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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
CENTRE CANADIEN
D’ARBITRAGE COMMERCIAL
(CCAC)
Canada
Province de Québec
Dossier no: S09-131001-NP
JORIS BRUN-BERTHET
Demandeur
c.
RÉSEAU VIVA INTERNATIONAL INC.
Défenderesse
et
LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS
NEUFS DE L’APCHQ INC.
Administrateur
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DÉCISION ARBITRALE
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Arbitre : Me Jean Philippe Ewart
Pour le Bénéficiaire: M. Joris Brun-Berthet
Pour l’Entrepreneur: M. Gabriel Gaertner, Président
réseau viva international inc.
Pour l’Administrateur : Me Stéphane Paquette
Mme Joanne Tremblay, Inspecteure
Date de la Décision: 30 août 2011
Identification des Parties
BÉNÉFICIAIRE : JORIS BRUN-BERTHET
3561, rue Dandurand
Montréal (Québec) H1X 1N5
(le « Bénéficiaire »)
ENTREPRENEUR : réseau viva international INC.
1001, boul. Mont-Royal, bureau 103
Montréal (Québec) H2V 2H4
(« l’Entrepreneur »)
ET : LA Garantie des bâtiments
résidentiels neufs de l’APCHQ INC.
5930, boul. Louis-H. Lafontaine
Anjou (Québec) H1M 1S7
(« l’Administrateur »)
Chronologie
2006.01.09 Contrat préliminaire
2006.03.15 Deuxième Contrat préliminaire
2006.05.03 Adhésion de l’Entrepreneur
2008.10.28 Enregistrement du bâtiment
2009.02.16 Demande de remboursement d’acompte (Pièce A-5)
2009.04.16 Avis de 15 jours de l’Administrateur à l’Entrepreneur
2009.09.08 Décision de l’Administrateur
2009.10.13 Notification de la demande d’arbitrage du Centre d’arbitrage
2009.10.16 Nomination de l’Arbitre
2010.11.12 Report de l’appel conférence préparatoire pour non disponibilité des parties
2010.11.17 Avis d’appel conférence préparatoire
2010.12.15 Appel conférence préparatoire.
2011.01.10 Avis d’enquête et audition
2011.01.24 Enquête et audition
2011.01.27 Transmission documentaire du procureur de l’Administrateur.
Mandat et Juridiction
[1] Le Tribunal est saisi du dossier par nomination du soussigné en date du 16 octobre 2009 en conformité du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) (le «Règlement») en conformité de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1) (la « Loi sur le Bâtiment ») suite à une demande d'arbitrage du Bénéficiaire reçue en date du 13 octobre 2009.
[2] Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n'a été soulevée par les parties et juridiction du Tribunal a été alors confirmée.
Litige
[3] Le litige découle d’une décision de l’Administrateur datée du 8 septembre 2009 (dossier no. 152435-1) (la « Décision ») rejetant la réclamation du Bénéficiaire pour remboursement d’acomptes.
[4] Dans les circonstances présentes, l’utilisation du terme Bénéficiaire au texte afin d’identifier M. Brun-Berthet n’emporte pas initialement que celui-ci est un bénéficiaire au sens du Règlement ou couvert par le plan de garantie administré par l’Administrateur (le «Plan»), éléments à être déterminés par le Tribunal dans le cadre des présentes.
Déroulement de l’instance
[5] Les Pièces contenues au Cahier de l’Administrateur et déposées par la suite, dont référence sera faite aux présentes, sont identifiées comme A-, avec sous-numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier visé et numérotées successivement par la suite.
[6] L’Administrateur a également émis un cahier d’autorités.
[7] D’autre part, le Bénéficiaire a déposé les Pièces B-1 à B-9, identifiées en plus de détail lorsque requis aux présentes.
[8] Les Parties ont confirmé leur acceptation respective des Pièces pour fins de véracité et exactitude.
Les Faits pertinents
[9] L’Entrepreneur ou des représentants de celui-ci propose dès 2005 un projet de résidences de villégiature (qui sera connu sous le nom ‘Domaine du lac Clermoutier’) devant être construites sur des terrains par lui acquis et situé dans la municipalité de Chertsey, Québec (le « Projet »).
[10] Un contrat préliminaire (pièce A-1) est signé par le Bénéficiaire et l’Entrepreneur en date du 9 janvier 2006 relativement à une résidence (modèle FBX II) (le « Bâtiment ») sur le lot no 43 pties, 44 pties, Rang 4, Canton Chertsey, circonscription foncière de Terrebonne ainsi qu’une participation indivise dans les parties communes du Projet (défini à ce contrat comme collectivement «l’immeuble»).
[11] Ce contrat préliminaire n’est pas en format du formulaire pré-imprimé de l’Administrateur (copie de tel formulaire pré-imprimé soumis par le procureur de l’Administrateur sous son cahier d’autorités, onglet 6).
[12] La pièce A-1 fait référence à des annexes A, A-1, A-2, B et C non jointes; le Bénéficiaire dépose en pièce B-5 ce qu’il soumet être l’annexe A de ce contrat préliminaire.
[13] Un deuxième contrat préliminaire est signé par le Bénéficiaire et l’Entrepreneur en date du 15 mars 2006 (pièce A-2, sans annexes) pour le même immeuble que visé par le contrat préliminaire Pièce A-1 mais pour un prix légèrement supérieur (sous le même format et texte que A-1, identifiant toutefois le terrain comme no 02-2).
[14] Pour les fins des présentes, le contenu et la ou les date(s) de signature des contrats préliminaires déposés sous pièces A-1 et A-2 permettent pour référence de référer au « Contrat Préliminaire » sans autres distinctions.
[15] Le Bénéficiaire soumet avoir versé ou pourvu à versement de montants pour acomptes, soit 660 euros le 25 avril 2005, CAN$35000 le 23 novembre 2005 et CAN$9716 le 3 avril 2006. La Décision reconnaît (i) versement à l’Entrepreneur de CAN$9716, soulignant toutefois que ce transfert date d’un mois avant l’adhésion de l’Entrepreneur à la Garantie, (ii) indique d’autre part que le Bénéficiaire n’a pas été en mesure de prouver le versement d’un acompte de CAN$35000 à l’Entrepreneur et (iii) fait référence d’autre part à un récépissé pour 660 euros auquel l’Administrateur ne peut alors trouver de pertinence.
[16] La preuve démontre que l’Entrepreneur pourvoit à la signature (en date du 27 avril 2006) d’une convention d’adhésion générale auprès de l’Administrateur qui contresigne en date du 3 mai 2006 (pièce A-11) (la « Convention d’adhésion »).
[17] Une licence d’entrepreneur est émise à l’Entrepreneur le 3 mai 2006 (pièce A-12).
[18] Un contrat de garantie pour bâtiment non détenu en copropriété divise est signé par l’Entrepreneur et le Bénéficiaire (pièce B-9 en liasse) mais non daté (toutefois, postérieur au 23 mai 2006 - date d’approbation dudit formulaire par la Régie du bâtiment du Québec) (le « Contrat de garantie »).
[19] La preuve non contredite indique (pièces B-8 en liasse, B-9 en liasse et remboursement des frais d’enregistrement sous la Décision) que le Bénéficiaire pourvoit en date du 28 octobre 2008 (date pourvue à la Décision) à l’enregistrement auprès de l’Administrateur d’un bâtiment identifié au formulaire d’enregistrement général (pièce B-9) sous lot 67-4, adresse civique 3008, rue du Lac Clermoutier, Chertsey.
[20] L’Entrepreneur avise le Bénéficiaire par lettre en date du 24 novembre 2008 (pièce A-3) qu’il a consenti à remettre le Projet par voie de prise en paiement volontaire à son principal créancier hypothécaire.
[21] Le Bénéficiaire pourvoit à une demande de remboursement d’acompte par formulaire de l’Administrateur datée du 16 février 2009, estampillée pour réception par l’Administrateur le 23 février 2009 (pièce A-5) (une date du 26 mars 2009 apparaissant à la Décision quant à cette demande en référence à la réception à cette date par l’Administrateur d’une copie d’une lettre identifiant les acomptes adressée à l’Entrepreneur (pièce A-6)).
Dispositions législatives applicables
Bénéficiaire et Entrepreneur
[22] Certaines définitions au Règlement auront une utilité au présent dossier entre autre dans le cadre de la détermination d’un Bénéficiaire et d’un Entrepreneur au sens du Règlement, et plus particulièrement :
1. Dans le présent règlement, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
[…]
«bénéficiaire»: une personne physique ou morale, une société, une association, un organisme sans but lucratif ou une coopérative qui conclut avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d'un bâtiment résidentiel neuf et, dans le cas des parties communes d'un bâtiment détenu en copropriété divise, le syndicat de copropriétaires;
[…]
«entrepreneur»: une personne titulaire d'une licence d'entrepreneur général l'autorisant à exécuter ou à faire exécuter, en tout ou en partie, pour un bénéficiaire des travaux de construction d'un bâtiment résidentiel neuf visé par le présent règlement;
[23] Certaines définitions et dispositions de la Loi sur le Bâtiment auront aussi une utilité à cette détermination, et plus particulièrement :
7. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
[…]
«entrepreneur»: une personne qui, pour autrui, exécute ou fait exécuter des travaux de construction ou fait ou présente des soumissions, personnellement ou par personne interposée, dans le but d'exécuter ou de faire exécuter, à son profit de tels travaux;
1985, c. 34, a. 7; 1991, c. 74, a. 6; 2005, c. 10, a. 28; 2010, c. 28, a. 2.
8. Est présumée être un entrepreneur, la personne:
1° qui offre en vente ou en échange un bâtiment ou un ouvrage de génie civil, à moins qu'elle ne prouve que les travaux de construction de ce bâtiment ou ouvrage n'ont pas été exécutés dans un but de vente ou d'échange;
2° qui entreprend de nouveaux travaux de construction moins d'un an à compter de la fin des premiers travaux.
1985, c. 34, a. 8; 1991, c. 74, a. 7.
(nos soulignés)
Détention de licence et Adhésion au Plan
[24] Les dispositions de la Loi sur le Bâtiment prévoient que les fonctions d’entrepreneur recoupent la détention d’une licence dûment en vigueur et requièrent, dans un parcours d’accréditation tautologique, une accréditation à un plan de garantie:
46. Nul ne peut exercer les fonctions d'entrepreneur de construction, en prendre le titre, ni donner lieu de croire qu'il est entrepreneur de construction, s'il n'est titulaire d'une licence en vigueur à cette fin.
[…]
1985, c. 34, a. 46; 1991, c. 74, a. 27; 1997, c. 43, a. 875; 1998, c. 46, a. 15
60. Une licence est délivrée à une société ou personne morale qui satisfait aux conditions suivantes:
[…]
4° elle a adhéré, le cas échéant, conformément aux articles 77 et 78, à un plan de garantie;
1985, c. 34, a. 60; 1986, c. 95, a. 356; 1990, c. 4, a. 96; 1991, c. 74, a. 32, a. 169; 1992, c. 61, a. 78; 1993, c. 61, a. 67; 1996, c. 74, a. 3; 1998, c. 46, a. 21; 2009, c. 57, a. 2
et en conformité du Règlement :
78. Pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d'accréditation, une personne doit:
[…]
3° signer la convention d'adhésion fournie par l'administrateur et comportant les engagements énumérés à l'annexe II.
[…]
8° déclarer l'ensemble de ses engagements envers des tiers et des compagnies affiliées ou autres tels l'hypothèque légale et le cautionnement envers des tiers;
[…]
11° produire une attestation suivant laquelle elle a demandé une licence d'entrepreneur auprès de la Régie;
[25] La couverture du Plan dans le cas sous étude pour le remboursement d’acompte est prévue au Règlement et se lit, plus particulièrement pour les bâtiments non détenus en copropriété divise:
9. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception du bâtiment doit couvrir:
1° dans le cas d'un contrat de vente:
a) soit les acomptes versés par le bénéficiaire;
[…]
2° dans le cas d'un contrat d'entreprise:
a) soit les acomptes versés par le bénéficiaire à la condition qu'il n'y ait pas d'enrichissement injustifié de ce dernier
[…]
et en ce qui a trait à la limite applicable de la garantie :
13. La garantie d'un plan relative à une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée est limitée par adresse aux montants suivants:
1° pour les acomptes, 30 000 $; (39 000 $ pour les travaux de construction débutant à compter du 7 août 2006).
[26] Tenant compte de la chronologie dans ce dossier, Il est aussi requis de se référer aux dispositions transitoires qui s’appliquent dans les circonstances dans le cadre du Règlement modifiant le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1] (« Règlement modifiant le Règlement »):
30. Le présent règlement entre en vigueur le cent quatre-vingtième jour qui suit la date de sa publication à la Gazette officielle du Québec.
Il s’applique aux bâtiments dont le contrat préliminaire ou le contrat d’entreprise est signé entre un bénéficiaire et un entrepreneur accrédité et dont les travaux de construction débutent à compter de cette date.
Toutefois, les dispositions des articles … sont applicables dans un délai de 15 jours après cette publication en ce qui a trait aux contrats de garantie en cours à cette date.
[27] Il sera requis d’identifier une date de début des travaux de construction, s’il en est, ou l’absence de travaux, et le Tribunal note l’énumération d’éléments de travaux de construction à la Loi sur le Bâtiment :
9. Pour l'application de la présente loi, sont assimilés à des travaux de construction les travaux de fondation, d'érection, de rénovation, de réparation, d'entretien, de modification ou de démolition.
1985, c. 34, a. 9.
Prétentions et Plaidoiries
Le Bénéficiaire
[28] Le Bénéficiaire affirme avoir versé les montants d’acompte décrits (ou pourvu à versement) à l’Entrepreneur ou ses représentants autorisés.
[29] Le Bénéficiaire soumet qu’il a pourvu lui-même à l’enregistrement de l’Immeuble auprès de l’Administrateur en octobre 2008, qu’il a payé les frais demandés par l’Administrateur pour ce faire, que l’Administrateur avait alors en main le Contrat Préliminaire, avait copie du Contrat de garantie et en connaissait la date de signature et que d’ailleurs ces documents sont requis sous le formulaire d’enregistrement pour ce faire.
[30] De plus, le Bénéficiaire souligne que l’Administrateur était au fait dès avril 2006 des détails du Projet, et à tout le moins que 22 ‘clients’ avaient ‘réservé et prêts à signer une offre d’achat’, appuyé par le témoignage de M. Gaertner, président alors de l’Entrepreneur et la correspondance adressée à l’Administrateur telle la pièce A-13 en liasse du 27 avril 2006.
L’Administrateur
[31] Le procureur de l’Administrateur soumet que le Bénéficiaire n’a pas prouvé le versement de son acompte de 35 000$ à l’Entrepreneur et que le versement de l’acompte de 9 716$, quoique reçu par l’Entrepreneur, le fut un mois précédant l’adhésion de l’Entrepreneur au Plan et donc de son accréditation. Quant au montant de 600€ allégué par le Bénéficiaire, l’Administrateur ne trouve pas de pertinence à la preuve afin de rattacher ce montant aux réclamations du Bénéficiaire en conformité du Règlement.
[32] Le procureur de l’Administrateur soumet que les versements d’acompte, s’il en est, et que la signature du Contrat Préliminaire sont survenus antérieurement à l’adhésion de l’Entrepreneur auprès de l’Administrateur.
[33] L’Administrateur plaide qu’il est essentiel que le Contrat Préliminaire soit signé avec un entrepreneur alors accrédité et le fait que l’Entrepreneur n’était alors pas un entrepreneur au sens du Règlement est fatal à la possibilité de réclamation d’acompte aux présentes.
[34] D’autre part, n’ayant alors pas « … conclut avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d'un bâtiment résidentiel neuf » tel que pourvu à la définition de bénéficiaire (art. 1 du Règlement), le Bénéficiaire n’est pas un bénéficiaire au sens du Règlement et ne peut bénéficier de celui-ci.
[35] Subsidiairement, le procureur de l’Administrateur présente plusieurs décisions arbitrales rendues en 2009 dans le contexte de ce Projet - qui analysent les dispositions transitoires du Règlement applicables à des modifications à l’article 13 du règlement en 2006 et modifiaient le montant maximum de couverture du remboursement d’acompte (de $30 000 à $39 000) qui y est prévu - et soumet qu’il est requis pour bénéficier de cette modification que le contrat préliminaire soit signé après le 7 août 2006, ce qui n’est pas le cas aux présentes.
L’Entrepreneur
[36] L’Entrepreneur sous témoignage de M. Gabriel Gaertner soumet certains éléments factuels mais n’a pas soumis de prétentions quelconques.
Questions sous étude
[37] Est-il requis pour bénéficier de la couverture du Plan pour remboursement d’acompte que le(s) versement(s) soit(ent) effectué(s) à un entrepreneur alors dûment accrédité?
[38] Dans les circonstances de ce dossier, le fait que le Bénéficiaire ait intervenu à un contrat préliminaire alors que l’Entrepreneur n’était pas accrédité ou détenteur d’une licence appropriée en conformité de la Loi sur le Bâtiment et du Règlement a-t-il comme conséquence que le Bénéficiaire n’est pas un bénéficiaire au sens du Règlement ou ne le devient pas par la suite, et ne peut donc bénéficier de la couverture du Plan.
[39] Si une couverture du Plan est applicable, quel est le montant maximum de remboursement d’acompte dans les circonstances de ce dossier.
Le Règlement
[40] Le Tribunal s’appuie pour les présentes que le Règlement est d’ordre public et prévoit que toute disposition d’un plan de garantie ou d’un contrat préliminaire qui est inconciliable avec le Règlement est nulle[2].
Versements d’acompte
[41] La preuve documentaire déposée par le Bénéficiaire identifie un ordre de transfert de 35 000$C au Crédit Suisse VERBIER, bénéficiaire Andrew Guinnard (pièce B-4) avec indication de motif de l’opération comme «chalet no 02-2 Clermoutier, Canada».
[42] Un extrait de compte en date du 31 décembre 2005 du Crédit Suisse au compte identifié à ‘Andrew Roy Guinnard, Agence Guinnard, Réseau Viva’ (pièce B-1) indique réception le 25 novembre 2005 de 34 985$C et un peu moins d’un mois plus tard un ordre de bonification le 20 décembre 2005 à Réseau Viva International inc. Montréal pour un montant de 30 913.33 $C.
[43] La preuve testimoniale n’a pas infirmé ces éléments, au contraire. La preuve non contredite indique d’autre part que M. Guinnard est actionnaire de l’Entrepreneur et que certaines dépenses du Projet étaient encourues et payées en Europe.
[44] Par correspondance en date du 10 janvier 2006 (pièce B-6) et confirmé par M. Gaertner, qui emporte admission, l’Entrepreneur confirme au Bénéficiaire avoir reçu dépôts de 35 000$CDN et de 660€ et que ces deux montants seront déduits du prix d’achat du Bénéficiaire.
[45] Le Tribunal considère donc qu’un montant de 44 716$ et un montant équivalent à 660€ ont été versés à l’Entrepreneur à titre d’acompte par le Bénéficiaire pour les fins de l’acquisition de l’Immeuble.
Qualité des Parties et Détermination
[46] Le fait que le Bénéficiaire ait intervenu à un contrat préliminaire alors que l’Entrepreneur n’était pas accrédité a-t-il comme conséquence que le Bénéficiaire n’est pas un bénéficiaire au sens du Règlement?
[47] Est-il requis pour remboursement d’acompte au Règlement que seuls des versements effectués à un entrepreneur alors dûment accrédité soient considérés?
[48] Et par conséquence, le Bénéficiaire a-t-il l’obligation de vérifier et confirmer au préalable de signer un contrat préliminaire si la partie entrepreneur est autorisée à ce titre en conformité de la Loi sur le Bâtiment et, afin de bénéficier du Plan, de vérifier et confirmer si cette partie entrepreneur est accréditée au sens du Règlement?
[49] Le Tribunal ne peut souscrire à la position avancée par le procureur de l’Administrateur que le fait que l’Entrepreneur n’était alors pas un entrepreneur accrédité au sens du Règlement est fatal à la possibilité de réclamation d’acompte aux présentes.
[50] Certaines de ces questions sont adressées par des décisions arbitrales sous l’empire du Règlement, par exemple dans l’affaire récente en 2010 de Desgagnés c. Moncel[3] où, bien que le tribunal indique qu’il ne lui est pas nécessaire d’examiner les effets qu’aurait eus l’encaissement d’un acompte en application d’un contrat de garantie qui aurait été signé sans un contrat de construction valablement formé, le tribunal ordonne le remboursement considérant novation par substitution d’un entrepreneur débiteur (ce premier entrepreneur n’était pas accrédité lors de la signature du contrat préliminaire) et donc reconnaissant qu’un contrat préliminaire signé dans ces circonstances n’est pas entaché d’une nullité ab initio pour les fins du Règlement, considération auquel le Tribunal souscrit pour les fins des présentes.
[51] Dans l’affaire Agudelo c. Verre Azur inc. , en 2007, où un entrepreneur dont l’adhésion est suspendue par l’administrateur mais qui signe un contrat préliminaire et accepte un acompte alors qu’il n’y est pas autorisé au sens du Règlement, et quoique le Tribunal n’endosse pas tous les motifs et conclusions de l’arbitre, il en note la portée dans des circonstances où c’est a posteriori que l’administrateur est tenu responsable :
« [28] À notre avis, à moins de fraude, négligence grossière ou aveuglement volontaire de la part d’un bénéficiaire, la réponse qui s’impose [ndlr : para 27 : …quelle partie est la mieux placée, le bénéficiaire ou l’administrateur, pour prévenir et, le cas échéant, assumer cette perte?] est que l’Administrateur est le mieux placé pour gérer, conformément à l’esprit de la protection du consommateur du Règlement, le risque, les conséquences et les pertes d’argent liés au comportement fautif et délinquant de son ancien membre. »[4]
alors que dans le présent dossier, l’Administrateur permet l’adhésion nonobstant des faits antérieurs - dont il désire maintenant être exempté, (dont, selon le Tribunal, il a ou aurait dû avoir connaissance ou s’en être informé, tel que nous le verrons ci-dessous) et de plus accepte l’enregistrement de l’Immeuble par la suite.
[52] D’autre part, l’Administrateur pourvoit à la signature d’une Convention d’adhésion subséquente, circonstances où on note entre autres que :
[52.1] L’Annexe II du Règlement, qui comporte les engagements de l’Entrepreneur pour les fins de son adhésion au Plan prévoit spécifiquement que :
L'entrepreneur s'engage:
[…]
8° à dénoncer à l'administrateur, sur la formule fournie par celui-ci, dès que versés, tous et chacun des acomptes qui lui sont remis relativement à l'achat de tout bâtiment visé;
et donc que l’Administrateur diligent lors d’une adhésion pourvoit à une vérification des engagements de l’Entrepreneur, surtout alors que dans les circonstances présentes l’Administrateur est informé des tenants et aboutissants du Projet; et
[52.2] Le contrat de cautionnement (pièce A-11 en liasse) prévu dans le cadre des procédures d’adhésion, tel que joint à la Convention d’adhésion, requiert de Mme Dupré, caution de l’Entrepreneur, de se « PORTER DÉBITEUR SOLIDAIRE DE TOUTE OBLIGATION ÉCHUE OU À ÉCHOIR AUDIT ENTREPRENEUR » [en majuscules dans le formulaire pré imprimé de l’Administrateur] et demeure une indication pour le Tribunal de l’intention de l’Administrateur, lui-même caution des obligations de l’Entrepreneur tel que (et dans la mesure) prévu au Règlement, de couvrir les obligations existantes, échues ou à échoir, de l’Entrepreneur.
[53] D’autre part, un contrat de garantie est signé entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur, et quoique non daté, il est postérieur au 23 mai 2006 et alors que l’Entrepreneur est accrédité.
[54] Finalement, la preuve démontre que le Bénéficiaire pourvoit, sous le ‘formulaire d’enregistrement général’ de l’Administrateur, à l’enregistrement du type de Bâtiment et de l’Immeuble (pièce B-9) et l’acceptant, et percevant les frais, l’Administrateur selon le Tribunal agrée et ratifie clairement son acceptation pour les fins du Plan et du Règlement de l’ensemble des faits relatifs à l’Immeuble dans le contexte du Projet et du rôle de l’Entrepreneur à celui-ci, et donc des obligations en découlant.
Limite de remboursement d’acompte
[55] La preuve nous indique qu’il n’y a pas de travaux de construction[5] débutés au 7 août 2006. Toutefois, afin de bénéficier de la modification du montant maximal à 39 000$ sous l’article 13 du Règlement, qu’en est-il du contrat préliminaire?
[56] Notre collègue Me Johanne Despatis dans diverses décisions arbitrales[6] visant le même Projet analyse la disposition transitoire sous l’article 30 du Règlement modifiant le Règlement (applicable à la modification de l’article 13 du Règlement[7] qui prévoit la modification de la limite de 30 000$ à 39 000$) et plus particulièrement le second paragraphe :
« Il s’applique aux bâtiments dont le contrat préliminaire ou le contrat d’entreprise est signé entre un bénéficiaire et un entrepreneur accrédité et dont les travaux de construction débutent à compter de cette date. »
et en vient à la conclusion qu’il est nécessaire, pour bénéficier de la limite de 39 000$, que le contrat préliminaire ait été conclu le ou après le 7 août 2006 :
« [48] Avec égards, le second paragraphe de l’article 30 est clair et ne prête pas à interprétation. L’expression à compter de cette date situe précisément dans le temps le moment à partir duquel deux conditions sont susceptibles d’être réunies : (1) des travaux de construction débutés; (2) selon un contrat qui est nouvellement signé avec un entrepreneur accrédité. »[8]
[57] Le texte de cet article 30 est semblable à celui de l’article 143 du Règlement :
143. Seuls les bâtiments dont le contrat préliminaire ou le contrat d'entreprise est signé entre un bénéficiaire et un entrepreneur accrédité et dont les travaux de construction débutent à compter de la date de l'entrée en vigueur du présent article sont couverts par la garantie.
D. 841-98, a. 143
qui prévoyait une date d’entrée en vigueur au 1er janvier 1999 et sur lequel les auteurs Doyon et Crochetière commentent :
« Il convient de souligner ici que les deux conditions énoncées par l’autorité réglementante sont concurrentes et concomitantes. En effet, seuls les bâtiments au regard desquels a été signé un contrat préliminaire ou un contrat d’entreprise, le cas échéant, entre un bénéficiaire et un entrepreneur général accrédité et dont les travaux de construction ont débuté le ou après le 1er janvier 1999 sont couverts par la garantie. En conséquence, dès que l’un ou l’autre de ces deux événements est survenu avant le 1er janvier 1999, il excluait ainsi le bâtiment concerné de la garantie réglementaire. »[9]
[58] Quoique le texte de l’article 30 peut sembler ambigu, le Tribunal se range à la jurisprudence et doctrine sur le sujet qui requiert que (i) le contrat et (ii) le début des travaux soient postérieurs au 7 août 2006 pour que la limite de 39 000$ soit applicable et fixe le montant maximum du remboursement d’acompte dans les circonstances particulières de ce dossier à 30 000$ en conformité des dispositions du Règlement applicables avant le 7 août 2006.
Conclusions
[59] Considérant que l’Administrateur a accepté l’adhésion de l’Entrepreneur, dans les circonstances décrites, qu’un contrat préliminaire a été signé et que l’identité et informations pertinentes au Bénéficiaire et à l’Immeuble ont été pourvues à l’Administrateur, que l’Immeuble est dans le cadre du Projet qui fut aussi spécifiquement porté à l’attention de l’Administrateur lors de l’adhésion, qu’un contrat de garantie a été signé entre l’Entrepreneur et le Bénéficiaire et qu’il a été transmis à l’Administrateur, et que l’Administrateur a accepté que l’Immeuble soit enregistré pour les fins du Plan et a encaissé les frais y afférents, a conséquemment agréé et ratifié clairement son acceptation pour les fins du Plan et du Règlement de l’ensemble des faits relatifs à l’Immeuble dans le contexte du Projet et du rôle de l’Entrepreneur à celui-ci, et donc des obligations en découlant;
[60] Considérant que le montant maximum pour remboursement d’acompte prévu au Règlement dans les circonstances est de 30 000$, que l’Administrateur reconnait à la Décision que l’Entrepreneur n’est plus en mesure d’honorer ses engagements souscrits, et qu’aucun autre élément à cette réclamation n’a été présenté au Tribunal; et
[61] Considérant les dispositions de l’article 123 du Règlement quant aux coûts d’arbitrage.
POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[62] ACCUEILLE en partie la demande du Bénéficiaire.
[63] ORDONNE que l’Administrateur sans autre avis ou délai rembourse un montant de trente mille dollars (30 000$) au Bénéficiaire.
[64] ORDONNE que l’Administrateur assume les coûts du présent arbitrage.
DATE: 30 Août 2011
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Me Jean Philippe Ewart
Arbitre
[1] Décret 39-2006, Gazette Officielle du Québec II, 994.
[2] Article 5 du Règlement, (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) D.841-98, a.5.
[3] Desgagnés c. Moncel Développement inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., CCAC : S10-300802-NP, Me J. Dallaire, arbitre, 15 octobre 2010.
[4] Agudelo c. Verre Azur inc. et La Garantie Habitation du Québec inc. GAMM 2007-12-003, Me J. Edwards, arbitre, 19 septembre 2007, para 28.
[5] VOIR l’article 9 de la Loi sur le Bâtiment et entre autre Les Jardins du Parc Jarry - Phase IIIB c. Samcon inc. et APCHQ, Me M. Jeanniot, arbitre, no dossier SORECONI : 080303001, 11 juin 2009 et plus particulièrement :
[24] À même la jurisprudence qui m’est accessible, je comprends que pour qu’il y ait des travaux de construction, trois facteurs doivent être présents :
[24.1] Il doit s’agir de travaux de fondation, d’érection, d’entretien, de rénovation, de réparation, de modification ou de démolition;
[24.2] Ces travaux doivent se rapporter à un bâtiment ou à un ouvrage de génie civil; et,
[24.3] Ces travaux doivent être exécutés sur les lieux même du chantier ou à pied d’œuvre.
[6] Mekki c. Réseau Viva International inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.; Me J. Despatis, arbitre, GAMM 2009-09-009, en date du 2009.09.28.
Rania-Richer c. Réseau Viva International inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc; Me J. Despatis, arbitre, GAMM 2009-12-005, en date du 2009.09.28.
Pinard-Lachapelle c. Réseau Viva International inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.; Me J. Despatis, arbitre, GAMM 2009-12-007, en date du 2009.09.28.
Eulry c. Réseau Viva International inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.; Me J. Despatis, arbitre, GAMM 2009-12-012, en date du 2009.09.28.
Belina-Brzozowska c. Réseau Viva International inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.; Me J. Despatis, arbitre, GAMM 2009-12-009, en date du 2009.10.01.
[7] Article 3 du Règlement modifiant le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, Op.cit. note 1.
[8] Op. cit. Mekki c. Réseau Viva International inc., para 48.
[9] Crochetière S. et Doyon G., Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté, 1999, Les éditions Yvon Blais inc., page 216.