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CANADA                                                                   Centre canadien d’arbitrage                                                                                         commercial (CCAC)

Province dE Québec                                       

district de montréal                                  Tribunal d’arbitrage

 

 

No. de référence du CCAC:                 03-1003                          montréal, le 7 février 2006

No. de référence de l’arbitre:               12 913-2

___________________________________

 

 

                                                                                    René Chaurette

-et-

Sylvie Josselin

 

                                                                                                « Bénéficiaires » / Demandeurs

 

 

                                                                                    c.

 

                                                                                    Habitations Serge Savard Inc.

 

                                                                                                « Entrepreneur »  / Défenderesse

 

                                                                                    -ET-

 

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ INC.

 

                            « Administrateur » / Mise en cause

 

___________________________________

 

 

 

sentence arbitrale


Après avoir pris connaissance des procédures, entendu la preuve de part et d’autre, le tribunal D’ARBITRAGE PROCÈDE À rendRE jugement COMME SUIT:

 

 

 

 

 

1.                  faits et procédures

 

En date du 18 mai 2002, les Bénéficiaires ont signé un contrat de garantie en vue de la  construction d’une résidence neuve située au  1810 chemin Des Prairies dans la Ville de Brossard, le tout tel qu’il appert de la pièce A-1.

 

En date du 5 novembre 2002, les Bénéficiaires ont mandaté un expert, Monsieur Litalien, de faire une inspection pré-réception et de rédiger un rapport à cet égard.  Ledit rapport pré-réception fait état d’une série de vices et malfaçons existants à cette époque, notamment des malfaçons relatives aux joints de mortier du parement de brique extérieur.  Ledit rapport fut alors communiqué à toutes les parties à l’instance.

 

La signature de l’acte de vente ainsi que la réception du bâtiment eurent lieu le 12 novembre 2002.

 

Le 12 novembre 2002, les Bénéficiaires ont demandé une inspection du bâtiment par l’Administrateur, laquelle inspection eut lieu le 22 novembre 2002 et laquelle donna lieu à la décision datée du 16 décembre 2002 (Pièce A-3).

 

Dans ladite décision (pièce A-3), l’Administrateur prend note d’une série de vices et de malfaçons, 52 au total, et ordonne à l’Entrepreneur d’y remédier dans un certain délai.  Une convention de dépôt en fidéicommis est également signée relativement aux sommes impayées sur le prix de vente et un calendrier des échéanciers est établi.

 

L’échéancier fait état d’une série de mesures correctives devant être apportées dans l’immédiat alors que d’autres, celles relatives à la maçonnerie, étant saisonnières, doivent être effectuées ultérieurement mais malgré tout dans un délai prescrit.  Les points 44 et 46 de la décision du 16 décembre 2003 (pièce A-3) traitent de la maçonnerie et sont à l’effet que certains joints de mortier, à certains endroits, sont anormaux et doivent être refaits.

 

Il appert d’une série de lettres produites au dossier que l’échéancier établi et ultérieurement prolongé à quelques reprises ne fut pas respecté par l’Entrepreneur.  Un délai ultime fut accordé par l’Administrateur à l’Entrepreneur par une lettre datée du 3 juillet 2003 (Pièce A-7) et reçue par l’Entrepreneur le 7 juillet 2003 afin que tous les travaux non exécutés à ce jour soient exécutés au plus tard le 1er août 2003.

 

Dans l’intervalle, soit entre le 3 juillet et le 1er août 2003, une autre demande d’inspection fut faite par les Bénéficiaires à l’Administrateur concernant la friabilité du mortier au parement extérieur.  En conséquence, une autre inspection du bâtiment par l’Administrateur eut lieu le 7 août 2003, laquelle donna lieu à une décision de l’Administrateur datée du 18 août 2003 (pièce A-8). 

 

Lors de la visite du 7 août 2003, l’Entrepreneur était absent en raison d’une erreur de sa part quant à l’heure notée pour l’inspection du bâtiment des Bénéficiaires.  Il contacta donc par téléphone, le lendemain, soit le 8 août 2003, l’inspecteur-conciliateur afin d’obtenir un compte-rendu de la visite du 7 août 2003.  L’inspecteur-conciliateur, Monsieur Jocelyn Dubuc, lui communiqua alors sa décision verbalement, laquelle fut par la suite consignée par écrit le 18 août 2003 (pièce A-8) et acheminée aux Bénéficiaires et à l’Entrepreneur. 

 

Cette décision précise que les joints de mortier du parement extérieur sont friables (et non plus que certains joints seulement sont anormaux) et devront en conséquence être refaits en entier.  L’inspecteur-conciliateur exigea alors que tous les joints soient évidés sur une profondeur d’au moins 25 millimètres et refaits sur une telle profondeur.

 

En conséquence, et suite à la communication verbale de la décision de l’Administrateur le 8 août 2003 au représentant de l’Entrepreneur par l’inspecteur-conciliateur, l’Entrepreneur s’est présenté à la propriété des Bénéficiaires le 12 août 2003 afin de corriger la situation, conformément en apparence à la dernière décision (verbale) de l’Administrateur.  Les Bénéficiaires ont alors exigé que l’Entrepreneur quitte les lieux immédiatement et lui ont refusé tout accès à la propriété par la suite au motif qu’ils avaient perdu toute confiance en l’Entrepreneur et que les délais accordés étaient expirés.  L’Entrepreneur, pour sa part, s’est toujours dit prêt à effectuer les nouvelles réparations exigées par l’Administrateur.  Il appert d’une série de lettres déposées au dossier et de la preuve administrée devant le Tribunal d’arbitrage que l’Entrepreneur a tenté d’avoir accès aux lieux afin de corriger la situation et que l’accès lui fut refusé (Pièces A-10, A-11 et A-13).

 

Le 29 septembre 2003 (Pièce A-14), l’Administrateur écrivait au procureur de l’Entrepreneur afin de l’aviser qu’un autre entrepreneur avait été mandaté par l’Administrateur afin de procéder à tous les travaux correctifs non exécutés à ce jour, incluant les travaux de maçonnerie, en vertu du plan de garantie (Pièce A-2).  C’est cette décision qui est portée en appel par l’Entrepreneur (Pièce A-19) mais seulement relativement aux travaux de maçonnerie.  Par lettre du 8 octobre 2003 (Pièce A-17), l’Administrateur confirme l’octroi du contrat à un autre entrepreneur pour le montant de 59 296,59 $.  Pour des raisons économiques, l’entrepreneur retenu avait conclu qu’il était préférable de refaire au complet les travaux de maçonnerie de A à Z plutôt que de les limiter aux travaux de l’évider des briques sur une profondeur de 25 millimètres.

 

2.         QUESTION EN LITIGE

 

Est-ce que la décision de l’Administrateur de mandater un autre entrepreneur afin d’effectuer les travaux correctifs de maçonnerie requis est bien fondée en faits et en droit ?

 

3.         ANALYSE ET Décision

 

La décision de l’Administrateur du 16 décembre 2002 (Pièce A-3) n’a jamais été portée en appel.  L’Entrepreneur a donc consenti à effectuer tous les travaux requis selon la méthode exigée et les Bénéficiaires ont accepté que les travaux requis étaient satisfaisants et ont également accepté que ces derniers soient effectués selon la méthode exigée.  Un échéancier à cet égard a été établi et respecté en partie, mais non, notamment, en ce qui a trait aux travaux de maçonnerie. 

 

En ce qui concerne les travaux saisonniers de maçonnerie, ceux-ci ont stagné de manière inacceptable jusqu’à ce que l’Entrepreneur reçoive, le 7 juillet 2003, une lettre de l’Administrateur datée du 3 juillet 2003 lui ordonnant de procéder à tous les travaux mentionnés à la décision du 16 décembre 2002 (pièce A-3) et non exécutés à ce jour, au plus tard le 1er août 2003, à défaut de quoi lesdits travaux seraient exécutés par un autre entrepreneur.

 

Dans son témoignage, le représentant de l’Entrepreneur, Monsieur Serge Savard, affirme n’avoir pris connaissance de cette lettre que vers le 10 juillet 2003, soit le dernier jour de travail avant les vacances estivales de la construction de l’année 2003.  Il témoigne à l’effet que le délai qui était accordé était déraisonnable, dans les circonstances.  En effet, les vacances de la construction, prescrites par décret, se sont échelonnées, cette année-là, du 11 juillet au 27 juillet 2003.  En conséquence, dans la semaine suivant son retour au travail (semaine du 28 juillet 2003), Monsieur Savard a contacté par téléphone l’inspecteur-conciliateur chez l’Administrateur pour tenter d’obtenir un délai raisonnable afin d’effectuer les travaux de maçonnerie requis à la décision du 16 décembre 2002.  C’est à ce moment que l’Entrepreneur fut avisé de la deuxième demande d’inspection des Bénéficiaires prévue pour le 7 août 2003.  L’Entrepreneur soumet que lui et l’Administrateur convinrent alors d’attendre la nouvelle décision avant que des travaux ne  soient effectués.  Tel que mentionné plus haut, l’Entrepreneur n’était pas présent lors de l’inspection subséquente mais eut connaissance de la décision (verbale) de l’Administrateur le 8 août 2003.

 

Le Tribunal d’arbitrage constate que les Bénéficiaires ont été très patients dans ce dossier et que, dans les circonstances et compte tenu du retard inacceptable à effectuer les travaux de maçonnerie, le délai accordé dans la lettre du 3 juillet 2003 était raisonnable.  Par ailleurs, le Tribunal d’arbitrage constate également la bonne volonté de l’Entrepreneur à effectuer les travaux requis après la mise en demeure datée du 3 juillet 2003, malgré un manque flagrant de service après vente avant cette date.

 

Toute la question est de savoir si les Bénéficiaires avaient le droit de refuser l’accès à leur propriété à l’Entrepreneur au moment où ils l’ont fait et au sujet des travaux pour lesquels l’Entrepreneur s’est présenté (soit ceux exigés par la décision du 18 août 2003) et d’exiger, par le biais de l’Administrateur, qu’un autre entrepreneur exécute les travaux. 

 

Les problèmes de maçonnerie étaient connus des Bénéficiaires avant la réception de l’ouvrage.  Le rapport de leur expert en faisant état a été communiqué à toutes les parties en temps utile.  En conséquence, cette réclamation pour la maçonnerie est couverte par le contrat de garantie puisqu’il y a eu dénonciation de la malfaçcon lors de la réception de l’ouvrage, et même avant.

 

Cependant, la décision de l’Administrateur du 16 décembre 2002 (pièce A-3) ne reprend pas les conclusions de l’expert, Monsieur Litalien, mais exige plutôt un autre type de réparation de la part de l’Entrepreneur, soit l’évidement de certains joints, à certains endroits, sur une profondeur d’au moins 25 millimètres et la réfection desdits joints sur cette profondeur.  Cette décision du 16 décembre 2002 n’a jamais fait l’objet d’un appel.  Les parties se sont entendues à ce que l’Entrepreneur exécute les travaux requis selon un certain échéancier.  Malheureusement, l’échéancier n’a pas été intégralement respecté et, n’eût été du fait que la décision du 18 août 2003 exigeait des travaux d’une nature et d’une envergure différente, le Tribunal d’arbitrage estime que les Bénéficiaires auraient été en droit d’exiger que l’Entrepreneur, dûment mis en demeure et qui néglige d’exécuter les travaux requis, soit forclos de les faire et qu’un autre entrepreneur soit légalement mandaté à cet effet.

 

Le Tribunal d’arbitrage désire souligner que, à son avis, l’Administrateur paraît avoir agi, tout au long de ce dossier, de bonne foi et de manière honorable, soucieux de vouloir protéger les intérêts des Bénéficiaires, conformément à l’objectif du Règlement

 

Cependant, les travaux exigés lors de la décision du 18 août 2003 étaient de nature différente, soit un problème de friabilité généralisé.  L’ampleur des travaux requis et exigés était également toute autre, la réfection complète des murs de maçonnerie.  En conséquence, une nouvelle mise en demeure s’avérait nécessaire avant que les Bénéficiaires ne puissent exiger qu’un autre entrepreneur exécute ces travaux à la place de l’Entrepreneur.

 

En conséquence, le Tribunal d’arbitrage est d’avis que l’Entrepreneur a encore le droit d’exécuter lui-même les travaux de maçonnerie selon les exigences de l’Administrateur dans sa décision du 18 août 2003 (pièce A-8) et ce, selon les règles de l’art.

 

4.         CONCLUSION ET MONTANT EN LITIGE

 

En conclusion, le Tribunal d’arbitrage accorde à l’Entrepreneur le droit d’exécuter lui-même les travaux de maçonnerie au parement extérieur lorsque les conditions climatiques le permettront mais au plus tard le 30 mai 2006, selon les exigences de l’Administrateur (pièce A-8), et dans le respect des règles de l’art.

 

Le Tribunal d’arbitrage prend acte, pour faire partie de la présente sentence, du fait que l’Entrepreneur a témoigné à l’effet qu’il acceptait de construire un muret de béton équivalent à trois (3) rangs de briques sur le balcon avant ainsi que dans la descente d’escalier attachée au balcon avant (soit les travaux exigés au point 44 de la décision de l’Administrateur du 16 décembre 2002).

 

Le montant en litige est d’environ cinquante-huit mille dollars (65 000,00 $), compte tenu du fait que les prix des matériaux et de la main d’œuvre ont substantiellement augmenté depuis la demande d’arbitrage.

 

L’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs prévoit que lorsque la demande d’arbitrage émane de l’entrepreneur, les frais de l’arbitrage sont assumés par l’Entrepreneur et l’Administrateur, à parts égales.  Le Tribunal d’arbitrage ordonne la division des frais conformément à cet article.

 


POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

ACCUEILLE en partie la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur;

PREND ACTE de l’offre et de l’engagement de l’Entrepreneur à construire un muret de béton équivalent à trois (3) rangs de briques sur le balcon avant ainsi que dans la descente d’escalier attachée au balcon avant, soit les travaux exigés au point 44 de la décision de l’Administrateur du 16 décembre 2002 (pièce A-3);

ORDONNE à l’Entrepreneur de procéder uniquement aux travaux correctifs requis concernant les travaux de maçonnerie édictés aux points 3, 44 et 46 de la décision de l’Administrateur (pièce A-3), tel que modifiés, le cas échéant, par la lettre de l’Administrateur du 18 août 2003 (pièce A-8) lorsque les conditions climatiques le permettront et au plus tard le 30 mai 2006, et ce, selon les règles de l’art;

À DÉFAUT par l’Entrepreneur de se conformer à l’ordonnance précédente, ORDONNE à l’Administrateur de procéder aux travaux correctifs de maçonnerie édictés aux points 3, 44 et 46, tel que modifiés, le cas échéant, par la lettre de l’Administrateur du 18 août 2003 (pièce A-8) et ce, selon les règles de l’art, dans les trente (30) jours suivants l’expiration du délai accordé à l’Entrepreneur;

DÉCLARE que l’Administrateur est libre d’exécuter les autres travaux mentionnés à la lettre de l’Administrateur du 29 septembre 2003 (A-14) soit les travaux aux points 1, 18, 30, 31, 37, 39 et 47 de la décision de l’Administrateur du 18 août 2003;

            CONDAMNE l’Entrepreneur et l’Administrateur à payer les frais du présent arbitrage dans une proportion égale soit, cinquante pourcent (50%) chacun.



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Me Jeffrey Edwards, arbitre

Pour les Bénéficiaires :

 

Me Patrick Marcoux  
Heenan Blaikie
1250, boulevard René-Lévesque Ouest

Bureau 2500
Montréal, (Québec)             H3B 4Y1

 

 

Pour l’Entrepreneur :

 

Me Jacques Forgues

Crochetière Pétrin
5800, boulevard Louis-H-Lafontaine, 2e étage
Anjou, (Québec)                  H1M 1S7

 

 

Pour l’Administrateur :

 

Me Luc Séguin 

Savoie Fournier
5930, boulevard Louis-H.-Lafontaine

Anjou, (Québec)                  H1M 1S7

 

Visite des lieux et audition de la preuve :                         2 décembre 2005

Audition des plaidoiries:                                                    7 décembre 2005

Remise de documents par les parties :                              8 décembre 2005

Vacances hivernales de la construction :                         25 décembre 2005 au 7 janvier 2006

Décision arbitrale:                                                                7 février 2006