiltrations d’air?

[71]           En l’espèce, l’entrepreneur ne conteste pas qu’il continue d’y avoir infiltration d’air malgré les réparations effectuées par monsieur Roy à la suite du rapport du 31 mai. Rappelons que pour les raisons mentionnées ci-haut, la question de savoir si cette infiltration résultait d’un vice caché au sens du Plan a déjà été décidée de sorte que pour les raisons déjà données cette question n’est pas en litige ici. Ce qui l’est est son correctif.

[72]           Cela dit, outre le fait qu’il prétende qu’il ne s’agit pas d’un vice caché, l’entrepreneur conteste le correctif exigé par l’administrateur. A cet égard, il estime qu’un autre correctif, soit l’ajout d’un second coupe-froid, serait disponible et suffisant.

[73]           Avec égards, la preuve prépondérante révèle que la solution préconisée par l’administrateur est effectivement la plus vraisemblablement satisfaisante en l’espèce. En effet, le témoignage non contredit de l’expert Patenaude révèle que la solution proposée par l’entrepreneur, bien que théoriquement plausible, n’est peut-être même pas disponible, et que si elle l’était, elle ne permettrait vraisemblablement pas non plus de régler de manière définitive le problème d’infiltration, issue à laquelle les bénéficiaires ont droit. En revanche, le remplacement conforme de toutes les fenêtres assurera plus vraisemblablement ce résultat.

 

V

CONCLUSION ET DISPOSITIF

 

[74]           Pour ces raisons, j’accueille partiellement le recours de l’entrepreneur à l’égard du point 1 du rapport relativement à l’infiltration d’eau au niveau des allèges de pierre. Je déclare nulle, sans pour autant libérer l’entrepreneur de son obligation à l’égard de la correction de ce vice caché, la conclusion du rapport du 27 septembre 2004 lui ordonnant de « procéder au remboursement de la facture aux bénéficiaires. »

[75]           Je recommande plutôt à l’administrateur de traiter la réclamation monétaire des bénéficiaires comme s’il s’agissait du coût de travaux exécutés par les soins de l’administrateur en vertu de l’alinéa 18 (7) du Plan. Je lui recommande donc de les payer contre subrogation.

[76]           Je rejette le recours de l’entrepreneur à l’égard du point 3 du rapport lui ordonnant « le remplacement complet de la fenestration, aux élévations principale et latérales gauche et droite ». J’ordonne à l’entrepreneur de procéder sans délai au remplacement des fenêtres en question et, à défaut de l’être par l’entrepreneur, qu’il y soit procédé par l’administrateur en conformité du Plan.

[77]           J’ordonne que le coût du présent arbitrage soit défrayé à parts égales par l’administrateur et l’entrepreneur et ce conformément à l’article 123 du Plan.

 

MONTRÉAL, le 20 janvier 2005

                                                                       

                                                                                                                                               

                                                                        Johanne Despatis, avocate

 

 

 

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