TRIBUNAL D’ARBITRAGE
Sous l’égide de
SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS inc.
(SORECONI)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Canada
Province de Québec
Dossier no: 120712001
SYNDICAT DEs COPROPRIÉTAIRES
PLACE MARIEN 1
Demandeur
DÉVELOPPEMENT ALLOGIO inc.
Défenderesse
LA GARANTIE ABRITAT INC.
Administrateur
________________________________________________________________
DÉCISION ARBITRALE
________________________________________________________________
Arbitre : Me Jean Philippe Ewart
Pour les Bénéficiaires : M. Jean-Marie Rivard
Pour
l’Entrepreneur : Me
Alessandro Zambito
Zambito Paolino Santoianni avocats
Pour l’Administrateur : Me Patrick Marcoux
savoie fournier
Mme Anne Delage
M. Jocelyn Dubuc
Insp.- Conciliateurs
Date de l’audition: 9 avril 2013
Date de la décision arbitrale : 10 mai 2013
Identification des Parties
BÉNÉFICIAIRE : SYNDICAT DEs COPROPRIÉTAIRES
Place marien 1
Attention : M. Jean-Marie Rivard
Gestionnaire bénévole mandaté
[…] Montréal (Québec) […]
(le « Bénéficiaire»)
entrepreneur: DÉVELOPPEMENT ALLOGIO INC.
Attention: Me Alessandro Zambito
Zambito Paolino Santoianni avocats
Complexe Le Baron
6020, Jean-Talon est, suite 380
Montréal (Québec)
H1S 3B1
(« l’Entrepreneur »)
ADMINISTRATEUR : LA GARANTIE ABRITAT INC.
Attention : Me Patrick Marcoux
5930 boul. Louis-H. Lafontaine
Montréal (Québec)
H1M 1S7
(«l’Administrateur»)
Mandat et Juridiction
[1] Le Tribunal est saisi du dossier par nomination du soussigné en date du 11 janvier 2013. Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les Parties et juridiction du Tribunal a été confirmée.
Litige
[2] Le litige est un recours sous demande d’arbitrage par le Bénéficiaire reçu en date du 26 novembre 2012 (la «Demande») quant à une décision de l’Administrateur émise en application du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) (le « Règlement »), datée du 13 novembre 2012 (dossier no. 503765-4, A. Delage, insp.-conciliateur) (la «Décision 11-12») relativement à un immeuble en copropriété divise (le « Bâtiment ») qui visait initialement 4 points (« Point(s) ») toutefois le Bénéficiaire a par la suite avisé le Tribunal par écrit en date du 4 février 2013 du retrait du Point 2, confirmé lors de l’enquête et audition.
Points en litige
[3] En conséquence, les éléments en litige sous la Demande sont uniquement les Points 1, 3 et 4 :
· Point 1 : Absence de fosse de retenue et de drainage au centre des passages extérieurs et du côté arrière;
· Point 3 : Absence de chantepleures;
· Point 4 : Dégradation intérieure et extérieure par infiltration au bas des murs, autour des portes d’accès aux diverses unités de l’immeuble.
Pièces
[4] Les Pièces contenues aux Cahiers de l’Administrateur et celles déposées par celui-ci lors de l’audition et dont référence sera faite aux présentes sont identifiées comme A- avec sous-numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier visé ou selon l’ordre de leur dépôt subséquent; les Pièces déposées par le Bénéficiaire sont identifiées comme B-.
[5] Les Parties ont confirmé leur acceptation respective des Pièces pour fins de véracité et exactitude.
Chronologie de l’Arbitrage
[6] Certaines des dates d’importance au dossier d’arbitrage :
2009.01.12 Réception des parties communes.
2009.01.12 Rapport de déclaration de réception des parties communes par AMEC Earth & Environmental sous mandat du gestionnaire du Bénéficiaire avec liste des travaux correctifs et ouvrages à parachever (le «Rapport AMEC»), tel que transmis par l’Administrateur (Pièce A-5).
2011.11.25 Réclamation du Bénéficiaire (Point D) relative à des infiltrations d’eau récurrentes dans pièce [salle] électrique du Bâtiment.
2012.03.19 Décision de l’Administrateur (J. Tremblay, insp.) (503765-2 selon décision) (« Décision 03-12 ») visant au point 3 l’Infiltration d’eau à la pièce [salle] électrique.
2012.04.30 Dénonciation et réclamations du Bénéficiaire, photographies et plan quant au présent arbitrage (Pièce A-1 en liasse).
2012.10.03 Inspection du Bâtiment.
2012.11.13 Décision de l’Administrateur (A. Delage, insp.) (503765-4) (Pièce A-2)
(définie ci-haut « Décision 11-12 »), et visée par le présent arbitrage.
2012.11.26 Demande d’arbitrage du Bénéficiaire (Pièce A-3).
2013.01.11 Nomination de l’Arbitre.
2013.02.11 Conférence préparatoire.
2013.02.18 Décision de l’Administrateur (J. Dubuc, insp.) (503765-2)
(« Décision 02-13 ») (Pièce A-4).
2013.02.20 Réception de documentation du Bénéficiaire à l’appui de sa demande (datée 2013.02.18, 4 cahiers, Pièce B-1 en liasse).
2013.02.21 2e Conférence préparatoire.
2013.02.26 Avis d’enquête et audition.
2013.04.09 Enquête et audition.
Les Faits pertinents
[7] Plusieurs décisions de l’Administrateur et plusieurs décisions arbitrales ont été rendues relativement à des réclamations visant le Bâtiment. De ces décisions, deux décisions (autres que la Décision sous arbitrage aux présentes) se doivent d’être factuellement soulignées.
[8] La Décision 03-12 de l’Administrateur détermine qu’il y a dommages d’eau causés à la salle électrique du Bâtiment et ordonne d’apporter les correctifs requis.
[9] Cette même Décision 03-12 constate le besoin de correctifs à une réclamation de déficience des matériaux isolants, avec note de la nécessité d’inspection supplémentaire suite à un manque d’information sur la thermographie soumise.
[10] Ce constat résulte entre autre en la Décision 02-13 de l’Administrateur (qui analyse 11 unités du Bâtiment alors que la Décision 03-12 n’avait constat que sur 6 unités).
[11] La Décision 02-13 constate des déficiences à l’isolation thermique à divers endroits du Bâtiment, incluant aux endroits visés par le Point 4 des présentes et confirme l’avis initial de l’Administrateur que ces vices sont des vices cachés au sens du Règlement et ont été dénoncés à l’intérieur du délai prescrit à celui-ci.
[12] L’Administrateur a eu la prévoyance de faire comparaitre devant le Tribunal l’auteur de la Décision 02-13, M. Jocelyn Dubuc, quoique celle-ci ne soit sujette des présentes ou sous juridiction du Tribunal. Ceci a permis de saisir les étapes des travaux correctifs qui seront requis sous la Décision 02-13.
[13] L’Administrateur ordonne à l’Entrepreneur sous la Décision 02-13 de réparer ces vices cachés, entre autres, de chaque côté des portes d’entrée des unités 9986, 9988, 9994 respectivement et à la porte d’entrée du 10 000.
[14] Le procureur de l’Entrepreneur a avisé le Tribunal, lors de la conférence préparatoire du 21 février 2013, que sa cliente consentait à effectuer les travaux correctifs requis par la Décision 02-13 qui découlait des tests de thermographie alors effectués par l’Administrateur.
Dispositions législatives
[15] Le Tribunal s’appuie pour les présentes que le Règlement est d’ordre public et prévoit que toute disposition d’un plan de garantie qui est inconciliable avec le Règlement est nulle[1]. La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue[2].
[16] Les dispositions législatives suivantes du Règlement s’adressent aux circonstances plaidées afin de déterminer la couverture de la Garantie y afférente, soit l’article 27[3] du Règlement, dont extrait:
27. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:
[…]
4° la réparation de vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception, et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu'il n'y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
[17] Ces dispositions réfèrent à certains article de notre Code Civil (« C.c.Q. »), dont :
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
2103. L'entrepreneur ou le prestataire de services fournit les biens nécessaires à l'exécution du contrat, à moins que les parties n'aient stipulé qu'il ne fournirait que son travail.
Les biens qu'il fournit doivent être de bonne qualité; il est tenu, quant à ces biens, des mêmes garanties que le vendeur.
1739. L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.
Le vendeur ne peut se prévaloir d'une dénonciation tardive de l'acheteur s'il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice.
2118. À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol.
Analyse et Motifs
Points 1 et 3. - 1 : Fosses de retenue et de drainage et 3 : Chantepleures
[18] La Décision 11-12 indique que les Points 1 et 3 étaient apparents au moment de la réception du bâtiment et qu’ils n’ont pas alors été dénoncés tel que requis par le Règlement.
[19] La réclamation au Point 1 vise l’absence de drain et de fosses de retenue au centre des passages extérieurs situés à l’arrière du bâtiment et le Bénéficiaire soumet d’autre part que ces drains apparaissent au plan de construction.
[20] Quant au Point 3, la réclamation vise une absence de chantepleures au bas de certains murs. La preuve démontre effectivement l’absence de certaines chantepleures et le Bénéficiaire, par témoignage et admission, avise le Tribunal que cette absence est partielle puisqu’il y a des chantepleures sur certaines parties des murs.
[21] Force est de constater qu’une absence de drain et de fosses de retenue est un élément apparent et ne peut bénéficier de la couverture du Plan puisque non dénoncé en conformité du Règlement. De plus, d’une part, la preuve est à l’effet qu’il y a un rapport d’une firme spécialisée en préréception (Pièce A-5) qui n’a pas identifié cette absence et, d’autre part, s’il en était requis, ces passages extérieurs sont, tel que d’ailleurs plaidé par le procureur de l’Administrateur, exclus de la couverture du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (le «Plan» ou la «Garantie») (art. 29 para 9 du Règlement).
[22] Il en est de même quant aux chantepleures manquantes, principalement au bas des murs des quatre contreforts réunissant les portes d’entrée du bâtiment; tenant compte d’une part qu’une firme spécialisée a été retenue pour inspection et d’autre part de l’admission du Bénéficiaire qu’il y a des chantepleures sur certaines parties de l’immeuble, ceci aurait d’autant dû attirer l’attention sur l’absence d’icelles à d’autres endroits.
[23] Conséquemment, la décision de l’Administrateur sur les Points 1 et 3 est maintenue et la demande du Bénéficiaire quant à ces Points est rejetée.
Point 4. une dégradation intérieure et extérieure par infiltration d’eau - portes d’accès.
[24] Le Point 4 s’adresse à une dégradation intérieure et extérieure par infiltration d’eau au bas des murs autour des portes d’accès aux diverses unités de l’immeuble. La Décision 11-12 indique que la constatation de cette dégradation a été faite en mars 2012, soit dans la quatrième (4ième) année suivant la réception du bâtiment et l’auteure de la Décision 11-12 confirme en témoignage devant le Tribunal ses notes écrites de la déclaration d’un représentant du Bénéficiaire à cet effet lors de l’inspection.
[25] Le problème d’infiltration d’eau étant apparu selon l’Administrateur après l’échéance de la Garantie sur les malfaçons et les vices cachés (3 premières années), l’Administrateur se réfère à l’article 1.1.2.5 (de la Garantie), lequel porte sur ce qu’il nomme les vices majeurs (soit en conformité de l’art. 2118 C.c.Q. une perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol) et avise que n’ayant pas été en mesure de constater ce que le Bénéficiaire a dénoncé, est d’avis que la situation observée en rapport avec le Point 4 ne rencontre pas les critères du ‘vice majeur’, car il n’y a pas selon lui de perte de l’ouvrage.
[26] Toutefois, M. Rivard, représentant du Bénéficiaire, témoigne que la constatation de cette problématique a été faite non pas au printemps 2012 mais lors de la saison hivernale 2011-2012 alors qu’il a constaté du givre aux endroits visés par la réclamation. De plus, M. Rivard témoigne qu’il a par la suite pris des photos thermographiques de cet élément et que la preuve documentaire indique qu’une telle photographie est en date du 21 janvier 2012 (identification sur cliché)[4].
[27] Le Bénéficiaire, sous la Pièce B-1, fait état des témoignages écrits en date du 14 février 2013 de deux copropriétaires du bâtiment (témoignages accompagnés chacun d’une photo thermie), plus spécifiquement ceux de M. Tewfik Oughlici, propriétaire de l’unité 9988, et Mme Anne Roireau, propriétaire de l’unité 9996.
[28] M. Oughlici allègue s’être plaint verbalement à son gestionnaire au cours des trois dernières années, et ce de façon répétitive, pour isolation défectueuse. Il ajoute que des travaux de correction pour vices d’infiltration ayant endommagé le matériel isolant ont été faits à l’édifice voisin (Place Marien 2), qui est un immeuble semblable. Le Tribunal avise d’office le Bénéficiaire que cette approche de preuve relative à un édifice voisin n’est pas pertinent.
[29] D’une part le Tribunal avise que cette preuve n’est pas recevable, ces personnes n’étant pas présentes à l’enquête et quant à Mme Roireau, ayant acheté son condo le 2 juin 2012; pour les fins des présentes, le Tribunal ne considère pas son témoignage pertinent.
Point 4. La découverte du vice et sa qualification
[30] Adressons la question de qualification du vice allégué, du temps et période de sa découverte par le Bénéficiaire. La constatation que le bien est affecté d’un vice est en pratique par la manifestation du préjudice qui découle de ce vice. C’est la découverte des dommages causés qui généralement permet cette constatation.
[31] Un autre élément caractériel est important dans cette analyse. Les circonstances présentes sont de nature de ‘non simultanéité de la faute et du dommage’ où l’apparition du dommage est postérieure à la faute.
[32] Le Bénéficiaire allègue, en page 2 de la Pièce B-1, que l’infiltration d’eau est due à une dégradation du joint de calfeutrage entre les allèges en béton et les panneaux. Il y précise que ce joint, d’après le plan soumis (Pièce B-1, page 8), aurait plutôt dû être fait par l’installation d’une membrane auto-collante et d’un solin métallique.
[33] Le Bénéficiaire est d’avis que ce joint de calfeutrage ‘non réglementaire’ s’est dégradé et fissuré avec le temps, permettant à l’eau de s’infiltrer .
[34] La preuve révèle donc que nous sommes dans un cadre de non simultanéité de la faute et du préjudice et que la manifestation du préjudice peut être qualifiée de tardive qui emporte la manifestation graduelle de l’art. 27 du Règlement.
[35] On se doit de déterminer un point de départ de cette connaissance de la découverte, ou survenance. Ce délai relève, selon le Tribunal, d’un point de départ de prescription, et dans les cas d’une prescription dite « extinctive », soit un moyen qui permet à une partie de se libérer par l'écoulement du temps et aux conditions déterminées par la loi (art. 2875 C.c.Q.), le point de départ de la prescription est le jour où le droit d'action a pris naissance (art. 2880 al 2 C.c.Q.).
[36] L’auteur Jean Louis Baudouin, dans le cadre de non-simultanéité de la faute et du dommage, indique en effet:
« … que l’on doit se reporter au fondement même de la prescription extinctive : la sanction d’une conduite négligente. On doit donc, à notre avis, partir du jour où une victime raisonnablement prudente et avertie pouvait soupçonner le lien entre le préjudice et la faute »[5]
[37] La doctrine, entre autre sous la plume en 2008 de Me J. Edwards dans son ouvrage La garantie de qualité du vendeur en droit québécois analyse en grand détail le choix du mot «découverte» à l’article 1739 C.c.Q. :
« La première partie de l’article tient pour acquis que la connaissance du vice s’acquiert dès la première manifestation de celui-ci. … Cette précision [ndlr 1739 C.c.Q. vice qui apparaît graduellement] confirme à la fois que le véritable élément déclencheur du délai est la connaissance du vice par l’acheteur et que celle-ci doit être évaluée de manière objective. Le délai court dès que l’acheteur « a pu » soupçonner l’existence du vice et non depuis la découverte ou la connaissance réelle de celui-ci. Il court donc même si l’acheteur négligent omet de se rendre compte du vice.»[6] (Nos soulignés)
[38] L’auteur, Me Edwards, poursuit en soulignant que le préjudice se doit d’être certain et lie cet énoncé aux termes de 2926 C.c.Q. :
« À vrai dire, les tribunaux québécois reconnaissent, depuis déjà longtemps, que le droit d’action ne peut naître avant que le préjudice qu’il vise à réparer ne soit certain. En droit nouveau, la règle est formellement reconnue aux termes de l’article 2926 C.c.Q. Même si sa formulation laisse à désirer, l’article précise que lorsque le préjudice «se manifeste graduellement ou tardivement», le délai de prescription «court à compter du jour où il se manifeste [de manière importante] pour la première fois »[7]
Notons que c’est l’auteur qui insère ‘de manière importante’ dans son extrait de l’article du Code.
[39] Le Code civil stipule en effet que :
« 2926. Lorsque le droit d'action résulte d'un préjudice moral, corporel ou matériel qui se manifeste graduellement ou tardivement, le délai court à compter du jour où il se manifeste pour la première fois. »
(Nos soulignés)
[40] Baudouin indique sous une analyse de ce même art. 2926 C.c.Q. et de la manifestation graduelle, que :
« …la prescription du recours commence à courir du jour où il se manifeste pour la première fois. Le législateur entend probablement, par cette expression, la faire débuter au jour où le réclamant constate le premier signe appréciable ou tangible de la réalisation du préjudice, alors même qu’il ne s’est pas totalement réalisé… »[8]
(Nos soulignés)
[41] En tout respect de la preuve contradictoire de l’Administrateur et des notes de l’auteur de la Décision 11-12, le Tribunal considère que la prépondérance de preuve milite en faveur du Bénéficiaire quant à la découverte du vice, premier signe appréciable du préjudice, de sa première manifestation de manière importante. Cette découverte d’un vice graduel a été faite non pas au mois de mars 2012 mais plutôt pendant la saison hivernale 2011-12 et ce avant le 21 janvier 2012 (selon la preuve documentaire et le témoignage du Bénéficiaire - dans la saison hivernale 2011-12) et donc dans les délais de la Garantie prévus à l’art. 27(4) du Règlement (3 ans de la réception du Bâtiment) et dénoncée dans les 6 mois de cette découverte (avril 2012).
[42] Pour pouvoir invoquer la garantie légale liée à l'existence de vices cachés, le Bénéficiaire doit démontrer que :
le vice était caché, ce caractère caché du vice s'appréciant
« selon une norme objective, c'est-à-dire en évaluant l'examen fait par l'acheteur en fonction de celui qu'aurait fait un acheteur prudent et diligent de même compétence »[9]
qu'il lui était inconnu, donc qu’il n’était pas apparent à la réception,
qu'il existait à ce moment, et
qu'il était grave, ou, autrement dit, y a-t-il un déficit d'usage au sens de l'article 1726 C.c.Q.
[43] Le vice allégué par le Bénéficiaire rencontre selon le Tribunal les critères de qualification juridique du vice caché[10].
[44] D’autre part, à l’étude de la preuve documentaire du Bénéficiaire, et plus particulièrement de la photo en page 6 de 10, Pièce B-1, ainsi que du dessin d’archive illustré à la planche E-05 et déposé sous B-2 en liasse, le Tribunal constate un lien de cause à effet entre l’emplacement de l’infiltration d’eau (au bas des murs autour des portes d’accès aux diverses unités de l’immeuble), tel que visé par la réclamation au Point 4 de la Décision 11-12, et les dégâts causés au plafond du local électrique en dessous de l’unité 9994.
[45] Le Tribunal est aussi avisé par l’Administrateur qu’il sera approprié d’ouvrir les murs afin de constater l’étendue des vices et dommages pour pouvoir déterminer les travaux requis. Une ouverture de murs est déjà prévue à la Décision 02-13 et, au même temps et plus largement si requis, le Tribunal requiert que soit vérifié le vice au Point 4 et les dommages qui en découlent.
[46] Cette ouverture permettra de constater de visu s’il y a infiltration d’eau tel que visé par la réclamation au Point 4 de la Décision 11-12, allégué en témoignage par le Bénéficiaire mais aussi souligné par le Bénéficiaire avec preuve photographique[11].
[47] L’Administrateur pourra aussi constater l’étendue des dommages de ces infiltrations d’eau tel qu’illustré à cette photo (p. 6 de 10 (Pièce B-1)) ‘Nouvelle infiltration au plafond du local électrique sous le numéro 9994’ contenu à la ‘Mise au Point et réplique du Syndicat’ (Pièce B-1) - qui identifie certains dommages au plafond de la salle électrique et dont la preuve non contredite démontre qu’elle est immédiatement située sous l’unité 9994, une des unités identifiée à la réclamation du Point 4 - afin d’assurer que les travaux correctifs couvrent alors aussi ces dommages.
Conclusions
Point 4.
[48] Conséquemment, le Tribunal requiert que l’Administrateur, lors de l’ouverture des murs déjà requise sous la Décision 02-13, s’il constate infiltration d’eau, qu’il assure que soient effectués les travaux correctifs appropriés, incluant, sans restreindre la portée générale de ce qui précède, à l’intérieur du Bâtiment incluant à la salle électrique, et à l’extérieur du Bâtiment, à la maçonnerie extérieure et à son mortier autour des portes d’accès du Bâtiment, le tout sous la surveillance d’un représentant de l’Administrateur.
Réclamation travaux urgents - électricité
[49] Le Bénéficiaire réclame un montant en remboursement de travaux qu’il qualifie d’urgents, tenant compte selon lui que le problème de non fonctionnement d’un disjoncteur du circuit électrique à l’unité no 10 000 du Bâtiment a alors empêché le fonctionnement du détecteur d’incendie de cette unité.
[50] Le Règlement prévoit qu’une partie intéressée ou l’administrateur peut demander avant ou pendant la procédure arbitrale des mesures nécessaires pour assurer la conservation du bâtiment (art. 111 du Règlement), ce qui n’est pas le cas sous étude.
« 111. Avant ou pendant la procédure arbitrale, une partie intéressée ou l'administrateur peut demander des mesures nécessaires pour assurer la conservation du bâtiment. »[12]
[51] Le Règlement prévoit également, en certaines circonstances, la possibilité de remboursement dans le cadre d’une couverture de garantie pour copropriété divise, suite à une réclamation du Bénéficiaire où, sous le mécanisme de mise en œuvre de la garantie prévue à l’article 34 (5) du Règlement :
« 34. La procédure suivante s'applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l'article 27:
[…]
5° dans les 20 jours qui suivent l'inspection, l'administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l'absence de règlement et en transmettre copie, par poste recommandée, aux parties impliquées. En l'absence de règlement, l'administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l'entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes et de parachever ou corriger les travaux dans le délai qu'il indique, convenu avec le bénéficiaire; »[13]
(Nos soulignés)
l'administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l'entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes.
[52] Toutefois, force est de constater qu’il n’y a pas eu réclamation du Bénéficiaire auprès de l’Administrateur en ce sens, et que le Bénéficiaire a simplement présenté cette demande de remboursement directement au Tribunal, alors même que celle-ci n’est pas donc comprise à la demande d’arbitrage, puisque non sujette de la Décision, et donc non admissible aux présentes.
[53] De plus, et cela n’est pas nécessaire pour les conclusions du Tribunal, soulignons que cette malfaçon ou vice, s’il en est, n’aurait pu bénéficier de la couverture du Plan, ne rencontrant pas les conditions applicables, même dans un cas de vice caché - où les circonstances sous étude sont postérieures à la période prévue à l’article 27 du Règlement qui requiert à ce sujet, comme d’ailleurs le droit commun, que le vice soit découvert dans les trois (3) ans suivant la réception du Bâtiment - ce qui n’est pas le cas selon la preuve documentaire devant nous (découverte et réparation en septembre 2012 - avec réception du Bâtiment en janvier 2009[14]).
[54] Le Tribunal, en conformité de l’article 123 du Règlement, dans les circonstances de ce dossier, considère que les frais de l'arbitrage se doivent d'être à la charge de l'Administrateur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[55] MAINTIENT la Décision de l’Administrateur quant aux Points 1 et 3 de la Décision 11-12 et REJETTE la demande et réclamations du Bénéficiaire quant à ces Points;
[56] ACCUEILLE la demande du Bénéficiaire quant au Point 4 de la Décision 11-12 et ORDONNE à l’Entrepreneur, lors de l’ouverture des murs requise par des ordonnances autres de l’Administrateur (plus précisément, la Décision 02-13), de pourvoir à tous travaux correctifs requis selon les règles de l’art et du marché incluant, s’il en est, de pourvoir à tous travaux correctifs des murs relatifs à une infiltration d’eau provenant de l’extérieur du bâtiment, tel qu’identifié au Point 4 de la Décision 11-12, incluant, sans restreindre la portée générale de ce qui précède, à l’intérieur du Bâtiment incluant à la salle électrique, et à l’extérieur du Bâtiment, à la maçonnerie extérieure et à son mortier autour des portes d’accès du Bâtiment, le tout sous la surveillance d’un représentant de l’Administrateur, et d’assurer que l’Entrepreneur ne referme les murs que suite à constat des travaux correctifs appropriés par un représentant de l’Administrateur et, en absence des correctifs appropriés par l’Entrepreneur dans les délais prévus par l’Administrateur (en suivi de la Décision 02-13), d’y pourvoir.
[57] REJETTE la demande de remboursement de travaux du Bénéficiaire.
[58] ORDONNE que l'Administrateur assume les frais du présent arbitrage.
DATE: 10 mai 2013
________________________
Me Jean Philippe Ewart,
Arbitre
[1] (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) D.841-98, a.5, article 5 du Règlement.
[2] Idem, articles 20 et 120 du Règlement.
[3] D. 841-98, a. 27; D. 39-2006, a. 11.
[4] Photo numérotée 4.2 à la page 17 du document de réclamation du Bénéficiaire sous pièce A-1.
[5] BAUDOUIN, J.L. et DESLAURIERS, P., La responsabilité civile, 7e éd., Cowansville, Ed. Yvon Blais inc, 2007, para.1-1420. VOIR pour jurisprudence la note 92, p. 1199 sous ce para. 1-1420.
[6] EDWARDS, J. La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, Montréal, Wilson & Lafleur, 2008, para 467.
[7] Idem para. 468.
[8] Op. cit. Baudouin, para. 1-1421.
[9] VOIR ABB inc. c. Domtar inc. [2007] 3 R.C.S. 461 , para 51.
[10] Notons que la garantie de qualité du vendeur de l’art. 1726 C.c.Q. et de ses modalités sous l’art. 1739 C.c.Q. s’applique à l’Entrepreneur et à tout promoteur immobilier par le biais des articles 2103 C.c.Q. et 2124 C.c.Q. et ce, dans un cadre de contrat de vente ou d’entreprise.
[11] Page 9 de 10, Cahier no 1 du document de réclamation du Bénéficiaire sous pièce B-1.
[12] D. 841-98, a. 111.
[13] D. 841-98, a. 34; D. 39-2006, a. 15.
[14] Pièce A-5 (Rapport AMEC), page 1.