SENTENCE ARBITRALE
ARBITRAGE EN VERTU DU
RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la
Régie du bâtiment : Le Groupe d’arbitrage
et de médiation sur mesure (GAMM)
MME ODETTE VAGNER
et
M. FRANCISC ZAVODA,
bénéficiaires;
- et -
DÉVELOPPEMENT LES
TERRASSES DE L’ÎLE INC.,
entrepreneur;
- et -
LA GARANTIE DES BÂTIMENTS
RÉSIDENTIELS NEUFS DE
L’APCHQ INC.,
administrateur.
M. Claude Dupuis, ing., arbitre
Audience tenue à Montréal le 25 novembre 2003
Sentence rendue le 16 décembre 2003
I : INTRODUCTION
[1] À la demande de l’arbitre, l’audience s’est tenue à la résidence de Mme Odette Vagner et de M. Francisc Zavoda.
[2] Les bénéficiaires étaient représentés par M. Zavoda, l’entrepreneur par Me Martine Brodeur et l’administrateur par Me Jacinthe Savoie.
[3] Faisant suite à une demande des bénéficiaires, l’administrateur a déposé un rapport d’inspection en date du 2 octobre 2003, de même qu’un addenda daté du 31 octobre 2003.
[4] La demande d’arbitrage conteste les points suivants du rapport :
Point 6 : Fonctionnement de la thermopompe
Point 10.4 : Joint de coulis de largeur non uniforme le long de la porte d’entrée
Point 26 : Serrure de la porte d’entrée principale
Point 27 : Espace de dégagement autour de la thermopompe
Point 28 : Tapis du sous-sol
Point 30 : Porte française de la salle à manger
Point 34 : Plancher de bois franc
Point 35 : Sablage du plancher de bois franc
Point 36 : Escalier de bois franc
Point 37 : Vernis de l’escalier de bois franc
Points 40, 41, 42 : Joints de coulis et alignement des tuiles
Point 43 : Cadrage de vinyle fissuré au bas de la porte patio
Point 44 : Porte française du vestibule d’entrée (verre clair)
[5] En cours d’enquête, il y eut visite des lieux et les témoins suivants furent entendus :
M. Francisc Zavoda, bénéficiaire
Mme Odette Vagner, bénéficiaire
M. Jocelyn Dubuc, conciliateur, APCHQ
M. Mario Dargis, entrepreneur
M. Pierre Rhainds, technicien en bâtiment
M. Donald Lacoste, entrepreneur en chauffage
M. Jean-Pierre Maher, conseiller en bois
[6] Au soutien de son argumentation, la procureure de l’entrepreneur a déposé les documents suivants :
Milzi et Dorion c. Construction André Taillon inc., M. le juge Pierre E. Audet, C.Q. Laval 540-22-007757-031, 2003-10-28, [En ligne - Jugements.qc.ca].
Gilles DOYON et Serge CROCHETIÈRE. Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc. (extraits relatifs aux art. 19 et 106).
[7] Quant à la procureure de l’administrateur, elle a déposé ce qui suit :
Olivier F. KOTT et Claudine ROY, La construction au Québec : perspectives juridiques, Montréal, Wilson & Lafleur ltée, 1998, p. 547-548.
Dumont et Charbonneau c. Etmar Construction inc. et La garantie Qualité Habitation (ACQ), M. Claude Mérineau, arbitre, 2002-05-06.
Constructions Inédites Inc. c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. et Fortin et Pépin, Me Robert Masson, arbitre, 2003-05-23.
Lulham c. Roy, [2002] R.D.I. 802 (C.S.), AZ-50150586 , J.E. 2002-2150 , M. le juge Luc Lefebvre, 2002-11-07, [En ligne - Azimut.soquij.qc.ca].
Beaulieu et Gosselin et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. et Les maisons Juteau, Me Bernard Lefebvre, arbitre, 2003-04-24.
II : DÉCISION ET MOTIFS
a) Sur requêtes en irrecevabilité
[8] Il a été mis en preuve que les bénéficiaires ont déposé une action contre l’entrepreneur à la division des petites créances de la Cour du Québec en date du 19 septembre 2003.
[9] Voici une reproduction partielle de cette demande :
Le 11 juin 2003, il y a eu une première inondation dans le sous-sol des demandeurs suite à des travaux d’aménagement paysagiste, de nivellement du terrain L’asphalte des entrées au garage effectués par le défendeur en arrière des maisons de ville 8-9-10-11 du projet "Terrasses Westover".
Les demandeurs ont remis une somme de 2000$ au défendeur pour améliorer la qualité des articles de plomberie dont le défendeur n’a jamais effectué.
Les demandeurs réclament une estimation au montant 3500$ qu’ils devront débourser pour refaire l’asphalte de l’entrée du garage, plus 2000$ que les demandeurs ont déboursé pour des articles de plomberie non reçus par le défendeur, plus 1000$ en dédommagement suite aux inondations, pour un montant total de 6500$.
(sic)
[10] La procureure de l’entrepreneur soulève deux objections préliminaires à cet égard.
[11] La première objection porte spécifiquement sur la réclamation des bénéficiaires relative au point 28 du rapport de l’administrateur, soit le tapis du sous-sol, lequel aurait été endommagé par une inondation suite aux travaux de terrassement exécutés par l’entrepreneur.
[12] Il a été mis en preuve qu’il ne s’agit pas ici de vices de construction ou de malfaçons, mais plutôt d’un dommage causé par l’inondation.
[13] Ce dommage découlerait des travaux de terrassement, lesquels sont exclus du plan de garantie, tel que stipulé à l’article 12.9°.
[14] De plus, en accord avec la procureure de l’entrepreneur, le soussigné estime qu’il ne peut y avoir double juridiction sur cette réclamation, les bénéficiaires demandant « 1000$ en dédommagement suite aux inondations » à la division des petites créances de la Cour du Québec.
[15] Pour ces motifs, le tribunal accueille favorablement cette requête en irrecevabilité relative à la réclamation ayant trait au tapis du sous-sol.
[16] En terminant sur ce point, mentionnons que la visite des lieux a clairement démontré que les dommages au tapis du sous-sol sont inexistants.
[17] La deuxième objection de la procureure est à l’effet qu’en allant devant les tribunaux, les bénéficiaires perdent les bénéfices de la garantie sur toutes les réclamations.
[18] La procureure cite l’article 19 du plan en vertu duquel l’arbitrage est obligatoire; si les bénéficiaires choisissent plutôt d’aller devant les tribunaux, ils perdent les bénéfices de la garantie. En décidant autrement, l’arbitre encourage les gens à scinder leur réclamation. De plus, cela oblige les intervenants à se déplacer deux fois, avec risque de confusion et d’anarchie, puisque l’on peut alors soulever des points supplémentaires et obtenir ainsi des décisions contradictoires.
[19] La décision du juge Pierre E. Audet[1] déposée par la procureure traite d’une requête en irrecevabilité pour des réclamations devant les tribunaux ayant trait à des vices cachés et des malfaçons, soit des réclamations déjà couvertes par le plan de garantie.
[20] Dans le présent dossier, ce n’est point le cas. À la division des petites créances de la Cour du Québec, les bénéficiaires, selon le libellé de leur demande, ne réclament que des dommages causés par l’inondation, dommages non couverts par le plan; voilà pourquoi ils étaient bien avisés d’utiliser ce recours.
[21] Les points restants faisant l’objet de la réclamation des bénéficiaires ne résultent pas de l’inondation; il n’existe donc aucun risque de dédoublement de juridiction, de décisions contradictoires ou de déplacements inutiles. Telle que libellée, la demande des bénéficiaires à la division des petites créances de la Cour du Québec ne peut porter à confusion.
[22] Les commentaires de MM. Gilles Doyon et Serge Crochetière[2] ne trouvent pas application dans le présent dossier puisque les bénéficiaires n’ont pas décidé, à pareille date, de soumettre les points restants devant les tribunaux.
[23] Pour ces motifs, cette deuxième requête en irrecevabilité est rejetée.
b) Sur le fond
[24] La numérotation des points ci-après énumérés fait référence au rapport d’inspection de l’administrateur daté du 2 octobre 2003 ainsi qu’à l’addenda daté du 31 octobre 2003.
Point 6 : Fonctionnement de la thermopompe
[25] Le tribunal n’a pas juridiction sur ce point puisque l’administrateur a déjà statué en faveur des bénéficiaires comme en fait foi l’addenda :
L’entrepreneur devra mandater son sous-traitant afin qu’il apporte les correctifs nécessaires à la thermopompe pour permettre aux bénéficiaires de maintenir une température intérieure confortable en hiver.
Point 10.4 : Joint de coulis de largeur non uniforme le long de la porte d’entrée
[26] Lors de la visite des lieux, ce joint non uniforme le long de la porte d’entrée était clairement visible.
[27] L’entrepreneur et l’administrateur suggèrent la pose d’une moulure (quart-de-rond) pour masquer cette inégalité.
[28] Les bénéficiaires n’acceptent pas cette solution; selon eux, dans les autres habitations, il n’y a pas de moulure et l’apparence est acceptable.
[29] De l’avis du soussigné, il s’agit ici d’un ouvrage qui ne respecte pas les règles de l’art, contrairement à ce que l’on a pu observer dans d’autres pièces de l’habitation. La pose d’une moulure le long d’une porte d’entrée (dans un vestibule) n’est pas appropriée et ne constitue qu’un moyen de camoufler un ouvrage mal exécuté.
[30] De plus, lors de la visite des lieux, le soussigné a remarqué des défauts dans les tuiles entourant la grille de chauffage au plancher.
[31] Pour ces motifs, le tribunal accueille favorablement cette réclamation et ordonne à l’entrepreneur de reprendre la pose des tuiles du vestibule d’entrée selon les règles de l’art et de façon comparable à ce que l’on a pu observer dans d’autres pièces de l’habitation.
[32] Le délai accordé à l’entrepreneur pour exécuter ces travaux est de soixante (60) jours à compter de la présente.
Point 26 : Serrure de la porte d’entrée principale
[33] Selon les bénéficiaires, cette serrure aurait déjà été utilisée sur une autre unité d’habitation; par mesure de sécurité, ils désirent qu’elle soit changée.
[34] En cours d’enquête, les parties ont convenu que l’entrepreneur remplacerait le barillet de serrure de la porte d’entrée principale.
[35] Le tribunal accorde à l’entrepreneur un délai de soixante (60) jours à compter de la présente pour effectuer ce travail.
Point 27 : Espace de dégagement autour de la thermopompe
[36] La thermopompe des bénéficiaires a été installée sous le balcon arrière; elle est assise sur quatre briques (de côté), lesquelles sont déposées sur une pierre patio.
[37] L’installation est tout à fait artisanale comparativement à celle des thermopompes des unités d’habitation voisines, lesquelles sont assises sur des supports d’acier.
[38] Selon M. Lacoste, spécialiste en chauffage, l’installation future d’un treillis de bois entourant le dessous du balcon pourrait affecter la durée de vie de la thermopompe. La présente installation peut donc porter atteinte à l’utilisation du bâtiment.
[39] Or, la pose d’un treillis entourant le dessous du balcon s’effectue dans le cadre d’une utilisation normale du bâtiment, soit par souci d’esthétique, soit pour fin d’entreposage; il ne s’agit pas ici d’une nouvelle vocation.
[40] Par ailleurs, l’installation actuelle de la thermopompe constitue, selon le tribunal, une iniquité au sens de l’article 116 du plan; qui plus est, son emplacement actuel non seulement ne facilite pas la maintenance éventuelle, mais peut même la compromettre.
[41] Pour ces motifs, le tribunal ordonne à l’entrepreneur d’installer la thermopompe à l’extérieur du balcon, conformément aux règlements en vigueur, et de l’asseoir sur un support d’acier.
[42] Le délai accordé à l’entrepreneur pour cet ouvrage est de cent quatre-vingts (180) jours à compter de la présente.
Point 30 : Porte française de la salle à manger
[43] En accord avec l’administrateur, l’arbitre soussigné est d’avis que les fissures dans le bois de cette porte sont très minimes et qu’elles résultent du comportement normal du bois.
[44] Cette réclamation est donc refusée.
Point 34 : Plancher de bois franc
Point 35 : Sablage du plancher de bois franc
Point 36 : Escalier de bois franc
Point 37 : Vernis de l’escalier de bois franc
[45] Malgré la présence de noeuds et de différentes teintes dans le bois, il existe une preuve prépondérante à l’effet que le bois utilisé pour la construction du plancher et de l’escalier de la propriété des bénéficiaires est du bois de catégorie « select » tel que stipulé au contrat.
[46] Le tribunal est aussi à même de constater que sur les planches de bois apparaissant sur les photos déposées par les bénéficiaires, considérées comme étant de catégorie « select », on peut noter différentes teintes.
[47] Pour ce qui est de l’application d’une seule ou deux couches de vernis sur le bois, il n’existe aucune preuve prépondérante à cet égard; toutefois, à l’oeil et au toucher, l’hypothèse de l’application de deux couches prévaut.
[48] Pour ces motifs, ces réclamations sont refusées.
Points 40, 41, 42 : Joints de coulis et alignement des tuiles
[49] Il s’agit ici de l’alignement des tuiles sur le plancher de trois salles de bain.
[50] Contrairement à l’ouvrage effectué dans le vestibule d’entrée, l’alignement, la pose et l’apparence des tuiles dans ces trois pièces ne comportent aucune anomalie.
[51] Pour ces motifs, ces réclamations sont refusées.
Point 43 : Cadrage de vinyle fissuré au bas de la porte patio
[52] L’administrateur note que cette anomalie n’a pas été dénoncée au moment de la réception du bâtiment, soit qu’elle n’avait pas été décelée par les bénéficiaires ou qu’elle n’existait pas à l’époque.
[53] Après analyse de la preuve, le tribunal retient plutôt la thèse d’une mauvaise utilisation de la porte (la porte aurait été forcée) plutôt que celle d’un défaut de fabrication ou d’un défaut résultant d’une utilisation normale.
[54] Pour ces motifs, cette réclamation est rejetée.
Point 44 : Porte française du vestibule d’entrée (verre clair)
[55] Cette porte a été livrée avec du verre clair alors que le contrat spécifiait du verre fumé ou grisé. Cette anomalie n’a pas été dénoncée par écrit lors de la réception du bâtiment; selon les bénéficiaires, les vitres de la porte étaient cachées par le plastique les recouvrant lors de la réception et ce n’est que quelques mois plus tard que ce plastique a été enlevé.
[56] En accord avec l’administrateur, l’arbitre considère que cette situation ne constitue pas une malfaçon au sens du contrat de garantie.
[57] Pour ces motifs, cette réclamation est refusée.
III : CONCLUSION
[58] Pour les motifs ci-devant énoncés, le tribunal :
ACCUEILLE favorablement la requête en irrecevabilité relativement à la réclamation ayant trait au tapis du sous-sol.
REJETTE la requête en irrecevabilité relativement aux autres points faisant l’objet d’une réclamation de la part des bénéficiaires. Conséquemment :
DÉCLINE juridiction au sujet de la réclamation sur le fonctionnement de la thermopompe.
REJETTE les réclamations suivantes :
S Porte française de la salle à manger
S Plancher de bois franc
S Sablage du plancher de bois franc
S Escalier de bois franc
S Vernis de l’escalier de bois franc
S Joints de coulis et alignement des tuiles
S Cadrage de vinyle fissuré au bas de la porte patio
S Porte française du vestibule d’entrée (verre clair)
ACCUEILLE favorablement les réclamations suivantes :
S Joint de coulis de largeur non uniforme le long de la porte d’entrée
S Espace de dégagement autour de la thermopompe
CONFIRME l’entente intervenue sur le point suivant :
S Serrure de la porte d’entrée principale
[59] Conformément à l’article 123 paragraphe 2 du plan, les coûts du présent arbitrage sont à la charge de l’administrateur.
SENTENCE rendue à Beloeil, ce 16e jour de décembre 2003.
Claude Dupuis, ing., arbitre
[1] Milzi et Dorion c. Construction André Taillon inc., M. le juge Pierre E. Audet, C.Q. Laval 540-22-007757-031, 2003-10-28, [En ligne - Jugements.qc.ca].
[2] Gilles DOYON et Serge CROCHETIÈRE. Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc. (extraits relatifs aux art. 19 et 106).