ARBITRAGE SELON LE
RÈGLEMENT SUR LE
PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Chapitre B-1.1, r. 8)
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
(Organisme d’arbitrage accrédité par la Régie du bâtiment du Québec)
____________________________________________________________________________________
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTREAL
DOSSIER NO : S17-041201-NP
SYNDICAT DE LA COPROPRIÉTÉ
3670 DE ROUEN
(LE « BÉNÉFICIAIRE »)
c.
LES DÉVELOPPEMENTS MAS INC.
(L’« ENTREPRENEUR»)
et
RAYMOND CHABOT
ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC.
ÈS QUALITÉ
D’ADMINISTRATEUR PROVISOIRE
DU PLAN DE GARANTIE DE
LA GARANTIE ABRITAT INC.
(L’« ADMINISTRATEUR »)
______________________________________________________________________
DÉCISION ARBITRALE
______________________________________________________________________
Arbitre : Me Roland-Yves Gagné
Pour le Bénéficiaire: Madame Stéfanie Saindon
Monsieur Éric Nadeau
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Alain Richer
Pour l’Administrateur: Madame Isabelle Lévesque
Date de l’audition : 27 septembre 2017
Date de la décision: 13 octobre 2017
PIÈCES
L’Administrateur a produit les pièces suivantes :
A-1 : Déclaration de copropriété en date du 27 août 2012;
A-2 : Avis de fin des travaux du 17 décembre 2012;
A-3 : Procès-verbal du SDC 3670 De Rouen en date du 23 avril 2013 et Registre des entreprises du SDC;
A-4 : Liste d’inspection des parties communes datée du 8 juillet 2013;
A-5 : Courriel de Madame Saindon daté du 9 septembre 2014 et 11 mars 2016;
A-6 : Courriel de Monsieur Larochelle daté du 8 octobre 2014;
A-7 : Dénonciation datée du 23 juin 2016 avec photographies;
A-8 : Demande de réclamation;
A-9 : Avis de 15 jours;
A-10 : Réponse de l’entrepreneur datée du 14 octobre 2016 et photographies;
A-11 : Décision de l’administrateur datée du 13 mars 2017 et lettres;
A-12 : Demande d’arbitrage en date du 21 avril 2017 et nomination de l’arbitre.
Le Bénéficiaire a produit les pièces suivantes :
B-1 Courriel du 5 septembre 2017 avec 2 photos;
B-2 : Courriel du 9 septembre 2014.
L’Entrepreneur a produit les pièces suivantes :
E-1 : Courriel du 9 septembre 2017 avec 9 photos numérotées 01 à 09;
E-2 : Fax du 25 septembre 2013 avec pièce A-4.
MANDAT ET JURIDICTION
[1] Le Tribunal d’arbitrage est initialement saisi du dossier suite à une demande d’arbitrage par le Bénéficiaire, reçue par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) le 12 avril 2017, et par la nomination de l’arbitre soussigné en date du 21 avril 2017.
[2] Aucune objection quant à la compétence du Tribunal d’arbitrage n’a été soulevée par les parties et la juridiction du Tribunal d’arbitrage est alors confirmée.
LE DROIT
[3] Le Bénéficiaire a produit une demande d’arbitrage en vertu de l’Article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement) :
Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.
[4] La Cour d’appel du Québec, dans trois arrêts, a jugé que ce Règlement était d’ordre public:
[4.1] en 2013 dans Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal[1]:
[17] La juge avait raison de souligner les différences de vocation entre les recours arbitral et de droit commun.
[18] La procédure d'arbitrage expéditive prévue au Règlement pour réparer rapidement les malfaçons est, comme le note la juge, un complément aux garanties contre les vices cachés du Code civil. Régime d’ordre public[5], le Règlement vise notamment à obliger que les réparations des bâtiments résidentiels neufs soient effectuées rapidement par l'entrepreneur ou prises en charge par l'administrateur de la garantie.
[4.2] en 2011 dans Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL[2]:
[13] Le Règlement est d'ordre public. Il détermine notamment les dispositions essentielles du contrat de garantie en faveur des tiers. Le contrat doit de plus être approuvé par la Régie du bâtiment (art. 76);
[4.3] en 2004 dans La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause[3]
[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.
[12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie.
[13] Toutefois, cette obligation de caution n’est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle variera selon les circonstances factuelles […];
[15] La réclamation d’un bénéficiaire est soumise à une procédure impérative.
[5] La Cour supérieure affirme dans Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis[4] :
[75] Il est acquis au débat que l'arbitre doit trancher le litige suivant les règles de droit et qu'il doit tenir compte de la preuve déposée devant lui. Il doit interpréter les dispositions du Règlement et les appliquer au cas qui lui est soumis. Il peut cependant faire appel aux règles de l'équité lorsque les circonstances le justifient. Cela signifie qu'il peut suppléer au silence du règlement ou l'interpréter de manière plus favorable à une partie.
Version du Règlement applicable
[6] Puisque la réception des travaux des parties communes a eu avant le 1er janvier 2015, c’est la version du Règlement d’avant le 1er janvier 2015 qui s’applique au présent arbitrage.
[7] La question de la rétroactivité de la nouvelle version du Règlement a déjà été tranchée par plusieurs décisions arbitrales, le tout, pour les motifs déjà exprimés par le soussigné et par d’autres arbitres dans les décisions citées au support de ces motifs dans Nazco et Milian c. 9181-5712 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ[5] et 3093-2313 Québec c. Létourneau et Bouchard et la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ[6].
Introduction
[8] Dans sa décision du 13 mars 2017, l’Administrateur écrit, quant aux points en arbitrage :
[8.1] 1. Fissuration à la surface des balcons en fibre de verre
En réponse aux questions du soussigné, la représentante du syndicat nous a mentionné que cette situation fut remarquée pour la première fois au cours du mois de juillet 2014.
[8.2] 2. Infiltration d’eau dans les rangements extérieurs des Unités [...] et [...]
En réponse aux questions du soussigné, la représentante du syndicat nous a mentionné que la situation fut remarquée pour la première fois au cours du mois d’octobre 2014 pour l’unité [...] et au mois de novembre 2015 pour l’unité [...].
[8.3] Analyse et décision (points 1 et 2)
Le syndicat déclare avoir découvert les situations décrites aux points 1 et 2 au cours des mois de juillet et octobre 2014, de même qu’au cours du mois de novembre 2015
En ce qui a trait au délai de dénonciation, les paragraphes 3e, 4e ou 5e de l’article 10 ou 27 du Règlement, selon le type de bâtiment, stipule que les malfaçons, les vices cachés ou les vices majeurs, selon le cas, doivent être dénoncés par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de leur découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de pertes graduels, de leur première manifestation. Dans le cas présent, il appert que le délai excède le délai raisonnable (6 mois) et par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation du syndicat à l’égard de ces points.
[9] Suite aux discussions lors de la conférence préparatoire, il a été décidé qu’il serait dans le meilleur intérêt de la justice et des parties de procéder en deux étapes:
[9.1] 1ère étape : Puisque la décision de l’Administrateur du 13 mars 2017
[9.1.1] a rejeté la réclamation du Bénéficiaire vu le délai de dénonciation (« il appert que le délai de dénonciation excède le délai raisonnable (6 mois) »),
[9.1.2] sans se prononcer
9.1.2.1. sur le fond de la problématique alléguée, et, le cas échéant,
9.1.2.2. si cette problématique alléguée fait l’objet d’un vice couvert par le Plan de Garantie,
cette réclamation pour les points 1 et 2 mentionnée dans cette décision était-elle recevable vu le délai de dénonciation prévu au Règlement?
[9.2] 2ième étape : En cas de réponse positive à la première étape, les parties seront convoquées pour une seconde audition à une autre date, dans le but de
[9.2.1] trancher la question à savoir, l’immeuble du Bénéficiaire est-il atteint du (des) vice(s) allégué(s) par le Bénéficiaire quant aux points 1 et 2 et ce(s) vice(s) est-il (sont-ils) couvert(s) par le Plan de Garantie géré par l’Administrateur;
[9.2.2] alternativement, le Tribunal d’arbitrage sera prêt à considérer, suite à une demande motivée, tout autre mesure à prendre quant à cette deuxième étape, incluant le renvoi à l’Administrateur pour qu’il rende une décision sur le fond.
Les faits
[10] La représentante du Bénéficiaire (unité [...]) affirme qu’à la fin de juillet 2014, elle a reçu de la visite qui lui a fait remarquer la présence d’une fissure sur le bord de son balcon.
[11] En août 2014, son entourage lui signale que ce n’est pas normal qu’il y ait une fissuration après seulement deux ans pour un bâtiment neuf.
[12] Elle envoie un courriel à une représentante de l’Entrepreneur le 9 septembre 2014 (pièce A-5 en liasse), puis un rappel le 16 septembre.
[13] La représentante lui répond le 17 septembre qu’un représentant souhaite passer sur place pour essayer d’en apprendre plus.
[14] À l’audience, la représentante du Bénéficiaire affirme avoir fait des appels téléphoniques à l’Entrepreneur qui lui disait « on est toujours dans le dossier ».
[15] Le 8 octobre 2014, le copropriétaire de l’unité [...], aussi membre du conseil d’Administration du Bénéficiaire, écrit à l’Entrepreneur (pièce A-6) :
Suite à une conversation avec Virginie, je vous écris concernant une infiltration d’eau dans ma remise extérieure du […] unité [...]. Lors de l’inspection des parties communes, l’ingénieur M. Brosseau, demandait de surveiller l’infiltration d’eau dans la remise. Avec la pluie des derniers jours, je constate en effet une infiltration d’eau à l’intérieur de ma remise, au seuil de la porte. Le bois qui s’y trouve est mouillé. Vous trouverez ci-joint des photos.
[16] Quant à cette dénonciation pour infiltration du 8 octobre 2014, la représentante du Bénéficiaire affirme à l’audience n’avoir « jamais reçu de retour » avant son courriel du 11 mars 2016.
[17] Quant à son unité ([...]), elle a vu du bois pourri dans la remise la première fois en novembre 2015, elle n’avait pas remarqué d’infiltration en été 2015 quand elle a eu un problème de fourmis.
[18] Le 11 mars 2016, la représentante du Bénéficiaire écrit à la représentante de l’Entrepreneur :
Je voudrais avoir une réponse concernant mon balcon fissuré. En 2015, j’avais demandé de vérifier cela et je n’ai jamais eu de réponse. La fissure est toujours présente et semble s’agrandir, alors que tous les balcons des copropriétaires de l’immeuble sont intacts. Aussi moi et […] condo [...], avons remarqué qu’il y a des infiltrions d’eau dans nos cabanons sur nos terrasses. C’est très fréquent qu’il y a de l’eau qui entre durant les journées pluvieuses […].
[19] Le 6 avril 2016, la représentante de l’Entrepreneur lui répond :
Si vous pensez que des mesures sont nécessaires afin d’assurer la conservation de votre partie commune ou de votre partie privative de votre bâtiment, nous vous invitons à procéder vous-même ou par l’intermédiaire du Syndicat de copropriété à l’entretien ou aux réparations nécessaires.
[20] Le Bénéficiaire contacte l’Administrateur qui lui dit d’envoyer une mise en demeure à l’Entrepreneur, datée du 23 juin 2016, reçue par l’Administrateur le 25 juillet 2016, (pièce A-7), qui relate en gros les faits exposés ci-haut.
[21] L’Entrepreneur répond à l’Administrateur le 14 octobre 2016 (lettre reçue par ce dernier le 26 octobre, pièce A-10), dans lequel il affirme avoir avisé la représentante du Syndicat que le jardin important sur le bord de son balcon était la cause de la fissure et décline toute responsabilité pour les infiltrations d’eau.
[22] A l’audience, la représentante du Bénéficiaire affirme n’avoir jamais vu cette réponse du 14 octobre 2016 avant l’envoi du cahier de pièces par l’Administrateur dans le cadre du présent arbitrage (en vertu de l’article 109[7] du Règlement).
[23] A l’audience,
[23.1] alors que le représentant de l’Entrepreneur affirme avoir fait des représentations
[23.1.1] sur place en 2014 sur la cause du problème de fissure, soit ses plantes, « on a dit qu’on ne prenait pas en charge le balcon »
[23.1.2] à la dame qui lui a ouvert la porte de l’unité, « en tout cas, ça doit être elle »,
[23.2] la représentante du Bénéficiaire affirme n’avoir jamais rencontré le représentant de l’Entrepreneur qui lui aurait parlé de la cause du problème de fissure sur place,
ces versions ne sont pas totalement contradictoires à première vue, et le soussigné n’a pas à trancher cette question, vu les conclusions à laquelle il en arrive dans le présent dossier.
Plaidoiries
[24] En plaidoirie, le Bénéficiaire affirme
[24.1] avoir toujours été de bonne foi,
[24.2] avoir toujours essayé de régler la situation directement avec l’Entrepreneur,
[24.3] avoir fait plusieurs suivis,
[24.4] avoir toujours eu un bon service de l’Entrepreneur, donc n’avoir jamais rien eu à lui reprocher, avoir eu des représentations qu’il faisait le suivi, n’avoir jamais pensé avoir à faire des démarches auprès de la Garantie, comprendre que l’Entrepreneur avait d’autres travaux en cours et qu’il ne pouvait pas être partout tout le temps,
[24.5] avoir essayé de se faire guider pendant le processus et quand il s’est fait dire qu’il devait passer par l’Administrateur, il a fait les démarches, les demandes comme Syndicat,
[24.6] pour la cause de la fissure du balcon, « si j’avais su j’aurais arrêté », ayant reçu la lettre de l’Entrepreneur d’octobre 2016 que par le cahier de pièces de l’Administrateur.
[25] En plaidoirie, l’Entrepreneur affirme
[25.1] avoir informé la représentante du Bénéficiaire, quelle était la cause du problème de la fissure dès septembre 2014,
[25.2] qu’il y a trois semaines il est retourné sur les lieux et « vous alimentez la fissure ».
[26] En plaidoirie, l’Administrateur réitère sa décision du 13 mars 2017 et produit les décisions arbitrales suivantes :
[26.1] Syndicat de la copropriété Condos Cité Clark et Développements Webcor et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ[8];
[26.2] Nazco et Milian c. 9181-5712 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ[9];
[26.3] Syndicat des copropriétaires Les Villas du Golf Phase II et all c. Les Maison Zibeline et La Garantie Qualité Habitation[10].
Décision
[27] Le moment de la découverte d’une malfaçon ou d’un vice est une question de faits (et de droit).
[28] Le Tribunal d’arbitrage décide en vertu de la preuve.
[29] Il arrive que la preuve donne raison au bénéficiaire qui conteste la décision de l’Administrateur sur le délai de dénonciation[11].
[30] Toutefois, dans le présent dossier, il ne peut pas accueillir la demande du Bénéficiaire.
[31] Vu la preuve, vu le Règlement, le Tribunal d’arbitrage n’a d’autres choix que de rejeter sa demande envers l’Administrateur et maintenir la décision de ce dernier, pour les motifs qui suivent.
[32] La représentante du Bénéficiaire a témoigné avec franchise, tout comme le représentant de l’Entrepreneur.
[33] Selon la version de l’article 27 du Règlement applicable au présent arbitrage, l’Administrateur couvre les malfaçons et non apparentes au moment de la réception, les vices cachés et les vices majeurs de la façon suivante :
27. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:
[…]
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu'il n'y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
[34] La preuve au dossier et lors de l’audience montre clairement que :
[34.1] la représentante du Bénéficiaire s’est fait dire en août 2014 que pour sa fissure, « ce n’est pas normal »;
[34.2] un administrateur du Bénéficiaire envoie un courriel en octobre 2014 quant à l’infiltration d’eau pour l’unité [...] et la représentante du Bénéficiaire découvre une infiltration pour l’unité [...] en novembre 2015,
[34.3] le Bénéficiaire ne dénonce sa problématique par écrit à l’Administrateur qu’en juillet 2016.
[35] Avec respect, le Tribunal ne peut pas faire sienne, la plaidoirie du Bénéficiaire, vu
[35.1] les dispositions de la version applicable de l’article 27 du Règlement qui stipulent qu’il faut une dénonciation écrite à l’entrepreneur ET à l’administrateur dans un délai qui ne peut pas excéder 6 mois de la découverte de la malfaçon non apparente ou du vice;
[35.2] l’arrêt de la Cour d’appel dans Desindes (voir le paragraphe [4] ci-haut : « [15] La réclamation d’un bénéficiaire est soumise à une procédure impérative »);
[35.3] la preuve au dossier.
[36] Comme le soussigné le rappelait dans l’affaire Abdellatif Bensari c. Les Constructions M.C. et La Garantie Qualité Habitation[12], le délai de dénonciation de six mois est un délai de déchéance (l’article 10 cité est l’équivalent de l’article 27 pour les maisons non détenues en condo):
[64] […] l’état du droit à cet effet est clair : le délai de six mois prévu à l’article 10 du Règlement est un délai de rigueur et de déchéance.
[65] Dans l’affaire Abderrahim Moustaine et al. c. Brunelle Entrepreneur Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de L’APCHQ (Soreconi 070424001) du 9 mai 2008, Me Jean Philippe Ewart, arbitre, écrit :
[31] Le Tribunal est d’avis […] que le délai maximum de six (6) mois prévu aux alinéas 3e, 4e et 5e respectivement de l’article 10 (…) du Règlement est de rigueur et de déchéance et ne peut conséquemment être sujet à extension.
[36] En résumé, la dénonciation prévue à l’article 10 du Règlement se doit d’être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de six mois prévu au même article emporte et est un délai de déchéance, et si ce délai n’est pas respecté, le droit des Bénéficiaires à la couverture du plan de garantie visé et à le (sic!) droit à l’arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés
[66] Baudouin explique ce qu’est un délai de déchéance[13]
Dans le cas des délais de déchéance, la créance est absolument éteinte après l'expiration du temps fixé. Le tribunal est alors tenu de suppléer d'office au moyen en résultant (art. 2878 C.c.). Dans ces cas donc, ce n'est plus seulement l'action en justice qui est éteinte, mais bien le droit lui-même.
[37] Ce Règlement a été décrété par le Législateur pour couvrir le bâtiment du Bénéficiaire selon ses dispositions, Règlement que notre Cour d’appel a jugé comme étant d’ordre public (voir paragraphe [4] ci-haut).
[38] L’avis doit être donné par écrit dans les délais fixés par le Règlement à l’Administrateur qui cautionne les obligations contractuelles de l’Entrepreneur pour qu’il puisse intervenir à brève échéance.
[39] Malgré tous les pouvoirs qui sont dévolus à l’arbitre en vertu du Règlement et selon la jurisprudence à cet effet[14], le Tribunal d’arbitrage ne peut pas faire appel à l’équité pour faire réapparaître un droit déchu qui n’existe plus, il ne s’agit pas ici de suppléer au silence du Règlement ou l’interpréter de manière plus favorable à une partie, malgré toute la sympathie qu’il pourrait avoir envers le Bénéficiaire.
[40] Cette position en droit est bien établie. Voir entre autres:
[40.1] l’affaire Kwok et Tang c. 9181-5712 Québec et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[15] notre collègue Me Tibor Holländer, arbitre, écrit:
[134] The Beneficiaries’ failure to do so cannot be saved by the application of principles of equity or fairness that would therefore result in the Tribunal allowing their claim.
[40.2] l’affaire Castonguay et al et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ et Construction Serge Rheault Inc.[16], notre collègue Me Johanne Despatis, arbitre, écrit:
[28] Il est vrai que l’audience m’a permis de constater que le point 3 concerne un problème qui, s’il avait été dénoncé à temps, aurait pu être corrigé en conformité du Plan. Force est toutefois de constater, après analyse du Plan, qui est clair et impératif au sujet de ces questions, et à la lumière de toute la jurisprudence pertinente à la sanction de ce délai de six mois, qu’il s’agit d’un délai impératif qu’il n’est tout simplement pas possible d’ignorer ni de contourner en invoquant l’équité.
[41] Vu la preuve, vu le Règlement, le Tribunal d’arbitrage n’a d’autres choix que de maintenir la décision de l’Administrateur qui avait raison de conclure qu’entre la découverte que la fissure « n’est pas normale » en août 2014 et de l’infiltration d’eau le ou avant le 8 octobre 2014 puis en novembre 2015, et la dénonciation écrite de juillet 2016, s’était écoulé un délai de plus de 6 mois qui n’était pas raisonnable au sens du Règlement applicable au présent arbitrage et rejeter la demande du Bénéficiaire.
RÉSERVE DES DROITS
[42] L’article 11 de la Loi sur le bâtiment[17] stipule :
11. La présente loi n'a pas pour effet de limiter les obligations autrement imposées à une personne visée par la présente loi.
[43] Le Tribunal rappelle la décision de la Cour supérieure dans l’affaire Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot[18]:
[63] Il est clair des dispositions de la Loi et du Règlement que la garantie réglementaire ne remplace pas le régime légal de responsabilité de l'entrepreneur prévu au Code civil du Québec. Il est clair également que la garantie prévue à la Loi et au Règlement ne couvre pas l'ensemble des droits que possède un bénéficiaire, notamment en vertu des dispositions du Code civil du Québec et que les recours civils sont toujours disponibles aux parties au contrat.
[44] Dans la décision arbitrale Valérie Hamelin c. Groupe Sylvain Farand inc. c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc[19], notre collègue Me Jean Robert LeBlanc rappelle :
Enfin, le Tribunal souligne que la présente décision arbitrale est rendue uniquement et strictement dans le cadre de l’application du Règlement et qu’en conséquence elle est sans préjudice et sous toutes réserves des droits d’une Partie d’intenter tout recours approprié devant les tribunaux civils ayant compétence, sujet bien entendu, aux règles de droit commun et de prescription civile, le cas échéant.
[45] Le Tribunal d’arbitrage réservera les droits du Bénéficiaire de porter ses prétentions devant les tribunaux de droit commun contre toute personne autre que l’Administrateur du Plan de Garantie, le tout, sujet aux règles de la prescription civile et de droit commun, sans que cette affirmation ne puisse être interprétée comme étant une opinion, dans un sens ou dans l’autre, sur le bien-fondé de la réclamation du Bénéficiaire.
FRAIS
[46] L’article 37 du Règlement stipule :
Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
[47] Chaque cas est un cas d’espèce.
[48] Vu tous les faits, vu que la demande d’arbitrage fut produite de bonne foi, vu l’article 116 du Règlement, le Tribunal départage les frais d’arbitrage de la façon suivante, soit $50.00 pour le Bénéficiaire et le solde à l’Administrateur.
[49] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE
[50] REJETTE la demande du Bénéficiaire quant aux points 1 et 2, MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 13 mars 2017 quant à ces points Et RÉSERVE le droit du Bénéficiaire, à supposer qu’il ait un recours fondé, de porter devant les tribunaux de droit commun, sa prétention quant à ces points ainsi que de rechercher les correctifs qu’il réclame contre toute personne autre que l’Administrateur, sujet aux règles de droit commun et de la prescription civile;
[51] ORDONNE au Bénéficiaire à payer au CCAC la somme de $50.00 pour sa part des frais d’arbitrage.
[52] ORDONNE à l'Administrateur du Plan de Garantie à payer les frais d'arbitrage encourus dans le présent dossier moins la somme de $50.00.
Montréal, le 13 octobre 2017
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Me ROLAND-YVES GAGNÉ
Arbitre / CCAC
Autorités citées :
Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal 2013 QCCA 1211.
Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL, 2011 QCCA 56.
La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause 2004 CanLII 47872 (QC C.A.).
Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis 2007 QCCS 4701 (Michèle Monast, J.C.S.).
Nazco et Milian c. 9181-5712 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ CCAC S16-011902-NP, 8 avril 2016, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
3093-2313 Québec c. Létourneau et Bouchard et la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ CCAC S15-022401-NP, Décision rectifiée du 12 novembre 2015, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
Syndicat des Copropriétaires Lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin et La Garantie Abritat GAMM 2013-15-011, 24 avril 2015, Jean Morissette, arbitre.
Syndicat de la copropriété Condos Cité Clark et Développements Webcor et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ CCAC S17-022101-NP, 25 mai 2017, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
Nazco et Milian c. 9181-5712 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ CCAC S16-011902-NP, 8 avril 2016, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
Syndicat des copropriétaires Les Villas du Golf Phase II et all c. Les Maison Zibeline et La Garantie Qualité Habitation CCAC, S09-180801-NP et al, 15 mars 2010, Me Michel A. Jeanniot, arbitre.
Abdellatif Bensari c. Les Constructions M.C. et La Garantie Qualité Habitation, SORECONI 100508001, 26 novembre 2010, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
Abderrahim Moustaine et al. c. Brunelle Entrepreneur Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de L’APCHQ, Soreconi 070424001 du 9 mai 2008, Me Jean Philippe Ewart, arbitre.
Jean-Louis Baudouin, La prescription civile, 7e édition, 2007, Éditions Yvon Blais, Cowansville p. 1219, I-1447.
Domaine c. Construction Robert Garceau Inc. et la Garantie Qualité Habitation, CCAC S13-091201-NP, 16 juillet 2014, Me Michel A. Jeanniot, arbitre.
Garantie habitation du Québec inc. c. Lebire J.E. 2002-1514 (Jacques Dufresne, J.C.S.).
Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. c. Décarie 2006 QCCS 907 (Gilles Hébert, J.C.S.).
Kwok et Tang c. 9181-5712 Québec et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ CCAC S14-080101-NP, 5 octobre 2015, Me Tibor Holländer, arbitre.
Castonguay et al et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ et Construction Serge Rheault Inc. GAMM 2011-12-009, 6 octobre 2011, Me Johanne Despatis, arbitre.
Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot 2009 QCCS 909 (Johanne Mainville, J.C.S.).
Valérie Hamelin c. Groupe Sylvain Farand inc. C La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc CCAC S13-121002-NP, 26 avril 2014, Me Jean Robert Leblanc, arbitre.
[1] 12 juillet 2013, Cour d’appel, 2013 QCCA 1211 Renvoi [5] : Voir art. 3, 4, 5, 18, 105, 139 et 140 du Règlement.
[2] 2011 QCCA 56.
[3] AZ-50285725, 15 décembre 2004, J.E. 2005-132 (C.A.).
[4] 2007 QCCS 4701, 26 octobre 2007, Michèle Monast, juge.
[5] CCAC S16-011902-NP, 8 avril 2016, Me Roland-Yves Gagné, arbitre, paragraphes [128] et seq.
[6] CCAC S15-022401-NP Décision rectifiée du 12 novembre 2015, Me Roland-Yves Gagné, arbitre, paragraphes [446] à [467]; voir aussi, au même effet, Syndicat des Copropriétaires Lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin et La Garantie Abritat GAMM 2013-15-011, 24 avril 2015, Jean Morissette, arbitre.
[7] Article 109 : Dès réception de cet avis, l'administrateur transmet à l'organisme d'arbitrage le dossier relatif à la décision qui fait l'objet de l'arbitrage.
[8] CCAC S17-022101-NP, 25 mai 2017, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
[9] CCAC S16-011902-NP, 8 avril 2016, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
[10] CCAC, S09-180801-NP et al, 15 mars 2010, Me Michel A. Jeanniot, arbitre.
[11] Loin de faire ici un décompte exhaustif des décisions du soussigné sur le délai de six mois favorables au bénéficiaire, citons Crystal Kaczkowski vs. Les Constructions Arsenault & Frères Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. CCAC S10-020601-NP, 30 août 2010, citée dans 3093-2313 Québec c. Létourneau et Bouchard et la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ CCAC S15-022401-NP Décision rectifiée du 12 novembre 2015, paragraphe [295]; Celeste Frauenfeld c. 9017-1745 Quebec Inc. (Ulisse Construction) et La Garantie Habitation du Québec SORECONI 161305001, 26 septembre 2016.
[12] Soreconi 100508001, 26 novembre 2010, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
[13] La prescription civile, 7e édition, 2007, Éditions Yvon Blais, Cowansville, p. 1219, I-1447.
[14]
Voir, par exemple, Garantie habitation du Québec inc. c. Lebire J.E.
2002-1514 (Hon. juge Jacques Dufresne) : 97. L'article 116
du Règlement est une autre manifestation de la volonté du législateur
d'accorder une grande latitude à l'Arbitre appelé à décider d'un différend :
«Un arbitre statue conformément aux règles de droit ; il fait aussi appel à
l'équité lorsque les circonstances le justifient.»
98. Il n'est pas fréquent de retrouver une disposition expresse autorisant un
décideur à faire appel à l'équité. Cette mention est significative d'une
volonté de mettre en place, au bénéfice des parties visées par le Règlement, un
mécanisme de règlement des différends qui soit efficace. ; Garantie
des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. c. Décarie 2006 QCCS 907
(Hon. juge Gilles Hébert) : [26] En équité et à l'égard de Charles qui
s'est toujours conformé aux directives de l'APCHQ, l'arbitre juge bon de
rappeler à la Garantie que l'entrepreneur a souscrit un engagement qui a causé
problème et qui peut encore causer problème et il rappelle à la Garantie son
devoir moral d'intervenir. [27] Le but de la Loi sur le bâtiment et du
Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs est
d'assurer que l'acquéreur d'une maison neuve auprès d'un entrepreneur faisant
partie de l'APCHQ a une assurance que la maison neuve sera en bon état. Il
serait naïf de croire que le prix de vente établi par un entrepreneur ne tient
pas compte des coûts reliés au contrat de Garantie. [28] Le tribunal conclut
que l'arbitre a exercé une certaine discrétion en faisant appel à l'équité
comme la loi le lui permet et il n'a pas excédé sa juridiction.
[15] CCAC S14-080101-NP, 5 octobre 2015, Me Tibor Holländer, arbitre.
[16] GAMM 2011-12-009, 6 octobre 2011, Me Johanne Despatis, arbitre.
[17] B-1.1
[18] 2009 QCCS 909 (Hon. Johanne Mainville, J.C.S.).
[19] CCAC S13-121002-NP, 26 avril 2014.