ARBITRAGE

EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE

PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Chapitre B-1.1, r. 8)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec :

SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS (SORECONI)

 

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTREAL

No. 212108001    DÉVELOPPEMENT DOMONT INC.

 

 

Entrepreneur

 

c.

 

LUC BARCELO

 

et

 

KARINE BRUNELLE

 

Bénéficiaires

 

et

 

LA GARANTIE CONSTRUCTION

 

RÉSIDENTIELLE (GCR)

 

Administrateur

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

 

Arbitre :       Roland-Yves Gagné

 

Pour l’Entrepreneur :    Me Joseph Francis Piazza

       Me Dora Amalia Hilario Urena

       Denis Brisebois

       Antonio Sangregorio 

Dominico Zavaglia

       Carmelo Zavaglia

 

Pour le Bénéficiaire     Me Pascal Dupuis

       Luc Barcelo

       Karine Brunelle

 

Pour l’Administrateur :    Me Pierre-Marc Boyer

       Mylène Rousseau

       Patrick Masson

       Alain Mousseau

 

Dates de l’audition :     24 et 25 mai 2022

 

Date de la décision :    18 juillet 2022   

 

Description des parties

Entrepreneur :

 

Développement Domont inc.

a/s Me Joseph Francis Piazza

 

MSBA AVOCATS S.E.N.C.R.L.

202-5450, rue Jarry Est

Montréal (Québec) H1P 1T9

 

Bénéficiaires :

 

Madame Karine Brunelle

Monsieur Luc Barcelo

a/s Me Pascal Dupuis

DANEAU, POIRIER, AVOCATS

[...]

Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec) [...]

 

Administrateur :

 

La Garantie de Construction Résidentielle (GCR)

Me Pierre-Marc Boyer

4101, rue Molson 3e étage

Montréal (Québec) H1Y 3L1

 

PIÈCES

 

L’Entrepreneur a produit les pièces suivantes :

 

E-1 : Rapport d’expert de Denis Brisebois avec en annexe, le rapport de l’ingénieur Kim ;

E-2 : Projet d’implantation.

 

L’Administrateur a produit les pièces suivantes :

 

Document(s) contractuel(s)

A-1 En liasse, le contrat préliminaire signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 12 juillet 2019 ;

A-2     Contrat de garantie signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 4 février 2020 ;

A-3     Avis de fin de travaux signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 4 février 2020 ;

A-4  Rapport inspection pré-achat signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 14 février 2020 ;

A-5 Acte de vente signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 17 février 2020 ;

A-6 Formulaire d’inspection pré-réception signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le ou vers le 9 et le 12 mars 2020 ;

Dénonciation(s) et réclamation(s)

A-7 Courriel de dénonciation envoyé par les Bénéficiaires à l’Entrepreneur le 28 juillet 2020         auquel est joint ;

       Le formulaire de dénonciation daté du 28 juillet 2020 ;

A-8 Courriel de dénonciation (suite) envoyé par les Bénéficiaires à l’Entrepreneur le 28 juillet 2020 auquel est joint ;

Le formulaire de dénonciation daté du 28 juillet 2020; concernant les points 16, 17 et 18;

A-9 Formulaire de réclamation signé par les Bénéficiaires le 13 août 2020 ;

A-10  Courriel de l’avis de 15 jours envoyé à l’Entrepreneur le 18 août 2020 auquel sont joints :

Les formulaires de dénonciation déjà soumis en A-7 et A-8 ;

Le formulaire des mesures à prendre par l’Entrepreneur, vierge; (Non inclus dans ce cahier)

A-11 Courriel (ajout) de l’avis de 15 jours envoyé à l’Entrepreneur le 25 août 2020 auquel sont joints :

       Les formulaires de dénonciation déjà soumis en A-7 et A-8 ;

       Le formulaire des mesures à prendre par l’Entrepreneur ;

Correspondances

A-12  Courriel de l’Entrepreneur à l’Administrateur daté du 2 septembre 2020 ;

A-13 Courriel de l’Administrateur à l’Entrepreneur daté du 4 septembre 2020 ;

Autre document pertinent

A-14  Rapport d’expertise par l’ingénieur Alain Mousseau daté du 7 octobre 2021 ;

 A-14B Photos (en liasse, #2486 à #2490) prises lors de l’inspection de l’ingénieur Alain Mousseau ;

A-15 Relevé du Registraire des entreprises du Québec concernant l’Entrepreneur ;

Décision(s) et demande(s) d'arbitrage

A-16 En liasse, la décision initiale de l’Administrateur datée du 11 février 2021 et les preuves de réception de Postes Canada des Bénéficiaires et de l’Entrepreneur datée du 12 février 2021 ;

A-17 En liasse, la décision supplémentaire de l’Administrateur datée du 16 juillet 2021 et les preuves de réception de Postes Canada des Bénéficiaires datée du 19 juillet 2021 et de l’Entrepreneur datée du 28 juillet 2021 ;

A-18 Courriel de la notification de l’organisme d’arbitrage daté du 8 septembre 2021 auquel sont joints :

       La lettre de demande d’arbitrage de l’avocat de l’Entrepreneur datée du 15 septembre 2021 ;

       La lettre de notification de l’organisme d’arbitrage ainsi que la nomination de l’arbitre ;

A-19 Curriculum vitae de Marylène Rousseau ;

A-20 :  Rapport d’expert de Patrick Masson ;

A-21 :  CV Patrick Masson ;

A-22 :  CV Alain Mousseau.

 

Le Bénéficiaire a envoyé par courriel en cours d’audience (24 mai à 13 :48) quatre documents qui n’ont pas été cotés, soit une photo prise le 24 novembre 2019, une photo prise le 19 novembre 2019, une fiche de la GCR « Travaux de maçonnerie par temps froid » et « Rapport de données quotidiennes pour novembre 2019 » à Montréal-Trudeau.

 

INTRODUCTION 4

PREUVE 5

Résumé des faits avant le 24 mai 2022 5

Preuve à l’audience des 24 et 25 mai 2022 10

Denis Brisebois 10

Antonio Sangregorio 16

Nettoyage 16

Deux briques 17

Mortier 17

Luc Barcelo 17

Mylène Rousseau 19

Patrick Masson 21

Alain Mousseau 24

Contre-preuve Denis Brisebois 27

PLAIDOIRIES 28

Entrepreneur 28

Bénéficiaires et Administrateur 30

Quatre décisions arbitrales citées 31

Réplique 32

DÉCISION 33

Cadre juridique 33

Obligation de résultat et fardeau de preuve 33

Couverture pour vice et malfaçon apparents 34

Décisions liantes 37

Preuve de l’Entrepreneur 38

Expertise de Denis Brisebois 38

Au niveau juridique 38

Au niveau des faits 42

Témoignage d’Antonio Sangregorio 44

Preuve d’expert de l’Administrateur 45

FRAIS 48

Frais de l’arbitrage 48

Réclamation de l’Entrepreneur pour ses frais d’expertises 48

CONCLUSION 49

 

 

INTRODUCTION

 

[1]           Le Tribunal d’arbitrage est initialement saisi du dossier à la suite d’une demande d’arbitrage par l’Entrepreneur, reçue par le Société pour la résolution des conflits (SORECONI) le 21 août 2021, et par la nomination du soussigné comme arbitre en substitution le 24 mai 2022.

[2]           L’Entrepreneur a produit une demande d’arbitrage en vertu de l’Article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement) :

Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur [...].

 

PREUVE

Résumé des faits avant le 24 mai 2022

 

[3]           Le Tribunal est saisi d’une demande d’arbitrage d’une seconde décision de l’Administrateur portant sur les travaux correctifs jugés insatisfaisants et sur leur prise en charge par l’Administrateur, alors qu’une première décision accueillant la réclamation des Bénéficiaires et ordonnant les travaux correctifs n’avait pas été portée en arbitrage.

[4]           Le 12 juillet 2019, les Bénéficiaires ont signé un contrat préliminaire (pièce A-1) avec l’Entrepreneur pour l’achat d’un bâtiment résidentiel neuf à être livré le 15 février 2020 ; la construction a débuté en 2019.

 

[5]           Le 16 février 2020, les Bénéficiaires signaient une première version du formulaire de préréception (en Annexe B de la décision de l’Administrateur du 11 février 2021, dite la « première décision », pièce A-16), dans lequel ils référaient dans la section « notes » à leur rapport d’inspection préreception datée du 14 février 2020 (pièce A-4) : « Ce formulaire d’inspection pré-réception doit être lu conjointement avec le rapport d’inspection effectué par Inspecthor inc. par Isabelle Fleury, le 14 février 2020 [...] » ;

 

[5.1]         ce formulaire de préréception n’a pas été signé par l’Entrepreneur, un autre l’a été, mais le fait que l’Administrateur ait considéré les deux formulaires comme valides au sens du Règlement n’a pas fait l’objet d’une contestation, même si cette question a été mentionnée lors de l’audience.

 

[6]           Dans son « Rapport d’inspection préachat » du 14 février 2020 (pièce A-4), Isabelle Fleury, inspectrice en bâtiment, note plusieurs déficiences au chapitre de « Revêtements extérieurs » (page 14 et s., extraits) :

 

Nous avons observé des signes de piètre mise en oeuvre de la maçonnerie extérieure (voir aussi les constats plus bas), dont: l'utilisation de pierres inégales, l'application du mortier pour compenser la longueur des briques, fissures dans la maçonnerie, joints des allèges en pierres jointoyées craquées. Nous vous recommandons de vérifier avec l'entrepreneur les correctifs requis.

 

Absence de chantepleures ou évents au-dessus de certaines ouvertures et aux jonctions des balcons, risque d'humidité et/ou d'infiltrations derrière le parement de briques pouvant causer des dommages à la structure ou autres composantes et la corrosion des attaches retenant le parement de brique. Étant donné que cette inspection est visuelle et non exhaustive, nous ne pouvons savoir si cette état a, ou aurait pu causer des dommages à la structure derrière le revêtement. Tous les matériaux endommagés devront être retirés et remplacés.

 

[...] Nous avons observé que les solins sous les allèges en pierre jointoyée et à certains endroits au bas du mur de maçonnerie (REF CNB 9.20.13.3 & 9.20.13.4 & 9.20.13.5) sont non-visibles (doivent dépasser d'au moins 5 mm) ou absents. La situation actuelle peut poser des risques que l'eau qui se serait infiltrée derrière le revêtement reste emprisonnée et cause des dommages aux composantes putrescibles de la structure et ainsi causer des moisissures et de la pourriture. Nous vous recommandons de demander à l'entrepreneur d'apporter les correctifs requis. Extrait du code: [...]

 

Nous avons remarqué la présence d'efflorescence (dépôt cristallin blanchâtre) à certains endroits sur le revêtement de maçonnerie. Cette déficience est généralement associée à la présence d'eau et/ou humidité dans l'enveloppe du bâtiment, une mauvaise qualité de maçonnerie et/ou une mauvaise ventilation sous le revêtement. Nous vous recommandons de contacter l'entrepreneur pour au-dessus qu'il puisse apporter les mesures correctives si requises. Étant donné que cette inspection est visuelle, nous ne pouvons connaître l'état des composantes derrière le bardage. Remplacer et retirer tous les matériaux endommagés s'il y a lieu.

 

[7]           Le 28 juillet 2020, les Bénéficiaires dénoncent à l’Administrateur un certain nombre de désordres affectant leur bâtiment, dont la maçonnerie et, le 13 août suivant, ils déposent auprès de l’Administrateur une réclamation (dossier 169072-4570) (pièces A-8 et A-9).

 

[8]           La conciliatrice-inspectrice Mylène Rousseau effectue son inspection prévue à l’article 18 (4o) du Règlement le 6 novembre 2020, rend une décision favorable aux Bénéficiaires le 11 février 2021 (pièce A-16) et ordonne à l’Entrepreneur de procéder à des travaux correctifs – dont pour les deux points suivants :

 

2. DÉFAUTS À LA MAÇONNERIE

[...] Au jour de notre visite, nous avons constaté les situations dénoncées par les bénéficiaires et remarquons de façon généralisée, une piètre qualité de mise en œuvre qui contrevient aux normes applicables, notamment en raison des observations suivantes :

 

-          Irrégularité de la largeur des joints de mortier ;

-          Irrégularité de la profondeur des joints par rapport à la face des briques ;

-          Parement de maçonnerie taché et de teinte variable, situation qui nous semble être causée par l’usage de produits de nettoyage ;

-          Parement de maçonnerie taché de mortier et comportant de l’efflorescence ;

-          Blocs architecturaux comportant des défauts et qui n’auraient pas dû être choisis pour l’installation ;

-          Fissuration à plusieurs endroits aux parements de brique et de blocs architecturaux

-          Manque de planéité et de rectitude du parement de maçonnerie affectant l’esthétisme du jointoiement présent entre la maçonnerie et le débord de toit ;

-          Joints de mortier de teintes variables

 

Sur les lieux, l’entrepreneur a convenu que son sous-traitant devra procéder à des travaux correctifs afin d’améliorer l’esthétisme de l’ouvrage de maçonnerie et il propose la réfection de la façade avant et le nettoyage des autres façades, alors que les bénéficiaires réclament le remplacement complet de la maçonnerie.

À ce titre, l’administrateur juge ne pas devoir dicter la méthode corrective à l’entrepreneur.

Nous tenons toutefois à souligner que ce dernier a une obligation de résultat et sommes d’avis que le nettoyage des façades ne suffira pas à régler l’ensemble des déficiences relevées au parement et nous considérons que la réfection de plus d’une façade est nécessaire. (Soulignés par le Tribunal)

Conséquemment, la portée des travaux entrepris par l’entrepreneur devra répondre à l’ampleur des multiples manquements.

 

3. MAÇONNERIE – CAPACITÉ STRUCTURALE DU LINTEAU AU-DESSUS DE LA PORTE DE GARAGE

 

Tel qu’inscrit au rapport d’inspection du 14 février 2020, les bénéficiaires dénoncent la présence de fissures à la maçonnerie, de même qu’un fléchissement au-dessus de la porte de garage.

Au jour de notre visite, nous avons constaté la présence de fissures aux joints de mortier entre les blocs architecturaux au-dessus de la porte de garage, de même que le fléchissement du linteau au-dessus de la porte de garage, situations qui nous permettent de croire que la capacité structurale du linteau est insuffisante. (Souligné par le Tribunal)

L’entrepreneur devra réaliser les travaux nécessaires.

 

Analyse et décision (point 1 à 3)

La visite des lieux nous a permis de constater que les points 1 à 3 satisfont les critères du vice apparent au sens du paragraphe 2 de l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

«                    10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir : 2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception [...]

 

ORDONNE à l’entrepreneur de régler les points 2 à 4 [...] d’ici le 1er juillet 2021 [...] À noter qu’il s’agit d’un délai de rigueur et qu’à défaut par l’entrepreneur de le respecter, l’administrateur, en vertu du paragraphe 6 de l’article 18 du Règlement, dès le premier jour excédant ce délai, pourra immédiatement prendre en charge le règlement du dossier aux frais et dépens de l’entrepreneur sans autre avis ni délai. [...]

 

[9]           Le Tribunal ajoute que le Point 1 portait sur la fissuration à la fondation et que l’Administrateur avait décidé (soulignés dans le texte) :

 

Par conséquent, l’administrateur mandatera un ingénieur pour effectuer les vérifications requises et déterminer les travaux correctifs nécessaires selon les recommandations de l’expert.

 

Par la suite, l’administrateur s’engage à transmettre une décision complémentaire et l’entrepreneur se verra dans l’obligation d’entreprendre les travaux correctifs nécessaires lors de la réception de ladite décision complémentaire pour laquelle une échéance sera émise à ce moment.

 

Considérant ce qui précède, l’administrateur reconnait la présence d’un problème qui cadre dans les critères du vice apparent selon le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

 

[10]      Au terme du délai accordé à l’Entrepreneur pour corriger la situation, les Bénéficiaires se sont déclarés insatisfaits des travaux correctifs réalisés par ce dernier alors que l’Entrepreneur jugeait satisfaisants les travaux entrepris.

[11]      Le 9 juillet 2021, l’Administrateur procède à une inspection des travaux correctifs et rend une décision supplémentaire le 16 juillet 2021 (pièce A-17). La décision est de nouveau favorable aux Bénéficiaires :

2. DÉFAUTS À LA MAÇONNERIE

On se souviendra que les bénéficiaires dénonçaient des défauts à la maçonnerie, élément que l'administrateur avait reconnu à titre de vice apparent.

 

À l'échéance du délai accordé à l'entrepreneur, les bénéficiaires se sont déclarés insatisfaits des travaux correctifs réalisés par ce dernier alors que l'entrepreneur juge satisfaisants les travaux qu'il a entrepris.

 

Nous avons donc procédé à une visite le 9 juillet 2021 pour en juger, en compagnie des deux parties.

 

Sur les lieux, l'entrepreneur nous a informés que son sous-traitant a remplacé trente-trois blocs et/ou briques repartis sur trois façades et a procédé au lavage des quatre façades, permettant d'atteindre un résultat satisfaisant selon lui.

 

Nos observations nous ont permis de constater que le nettoyage n'a pas permis de retirer les coulisses et les cernes au parement, pas plus qu'il n'a eu pour effet de corriger la planéité du parement et sa rectitude.

 

Au surplus, nous avons pu constater que le débordement de mortier et de la fissuration sont toujours présents, sans que l'ajout de chantepleures au-dessus d'une des fenêtres n'ait été réalisé.

[Note du Tribunal : ce qui suit sont les légendes sous des photos] :

-          Absence de chantepleures au-dessus de la fenêtre à la façade avant

-          Fissuration présente aux joints de mortier derrière le compteur électrique

-          Coulisse et cerne apparents au parement de maçonnerie

-          Débordement de mortier aux joints et irrégularité

-          État du parement observé

-          État du parement observé avec manque de rectitude et de planéité et irrégularité des joints

-          État du parement observé avec manque de rectitude et de planéité et irrégularité des joints

 

[Note du Tribunal soussigné : s’ensuit la question de dommage à la clôture]

 

Ainsi, pour l'ensemble de ces motifs, l'administrateur prend en charge les travaux correctifs relatifs à ce point [...] Dans les circonstances, l'administrateur doit accueillir la réclamation des bénéficiaires à l'égard du point 2.

 

3. MAÇONNERIE – CAPACITÉ STRUCTURALE DU LINTEAU AU-DESSUS DE LA PORTE DE GARAGE

On se souviendra que les bénéficiaires avaient dénoncé la présence de fissures à la maçonnerie, de même qu’un fléchissement au-dessus de la porte de garage, situation que l'administrateur avait reconnu à titre de vice apparent.

 

À l'échéance du délai accordé à l'entrepreneur, les bénéficiaires se sont déclarés insatisfaits des travaux correctifs réalisés par ce dernier, ce qui a motivé notre visite du 9 juillet 2021 en compagnie des deux parties.

 

Bien que l'entrepreneur mentionne être intervenu, nous avons constaté à deux endroits, la présence de fissuration au-dessus de la porte de garage, de même que le fléchissement toujours présent.

(Photo) Déflexion du linteau observée

L'entrepreneur allègue avoir un document d'un professionnel attestant de la conformité du linteau, duquel nous n'avons toutefois jamais reçu copie.

 

Ainsi, considérant ce qui précède, nous sommes d'avis que le travail correctif réalisé par l'entrepreneur n'a pas suffi à corriger la situation.

 

À défaut que l’entrepreneur remplisse son obligation de résultat, l'administrateur prend en charge les travaux correctifs. [...] Dans les circonstances, l'administrateur doit accueillir la réclamation des bénéficiaires à l'égard du point 3.

POUR TOUS CES MOTIFS, L'ADMINISTRATEUR :

PREND EN CHARGE les travaux correctifs relatifs aux points 2 et 3.

 

[12]      L’Entrepreneur estime, pour sa part, que les travaux exécutés sont satisfaisants, d’où sa demande d’arbitrage contestant la décision rendue, produite au greffe le 21 août 2021[1].

 

[13]      Le dossier comporte trois rapports d’expert :

[13.1]     pour l’Entrepreneur : daté du 16 février 2022 et adressé (tout comme les factures d’honoraires) au sous-traitant Maçonnerie Majestic, rapport de Denis Brisebois, expert en maçonnerie et en enveloppe du bâtiment, qui a joint en Annexe de son rapport, un rapport de Michel Kim, ingénieur, (ce dernier n’a pas témoigné à l’audience) adressé à l’Entrepreneur daté du 7 février 2022 (pièce E-1) ;

[13.2]     pour l’Administrateur :

[13.2.1]           contre-expertise datée du 16 mars 2022, par Patrick Masson, expert en maçonnerie et en enveloppe du bâtiment (société Partie 5) (pièce A-20) ;

[13.2.2]           rapport daté du 7 octobre 2021, par Alain Mousseau ingénieur spécialisé en structure de bâtiment (société Calculatec Inc.) (pièce A-14).

Preuve à l’audience des 24 et 25 mai 2022

[14]      L’audience a été précédée d’une visite des lieux qui a permis au soussigné de voir brièvement l’état de la maçonnerie du bâtiment.

Denis Brisebois

[15]      Denis Brisebois a été reconnu comme témoin expert en maçonnerie et en enveloppe du bâtiment, il fait de l’expertise en matière d’enveloppe du bâtiment depuis 1995, briqueteur maçon depuis 1985, il forme des maçons ;

[15.1]     le Tribunal note qu’il a été un témoin expert citées dans trois des quatre décisions arbitrales produites par l’Administrateur lors de ses plaidoiries (voir paragraphe [159]).

[16]      Le mandat qu’il a obtenu a été d’aller valider la mise en œuvre qui avait eu lieu sur le bâtiment, de valider si la qualité structurale du bâtiment est atteinte (un mur de maçonnerie c’est autoporteur), la qualité de l’ouvrage, s’il faut du travail correctif, le tout au regard des normes et surtout de la règle de l’art.

[17]      Il a fait le tour du bâtiment, pris des photos parce que c’était une inspection visuelle et non intrusive, et il est parti avec ses photos en faire son analyse au bureau.

[18]      Il n’avait en main que la seconde décision de l’Administrateur (du 16 juillet 2021) (pièce A-17).

[19]      Fissures : à la question, s’il peut expliquer si les fissures sont reliées à la mise en œuvre, il répond de façon générale :

[19.1]     quand on installe de la brique il n’y a pas de fissures ;

[19.2]     le bâtiment doit réagir après l’installation à toutes sortes de situations, dilatation, flexion, mouvements, qui font en sorte que certains joints vont relâcher ;

[19.3]     un bâtiment se positionne dans le sol dans les cinq premières années, les micros fissurations vont apparaître ;

[19.4]     on parle de fissuration mais en fait ce sont des relâchements dus à la dilatation ou à la faiblesse de certains éléments qui ont été installés, c’est ça qui provoque les fissurations en partie ;

[19.5]     bref, quand on installe de la maçonnerie, on ne l’installe pas avec des fissures mais le mûrissement, la dilatation thermique, le mouvement, font en sorte qu’il va y avoir des relâchements ; plus les éléments sont gros, plus il y aura de la fissuration, plus les joints sont linéaires, plus on a des chances d’avoir des relâchements dans les joints.

[20]      En contre-interrogatoire, il réitère ce qu’il a écrit dans son rapport (page 14), « je n’ai pas observé de déficience quant à la mise en œuvre initiale » ;

[20.1]     il n’admet pas qu’il y ait plusieurs déficiences, il dit qu’il y a plusieurs situations à corriger ;

[20.2]     un maçon n’installe pas un bloc ou une brique et [pense] « je provoque une déficience » ;

[20.3]     c’est une situation qui arrive après la mise en œuvre, ce n’est pas dû à la mise en œuvre du maçon ;

[20.4]     la fissuration c’est dû au mouvement, à la dilatation, il y a un paquet de facteurs qui va provoquer ça, mais le maçon n’installe pas de fissures dans sa mise en œuvre ;

[20.5]     ce qu’il a observé n’est pas dû à la mauvaise installation du maçon, la mise en œuvre été faite correctement ;

[20.6]     le linteau au-dessus de la porte de garage, ce n’est pas la faute du maçon qu’il y a une lézarde, c’est le linteau qui a une flexion ; le maçon, quand il a installé son bloc initialement il ne pouvait pas dire « je vais faire une fissure ici », la maçonnerie quand elle est installée, elle est homogène et inerte, elle va réagir selon ce que le bâtiment va lui dicter (note du Tribunal : comme dans son rapport il ne réfère à aucune flexion du linteau, le Tribunal conclut qu’il parle ici de façon générale) ;

[20.7]     si ce n’est pas le maçon qui est responsable ;

[20.7.1]           peut-être qu’il y a une erreur, le concepteur qui a mal dessiné son affaire ;

[20.7.2]           il y a un paquet de facteurs qui peuvent entraîner ça ;

[20.7.3]           il y a aussi la réaction normale en réponse aux éléments environnants : est-ce qu’il y a eu une étude de sol ? C’est quoi qui est arrivé? La bâtisse a-t-elle bougé? ;

[20.8]     quant à la référence (page 16 de son rapport) à « certaines défaillances sectorielles lors de la mise en place… », il réfère par exemple au format de la brique qui est aléatoire et sa déformation qui ont une tolérance de 2 mm, le maçon doit composer avec ça lors de la mise en place ;

[20.9]     au moment de la mise en œuvre, les règles ont été respectées, ce qu’on observe actuellement ce sont des situations, ce ne sont pas des déficiences ; qui peut prévoir au moment de la mise en œuvre ce qui va se passer avec le bâtiment au cours des cinq prochaines années ?

[21]      C’est la question qui se pose en expertise : c’est quoi qui a provoqué une microfissure.

[22]      Il est normal d’avoir des fissurations, tous les bâtiments qu’il a inspectés lors des cinq premières années d’existence ont tout le temps des fissurations ;

[22.1]     ce n’est pas en lien avec la mise en place initiale, le maçon n’installe pas une brique ou un bloc avec une microfissure, ça va apparaître avec le temps.

[23]      Il n’a rien vu comme microfissuration qui lui permette d’affirmer que le mur est affaibli dans le temps.

[24]      Efflorescence : c’est de la migration de l’eau à travers les éléments qui amène les salines, c’est une situation normale, quand quelqu’un le signale il répond  « votre mur fonctionne normalement » ;

[24.1]     si ça persiste après cinq ans là on a un problème.

[25]      Coulisses : malgré qu’« ils » ont fait allusion qu’à la suite de lavages il y a eu des coulisses et des cernes, lui, ce qu’il a observé « je n’ai pas perçu de façon très significative » ces phénomènes là ;

[25.1]     il a vu certaines zones mais ça pourrait être dû à autre chose (il cite de multiples hypothèses – brique en contact avec du bois, ancrages, foraine sur du béton, et ajoute : « c’est peut-être un phénomène de la brique même »).

[26]      En contre-interrogatoire, il dit que le deuxième lavage ayant été fait en été, il soupçonne qu’il faisait tellement chaud et la brique, tellement chaude, que l’eau qui coulait avec le détergent a séché en place, un deuxième lavage devrait en principe régler le problème.

[27]      Usage excessif d’acides : il dit qu’il n’y en n’a pas eu, car le dommage serait beaucoup plus sérieux ;

[27.1]     les murs seraient bariolés à la grandeur, l’acide vient affecter la couleur de la brique, mais sur le bâtiment qu’on a là, si ça avait été lavé à l’acide ce serait beaucoup plus sévère que ça ;

[27.2]     il ajoute qu’il y a des petites zones (le Tribunal ajoute qu’il n’a pas spécifié de quoi) mais ce n’est pas dû à l’acide, ça aurait pu avoir été mal rincé après avoir été lavé « ou autre choses de ce genre » mais ce n’est pas l’acide qui a fait ça.

[28]      Taches : c’est réparable, « tentativement » avec un relavage du bâtiment mais pas en automne ni en hiver, et ni au mois de juillet parce que le savon sèche trop vite.

[29]      bordement de mortier : c’est réparable, sans nécessité d’un démantèlement ;

[29.1]     plus on va faire des interventions sur le mur, plus on va provoquer des situations mais il y a une manière de réparer cette situation-là qui est esthétique et c’est par des méthodes de restauration ;

[29.2]     le coin de briques doit être comme sablé pour enlever la partie rugueuse de surface et après ça on fait une teinture sectorielle pour lui redonner sa couleur originale, on peut aussi reteindre sectoriellement les joints.

[30]      Chantepleures manquantes : il témoigne à l’effet qu’on peut rajouter des chantepleures en procédant de façon minutieuse.

[31]      Rectitude, planéité, alignement : on parle de la tolérance de la mise en œuvre, si le mur penche plus que 20 mm la tolérance nous dit, à 20 mm et plus le mur devient à risque, c’est ce que le Code dit.

[32]      Il ajoute que le léger bombement qu’il a observé, rien ne lui fait croire que le mur était à risque d’effondrement ;

[32.1]     le Tribunal lui a fait remarquer que la décision de l’Administrateur parlait de malfaçons et vices apparents et non de risque d’effondrement, et que le témoin avait peut-être dans le passé été appelé comme expert pour une couverture du plan de garantie pour vice majeur vu le danger d’effondrement et que si la preuve d’expert visait à prouver seulement que le mur n’est pas en danger de s’effondrer, ce n’était pas ça que l’on reprochait au mur.

[33]      Le seul endroit où « on » a vraiment observé un désalignement c’est sur le mur arrière, mais lui il n’a rien vu au niveau esthétique, l’esthétisme c’est une question d’opinion, mais si le bombement est inacceptable, une réparation sectorielle est faisable.

[34]      Briques au-dessus de la fenêtre, page 7 de la décision du 16 juillet 2021 : le Tribunal note :

[34.1]     que le procureur de l’Entrepreneur a posé une question à son expert à savoir pourquoi les briques au-dessus de la fenêtre, à gauche sur la photo de la page 7 de la décision du 16 juillet 2021 étaient plus petites que les autres ;

[34.2]     alors même que :

[34.2.1]           la photo de cette décision qui montre des petites briques au-dessus d’une fenêtre à la page 7 a pour légende « Coulisse et cerne apparente au parement de maçonnerie » ; et

[34.2.2]           il n’y a aucune mention dans la décision du 16 juillet 2021 au sujet de petites briques plus petites au-dessus de la fenêtre.

[35]      L’expert a répondu de façon détaillée, et les autres témoins ont commenté cette situation ; toutefois, lors des plaidoiries, l’Entrepreneur a plaidé que cette question ne devrait pas être traitée par le Tribunal car ne figurant pas dans la décision, alors même que c’est un procureur de l’Entrepreneur qui a abordé le sujet en premier ;

[35.1]     le Tribunal est d’accord avec le procureur, et exclut de la présente décision, les témoignages et le débat à ce sujet.

[36]      Débordements de mortier : à la question si c’est possible de les nettoyer ou de les réparer il répond oui, on peut utiliser une méthode de restauration au lieu de réfection, reteindre les coins de la brique pour lui redonner sa couleur qui va venir atténuer l’effet.

[37]      Il y a certaines places le mortier est débordant, là on vient sabler la surface pour rechercher la partie lisse, pour enlever juste le mortier pour atteindre la brique, après ça on reteint.

[38]      Avec un mortier gris-pâle, il va tout le temps y avoir des débordements, c’est standard.

[39]      Joints de contrôle : à la question du procureur de l’Entrepreneur, à savoir si le joint de contrôle relève du maçon (note du Tribunal : aucune question à savoir si cela relève de l’Entrepreneur général dont les obligations sont cautionnées par l’Administrateur), il répond non :

[39.1]     les joints de contrôle doivent être identifiés dans les plans et s’il n’y en a pas, le maçon ne peut pas passer par-dessus les plans et les faire lui-même ;

[39.2]     les joints de contrôle devraient être déterminés dans les cinq premières années selon la réaction du bâtiment.

[40]      Solins : il affirme qu’il n’y a aucun défaut au niveau des fenêtres pour l’installation des solins.

[41]      Il ajoute que « malheureusement la GCR préconise un système qui est non conforme j’ai un paquet de documentations ici mais est-ce qu’on va se lancer là-dedans » et ajoute que ça n’a pas été dénoncé de la part de la GCR, les solins intramuraux qui provoqueraient une non-conformité ça ne s’applique pas à la maçonnerie mais aux revêtements souples seulement.

[42]      Linteau au-dessus de la porte de garage : il y a un document d’ingénieur qui certifie que le linteau est capable de supporter le poids au-dessus en Annexe 1 de son rapport, si on regarde la photo actuelle c’est similaire, il n’y a pas d’augmentation.

[43]      « Eux ils » disent qu’il y a une lézarde qui se répartit dans le mur jusqu’en haut, « lui il » ne l’a observé que juste dans le bloc.

[44]      Membranes qui sont visibles : il affirme qu’il ne faut démanteler le mur, de toute façon dans le Code on recommande que la membrane dépasse 5 mm, la seule chose qu’il y a à faire, c’est de la recourber pour respecter les exigences.

[45]      L’interrogatoire-en-chef du témoin expert se termine par trois questions auxquelles le témoin répond par oui ou non :

[45.1]     est-ce que l’immeuble doit être démantelé au niveau esthétique et au niveau technique pour « réparer certaines corrections » nécessaires – il répond non ;

[45.2]     est-ce qu’il y a une manière de réparer toutes les corrections nécessaires – il répond oui ;

[45.3]     est-ce que c’est facilement réparable, il répond oui.

[46]      En contre-interrogatoire :

[46.1]     il affirme que sa visite a duré une heure et demie, mais quand le procureur lui « suggère » que la visite a duré environ 20 minutes il répond « honnêtement je n’ai pas pris, je n’ai pas remarqué l’heure », mais il a pris des photos qu’il a analysées au bureau ;

[46.2]     il confirme ne pas avoir pris de mesure, il n’avait aucun instrument ni nacelle ;

[46.3]     il affirme ne pas avoir parlé des joints de mortier dans son rapport d’expertise parce que « j’ai observé il y en avait quelques-uns mais pas assez significatifs pour en parler » ;

[46.4]     il n’y a rien sur le bâtiment qui indique le non-respect des conditions hivernales, ce n’était pas son mandat de connaître la température existante lors des travaux, son mandat c’était l’inspection visuelle ;

[46.5]     en réponse au rapport d’expert de Patrick Masson (pièce A-20), à savoir si des variations de 5 à 21 mm dans les joints de mortier étaient quelque chose qui respecte les règles de l’art, il répond :

[46.5.1]           ça dépend comment elles sont réparties, si c’est de façon aléatoire, ça n’occasionne aucun problème ;

[46.5.2]           on est lié par la déformation de la brique, on est lié par un paquet de facteurs qui peut provoquer cela ;

[46.5.3]           si c’est dans le même secteur d’un mur, là on a un problème, mais ce n’est pas ça qu’il a observé là-bas, si c’est aléatoire, la brique a une portée pyramidale, ça n’a aucune conséquence sur la portée ;

[46.6]     il ne peut expliquer les cernes d’une chaudière communément appelée « un 5 gallons » sur les balcons car il ne les a pas vues.

Antonio Sangregorio

[47]      Il est briqueteur maçon depuis 20 ans, autant dans le commercial, résidentiel qu’institutionnel.

[48]      Sur ce bâtiment, il (sa société Maçonnerie Majestic) a fait les travaux initiaux et les travaux correctifs à la suite de la première décision de l’Administrateur.

[49]      Son témoignage en chef a porté sur le nettoyage, deux briques et le mortier – tous les objets de son témoignage sont rapportés ici en entier.

Nettoyage

[50]      Une des réparations qu’il a effectuées (note du Tribunal : les autres n’ont pas été détaillées) a été de nettoyer la brique.

[51]      Il l’a fait en utilisant du savon à vaisselle mélangé avec de l’eau, il n’utilise jamais de produit à base d’acide pour laver les briques, parce que ça brûle et ça rend jaune : le mortier, la brique, tout serait jaune, il y aurait des dommages partout.

[52]      En 20 ans, il n’a jamais utilisé un produit à base d’acide pour laver la maçonnerie.

[53]      Sur ce bâtiment, il n’a utilisé que du savon à vaisselle, du Palmolive avec un mélange d’eau diluée 50 – 50.

[54]      Ça a été fait en juin, juillet, c’était l’été, et à la question à savoir s’il est possible que savon ait séché trop vite, il répond non.

[55]      Un autre lavage va faire en sorte d’enlever les taches.

[56]      À la question, s’il est normal de constater des taches sur l’ensemble du projet, il répond que, parfois, pour avoir un bon résultat, surtout quand on a une brique noire avec du ciment gris, pour avoir un bon résultat ça prend une couple de lavages ;

[56.1]     à la question du Tribunal, si le mot « couple » voulait dire deux, ou plus de deux, il répond que ça peut aller jusqu’à quatre ou cinq lavages, mais ici il voulait dire deux, mais ça peut en prendre un peu plus si le mortier n’est pas de la même couleur que la brique.

[57]      Il a fait un bon lavage une fois en juin ou juillet, on a gratté et lavé les quatre faces et avant de partir (à la fin des travaux initiaux en 2019) on avait fait un « vite rinçage » avec du savon à vaisselle.

[58]      Avec un vite rinçage, on essaie d’enlever le plus qu’on peut, avec un bon rinçage, on gratte une brique à la fois, on prend le temps d’essayer de sortir ce qu’on peut le plus possible.

Deux briques

[59]      Concernant deux briques qui sont un peu plus foncées (Rapport de Patrick Masson/Partie 5, Annexe 1, photo 13, page 7 de 51, pièce A-20), il affirme avoir vu de petites fissures dans la brique donc on les avait changées, on a demandé de retourner les laver et on n’a pas eu la permission.

Mortier

[60]      Ici il y avait du mortier gris et non du mortier noir parce que le client n’a pas voulu payer pour ça ;

[60.1]     ce n’est pas lui qui négocie avec les acheteurs, lui il est briqueteur maçon.

[61]      Quand on utilise une brique noire avec du mortier gris, laver du mortier gris sur une brique noire, ce n’est pas facile, ça prend plusieurs lavages pour un bon résultat.

Luc Barcelo

[62]      Luc Barcelo est l’un des Bénéficiaires, ingénieur de profession.

[63]      Lors de la construction il était à tous les jours sur le chantier de sa maison, il faisait une visite pour voir l’évolution, pour avoir un œil critique sur la qualité des travaux.

[64]      Les travaux de maçonnerie ont eu lieu fin novembre début décembre 2019, les ouvriers de maçonnerie ont été là environ deux semaines et demie.

[65]      Quant à la protection des éléments de maçonnerie il n’y avait pas de chauffage après les heures de travail[2].

[66]      Il était découragé par la qualité du travail et en a parlé à « Tony » surintendant de l’Entrepreneur (qui n’a pas témoigné à l’audience), une partie du mur était désaxée, Tony est al voir le maçon qui a effectué la correction, il y a aussi eu un « retravaille » pour finaliser la maçonnerie autour de l’adresse civique et ça a donné le résultat que l’on voit.

[67]      Visite de l’expert Brisebois : il était à la maison en télétravail lors de la visite de Monsieur Brisebois, il est arrivé à 9h55, il est parti pas tout à fait à 10 heures et 20, il a presque été en mesure de constater ses faits et gestes, il y avait le maçon [Antonio Sangregorio], Emilio [Varon, représentant l’Entrepreneur] et l’expert [Denis Brisebois], ils ont jasé une dizaine de minutes, ils ont dû aller autour de la maison prendre des photos, ils sont revenus, ils ont jasé cinq minutes et ils sont partis.

[68]      Efflorescence sur la brique : à la toute fin des travaux de maçonnerie il a été à même de constater l’efflorescence.

[69]      Nettoyage après les travaux : en 2019, pas longtemps après les travaux de maçonnerie, quelqu’un est venu nettoyer la brique, ce n’était pas Monsieur Sangregorio ; suivant le passage de cette personne, il a constaté que la brique avait été brûlée, aussi le jointage et aussi le béton sur les balcons avant et arrière, à l’intérieur du garage, la sortie sécheuse qui avait été affectée et la peinture avait été brûlée, il y a un produit très agressif qui a attaqué le béton.

[70]      Nettoyage de juin 2021 : Monsieur Sangregorio est revenu faire un lavage, c’est un coup d’épée dans l’eau, ça n’a rien changé.

[71]      Travaux correctifs après la décision du 11 février 2021 : ces travaux n’ont apporté aucune satisfaction, et à part la réfection complète, rien ne pourra lui donner satisfaction ;

[71.1]     en contre-interrogatoire :

[71.1.1]           on lui a montré un courriel du 3 septembre 2020 qu’il avait adressé à l’Entrepreneur (pièce A-12), à l’effet qu’il demandait déjà une réfection complète ;

[71.1.2]           il affirme qu’à la suite de son inspection pré-réception, l’Entrepreneur n’a rien fait par rapport à la maçonnerie.

[72]      Linteau en haut de la porte du garage : il y a clairement un fléchissement par manque de capacité structurelle et il n’y a pas d’autre solution que d’y mettre une poutre en acier plus résistante.

Mylène Rousseau

[73]      Elle est membre de l’Ordre des Technologues et conciliatrice-inspectrice de l’Administrateur, elle a signé les décisions sur ce bâtiment résidentiel.

[74]      Pour la décision du 11 février 2021, elle était allée sur les lieux au mois de novembre 2020, le Bénéficiaire a pointé les éléments de déficience qu’il considérait.

[75]      Ce qu’on a constaté sur les lieux :

[75.1]     au niveau des joints de mortier, côté largeur ça différait d’un joint à l’autre, la profondeur et la couleur ;

[75.2]     le parement était taché avec des teintes variables, la façade latérale gauche et en façade avant en haut de la porte de garage au deuxième niveau il y a des taches et des cernes, la couleur originale a changé parce que la teinte était différente ; on voit un cerne, quelque chose a taché la maçonnerie, ça semble être à cause de l’usage de produits nettoyants ;

[75.3]     on a pu voir la sortie de sécheuse (décision, page 18 sur 53 - on voit qu’un produit a été utilisé) qui était tachée, la porte de garage était tachée de mortier, les fenêtres était tachée de mortier, on voyait clairement que les balcons de béton avant et arrière avaient des cernes par un produit qui a été utilisé.

[76]      Ce sont tous des éléments qui proviennent de la mise en œuvre.

[77]      On a vu plusieurs fissurations, autant aux joints de mortier, aux briques et aux blocs architecturaux, au niveau des blocs architecturaux de la façade latérale, on voyait qu’il y avait un décalage.

[78]      Des blocs architecturaux qui n’auraient pas dû être installés, comportaient des défauts et il y aurait dû y avoir une présélection des blocs qui n’a pas été faite – en contre-interrogatoire elle dit que les blocs architecturaux, ça a été corrigé.

[79]      Il y avait des débordements de mortier sur des briques.

[80]      Dès le départ, il y avait un enjeu sur la portée des travaux correctifs, lors de l’inspection de novembre 2020, l’Entrepreneur parlait de nettoyage avec réparations locales alors que le Bénéficiaire voulait une réfection complète des quatre façades parce qu’il y avait trop de déficiences.

[81]      Quand elle a eu à traiter la décision initiale, avec l’ensemble des éléments et des déficiences observées, c’est évident quun nettoyage n’aurait pas suffi car :

[81.1]     ça ne règle pas la largeur des joints ;

[81.2]     ça ne fait pas l’ajout de chantepleures ;

[81.3]     ça ne répare pas la fissuration au parement de maçonnerie ;

[81.4]     il y avait trop d’éléments dans la maçonnerie pour croire qu’un nettoyage suffirait à corriger les déficiences.

[82]      C’était évident dès le départ que selon elle, il y a plus d’une façade qui demande une réfection complète vu l’état des lieux.

[83]      LAdministrateur a donné en février un délai jusqu’au 1er juillet et à l’échéance, les Bénéficiaires ont dit que les travaux étaient insatisfaisants.

[84]      Elle a constaté sur place lors de la seconde visite du 9 juillet 2021 :

[84.1]     encore des débordements de mortier ;

[84.2]     absence de chantepleures au-dessus des fenêtres ;

[84.3]     toujours la présence de fissurations aux joints de mortier ;

[84.4]     toujours des coulisses et cernes apparents ;

[84.5]     de façon générale, tout ce qui était au parement était toujours là, les joints irréguliers, des joints plus évidés que d’autres ;

[84.6]     tout ça, dans un état général insatisfaisant.

[85]      Quant au linteau de la porte de garage, en juillet 2021, il y avait de la fissuration au-dessus de la porte de garage et un fléchissement au-dessus de la porte de garage, cette situation a donné un doute sur la capacité du linteau, la fissuration du parement était toujours présente, pour elle ça parlait d’emblée que la capacité du linteau était insuffisante.

[86]      Elle avait commandé un rapport d’ingénieur en lien avec la fissuration au niveau de la fondation et du parement de maçonnerie.

[87]      Lors des deux visites elle a eu des discussions avec Dominico (l’Entrepreneur), il y a toujours eu des discussions, on a dit qu’on avait des doutes sur la portée des travaux envisagés, que cette maison devait avoir plus qu’un nettoyage pour être sûr qu’il évalue bien des travaux.

[88]      En contre-interrogatoire, elle affirme :

[88.1]     qu’après toute l’information relevée par ses experts en date d’aujourd’hui « j’ai clairement » un ingénieur qui dit ce sont les quatre façades, elle a le maçon qui va dans le même sens, clairement il y a deux experts qui disent qu’on n’arrivera pas à des résultats satisfaisants sans la réfection des quatre façades, d’après ces experts la réfection des quatre façades est obligatoire ;

[88.2]     que malgré le témoignage de l’expert Brisebois et le rapport de l’ingénieur Kim, elle ne changera pas d’avis, elle a un expert ingénieur qui est venu analyser la capacité portante du linteau et selon elle, le « rapport de l’ingénieur de l’autre partie et votre expert Monsieur Brisebois ne sont pas assez crédibles » :

[88.2.1]           il est démontré que l’avis d’ingénieur de l’Entrepreneur est basé sur une épaisseur d’un demi pouce alors que, clairement, le linteau n’a pas de demi pouce, donc elle ne peut pas dire que l’attestation du linteau peut être vraie ; et

[88.2.2]           quand on regarde au niveau de la crédibilité de l’expert Brisebois, le rapport d’expertise est basé sur le CCQ 2015 alors que ce document n’est même pas disponible, ce sont des informations qui perdent en crédibilité, qui ne peuvent pas interférer avec sa décision initiale.

Patrick Masson

[89]      Il est technicien en architecture diplômé en 1989, il fait de l’expertise en enveloppe du bâtiment depuis cette année-là, et a été reconnu par le Tribunal comme témoin expert en maçonnerie et en enveloppe du bâtiment, son CV est produit en A-21.

[90]      Son rapport d’expert, produit en A-20, est cité ici au long comme si reproduit dans la présente décision.

[91]      L’Administrateur l’a mandaté pour aller faire une inspection visuelle, et non destructive car on ne fait pas d’ouverture, pour faire état de la pose de la maçonnerie, pour donner son opinion professionnelle au niveau de la mise en œuvre qu’est-ce que ça a l’air, est-ce que c’est beau, est-ce que c’est droit, est-ce que ça tient.

[92]      Sa visite a été effectuée le 4 février 2022.

[93]      Le mandat était d’analyser ce qu’on avait vu et de donner ses recommandations.

[94]      Comme instruments, il avait un niveau de six pieds et un ruban à mesurer en plus d’une nacelle pour lui permettre d’aller voir une partie de la façade principale, de la façade latérale gauche et une partie de la façade arrière ; il ajoute avoir été limité dans ses déplacements en raison de la présence de la neige et dendroits un peu serrés, donc on a été capable en proportion [de voir] la moitié de la surface de la maison.

[95]      Son inspection a duré plusieurs heures, de tout le matin jusqu’au milieu de l’après-midi, ils étaient deux, avec un collègue.

[96]      Le bâtiment est assez banal, dans le sens qu’il a une forme carrée, il n’y a pas d’éléments qui sortent ou complexes, c’est une surface qui est assez simple, maçonnerie sur les quatre façades.

[97]      Avant la visite, ils avaient reçu le rapport de l’ingénieur Alain Mousseau/Calculatec (pièce A-14) qui conclut qu’il n’y a pas de mouvement au niveau des fondations, donc ça « nous » permet de savoir si ça avait une incidence sur le parement de la maçonnerie.

[98]      Si on parle des généralités, ce qu’on a vu :

[98.1]     c’est d’abord les tâches qui sont orangées, une différence de couleur visibles à une distance de 6 mètres ;

[98.2]     des taches d’efflorescence un peu partout autour du bâtiment sous les seuils de fenêtres, c’est principalement un problème esthétique à moins d’une source sous-jacente qui fasse en sorte que ce soit récurrent, il y a peut-être trop d’eau qui rentre au niveau de la maçonnerie, on a encore de l’efflorescence malgré qu’il y ait eu un nettoyage ;

[98.3]     les membranes souples, ce sont les solins membranés, elles ne devraient pas être exposées, il va y avoir une dégradation avec les rayons UV, c’est pour ça qu’on doit les cacher ;

[98.4]     les chantepleures, il en manque et ceux qui sont présentes ne sont pas nécessairement bien formées, certaines sont bouchées, certaines ne vont pas jusqu’à la base du solin, déficiences qui limitent le drainage ;

[98.5]     les taches de mortier, des résidus de la pose qui aurait dû partir avec le lavage, on en trouve abondamment tout le tour du bâtiment, des éclaboussures d’excès de mortier qui viennent tacher la brique ;

[98.6]     planéité, rectitude : on a vu des bombements ; conséquence : on pourrait avoir des problèmes de stabilité ;

[98.7]     il n’y a aucun joint de contrôle, ça nous cause de la fissuration autant dans la brique que dans les joints de mortiers ;

[98.8]     microfissuration, pierres installées en contre-pente qui s’en vont vers le parement au lieu de vers l’extérieur de la maison ;

[98.9]     l’alignement et les coupes de la brique sur la façade latérale droite c’est très inégal, on voit que les coupes des pierres ne sont pas les mêmes, ce qui nous donnent des variations autant au niveau de l’épaisseur de pierres que de l’épaisseur de joints sur toute la longueur ;

98.9.1.1.       les conséquences : au niveau de la résistance structurale de l’ensemble et au niveau esthétique des alignements, tout cela a l’air croche ;

[98.10] les joints de mortier : la première chose qui l’a frappé en regardant le bâtiment c’est la variation de couleurs dans les joints de mortier, à certains endroits on a trois couleurs ; le façonnage des joints de mortier, le joint est très inégal, il est bâclé, à moitié évidé ou pas ;

[98.10.1]       on a mesuré à plusieurs endroits de façon aléatoire, une bonne quantité de joints qui ne respectent pas les exigences, des joints jusqu’à 21 mm d’épaisseur, ça varie beaucoup sur le bâtiment :

98.10.1.1.       c’est un problème esthétique, on voit très bien que des joints n’ont pas la même épaisseur ; et

98.10.1.2.       c’est un problème potentiel de résistance, si on a des joints différents d’un bout à l’autre d’un bloc c’est sûr que ça a de l’incidence sur la structure.

[99]      Quant au linteau au-dessus de la porte de garage, l’appui de la maçonnerie doit être solide et stable et s’il y a une flexion ça ne rencontre pas les exigences.

[100] Pour corriger adéquatement la situation, il s’est posé la question sur ce qui est possible de faire pour corriger les deux aspects, il y a un aspect qui est esthétique et un aspect qui est technique.

[101] Au niveau esthétique, on peut faire beaucoup de choses mais en bout de ligne on va se retrouver à charcuter la maison partout tout le tour, et, malgré tout, il y a des éléments qui ne seront jamais corrigés :

[101.1] les problèmes d’épaisseur des joints ;

[101.2] les coupes qui sont mal faites.

[102] Si on veut tout corriger incluant l’esthétisme il n’y a pas d’autre façon que de dire qu’il faut remplacer tout ça dans son ensemble.

[103] Quant au rapport Brisebois, son seul commentaire général sur ce rapport c’est le peu de quantité de choses qu’il a pu voir sur le bâtiment, Monsieur Brisebois dit que tout est correct mais il faut réparer ceci et cela.

[104] L’expert Masson trouve que :

[104.1] (1) le rapport Brisebois manque d’information sur ce qui a véritablement été vu ; et

[104.2] (2) quand on arrive aux recommandations, on ne peut pas dire que tout est correct puis dire qu’on doit corriger un paquet d’affaires ;

[104.2.1]       pour rappel, le Rapport Brisebois (pièce E-1) note à la partie Analyse et Constat : « Comme décris précédemment je n’ai pas observé de déficience due à la mise en œuvre initiale. Toutefois, des correctifs au niveau de l’assemblage des joints sur le coin gauche en façade, relavé la zone du remplacement de brique aussi en façade ainsi que de faire les chantepleures absent au-dessus de la fenêtre du dessus du garage. Pour les travaux correctifs, utilisez les méthodes de restauration de bâtiment et non de réfection ». (Nos caractères gras)

[105] Aussi en réponse à Monsieur Brisebois, il ne voit pas comment on ait un résultat d’aussi mauvaise qualité qui viendrait des conditions de chantier.

[106] Quant à la question du mortier foncé au lieu du mortier gris, il était possible d’arriver à un résultat acceptable, ça se fait couramment, il faut nettoyer rapidement au fur et à mesure des applications.

[107] Il est vrai qu’on oublie de mettre des joints de contrôle sur les bâtiments résidentiels mais il n’est pas d’accord de dire que c’est normal, les codes et les normes disent qu’on doit faire provision de joints pour le mouvement mais effectivement dans le domaine résidentiel c’est quelque chose qui est souvent oublié.

[108] En réponse à Monsieur Brisebois que c’était le mouvement normal du bâtiment, il dit que la position des joints de rupture vient favoriser les mouvements donc limiter la fissuration dans le reste du parement, on peut faire une provision pour ces mouvements-là, ça se calcule, un entrepreneur maçon qui est spécialiste en maçonnerie doit connaître et respecter les normes avec lesquels il travaille, il aurait dû voir qu’il n’y en avait pas, il aurait dû se poser la question à savoir « ce que je fais, moi ? ».

[109] Quant aux bombements, il a tenu compte de l’alignement relatif, il a fait une vérification avec un niveau sur les façades pour voir les écarts par rapport à un alignement qui était relatif, relatif c’est de prendre la moyenne de l’écart qu’on peut avoir sur un mur.

Alain Mousseau

[110] Son CV sommaire a été produit lors de l’audience sous A-22, il est diplômé en génie civil de l’École polytechnique en 1979, ingénieur spécialisé en structure de bâtiment, reconnu comme tel par le Tribunal comme témoin expert, son rapport est produit pièce A–14, cité ici comme si cité au long.

[111] Il a reçu le mandat par l’intermédiaire de l’Administrateur d’aller examiner deux immeubles voisins dont celui objet de l’arbitrage et de faire particulièrement l’examen en raison de problèmes de fissuration dans les fondations et dans la maçonnerie.

[112] Son examen a lieu le 20 avril 2021 ; pour ce bâtiment seulement, cette visite a duré environ une heure et demie.

[113] Il a circulé tout autour du bâtiment, il y avait un bon dégagement, pas de neige au sol, il a examiné les quatre façades, ce qui était visible à partir des fondations et dans les parements.

[114] Dans la maçonnerie, les fissures sont principalement des fissures verticales et sur les deux grands côtés aux murs latéraux droite et gauche, des fissures verticales, sur le mur de façade il y avait une fissure diagonale directement au sommet du linteau de la porte de garage.

[115] L’explication c’est que ces murs-là auraient eu besoin de joints de fracturation, de rupture, de contrôle, c’est pour permettre que des efforts qui vont apparaître dans ces murs se dissipent et quand il n’y a pas un tel joint, les efforts finissent par risquer d’altérer les composantes du mur, en l’occurrence le mortier, les briques et les blocs :

[115.1] quand il y a présence de fissures verticales dans un parement de briques, neuf fois sur dix, c’est lié à l’absence des joints de contrôle appropriés et ce n’est pas parce qu’on a ici un petit bâtiment que ce joint-là n’était pas nécessaire.

[116] La qualité générale du mur est minimale, il considère que :

[116.1]  les gens qui ont fait le travail ne l’ont pas fait de façon soignée ;

[116.2]  peut-être :

[116.2.1]       qu’ils ont manqué d’expérience ;

[116.2.2]       qu’ils ont manqué de temps ;

[116.2.3]       qu’ils ont manqué de budget ;

116.2.3.1.         il ne le sait pas, mais le travail n’est pas acceptable.

[117] Quand il y a une fissure dans un ouvrage de maçonnerie, l’eau peut s’infiltrer et entraîner la dégradation, parfois c’est sournois car ça peut se faire sur une longue période de temps et ça peut arriver à affecter les éléments de charpente à l’arrière de la maçonnerie, causer des problèmes de moisissure, d’affaissement de la charpente en raison de la dégradation.

[118] Les déficiences sont nombreuses, si on parle juste des joints, ils sont très inégaux, il faut en ouvrir une grande partie pour être capable de remplacer des unités et équilibrer les variations dans la largeur, on ne peut pas juste enlever une brique et la replacer.

[119] Si on veut réparer une brique fissurée, la façon est de la remplacer et quand on remplace une brique, elle va inévitablement être différente de celle qui était là depuis quelques années, la réparation ne va pas se faire raisonnablement avec succès, ça va amener une tache dans l’uniformité de la maçonnerie, c’est difficile à imaginer.

[120] Il y a des problèmes de joints, problèmes de fissures, il y a un mortier aussi qui en général ne s’est pas sacrifié, c’est-à-dire quand il y a des efforts trop grands, le mortier doit être plus faible que la maçonnerie et doit se fissurer, c’est plus facile de réparer un joint de mortier que de réparer une brique ; ici le mortier s’avère trop résistant, il ne se sacrifie plus et certaines briques et certains blocs vont se fissurer.

[121] Dans ce projet-là, quand on gratte le mortier on se rend compte qu’il est très résistant et ça élimine cette capacité de se sacrifier pour éviter qu’il y ait de la fracturation des briques.

[122] Pour régler le problème, il faut refaire la maçonnerie en entier avec un mortier mieux calibré qui ait la bonne résistance, en respectant la règle de l’art et les trucs du métier, pour que le résultat final soit mieux approprié.

[123] Quant au linteau au-dessus de la porte du garage, il a fait faire une ouverture en retirant quelques pierres, ça a permis :

[123.1] de voir la cornière d’acier dont le rôle est de supporter la brique ; et

[123.2] de prendre la mesure, six pouces de hauteur par quatre pouces de largeur et un quart de pouce d’épaisseur de l’acier.

[124] Il y a une porte de garage qui fait environ 14 pieds de largeur et lorsqu’on a une telle ouverture avec un parement lourd au-dessus, il faut mettre un linteau qui doit assurer la stabilité de ce parement.

[125] Le problème : ici on a une ouverture de porte beaucoup trop large pour procéder avec un linteau libre, il aurait fallu un linteau structural d’acier attaché à une poutre pour supporter la maçonnerie au-dessus de cette ouverture-là.

[126] L’ingénieur Kim (en Annexe au rapport Brisebois, pièce E-1) dit que le linteau a une épaisseur d’un demi pouce, mais il a un quart de pouce, au plus 5/16 de pouce, ça n’a assurément pas un demi pouce ; il y a deux erreurs dans son calcul, soit la charge et ensuite il évalue la résistance du linteau :

[126.1] Kim considère le linteau LVL (Laminated Veneer Lumber ou Lamibois) de trois morceaux (« trois plis »), situé au niveau des poutrelles du plancher mais on ne peut pas tenir compte d’un linteau de bois parce qu’il ne contribue pas au support de la maçonnerie, ça c’est une erreur élémentaire ;

[126.2] l’autre élément, il n’y a aucun calcul, aucune évaluation de la rigidité, de la performance à obtenir de notre élément structural, ici il n’y a aucun commentaire, ou calcul de la rigidité de la cornière d’acier.

[127] L’ingénieur Mousseau a produit, pour corroborer son affirmation, des photos (cotées A-14b #2486 à #2490) prises lors de son inspection.

[128] Il n’a vu sur le chantier aucun lien entre la cornière d’acier et la poutre de bois (voir photo 2490, pièce A-14b), le LVL est au-dessus de la cornière et il n’a vu aucun lien entre les deux, aucun ancrage, le linteau est clairement un linteau libre, il est appuyé sur la maçonnerie, il n’y a pas de poteau qui soutient la cornière, c’est la maçonnerie de part et d’autre contrairement, au linteau de bois dont on fait référence dans le calcul.

[129] En contre-interrogatoire, après avoir expliqué le calcul fait par l’ingénieur Kim, il dit qu’il n’en a pas fait, entre autres, la cornière d’acier n’est pas reliée au linteau de bois donc il n’avait aucun intérêt ou le besoin de valider cette combinaison bois acier ce n’est pas applicable, et, d’autre part, il n’était pas dans son mandat de faire une démonstration de la solution en détail.

Contre-preuve Denis Brisebois

[130] En contre-preuve, Denis Brisebois affirme que, concernant les joints de contrôle, parfois ça prend un calcul d’ingénieur pour savoir où les mettre, le maçon n’a pas la capacité pour déterminer où les joints de contrôle vont aller, il peut les installer à une place et le bâtiment va réagir ailleurs, là on va le tenir responsable, c’est pour ça quil est spécifié dans les normes qu’il faut que ce soit le concepteur qui détermine où vont les joints de contrôle.

[131] Il donne une longue explication sur la façon de tenir compte de l’enlignement relatif et la façon de chercher une mesure, qu’il faut mettre une ligne de haut en bas et la distancer pour ne pas toucher au mur de briques et après on prend des mesures, il allègue que si l’expert Masson « a pris juste avec son niveau sur le mur et fait une mesure de 20 mm on n’a pas l’alignement relatif » et à mettre son niveau sur la brique, le niveau aurait bougé – le Tribunal note que cette longue explication aurait été plus probante en présence de l’expert Masson, en ce sens qu’il ignore si la méthode ici expliquée était compatible ou non avec celle utilisée par l’expert Masson qui a affirmé avoir tenu compte de l’alignement relatif.

[132] À la question qu’on a dit (d’après la procureure de l’Entrepreneur qui pose la question) que les deux seuls éléments qui ne pouvaient pas être corrigés et qui requièrent la réfection complète des murs sont :

[132.1]  les coupes mal faites : il répond qu’il y a deux méthodes correctives potentielles : on peut démanteler bloc par bloc et les repositionner en faisant des coupes neuves et les ajuster en hauteur ou encore ça peut se faire directement en place en coupant les blocs en place, creuser les joints et refaire les joints ;

[132.2]  les épaisseurs des joints : il affirme : « je suis un petit peu d’accord mais il faudrait que je voie les joints en question, moi personnellement il y a peut-être quelques joints, il faudrait faire un travail exhaustif comme Monsieur Masson a fait pour pouvoir déterminer lesquels sont à faire mais tout est corrigeable, est-ce que ça peut être corrigé à 100 % peut-être pas mais c’est sûrement corrigeable à bien des endroits ».

[133] Pour le linteau on « pourrait peut-être » mettre des languettes et le resolidifier en place c’est tout.

[134] Après avoir entendu tous les témoignages des différents experts, il affirme ne pas modifier son opinion, toutes les allégations de déficience sauf peut-être le linteau structural en avant qui n’est pas de sa compétence, tout est réparable.

 

PLAIDOIRIES

Entrepreneur

[135] Le Tribunal a précédé les plaidoiries en demandant aux procureurs de l’Entrepreneur, considérant qu’il s’agissait d’une demande d’arbitrage d’une deuxième décision de l’Administrateur, « qu’est-ce que l’Entrepreneur voulait que le Tribunal conclue s’il lui donnait raison à 100 % ».

[136] La procureure de l’Entrepreneur répond qu’après avoir entendu la preuve :

[136.1] au niveau de la chantepleure ce n’est pas contesté qu’on veut corriger ;

[136.2] il voudrait que les travaux de correction soient effectués par lui-même ;

[136.3] quand la première décision a été rendue, il n’y avait pas de liste de travaux, pour pas qu’il y ait un malentendu l’Entrepreneur aimerait avoir une liste de ce qui est vraiment requis pour ne pas qu’ensuite ce soit rediscuté dans l’éventualité où le Tribunal ordonne de reprendre les réparations ;

[136.4] la réfection totale n’est pas nécessaire, l’expert Brisebois a témoigné sur le fait qu’il y a différentes options envisageables, et à la suite des témoignages des témoins de l’Administrateur, on n’est vraiment pas dans un cas où la réfection totale est recommandée.

[137] La membrane : on a beaucoup parlé de la membrane qui dépassait alors que ce problème n’apparaît pas dans la première décision ni dans la deuxième, le Tribunal ne devrait pas tenir compte de ce point.

[138] Les taches orangées :  on n’a pas de preuve qui permettrait de conclure que les différentes taches orange viennent de l’acide ; l’absorption de chaleur sur les briques noires peut créer ce genre de phénomène et si tel est le cas, c’est dû aux intempéries de la nature, on n’a aucun contrôle sur comment la brique réagit au soleil.

[139] Les seules personnes qui peuvent dire ce qui a été appliqué sur la brique c’est Monsieur Sangregorio, sa crédibilité n’a pas été remise en doute, il a affirmé que jamais il n’avait appliqué de l’acide sur les murs, il a dit avoir appliqué une solution à base d’eau et de savon.

[140] Les taches d’efflorescence : de part et d’autre, les experts ont dit que c’était normal et l’expert Masson a dit que ce n’était pas impossible de les nettoyer.

[141] Les taches de mortier peuvent être lavées.

[142] Les bombements : Monsieur Brisebois a parlé de l’alignement relatif, ce n’est pas juste mettre un niveau, Monsieur Brisebois est venu dire que l’expert Masson n’a pas tenu compte de l’alignement relatif donc on ne peut pas tirer de ses conclusions.

[143] Les fissures : elle plaide que ça a été causé par les fissures à la fondation (le Tribunal est intervenu pour dire avoir compris qu’il manquait deux joints de contrôle mais qu’il relirait ses notes pendant son délibéré).

[144] Les joints de contrôle : ce n’était pas un prérequis mais dans le pire des cas si le Tribunal décide qu’il faut un joint de contrôle, en contre-interrogatoire on a dit qu’il y en avait juste deux à faire, un sur chaque mur latéral, ça ne justifie pas de refaire toute la brique.

[145] L’esthétisme : le plan des lieux produit comme pièce E-2 démontre l’impossibilité de regarder le mur à 6 mètres, l’expert Masson ne peut pas se conformer à la règle de l’art quant à la visualisation de façon efficace et conforme.

[146] Si on disait que l’obligation de résultat couvrait l’esthétisme, le maçon et l’Entrepreneur seraient à la merci des Bénéficiaires : si jamais ils ne l’aiment pas pour toutes sortes de raison ce sera un défaut alors qu’on constate que le mur de briques est capable de soutenir, c’est objectif, alors que l’esthétisme c’est plus subjectif.

[147] La largeur des joints de mortier : ce n’est pas concentré dans une seule partie du mur, ça n’affecte pas la pérennité de l’immeuble.

[148] Il ne faut pas prendre pour acquis que l’Entrepreneur doit examiner chaque brique et il ne pouvait pas corriger car il n’avait pas obtenu le rapport d’ingénieur promis par Madame Rousseau dans sa décision, même si c’est au niveau des fondations ça peut avoir une conséquence sur le parement au-dessus.

[149] Pendant les premiers cinq ans, l’immeuble bouge et se met en place, il y a une exception au Règlement pour le comportement normal des matériaux.

[150] Quant au linteau, l’ingénieur de la partie adverse n’a pas fait de calcul équivalent à celui fait par leur ingénieur, faute de preuves équivalentes il faudrait retenir la version de son ingénieur.

[151] Quant aux deux experts de l’Administrateur, aucun n’a jamais posé de briques dans leur carrière, alors que Monsieur Brisebois c’est un maçon qui a déjà posé des briques, il donne des formations sur comment respecter les normes et les règles de l’art, ils ont tous témoigné que oui les problèmes sont corrigeables par contre les Bénéficiaires voulaient une réfection complète et l’Administrateur ne disait pas quelle façade devait être refaite, il a juste dit qu’il y en a plusieurs.

[152] On devrait permettre à l’Entrepreneur de faire les corrections nécessaires et non de refaire les murs au complet.

Bénéficiaires et Administrateur

[153] Les Bénéficiaires plaident que, considérant que les délais sont échus depuis fort longtemps depuis la décision de l’Administrateur du 11 février 2021, que l’Administrateur prenne en charge l’ensemble des travaux et mandate des professionnels compétents qui vont prendre la relève, c’est la seule solution pour rendre l’immeuble conforme à ce que les Bénéficiaires ont acheté.

[154] Si l’Entrepreneur avait des revendications à faire il avait la possibilité dans les 30 jours de la décision du 11 février 2021 de porter la décision en arbitrage ce qui n’a pas fait, nous sommes en présence d’un appel déguisé.

[155] L’expert Brisebois n’a que très peu de crédibilité : visite de vingt minutes, affirmation que toutes les normes applicables sont respectées, témoignage évasif, reconnaissance d’un bombement mais reproche de la méthode utilisée par l’expert Masson pour en déterminer la présence, affirmation qu’il est difficile pour un maçon de déterminer qu’il faut un joint de contrôle et où le mettre, etc.

[156] À qui incombe la responsabilité, maçon, entrepreneur, peu importe, la responsabilité de l’Entrepreneur est une obligation de résultat.

[157] Le Règlement doit s’interpréter en faveur des Bénéficiaires, peu importe les moyens utilisés, l’Entrepreneur doit livrer le bâtiment pour lequel des Bénéficiaires ont payé, les Bénéficiaires ont reçu un immeuble déficient, comportant une multitude de malfaçons qui ne pourront être réparées que dans la réfection complète des éléments de maçonnerie.

[158] Pour l’Administrateur, ce n’est pas exact de dire que pour l’esthétisme on est à la merci des Bénéficiaires, deux experts indépendants ont témoigné que c’était dans un état lamentable, de qualité minable, ce n’est pas purement subjectif propre aux Bénéficiaires.

Quatre décisions arbitrales citées

[159] Les Bénéficiaires et l’Administrateur ont produit en tout les quatre décisions suivantes, dont trois citent avoir entendu comme témoin expert, Denis Brisebois, présent dans notre dossier.

[160] Toutes les décisions ont été lues pendant le délibéré, étant entendu que chaque cas est un cas d’espèce basé sur la preuve particulière du dossier, ces décisions arbitrales ne lient pas le soussigné.

[161] Voici ces décisions arbitrales, les commentaires sont du Tribunal soussigné :

[161.1]  Rousseau et Développement Immobilier Titan Inc. et La Garantie Qualité Habitation Inc.[3] ; dans cette affaire, l’arbitre a accueilli la demande d’arbitrage des bénéficiaires dont l’expert fut Denis Brisebois, et ordonné une réfection complète, ce qui n’avait pas été accepté par l’administrateur et était contesté par l’entrepreneur ;

[161.2] Nedelcu et 9153-8827 Québec Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ[4] ; dans cette affaire :

[161.2.1]       (1) l’administrateur avait ordonné la réfection de la maçonnerie dans son ensemble dans sa première décision ;

[161.2.2]       (2) l’expert des Bénéficiaires fut Denis Brisebois, qui était d’accord avec cette conclusion ;

[161.2.3]       (3) l’arbitre a partiellement accueilli la demande d’arbitrage de l’entrepreneur quant à un mur, vu la preuve (témoignages de l’inspecteur conciliateur et des experts des deux parties, paragraphe [155]) ;

[161.3] Dusseault et Construction Philip Cousineau Inc. et La Garantie Construction Résidentielle[5], dans cette affaire :

[161.3.1]       (1) l’entrepreneur a d’abord procédé à des travaux correctifs après la dénonciation des bénéficiaires, jugés insuffisants par l’administrateur dans sa première décision ;

[161.3.2]       (2) puis l’entrepreneur a procédé à des travaux correctifs après la première décision de l’administrateur, jugés insuffisants par l’administrateur qui déclare prendre en charge les travaux dans sa deuxième décision ;

[161.3.3]       (3) malgré cette deuxième décision, l’entrepreneur s’engage à une série de travaux correctifs qu’il effectue, jugés insuffisants par l’administrateur dans sa troisième décision et ordonne à l’entrepreneur de procéder à des travaux correctifs, d’où une demande d’arbitrage des Bénéficiaires, puis de l’entrepreneur ;

161.3.3.1.  l’entrepreneur a produit comme expert, Denis Brisebois ; voici les commentaires de l’arbitre, qui n’ont toutefois pas servi de base à la décision du Tribunal soussigné, chaque cas étant un cas d’espèce :

[158] Dans son rapport et tout au long, monsieur Brisebois a tenté de minimiser la situation. À plusieurs reprises, il a avancé qu’il n’avait pas de problématique pour ensuite affirmer le contraire et indiquer que des correctifs étaient nécessaires, par exemple pour le manque de chantepleures et l’obstruction de ces dernières par du mortier. ;

[161.3.4]       (4) notre consœur, Me Jacinthe Savoie, arbitre, rappelle les dispositions de l’article 18 du Règlement (nous y reviendrons) et conclut :

[193] L’alinéa 6° de l’article 18 du Règlement prévoit très clairement la marche à suivre en cas de défaut de l’Entrepreneur et laisse peu de place à l’imagination. ;

[161.4] Berghello et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ et Habitations Sylvain Ménard[6] (dans cette affaire, l’entrepreneur avait écrit qu’il était prêt à refaire la façade (paragraphe [44]) :

[43] [...] Or, selon son témoignage non contredit, la réalisation des travaux ordonnés par monsieur Bonneville exige pratiquement de refaire la façade. [...]

[45] Quand on regarde les correctifs ordonnés par monsieur Bonneville, il ressort de la preuve prépondérante qu’en pratique leur réalisation pourrait difficilement se concevoir autrement que par une réfection totale, sinon au risque de conduire à de nouveaux problèmes ou à prolonger inutilement ce litige. Dans les circonstances, il m’apparaît donc justifié d’ordonner que la maçonnerie de cette façade soit entièrement refaite.

Réplique

[162] L’Entrepreneur plaide qu’il est peu crédible que Monsieur Barcelo ait dit que Monsieur Brisebois avait passé juste 20 minutes sur les lieux, comme s’il était resté la fenêtre tout le temps ; à elles seules, les photos n’ont pas pu être prises en 20 minutes, c’est plus crédible de dire qu’il a passé 1 heure 15 et il a pris des photos pour les analyser.

[163] L’Entrepreneur a procédé à des corrections, ils ont réparé une grande majorité sinon la plupart des déficiences alléguées.

 

DÉCISION

[164] Vu la preuve, vu le Règlement, vu le droit applicable, le Tribunal n’a d’autre option que de rejeter la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur, pour les motifs qui suivent.

Cadre juridique

[165] Avec égards, le Tribunal d’arbitrage rappelle trois éléments du cadre juridique.

Obligation de résultat et fardeau de preuve

[166] Premièrement, les articles 2100 et 2101 du Code civil sont à l’effet que l’Entrepreneur a une obligation de résultat, qu’il peut s’adjoindre un sous-traitant mais conserve la responsabilité de l’exécution :

2100. L’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d’agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l’ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d’agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s’assurer, le cas échéant, que l’ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

Lorsqu’ils sont tenus au résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu’en prouvant la force majeure.

2101. À moins que le contrat n'ait été conclu en considération de ses qualités personnelles ou que cela ne soit incompatible avec la nature même du contrat, l'entrepreneur ou le prestataire de services peut s'adjoindre un tiers pour l'exécuter; il conserve néanmoins la direction et la responsabilité de l'exécution.

[167] Karim[7] écrit :

1242. Il nous semble que sur le plan juridique, l’obligation de l’entrepreneur quant à la qualité de l’ouvrage et sa conformité aux règlements ne peut être transformée en obligation de moyens. [...] L’obligation de l’entrepreneur ou des intervenants quant à la qualité de l’ouvrage et à sa conformité aux règles de l’art ne peut être qu’une obligation de résultat. […]

[168] Comme l’Entrepreneur a une obligation de résultat, en cas de problématique avec le résultat, c’est lui qui a le fardeau de la preuve pour s’exonérer de son obligation.

[169] La Cour d’appel écrit dans Boiler Inspection and Insurance Company of Canada c. Moody Industries Inc.[8] que le soussigné doit passer au crible tous les éléments fournis pour chercher à découvrir où se situe la vérité :

 

B.        Fardeau de preuve

[57] La première juge a attentivement examiné les divers éléments de preuve, à la fois de nature profane et technique, pour déterminer où se situe la vérité. Cette vérité demeure relative plutôt qu'absolue, sans avoir à atteindre un niveau de certitude, puisque s'applique la norme de la prépondérance de preuve fondée sur la probabilité (art. 2804 C.c.Q.), soit celle qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence, laquelle excède la simple possibilité.

« Lorsque la preuve offerte de part et d'autre est contradictoire, le juge ne doit pas s'empresser de faire succomber celui sur qui reposait la charge de la preuve mais il doit chercher d'abord à découvrir où se situe la vérité en passant au crible tous les éléments de conviction qui lui ont été fournis et c'est seulement lorsque cet examen s'avère infructueux qu'il doit décider en fonction de la charge de la preuve. »[9]

[170] Pour cette raison, le Tribunal discutera de la preuve de l’Entrepreneur au soutien de sa demande d’arbitrage aux paragraphes [182] (Denis Brisebois) et [207] (Antonio Sangregorio).

Couverture pour vice et malfaçon apparents

[171] Deuxièmement, le Tribunal n’entend pas une demande d’arbitrage à la suite d’un recours contre un maçon en vertu du droit commun et du Code civil, mais à la suite d’un recours d’un Bénéficiaire à l’encontre de l’Administrateur du plan de garantie, qui cautionne les obligations de l’Entrepreneur selon les dispositions du Règlement.

[172] Le plan de garantie ne couvre pas seulement la maçonnerie d’un mur atteint d’un vice majeur sur le point de s’écrouler, il couvre aussi la malfaçon apparente dénoncée à la réception, en vertu de l’article 10 du Règlement (extraits) :

10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir: [...]

2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception. [...]

 

[173] La Cour d’appel du Québec a jugé que ce Règlement était d’ordre public, entre autres dans Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal[10] :

[18] La procédure d'arbitrage expéditive prévue au Règlement pour réparer rapidement les malfaçons est, comme le note la juge, un complément aux garanties contre les vices cachés du Code civil. Régime d’ordre public[5], le Règlement vise notamment à obliger que les réparations des bâtiments résidentiels neufs soient effectuées rapidement par l'entrepreneur ou prises en charge par l'administrateur de la garantie.

[174] Pour Me Sylvie Rodrigue et Me Jeffrey Edwards[11] (aujourd’hui juge à la Cour supérieure) :

 

« De même, la gravité de la malfaçon ne paraît pas pertinente car l’obligation ne distingue pas selon l’intensité de l’effet engendré par la non-conformité ».

 

[175] Dans l’affaire Nancy Audette et Daniel Savignac et Construction Louis-Seize et Associés et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.[12], notre consœur Me France Desjardins rejeta la plaidoirie de l’entrepreneur d’un comportement normal des matériaux dans une affaire de fissures dans une dalle de béton aux motifs suivants :

[43] Tel qu’établi dès les premières lignes de l’article 10 du Règlement, tout vice ou malfaçon dans la construction donnera ouverture à l'application de la garantie.  Au surplus, les tribunaux ont établi le caractère d’ordre public (les parties ne peuvent y déroger, même par convention) du Règlement.. À cet effet, le Tribunal réfère notamment aux propos de l’Honorable Pierrette Rayle qui s’exprimait pour la Cour d’appel du Québec sur cette question:

     Le Règlement est d’ordre public. […]

 

[44] Pour bien cerner ces notions, le Tribunal réfère aux définitions fournies, à titre de guide, dans une brochure publiée par la Régie du bâtiment du Québec. Cet organisme est chargé, en vertu de la Loi sur le bâtiment,[8] de l’application du Règlement :

Vices ou malfaçons : Travail mal fait ou mal exécuté compte tenu des normes qui lui sont applicables. Ces normes se trouvent dans les conditions contractuelles et les règles de l’art (voir ci-dessus la notion de « règles de l’art »). Ces défauts d’exécution se distinguent des vices cachés et des vices de conception, de construction ou de réalisation par leur degré de gravité : il s’agit de défauts mineurs.

 Règles de l’art : Ensemble des techniques et pratiques de construction reconnues, approuvées ou sanctionnées. Ces règles ont un caractère évolutif car les méthodes de construction, les équipements et les matériaux disponibles évoluent constamment.

Elles trouvent notamment leurs sources dans les documents suivants :

         les instructions ou guides fournis par les fabricants d’équipements ou de matériaux entrant dans la construction des immeubles;

          les normes ou standards publiés par les organismes de normalisation;

          les lois ou règlements contenant des prescriptions obligatoires relativement à l’ouvrage à construire;

         les publications scientifiques ou techniques utilisées à des fins d’enseignement des professions ou des métiers, ou servant à la diffusion du savoir le plus récent.»

 

[45] De plus, pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d’accréditation, l’entrepreneur doit d’ailleurs, conformément à l’article 78 du Règlement, signer la convention d’adhésion fournie par l’administrateur, comportant les engagements énumérés à l’annexe II du Règlement. L’entrepreneur accrédité s’y engage, entre autres :

….. «3e à respecter les règles de l’art et les normes en vigueur applicables au bâtiment

 

[46] C’est donc dans un contexte législatif et réglementaire bien encadré et d’ordre public, visant à assurer l’exécution de ses obligations par l’Entrepreneur, que le Tribunal doit analyser la demande d’arbitrage.

 

[47] L’Entrepreneur et l'Administrateur ne nient pas qu’il y ait fissuration de la dalle de garage mais pour leurs représentants, les fissures résultent du comportement normal des matériaux. Par ailleurs, les Bénéficiaires, par leur expert, soumettent que l'Entrepreneur aurait dû exécuter des joints de contrôle pour empêcher la production de fissures aléatoires sur toute la surface de la dalle et, ce faisant, se conformer aux règles de l'art et aux bonnes pratiques dans le domaine du béton.  […]

[63] L'Entrepreneur doit corriger les défauts. [...]

[176] Dans l’affaire Zeppetelli c. Constructions Naslin inc.[13], la Cour supérieure écrit :

 

[86] [...] Le Tribunal rappelle qu’en confiant la construction de leur nouvelle résidence, les demandeurs sont en droit d’obtenir un ouvrage construit selon les règles de l’art et sans déficience. [...] Les demandeurs ont droit à une maison neuve sans correctif visant à camoufler des incuries et les malfaçons.

[177] Quant à savoir si l’esthétisme peut constituer une malfaçon en vertu du Règlement, il s’agit d’un vieux débat retrouvé dans des décisions arbitrales découlant d’abord de la version du Règlement d’avant 2006 qui l’excluait en restreignant le sens du mot « malfaçon », sauf qu’après 2006, alors que cette exclusion avait été retirée, certains ont continué à plaider qu’il fallait l’exclure alors même que le Règlement avait été modifiée ;

[177.1]  le Tribunal d’arbitrage soussigné a déjà discuté de cette question dans l’affaire Tremblay c. 9032-3411 Québec Inc. (Construction Excel)[14], le Règlement ne contient plus cette exclusion et, selon les faits propres à chaque cas car la perfection absolue n’est pas une norme mais la règle de l’art l’est, les malfaçons esthétiques peuvent aussi être couvertes par le Règlement.

Décisions liantes 

[178] Troisièmement, une première décision de l’Administrateur du 11 février 2021 a reconnu au Point 2, la malfaçon quant à la maçonnerie et au Point 3, le linteau fléchissant au-dessus de la porte de garage :

ORDONNE à l’entrepreneur de régler les points 2 à 4 [...] d’ici le 1er juillet 2021 [...] À noter qu’il s’agit d’un délai de rigueur et qu’à défaut par l’entrepreneur de le respecter, l’administrateur, en vertu du paragraphe 6 de l’article 18 du Règlement, dès le premier jour excédant ce délai, pourra immédiatement prendre en charge le règlement du dossier aux frais et dépens de l’entrepreneur sans autre avis ni délai. [...]

[179] L’Entrepreneur ne s’est pas pourvu en arbitrage de cette décision.

[180] Comme le rappelle la Cour d’appel en 2020 dans l’arrêt SNC-Lavalin inc. (Terratech inc. et SNC-Lavalin Environnement inc.) c. Garantie Habitation du Québec inc.[15] le fait de ne pas se pourvoir en arbitrage d’une décision de l’Administrateur « est donc liante » à l’égard de l’Entrepreneur « avec toutes les conséquences juridiques qui s’y rattachent » :

[9] Le Règlement prévoit un mode de résolution des conflits qui oblige l’entrepreneur insatisfait d’une décision de l’Administrateur à soumettre le différend à l’arbitrage : [Article 19...]

[10] En l’espèce, CDH [l’Entrepreneur] a négligé de se prévaloir du seul moyen de résolution des conflits à sa portée en cas de désaccord avec la décision de l’Administrateur. Pourtant, la décision administrative comportait la mise en garde suivante :

« Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait de la décision, peut exercer des recours, soit l’arbitrage ou la médiation.

Arbitrage

Dans le cas de l’arbitrage, la demande doit être soumise par la partie requérante, dans les trente (30) jours suivant la réception par poste certifiée de ta décision de l’administrateur ou, s’il y a eu médiation, dans les trente (30) jours suivant la réception de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation. »

[...] [13] En somme, CDH a renoncé à soumettre à l’arbitrage le différend qui l’opposait à Q[ualité] H[habitation]. [...]

[14] La décision administrative rendue contre CDH est donc liante à son égard avec toutes les conséquences juridiques qui s’y rattachent.

[181] Le 15 mars 2019, dans l’affaire Joel Dusseault et Construction Philip Cousineau Inc. et La Garantie Construction Résidentielle[16], notre consœur Me Jacinthe Savoie, arbitre, écrit :

[189] À la fin de ladite Décision, il conclut de la façon suivante :

« POUR TOUS CES MOTIFS, L’ADMINISTRATEUR :

[...] ORDONNE à l’entrepreneur de régler les points 1 à 3 dans les 30 jours suivant réception de la présente. À noter qu’il s’agit d’un délai de rigueur et qu’à défaut par l’entrepreneur de le respecter, l’administrateur, en vertu du paragraphe 6 de l’article 18 du Règlement, dès le premier jour excédant ce délai, pourra immédiatement prendre en charge le règlement du dossier aux frais et dépens de l’entrepreneur sans autre avis ni délai ».

[...] [192] Le délai pour faire les travaux étant de rigueur, dans la mesure où l’Entrepreneur n’a pas « réglé » le point 1 dans le délai de 30 jours de la réception de la décision de l’Administrateur, ce dernier prend en charge les correctifs, convient pour ce faire d’un délai avec le Bénéficiaire et entreprend, le cas échéant, la préparation d’un devis correctif et d’un appel d’offres, choisit des entrepreneurs et surveille les travaux. Dans les 30 jours qui suivent l’expiration du délai convenu avec le Bénéficiaire, l’Administrateur doit communiquer par écrit au Bénéficiaire l’échéancier prévu des différentes étapes à accomplir pour assurer l’exécution des travaux correctifs.

[193] L’alinéa 6° de l’article 18 du Règlement prévoit très clairement la marche à suivre en cas de défaut de l’Entrepreneur et laisse peu de place à l’imagination.

[194] Non seulement l’Entrepreneur était en défaut de respecter la Décision no 1 de l’Administrateur, mais il est encore en défaut au moment de la rédaction de la présente.

[195] En conséquence, l’Administrateur devra prendre en charge les correctifs relatifs aux Paragraphes 1, 2, 4, 5, 7 et 8 du point 1 de la Décision no 3.

Preuve de l’Entrepreneur

Expertise de Denis Brisebois

[182] Alors que le but de l’expertise est d’éclairer le Tribunal sur des éléments techniques, l’expertise de Denis Brisebois, témoin expert produit par l’Entrepreneur au soutien de sa demande, était décalée autant au niveau juridique qu’au niveau factuel, et ne peut servir de support favorable à la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur pour remplir son fardeau de la preuve.

Au niveau juridique

[183] L’Entrepreneur s’est pourvu en arbitrage de la deuxième décision de l’Administrateur, qui a conclu de prendre en charge les travaux correctifs vu que ceux-ci n’étaient pas effectués de manière satisfaisante, le tout, selon les conclusions de la première décision qui reflètent les termes de l’alinéa 6 de l’article 18 du Règlement.

[184] A l’audition, au lieu de prendre la première décision et de chercher à démontrer avoir effectué les travaux correctifs ordonnés, l’Entrepreneur a produit un témoin expert :

[184.1] pour donner son opinion d’expert sur la mise en œuvre de la maçonnerie en 2019, donc avant la décision du 11 février 2021 ; et

[184.2] pour affirmer que les maçons n’étaient pas responsables de la situation actuelle, alors même que le recours devant le Tribunal d’arbitrage concerne les obligations de résultat de l’Entrepreneur telles que cautionnées par l’Administrateur en vertu du Règlement.

[185] L’expertise Brisebois était décalée par rapport à ce que le Tribunal avait à décider : est-ce que les travaux correctifs apportés à la suite de la première décision qui ordonnait à l’Entrepreneur de les faire étaient satisfaisants, alors que le recours est à l’encontre de l’Administrateur qui cautionne en vertu du Règlement l’obligation de résultat de l’Entrepreneur.

[186] L’expertise ne fut pas, « tout a été réparé », mais « tout est réparable », et ce « par l’Entrepreneur lui-même ».

[187] L’expert produit par l’Entrepreneur a souligné à maintes reprises que tout ce qui avait été constaté était réparable, ce qui amène à une question :

[187.1] si c’était réparable, pourquoi ne pas l’avoir réparé avant l’échéance du délai de rigueur puisque la décision disait que si ce n’a pas été fait à l’intérieur d’un délai de rigueur, l’Administrateur allait prendre en charge les travaux.

[188] L’expert produit par l’Entrepreneur s’est surtout appliqué à exempter de toute responsabilité le maçon, alléguant que le maçon n’installait pas des briques et du mortier avec des fissures ; le Tribunal réfère le lecteur entre autres au paragraphe [20] ci-haut.

[189] Alors que le Tribunal doit déterminer si l’Entrepreneur a rempli ses obligations telles que cautionnées par l’Administrateur en vertu du Règlement, le témoin expert affirme que les maçons n’étaient qualifiés pour dire qu’il faut un joint de contrôle et que cela relevait du concepteur.

[190] N’étant pas saisi d’un recours en vertu du droit commun visant le maçon en particulier et n’ayant pas entendu de preuve complète à ce sujet, le Tribunal ne va pas élaborer plus avant sur l’application de la responsabilité propre au sous-traitant « de requérir l’information utile et nécessaire pour accomplir son travail de façon conforme à l’usage projeté ou à sa destination[17] ».

[191] Il ne suffit pas de blâmer le concepteur dans le but d’exempter le maçon pour déclarer ici que l’Entrepreneur a prouvé qu’il y a lieu d’accueillir sa demande arbitrage.

 

[192] L’Entrepreneur ne peut pas invoquer dans le présent dossier qu’il n’a pas à être responsable parce que son expert affirme que le maçon n’est pas responsable des « situations » présentes alors même que son expert semble être le seul à ne pas voir de déficiences sur ce bâtiment.

 

[193] La règle de l’art est l’essence même du contrat, la règle de l’art est incluse au contrat d’entreprise, et l’Entrepreneur se doit la respecter : or la preuve démontre que le bâtiment résidentiel est atteint de nombreuses malfaçons.

[194] Notre collègue Me Johanne Despatis dans l’affaire Monique Meunier et Coopérative De Travailleurs Les Habitations Apex et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[18] écrit:

[84] En effet, si absence de norme formelle signifiait absence de toute règle on se demande à quoi pourrait bien servir la mention de la nécessité de se conformer aux règles de l’art qui se trouve notamment à l’annexe II du Règlement et qui exige :

   ANNEXE II

(a. 78)

LISTE DES ENGAGEMENTS DE L'ENTREPRENEUR

L'entrepreneur s'engage:

[...] 3° à respecter les règles de l'art et les normes en vigueur applicables au bâtiment;.

[195] Dans Guistini c. Expo Ornemental Inc.[19], la Cour d’appel écrit :

[7] […] L'absence de devis et de précisions de l'ouvrage ne relève pas l'intimée de son obligation de se conformer aux règles de l'art.

[196] L’Entrepreneur a des obligations générales de prudence et diligence d’agir dans le meilleur intérêt du client, de respecter les usages et les règles de l’art et de s’assurer que l’ouvrage réalisé ou le service fourni soit conforme au contrat.

[197] Quant au linteau (point 3), il s’agit encore plus clairement d’un « appel déguisé » de la décision du 11 février 2021, cette malfaçon n’a pas été corrigée dans le délai prescrit par l’Administrateur, ce dernier est donc fondé en droit (le décalage au niveau des faits est discuté ci-après) à prendre en charge les travaux correctifs en vertu de l’article 18 (6) du Règlement, sur lequel sa décision du 11 février 2021 est basée, la partie suivante du rapport Brisebois est clairement décalée avec la situation juridique :

« Il est allégué que les bénéficiaires avaient dénoncé un fléchissement et la présence de fissures. A ce que j’ai observé si le linteau aurait un fléchissement [...] » et donne en annexe le calcul d’un ingénieur qui semble (il s’agit d’une théorie du soussigné, n’ayant pas eu de preuve à ce sujet) fait selon les plans avant construction.

[198] Toujours au niveau juridique mais de façon subsidiaire, car selon la Cour d’appel dans Premier Tech ltée c. Dollo[20] et dans Fournier c. Lamonde[21], l’expert est produit pour ses connaissances techniques, et non pour éclairer le Tribunal comme expert juridique, Denis Brisebois a référé au Code de construction 2015 et écrit dans ses conclusions (page 16 de son Rapport, pièce E-1) que « Dans l’ensemble, les travaux ont été réalisés en conformité du CcQ 2015 », alors que :

[198.1.1]       ce Code CCQ 2015, soit le CCQ version 2015, n’est pas en vigueur ;

[198.1.2]       à l’audience, l’expert Brisebois a montré au soussigné ce « CCQ 2015 » qu’il avait apporté avec lui – il s’agit en fait, du CCQ version 2010, que le témoin dit avoir été approuvé par la Régie du bâtiment du Québec en 2015, d’où la façon dont il le nomme, soit « CCQ 2015 ».

[199] Il est de connaissance judiciaire pour ce tribunal statutaire spécialisé dans le domaine de la construction que c’est bien la version 2005 (Code national du bâtiment - Canada 2005) qui s’applique au bâtiment résidentiel des Bénéficiaires (c’est aussi la position de l’expert Masson (page 9 sur 21 de son rapport, pièce A-20) et de l’Administrateur) dont la construction a débuté en 2019, en vertu de la version du « Règlement 11-018 » de la Ville de Montréal qui s’appliquait à cette époque[22] :

« Code » : le Code national du bâtiment – Canada 2005 » (CNRC 47666F) publié par la Commission canadienne des codes du bâtiment et de prévention des incendies du Conseil national de recherches du Canada, tel qu’il a été adopté et modifié par les décrets 953-2000 et 293-2008 (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.01.01), aussi connu sous la désignation Code de construction du Québec - Chapitre 1, Bâtiment, et Code national du bâtiment – Canada 2005 (modifié).

[200] Le Tribunal soussigné n’est pas lié par l’opinion de l’expert de l’Entrepreneur :

[200.1] en vertu de l’arrêt de la Cour suprême dans Roberge c. Bolduc[23] :

Le juge, cependant, reste l'arbitre final et n'est pas lié par le témoignage des experts.  Comme l'écrit JeanPaul Landry, dans son article "De la preuve par expert: la jurisprudence" (1980), 40 R. du B. 652, à la p. 656:

Si l'expert agissant comme témoin doit éclairer le jury ou la cour, il ne les lie cependant pas. C'est avec insistance que les juges reviennent làdessus.  [En italique dans l'original; références omises.] ;

[200.2] en vertu de l’arrêt de la Cour suprême dans Shawinigan Engineering Co. c. Naud[24], le témoignage de l’expert est apprécié de la même façon que celui du témoin ordinaire quant à sa valeur probante :

[…] la loi ne fait aucune distinction entre les professionnels et les autres témoins. Leurs témoignages doivent être appréciés comme les autres, et le tribunal est tenu de les examiner et de les peser comme toute autre preuve faite dans la cause […].

Au niveau des faits

[201] Au niveau des faits :

[201.1] d’une part, l’expert Patrick Masson, l’expert Alain Mousseau et la conciliatrice-inspectrice de l’Administrateur ont énuméré de très nombreuses déficiences, importantes au point de recommander la réfection complète des quatre façades ;

[201.2] d’autre part, l’expert Brisebois n’a vu que des « situations », légères et corrigeables : il affirme que ce qu’on observe actuellement ce sont des situations, ce ne sont pas des déficiences (témoignage à l’audience) à part « certaines défaillances sectorielles soulevées dans la mise en place [...] liées à la condition de chantier et du format des éléments choisis » (Rapport Brisebois, page 16).

[202] Le Tribunal pourrait ici, mettre côte à côte d’une part, les déficiences rapportées par l’expert Patrick Masson, qui a passé environ six heures sur les lieux, les déficiences rapportées par l’expert Alain Mousseau, qui a passé environ une heure et demi sur les lieux, celles rapportées par la conciliatrice-inspectrice Mylène Rousseau, et, d’autre part, les « situations » rapportées par le rapport de Denis Brisebois qui a passé environ vingt-cinq minutes sur les lieux.

[203] Avec égards, le Tribunal conclut autrement de la preuve que l’Entrepreneur qui a plaidé qu’il était plus crédible de croire en une visite de l’expert Brisebois de 1 heure et demie que de croire le témoignage du Bénéficiaire qui l’aurait vu de sa fenêtre passer une vingtaine de minutes sur les lieux, pour la raison suivante : l’expert Brisebois a lui-même affirmé : « honnêtement je n’ai pas pris, je n’ai pas remarqué l’heure » ;

[203.1] de plus, personne n’a demandé au témoin Sangregorio, aussi présent lors de la visite de l’expert Brisebois, de confirmer ou non, la première version de la durée de la visite.

 

[204] Point 2 – la maçonnerie ;

[204.1] alors que c’est la responsabilité de l’Entrepreneur telle que cautionnée par l’Administrateur qui est en cause, l’expert Brisebois écrit : « Sauf pour le dessus de la porte de garage, je n’ai observé aucune fissuration dans l’assemblage en lien avec la mise en oeuvre initiale (p. 9) » ;

[204.2] en contre-preuve, l’expert Brisebois affirme sur l’épaisseur des joints :

il faudrait que je voie les joints en question, il faudrait faire un travail exhaustif comme Monsieur Masson a fait pour pouvoir déterminer lesquels sont à faire mais tout est corrigeable, est-ce que ça peut être corrigé à 100 % peut-être pas mais c’est sûrement corrigeable à bien des endroits. ;

[204.3] alors que, clairement, il manque des chantepleures et que certaines sont bouchées, il n’affirme dans son rapport que :

Ce que j’ai observé les chantepleures sont présentes. Toutefois, la situation de la fenêtre au-dessus de la porte de garage demeure à être corrigée.

[204.3.1]       en contre-interrogatoire, à savoir pourquoi il n’a pas mentionné qu’il en manque, il répond qu’à la fin de son rapport, il dit qu’il y a « certaines anomalies à corriger » ;

[204.4] l’expert Brisebois écrit : « 2. Planéité et rectitude des parements Je n’ai observé aucune perte de verticalité dans les parements. À ce dont je peux comprendre du rapport de la GCR, on parle de la rectitude de l’enlignement vertical des joints ainsi que l’effet visuel du type de ferrage de joint. Ce que j’ai observé, la mise en œuvre rencontre les objectifs du CcQ 2015, des normes applicables ainsi que les règles de l’art. » ;

[204.4.1]       toutefois, à l’audience il affirme :

204.4.1.1.       qu’il y a tout de même un bombement à un endroit « le seul endroit où « on » a vraiment observé un désalignement c’est sur le mur arrière » ;

204.4.1.2.       qu’il n’a pris aucune mesure sur place.

[205] Au Point 3 - le linteau au-dessus de la porte de garage :

[205.1] d’une part :

[205.1.1]       (1) les Bénéficiaires ont dénoncé un fléchissement ;

[205.1.2]       (2) l’Administrateur dans sa première décision affirme voir le fléchissement « Au jour de notre visite, nous avons constaté [...] le fléchissement du linteau au-dessus de la porte de garage [...] » et qu’il y a un problème de fléchissement avec le linteau à corriger ; et

[205.1.3]       (3) l’Entrepreneur ne s’est pas pourvu en arbitrage de la première décision ;

[205.2] d’autre part :

[205.2.1]       (4) seul l’expert Brisebois semble ne pas avoir vu fléchissement, il écrit dans son rapport : « Il est allégué que les bénéficiaires avaient dénoncé un fléchissement et la présence de fissures. A ce que j’ai observé si le linteau aurait un fléchissement [...] » et donne en annexe le calcul d’un ingénieur qui semble fait (la preuve n’a pas été faite) selon les plans avant construction ; et

[205.2.2]       (5) le Tribunal considère plus probant le rapport de l’ingénieur Mousseau, qui est allé sur place, a fait procéder à une ouverture pour constater que :

205.2.2.1.  (a) le linteau n’était pas attaché, contrairement à la prémisse du calcul de l’ingénieur Kim ; et que

205.2.2.2.  (b) le linteau était plus petit que la mesure utilisée au calcul de l’ingénieur Kim.

[206] Le Tribunal considère donc plus probant, l’affirmation de l’expert Alain Mousseau, ingénieur, quant au Point 3 (pièce A-14) :

Pour le mur avant, des fissures affectent les parements, mais la longueur du mur et l'absence d'un joint de contrôle ne sont pas en cause. En effet, en fonction du profil diagonal des fissures qui sont visibles dans les blocs décoratifs et en fonction de la courbure évidente du support de cette maçonnerie, nous avons réclamé le dégagement de quelques pierres pour examiner le linteau installé sous cette maçonnerie. Nous y avons découvert qu'une cornière d'acier haute de 150mm et large de 100mm a été utilisée comme linteau libre. Une telle section est adéquate pour surmonter des ouvertures d'au plus 2,5m de largeur. En raison de largeur de 4,3m de la porte de garage, c'est un linteau près de cinq fois plus rigide qui est requis. Outre les fissures diagonales affligeant le bandeau de blocs décoratifs, des fissures verticales sont apparues dans le parement de brique entre les coins des ouvertures de fenêtres.

Témoignage d’Antonio Sangregorio

[207] Le seul témoin de fait de l’Entrepreneur a été le représentant du sous-traitant de la maçonnerie.

[208] L’Entrepreneur n’a pas posé de question au témoin de faits sur ces deux points plaidés qui peuvent sembler contradictoires sans témoignage de faits :

[208.1] « on n’a pas donné à l’Entrepreneur l’opportunité de corriger les déficiences mentionnées dans le premier rapport surtout il n’y avait pas de listes ni de notes spécifiques où il y avait des déficiences ou des malfaçons » ;

[208.2] « ils ont réparé une grande majorité sinon la plupart des déficiences alléguées ».

[209] Il ne suffit pas pour l’Entrepreneur de chercher à soulever le doute raisonnable comme lors d’un procès criminel, et encore moins lors d’un litige civil où la responsabilité de l’Entrepreneur est mise en cause en vertu de l’article 2100 C.c.

[210] Le fardeau de la preuve n’est pas, hors de tout doute raisonnable, mais bien, la balance des probabilités, tel que le stipule l’article 2804 du Code civil : 2804.  La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

[211] Alors que la demande d’arbitrage vise, entre autres, que le Tribunal ordonne que les travaux correctifs soient effectués par l’Entrepreneur et non, pris en charge par la GCR qui avait jugé les travaux non satisfaisants :

[211.1]  on n’a pas demandé au témoin de faits de prendre la décision du 11 février 2021 et de dire, entre autres :

[211.1.1]       quels travaux ont été faits par rapport aux problématiques soulevées dans la décision – les seuls travaux qui ont fait l’objet de son témoignage ont été le nettoyage et le changement de deux briques, le témoin a aussi parlé du mortier, sans expliquer ce qu’il a fait comme travaux correctifs ;

[211.1.2]       si des travaux n’ont pas été effectués et si oui, pourquoi ;

[211.2] et on n’a pas demandé au témoin : si, d’après l’expert Brisebois, tout est réparable sans nécessité de réfection des murs, pourquoi cela n’a pas été fait entre la réception le 12 février 2021 de la décision du 11 février 2021 et la visite du 9 juillet 2021 de la conciliatrice-inspectrice.

Preuve d’expert de l’Administrateur

[212] Le témoignage et le rapport d’expert de Denis Brisebois sur le respect des règles de l'art et les travaux correctifs requis ne suffisent aucunement à écarter les opinions étoffées, appuyées, indépendantes et crédibles des experts Patrick Masson et Alain Mousseau.

[213] Voici les recommandations du Rapport de « Partie 5 » (pièce A-20), sur lequel l’expert Patrick Masson a témoigné à l’audience :

6.2 RECOMMANDATIONS

Nous sommes d’avis que deux (2) volets sont à considérer, soit l’aspect esthétique (couleur et texture) et l’aspect technique (exécution, conception, performance). 

Notons que le système d’attache latérale du parement n’a pas été vérifié dans le cadre de notre expertise et peut être contributif à l’apparition de fissure de maçonnerie. 

Des éléments techniques sont corrigibles, tels que : 

          L’absence de joint de contrôle vertical : Déficience pouvant être corrigée par l’ajout de joints de contrôle. Par contre, cette intervention nécessite le démantèlement de la maçonnerie sur la hauteur d’un mur de part et d’autre du joint à mettre en œuvre pour permettre l’ajout d’ancrage latéral de chaque côté du joint et le remontage de la brique tel que requis par le Code et les normes applicables;

          Les solins membranés visibles : Déficience pouvant être corrigée par un démontage ponctuel de la maçonnerie; 

          Briques fissurées ou endommagées : Le remplacement des briques fissurées ou présentant des épaufrures peut se faire par une intervention ponctuelle dans les secteurs affectés;

          Pente des tablettes : La correction des pentes des tablettes peut se faire par une intervention ponctuelle dans les zones affectées;

          Manque de chantepleure : L’ajout et la correction des chantepleures n’impliquent pas de démontage ponctuel, par contre, cette intervention à l’aveugle est complexe et risquée puisqu’il est facile de percer le solin membrané présent derrière la maçonnerie;

          Inconsistance du profil des joints de mortier : La seule façon d’obtenir une exécution uniforme est de procéder à un rejointoiement complet de la maçonnerie. Par contre, cette intervention ne permettra pas de corriger l’épaisseur des joints en place;

          Linteau de la porte de garage : Selon les recommandations de Calculatec, un démantèlement partiel de la maçonnerie sera requis pour remplacer le linteau de la porte de garage;

          Fissuration de la maçonnerie : La réparation des fissures de mortier est possible, soit par un rejointoiement en profondeur ou un démontage ponctuel;

          Alignement hors tolérance : Pour ces secteurs, un démantèlement partiel sera requis pour corriger des désalignements verticaux, horizontaux et latéraux sur les deux (2) parements.

Nous constatons que pour intervenir sur ces problèmes identifiés lors de notre inspection, une bonne partie du parement de maçonnerie devra être démonté et remonté. Ceci aura sans contredit un impact esthétique non négligeable, la preuve étant que les correctifs déjà réalisés ont laissé leur marque sur les façades de la résidence.

Suite à ces travaux, une partie de l’aspect esthétique pourrait être corrigé par la teinture de l’ensemble des briques et des joints afin d’uniformiser la couleur des façades. Un projet test serait nécessaire afin d’en vérifier le rendu.

Malgré l’ensemble des interventions précitées, certaines déficiences de mise en œuvre ne seront toujours pas corrigées, telles que : les éclaboussures de mortier présentes à plusieurs endroits et la dimension variable des joints de mortier ainsi que les différences de hauteur des pierres, laissant l’ouvrage corrigé toujours déficient. 

Au surplus, l’ouverture effectuée par Calculatec nous a permis de constater un non-respect des exigences de la GCR quant à l’installation du solin intramural. Ce constat nous permet de nous questionner sur le reste des conditions dissimulées similaires pouvant avoir un impact important sur la pérennité de l’ouvrage.

 

Ainsi, nous croyons qu’une réfection complète des parements s’impose afin de corriger l’ensemble des déficiences observées sur les parements de maçonnerie. (Nos caractères gras)

 

[214] Voici des extraits du rapport de Calculatec Inc (Alain Mousseau, ingénieur), (pièce A-14) :

Commentaires complémentaires

La qualité générale des ouvrages de maçonnerie dans cette propriété est minimale. Des joints inégaux, des blocs ou de briques mal placés, de couleur inégale et/ou tachés et l'absence des joints de contrôle confirment le manque de compétence des maçons impliqués. Réparer un tel travail est difficile à imaginer. (Nos caractères gras).

 

Recommandations

[...] Pour la maçonnerie, en raison de sa pose largement négligée et des désordres qui sont apparus, nous recommandons le remplacement entier des briques et des blocs décoratifs. L'aménagement d'un joint de contrôle au centre de chacun des murs latéraux devra être réalisé afin d'éviter que des fissures apparaissent à nouveau. En effet, pour un mur plus long que 30', segmenter le parement en sections longues d'au plus 30' élimine les risques d'éventuelles fissures générées par les variations de température et d'humidité.

 

Pour la déficience quant au support de la maçonnerie au sommet de l'ouverture de la porte de garage, les correctifs à mettre en place doivent consister au remplacement de la cornière d'acier sous la maçonnerie de ce mur de façade par une poutre d'acier de type W garnie de raidisseurs et d'une plaque horizontale débordant et soudée à la semelle inférieure de la poutre. Il s'agit là d'un arrangement commun pour les ouvertures dépassant 10' (3m) de largeur et appelées à être surmontées de maçonnerie. De colonnes courtes en acier seront requises aux extrémités de la poutre et elles devront être intégrées à l'intérieur des murets en montants de bois pour prendre appui sur le sommet du mur de béton de part et d'autre de l'ouverture. De l'acier galvanisé est couramment utilisé pour les plaques horizontales supportant la brique afin d'éviter une dégradation hâtive par corrosion de cet élément pouvant être exposé aux intempéries.

 

De façon préliminaire, nous évaluons qu'une poutre d'acier W250x33 garnie de raidisseurs (plaques 6mm à tous les 900mm c/c) et d'une plaque d'acier galvanisé de 6mm d'épaisseur soudée et débordant de la semelle inférieure de la section W d'au moins 125mm offrirait un support adéquat à la maçonnerie du mur avant. Des colonnes d'acier de type HSS d'au moins 90x90x6mm ép. seront nécessaires de part et d'autre de l'ouverture de la porte de garage pour le support de cette poutre. Cette évaluation de la section de la poutre devra être validée par un examen sommaire de la charpente confirmant la direction des poutrelles des planchers et des fermes du toit.

 

Conclusion

Notre examen a permis de constater une variété de lacunes à l'endroit des fondations et des parements de maçonnerie de cet immeuble. Pour les fondations, la situation ne nous paraît pas préoccupante, mais pour les parements de maçonnerie, seul leur remplacement pourra offrir un ouvrage d'apparence acceptable et d'une performance durable. (Nos caractères gras)

Pour le linteau au sommet de la porte de garage, le remplacement de la cornière existante par une poutre d'acier plus rigide pourra rétablir les conditions nécessaires à un support compatible avec une ouverture large de 14' (4,3m) surmontée de maçonnerie.

[215] Pour tous ces motifs, vu la preuve, vu le Règlement, vu le droit applicable, le Tribunal se doit de rejeter la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur, maintenir la décision de l’Administrateur du 16 juillet 2021 et d’approuver la réfection de la maçonnerie des quatre murs.

 

FRAIS

Frais de l’arbitrage

[216] L’article 123 du Règlement se lit ainsi :

123. Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur. […]

 

[217] Le Tribunal d’arbitrage conclut que les coûts de l’arbitrage seront partagés à parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur car ce dernier est le demandeur, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec[25] à compter de la date de la facture émise par le CCAC, après un délai de grâce de 30 jours.

Réclamation de l’Entrepreneur pour ses frais d’expertises

[218] L’Entrepreneur réclame ses frais d’expertises sur la base de l’article 124 du Règlement.

[219] Le Règlement stipule :

124.  L'arbitre doit statuer, s'il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel. […]

 

[220] L’Entrepreneur, le demandeur dans le présent dossier, n’ayant pas eu « gain de cause total ou partiel », le Tribunal se doit de rejeter cette réclamation.

 

 

 

CONCLUSION

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

REJETTE la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur y compris sa demande de remboursement pour ses frais d’expertises ;

 

MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 16 juillet 2021 ET APPROUVE ET CONFIRME les travaux correctifs recommandés par les experts Patrick Masson et Alain Mousseau, et par l’Administrateur, soit la réfection complète de la maçonnerie de tous les quatre murs, en conformité avec l’obligation de résultat et la règle de l’art ;

 

ORDONNE que les coûts du présent arbitrage soient partagés à parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par SORECONI, après un délai de grâce de 30 jours.

Montréal, le 18 juillet 2022

__________________________

ROLAND-YVES GAGNÉ

Arbitre / SORECONI

Pour l’Entrepreneur :

Me Joseph Francis Piazza

Me Dora Amalia Hilario Urena

MSBA Avocats

 

Pour les Bénéficiaires :

Me Pascal Dupuis

Daneau, Poirier

 

Pour l’Administrateur :

Me Pierre-Marc Boyer

 

Autorités et décisions citées :

 

Rousseau et Développement Immobilier Titan Inc. et La Garantie Qualité Habitation Inc. GAMM : 2013-16-007, 10 mai 2015, Me Karine Poulin, arbitre.

 

Nedelcu et 9153-8827 Québec Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ CCAC S12-011201-NP, 18 mars 2013, Me Albert Zoltowski, arbitre.

 

Berghello et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ et Habitations Sylvain Ménard GAMM 2006-12-018, 31 août 2007, Me Johanne Despatis, arbitre.

 

Joel Dusseault et Construction Philip Cousineau Inc. et La Garantie Construction Résidentielle Soreconi 181107001, 15 mars 2019, Me Jacinthe Savoie, arbitre.

 

Construction RSR inc. c. Acier St-Denis inc. 2007 QCCA 1466.

 

Nancy Audette et Daniel Savignac et Construction Louis-Seize et Associés et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. CCAC S12-103002-NP, 5 avril 2013, Me France Desjardins, arbitre.

 

Boiler Inspection and Insurance Company of Canada c. Moody Industries Inc. 2006 QCCA 887.

 

Daunais c. Farrugia, [1985] R.D.J. 223 (C.A.).

 

Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal 2013 QCCA 1211.

Zeppetelli c. Constructions Naslin inc. 2017 QCCS 4143 (Hon. Pierre Labelle, J.C.S.).

 

Me Sylvie Rodrigue et Me Jeffrey Edwards La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons, « La construction au Québec : perspectives juridiques », Wilson & Lafleur Ltée 1998, Montréal.

 

Tremblay c. 9032-3411 Québec Inc. (Construction Excel) et La Garantie Abritat Inc. décision arbitrale du 22 novembre 2016, dossier CCAC S15-011101-NP, Roland-Yves Gagné, arbitre,

 

SNC-Lavalin inc. (Terratech inc. et SNC-Lavalin Environnement inc.) c. Garantie Habitation du Québec inc. 2020 QCCA 550.

 

Monique Meunier et Coopérative De Travailleurs Les Habitations Apex et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, GAMM 2009-20-001, 30 septembre 2010, Me Johanne Despatis, arbitre.

 

 Guistini c. Expo Ornemental Inc. 2007 QCCA 417.

 

Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, 7e édition, Volume II, Responsabilité professionnelle, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais Inc., 2007.

 

Vincent Karim Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), Wilson & Lafleur, Montréal, 2e édition, 2011.

 

Premier Tech ltée c. Dollo 2015 QCCA 1159.

 

Fournier c. Lamonde 2004 RDI 267.

 

Roberge c. Bolduc 1991 1 RCS 374.

 

Shawinigan Engineering Co. c. Naud 1929 R.C.S. 341.

 

Garantie Habitation du Québec Inc. c. Masson 2016 QCCS 5593 paragraphes [54] et s. (Hon. Marie-Anne Paquette, J.C.S.).


[1] Le Tribunal note qu’il y avait eu une confusion de numéros de dossier lors de la demande d’arbitrage et, dans une décision intérimaire du 1er décembre 2021, notre ancienne collègue Me Karine Poulin, alors arbitre assigné à ce dossier, a accueilli la demande de l’Entrepreneur d’être relevé de son défaut de produire sa demande d’arbitrage de la décision du 16 juillet dans le délai prescrit.

[2] Le Bénéficiaire a envoyé par courriel en cours d’audience (24 mai à 13 :48) quatre documents à ce sujet qui n’ont pas été cotés, soit une photo prise le 24 novembre 2019, une photo prise le 19 novembre 2019, une fiche de la GCR « Travaux de maçonnerie par temps froid » et « Rapport de données quotidiennes pour novembre 2019 » à Montréal-Trudeau. Le Tribunal note que sa décision n’est pas basée sur ces documents.

[3] GAMM : 2013-16-007, 10 mai 2015, Me Karine Poulin, arbitre.

[4] CCAC S12-011201-NP, 18 mars 2013, Me Albert Zoltowski, arbitre.

[5] Soreconi 181107001, 15 mars 2019, Me Jacinthe Savoie, arbitre.

[6] GAMM 2006-12-018, 31 août 2007, Me Johanne Despatis, arbitre.

[7] Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), para 1242, p. 524 et s..

[8] 2006 QCCA 887.

[9] [1] Daunais c. Farrugia, [1985] R.D.J. 223 (C.A.), p. 228, j. Monet.

[10] 12 juillet 2013, Cour d’appel, 2013 QCCA 1211 Renvoi [5] : Voir art. 3, 4, 5, 18, 105, 139 et 140 du Règlement.

[11] La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons, « La construction au Québec : perspectives juridiques », Wilson & Lafleur Ltée 1998, Montréal.

[12] CCAC S12-103002-NP, 5 avril 2013, Me France Desjardins, arbitre.

[13] 2017 QCCS 4143 (Hon. Pierre Labelle, J.C.S.)

[14] Tremblay c. 9032-3411 Québec Inc. (Construction Excel) et La Garantie Abritat Inc. décision arbitrale du 22 novembre 2016, dossier CCAC S15-011101-NP, Roland-Yves Gagné, arbitre, paragraphes [110] et suivants.

[15] 2020 QCCA 550.

[16] Joel Dusseault et Construction Philip Cousineau Inc. et La Garantie Construction Résidentielle, Soreconi 181107001, 15 mars 2019, Me Jacinthe Savoie, arbitre.

[17] Construction RSR inc. c. Acier St-Denis inc. 2007 QCCA 1466 (au paragraphe [8]).

[18] GAMM 2009-20-001, 30 septembre 2010, Me Johanne Despatis, arbitre.

[19] 2007 QCCA 417.

[20] 2015 QCCA 1159, paragraphe [109], qui renvoie à : Jean-Claude Royer, La preuve civile, 4e éd., par Jean-Claude Royer et Sophie Lavallée, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, no 982, p. 872. Les auteurs réfèrent aux arrêts suivants : Moisan c. Simard, B.E. 2008BE-450 (C.A.), 2008 QCCA 505; Sainte-Anne-de-Beaupré (Ville de) c. Hamel, J.E. 2007-660 (C.A.), 2007 QCCA 371; Wightman et al. c. Widdrington (Succession de), J.E. 2007-754 (C.A.), 2007 QCCA 440; 2630-3602 Québec inc. c. Thrifty Canada inc., J.E. 2003-853 (C.A.); Plamondon c. R., [1991] R.J.Q. 2447, 2453 (C.A.); Morris c. R., [1983] 2 R.C.S. 190, 193. Renvoi [20] : Services Sani-Marchand inc. c. Montréal-Nord (Ville), 1992 CanLII 3842 (QCCA). Renvoi [21] J.-C. Royer, supra, note 19, no 466 et 475, p. 326 et 337.

[21] 2004 RDI 267, paragraphe [21].

[22] https://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/page/arrond_anj_fr/media/documents/11_018.pdf

[23] 1991 1 RCS 374.

[24] 1929 R.C.S. 341, p. 343.

[25] Garantie Habitation du Québec Inc. c. Masson 2016 QCCS 5593 paragraphes [54] et s. (Hon. Juge Marie-Anne Paquette).