ARBITRAGE
EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (RLRQ, c. B-1.1, r. 8)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du Bâtiment du Québec :
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)
ENTRE : SYNDICAT DE COPROPRIÉTÉ DU 209 ANNE-MARTIN,
(le « Bénéficiaire »)
ET : LES CONSTRUCTIONS LGF INC.,
(l’« Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.,
(l’« Administrateur » mis en cause)
Nº dossier CCAC : S14-071601-NP
Nº dossier du Plan de Garantie : QH 66601 - 6737 et 7532
Nº dossier de l’arbitre : ARB-3716
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Me Jean Robert LeBlanc
Pour le Bénéficiaire : Madame Huguette FORTIN
Monsieur Robert WRIGHT
Entrepreneur : Absent bien que dûment convoqué
Pour l’Administrateur : Me François-Olivier GODIN, avocat
BÉLANGER, PARADIS AVOCATS INC.
Monsieur Martin GIGNAC, T.P.
Dates d’audience : 13 et 14 janvier 2015
Date de la décision : 29 juin 2015
IDENTIFICATION DES PARTIES
Bénéficiaire : SYNDICAT DE COPROPRIÉTÉ DU 209 ANNE-MARTIN
209, rue Marie-Chapelier
Apt. # 102
Québec, QC G1E 0B7
Entrepreneur : LES CONSTRUCTIONS LGF INC.
46, rue de l’Hermitage
Baie-Saint-Paul, QC G3Z 2B2
Administrateur : LA GARANTIE HABITATION DUQUÉBEC INC.
9200, boulevard Métropolitain Est
Montréal, QC H1K 4L2
Et son procureur :
Me François-Olivier GODIN, avocat
BÉLANGER, PARADIS AVOCATS INC.
DÉCISION
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat du CCAC le 7 octobre 2014.
Chronologie du dossier :
28 mai 2009 : Date de fin des travaux des parties communes (Avis de fin de travaux) selon les multiples rapports de conciliation de l’Administrateur sous la signature de monsieur Martin Gignac;
24 septembre 2010 : Date de la réception des parties communes selon les multiples rapports de conciliation de l’Administrateur sous la signature de monsieur Martin Gignac;
14 novembre 2013 et
6 décembre 2013 : Dates des réclamations écrites du Bénéficiaire relativement au dossier de conciliation numéro 6737;
7 avril 2014 : Visite d’inspection par monsieur Martin Gignac, T.P., conciliateur au service l’Administrateur dans le cadre du dossier de conciliation numéro 6737;
15 mai 2014 : Date de la réclamation écrite du Bénéficiaire relativement au dossier de conciliation numéro 7532;
5 juin 2014 : Visite d’inspection par monsieur Martin Gignac, T.P., conciliateur pour l’Administrateur dans le cadre du dossier de conciliation numéro 7532;
16 juin 2014 : Rapport de conciliation - Décision de l’Administrateur dans le dossier de conciliation numéro 7532;
18 juin 2014 : Rapport de conciliation - Décision de l’Administrateur dans le dossier de conciliation numéro 6737;
16 juillet 2014 : Demande d’arbitrage par le Bénéficiaire à l’encontre des décisions numéro 6737 et 7532;
7 octobre 2014 : Nomination de l’arbitre;
30 octobre 2014 : Tenue d’une Conférence préparatoire par téléphone. Selon l’Administrateur, la valeur du litige est de l’ordre de 14 500 $ et selon l'Entrepreneur elle est plutôt de 17 850 $. L’Audience au mérite est prévue pour les 13 et 14 janvier 2015 au Palais de justice de Québec;
13 janvier 2015 : Audition de trois (3) requêtes préliminaires et décision interlocutoire rendue oralement séance tenante après délibéré;
13 et 14 janvier 2015 : Audience au mérite du dossier;
8 juin 2015 : Date des motifs écrits de la décision interlocutoire sur les requêtes en moyens préliminaires;
29 juin 2015 : Date de la décision arbitrale. Les Parties ayant autorisé le Tribunal arbitral à rendre la présente décision arbitrale dans un délai excédent trente (30) jours tel que le permet le 2ième paragraphe de l’article 122 du Règlement.
APRÈS AVOIR LU LES PROCÉDURES, ENTENDU LA PREUVE ET LES ARGUMENTS DES PARTIES, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE REND LA DÉCISION SUIVANTE:
[1] Il s’agit d’un arbitrage, relatif à un bâtiment détenu en copropriété divise, en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs [1] (ci-après le « Règlement ») demandé par le Bénéficiaire qui conteste deux décisions respectivement rendues les 16 et 18 juin 2014 par l’Administrateur en vertu dudit Règlement. Le plan de garantie de l’Administrateur reflète les dispositions dudit Règlement.
[2] Aucune objection n’a été soulevée sur la compétence du Tribunal, en conséquence, le Tribunal arbitral se déclare compétent à rendre la présente décision.
[3] L’enquête et l’audition menant à la présente décision arbitrale s’est déroulée subséquemment à une audience sur des requêtes en moyens préliminaires et à une décision interlocutoire rendue après délibéré, oralement, séance tenante le 13 janvier 2015 dont la transcription écrite des motifs est datée du 8 juin 2015.
[4] La décision interlocutoire du 13 janvier 2015 confirme que la date de « Réception des parties communes » du bâtiment est le 24 septembre 2010 mais par recours à l’équité, prolonge jusqu’au 30 juin 2015 l’application des dispositions de l’article 27 (4º) du Règlement quant à la protection contre les vices cachés au sens des articles 1726 et 2103 du Code civil du Québec pour les vices futurs, non dénoncés préalablement au 13 janvier 2015.
[5] La date de « Fin des travaux » établie au 28 mai 2009 par la preuve et n’ayant pas été contestée, subsiste sans être modifiée.
Les points litigieux faisant l’objet du présent arbitrage
[6] Le Bénéficiaire conteste la décision du 16 juin 2014 (Numéro de conciliation 7532) de l’Administrateur sur le seul point dont elle traite soit le problème des Galeries avant en fibre de verre.
[7] Afin d’éviter toute confusion, il a été convenu d’identifier le problème des Galeries avant en fibre de verre que l’Administrateur a refusé de reconnaître comme étant le point # 0 pour les fins du présent arbitrage.
[8] Le Bénéficiaire conteste également la décision du 18 juin 2014 (Numéro de conciliation 6737) de l’Administrateur sur tous les points qui n’ont pas été reconnus sauf le point # 6 (Rampe du balcon # 102 : Rouille) qui était déjà réglé au jour de l’Audience.
[9] À l’Invitation du Tribunal arbitral, les Parties ont discuté et se sont entendus à l’amiable sur les points # 3 et 4.
[10] Ils ont conjointement demandé au Tribunal arbitral de prendre acte que la Garantie amendera sa décision (Numéro de conciliation 6737) datée du 18 juin 2014 (Pièce A-4) relativement aux points # 3 et 4 dans le sens de la demande du Bénéficiaire y compris tous les accessoires reliés à ces deux points.
[11] Les points qui restent donc en litige et soumis au présent arbitrage sont :
Point # 0 - GALERIES AVANT EN FIBRE DE VERRE
Point # 1 - LOGEMENT (sic) #001 ET #002 : ÉTANCHÉITÉ
Point # 2 - DRAIN DE TOIT : GRILLAGE
Point # 5 - FENÊTRES EXTÉRIEURES AUX ÉTAGES : ÉTANCHÉITÉ
Point # 7 - PAREMENT DE MAÇONNERIE EXTÉRIEUR : FISSURES
Point # 8 - SOUS-SOL : AVALOIR DE SOL
Les faits
[12] À l’égard du point # 1, l’Administrateur refuse au Bénéficiaire l’application de la Garantie au motif qu’une décision a déjà été rendue sur ce point dans le rapport de conciliation émis en date du 12 septembre 2012. En conséquence, la Garantie statue qu’elle n’a plus à intervenir dans le cadre de son mandat.
[13] Quant au point # 2, l’Administrateur refuse de reconnaître ce point dans le cadre de son mandat et d’appliquer la Garantie au motif que ce point ne peut être considéré comme un vice caché.
[14] Finalement, à l’égard des points # 0, 5, 7 et 8, l’Administrateur refuse au Bénéficiaire l’application de la Garantie au motif que ces points ne peuvent pas être considérés comme des vices de construction pouvant entraîner la perte partielle ou totale de la copropriété.
La preuve du Bénéficiaire
Point # 0 - Galeries avant en fibre de verre
[15] Le lendemain et le surlendemain de pluies abondantes, de l’eau sale (couleur café ou rouille) coule du balcon supérieur sur le plancher du balcon de l’unité 202, le tache tout comme ces écoulements d’eau tachent également le dessous du balcon supérieur.
[16] Ces taches se sont manifestées pour la première fois vers le mois d’avril 2014.
[17] Cette eau couleur café tache également les tapis de balcon des copropriétaires, les empêche de profiter de leurs balcons, engendre une perte de valeur des unités privatives.
[18] Le locataire de l’unité 202 témoigne à l’effet qu’il voulait vendre son unité et qu’il a dû reporter son projet en raison de ce problème.
[19] Ces mêmes taches se retrouvent sur les planchers de tous les balcons et sur toutes les surfaces inférieures des balcons supérieurs.
[20] De plus, le plancher du balcon de l’unité 201 est fendu. Le Bénéficiaire en réclamant la réparation.
[21] Le Bénéficiaire tente de faire témoigner monsieur Robert Wright, ancien ingénieur membre de l’ordre jusqu’en février 2014, inspecteur en bâtiment depuis 1999, souvent reconnu comme témoin expert par les tribunaux.
[22] Me Godin s’objecte au témoignage de monsieur Wright comme expert sur ce point parce que le seul rapport d’expertise de monsieur Wright est daté du 14 novembre 2013 à la suite d’inspections faites le 22 octobre 2013 et en début novembre de cette même année. Ce rapport ne traite pas des taches sur les balcons lesquelles ont été observées subséquemment.
[23] Tribunal arbitral accueille l’objection de Me Godin et en conséquence, monsieur Wright ne témoigne pas sur ce point.
Point # 1 - Logement (sic) #001 et #002 : Étanchéité
[24] Ce point a déjà été reconnu par la Garantie en septembre 2012 et des correctifs ont été faits.
[25] Le Bénéficiaire admet que depuis l’exécution des correctifs il n’y plus eu d’autres infiltrations d’eau ni dans l’unité 001 ni dans l’unité 002 et ce, depuis le 17 juillet 2014.
[26] Les travaux correctifs ont été exécutés entre le mois d’août 2013 et terminés en date du 2 janvier 2014 en relation avec l’unité 001.
[27] L’Administrateur rappelle au Bénéficiaire que la Garantie est reconduite pour une nouvelle période de trois (3) ans à la suite de l’exécution de ces travaux.
[28] Le Bénéficiaire se désiste de sa demande d’arbitrage sur ce point.
[29] Les Parties demandent alors au tribunal de prendre acte que le point # 1 est réglé et que à l’égard de l’unité numéro 001 la Garantie est reconduite jusqu’au 2 janvier 2017 et qu’à l’égard de l’unité numéro 002 elle est reconduite jusqu’au 17 juillet 2017.
Point # 2 - Drain de toit : Grillage
[30] La première demande d’intervention à la Garantie a été faite à l’automne 2010 et traitée dans le cadre d’un rapport du conciliateur daté du 15 février 2011.
[31] Il appert que le grillage était mal arrimé au drain causant ainsi des infiltrations d’eau.
[32] Les travaux correctifs ont été effectués par l’Entrepreneur au printemps 2011.
[33] La preuve révèle que le grillage est toujours manquant sauf que personne ne peut préciser depuis quand.
Point # 5 - Fenêtres extérieures aux étages : étanchéité
[34] Monsieur Wright dépose son rapport (Pièce A-11) et témoigne à l’effet qu’en ouvrant le mur autour d’une fenêtre notamment celle de la salle de bain de l’unité numéro 102 il a constaté que la membrane supérieure était mal posée, que le parage était collé avec du ruban gommé rouge, le tout, à son avis, n’étant pas construit selon les règles de l’art.
[35] Il opine qu’il s’agit d’un vice de construction et que l’étanchéité des fenêtres est mal assurée et douteuse à long terme.
[36] Plusieurs autres fenêtres sont également affectées du même vice notamment celle de l’unité numéro 301.
Point # 7 - Parement de maçonnerie extérieur : Fissures
[37] Au-dessus d’une fenêtre en saillie (Bay Window) de l’unité numéro 209, une photographie (Pièce B-25) admise en preuve par le procureur de l’Administrateur, montre une fissure du parement de maçonnerie et un certain affaissement des briques.
[38] Selon le témoignage du témoin Wright reconnu par le Tribunal arbitral comme témoin expert à cet égard, cette fissure et cet affaissement sont causés par l’absence d’une cornière qui sert à retenir le poids de la brique au-dessus du petit toit de la fenêtre en saillie. Il affirme que le Code national du bâtiment exige l’installation de cornières en acier (ou autrement) pour soutenir un contre-mur extérieur en maçonnerie au-dessus des ouvertures.
[39] Monsieur Wright devait transmettre au Tribunal arbitral avant le vendredi, 16 janvier 2015, la référence de l’article pertinent du Code national du bâtiment. Ce qu’il a omis de faire.[2]
[40] Par ailleurs, le témoin Wright admet ne pas avoir ouvert le mur de brique à cet endroit mais son constat l’amène à présumer qu’il n’y a pas de cornière entraînant cette désolidarisation des matériaux.
[41] La fissure actuelle est d’environ un quart de pouce de large et elle va s’aggraver et les infiltrations d’eau détérioreront le mur.
[42] À son avis, il s’agit nettement d’un vice de construction. Il opine que le premier rang de brique est posé directement sur le rebord du petit toit de la fenêtre en saillie.
[43] En contre-interrogatoire il admet qu’il n’y a pas eu à date d’infiltration d’eau par cette fissure mais que toute fissure dans un mur de maçonnerie constitue une faille importante dans laquelle de l’eau risque de s’infiltrer.
Point # 8 - Sous-sol : Avaloir de sol
[44] Selon l’expert Wright, il a constaté l’absence d’avaloirs de sol (drain de plancher) dans les parties communes du sous-sol et dans les unités numéro 001 et numéro 002 qui s’y trouvent.
[45] Il affirme que s’agissant de zones distinctes du sous-sol le Code de plomberie (partie intégrante du Code national du bâtiment) en son article 9.31.4.4 exige des avaloirs de sol dans chacune de ces zones.
[46] À son avis, il s’agit d’un vice de construction parce que l’absence de ces avaloirs de sol constitue un manquement aux exigences du Code national du bâtiment et peut représenter un inconvénient important en cas de dégât d’eau qui ne pourrait pas s’évacuer adéquatement.
[47] Toutefois, il y a un avaloir de sol dans le lavoir.
[48] Selon le témoin Wright, l’avaloir du lavoir ne pourrait pas évacuer l’eau des parties communes et des condos 001 et 002 en raison des seuils de portes qui en bloqueraient l’écoulement vers l’avaloir du lavoir.
[49] En contre-interrogatoire, l’expert Wright admet ne pas avoir vérifié les plans de construction de l’immeuble et qu’il pourrait y avoir des avaloirs de sol sous le plancher de céramique laquelle n’a pas été soulevée lors de l’inspection faite par monsieur Wright.
La preuve de l’Administrateur de la Garantie
[50] Le Bénéficiaire s’objecte au témoignage de monsieur Gignac comme expert. Le Tribunal arbitral rejette cette objection et déclare monsieur Gignac témoin expert au service de la Garantie.
Point # 0 - Galeries avant en fibre de verre
[51] Le témoin Gignac affirme de son côté que l’eau de couleur café qui s’écoule d’un balcon à l’autre provient d’un vice d’entretien et qu’il ne s’agit pas d’un vice de construction.
[52] La preuve révèle que les vis qui retiennent les poteaux des garde-corps sont cachées sous des capuchons qui ne sont pas scellés ou dont le scellant est usé et que ces vis constituent la porte d’entrée de l’eau qui se souille, coule ensuite d’un balcon à l’autre et laisse des taches. Ce que madame Fortin, représentante du Bénéficiaire conteste vigoureusement en affirmant qu’il n’y a pas de tels capuchons au bas des poteaux.
[53] Selon le témoin, un simple entretien permettrait de résoudre le problème qui n’entraîne pas la perte partielle du bâtiment.
[54] Il ajoute que les balcons du côté sud-est du bâtiment sont d’ailleurs plus affectés que les balcons du côté sud-ouest.
[55] Quant au balcon fissuré de l’unité numéro 201, monsieur Gignac l’a constaté dans ses premières visites. Son expérience l’amène à poser l’hypothèse qu’il s’agit d’une fissure occasionnée par une courroie de grue mécanique parce qu’elle en a la largeur, probablement faite lors de l’installation du balcon et qui aurait dû être dénoncée comme malfaçon apparente à l’origine.
Point # 2 - Drain de toit : Grillage
[56] Quant à ce point, le témoin de la Garantie affirme qu’il ne s’agit pas d’un vice caché que la grille ou l’absence de grille est visible, qu’il s’agit d’une malfaçon de parachèvement suite à une réparation qui aurait dû être dénoncée dans l’année suivant ladite réparation soit au plus tard en 2012.
Point # 5 - Fenêtres extérieures aux étages : étanchéité
[57] À l’unité 102, l’expert Gignac a ouvert le contour d’une fenêtre située sur le coin sud-est. Il a constaté l’absence de membrane mais que du ruban rouge adhésif de type « Tuck tape » avait été utilisé pour réunir les pare-airs.
[58] La preuve révèle que ce ruban adhésif rouge est bien collé et que l’isolant d’uréthane est bien en place. Un test d’eau fait par monsieur Gignac n’a pas révélé d’infiltration.
[59] Selon lui, aucune disposition du Code national du bâtiment n’exige l’installation d’une membrane dans cette situation. Le ruban autocollant utilisé est donc conforme aux normes.
[60] Si les solins ne sont pas posés selon les règles de l’art et qu’ils sont d’une étanchéité douteuse à long terme comme l’affirme l’expert Wright, il s’agit alors d’un vice caché au sens de la Garantie et non pas d’un vice de construction tel que monsieur Wright veut en convaincre le Tribunal arbitral.
Point # 7 - Parement de maçonnerie extérieur : Fissures
[61] Selon le témoignage de monsieur Gignac, la fissure horizontale au-dessus de la fenêtre en saillie est due au mouvement naturel du bâtiment et ne constitue en rien un vice de construction entraînant la perte partielle du bâtiment. Au pire, il s’agirait d’une malfaçon apparente.
[62] Il ajoute que le fer angle (la cornière) est peut-être même là car la fissure est très droite et qu’il doit y avoir une membrane qui remonte en arrière protégeant contre les infiltrations d’eau.
[63] Il suggère de colmater la fissure en utilisant un scellant.
Point # 8 - Sous-sol : Avaloir de sol
[64] La preuve photographique soumise par monsieur Gignac, il y la présence de papier noir sous l’escalier et il est possible qu’il y ait un avaloir de sol sous ce papier.
[65] De plus selon l’expert Gignac, le Code national du bâtiment n’exige pas d’avaloir de sol lorsqu’il n’y pas d’appareils d’eau ou d’instrument fonctionnant avec de l’eau à cet endroit.
L’argumentation des Parties
[66] Le Bénéficiaire plaide que tous les points sous contestation sont le fruit de vices de construction et soumet au Tribunal arbitral la définition d’un vice de construction selon la Régie du bâtiment mais ne soumet pas de décisions arbitrales soutenant ses prétentions.
[67] Plus spécifiquement, elle soutient :
Que les taches de pourriture sur les balcons (Point #0) diminuent la valeur de chacune des unités;
Que le grillage du drain de toit (Point #2) est manquant depuis la construction de l’immeuble;
Que les fenêtres ne sont pas étanches (Point #5), laissent infiltrer de l’eau en raison de solins mal posés, d’absence de membrane et d’utilisation inadéquate de ruban adhésif, le tout constituant un vice de construction au sens du Règlement. En conséquence, toutes les fenêtres doivent donc être changées et leur pose faite selon les règles de l’art en conformité avec les normes en vigueur;
Que l’absence de cornière (Point #7) au-dessus des fenêtres en saillie (Bay Windows) constitue un vice de construction au sens du Règlement. En conséquence, les réparations de ce vice de construction s’imposent;
Qu’un avaloir de sol (Point #8) doit être installé dans les parties communes du sous-sol.
[68] Le Bénéficiaire soumet en preuve les frais d’expertise de monsieur Wright et en demande le remboursement au Tribunal arbitral conformément aux dispositions du Règlement.
[69] L’Administrateur plaide qu’aucun des points soumis à l’arbitrage ne constitue un vice de construction et qu’en conséquence, le Tribunal arbitral devrait rejeter le demande du Bénéficiaire sur tous les points.
[70] Me Godin pour l’Administrateur soumet deux (2) décisions arbitrales[3]. La décision Meaujé distingue la malfaçon du vice caché et la décision SDC Jardins de Grenoble précise la notion de vice de construction au sens du Règlement.
[71] Le vice caché au sens de l’article 1726 du Code civil du Québec doit posséder une certaine gravité, précéder la vente, être inconnu et être occulte (non apparent).[4]
[72] Alors que le vice de construction au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec « …est évalué par rapport au risque de la perte du bien ou du risque d’un « danger pour la vie de l’homme en société ». Cette perte n’a pas à être totale, elle peut être partielle, potentielle ou elle peut même être de nature à rendre l’immeuble impropre à l’usage auquel il est destiné[…]; » tel que l’écrit Me Jeanniot dans la décision SDC Jardins de Grenoble au paragraphe [172].[5]
[73] Il précise que les taches sur les balcons (Point #0) ne constituent pas un risque de perte partielle du bâtiment. D’ailleurs, il indique au tribunal qu’aucune preuve n’a été faite à cet effet.
[74] Quant au grillage du drain de toit (Point #2), le Bénéficiaire n’a présenté aucune preuve de la présence d’une grille avant la réparation faite par l’Entrepreneur en 2012.
[75] L’Étanchéité des fenêtres (Point #5) que le Bénéficiaire présente comme étant un vice de construction n’en est pas un puisqu’il n’y a pas de risque de perte partielle du bâtiment dans ce cas.
[76] Il ajoute que la demande du Bénéficiaire de remplacer toutes les fenêtres dépasse la preuve faite car seulement une des fenêtres a fait l’objet d’une inspection.
[77] La fissure au-dessus de la fenêtre en saillie (Point #7) n’a pas le degré de gravité suffisant pour être considérée comme étant un vice de construction et cette fissure ne met pas le bâtiment en péril.
[78] De plus, aucune preuve directe ne permet au Tribunal arbitral de conclure en l’absence de fer angle (cornière). Il est tout à fait possible qu’il y en ait un. S’il n’y en a pas, cette contravention aux dispositions du Code National du Bâtiment, n’en fait pas automatiquement un vice de construction.
[79] L’absence d’avaloir de sol (Point #8) dans les parties communes du sous-sol ne saurait constituer un vice de construction entraînant la perte même partielle du bâtiment.
[80] Me Godin termine sa plaidoirie en mentionnant qu’aucune des déficiences présentées par le Bénéficiaire menace la perte même partielle du bâtiment et en conséquence, demande au tribunal arbitral de maintenir les décisions de l‘Administrateur que le Bénéficiaire conteste.
[81] Finalement, le procureur de l’Administrateur rappelle au Tribunal arbitral qu’en vertu du Règlement, le Bénéficiaire doit avoir gain de cause sur au moins un point pour avoir droit au remboursement des frais raisonnables d’expert.
L’analyse et la décision
[82] La Garantie relative aux bâtiments détenus en copropriété divise prend source dans l’article 27 du Règlement reproduit ci-bas.
« 27. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:
1° le parachèvement des travaux dénoncés, par écrit:
a) par le bénéficiaire, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
b) par le professionnel du bâtiment, au moment de la réception des parties communes;
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu'il n'y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. » [6]
(Les caractères gras sont nôtres)
[83] En l’espèce, puisque la preuve révèle que la « fin des travaux des parties communes » a été établie au 28 mai 2009 et que les réclamations écrites faisant l’objet des décisions de l’Administrateur ont été faites les 14 novembre 2013, 6 décembre 2013 et 15 mai 2014, seul le paragraphe 5 de l’article 27 pourrait encore s’appliquer au cas sous étude, les dispositions des autres paragraphes de la Garantie référant à des périodes plus courtes étant échues sous réserve de la prolongation particulière accordée dans la décision interlocutoire prononcée oralement le 13 janvier 2015 dont les motifs écrits sont datés du 8 juin 2015.
[84] Dans les circonstances, le Tribunal arbitral doit donc déterminer si chacun des points soumis à l’arbitrage constitue « … un vice de conception, de construction ou de réalisation …, au sens de l'article 2118 du Code civil … ».
[85] Pour les fins de cette analyse, le Tribunal arbitral cite l’article du Code civil du Québec (C.c.Q) auquel le Règlement fait référence.
« 2118. À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol. »
(Les caractères gras sont nôtres)
[86] Comme l’article 27 du Règlement l’indique dans son premier paragraphe, la Garantie couvre les manquements de l’Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles. Il faut donc interpréter la référence à l’entrepreneur de l’article 2118 du C.c.Q. comme référant à la Garantie qui devient son garant.
[87] Le Tribunal arbitral recherchera donc dans la présomption de responsabilité de l’Entrepreneur (pris en charge par la Garantie) l’interprétation et l’application des tribunaux des notions de vice de conception, de vice de construction, de réalisation de l’ouvrage et de perte du bâtiment.
[88] La jurisprudence autant arbitrale qu’en provenance des tribunaux étatiques établit que le vice de conception, le vice de construction et de réalisation de l’ouvrage, souvent appelés vices majeurs, sont des vices qui sont graves, qui engendrent une dégradation du bâtiment, le rendent partiellement impropre à l’usage auquel il est destiné, mettent en péril sa solidité ou sa stabilité ou causent des inconvénients tellement sérieux qu’ils provoquent des difficultés importantes dans l’utilisation du bâtiment.[7]
[89] Dans la décision Meaujé citée plus haut, Me Jeanniot agissant comme arbitre écrit ce qui suit relativement aux notions de solidité, de qualité, de sécurité et de danger public que les auteurs et les tribunaux ont reconnus à l’article 2118 du C.c.Q. :
« [170.] J’accepte donc le courant jurisprudentiel et doctrinaire à l’effet que le but de l’article 2118 C.c.Q. est d’assurer la qualité et la solidité des constructions dans un souci d’assurer la sécurité du public en général ainsi que celle de leurs propriétaires […] »[8]
[90] La jurisprudence nous enseigne également que les vices de conception et de construction ou de réalisation de l’ouvrage doivent entraîner la perte du bien, que cette perte ne doit pas nécessairement être totale mais qu’elle peut être partielle ou même potentielle. L’interprétation faite par les tribunaux de la notion de perte de l’ouvrage dans le cadre de l’article 2118 du C.c.Q. est donc large et généreuse.[9]
[91] Il en résulte que dans son analyse le Tribunal arbitral devra évaluer si le dommage est majeur pour lui accorder la qualification de perte. Cette perte pourra être actuelle ou même à venir et, dans les deux cas, en raison de l’interprétation large faite par la jurisprudence, la solution sera la même, la Garantie s’appliquera.
[92] En conséquence, pour chacun des points portés en arbitrage, le Tribunal arbitral déterminera d’une part, s’il s’agit d’un vice de construction ou de réalisation de l’ouvrage au sens de l’article 2118 du C.c.Q. et d’autre part, si ce vice de construction ou de réalisation de l’ouvrage entraine des troubles graves qui engendrent une dégradation du bâtiment, le rendent partiellement impropre à l’usage auquel il est destiné, mettent en péril sa solidité ou sa stabilité ou causent des inconvénients tellement sérieux qu’ils provoquent des difficultés importantes dans l’utilisation du bâtiment.
[93] Le Tribunal arbitral rappelle qu’aux termes des articles 2803 et 2804 du C.c.Q., le fardeau de la preuve de l’existence d’un vice de construction ou de réalisation de l’ouvrage et de la preuve de la perte actuelle ou potentielle qu’il entraîne repose sur les épaules du demandeur qui dans l’instance est le Bénéficiaire.
« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »
[94] Donc, pour avoir gain de cause sur les points soumis à l’arbitrage, le Bénéficiaire doit avoir fait la preuve par prépondérance que chacune des déficiences dénoncées à l’Administrateur constitue un vice de construction ou de réalisation de l’ouvrage et que la perte (actuelle ou potentielle) résulte dudit vice.
[95] Conséquemment, le Tribunal arbitral examinera chacun des points soumis à l’arbitrage à la lumière des critères énoncés plus haut.
[96] La situation relative à l’eau s’écoulant des balcons et les taches foncées qu’elle laisse sur les balcons inférieurs (Point #0) est-elle suffisamment grave pour engendrer la dégradation du bâtiment, le rendre impropre à l’usage auquel il est destiné ou mettre en péril sa solidité et sa stabilité ?
[97] Le Tribunal arbitral répond par la négative. Il ne s’agit pas d’un vice de construction ou de réalisation de l’ouvrage. La preuve prépondérante à cet égard indique qu’il s’agit plutôt d’une déficience d’entretien.
[98] L’absence de grillage sur le drain de toit (Point #2) ne passe pas le test de gravité du vice de construction et de réalisation de l’ouvrage non plus. D’ailleurs, la preuve ne révèle même pas depuis quand ce grillage est manquant.
[99] L’étanchéité des fenêtres (Point # 5) que le Bénéficiaire considère mal assurée et douteuse à long terme pourrait correspondre au critère de gravité engendrant une dégradation du bâtiment, le rendant partiellement impropre à l’usage auquel il est destiné, mettant en péril sa solidité et causant des inconvénients sérieux et des difficultés importantes dans l’utilisation du bâtiment. En effet, des infiltrations d’eau récurrentes sont graves, causent des inconvénients sérieux et des difficultés importantes dans l’utilisation du bâtiment.
[100] Il s’agit indiscutablement d’un vice de construction et de réalisation de l’ouvrage entraînant éventuellement la perte du bâtiment au sens de l’article 2118 du C.c.Q..
[101] En conséquence, la Garantie doit s’appliquer à la demande du Bénéficiaire à l’égard du Point #5.
[102] Cependant, une difficulté majeure subsiste. Seulement une des fenêtres (salle de bain de l’unité 102) a fait l’objet d’une inspection et la preuve ne traite que de cette fenêtre-là.
[103] Le Tribunal arbitral ne saurait, dans les circonstances, ordonner à l’Administrateur de remplacer toutes les fenêtres alors que seulement une de celles-ci souffre d’un vice de construction ou de réalisation de l’ouvrage prouvé. En l’absence de preuve similaire à l’égard des autres fenêtres, le Tribunal arbitral ne peut pas présumer qu’elles souffrent toutes du même vice de construction ou de réalisation de l’ouvrage. Une inspection plus étendue est donc nécessaire.
[104] En conséquence, le Tribunal arbitral ordonnera à l’Administrateur de corriger le vice de construction ou de réalisation de l’ouvrage de la fenêtre ayant fait l’objet de l’inspection de son expert et de l’expert du Bénéficiaire(Salle de bain de l’unité 102) et ordonnera la vérification et l’examen de toutes les fenêtres suspectes étant entendu que si la construction et l’installation d’une ou plusieurs d’entre elles sont similaires à celle ayant fait l’objet du rapport du conciliateur du 18 juin 2014, l’Administrateur devra intervenir conformément à la présente décision arbitrale.
[105] Quant aux fissures apparentes dans le parement de maçonnerie (Point #7) au-dessus des fenêtres en saillie (Bay Windows), le Bénéficiaire n’a pas fait la preuve directe et prépondérante de l’absence de cornière ou de fer angle pour soutenir le premier rang de brique ni de la gravité suffisante de cette déficience au sens de l’article 2118 du C.c.Q. pour que ces fissures entraînent la perte éventuelle du bâtiment ou constituent quelque risque pour la santé ou la sécurité des personnes mais il a soulevé un doute sur cette possibilité.
[106] Selon la preuve présentée par les Parties à l’Audience, le Tribunal arbitral ne peut donc pas conclure à la présence d’un un vice de construction ou de réalisation de l’ouvrage qui pourrait entraîner une perte éventuelle ou poser un risque de sécurité mais il s’agit d’une possibilité qui est très probable. Le travail de chacun des experts a malheureusement été incomplet relativement au Point #7. Tribunal arbitral doit rejeter la demande du Bénéficiaire sur ce point, cependant l’Administrateur devra reprendre son examen de façon plus approfondie sur ce point pour vérifier la présence d’éléments structuraux nécessaires et conformes aux normes et rendre une décision plus éclairée sur la réclamation du 6 décembre 2013 concernant ce point.
[107] Le Bénéficiaire n’a pas fait de preuve prépondérante à l’effet que l’absence d’avaloirs de sol (Point #8) dans certains espaces du sous-sol possède le niveau de gravité et entraîne les conséquences qui justifieraient de qualifier cette déficience de vice de construction ou de réalisation de l’ouvrage.
[108] Le Tribunal arbitral rejette donc également la demande du Bénéficiaire sur ce point.
La demande de remboursement des frais d’experts encourus par le Bénéficiaire
[109] L’article 124 du Règlement impose à l’arbitre de statuer sur le « […] quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes […] » que l’Administrateur devra rembourser au Bénéficiaire quand ce dernier « […] a gain de cause total ou partiel. »[10]
[110] Le Bénéficiaire a produit en preuve les factures d’honoraires de son expert, monsieur Wright (Les Inspecteurs en Bâtiment du Québec Inc.) ainsi que celle de l’entrepreneur en maçonnerie qui a effectué les travaux d’ouverture et de fermeture du mur entourant la fenêtre de la salle de bain de l’unité 102 pour permettre la prise de photographies de la situation dans le cadre de la réclamation associée au Point #5.
[111] Comme le Tribunal arbitral donne gain de cause partiel au Bénéficiaire sur le Point #5, il doit déterminer le montant du remboursement, qu’il estime raisonnable relativement aux expertises pertinentes, auquel il condamnera l’Administrateur dans les circonstances.
[112] Au niveau de la pertinence des expertises, le Tribunal arbitral retient premièrement le critère de l’éclairage que l’expertise faite lui a apporté pour rendre sa décision.
[113] Les travaux d’ouverture du mur par le maçon Élégance Briques et Pierres entourant la fenêtre de l’unité 102 et son corollaire, la fermeture dudit mur, étaient sans contredit très pertinents en contribuant à éclairer le Tribunal arbitral sur l’état de la réalisation des travaux de l’Entrepreneur autour de cette fenêtre.
[114] Deuxièmement, le Tribunal arbitral doit examiner si les frais réclamés par Élégance Briques et Pierres lui apparaissent raisonnables dans les circonstances.
[115] Six heures trente de travail à 75$ de l’heure et quelques fournitures semblent très raisonnables.
[116] Tribunal arbitral ordonnera donc à l’Administrateur le remboursement complet au Bénéficiaire des frais de cette expertise, soit le montant de 606,49$ de la facture numéro 1379 de l’entreprise Élégance Briques et Pierres en date du 6 novembre 2013.
[117] L’expertise et le témoignage de monsieur Wright facturés le 14 janvier 2015 trouvent-elles la même pertinence ?
[118] Le Tribunal arbitral conclut dans la négative.
[119] En effet, l’expert Wright n’a pas su éclairer le Tribunal arbitral sur l’ensemble des points en litige sauf sur le Point #5 où son expertise et son témoignage ont été très pertinents et utiles au Tribunal. À l’égard des autres points, sa contribution a été peu importante, sans grande pertinence et particulièrement relativement au Point #7, imprécise dans les faits et fondée sur une présomption d’absence de cornière.
[120] Le Point #5 portant sur un aspect majeur en valeur économique et en inconvénients pour le Bénéficiaires, le Tribunal arbitral estime qu’environ un tiers du temps réclamé par monsieur Wright devrait être remboursé au Bénéficiaire.
[121] Cependant, à l’examen, le taux horaire de 150$ facturé par monsieur Wright apparaît raisonnable au Tribunal arbitral de telle sorte qu’il ordonnera à l’Administrateur le remboursement partiel au Bénéficiaire des honoraires de monsieur Wright, soit le remboursement d’un montant de 916,38$ correspondant au tiers du total réclamé pour les services de monsieur Wright et facturés par Les Inspecteurs en Bâtiment du Québec Inc., en date du 14 janvier 2015.
Les frais et dépens de l’arbitrage
[122] Le Règlement contient une disposition relative à l’imputation des frais d’arbitrage. En effet, au deuxième alinéa de l’article 123 [11], le Règlement prévoit que les coûts de l’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur lorsque le Bénéficiaire, à titre de demandeur, a obtenu gain de cause sur un des aspects de sa réclamation, ce qui est le cas en l’espèce.
« 123. […]
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage les coûts.
[…] »
[123] Par ailleurs, au niveau de la catégorie de valeur en litige du présent arbitrage, la catégorie mentionnée dans la chronologie du dossier plus haut ne reflète aucunement l’étendue du travail imposé à l’arbitre puisque le Tribunal arbitral a entre autre siégé deux (2) journées complètes et rédigé deux décisions distinctes, l’une interlocutoire datée du 8 juin 2015 et la présente sur le fond des points en litige et également complété la recherche jurisprudentielle et doctrinale trop sommaire du Bénéficiaire, ce dont l’Administrateur devra tenir en compte.
Les généralités
[124] Le Tribunal arbitral rappelle aux Parties que l’arbitre désigné est autorisé par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de Garantie existant en vertu du Règlement, que sa décision lie les Parties et qu’elle est finale et sans appel.
« 120. La décision arbitrale, dès qu’elle est rendue, lie les parties intéressées et l’administrateur.
La décision arbitrale est finale et sans appel. » [12]
[125] Enfin, le Tribunal arbitral souligne également que la décision arbitrale rendue dans le présent dossier l’est uniquement et strictement dans le cadre de l’application du Règlement et qu’en conséquence elle est sans préjudice et sous toutes réserves des droits du Bénéficiaire d’intenter tout recours approprié devant les tribunaux civils ayant compétence, sujet bien entendu, aux règles de droit commun et de prescription civile, le cas échéant.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D'ARBITRAGE:
PREND ACTE du règlement à l’amiable intervenu durant l’Audience sur les points # 3 et 4 du rapport de conciliation numéro 6737 daté du 18 juin 2015;
PREND ACTE du règlement à l’amiable intervenu durant l’Audience sur le point # 1 du rapport de conciliation numéro 6737 daté du 18 juin 2015 et que à l’égard de l’unité numéro 001 la Garantie est reconduite jusqu’au 2 janvier 2017 et qu’à l’égard de l’unité numéro 002 elle est reconduite jusqu’au 17 juillet 2017;
ORDONNE aux Parties de respecter les règlements à l’amiable intervenus entre elles;
ACCUEILLE en partie la demande d’arbitrage du Bénéficiaire à l’égard du Point #5;
ORDONNE à l’Entrepreneur et à l’Administrateur conjointement et solidairement de corriger le vice de construction de la fenêtre de la salle de bain de l’unité 102;
À DÉFAUT par l’Entrepreneur de corriger le vice de construction de la fenêtre de la salle de bain de l’unité 102 dans les quinze (15) jours de la signification de la présente décision;
ORDONNE à l’Administrateur de la Garantie, à titre de garant de l’Entrepreneur en vertu du Règlement, de faire effectuer les travaux de correction du vice de construction de la fenêtre de la salle de bain de l’unité 102 dans un délai d’au plus trente (30) jours du constat du défaut de l’Entrepreneur de le faire, le cas échéant, ou à une date fixée de consentement avec le Bénéficiaire;
REQUIERT de l’Administrateur qu’il complète son inspection des fenêtres, objet du Point #5, notamment qu’il procède à la vérification détaillée de la construction, de la réalisation de l’ouvrage et de l’installation de toutes les fenêtres du bâtiment qui ont déjà fait l’objet d’une infiltration d’eau ou qui sont suspectes et qu’il rende une décision administrative en conformité avec la lettre et l’esprit de la présente décision arbitrale;
REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire à l’égard des Points #0, #2, #7 et #8;
MAINTIENT les décisions de l’Administrateur rendue les 16 et 18 juin 2014 à l’égard des Points #0, #2, et #8;
REQUIERT de l’Administrateur qu’il complète son inspection des fissures de maçonnerie au-dessus des fenêtres en saillie (Bay Windows), objet du Point #7, notamment qu’il procède à la vérification détaillée de la construction et de la réalisation des éléments de maçonnerie et de structure à ces endroits pour déterminer la nature de la déficience et qu’il rende une nouvelle décision administrative en conformité avec la lettre et l’esprit de la présente décision arbitrale;
DÉCLARE qu’une partie des frais encourus par le Bénéficiaire pour les services des experts Élégance Briques et Pierres et Les Inspecteurs en Bâtiment du Québec Inc. (Monsieur Robert Wright) sont à la charge de l’Administrateur;
CONDAMNE l’Administrateur à rembourser au Bénéficiaire la somme de 1 522,87$ en frais de travaux de maçonnerie exploratoire, d’expertise, de présence à l’Audience et autres frais accessoires;
RÉSERVE tous les droits de l’Administrateur et du Bénéficiaire à l’encontre de l’Entrepreneur;
CONDAMNE l’Administrateur à payer les entiers frais et dépens du présent arbitrage;
LE TOUT sans préjudice et sous toutes réserves des droits du Bénéficiaire et de l’Administrateur d’intenter tous les recours appropriés devant les tribunaux civils.
Longueuil, le 29 juin 2015
(S) Jean Robert LeBlanc
__________________________
Me Jean Robert LeBlanc
Arbitre / CCAC
[1] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (RLRQ, c. B-1.1, r. 8).
[2] Selon la vérification faite par le Tribunal arbitral sur le site Internet de l’Association des entreprises en maçonnerie du Québec (AEMQ) au www.aemq.com/linteau-libre/ il s’agit de l’article 9.20.5.2 du Code national du bâtiment (2010), Canada (CNB).
[3] Les Habitations Meaujé c. La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ et Le Syndicat Condominiums Châtelets Phase II, GAMM, 073518 et 2006-19-001, rendue le 6 novembre 2006, par Me Jean Morissette, arbitre; et
SDC Jardins de Grenoble (3 683 432) c. 9232-6941 Québec inc. (Habitation Classique) et al., Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC), S11-120903-NP, rendue le 23 novembre 2012, par Me Michel A. Jeanniot, arbitre.
[4]Supra, note 3, Les Habitations Meaujé, par. [35].
[5] Supra, note 3, SDC Jardins de Grenoble, par. [172].
[6] Supra, note 1, art. 27.
[7] Supra, note 3 et Gestion G.M. Inc. c. Construction Daniel Dumont et Fils Inc., J.E. 97-955 (C.A.) et Bélanger et al. c. APCHQ, J.E. 98-114 (C.S.)
[8]Supra, note 3, Les Habitations Meaujé, par. [170].
[9] Supra, note 7.
[10] Supra, note 1, art. 124.
[11] Supra, note 1, art. 123.
[12] Supra, note 1, art. 120.