ARBITRAGE
RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Chapitre B-1.1, r. 8)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec:
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
No : S19-011801-NP
Madame Mei Hong Yu
Monsieur Chiu Yuen Hung
Bénéficiaires
c.
Groupe Pentian Developpements Inc./
Condos 2050
Entrepreneur
Et :
Garantie Construction Résidentielle
Administrateur
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Roland-Yves Gagné
Pour les Bénéficiaires : Madame Mei Hong (Jenny) Yu
Madame Christina Yu
Monsieur Chang Rong Yu
Monsieur Nicola Totaro
Monsieur Nicolas Bel
Pour l’Entrepreneur : Madame Najwa Kerbaj
Monsieur Charles Valenti
Pour l’Administrateur : Me Pierre-Marc Boyer
Monsieur Normand Pitre
Dates de l’audience : 26 et 27 novembre 2019
Date de la décision : 7 janvier 2020
Description des parties
Bénéficiaires :
Madame Mei Hong Yu
Monsieur Chiu Yuen Hung
[...], Montréal, Qc. [...]
Entrepreneur :
Groupe Pentian Développements Inc.
a/s Madame Najwa Kerbaj
1650 rue Cunard, Laval, Qc. H7S 2B2
Administrateur :
Garantie Construction Résidentielle
a/s Me Pierre-Marc Boyer
7171 Jean Talon Est, bureau 200, Montréal, Qc. H1M 3N2
PIÈCES
L’Administrateur a produit les pièces suivantes :
Documents contractuels
A-1 : Contrat de garantie signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 10 juin 2017;
A-2 : Contrat préliminaire signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 12 juin 2017;
A-2A : précision (première page agrandie);
A-3 : Déclaration de copropriété datée du 6 novembre 2017;
A-4 : Formulaire d’inspection préréception signé par les Bénéficiaires le 25 janvier 2018 et par l’Entrepreneur le 7 février 2018;
A-5 : Contrat de vente signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 29 janvier 2018 [note du soussigné - le contrat de vente est daté du 29 janvier 2018, signé par les Bénéficiaires le 25 janvier];
Dénonciation
A-6 : Formulaire de dénonciation à l’Entrepreneur [note du soussigné - sur le formulaire de la GCR] daté du 20 juillet 2018;
A-7 : Formulaire de réclamation signé par les Bénéficiaires le 27 août 2018;
A-8 : En liasse, le courriel de l’avis de 15 jours transmis par l’Administrateur à l’Entrepreneur le 13 septembre 2018, auquel sont joints des courriels de dénonciation émis par les Bénéficiaires à l’Entrepreneur datés du 20 juillet 2018 et du 6(2) septembre 2018, auxquels sont joints le formulaire de dénonciation à l’Entrepreneur déjà soumis en A-6, les preuves des frais engagés dus aux trois retards de livraison, la feuille de route et la déclaration de copropriété déjà soumise en A-3, ainsi que l’accusé de remise par courriel à l’Entrepreneur daté du 13 septembre 2018;
Correspondance
A-9 : Échange de courriels entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur [note du soussigné - avec l’Administrateur en c.c.] datés du 20(4) juillet 2018;
A-10 : Lettre émise par l’Entrepreneur aux Bénéficiaires datée du 7 août 2018;
A-11 : Échange de courriels entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires datés du 6(2) septembre 2018;
A-12 : Échange de courriels entre les Bénéficiaires, l’Entrepreneur et l’Administrateur datés des 14 (3), 15 (2) et 20 septembre 2018;
A-13 : Courriel émis par les Bénéficiaires à l’Administrateur le 18 novembre 2018;
A-14 : Échange de courriels entre l’Administrateur et l’Entrepreneur datés des 7 (2), 10 et 11 décembre 2018, auxquels sont joints deux lettres de l’Entrepreneur aux Bénéficiaires datées du 30 août 2017 et du 15 septembre 2017, un échange de courriels entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur datés du 31 août 2017 et du 25 octobre 2017, un courriel émis par l’Entrepreneur aux Bénéficiaires le 6 décembre 2017 et en liasse, un échange de courriels entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires datées des 16(4), 18(4), 19 (9), 20 décembre 2017 et du 11 (2) janvier 2018, auxquels sont joints une proposition de modification du contrat préliminaire datée du 22 novembre 2017 [note du soussigné - cette proposition est communiquée le 6 décembre 2017], le plan de la résidence commenté, une feuille de route déjà soumise en A-8, et une feuille de choix;
Autre(s) document(s) pertinent(s)
A-15 : L’état de renseignements d’une personne morale au Registre des entreprises du Québec de Groupe Pentian Développements inc. daté du 8 février 2018;
Décision(s) et demande d’arbitrage
A-16 : En liasse, la décision de l’Administrateur datée du 19 décembre 2018, ainsi que l’accusé de réception de Postes Canada des Bénéficiaires daté du 21 décembre 2018;
A-17 : Le courriel de la notification de l’organisme d’arbitrage daté du 25 janvier 2019 auquel sont jointes la lettre de notification, la demande d’arbitrage et la décision de l’Administrateur datée du 19 décembre 2018 déjà soumise en A-16;
A-18 : Curriculum vitae de Monsieur Normand Pitre.
Les Bénéficiaires ont produit les pièces suivantes :
B-1 : Courriel du 23 septembre 2018 (cité dans la présente décision arbitrale comme -« Demande d’arbitrage ») avec, en p.j., les pièces citées ci-après B-1A à B-8;
B-1A : Armoires de Cuisine Le Groupe Bois d’Or Inc - Client Mei Hong Yu - Feuille de choix, 4 Septembre 2017;
B-1 B : Armoires de cuisine - client Pentian - mesuré le 7 décembre 2016;
B-2 A : SMS du 25 janvier 2018 de Jean;
B-2 B : SMS de janvier 2018 de Jean;
B-3 A : SMS de Nicolas 3, 4 et 5 octobre 2017;
B-3 B : SMS du 5 octobre 2017 de ?;
B-4 A : Courriel de Nicolas Bel du 6 octobre 2017;
B-4 B : Invitation à signer la feuille de route, courriel de Nicolas Bel du 13 octobre 2017;
B-5 : Courriel de Jenny Yu du 25 octobre 2017;
B-6 : Courriel de Jenny Yu du 6 décembre 2017;
B-7 : Courriel de Jenny Yu du 6 décembre 2017;
B-8 : Courriel de l’Entrepreneur du 4 avril 2019;
B-9 : SMS de Jean du 25 janvier 2018 (envoyé par la Bénéficiaire par courriel du 29 septembre 2019);
B-10 : SMS du 27 janvier 2018 (envoyé par la Bénéficiaire par courriel du 29 septembre 2019);
B-11 : Photos du déménagement en liasse (envoyées par la Bénéficiaire par courriel le 17 octobre 2019);
B-12 : Cote vacante;
B-13 : Courriel de Nicolas Bel du 24 novembre 2019;
B-14 : Photo prise avec Pentian en arrière fond avec un subpoena (note du soussigné : non mentionnée à l’audience, elle n’est pas discutée dans la décision non plus);
B-15 : Plan daté du 2 novembre 2017;
B-16 : Plan daté de décembre 2016 (aussi partie de A-14);
B-17 : Plan B-16 surligné en jaune;
B-18 : Plan B-16 surligné en orange;
B-19 : Extrait feuille de route - annotation Nicolas Bel - Point 12;
B-20 : Courriel de Charles Valenti du 11 décembre 2017;
B-21 : Bail signé le 12 août 2017;
B-22 : Bail signé le 8 novembre 2017.
L’Entrepreneur a produit les pièces suivantes :
E-1 : En liasse, documents envoyés le 23 octobre 2019 (pdf de 11 pages) - dont le courriel est cité dans la présente décision arbitrale comme « Position de l’Entrepreneur »;
E-2 : Courriel de la Bénéficiaire du 24 août 2017;
E-3 : Courriel de Charles Valenti 16 janvier 2018;
E-4 : Courriel de Charles Valenti 11 janvier 2018;
E-5 : Courriel de Charles Valenti 19 décembre 2017;
E-6 : Courriel de Nicolas Bel du 7 septembre 2017;
E-7 : Courriel de Jenny Yu 27 juin 2017.
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 6
DÉCISION 7
Point 12 Prises électriques GFI (2) 7
Point 23 Vanité et armoires de la salle de bain 7
Point 27 - Éraflures dans la salle de bain 11
Point 28 - Latte abimée dans l’escalier 11
Point 47 - Retard 16
Introduction 16
Chronologie 19
Commentaires sur le premier délai du 18 octobre (date au contrat préliminaire) au 30 novembre 2017 (date sur la lettre du 30 août) 21
Suite de la chronologie 21
Conclusions quant au retard 25
Mise en production de six semaines c. un engagement à cinq semaines et demi 25
Contrat entre le cuisiniste et l’Entrepreneur et non, entre le cuisiniste et les Bénéficiaires 28
Défaut soulevé seulement le 6 décembre pour une facture du 22 novembre pour des extras du cuisiniste alors que l’immeuble n’est toujours pas électrifié 28
Le bâtiment n’était pas prêt à être livré le 30 novembre, le manquement n’est pas les armoires mais le branchement hydro-électrique 30
Commentaires supplémentaires 30
Quantum de dommages 32
Lien de causalité 34
FRAIS 35
CONCLUSION 35
Autorités citées 36
ANNEXE 39
[1] Le Tribunal d’arbitrage est saisi d’une demande d’arbitrage reçue par l’organisme d’arbitrage CCAC le 18 janvier 2019 et par la nomination du soussigné comme arbitre le 31 janvier 2019.
[2] La demande d’arbitrage a été produite en conformité avec l’article 35 du Règlement sur le plan de garanties des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement »).
[3] La Cour supérieure a confirmé dans 9264-3212 Québec Inc. c. Moseka[1] que l’arbitrage est un procès « de novo », au cours duquel les Bénéficiaires et l’Entrepreneur peuvent apporter toute preuve nouvelle :
[20] […] L’arbitre peut entendre des témoins, recevoir des expertises et procéder à l’inspection des biens ou à la visite des lieux
[…] [24] Le Tribunal rappelle que l’arbitre ne siège pas en appel ou en révision de la décision du Conciliateur. Il ne procède pas non plus à décider en se basant uniquement sur le dossier transmis. […]
[4] La Cour d’appel écrit dans Boiler Inspection and Insurance Company of Canada c. Moody Industries Inc.[2] :
B. Fardeau de preuve
[57] La première juge a attentivement examiné les divers éléments de preuve, à la fois de nature profane et technique, pour déterminer où se situe la vérité. Cette vérité demeure relative plutôt qu'absolue, sans avoir à atteindre un niveau de certitude, puisque s'applique la norme de la prépondérance de preuve fondée sur la probabilité (art. 2804 C.c.Q.), soit celle qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence, laquelle excède la simple possibilité.
« Lorsque la preuve offerte de part et d'autre est contradictoire, le juge ne doit pas s'empresser de faire succomber celui sur qui reposait la charge de la preuve mais il doit chercher d'abord à découvrir où se situe la vérité en passant au crible tous les éléments de conviction qui lui ont été fournis et c'est seulement lorsque cet examen s'avère infructueux qu'il doit décider en fonction de la charge de la preuve. »[1][3]
[5] Ce point a été réglé hors cour à l’audience, à la satisfaction des parties.
[6] Décision de l’Administrateur :
La bénéficiaire mentionne qu’une erreur est survenue dans la composition des armoires de la salle de bain, l’espace situé à côté du lavabo étant maintenant trop petit.
Lors de notre visite, nous avons constaté la dimension du comptoir et de l’armoire.
Toutefois, la dimension des cabinets nous est apparue conforme aux dessins d’atelier.
[7] Demande d’arbitrage :
Mon plan ne correspond pas le plan qu’entrepreneur a fourni à l’administrateur -Jamais demandé, ni dans le contrat préliminaire, ni payer. -Armoire jusqu’au fond a été pour la salle de bain principale, non pas pour la salle de bain de maitre. […]
[8] Position de l’Entrepreneur :
Vous trouverez dans les pièces le contrat et le plan du cuisiniste (qui fabrique également les vanités) signés par les clients qui démontrent que la vanité a été fabriquée selon le plan.
[9] Le Tribunal d’arbitrage a bien entendu la réclamation de la Bénéficiaire à l’effet qu’étant située à droite,
[9.1] la lingerie située n’est pas pratique pour un droitier,
[9.2] elle cache la lumière,
et qu’elle ne l’a jamais demandé et qu’elle ne l’a jamais payée.
[10] Le Tribunal d’arbitrage doit toutefois trancher les réclamations sur la base du Règlement, car son recours est contre l’Administrateur du plan de garantie qui cautionne les obligations de l’Entrepreneur.
[11] La Cour d’appel dans l’arrêt Desindes[4] a jugé que :
[13] [….] cette obligation de caution n’est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle variera selon les circonstances factuelles […]
[12] Chaque cas est un cas d’espèce et ce qui suit est exclusivement basé sur la preuve au dossier et écrit avec égards.
[13] Le 19 décembre 2017, la Bénéficiaire envoie le courriel suivant à l’Entrepreneur (ce courriel suit sur la même page, le courriel de l’Entrepreneur à la même date, pièce E-5) :
[…] Donc à condition que vous avez nous forcé le paiement sans raison, nous décidons de prendre les armoires en mélanine standard (Mélamine Gr : -3 H54 Orme Brossée) sans jusqu’au plafond. Veuillez nous rembourser le prix qu’on a payé $3500 pour le thermoplastic et $2000 jusqu’au plafond
[14] Toutefois, le 20 décembre 2017 avec le cuisiniste (fabriquant d’armoires), la Bénéficiaire a signé le document pour obtenir sa lingerie qu’elle a effectivement obtenue;
[14.1] à cet égard, l’armoire de la salle de bain des maîtres sur le plan joint au document signé du 20 décembre 2017 (39 pouces, pièce E-1 en liasse, reproduite dans la décision) est clairement différente de celle du premier plan « mesures du 7 décembre 2016 » (43 pouces, pièce B-1B);
[14.1.1] contrairement au premier plan, celui du 20 décembre 2017 a une inscription très claire, « fermer au plafond », et cette lingerie est clairement située à droite sur le plan;
[14.2] à l’audience, le cuisiniste affirme :
[14.2.1] avoir expliqué personnellement à la Bénéficiaire ce plan, les modules, la couleur;
[14.2.2] ne pas avoir demandé à la Bénéficiaire de signer le plan lui-même car « ce n’était pas nécessaire car c’était clair » et qu’elle a signé la « feuille de choix » à laquelle le plan est joint;
[14.2.3] qu’il n’a pas demandé de paiement extras le 20 décembre 2017 « car il n’avait pas de raison d’en demander »;
[14.2.4] que la Bénéficiaire a bien demandé des armoires jusqu’au plafond, ce qu’elle nie à l’audience;
14.2.4.1. le Tribunal d’arbitrage considère non concluant, les témoignages de la Bénéficiaire et de sa fille à l’effet que le cuisiniste aurait dit lors d’une rencontre en décembre 2018 (1 an plus tard) avoir fait un « cadeau » à la Bénéficiaire concernant cette armoire qui va au plafond en réponse à un commentaire de la Bénéficiaire, il est autant probable que le cuisiniste ait voulu éviter une confrontation en acquiesçant aux propos de la Bénéficiaire (le cuisiniste n’a aucun souvenir d’avoir dit cela).
[15] Un coup installée, la Bénéficiaire considère que sa lingerie, qu’elle affirme à l’audience n’avoir jamais demandée et pas payée, placée à droite, n’est pas pratique pour un droitier, et cache la lumière, lingerie qui apparaît pourtant bien sur le plan annexé au document qu’elle a signé le 20 décembre 2017.
[16] Le Tribunal d’arbitrage a pris bonne note du témoignage et de la plaidoirie de la Bénéficiaire d’avoir pu signer par erreur le document décrivant les obligations contractuelles de l’Entrepreneur auquel est annexé le plan d’armoires, toutefois, il y a absence de preuve concluante pour de fausses représentations ou mauvaise foi de la part du cuisiniste sous-traitant de l’Entrepreneur, ou de l’Entrepreneur lui-même pour entraîner en vertu du Règlement la responsabilité de sa caution, soit l’Administrateur.
[17] La Bénéficiaire demande l’annulation d’un élément du plan annexé au document qu’elle a signé, invoquant l’erreur du sous-traitant de l’Entrepreneur, annulation qui permettrait au soussigné d’ordonner les travaux correctifs, soit l’enlèvement de la lingerie à droite.
[18] Vu les faits, vu le droit, l’annulation demandée ici par la Bénéficiaire pour erreur, en l’absence de dol, d’un élément des obligations contractuelles, pour un élément pour lequel les Bénéficiaires n’ont rien payé, n’est pas couverte à l’article 27 du Règlement qui couvre les malfaçons et les vices :
27. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir: […]
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception. Pour la mise en œuvre de la garantie de réparation des vices et malfaçons apparents du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de la réception;
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons; […]
[19] Jeffrey Edwards (aujourd’hui juge à la Cour supérieure) et Me Sylvie Rodrigue écrivent au sujet de la malfaçon:
Comme son nom l’indique, « une malfaçon » est un travail mal fait ou mal exécuté. Or, un travail donné est considéré « bien » ou « mal » fait selon les normes qui lui sont applicables. Deux types de normes sont couramment employés pour établir l’existence d’une malfaçon. Premièrement, ce sont les conditions contractuelles fixées, que celles-ci soient écrites ou verbales, entre les parties. Deuxièmement, en l’absence de conditions précises expressément arrêtées, recours est fait aux « règles de l’art » qui sont suivies par chaque corps de métier ou secteur pertinent. Les règles de l’art sont considérées comme intégrées par renvois dans le contrat. Signalons aussi que le travail non fait, ou incomplet constitue également, de manière implicite, une malfaçon, car il est tout autant contraire aux règles de l’art et non conforme aux stipulations contractuelles.[5]
[20] Dans l’affaire MV et al. c. Les Constructions Raymond et Fils et Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat Inc.[6], notre confrère Jean Philippe Ewart, arbitre, définit ainsi la malfaçon :
[64] Le Tribunal considère que la malfaçon s’entend donc du fruit d’un travail fait avec des matériaux déficients ou d’un travail mal fait, mal exécuté; ainsi clairement selon la jurisprudence et la doctrine d’un manquement à des conditions expresses tels dans des plans et devis.
[21] Dans le présent dossier, la lingerie est conforme au plan.
[22] Dans le présent dossier, le Tribunal d’arbitrage n’a d’autres choix en vertu du Règlement de maintenir la décision de l’Administrateur.
[24] À titre d’exemple,
[24.1] dans l’affaire Demers et Les Industries Bonneville Ltée et La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ[7]., notre confrère Alcide Fournier écrit :
[46] La représentante de la Bénéficiaire indique avoir constaté dès la prise de possession que le plafond qu’elle décrit comme une boîte ( alcôve) n’est pas tel qu’elle avait vu à d’autres maisons modèles des Industries Bonneville à Beloeil ou à Gatineau.
[47] Elle explique qu’elle souhaiterait que le plafond du garage soit à la même hauteur que le plafond du rez-de-chaussée de la maison.
[48] À l’examen des plans déposés en preuve, et signés par la Bénéficiaire, il appert très clairement que toute la structure du garage est située plus basse de quelques pieds que toute la structure du rez-de-chaussée de la maison et qu’à l’évidence, le plafond de la maison et celui du garage ne peuvent être au même niveau.
[49] À l’évidence, il s’agit d’une autre mésentente contractuelle sur laquelle le Tribunal d’arbitrage n’a pas juridiction et, en conséquence, ne peut modifier la décision de l’Administrateur.
[24.2] dans l’affaire Mignacca et al. et Développement Hamavi Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc.[8], le même arbitre écrit :
[8] L’Entrepreneur a proposé des convecteurs de la Compagnie Stelpro et les Bénéficiaires argumentent que la valeur de ce produit ne correspond pas à celle négociée avec l’Entrepreneur lors de discussions contractuelles.
[9] Après avoir entendu les témoignages sur ce point, l’arbitre soussigné estime qu’à l’évidence, il s’agit d’une mésentente contractuelle sur laquelle il n’a pas juridiction.
[25] Rien n’empêche la Bénéficiaire d’explorer les possibilités pour répondre complètement à ses attentes, toutefois, cette exploration des possibilités pour répondre à ses attentes, et leur mise en place, ne sont pas couvertes par l’Administrateur, vu l’absence d’une malfaçon.
[26] Pour ces motifs, la réclamation des Bénéficiaires sur ce point n’est pas accueillie, et la décision de l’Administrateur est maintenue.
[27] Décision de l’Administrateur (point 27) :
La bénéficiaire mentionne que deux carreaux de céramique sont abîmés, un dans la salle de bain des maîtres et l’autre dans la seconde salle de bain.
Lors de notre visite, nous avons remarqué deux marques d’impact sur les carreaux.
On constate cependant qu’il s’est écoulé environ sept (7) mois entre la prise de possession et la dénonciation [ajout du Tribunal d’arbitrage soussigné : il s’est écoulé moins de six (6) mois], rendant ainsi impossible de tenir l’entrepreneur responsable.
[28] Décision de l’Administrateur (point 28) :
La bénéficiaire mentionne qu’une grosse marque profonde est présente dans le bois de l’escalier.
Lors de notre visite, nous avons constaté la marque en question.
On constate cependant qu’il s’est écoulé environ sept (7) mois entre la prise de possession et la dénonciation [ajout du Tribunal d’arbitrage soussigné : il s’est écoulé moins de six (6) mois], rendant ainsi impossible de tenir l’entrepreneur responsable.
[29] Demande d’arbitrage (point 27) :
Le moment que j’ai signé le formulaire inspection pré achat, les nettoyages de la maison n'est pas encore fait, les escaliers ont couvert par les protections, les salles de bains ont rempli de vidanges. On n’a pu pas voir les céramiques. Mais monsieur Jean Narbonne m’a demandé de signer et lui faire confiance, il va m’occuper s’il y a des dommages après les nettoyages. Le monsieur de nettoyage est arrivé vers 18h00 le soir, après le nettoyage il nous a montré les dommages de céramiques, le lendemain 26 janvier 2018 j’ai envoyé les photos et message texte 4 monsieur Jean Narbonne. (SVP! Voir Annexe B-2A et B-2B) [lest passé voir le même jour dans |’après-midi, et il m’a envoyé monsieur Malagisi le 27 janvier 2018.
[30] Demande d’arbitrage (point 28):
Monsieur Jean Narbonne a été très gentil de garder les protections d’escalier pour tous les copropriétaires, il a dit que c’est bon de les garder pour déménagement. Donc quelques jours d’après mon installation, j'ai enlevé les protection de escalier, j’ai vu une latte abimée dans ’escalier, j’ai vu monsieur Jean dans son camionnette, donc j’ai lui demandé de voir le dommage, il m’a dit il va voir qu’est ce qu’il pourra fait.
[31] Le Tribunal d’arbitrage accueille la réclamation des Bénéficiaires sur ces deux points, aux motifs suivants.
[32] Le Tribunal d’arbitrage soussigné rappelle ici l’importance de la dénonciation des problèmes à corriger et à parachever dans le formulaire de préréception et a déjà rejeté la réclamation de bénéficiaires pour des problèmes apparents non dénoncés au formulaire de préréception[9].
[33] L’article 33 du Règlement débute ainsi :
33. Chaque partie privative visée par la garantie doit être inspectée avant la réception. Cette inspection doit être effectuée conjointement par l’entrepreneur et le bénéficiaire à partir d’une liste préétablie d’éléments à vérifier fournie par l’administrateur. Le bénéficiaire peut être assisté par une personne de son choix.
[34] L’Annexe II du Règlement stipule :
L'entrepreneur s'engage: […]
13° à effectuer une inspection préréception conjointement avec le bénéficiaire […];
[34.1] l’article 78, alinéa 3° du Règlement se lit ainsi :
78. Pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d'accréditation, une personne doit: […]
3. signer la convention d'adhésion fournie par l'administrateur et comportant les engagements énumérés à l'annexe II.
[35] La preuve non contestée dans le présent dossier démontre que :
[35.1] contrairement aux dispositions expresses de l’article 33 du Règlement, l’Entrepreneur n’a pas procédé à l’inspection conjointement avec le(s) Bénéficiaire(s);
[35.2] le représentant de l’Entrepreneur a dit à la Bénéficiaire, qui a effectué l’inspection sans la présence de l’Entrepreneur, que l’inspection prenait normalement quinze minutes;
[35.3] de plus, le ménage n’avait pas été complété le jour de l’inspection préréception :
[35.3.1] ce fait (tout comme les faits exposés aux sous-paragraphes [.1] et [.2]) est prouvé par le témoignage de la Bénéficiaire à l’audience, non contredit par qui que ce soit;
[35.3.2] ce fait est corroboré par l’inscription manuscrite au formulaire de préréception du 25 janvier 2018 qui mentionne dans « Notes », « Ménage (fait pour 26 janvier 2018) ».
[36] Le tout dit avec respect, le soussigné se refuse de conclure qu’il se conformerait à la volonté du législateur en rejetant ici la réclamation des Bénéficiaires sur ces deux points, comme il lui est demandé par l’Administrateur.
[37] Les faits au présent dossier justifient l’application des conclusions :
[37.1] de notre collègue Yves Fournier dans l’affaire Hélène Sommereyns c. 7802471 CANADA inc. (Construction des Grands Jardins) et La Garantie De Construction Résidentielle (GCR)[10],
[165] Il m’apparait inconcevable de refuser la couverture de la garantie à la bénéficiaire pour défaut d’avis écrit de dénonciation de malfaçon alors que les processus de vérification et de recherche de ces mêmes malfaçons au moment de procéder à l’inspection furent bafoués par l’entrepreneur. N’oublions pas que ce dernier avait toujours un devoir d’information face à la bénéficiaire.
[37.2] de notre collègue Me Pierre Boulanger dans l’affaire François et Constructions Trikilon La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ[11] :
[29] Dans le présent cas, j’en arrive à la conclusion que l’entrepreneur ne s’est pas valablement acquitté de son obligation d’inspection. Son représentant Mike Trotta n’a même pas fait faire le tour du bâtiment à l’extérieur lors de la visite du 2 février 2011. Dans les circonstances, la fin de non recevoir pour motif de dénonciation tardive est elle-même non recevable.
[37.3] de notre collègue Alcide Fournier dans Levesque et Sebecam Rénovations[12] :
[26] L’intention du législateur en adoptant le règlement sur le plan de garantie était, entre autre, de protéger les consommateurs contre des entrepreneurs négligents, comme dans le présent litige.
[27] Quant au caractère d’ordre public du règlement, l’entrepreneur ne l’a pas respecté et il faut se poser la question : est-ce que seul le consommateur doit en subir les conséquences ?
[28] À l’article 116 du règlement, le législateur a écrit […] :
[29] Par cet article, le législateur a voulu que l’arbitre règle des situations qui ne pouvaient pas être toutes décrites dans un règlement.
[30] L’arbitre soussigné estime que le présent litige correspond à ce qu’a désiré le législateur en permettant au tribunal d’arbitrage de faire appel à l’équité pour résoudre le problème.
[31] En conséquence, l’arbitre soussigné estime que, compte tenu de la situation très particulière, les réclamations des Bénéficiaires sont recevables par l’Administrateur de la Garantie.
[38] La preuve au dossier, non contestée, démontre que l’inspection préréception prévue au Règlement, que la Cour d’appel a jugé dans trois arrêts[13] comme étant d’ordre public, n’a pas eu lieu.
[39] Pour les éraflures dans la salle de bain existantes lors de la « visite des lieux » du 25 janvier 2018 alors que le ménage n’était pas encore fait (point 27), comme l’a signalé la Bénéficiaire, elles ont été dénoncées à l’Entrepreneur dès son emménagement et son emménagement ne contient aucun meuble qui aurait pu causer ces éraflures.
[40] Dans l’affaire Idevco Développement 2010 Inc. et SDC Papineau et Saint-Grégoire et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de L’APCHQ Inc.[14], le soussigné écrivait :
[40] L’Entrepreneur est soumis à une obligation de résultat, c’est donc à lui que revient le fardeau de prouver la faute du client (ou le cas fortuit). […]
[43] Dans l’affaire Syndicat de la Copropriété du 7906, 7906A, 7908 et 7910 rue Drolet c. Habitations Espaces Logiques et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[15], notre collègue Me Albert Zoltowski écrit :
[4.21] Lors de sa plaidoirie, l'Entrepreneur a argumenté que ces égratignures auraient pu survenir lors de nettoyages des vitres de l'extérieur après la date de l'inspection préréception. Je ne peux cependant retenir cet argument en absence de toute preuve à ce sujet.
[44] C’est l’Entrepreneur qui a le fardeau de prouver que ces déménagements ou l’usage par les copropriétaires (ou faute du client ou cas fortuit) avaient causé les dommages subis à son bâtiment, comme il le soutient, et il ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve.
[41] Pour la marque au plancher (point 28), elle était sous une protection qui la couvrait, protection qui a été enlevée le 6 février, découverte dénoncée verbalement à Jean Narbonne, représentant l’Entrepreneur, et dénoncée par écrit dans un délai raisonnable à l’Administrateur et à l’Entrepreneur.
[42] Pour ces motifs, la réclamation des Bénéficiaires est accueillie sur ces deux points.
Point 26 Insonorisation des murs des chambres
[43] Décision de l’Administrateur :
La bénéficiaire mentionne avoir payé pour que de la laine pour insonorisée les cloisons séparant les chambres soit installée, tandis que l’entrepreneur aurait installé de la laine isolante ordinaire, avec pour effet que l’insonorisation ne serait pas adéquate.
Lors de notre visite, nous n’avons pu constater la situation. Il importe cependant de préciser qu’il n’existe aucune norme relative à l’insonorisation entre deux pièces d’un même logement.
L’ajout de laine dans une cloison n’est pas la seule chose à prendre en compte lorsqu’on parle d’insonorisation, à savoir que l’étanchéité des portes des pièces doit être traitée, de même que la composition totale du mur, et ce, lorsqu’on souhaite obtenir un certain degré de performance.
Dans les circonstances, nous considérons qu’aucune véritable malfaçon n’est présente.
[44] Demande d’arbitrage :
J’ai payé un extra de $1000 pour avoir la laine insonorisation pour les murs de 3 chambres. Non pas la laine de isolation. L’administrateur monsieur Pitre m’a dit que je n’ai pas payé pour avoir les portes en insonorisation, donc c’est inutile d’avoir les laines insonorisation. C’est vrai je n’ai pas payé a Pentian pour avoir les portes en insonorisation, mais sur ma feuille de route, j'ai bien payé $1000 pour avoir les laines insonorisation. Avec Pentian les portes soit trop cher, mais plus tard je pourrai payer les portes insonorisation moins cher aillleur.
[45] À l’audience, l’Entrepreneur et l’Inspecteur-conciliateur ont témoigné à l’effet que l’isolant en fibre de verre rose qui a été installé servait tout autant d’isolant pour l’insonorisation.
[46] L’Inspecteur-conciliateur affirme que « par expérience je sais que cette laine insonorisante n’a pas une grosse conséquence sur le résultat, la problématique est ailleurs, ce n’est pas avec de la laine que le résultat est probant » et que quel que soit le type de laine, le résultat n’est pas l’attente que la Bénéficiaire peut avoir en demandant que les murs soient insonorisés, car mettre de la laine ne change pratiquement rien au niveau de l’insonorisation, il faut incorporer au bâtiment d’autres éléments pour assurer une insonorisation.
[47] L’Inspecteur-conciliateur ajoute qu’il n’y a aucun indice acoustique STC [Sound Transmission Class] à atteindre de mentionnée au contrat, qu’il n’y a pas de norme acoustique au Code national du bâtiment pour les murs d’une chambre à coucher à l’intérieur d’un même logement, et que les Bénéficiaires ont eu ce pour quoi ils ont payé.
[48] Le soussigné est familier avec l’insonorisation des bâtiments[16].
[49] Par soucis d’équité[17], le Tribunal d’arbitrage a dit à l’audience qu’il allait vérifier les affirmations de l’Entrepreneur et de l’Administrateur, à l’effet que l’isolant en fibre de verre servait d’isolation en insonorisation.
[50] Pendant le délibéré, il a lu la publication #B1405 de NAIMA sur le contrôle acoustique dans les bâtiments résidentiels et commerciaux, Sound Control for Commercial and Residential Buildings qui confirme l’affirmation de l’Administrateur et de l’Entrepreneur.
[51] D’après le document Sound Control for Commercial and Residential Buildings #BI405 de la North American Insulation Manufacturers Association (NAIMA), l’isolation en fibre de verre absorbe naturellement le bruit, ce qui réduit la transmission du bruit à travers les murs.
[52] Les Bénéficiaires ayant demandé une insonorisation de leurs murs sans autre précision au contrat, ils ont obtenu ce pour quoi ils ont payé.
[53] L’Entrepreneur a rempli ses obligations contractuelles cautionnées par l’Administrateur et si les Bénéficiaires ont des attentes supérieures qui ne sont pas incluses au contrat, leur réclamation n’est pas couverte par le Règlement, pour les motifs déjà exposés ci-haut pour la lingerie.
[54] La réclamation des Bénéficiaires est rejetée sur ce point.
[55] La décision de l’Administrateur, la demande d’arbitrage et la réponse de l’Entrepreneur sont reproduites en Annexe de cette décision pour faciliter la lecture de la présente décision arbitrale.
[56] Le Tribunal d’arbitrage accueille en partie la réclamation des Bénéficiaires pour les motifs suivants.
[57] Par courriel du 20 juillet 2018 (début de pièce A-8), à l’intérieur du délai de six mois de la réception du bâtiment résidentiel selon l’article 33.1 du Règlement, les Bénéficiaires réclament des dommages pour des retards du 18 octobre 2017 au 30 novembre 2017, puis du 20 décembre 2017 au 19 janvier 2018, puis du 20 au 25 janvier 2018.
[58] La différence entre le 30 novembre et le 20 décembre 2017 découle du fait que la Bénéficiaire a signé un bail le 8 novembre 2017 dans lequel elle s’engageait à quitter son condo le 10 décembre, qu’elle a finalement quitté le 20 décembre, ce qui explique l’absence de dommage réclamé pour les 19 premiers jours de décembre.
[59] Le recours des Bénéficiaires n’est pas un recours de droit commun contre l’Entrepreneur devant un tribunal judiciaire de droit commun mais un recours contre l’Administrateur du plan de garantie en vertu du Règlement.
[60] La responsabilité de l’Administrateur pour les manquements contractuels de l’Entrepreneur en cas de délai de livraison est prévue à l’article 26 du Règlement :
3° le relogement, le déménagement et l’entreposage des biens du bénéficiaire dans les cas suivants:
a) le bénéficiaire ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l’entrepreneur à moins que les acomptes ne soient remboursés; […]
[61] Le plan de garantie défini par le Règlement ne prévoit pas de clause pénale en matière de délai de livraison, et la condamnation aux paiements de dommages-intérêts n’est pas automatique en cas de retard en vertu du Règlement.
[62] Qui réclame des dommages en vertu de Règlement a le fardeau de la preuve (article 2803 Code Civil du Québec - « Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention ».) et il doit prouver les trois éléments pour entraîner la responsabilité de l’Administrateur comme caution de l’Entrepreneur :
[62.1] un manquement aux obligations contractuelles de l’Entrepreneur qui a causé le délai de la date de livraison convenue;
[62.2] des dommages subis par le bénéficiaire, mais pas tous les genres de dommages, seulement ceux prévus au Règlement, les frais limités à $6,000;
[62.2.1] ne sont donc pas couverts par le Règlement, les pertes de revenus de loyers du condo laissé derrière soi, les compensations données aux locataires du condo laissé derrière soi, les procurations facturées par le notaire instrumentant, qui relèvent tous de la compétence juridictionnelle des tribunaux de droit commun;
[62.3] enfin, un lien de causalité entre le manquement aux obligations contractuelles et les dommages subis.
[63] Les obligations de l’Entrepreneur ne sont pas une obligation de moyens, mais bien une obligation de résultat.
[64] Puisqu’il s’agit ici d’un contrat d’entreprise, les obligations de l’Entrepreneur sont prévues à l’article 2100 C.c.Q.
[65] En vertu de cette disposition, ce dernier s’engage à agir au mieux des intérêts de son client, avec prudence et diligence, conformément aux usages et aux règles de l’art et à s’assurer que l’ouvrage réalisé soit conforme au contrat :
2100. L’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d’agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l’ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d’agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s’assurer, le cas échéant, que l’ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.
Lorsqu’ils sont tenus au résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu’en prouvant la force majeure.
[66] Dans un litige pour délai de livraison, il faut regarder l’ensemble de la situation et les obligations de toutes les parties.
[67] Dans un litige concernant un délai de livraison, la Cour d’appel écrit dans l’arrêt Hydro-Québec c. Construction Kiewit cie[18]:
[83] Or, cela ne dispense en rien les parties - le maitre d'œuvre tout comme l'entrepreneur - de respecter la règle selon laquelle la bonne foi doit gouverner leur conduite au moment de l'exécution du contrat (art. 1375 C.c.Q.). Sur ce point, le juge voit juste :
[141] D'une façon générale, les parties reconnaissent qu'elles sont soumises à l'obligation d'agir raisonnablement selon les règles d'équité et de loyauté; d'agir de bonne foi selon l'article 1375 C.c.Q.; elles reconnaissent l'obligation positive de renseignements et l'obligation de collaborer entre elles.
[…] [89] Les articles 6, 7 et 1375 C.c.Q. rappellent que les exigences de la bonne foi sont à la base de tout contrat, y compris dans la phase de l'exécution. La rudesse apparente de l'obligation de résultat imposée à l'entrepreneur est atténuée par l’application des règles de la bonne foi au contrat d’entreprise. Comme l’explique l’auteur Sarault, la rigueur dans l'interprétation des engagements contractuels qui dominait l'ancienne jurisprudence n’a plus cours :
3 - […] D'une manière générale, l'emphase sur la bonne foi et la conduite raisonnable qui caractérise la philosophie introduite par le nouveau Code civil a beaucoup contribué à cette modification des courants jurisprudentiels. Ainsi, alors que la jurisprudence antérieure était davantage axée sur le respect de la lettre et de l'esprit des dispositions du contrat, lesquelles étaient parfois fort draconiennes, la nouvelle tendance qui a suivi l'entrée en vigueur du nouveau Code civil du Québec a accordé davantage d'importance aux concepts de bonne foi et de conduite raisonnable dans le comportement des parties, et ce, en conformité avec les principes codifiés à ce chapitre aux articles 6, 7 et 1375 C.c.Q.2.
2 Il est reconnu que l'arrêt le plus marquant qui a amorcé cette réforme est celui rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Banque de Montréal c. Bail ltée, [1992] 2 R.C.S. 554, EYB 1992-67806.
[90] Le juge Forget le souligne dans l’arrêt Développement Tanaka inc. c. Corporation d’hébergement du Québec, cela impose au maître d'œuvre la norme de la conduite raisonnable dans l'exercice de ses droits :
[126] Depuis 1994, cette théorie est codifiée au Code civil du Québec par le biais des articles 7 et 1375, qui prescrivent l’exigence d’agir de bonne foi dans le cadre de toute relation contractuelle :
7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi.
1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction.
[127] Les professeurs Baudouin et Jobin énoncent ainsi la théorie de l’abus de droit :
[…]
La bonne foi que l’on exige des parties ne peut donc plus être entendue seulement dans son sens purement subjectif, c’est-à-dire le fait d’agir sans malice et en ayant une perception erronée de la réalité (ne pas savoir qu’on agit de façon illégitime ou illégale). C’est surtout la bonne foi dans son acception objective qui doit présider à la conduite des parties : chacune doit exercer ses droits en personne prudente et diligente. […] Aucun droit, aucune liberté ne peut échapper au contrôle de l’abus de droit : il n’y a plus de droit absolu désormais.
[68] Le Tribunal d’arbitrage souligne à grands traits que la présente décision est basée sur les faits qui sont au dossier et que chaque dossier est différent.
[69] Le Tribunal d’arbitrage rend ses décisions selon le droit applicable.
[70] Voici les éléments importants du dossier par ordre chronologique.
[71] Le contrat préliminaire du 12 juin 2017 (pièce A-2) stipule que :
(page 1) Occupancy date: The property sold shall be essentially completed and ready for occupancy on October 18th 2017.
[72] Il existe une autre date moins précise dans ce même contrat préliminaire, à la clause 4. Closing Date :
4.1 The vendor foresees that the tentative date on which the building shall be essentially completed and ready for occupation will be around September 30th 2017.
4.2 The promissory purchaser acknowledges and accepts that the occupation date indicated in the present preliminary contract is a tentative date. The vendor shall revise the tentative date at the beginning of the construction of the Building. The vendor shall have the opportunity to delay the revised occupation date for a period no longer than six (6) months. The vendor shall inform the promissory purchaser, in writing, of the confirmed occupation date at least sixty (60) days prior to the confirmed occupation date.
[73] Dans un courriel du 27 juin 2017 (pièce E-7), la Bénéficiaire écrit avoir rendez-vous avec le cuisiniste pour le choix d’armoires le lendemain « j’ai pris RV avec Nicholas pour les armoires de la cuisine demain à 18 h 30 »;
[73.1] à l’audience, le cuisiniste affirme n’avoir aucun souvenir d’une rencontre en juin;
[73.2] il n’y a aucun document au dossier daté de juin 2017 concernant le choix des armoires ou autre qui aurait pu découler d’une telle rencontre de juin 2017.
[74] Par courriel du 24 août 2017 (pièce E-2) envoyé au cuisiniste Totaro et au courtier immobilier Bel, la Bénéficiaire, qui était alors en Asie (de la fin juin à la fin septembre 2017), écrit :
Bonjour, voici mon choix pour les armoires et les poignées.
Armoire de cuisine : Thermoplastique blanc (photo 01, le premier échantillon sur photo) […]
Armoire de salles de bain : Mélamine GR :01 555 Orme Brossée (Photo 03, le premier échantillon sur photo)
Veuillez noter que mes armoires sont jusqu’au plafond […]
J’ai besoin une confirmation de votre part SVP! Si vous avez des questions, veuillez ne pas hésiter à me contacter […] [le caractère gras est du tribunal soussigné]
[74.1] à l’audience, la Bénéficiaire ajoute que le « s » au mot salle signifiait pour elle, la salle de bain général et la salle de lavage et non pas, la salle de bain des maîtres.
[75] Par lettre datée du 30 août 2017,
[75.1] envoyée par courriel le 31 août 2017 à 9 :30 a.m. heures de Montréal (les Bénéficiaires étant alors à Asie, 12 heures (plus ou moins 1 heure) de décalage en avance pour ces derniers),
[75.1.1] et la Bénéficiaire a bien reçu ce courriel puisque le courriel qu’elle envoie le 25 octobre 2017 (pièce B-5) est suivi par un « begin forwarded message » de Charles Hung à la Bénéficiaire daté du 31 août 2017 at 09 :26 :57 GMT-4 suivi du courriel de l’Entrepreneur à Charles Hung daté du 31 août 2017 at 3 :12 :34 GMT+2))
[75.2] et par lettre recommandée (reçue le 18 septembre 2017 par Jian Long Tan, non identifié à l’audience),
l’Entrepreneur écrit que la date de livraison est reportée au 30 novembre 2017 :
As you may have been aware, unfavorable weather conditions since the beginning of May, as well as the general construction strike […] As a result of the above unforeseen events, which were beyond our control, we are obliged to postpone the delivery of all of our residential units in our project, Place Daudet. Consequently, your unit will be available for delivery only as of November 30, 2017.
[76] Le Tribunal d’arbitrage note qu’aucun dommage prévu au Règlement et couvert par le plan de garantie géré par l’Administrateur n’est réclamé par la Bénéficiaire pour ce premier retard du 18 octobre au 30 novembre 2017 car ses dommages, sans se prononcer ici s’ils sont recevables ou non, relèvent des tribunaux de droit commun.
[77] En effet, sa preuve de dommage sur le premier retard concerne une perte de loyer pour son condo qu’elle n’a pu louer, et les dommages à un tiers locataire qu’elle a dû rembourser.
[78] Ces dommages ne sont pas prévus au Règlement et la question de la responsabilité de l’Entrepreneur pour ce premier retard relève de la compétence juridictionnelle des tribunaux de droit commun car elle demeure une question purement académique pour le soussigné vu l’absence, pour ce premier délai de livraison, de dommages sur lesquels le Tribunal d’arbitrage a compétence juridictionnelle.
[79] Par courriel du 7 septembre 2017 (pièce E-6), donc après l’engagement pris le 30 août 2017 pour la livraison au 30 novembre 2017, Nicolas Bel, courtier immobilier en charge des ventes représentant l’Entrepreneur, envoie un courriel à la Bénéficiaire, qui est toujours en Asie :
Nous vous invitons à participer à la signature électronique d’un document au moyen du service Authentisign à titre de signataire. Renseignements pour la signature : Nom : Place Daudet 1-2 Modification Message : Bonsoir Jenny, Je vous envoie une invitation à signer une modification pour votre maison. Il s’agit d’une modification du prix suite à vos choix de cuisine et pour ajouter gratuitement le gaz dans la maison (cadeau du promoteur).
[80] Le Tribunal d’arbitrage note ici que Nawja Kerbaj, représentante de l’Entrepreneur, a témoigné à l’audience que, nécessairement, il y avait un document à signer joint à ce courriel envoyé par le courtier immobilier mais le Tribunal ajoute que :
[80.1] ce document n’a jamais été produit;
[80.2] le témoin Kerbaj a affirmé ne pas en avoir copie avec elle;
[80.3] l’expéditeur du courriel, Nicolas Bel, a témoigné à l’audience et il n’a pas non plus, produit le document qui aurait été joint et à signer, ni même témoigné sur ce document allégué sur lequel personne ne lui a posé de question;
[80.4] ce courriel de Nicolas Bel est suivi :
[80.4.1] par un courriel de la Bénéficiaire qui traite de son refus d’avoir le gaz et qui ne mentionne nulle part la question de la modification du prix pour les armoires : Non merci Je ne veux pas le gaz dans ma maison, Merci et bonne journée, et
[80.4.2] d’un courriel de Nicolas Bel qui ne traite pas de la question de la modification du prix pour les armoires mais exclusivement des problèmes d’électricité : Hydro-Québec nous avait dit qu’il fournirait le chauffage et l’eau chaude dans les maisons. Mais malheureusement au moment de faire les branchements, Hydro-Québec a vu qu’il n’y avait pas assez de puissance pour le chauffage et l’eau chaude dans les maisons. Hydro-Québec ne veut tirer de nouveau-cable […]
[81] Il y a toutefois au dossier un document daté du 4 septembre 2017 (pièce B-1A), la feuille de choix, avec indication que la cuisine a une couleur lustrée.
[82] À l’audience, le cuisiniste Nicola Totaro :
[82.1] affirme que « moi mon dossier débute le 4 septembre », le 4 septembre il a communiqué avec l’Entrepreneur;
[82.2] affirme qu’il y avait des extras, soit un thermoplastique lustré et une lingerie dans la salle de bain des maîtres avec trois tiroirs;
[82.3] explique la raison pour laquelle il n’a pas communiqué avec la Bénéficiaire entre septembre 2017 et décembre 2017, il n’a pas écrit à la Bénéficiaire car il fait affaires seulement avec l’Entrepreneur;
[82.4] et à la question, si la Bénéficiaire était au courant de ces extras, il répond avoir dit verbalement que ce qu’elle avait choisi n’était pas inclus dans son contrat-
[82.4.1] toutefois, la date de cette conversation n’est pas invoquée ni dans la question ni dans la réponse et le Tribunal ignore quand cela a été dit verbalement.
[83] Par lettre datée du 15 septembre 2017 envoyée par courriel le 15 septembre 2017 à 3 :22 pm heures de Montréal, donc reçue le 16 septembre à Asie à 3 :22 a.m. (plus ou moins une heure), et reçue par courrier recommandé par la Bénéficiaire à Montréal le 4 octobre 2017, l’Entrepreneur écrit :
[…] Presently, we are faced with a deplorable situation which is having a very significant impact on the delivery date that was indicated in our communication of August 31, 2017 sent to you. The process and receipt of your selectin of finishing and materials has been extremely slow in being finalized and this will cause additional delays in the fulfillment of materials orders from our suppliers. It must be noted that we cannot place any order for materials to our suppliers without first obtaining a signed form from you with regards to your determination and selection materials and choices. This form must be submitted to and approved by the promoter. […]
5.14 The vendor undertakes to provide the promissory purchaser with certain basic options and models of the building elements related to the interior decoration of the building, based on the specifications contained in the Annex C.
The promissory purchaser agrees to provide the vendor with its choice of colors and models for the building elements within seven (7) days of a notice by the vendor, failing which the vendor will select the options of his choosing.
In July, it was requested that you complete a “Feuille de Route” outlining your choice of colors and materials. As of the date of the present, we have yet to receive this documents and consequently have no other alternative but to stop construction work within your unit until that time that this document is received and approved by us. No further interior work will be performed until such time that all relevant documents are signed by you and received by us. It is only at this time that we will be able to determine a new delivery date for your unit […]
[83.1] le Tribunal d’arbitrage note qu’il n’y a aucune trace au dossier d’une demande en juillet 2017 pour compléter une feuille de route comme le mentionne cette lettre (in July, it was requested…), sinon que le courriel du 24 août 2017 a dû être en réponse à une demande, mais la date de cette demande n’est pas au dossier.
[84] Fin septembre 2017, la Bénéficiaire revient à Montréal suite à son séjour en Asie où elle était depuis la fin juin.
[85] Le 4 octobre 2017, la Bénéficiaire va chercher la lettre recommandée envoyée par l’Entrepreneur du 15 septembre 2017 et le même jour, elle contacte le courtier immobilier Nicolas Bel pour prendre rendez-vous.
[86] Le 6 octobre 2017 (pièce B-4A) la feuille de route est complétée et le courtier Nicolas Bel envoie à la Bénéficiaire un document intitulé « Feuille de route-Final », qu’il invite à signer électroniquement le 13 octobre 2017 (pièce B-4B).
[87] La Bénéficiaire appelle alors « souvent » le courtier Nicolas Bel, qui lui dit de contacter directement l’Entrepreneur, à qui (Charles Valenti) elle parle le 23 octobre 2017.
[88] À l’audience, la Bénéficiaire affirme avoir demandé verbalement à l’Entrepreneur de confirmer la date du 30 novembre 2017 (mentionnée dans la lettre du 30 août), ce qu’il a fait verbalement le 23 octobre 2017,
[88.1] confirmation verbale qui est admise à l’audience par l’Entrepreneur, (qui spécifie toutefois à l’audience en défense avoir donné cet engagement sans avoir préalablement vérifié si la question des armoires lustré/mat et les extras avait été réglée, voir ci-après).
[89] Le 25 octobre 2017 (pièce B-5), la Bénéficiaire, désirant avoir une confirmation écrite, envoie le présent courriel à l’Entrepreneur :
Bonjour,
mon message est pour monsieur Charles Valentin, suite à notre conversation téléphonique lundi 23 oct matin, vous m’avez promis la date du livraison pour ma maison au [...], est le 30 novembre 2017, nous m’avez dit c’est le logement 1.2 dans votre dossier de construction. Au lieu de votre confirmation verbale, j’aimerais avoir une confirmation par écrire de votre part, afin que je puisse réserver le billet d’avion pour mon mari, merci beaucoup et bonne fin journée!
P‐S: est ce que vous avez reçu mon message de lundi et ce matin? C’est déjà mon troisième envoie, merci beaucoup!
[90] Sur la base de l’engagement de l’Entrepreneur quant à la date de livraison au 30 novembre, le 8 novembre 2017, la Bénéficiaire signe un bail pour la location de son condo qu’elle occupe, il y est écrit qu’elle quittera les lieux le 10 décembre 2017 en échange d’un bail de dix-huit mois, et que le loyer est payable à partir du 1er janvier 2018 au montant de $1,590.00 par mois :
[90.1] elle quittera le mercredi 20 décembre 2017, et pas après, la Bénéficiaire affirmant qu’il y a de la difficulté à déménager pendant la période des Fêtes, il s’agit de la seule raison donnée, nous y reviendrons.
[91] À l’audience, le cuisiniste Nicola Totaro affirme qu’il a révisé les extras le 18 novembre 2017, il en a informé l’Entrepreneur et non la Bénéficiaire car il ne fait affaire qu’avec l’Entrepreneur, les extras sont négociés avec l’Entrepreneur pas avec l’acheteur, les extras sont payables par l’Entrepreneur;
[91.1] la preuve est silencieuse pour déterminer pourquoi c’est seulement le 18 novembre qu’il a révisé les extras alors que la preuve est à l’effet que cela prend six semaines pour produire les armoires, ce qui nous amène après le 30 novembre.
[92] Il s’en suit de nombreux échanges de courriels, tous analysés avec soin pour les fins de cette décision.
[93] Par courriel du mercredi 6 décembre 2017, donc 44 jours après la confirmation du 23 octobre, l’Entrepreneur envoie une facture pour les extras expliquant que leur non-paiement explique le retard, suivi de la réponse de la Bénéficiaire le même jour (pièce B-7) : Veuillez me dire c’est quoi ça? Tous les suppléments des armoires sont inclus dans l’offre n’est ce pas? Pourquoi je devrai payer supplémentaire? Veuillez me répondre le plus vite possible SVP.
[94] Par courriel du mercredi 6 décembre 2017 (pièce B-6), la Bénéficiaire écrit à un représentant de l’Entrepreneur « monsieur Valenti a déjà me téléphoné, il m’a expliqué ses difficultés avec le branchement de Hydro-Québec. Je suis une personne compréhensive, je comprends que c’est impossible d’avoir la maison avant Noel […] ».
[95] Le 11 décembre 2017 (pièce B-20), l’Entrepreneur écrit à la Bénéficiaire :
Mrs Jenny, As I explained last week, we are preparing to deliver your home for Jan 19 2018. It is conditional that Hydro hooks up the homes this week, which they should. (nos soulignés et caractères gras)
[96] Le même jour, vingt huit minutes plus tard, la Bénéficiaire répond par courriel (pièce B-20) :
[…] Vous êtes un ange! Nous vous remercions infiniment pour votre effort et arrangement! Toute ma famille va prière pour avoir de l’électricité avant le 15 décembre! Je pars demain, à mon retour j’aimerais vous rencontrer pour vous remercier au fond du cœur!
[97] Avec égards, le Tribunal d’arbitrage en vient à la conclusion qu’il se doit de retenir la responsabilité de l’Entrepreneur et de l’Administrateur sa caution en vertu du Règlement pour une partie des dommages subis et réclamés par les Bénéficiaires pour les motifs suivants.
[98] Le 13 octobre 2017, la Bénéficiaire signe et envoie sa feuille de route (partie de la pièce A-8, page 1 de 5) avec l’indication que ses armoires sont stratifié lustré.
[99] Le 23 octobre 2017, l’Entrepreneur confirme à la Bénéficiaire que la date de livraison est bien le 30 novembre 2017-
[99.1] cet élément est prouvé par le témoignage de la Bénéficiaire à l’audience;
[99.2] cet élément est prouvé par le témoignage du représentant de l’Entrepreneur, qui ajoute qu’au 23 octobre 2017, il ignorait que la Bénéficiaire n’avait pas réglé le choix d’armoires (extras, lustré ou mat) empêchant donc la mise en production.
[100] Sur la base de cet engagement de l’Entrepreneur du 23 octobre, la Bénéficiaire a signé un bail le 8 novembre 2017 pour son départ des lieux le 10 décembre 2017 en échange de la signature d’un bail de dix-huit mois pour son condo.
[101] Avec égards, vu la preuve au dossier, la défense de l’Entrepreneur, soit son ignorance sans vérification préalable auprès de son interlocutrice ou auprès de son cuisiniste en date du 23 octobre que la Bénéficiaire avait réglé la question des armoires avec le cuisiniste, n’est pas admissible pour lui éviter de conclure à sa responsabilité.
[102] L’article 2101 du Code civil stipule :
2101. À moins que le contrat n'ait été conclu en considération de ses qualités personnelles ou que cela ne soit incompatible avec la nature même du contrat, l'entrepreneur ou le prestataire de services peut s'adjoindre un tiers pour l'exécuter, il conserve néanmoins la direction et la responsabilité de l'exécution.
[103] Cinq semaines et demi avant le 30 novembre, l’Entrepreneur promet une livraison le 30 novembre tout en affirmant à l’audience que cela prend six semaines pour fabriquer des armoires - l’Entrepreneur n’a pas rempli ses engagements en promettant une livraison le 30 novembre sans vérifier auprès de son cuisiniste s’il avait mis en production les armoires.
[104] L’Entrepreneur a légalement « la direction et la responsabilité de l’exécution » mais n’a effectué aucune vérification pour savoir si les armoires avaient été mises en production (ce qui prend six semaines) avant de confirmer que la date de livraison du 30 novembre 2017 (dans cinq semaines et demi) était toujours valide.
[105] L’engagement de l’Entrepreneur du 23 octobre,
[105.1] cinq semaines et demi avant l’échéance,
[105.2] et le fait qu’il faille six semaines pour livrer les armoires,
[105.3] en plus des problèmes de puissance électrique insuffisante,
ne permettent pas de soulever, dans le présent dossier, les manquements antérieurs de la Bénéficiaire qui a reçu un courriel le 15 septembre en Asie, le Tribunal d’arbitrage rendant ici sa décision sur les dommages subis suite à cet engagement du 23 octobre qui confirmait l’engagement dans la lettre de l’Entrepreneur du 30 août 2017, d’une livraison au 30 novembre 2017, et du bail signé par la Bénéficiaire sur la base de cet engagement.
[106] La décision classique en matière de délai de livraison est celle rendue par la Cour supérieure dans Développement Tanaka inc. c. Corporation d'hébergement du Québec[19], dans laquelle la Cour écrit, entre autres :
[460] Quant aux règles du contrat d’entreprise ou de service, l’article 2100 prévoit que «l’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d’agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence».
[461] Cette règle est très importante et même fondamentale. Le Pr Karim indique qu’elle est même d’ordre public, du moins quand il s’agit de la protection du client (p. 42).
[462] Il écrit : « Les intérêts du client se résument aux revendications expressément stipulées au contrat et aux efforts déployés en vue du résultat escompté» (p. 43). C’est ainsi que l’entrepreneur doit choisir « des moyens et des méthodes d’exécution conformes aux usages et aux règles de l’art, et ce, en considération de la nature de l’ouvrage à exécuter » (art. 2100 C.c.Q. ; Karim, précité, p.42). Le Pr Karim donne d’autres exemples :
« À titre d’exemple, l’entrepreneur et le prestataire de services doivent, lors de la préparation ou de la révision d’un calendrier, placer les intérêts du client avant les leurs, et éviter les conflits d’intérêt. Ils sont tenus, en tout temps, d’informer le client des coûts supplémentaires et de l’aviser des conséquences possibles découlant du choix d’un mode d’exécution, après avoir pris note des particularités de l’ouvrage. Au cours de l’exécution de l’ouvrage, ils doivent s’assurer de la surveillance et de la sécurité des lieux contre le vol ou les risques de vol.
De plus, l’intérêt du client ne sera pas servi en cas de fausses représentations faites par l’entrepreneur ou le prestataire de services. Ils doivent lui communiquer toute l’information susceptible de l’intéresser en rapport avec l’ouvrage à réaliser ou des prestations de services à fournir. Ainsi, en faisant le suivi des divers dossiers relatifs à l’ouvrage, ils doivent informer le client de toute évolution ou développement qui se produit sur le chantier. » (Karim, précité, pp. 43 et 44)
[463] Le Tribunal n’a aucun doute qu’«agir au mieux des intérêts du client», c’est, entre autres, pour l’entrepreneur, assumer pleinement son rôle de conseil et d’information auprès du client […]
[107] Ces principes sont reproduits dans au moins deux décisions plus récentes de la Cour supérieure :
[107.1] en 2018, dans l’affaire Desbiens Techni-Services inc. c. Procureur général du Québec (Ministère des Transports)[20], la Cour supérieure écrit :
[104] Compte tenu de la nature des obligations de résultat incombant à DTS à titre d’entrepreneur en vertu de ce contrat de construction, soit terminer l’Ouvrage à l’intérieur d’un délai déterminé, […]
[106] DTS a donc le fardeau d’établir la cause des retards et que ceux-ci ne lui sont pas imputables, donc qu’ils le sont au MTQ ou à une cause lui étant étrangère.
[102] L’entrepreneur ayant une obligation de résultat, il a le fardeau de prouver la cause des retards et le fait qu’ils ne lui sont pas imputables [Société de cogénération de St-Félicien c. Industries Falmec inc.] […] [48][21].
[107.2] en 2017, dans Érablière J. Cloutier inc. c. Constructions Paul-Eugène Turcotte & Fils inc[22]:
[38] Dans le cadre d’un contrat d’entreprise, l’entrepreneur est tenu d’agir au mieux des intérêts de son client avec prudence et diligence. Il doit agir conformément aux usages et règles de l’art applicables dans son domaine. L’ouvrage qu’il réalise doit être conforme au contrat.
[39] Cette obligation s’applique aux nombreux choix et décisions qui doivent être pris dans le cadre de l’exécution du contrat. Ces choix et décisions doivent respecter non seulement les obligations prévues à la loi mais également être pris en fonction des intérêts particuliers et spécifiques du client.
[40] L’entrepreneur est un expert de la construction. Il a un devoir de conseil à l’égard de ses clients. S’il ne possède pas l’expertise dans un domaine précis, il doit prendre les moyens pour conseiller adéquatement son client. S’il ne possède pas les connaissances nécessaires pour conseiller ou encore effectuer des travaux en particuliers, il doit le dénoncer pour obtenir une dispense de responsabilité ou encore tout simplement refuser d’exécuter le contrat. Ce devoir de conseil constitue, suivant la jurisprudence en semblable matière, une obligation de moyen.
[41] Il ne fait aucun doute qu’agir au mieux des intérêts du client signifie également pour l’entrepreneur assumer pleinement son rôle de conseiller et de bien informer le client tout en évitant de se placer dans une situation de conflit entre ses propres intérêts et ceux de son client.
[117] Il appartient à l’entrepreneur, compte tenu de son obligation de résultat, de prouver la cause des retards et le fait qu’ils ne lui sont pas imputables [24]Société de cogénération de St-Félicien c. Industries Falmer inc.
[108] Karim[23] écrit :
En d’autres termes, l’’entrepreneur ou le prestataire de services doit remplir son obligation de renseignement et s’acquitter de son devoir de conseil non seulement lors de la conclusion du contrat, mais aussi tout au long de sa durée.
[109] À la question à l’audience, pourquoi il n’avait pas communiqué avec la Bénéficiaire en septembre 2017 pour régler la question des extras des armoires, le cuisiniste a répondu qu’il n’avait pas de contrat avec les Bénéficiaires, seulement avec l’Entrepreneur, et que c’était avec l’Entrepreneur qu’il réglait la question des extras-
[109.1] le règlement des extras devait donc se faire à la connaissance de l’Entrepreneur et si l’Entrepreneur affirme à l’audience qu’il croyait que cette question était réglée, le règlement sur les armoires, s’il avait eu lieu, aurait dû se faire à sa connaissance;
[109.2] l’Entrepreneur a légalement « la direction et la responsabilité de l’exécution » mais n’a effectué aucune vérification le 23 octobre pour savoir si les extras concernant les armoires avaient été réglés avant de confirmer que la date de livraison du 30 novembre 2017 était toujours valide.
[110] La preuve démontre que :
[110.1] ce n’est que le mercredi 6 décembre 2017, donc 44 jours après le 23 octobre, que l’Entrepreneur envoie une facture pour les extras alléguant que leur non-paiement explique le retard de livraison;
[110.2] la facture est datée du 22 novembre 2017, mais n’a été envoyée que le 6 décembre 2017,
[110.3] s’en est suivi un échange de courriels puis la signature le 20 décembre 2017 des modifications aux plans pour tenir compte du règlement entre les parties de cette facture supplémentaire datée du 22 novembre 2017.
[111] L’origine du différend sur les extras est expliquée dans le courriel du courtier immobilier Nicolas Bel du 24 novembre 2019 (pièce B-13); à l’audience il confirme que c’est lui qui a rédigé le contrat préliminaire de juin 2017 (et la feuille de route d’octobre 2017) :
Lorsque le promoteur m’a confié les échantillons, ils m’a dit que les échantillons « Thermoplastique » coûté un extra de 3500$.
Il m’a confié des échantillons de thermoplastique « mats » et « lustrés » sans me dire qu’il y a fait une différence de prix
De plus les échantillons eux même ne font pas mention de la différence en mat et lustré, il y a juste écrit « Thermoplastique » peu importe la finition
Le jour de la signature du contrat préliminaire vous avez choisi l’échantillon lustré.
Comme il n’y avait aucune différence de prix entre mat et lustré, j'ai simplement écrit la mention qui se trouvait sur l’échantillon : « Thermoplastique »
[112] Le courtier Nicolas Bel témoigne à l’audience :
[112.1] que le mot « lustré » n’apparaît pas dans le contrat préliminaire de juin 2017, mais apparaît dans la feuille de route d’octobre 2017;
[112.2] qu’il ignorait qu’il y avait un extra à payer;
[112.2.1] au moment de rédiger la feuille de route en octobre 2017; et
[112.2.2] avant le 6 décembre 2017 quand l’Entrepreneur a fait la demande d’un paiement extra;
[112.3] qu’il ne peut pas savoir ce qui se passe entre le cuisiniste et l’Entrepreneur, il n’était pas au courant, « moi j’ai une feuille de route sans les matériaux de base, je ne connais pas ce problème »;
[112.4] que dans son esprit, il n’y avait aucune ambiguïté au moment de la signature de la feuille de route en octobre 2017.
[113] Le cuisiniste Totaro affirme à l’audience avoir vu le 18 novembre (alors que la Bénéficiaire a signé la feuille de route le 13 octobre) que ces extras, qui avaient déjà fait l’objet d’un courriel de Nicolas Bel le 7 septembre 2017, mais dont l’objet lustré est inscrit sur la feuille de route signée le 13 octobre 2017 (partie de A-8), n’avaient pas été réglés le 18 novembre et en avait fait part à l’Entrepreneur.
[114] L’Entrepreneur établit une facture le 22 novembre.
[115] L’Entrepreneur communique cette facture le 6 décembre, 14 jours plus tard.
[116] Le Tribunal conclut de la preuve que l’Entrepreneur savait avant le 30 novembre qu’il ne pouvait livrer le bâtiment à cette date, considérant qu’il a attendu du 22 novembre au 6 décembre pour envoyer sa facture.
[117] Le Tribunal d’arbitrage conclut :
[117.1.1] que cette période de « flottement » a été directement causé par l’impossibilité de livrer le bâtiment pour le 30 novembre à cause, à tout le moins, de l’insuffisance du courant électrique;
[117.1.2] et, avec beaucoup d’égards pour l’opinion contraire, les faits démontrent que la question des armoires ne peut pas couvrir la responsabilité de l’Entrepreneur pour les dommages subis suite à la signature du bail du 8 novembre 2017 prévoyant un départ du condo le 10 décembre, qui a été signé suite à l’engagement du 23 octobre de livrer le bâtiment le 30 novembre.
[118] La preuve montre qu’« il a fallu faire tirer des lignes de gaz car il n’y avait pas assez d’énergie pour cette phase, le chauffage devait être à 100% électrique et aujourd’hui le chauffage et le chauffe-eau sont au gaz ».
[119] La preuve montre aussi que l’Entrepreneur n’aurait pas pu livrer avant le 15 décembre 2018 le branchement électrique des unités résidentielles par Hydro Québec et il n’est pas clair de la preuve à quelle date le bâtiment des Bénéficiaires a été finalement branché.
[119.1] le bâtiment résidentiel des Bénéficiaires a été le premier[24] livré sur cette phase et la livraison a eu lieu le 25 janvier 2018.
[120] Dans sa plaidoirie, le procureur de l’Administrateur a soulevé la « force majeure » comme défense pour l’Entrepreneur mais il n’y a aucune preuve de force majeure.
[121] Dès le 7 septembre 2017, donc avant la confirmation du 23 octobre 2017, Nicolas Bel (pièce E-6), courtier qui représente l’Entrepreneur écrit :
Hydro-Québec nous avait dit qu’il fournirait le chauffage et l’eau chaude dans les maisons. Mais malheureusement au moment de faire les branchements, Hydro-Québec a vu qu’il n’y avait pas assez de puissance pour le chauffage et l’eau chaude dans les maisons. Hydro-Québec ne veut tirer de nouveau-cable […]
[122] Le Tribunal conclut :
[122.1] que ni ce courriel du courtier immobilier ni la preuve par qui que ce soit à l’audience n’a cherché à établir la faute du tiers (Hydro) et la force majeure (problème électrique) qui puissent exempter l’Entrepreneur et sa caution, l’Administrateur, de leur responsabilité en cas de retard;
[122.2] qu’il a absence de preuve de force majeure, plaidée par l’Administrateur sans se référer aux éléments dans la preuve qui devaient amener le soussigné à conclure à la présence de force majeure, soit que la situation quant à la puissance électrique disponible qui a entraîné le retard dans la livraison « n’était pas normalement prévisible[25] » par l’Entrepreneur.
[123] Le Tribunal d’arbitrage, ayant entendu une preuve plus complète que celle analysée par l’Administrateur au moment de rendre sa décision, conclut autrement des courriels qui ont servi de base à la décision de l’Administrateur, le tout dit avec égards :
[123.1] ➢ Courriel de la bénéficiaire transmis à l’entrepreneur le 25 octobre 2017 demandant confirmation pour la livraison du 30 novembre 2017.
[123.1.1] avec égards, ce courriel ne demande pas confirmation, mais confirme plutôt la conversation verbale de l’Entrepreneur, d’ailleurs confirmée à l’audience;
[123.2] ➢ Courriel de l’entrepreneur transmis le 6 décembre 2017 à sa cliente pour approbation des modifications des armoires de cuisine, après quoi un litige est survenu en lien avec des frais additionnels pour lesquels la bénéficiaire mentionne avoir déjà payé 5 500 $ pour les armoires.
➢ Échanges de courriel entre les parties le 19 décembre 2017 en lien avec les choix faits par la bénéficiaire concernant les armoires de cuisine, qui engendreraient des coûts additionnels au contrat d’origine, armoires qui ne pourront être commandées que lorsqu’il y aura eu entente sur le prix entre les parties.
De même, dans un courriel transmis par la bénéficiaire, cette dernière mentionne vouloir finalement obtenir les armoires de type standard afin que la maison puisse leur être livrée le 19 janvier 2018.
➢ Le 20 décembre un courriel est transmis à l’entrepreneur Pentian, dans lequel la feuille de choix des armoires est jointe et sur laquelle il est permis de constater que le choix des armoires a été fait par la bénéficiaire le 4 septembre 2017.
[123.2.1] ces trois courriels sont postérieurs à l’engagement du 23 octobre 2017 pour une livraison du 30 novembre et du bail signé le 8 novembre 2017, qu’il faut considérer en parallèle avec le fait qu’il faut six semaines pour produire les armoires, alors que ce n’est que le 6 décembre qu’il est fait reproche à la Bénéficiaire d’un conflit pour les armoires, dont on réitère encore une fois qu’il faut six semaines à produire, à un moment où le bâtiment résidentiel n’est toujours pas électrifié - le Tribunal d’arbitrage conclut que le problème de livraison était ailleurs, hors la responsabilité des Bénéficiaires, et non, un problème d’armoire.
[124] Par courriel du 11 janvier 2018, l’Entrepreneur écrit :
« je veux seulement vous dire que nous travaillions très fort pour arriver à la date du 19 mais cette impossible après le problème d’électricité et en plus vous nous avec retarder 3 mois avec la choix de les armoire. Vous avez finaliser avec Nicola de Bois d’Or la semaine du 10 décembre 2017. Le délai de fabrication est de 6 semaines et le fabricant est fermer durant les 2 semaine de noel, je vous ai envoyer la modification au mois de septembre pour vous décider mais vous avez prix 3 mois pour signer la command. D’abord nous allons faire notre possible, je vous suggère de attendre avant de cédulé la date pour la livraison […]
[125] Par courriel du 16 janvier 2018, l’Entrepreneur écrit :
« […] nous sommes proche a finir […] nous allons finir le restant pour jeudi 25 janvier (vendredi il va manquer les comptoir de Quartz, certain plomberie, et probablement partie de l’escalier) »
[126] En bref, l’Entrepreneur à l’audience affirme que quand il a confirmé le 23 octobre 2017 livrer le bâtiment au 30 novembre, et ce, moins de six semaines après, il ignorait que la Bénéficiaire n’avait pas réglé avec son cuisiniste la question des armoires (extras à payer).
[127] La Bénéficiaire avait rempli la feuille de route au préalable, feuille de route acceptée le 13 octobre par l’Entrepreneur, et la Bénéficiaire lui demande alors quelle sera la date de livraison, et l’Entrepreneur lui confirme que oui, la date du 30 novembre tient toujours.
[128] Qui plus est, l’Entrepreneur est au courant au moins en date du 22 novembre 2017 (date de sa facture envoyée le 6 décembre) qu’il y a un débat sur les extras, que la mise en production n’a pas été effectuée, or il en avise la Bénéficiaire que 14 jours plus tard, soit le 6 décembre, à un moment qu’il ne pouvait pas livrer le bâtiment car il n’avait pas d’électricité.
[129] En résumé, l’Entrepreneur ne pouvait pas s’engager le 23 octobre 2017 à une date de livraison sans faire les vérifications qu’il avait l’obligation d’effectuer avant de s’engager, ni alléguer en défense à l’audience qu’il s’est engagé car il ignorait ce que lui seul pouvait savoir directement d’un cuisiniste qui affirme à l’audience régler les extras avec l’Entrepreneur et non pas directement avec la Bénéficiaire.
[130] La Bénéficiaire a produit une réclamation pour trois retards :
[130.1] du 18 juin au 30 novembre 2017;
[130.2] du 20 décembre 2017 au 19 janvier 2018;
[130.3] du 20 janvier au 25 janvier.
[131] Le Tribunal d’arbitrage peut ordonner seulement le remboursement de dommages prévus au Règlement.
[132] Dans sa facture du 16 octobre 2017 pour le premier retard, les dommages sont la perte de loyer de son condo qu’elle doit rembourser au futur locataire, et les dommages intérêts de ce locataire; ces frais ne sont pas prévus au Règlement.
[133] Le Tribunal n’a donc pas à se prononcer sur la responsabilité de l’Entrepreneur pour ce premier retard, n’ayant pas de dommages « remboursables en vertu du Règlement » qui lui sont soumis, la question est donc purement académique.
[134] Le retard après le 30 novembre est tout autre.
[135] La preuve démontre que le règlement du différend sur les armoires n’était nullement la causa causans du dommage subi par la Bénéficiaire.
[136] De plus, bien que la Bénéficiaire ait tout signé ce que l’Entrepreneur lui avait demandé en date du 20 décembre, le 11 janvier, l’Entrepreneur affirme maintenant ne plus être en mesure de lui offrir une date de livraison.
[137] La Bénéficiaire réclame des frais de notaire supplémentaires, pour une procuration pour éviter l’achat d’un billet d’avion pour une date de signature incertaine car remise; ces frais ne sont pas prévus au Règlement et relèvent de la compétence juridictionnelle des tribunaux de droit commun.
[138] La Bénéficiaire produit au soutien de sa réclamation pour dommages, un bail du 19 décembre 2017 au 20 janvier 2018, puis du 20 janvier au 25 janvier.
[139] La Bénéficiaire et sa famille ont déménagé le 20 décembre 2017 au lieu du 1er janvier (début du bail signé pour son condo), affirmant, comme explications, que c’était à cause de la difficulté de déménager pendant le temps des Fêtes;
[139.1] le soussigné a une connaissance personnelle du déménagement pour un premier janvier, puisqu’il a déjà été personnellement dans cette situation;
[139.2] le Tribunal d’arbitrage ne peut que conclure de débuter les dommages qu’il peut accorder au vendredi 29 décembre (mais pas au jour férié du 1er janvier 2018, ni au samedi et dimanche 30 et 31 décembre 2017);
[139.2.1] les Bénéficiaires avaient l’obligation de prouver qu’ils avaient essayé de minimiser leurs dommages pour la date de déménagement;
[139.2.2] sur la base du sous-paragraphe précédent, les Bénéficiaires n’ont pas rempli leur fardeau de preuve pour tenir l’Entrepreneur responsable des frais pour le logement, les repas et l’entreposage encourus à partir du 20 décembre au lieu du 29 décembre;
[139.2.3] il est impossible pour le soussigné, vu l’absence pour les Bénéficiaires d’avoir rempli leur fardeau de preuve sur ce point précis, de conclure que l’Entrepreneur doit être tenu responsable des dommages pour le logement, les repas et l’entreposage encourus du 20 au 29 décembre,
[139.2.4] en réitérant et en soulignant :
139.2.4.1. que les dommages que le Tribunal d’arbitrage peut accorder sont des dommages compensatoires en vertu du droit civil et tel que prévus au Règlement et non des dommages punitifs;
139.2.4.2. que même si le total des dommages accordés voisine la limite prévue au Règlement à $6,000, ils sont strictement basés sur la preuve et le droit applicable.
[140] Le Tribunal d’arbitrage reconnaît en vertu du Règlement les dommages du 29 décembre 2017 au 25 janvier 2018 inclusivement (27 nuits pour le logement et 28 jours pour l’entreposage et les repas) :
[140.1] - Déménagement $920.00 (plus taxes $137.77)
[140.2] - Frais de logement[26]
[140.2.1] chambre $31,613[27]/jour x 3 personnes x 22 jours
et $32[28]/jour X 3 personnes x 5 jours : $2,566.46
[140.2.2] repas $15.00[29]/jour x 3 personnes x 23 jours
et $15.50[30]/jour x 3 personnes x 5 jours : $1,267.50
[140.3] - Entreposage
[140.3.1] $38,06[31]/jour x 23 jours
x $39,20/jours x 5 jours: $1,071.38
[140.4] TOTAL : $5,825.34
plus $137.77 de tps et tvq sur la somme de ($920.00) taxes incluses : $5,963.11
[141] Le 23 octobre 2017, l’Entrepreneur, qui avait reçu la feuille de route signée par la Bénéficiaire le 13 octobre 2017, lui a confirmé la date de livraison mentionnée dans sa lettre du 30 août 2017, soit le 30 novembre 2017.
[142] Sur la base de cette confirmation, et la défense de l’Entrepreneur à ce sujet sur son ignorance d’éléments qu’il lui revenait de vérifier n’est pas admissible en droit, le 8 novembre 2017, la Bénéficiaire a signé un bail à partir du 1er janvier 2018 et n’a pu entrer dans son bâtiment résidentiel que suite à son inspection du 25 janvier, et elle a subi des dommages couverts par le Règlement vu le retard de livraison d’un bâtiment résidentiel qui n’était pas encore branché à l’électricité au 30 novembre 2017.
[143] Vu les faits, vu le droit, la réclamation des Bénéficiaires pour certains de leurs frais à cause du retard de livraison est donc accueillie.
[144] L’article 123 du Règlement stipule :
Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
[145] Les Bénéficiaires ayant eu gain de cause sur au moins un des aspects de leur réclamation, les coûts de l’arbitrage seront assumés par l’Administrateur.
[146] POUR CES MOTIFS, le Tribunal d’arbitrage :
[146.1] ACCEUILLE partiellement la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
[146.2] QUANT AUX POINTS Point 27 - Carrelage céramique abimé dans la salle de bain et Point 28 - Latte abimée dans l'escalier, ORDONNE à l’Entrepreneur de procéder aux travaux correctifs sur les Point 27 - Carrelage céramique abimé dans la salle de bain et Point 28 - Latte abimée dans l'escalier le tout selon les normes et les règles de l’art de l’industrie de la construction applicables, dans les quarante-cinq (45) jours de calendrier de la date de cette décision arbitrale (7 janvier 2020), le délai étant un délai de rigueur, et, à défaut par l’Entrepreneur de s’y conformer, ORDONNE à l’Administrateur de les exécuter à l’intérieur d’un délai supplémentaire de trente (30) jours de calendrier après l’expiration de ce premier délai sans autre avis ni délai;
[146.3] QUANT AU POINT 47 - Retard, ORDONNE à l’Entrepreneur de rembourser aux Bénéficiaires la somme de $5,825.34 plus $137.77 de tps et tvq sur la somme de $920.00, pour un total de $5,963.11 dans les trente (30) jours de calendrier de la date de cette décision arbitrale (7 janvier 2020), le délai étant de rigueur et qu’à défaut par l’Entrepreneur de rembourser cette somme aux Bénéficiaires dans ce délai, ORDONNE à l’Administrateur, comme caution des obligations de l’Entrepreneur en vertu du Règlement, de rembourser aux Bénéficiaires la somme de $5,825.34 plus $137.77 de tps et tvq sur la somme de $920.00, pour un total de $5,963.11 dans les trente (30) jours supplémentaires ET RÉSERVE à l’Administrateur ses recours subrogatoires contre l’Entrepreneur en cas de paiement aux Bénéficiaires comme caution ;
[146.4] QUANT AUX POINT 23 - Vanité et armoires de la salle de bain et POINT 26 - Insonorisation des murs des chambres, REJETTE la réclamation des Bénéficiaires et MAINTIENT la décision de l’Administrateur sur ces points.
[146.5] LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage, à la charge de Garantie de Construction Résidentielle (GCR) (l’Administrateur) conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par CCAC, après un délai de grâce de 30 jours ;
[146.6] RÉSERVE à Garantie de Construction Résidentielle (GCR) ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour les coûts exigibles pour l’arbitrage (par.19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
Montréal, le 7 janvier 2020
__________________________
ROLAND-YVES GAGNÉ
Arbitre / CCAC
9264-3212 Québec Inc. c. Moseka 2018 QCCS 5286 (Johanne Brodeur, J.C.S).
3093-2313 Québec c. Létourneau et Bouchard et la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ CCAC S15-022401-NP, Décision rectifiée du 12 novembre 2015, Roland-Yves Gagné, arbitre.
La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons, « La construction au Québec : perspectives juridiques », Wilson & Lafleur Ltée 1998, Montréal,
Syndicat de la copropriété du 7400, rue Lajeunesse et Montcan Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels de l’APCHQ Inc., CCAC S09-030701-NP, 17 novembre 2009, Me Albert Zoltowski, arbitre;
Polat c. Construction D’Astous ltée et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc SORECONI, 27 juin 2014, Me Lydia Milazzo, arbitre.
Syndicat des copropriétaires 6613-6635 boul. des Laurentides Laval c. 9141-0001 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, CCAC S14-070901-NP, 1er juin 2015, Yves Fournier, arbitre.
Gauthier et Gagnon c. Goyette Duchesne Lemieux inc. et La Garantie des Bâtiment Résidentiels Neufs de l’APCHQ inc., SORECONI 050629001, 3 novembre 2006, Jeffrey Edwards, arbitre.
Daunais c. Farrugia, [1985] R.D.J. 223 (C.A.).
MV et al. c. Les Constructions Raymond et Fils et Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat Inc., CCAC S17-061301-NP, 17 décembre 2018, Jean Philippe Ewart, arbitre.
Demers et Les Industries Bonneville Ltée et La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, CCAC S12-070903-NP, 10 février 2013, Alcide Fournier, arbitre.
Mignacca et al. et Développement Hamavi Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc., CCAC S12-022401-NP, 22 novembre 2012, Alcide Fournier, arbitre.
Charrette et Hébert c. Construction Beau-Vain et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ SORECONI 131507001, 9 janvier 2014, Roland-Yves Gagné, arbitre.
Zanni et Enea c. Saint-Luc RDP et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ SORECONI 132204001, 30 septembre 2013, Roland-Yves Gagné, arbitre.
Hélène Sommereyns c. 7802471 CANADA inc. (Construction des Grands Jardins) et La Garantie De Construction Résidentielle (GCR) CCAC S17-102201-NP, 30 octobre 2018, Yves Fournier, arbitre.
François et Constructions Trikilon La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ AZ-50889934, 11 mai 2012, CCAC, Me Pierre Boulanger, arbitre.
Levesque et Sebecam AZ-50844665, CCAC, 22 mars 2012, Alcide Fournier, arbitre.
Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal 2013 QCCA 1211;
Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL 2011 QCCA 56;
La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause AZ-50285725, J.E. 2005-132 (C.A.).
Idevco Développement 2010 Inc. et SDC Papineau et Saint-Grégoire et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de L’APCHQ Inc. CCAC S14-082201-NP, 8 mai 2015, Roland-Yves Gagné, arbitre.
Syndicat de la Copropriété du 7906, 7906A, 7908 et 7910 rue Drolet c. Habitations Espaces Logiques et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ CCAC S08-150401-NP, 29 juillet 2008, Me Albert Zoltowski, arbitre.
Développement P10 Inc. c. Syndicat de copropriété du 5366, 10e Avenue et La Garantie de Construction Résidentielle (GCR), CCAC S18-081301-NP et al, 24 septembre 2019, Roland-Yves Gagné, arbitre.
Syndicat des Copropriétaires du 2605-2611 St-Émile c. 9256-4103 Québec Inc. et Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat Inc. CCAC S17-100301-NP, 17 mai 2018, Roland-Yves Gagné, arbitre.
Hydro-Québec c. Construction Kiewit cie:2014 QCCA 947.
Développement Tanaka inc. c. Corporation d'hébergement du Québec 2009 QCCS 3659 Jean-Pierre Senécal, J.C.S.
Érablière J. Cloutier inc. c. Constructions Paul-Eugène Turcotte & Fils inc:2017 QCCS 4506 Danye Daigle, J.C.S.
Desbiens Techni-Services inc. c. Procureur général du Québec (Ministère des Transports), 2018 QCCS 3174 Bernard Tremblay, J.C.S.
Société de Cogénération de St-Félicien, société en commandite/St-Felicien Cogeneration Limited Partnership c. Industries Falmec inc., 2005 QCCA 441.
Baudouin et Jobin, Les obligations, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, 6e édition.
DÉCISION ET POSITIONS DES PARTIES
SUR LE POINT 47 - RETARD
- AVANT L’AUDIENCE
Décision de l’Administrateur :
Les bénéficiaires réclament le remboursement de certains frais occasionnés par le retard de livraison de l’immeuble, dont la livraison était prévue au contrat pour le 18 octobre 2017, laquelle n’a toutefois eu lieu que le 25 janvier 2018, à savoir cent (100) jours plus tard.
Les frais réclamés concernent la location de trois chambres avec repas et entreposage pour la période s’échelonnant du 20 décembre 2017 au 25 janvier 2018 au 3159, rue Bélanger à Montréal, lesquels sont répartis comme suit :
20 décembre 2017 au 19 janvier 2018 :
➢ Déménagement 942,77 $
➢ Location trois chambres 2 940 $
➢ Trois repas par jour / trois personnes 1 395 $
➢ Entreposage des meubles 1 180 $
20 au 25 janvier 2018
➢ Location trois chambres 960 $
➢ Trois repas par jour / trois personnes 465 $
➢ Entreposage des meubles 392 $
Selon les documents reçus, les sommes réclamées totalisent 8 274,77 $.
Les seuls frais recevables dans le cas d’un retard de livraison sont ceux couverts par le
Règlement. […]
Dans le cadre du Règlement, le montant total admissible maximum prévu est de 6 000 $.
Les bénéficiaires réclament pour leur part un montant total de 8 274,77 $ pour trois personnes, pour la période s’échelonnant du 20 décembre 2017 au 25 janvier 2018, à savoir trente-six (36) jours.
Or, pour trois personnes, le montant journalier prévu au Règlement est de 160 $, ce qui totalisent un montant maximal de 5 760 $.
L’entrepreneur nous a pour sa part transmis des documents qui selon lui le dégage de tout retard de livraison, à savoir :
➢ Lettre enregistrée adressée et transmise aux bénéficiaires le 30 août 2017, mentionnant que les conditions climatiques ont fait en sorte que l’unité sera livrée le 30 novembre en lieu et place du 18 octobre 2017, que la bénéficiaire a accepté lors d’échanges subséquents.
➢ Lettre enregistrée transmise le 15 septembre 2017 rappelant à sa cliente qu’elle devait dans les sept (7) jours suivant la signature du contrat transmettre ses choix de finis (choix qui n’étaient toujours pas transmis en date du 15 septembre 2017).
➢ Courriel de la bénéficiaire transmis à l’entrepreneur le 25 octobre 2017 demandant confirmation pour la livraison du 30 novembre 2017.
➢ Courriel de l’entrepreneur transmis le 6 décembre 2017 à sa cliente pour approbation des modifications des armoires de cuisine, après quoi un litige est survenu en lien avec des frais additionnels pour lesquels la bénéficiaire mentionne avoir déjà payé 5 500 $ pour les armoires.
➢ Échanges de courriel entre les parties le 19 décembre 2017 en lien avec les choix faits par la bénéficiaire concernant les armoires de cuisine, qui engendreraient des coûts additionnels au contrat d’origine, armoires qui ne pourront être commandées que lorsqu’il y aura eu entente sur le prix entre les parties.
De même, dans un courriel transmis par la bénéficiaire, cette dernière mentionne vouloir finalement obtenir les armoires de type standard afin que la maison puisse leur être livrée le 19 janvier 2018.
➢ Le 20 décembre un courriel est transmis à l’entrepreneur Pentian, dans lequel la feuille de choix des armoires est jointe et sur laquelle il est permis de constater que le choix des armoires a été fait par la bénéficiaire le 4 septembre 2017.
➢ Le 11 janvier 2018, un courriel de l’entrepreneur est adressé à sa cliente rappelant certains éléments justifiant l’impossibilité de la livraison pour le 19 janvier 2018.
Analyse et décision (point 47)
L’administrateur, dans son analyse, doit se questionner à savoir si l’entrepreneur a manqué à ses obligations contractuelles, ce qui ne semble pas être le cas à la présente.
Il appert qu’une condition dans le contrat (art 5.14) ne semble pas avoir été respectée par la bénéficiaire, à savoir celle du choix des finis dans les sept (7) jours de la signature du contrat, choix qui n’aurait été fait que trois (3) mois après la signature du contrat et qui, aux dires de l’entrepreneur, a entraîné des délais dans la construction intérieure de la maison.
En ce qui a trait aux armoires de cuisine, le choix qui avait été fait au mois de septembre 2017 et qui a fait l’objet d’une mésentente entre les parties et qui se serait finalisé au cours du mois de décembre, a eu pour effet de nécessiter un délai de six (6) semaines pour la fabrication des armoires et une autre semaine pour le comptoir de quartz.
Pour ces raisons, l’administrateur conclut que l’entrepreneur n’a pas manqué à ses obligations contractuelles et par le fait même, rejette la demande de remboursement pour frais de retard de livraison des bénéficiaires.
Demande d’arbitrage :
Dans mon offre d’achat, j’ai payé un extra de $3500 + taxes pour avoir les armoires en thermoplastique lustré, agent immobilier ne veut pas marqué le mots lustré dans mon offre d’achat, parce que dans |’échantillon n’a pas le mot lustré. Donc il a dit qu’il doit suivre €échantillon. J’ai fait mon choix d’armoires le 04 septembre 2017, et le fin de septembre j'ai essayé de rejoindre monsieur Bel avec plusieurs reprises en laissant message a sa boite vocale, mais pas de retour d’appel, et le 03, 04, 05 oct 2017 j’ai lui envoyé trois texto, il m’a répondu le 05(SVP! Voir Annexe B-3A et B-3B), et j’ai lui rencontré le lendemain 06 oct dans son bureau, et j’ai lui parlé de I’avis important de la feuille de route que j’ai regu courrier recommandé par Pentian le 04 octobre, monsieur Bel m’a dit qu’on va faire ensemble le 06 octobre 2017(SVP! Voir Annexe B-4A), il a finalisé le 13 octobre 2017(SVP! Voir Annex B-4B). Le 23 Octobre 2018, j’ai téléphoné a monsieur Charles Valenti, pour lui demander est ce que tout est correct avec ma feuille de route, il m’a dit que c’est correct et il m’a confirmé que la date de livraison sera toujours pour le 30 novembre 2018, j’ai lui envoyé un courriel pour confirmer ce qu’il m’a dit dans notre conversation téléphonique (SVP! Voir Annexe B-5). Depuis le 13 Novembre 2017, j'ai appelé la secrétaire de notaire Amoureux pour fixer un rendez vous de signer contrat d’achat. Mais elle m’a dit que c’est juste Place Daudet 2-1 au 2-5 qui va livrer la fin de novembre, mais pas le mien, j’ai téléphoné a Pentian en laissant message a monsieur Charles Valenti beaucoup fois avant et apres le 30 novembre 2017, aucun nouvelle et retour d’appel de monsieur Valenti. Mon conjoint est arrivé au Canada le 29 novembre 2017 pour la signature de contrat d’achat, mais malheureusement, aucun nouvelle de Pentian, donc je n’ai pas de choix d’aller chez le notaire pour signer une procuration. Le 05 Décembre 2017, je suis allée au bureau de Pentian avec ma fille, et c’est 3 mois plus tard, le 06 décembre 2017, 6 jours aprés la date de livraison, j’ai pris connaissance les probleme d’armoires. Malgré que monsieur Valenti n’a été pas Ia, j’ai rencontré son associé monsieur Ignazio Amato, Il m’a dit achat d’une maison supposé étre heureuse, pourquoi vous étes si malheureux, car j’ai été paniqué et stresser par la pression de nouvelle maison, j'ai lui expliqué que plus de trois semaines, je n’ai aucune nouvelle de monsieur Valenti et Pentian pour la date de livraison. J’ai lui parlé de mes difficultés causé par le retard de livraison, ainsi que mes dommagés pour résilier le bail signé en 12 aodt 2017 et doit payer encore pour un autre bail qui a signé en début de novembre 2017, ainsi qu’il faut retarder le livraison de mes électroménagers, et aussi le camion de déménagement etc... A cause la stresse et la pression, j’ai été déprimé, j’ai pleuré beaucoup beaucoup devant lui en parlant de mes difficulté, il m’a consolé et il m’a serré dans ses bras. Il m’a dit que monsieur Valenti n’est Pas correct, il faut répondre pour donner la raison et une date prévue, monsieur Amato m’a promis qu’il va faire le message a monsieur Valenti, et il va pousser monsieur Valenti de me contacter dans le plus bref délai. Donc, dans le lendemain 06 octobre 2017, j’ai regu l’appel de monsieur Valenti. II m’a dit que le retard est a cause le branchement de I’électricité. J’ai écrit un courriel de remerciement a monsieur Amato. (SVP! Voir annexe B-6). Monsieur Valenti m’a jamais parlé les problemes des armoires de cuisine, le 06 décembre 2017 aprés la conversation téléphonique de monsieur Valenti, j'ai regu un courriel avec la facture qui a daté le 22 novembre 2017 pour les armoires de cuisine. C’est bien le 06 décembre que j’ai pris connaissance les problémes des armoires et la facture, ainsi que ceci est le premier courriel que j’ai regu de la part de Madame Najwa Kerbaj, j’ai répondu toute de suite avec beaucoup surprise. (SVP! Voir Annexe B-7). Avant le 06 décembre, je n’ai regu aucun courriel ou communication de la part de Madame Najwa. C’est la méme journée que j’ai pris connaissance sur les problémes des armoires, 6 jours aprés la date de livraison prévu le 30 novembre 2017. On peut voir évidement que Pentian ne veut pas prendre la responsabilité pour mes frais de retard, donc, il a essayé de mettre le probléme sur mon dos, mais il n’y a aucun preuve d’envoie pour les probléme des armoires avant le 06 décembre 2017, j’ai le trouvé trés mauvaise foi!
Position de l’Entrepreneur :
je joins quelques correspondances entre les clients , le représentant et nous, en lien avec les retards occasionnés par les fait que le choix des armoires de cuisine n’était pas signé et finalisé par les délais prescrits. ( les choix ont pris 3 mois pour être finalisés) .
• le 6 décembre 2017 - nous n’avions toujours pas reçu le document des extras signé - donc nous ne pouvions pas mettre la cuisine en production
o ( page 1 et 2)
• le 18 décembre 2017 - le représentant a demandé à la cliente de communiquer avec l’entrepreneur pour régler le problème des armoires
o (page 3 à 7)
• le 20 décembre 2017 - vous trouverez le contrat de Bois d’or (cuisiniste) modifié le 20 décembre 2017….
o (page 10)
• le 11 janvier 2018 - nous avisons la cliente que nous ferons notre possible pour lui donner une date précise pour la livraison
[1] 9264-3212 Québec Inc. c. Moseka 2018 QCCS 5286 (Hon. Juge Johanne Brodeur). Voir aussi : 3093-2313 Québec c. Létourneau et Bouchard et la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ CCAC S15-022401-NP, Décision rectifiée du 12 novembre 2015, Roland-Yves Gagné, arbitre, paragraphe [335]; Syndicat des copropriétaires 6613-6635 boul. des Laurentides Laval c. 9141-0001 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, (CCAC S14-070901-NP, 1er juin 2015, Yves Fournier, arbitre), paragraphe [68] à [76]. Gauthier et Gagnon c. Goyette Duchesne Lemieux inc. et La Garantie des Bâtiment Résidentiels Neufs de l’APCHQ inc., SORECONI 050629001, 3 novembre 2006, Jeffrey Edwards, arbitre, paragraphe [130].
[2] 2006 QCCA 887.
[3] [1] Daunais c. Farrugia, [1985] R.D.J. 223 (C.A.), p. 228, j. Monet.
[4] La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause AZ-50285725, 15 décembre 2004.
[5] La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons, « La construction au Québec : perspectives juridiques », Wilson & Lafleur Ltée 1998, Montréal, à la page 453; cités, entre autres, par : Syndicat de la copropriété du 7400, rue Lajeunesse et Montcan Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels de l’APCHQ Inc., CCAC S09-030701-NP, 17 novembre 2009, Me Albert Zoltowski, arbitre; Polat c. Construction D’Astous ltée et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc SORECONI, 27 juin 2014, Me Lydia Milazzo, arbitre (cité en partie).
[6] CCAC S17-061301-NP, 17 décembre 2018, Jean Philippe Ewart, arbitre.
[7] CCAC S12-070903-NP, 10 février 2013, Alcide Fournier, arbitre.
[8] CCAC S12-022401-NP, 22 novembre 2012, Alcide Fournier, arbitre.
[9] Par exemple, Charrette et Hébert c. Construction Beau-Vain et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ (SORECONI 131507001, 9 janvier 2014) et Zanni et Enea c. Saint-Luc RDP et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ (SORECONI 132204001, 30 septembre 2013).
[10] CCAC S17-102201-NP, 30 octobre 2018, Yves Fournier, arbitre.
[11] AZ-50889934, 11 mai 2012, CCAC, Me Pierre Boulanger, arbitre.
[12] AZ-50844665, CCAC, 22 mars 2012, Alcide Fournier, arbitre.
[13] Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal 2013 QCCA 1211; Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL 2011 QCCA 56; La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause AZ-50285725, J.E. 2005-132 (C.A.).
[14] S14-082201-NP, 8 mai 2015, Roland-Yves Gagné, arbitre.
[15] CCAC S08-150401-NP, 29 juillet 2008.
[16] Entre autres, Développement P10 Inc. c. Syndicat de copropriété du 5366, 10e Avenue et La Garantie de Construction Résidentielle (GCR), CCAC S18-081301-NP et al, 24 septembre 2019, Roland-Yves Gagné, arbitre; Syndicat des Copropriétaires du 2605-2611 St-Émile c. 9256-4103 Québec Inc. et Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat Inc. CCAC S17-100301-NP, 17 mai 2018, Roland-Yves Gagné, arbitre.
[17] Comme l'a écrit la Cour d'appel dans Bohémier c. Barreau du Québec 2014 QCCA 961: « [48] De même, le juge n’est pas un sphinx. Il peut s’assurer que soient introduits « au dossier les faits nécessaires à la recherche complète de la vérité [...] » (références omises).
[18] 2014 QCCA 947.
[19] 2009 QCCS 3659 (Jean-Pierre Senécal, J.C.S.)
[20] 2018 QCCS 3174 BERNARD TREMBLAY, J.C.S.
[21] [48] Développement Tanaka inc. c. Corporation d’hébergement du Québec, 2009 QCCS 3659. Voir aussi Société de Cogénération de St-Félicien, société en commandite/St-Felicien Cogeneration Limited Partnership c. Industries Falmec inc., 2005 QCCA 441.
[22] 2017 QCCS 4506 Danye Daigle, J.C.S.
[23] Vincent Karim, Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation) Contrats de prestation de services et l’hypothèque légale, Éd. Wilson & Lafleur, 2e édition, 2011, p. 510 paragraphe 1208.
[24] Témoignages à l’audience de Nicolas Bel et Charles Valenti.
[25] Baudouin et Jobin, Les obligations, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, 6e édition, paragraphe 916, p. 939.
[26] Le soussigné a regardé pendant son délibéré ce qui était à l’adresse indiquée sur les documents, l’adresse renvoie à un étage est au-dessus d’un restaurant (d’après l’affiche accroché à l’immeuble) et d’une association culturelle (d’après l’inscription sur une petite affiche dans la fenêtre).
[27] Pièce A-8 - $2940/3 personnes = $980 par personne/31 jours = $31,613 par jour.
[28] Pièce A-8 - $160 par personne/5 jours = $32.00 par jour.
[29] Pièce A-8 - $465/31 jours = $15.00 par jour.
[30] Pièce A-8 : Il en coûte $77.50 pour cinq jours, voir loyer du 16 janvier 2018.
[31] Pièce A-8 : Il en coûte $196.00 pour cinq jours ($39,20) ou $1180 pour un mois de 31 jours ($38,06).