ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998, tel qu’amendé, c. B-1.1, r.0.2, 

Loi sur le bâtiment, Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada) Groupe d’arbitrage Juste Décision – GAJD

ENTRE

JEAN-LUC SABOURIN Bénéficiaire

Et

CONSTRUCTION SYNERTEC INC.

Entrepreneur

Et

RAYMOND CHABOT ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de LA GARANTIE ABRITAT INC.

Administrateur

Nos dossiers / Garantie   :  349304-1

No dossier / GAJD   :  20191811

No dossier / Arbitre   :  35304-31

SENTENCE ARBITRALE

Arbitre

:

Me Pierre Brossoit

Pour le Bénéficiaire

:

Me Marie-Claire Côté

Pour l’Entrepreneur

:

Benoit Hébert-Boisclair et Louis Boisclair

Pour l’Administrateur 

:

Me Marc Baillargeon

Date d’audience

:

Le 24 février 2020

Lieu

:

800, du Square Victoria, bureau 4600, Montréal, Québec

Immeuble concerné 

:

[...], Gore

Date de la décision

:

Le 17 mars 2020

LES PIÈCES

[1]  Les pièces produites par les Bénéficiaires sont les suivantes :

 B-1: Décision de l’Administrateur du 21 octobre 2019;

B-2: Preuve de réception de la Décision de l’Administrateur reçue le 31 octobre 2019;

 B-3: Rapport d’expert Toitech daté du 31 mai 2019;

 B-4: Photos bardeaux par Toitech;

 B-5: Photos intérieures par Toitech;

 B-6: Infiltration 8 mars 2019;

 B-7: Confirmation de rdv pour le 2 avril 2019;

 B-8: Absence de Timberblock pour le 2 avril 2019;

 B-9: Croquis suggéré par Synertec le 6 avril 2019;

 B-10: Synertec suggère une expertise commune;

 B-11: Mandat donné à Toitech et frais à partager;

 B-12: Rencontre prévue pour le 28 juin 2019;

 B-13: Présence de Toitech à la rencontre;

 B-14: PV de rencontre du 28 juin 2019;

 B-15: Réclamation Abritat 4 juillet 2019;

 B-16: Échanges avec Abritat 11 juillet 2019;

 B-17: Courriel d’Abritat 12 juillet 219;

B-18: Avis de dénonciation à Synertec le 14 août 2019; B-19: Projet d’entente avec Synertec le 8 novembre 2019; B-20:              Photos prises par M. Sabourin.

[2]               Les pièces produites par l’Administrateur sont les suivantes :

A-1:

Contrat d’achat (Timberblock) en date du 8 décembre 2013 et annexes;

A-2:

Contrat d’entreprise et contrat de garantie en date d’avril 2014;

A-3:

Formulaire d’inspection préréception en date du 31 octobre 2014;

A-4:

Déclaration d’exécution finale des travaux en date du 9 février 2015;

A-5:

Rapport de Toitech en date du 31 mai 2019;

A-6:

Procès-verbal d’une réunion du 28 juin 2019;

A-7:

Lettre de dénonciation en date du 14 août 2019;

A-8:

Décision de l’Administrateur en date du 21 octobre 2019 et lettres;

A-9:

Demande d’arbitrage en date du 25 novembre 2019;

A-10:

Guide de la RBQ.

[3]               Les pièces produites par l’Entrepreneur :

E-1  : Guide d’assemblage des maisons de bois isolées R-30 de Timberblock;

E-2  : Guide d’information et d’entretien «  Le Tour du Propriétaire »;

E-3  : Courriel du Bénéficiaire en date du 4 avril 2019;

E-4  : Courriel du Bénéficiaire en date du 2 juillet 2019;

E-5  : Plans préparés par Construction Synertech inc.;

E-6  : Soumission de l’Entrepreneur présentée au Bénéficiaire en date du 17 juillet 2019;

E-7  : Courriel de l’Entrepreneur au Bénéficiaire en date du 3 septembre 2019;

E-8  : Offre de services de Parizeau Pawulski, architectes, présentée à l’Entrepreneur en date du 1er novembre 2019.

LES TÉMOINS

[4]  Le Tribunal a entendu le témoignage des personnes suivantes :

Pour le Bénéficiaire :

      Jean-Luc Sabourin

Pour l’Administrateur :

      Robert Roberge

Pour l’Entrepreneur :

      Benoit Hébert-Boisclair

LES FAITS

[5]               Au mois d’avril 2014, le Bénéficiaire achète une résidence (l’« Immeuble ») de type Timberblock, modèle Newton 1 et mandate l’Entrepreneur pour l’assembler, ainsi que pour exécuter divers autres travaux connexes à la construction de l’Immeuble (A-1);

[6]               Le 31 octobre 2014, le Bénéficiaire prend réception de l’Immeuble (A-3);

[7]               À l’hiver 2017-2018, le Bénéficiaire remarque de l’eau perler autour des encastrés de lumières extérieures situés sous le toit de la galerie avant de l’Immeuble (A-9);

[8]               Le Bénéficiaire associe cette présence de condensation au contact de l’air froid avec la chaleur générée par les encastrés de lumière;

[9]               À l’hiver 2018-2019, le Bénéficiaire constate à nouveau au même endroit la présence de condensation (perles d’eau) (photo B-20);

[10]           Le 8 mars 2019, le Bénéficiaire demande par courriel (B-6) à Sylvain Touchette de Ventilation Maximum de lui référer un entrepreneur en toiture pour étudier la

« possibilité de conversation du toit en tôle pour fin de gain d’étanchéité »;

[11]           Au soutien de sa demande, le Bénéficiaire mentionne à son courriel (B-6) :

« Beaucoup de neige en hiver

Problème d’étanchéité et de ventilation en hiver »

[12]           Le ou vers la fin du mois de mars 2019, une importante infiltration d’eau cause des dommages matériels à l’intérieur de l’Immeuble et pour lesquels le Bénéficiaire a reçu la somme de 35 000 $ de son assureur;

[13]           Le 24 avril 2019, suite à plusieurs échanges et rencontres entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur, les parties s’entendent pour réaliser à frais partagés une inspection de la toiture par un expert indépendant, dans le but notamment « de mettre en œuvre les correctifs appropriés » (courriel B-11);

[14]           Le 31 mai 2019, le technologue Jean Désormeaux, de Toitech, remet au Bénéficiaire et à l’Entrepreneur son rapport (B-3) sur la cause des infiltrations d’eau rapportée;

[15]           M. Désormeaux attribue la cause d’infiltration d’eau à différents facteurs, notamment en raison de la mauvaise exécution des travaux de toiture à l’Immeuble par Toiture Pro-Tech, le sous-traitant choisi par l’Entrepreneur pour exécuter la construction de la toiture de l’Immeuble;

[16]           Le 28 juin 2019, le Bénéficiaire, l’Entrepreneur et Francis Brunet, de Toiture ProTech, dressent les bases d’une entente (procès-verbal du 28 juin 2019, B-14 et corrigé par le Bénéficiaire le 2 juillet 2019, E-4) relativement aux travaux correctifs à réaliser à la toiture de l’Immeuble;

[17]           Le 17 juillet 2019, l’Entrepreneur soumet au Bénéficiaire le détail des travaux correctifs qu’il accepte d’effectuer (E-6);

[18]           Le 14 août 2019, par l’intermédiaire de ses procureurs, le Bénéficiaire dénonce par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur le vice de construction affectant la toiture de l’Immeuble (B-18);

[19]           Les parties continuent toutefois de discuter pour en arriver à une entente sur les travaux à exécuter à la toiture de l’Immeuble et leurs conditions de réalisation;

[20]           Le 1er novembre 2019, la firme d’architectes Parizeau Pawalski soumet au Bénéficiaire une offre de service de 10 000 $, pour la préparation des plans et devis en vue de la réfection de la toiture de l’Immeuble (E-8);

[21]           Le 8 novembre 2019, par l’intermédiaire de ses procureurs, le Bénéficiaire soumet à l’Entrepreneur les termes d’une entente discutée entre eux le même jour (D-19);

[22]           Il est notamment prévu à cette entente que « Les frais de l’architecte seront payés pour moitié entre vous (« l’Entrepreneur ») et M. Sabourin (environ 5 000 $ plus taxes chacun) »;

[23]           Toutefois, aucune entente n’intervient, l’Entrepreneur refusant d’assumer 50% des honoraires à prévoir de l’architecte;

[24]           Le 21 octobre 2019, l’Administrateur rejette la demande de réclamation du Bénéficiaire pour cause que le Bénéficiaire a « fait défaut de dénoncer le vice majeur de construction par écrit dans un délai raisonnable suivant sa première manifestation significative (6 mois), l’administrateur ne peut donner suite à sa demande de réclamation. » (la décision B-1);

[25]           Selon l’Administrateur, le Bénéficiaire est au fait de la gravité du vice depuis le mois de février 2018, soit au moment où il a constaté que de l’eau perlait autour des encastrés de lumières extérieures situés sous le toit de la galerie avant de l’Immeuble (Formulaire de demande d’arbitrage A-9);

[26]           Le 25 novembre 2019, le Bénéficiaire demande l’arbitrage (A-9) de la décision de l’Administrateur (B-1);

QUESTION EN LITIGE

[27] Le Bénéficiaire a-t-il en temps requis dénoncé à l’Entrepreneur et à l’Administrateur le vice de construction affectant la toiture de l’Immeuble?

MOTIFS

[28]           La version applicable du Règlement sur la plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (le « Règlement ») est celle en vigueur lors de l’achat de l’Immeuble en avril 2014 et non celle utilisée par l’Administrateur à sa décision B1, en vigueur depuis le 1er janvier 2015;

[29]           L’article 10.5 du Règlement avant sa modification du 1er janvier 2015, stipule ce qui suit :

« 5o La réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des risques du sol au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice, en cas de vice ou de perte graduelle, de leurs premières manifestations. » (nos soulignés)

[30]           L’arbitre Yves Fournier a déterminé comme suit les critères à retenir pour déterminer à quel moment survient « la découverte ou la survenance du vice » :

« 57. La célérité, la vigilance et la diligence s’avèrent évidemment des considérants à retenir dans l’appréciation du moment de la connaissance.

58.                       On pourrait définir ainsi la diligence raisonnable pour les bénéficiaires : qu’ils aient un degré de jugement, d’attention et de prudence auquel on peut raisonnable s’attendre d’une personne placée dans une situation similaire.

59.                       L’évaluation de l’existence potentielle d’un dommage, d’un vice ou de sa présomption ne s’analyse pas uniquement eu égard aux bénéficiaires, mais de tout acheteur raisonnable. »[1]

[31]           D’autre part, ce délai de six (6) mois est d’ordre public et ne peut être prolongé ou interrompu par le Tribunal pour une question d’équité;

[32]           La jurisprudence et la doctrine ont en effet confirmé qu’il s’agit d’un délai de déchéance2;

[33]           Appliquons maintenant ces principes aux faits du présent dossier;

[34]           Le Bénéficiaire prend possession de l’Immeuble le 31 octobre 2014 (Formulaire d’inspection préréception A-3);

[35]           À l’hiver 2017-2018, le Bénéficiaire remarque pour la première fois que de l’eau perle autour des encastrés de lumières extérieures situés sous le toit de la galerie avant de l’Immeuble (Formulaire de demande d’arbitrage A-9);

[36]           Le Bénéficiaire ne s’en inquiète pas, associant ce phénomène à de la condensation créée par le contact du froid avec la chaleur dégagée par les encastrés de lumières (photo B-20);

[37]           Le Tribunal est d’avis que le Bénéficiaire a manqué de prudence et de jugement en n’investiguant pas dès lors sur la présence d’eau à certains endroits sous le toit de la galerie avant de l’Immeuble;

[38]           Considérant que le Bénéficiaire n’avait pas remarqué une pareille situation à l’hiver 2014-2015 et 2016-2017, il aurait été prudent de sa part de vérifier d’où provenait la présence soudaine à l’hiver 2017-2018 de perles d’eau sous le toit de la galerie avant de l’Immeuble;

[39]           D’autre part, comment expliquer la présence en hiver de gouttes d’eau non gelées alors que les lumières sont éteintes ou encore de la possibilité que la chaleur qui émane des encastrés de lumière puisse être à ce point élevée pour créer de la condensation en période de froid et sur un rayon de quelques mètres;

[40]           Le Tribunal constate également que le 8 mars 2019, le Bénéficiaire s’est informé de la « possibilité de conversion du toit en tôle pour fin de gain d’étanchéité » en raison de « problèmes d’étanchéité et de ventilation en hiver » (B-6);

[41]           Ce courriel du Bénéficiaire laisse supposer qu’il avait connaissance depuis un certain temps d’infiltrations d’eau par la toiture, ce qui explique d’ailleurs son intention à cette date de considérer de convertir le toit de l’Immeuble en tôle « pour fins de gain d’étanchéité »;

[42]           Le Bénéficiaire aurait dû dénoncer à l’Entrepreneur et à l’Administrateur l’apparition de gouttes d’eau sous le toit avant de la galerie de l’Immeuble à l’hiver 2017-2018, ce qui aurait d’ailleurs permis de constater l’ampleur des vices de construction affectant la toiture de l’Immeuble et empêcher les dommages occasionnés par les infiltrations d’eau survenues au printemps 2019;

2 Micheline Fortin et Raynald Themens et Les Constructions Éric Laflamme inc. et Raymond Chabot administrateur provisoire inc./La Garantie Abritat inc.; SDC Promenade de la Rive c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, 2014 QCCS 6396, juge Alicadia Soldevila, J.C.S., 21 août 2014; Domaine-Bellerive c. Construction Robert Garceau inc. et Garantie Qualité Habitation, CCAC S13091201-NP, Me Michel A. Jeanniot, 18 juillet 2014; Gattas-Aboud c. Groupe Constructions Royale inc. et Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, SORECONI 130606001, Me T. Hollander, 10 octobre 2013

[43]           Conséquemment, le Tribunal conclut à la tardivité de l’avis écrit de dénonciation (B-18) du Bénéficiaire envoyé le 14 août 2019 à l’Entrepreneur et à

l’Administrateur;

[44]           La demande d’arbitrage (A-9) est ainsi rejetée, le Bénéficiaire conservant cependant ses droits d’un recours civil contre l’Entrepreneur, à moins que les parties en arrivent à une entente, le vice de construction de la toiture de l’Immeuble étant reconnu par l’Entrepreneur et constaté au rapport de Toitech du 31 mai 2019 (A-5);

LES FRAIS D’ARBITRAGE

[45] Conformément à l’article 123 du Règlement, les frais du présent arbitrage seront à la seule charge de l’Administrateur.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire (A-9);

ORDONNE que les frais d’arbitrage du présent arbitrage soient payés en totalité par l’Administrateur.

À Montréal, le 17 mars 2020

 

Me Pierre Brossoit, arbitre


[1] Stéphanie Cloutier, Pascal Dion c. 9200-2344 Québec inc. et Raymond Chabot administrateur provisoire inc. ès qualité d’administrateur provisoire du Plan de garantie de La Garantie Abritat inc.