ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM) |
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Dossier no : |
GAMM : 2009-12-007 |
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APCHQ : 152439-1 (09-212SP) |
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ENTRE : HUGUETTE PINARD ET MICHEL LACHAPELLE
(ci-après les « bénéficiaires »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.
(ci-après l’« administrateur »)
ET : RÉSEAU VIVA INTERNATIONAL INC.
(ci-après l’« entrepreneur »)
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DEVANT L’ARBITRE : |
Me Johanne Despatis |
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Pour les bénéficiaires : |
Me Michel Paquin |
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Pour l’administrateur : |
Me Stéphane Paquette |
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Pour l’entrepreneur : |
M. Gabriel Gaertner |
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Dates d’audience : |
14 juillet et 28 août 2009 |
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Date de la sentence : |
28 septembre 2009 |
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SENTENCE ARBITRALE
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Adjudex inc.
0905-8332-GAMM
SA-8063
I
INTRODUCTION
[1] Madame Huguette Pinard et monsieur Michel Lachapelle, les bénéficiaires, contestent en vertu de l’article 19 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (décret 841-98), le Règlement, la décision suivante rendue le 24 avril 2009 par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., l’administrateur :
[...]
Considérant la limite de la garantie relative au remboursement de l’acompte prévue au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs [...] applicable lors de la signature du contrat préliminaire;
L’administrateur ordonne à l’entrepreneur Réseau Viva International inc. de rembourser l’acompte versé par les bénéficiaires dans les trente (30) jours de la réception de la présente, à défaut de quoi l’administrateur procèdera au remboursement de l’acompte versé par les bénéficiaires jusqu’à concurrence de la somme de trente mille dollars (30 000 $).
[2] Soutenant que les acomptes leur étant remboursables en vertu du Règlement sont de 39 000$ et non de 30 000$ les bénéficiaires, qui avaient versé des acomptes de 39 250$, présentent la demande d’arbitrage suivante :
[Les bénéficiaires] désirent en appeler par voie d’arbitrage de la décision rendue le 24 avril 2009 par Mme Joanne Tremblay.
[Les bénéficiaires] entendent faire valoir les motifs pour lesquels la couverture du plan de garantie devrait être de 39 000,00$ et non pas de 30 000,00$. Entre autres, parce qu’au moment de la signature du contrat préliminaire, l’immeuble faisant l’objet dudit contrat, n’était pas construit.
[Les bénéficiaires] produiront au moment de l’audition tous les documents qui serviront à établir que la construction de l’immeuble n’avait pas débutée. Plus particulièrement, les permis de la municipalité de Chertsey pour l’installation de fosse sceptique émis le 5 septembre 2006 et le permis de la construction du bâtiment principal émis le 5 septembre 2006. Mes clients produiront également un plan de localisation du 7 février 2007 qui établit qu’uniquement les fondations étaient faites à ce moment-là. La construction a donc débuté entre le 5 septembre 2006 et le 6 février 2007.
[3] La décision de l’administrateur ordonne à l’entrepreneur, sur la foi des articles 9 et 14 du Règlement, de rembourser aux bénéficiaires jusqu’à concurrence de 30 000$ les 39 250$ reçus d’eux à titre d’acomptes.
[4] Dans les faits, l’entrepreneur n’a pas donné suite et l’administrateur a remboursé un montant de 30 000$. Les bénéficiaires soutiennent avoir droit à 39 000$ de remboursement estimant avoir droit au montant prévu au Règlement amendé.
[5] En effet, le Règlement a sa forme actuelle depuis le 7 août 2006, ayant alors été amendé. Dans sa version antérieure, le remboursement d’acomptes susceptible d’être ordonné s’élevait à un maximum de 30 000$ passé à 39 000$ le 7 août 2006.
[6] L’article 9 du Règlement garantit dans certaines circonstances le remboursement à l’acquéreur d’un immeuble unifamilial des acomptes versés à un entrepreneur en défaut. L’article 14 du Règlement limite le montant des acomptes ainsi remboursables. Il se lisait ainsi avant d’être amendé :
La garantie d’un plan relative à un bâtiment unifamilial est limitée aux montants suivants :
1e pour les acomptes, 30 000 $ par bâtiment;
[7] La disposition se lit désormais comme suit :
La garantie d’un plan relative à un bâtiment unifamilial est limitée aux montants suivants :
1e pour les acomptes, 30 000 $ par bâtiment; (39 000 $ pour les travaux de construction débutant à compter du 7 août 2006)
[8] Cette modification résulte en effet de l’article 4 du Règlement modifiant le Règlement, paru dans la Gazette officielle du Québec du 8 février 2006 et qui se lit comme suit :
4. L’article 14 de ce règlement est modifié :
1e par le remplacement dans le paragraphe 1e de « 30 000 $ » par « 39 000$ ».
[9] Le texte règlementaire apportant au Règlement l’amendement qui précède comporte la disposition transitoire suivante :
30. Le présent règlement entre en vigueur le cent-quatre-vingtième jour qui suit la date de sa publication à la Gazette officielle du Québec.
Il s’applique aux bâtiments dont le contrat préliminaire ou le contrat d’entreprise est signé entre un bénéficiaire et un entrepreneur accrédité et dont les travaux de construction débutent à compter de cette date.
Toutefois, les dispositions des articles 1, 2, 7, 10, 11 du paragraphe 2e de l’article 12, ainsi que celles des articles 16, 19, 23 à 28 et du paragraphe 1e de l’article 29 sont applicables dans un délai de 15 jours après cette publication en ce qui a trait aux contrats de garantie en cours à cette date.
[10] Les parties conviennent que la modification apportée à l’article 14 du Règlement entrait en vigueur le 7 août 2006, soit le 180e jour suivant la date de la publication de la Gazette officielle du Québec pertinente.
II
PREUVE
[11] L’histoire remonte à février 2006 alors que monsieur Gabriel Gaertner, président de Réseau Viva International inc., l’entrepreneur, présente au Salon du Chalet de Montréal un projet domiciliaire visant la construction de plusieurs chalets aux abords du Lac Clermoutier dans Lanaudière. Le projet aurait sa propre station d’eau potable, de traitement des eaux usées, etc. En somme, faisait valoir monsieur Gaertner, il s’agirait de la construction d’un village complet.
[12] Intéressés, les bénéficiaires signent avec l’entrepreneur le 9 juin 2006 un contrat préliminaire en vue de la construction au coût de 163 000$ d’un chalet et prévoyant le versement d’acomptes de 40 750 $, le seul contrat préliminaire au dossier. Un addendum au contrat prévoit que l’entrepreneur accorde un rabais de 5 000$ sur le prix de la transaction qui est donc ramenée à 158 000$. Ce rabais sera déduit du premier versement qui sera donc ramené à 19 450$. Le premier acompte de 19 450$ est ainsi versé le 16 juin 2009.
[13] Le 24 juillet 2006, l’entrepreneur transmet à l’ensemble de ses clients, dont les bénéficiaires, les informations et propositions suivantes :
[…] tous les terrains du bord de l’eau de la phase 1 sont maintenant vendus…
Vous trouverez ci-après quelques compléments d’information concernant votre achat. Nous souhaitons que vous en preniez connaissance et que vous nous fassiez part de vos commentaires éventuels.
[…]
Prix de vente : Vous trouverez ci-joint la nouvelle liste de prix, en vigueur jusqu’au 31 décembre prochain. Certaines options ont été ajoutées, et le prix de certaines d’entre elles ont été modifiées à la baisse. Nous vous invitons à en prendre connaissance, et vous fournissons ci-après quelques explications. Bien entendu, ceux d’entre vous ayant commandé certaines options à un prix initial plus élevé, verront leur facture finale ajustée en conséquence.
Sont concernés par ces modifications :
- Le vestibule : qui reste à 12,500$ pour les deux modèles s’il est réalisé après coup, mais qui baisse à 8,750$ s’il est réalisé au moment de la construction; une économie de 30%.
- Le demi sous-sol : le prix initial calculé avant la réalisation de tests de sol, incluait un montant élevé pour le dynamitage, mauvaises surprises et réserves en tous genres. La route de la phase 1 étant maintenant réalisée, ainsi que les fondations du chalet-modèle, nous avons pu fortement réviser nos prix pour ce poste à la baisse.
Dans le cas des chalets du bord de l’eau […], le demi sous-sol représente une surface additionnelle facilement aménageable par la suite, d’environ 580 pi2 […]. La surface habitable de 860 pi2 […] peut ainsi être portée à 1440 pi2 […], une augmentation de plus de 60%. Le prix comprend des fondations périphériques en béton, une dalle isolée en béton, un vestibule d’entrée en rez-de-chaussée, avec placard et escalier d’accès au sous-sol, ainsi que les ouvertures suivantes déjà fournies et installées; porte d’entrée indépendante en rez-de-jardin, porte-fenêtre et fenêtre sur cuisine. Cela permet la réalisation, à moindre coût de 2 chambres supplémentaires.
- Vide sanitaire accessible : à la demande de certains clients, pour les terrains en pente, nous proposons également une version avec vide sanitaire accessible, permettant le stockage de matériel sur une surface sensiblement identique à la version demi sous-sol. Dans ce cas, des murs de fondations périphériques sont construits à une hauteur de 8 pieds environ […]. Le sol est recouvert de gravier, et une porte d’accès est créée sous la terrasse. Cette version annoncée sur la liste de prix ci-jointe à 7,250 $, est proposée aux premiers acheteurs (salon du chalet et avant) au prix exceptionnel de 5,250$. Une réponse doit toutefois nous parvenir au plus tard le 5 août prochain, période vers laquelle nous commencerons les premières fondations.
[Caractères gras ajoutés]
[14] Le 4 août 2006, les bénéficiaires donnent suite et informent l’entrepreneur par courriel qu’ils souhaitent voir leur chalet construit avec un vide sanitaire plutôt que sur pilotis, moyennant un coût supplémentaire de 5,250 $. Ce à quoi l’entrepreneur répond quatre jours plus tard :
Merci pour votre réponse. Nous en tiendrons compte lors de la réalisation de vos fondations. Pour la bonne forme, nous vous demandons de bien vouloir nous confirmer votre demande par écrit accompagné d’un chèque de 25% de 5 250$, soit 1 312,50$.
[15] Éventuellement, les bénéficiaires décident également d’ajouter un vestibule.
[16] Ces deux ajouts donnent lieu à un rajustement de 14 000 $ du prix total de vente confirmé le 20 août 2008 et qui passe ainsi à 177 000$. Les acomptes payables sont eux-mêmes augmentés de 3 500$.
[17] Ce qui précède ressort de deux documents déposés en preuve. Le premier intitulé Feuille d’extras est daté du 20 août 2006. Le second intitulé Fiche client est préparé par l’entrepreneur et la seule date qui y figure est celle du 9 juin 2006 bien que l’on sache que ce document est contemporain au précédent.
[18] Ainsi, les bénéficiaires versent à l’entrepreneur en plus de l’acompte initial convenu un acompte additionnel de 3 500$. On l’a vu le premier versement avait eu lieu en juin 2006, le second de 3 500$ a lieu le 20 août 2006 et finalement le dernier de 16 300$ le 7 mars 2007.
[19] Qu’en est-il du chantier?
[20] Selon le témoignage non contredit de monsieur Lachapelle, au 7 août 2006, la construction de son chalet n’avait pas débuté. À cette date, selon l’entrepreneur, seul un peu de déboisement a été fait en vue de l’arpentage et de la construction éventuelle des routes, ainsi que des tests d’eau pour la station de pompage.
[21] En raison de circonstances décrites par l’entrepreneur comme ayant été hors de son contrôle, le démarrage des travaux est retardé, les permis de construction n’étant émis qu’en septembre 2006.
[22] Malheureusement, explique monsieur Gaertner, plusieurs obstacles se dressent dont notamment des difficultés avec le Ministère de l’environnement, des problèmes de zonage, etc. Il en résulte qu’il n’a jamais été en mesure de livrer leur chalet aux bénéficiaires auxquels il écrit le 24 novembre 2008 :
Vous avez signé avec notre entreprise un contrat préliminaire, le 9 juin 2006 pour l’achat de votre chalet au domaine du lac Clermoutier et vous avez versé en dépôt un montant total de 39 250,00$.
Malheureusement, compte tenu de nombreux délais indépendants de notre volonté, et de la difficulté que nous rencontrons pour le refinancement de ce projet, nous n’avons pas été en mesure de vous livrer votre chalet et ne sommes plus en mesure de le faire.
Les difficultés financières de Réseau Viva International Inc. s’expliquent essentiellement par les raisons suivantes :
- Le Ministère de l’environnement a tardé à donner les autorisations nécessaires à la mise en place des réseaux d’aqueduc et d’égout; 9 mois d’attente;
- Hydro-Québec qui s’était engagée à livrer les installations électriques le ou vers le 15 septembre 2007 n’a complété son travail qu’en février 2008;
- Ces retards très importants n’ont pas permis de notarier (sic) les premières propriétés dans un délai raisonnable et ont fini par causer des problèmes de fonds de roulement impossibles à résoudre.
Afin de sortir de ces difficultés financières, et permettre au projet de continuer, Réseau Viva International Inc. a consenti à remettre, par voie de prise en paiement volontaire, l’ensemble du projet à son principal créancier hypothécaire, la Société en Commandite Solimezz.
Suite à cette décision, Réseau Viva International Inc. n’a plus aucun actif lui permettant d’honorer ses obligations. C’est pourquoi, je vous invite par la présente, à vous adresser à l’APCHQ auprès de qui vous êtes assuré afin de faire valoir vos droits :
- Pour récupérer la totalité ou une partie de vos dépôts;
le tout, suivant les règles de leur programme de Garantie Maisons Neuves.
Vous pourrez me contacter, ou contacter directement Me Michel Paquin, représentant dûment autorisé du principal créancier hypothécaire, lequel a accepté de vous aider à déposer votre réclamation auprès de l’APCHQ.
Je tiens également à préciser que les dépôts faisant l’objet de votre contrat préliminaire ont été encaissés avant la prise en gestion par Solimezz et que cette entité ainsi que les autres créanciers n’ont aucune responsabilité quant à leur utilisation dans le projet.
[Caractères gras ajoutés]
[23] C’est dans ces circonstances que Me Paquin, procureur des bénéficiaires, présente à l’administrateur le 18 janvier 2009 une demande de remboursement des acomptes versés. On y lit :
Je représente les intérêts de Mme Huguette Pinard et M. Michel Lachapelle, lesquels ont signé avec Réseau Viva International Inc. un contrat préliminaire le 9 juin 2006 pour l’achat d’un chalet […] au Domaine du Lac Clermoutier, au prix de 177 000, 00$ et ils ont versé à titre de dépôt, les sommes suivantes :
[…]
En conséquence, je réclame, au nom de mes clients, à La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc., de leur rembourser la partie assurable de leur dépôt, soit la somme de 39 000.00$.
[Caractères gras ajoutés]
[24] Parallèlement, Me Paquin, toujours au nom des bénéficiaires, met l’entrepreneur en demeure de leur rembourser les acomptes versés. Est jointe à sa lettre une déclaration signée par les bénéficiaires dans laquelle on peut lire :
J’ai signé avec Réseau Viva International Inc. un contrat préliminaire le 9 juin 2006 pour l’achat d’un chalet (…) au Domaine du Lac Clermoutier, au prix de 177 000$ et j’ai versé en dépôt un montant total de 39 250 $.
Vu les difficultés financières de Réseau Viva International Inc., celle-ci a consenti à remettre par voie de PRISE EN PAIEMENT VOLONTAIRE, l’ensemble du projet à son principal créancier hypothécaire, la Société en commandite Solimezz.
Suite à cette décision, Réseau Viva International Inc. n’a plus aucun actif lui permettant d’honorer ses obligations et de terminer le chalet pour lequel j’avais donné un dépôt.
En conséquence, je réclame à La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc., le montant de mon dépôt.
[Caractères gras ajoutés]
III
PLAIDOIRIES
Bénéficiaires
[25] Le procureur résume ainsi les faits dans son plan d’argumentation :
Le 9 juin 2006 un contrat préliminaire de vente est intervenu entre les bénéficiaires et l’entrepreneur […] au montant de 163 000,00$ avant taxes (…). Le prix était en fonction du fait que la propriété à construire devait être construite sur un vide sanitaire.
Le contrat a été modifié après le 6 aout 2006, au montant de 177 000,00$ avant taxes du à l’ajout d’un demi sous-sol, pleine grandeur et d’un vestibule.
[Caractères gras ajoutés]
[26] Essentiellement pour les bénéficiaires, la signature de leur contrat avec l’entrepreneur serait pour les fins du Règlement postérieure au 7 août 2006 puisque des modifications apportées au contrat initial après cette date auraient fait naître un nouveau contrat. Leur procureur, s’appuyant sur l’article 2865 du Code civil du Québec, affirme que ces modifications constitueraient un commencement de preuve permettant de démontrer par témoignage l’existence d’un contrat conclu après la date d’entrée en vigueur du nouvel article 14 du Règlement ou à tout le moins une modification de la date de conclusion du premier contrat.
[27] Le plan d’argumentation du procureur décrit ainsi la question en litige :
Quel règlement s’applique lorsque le contrat préliminaire de garantie obligatoire et de vente a été signé avant août 2006 mais que les travaux de construction ont débuté après le 7 aout 2006 et que le bénéficiaire a versé plus de 30 000$?
[Caractères gras ajoutés]
[28] Plus loin, s’appuyant sur l’article 30 du Règlement modifiant le Règlement et sur le texte de l’article 14 de ce dernier, Me Paquin soutient que le seul fait que la construction n’avait pas débuté au 7 août 2006 suffisait pour assujettir le remboursement demandé à la nouvelle disposition.
[29] Le procureur invoque à cet égard certains commentaires tirés du site internet de la Régie du bâtiment qu’il résume ainsi :
A la lecture même des directives de la Régie du Bâtiment pour [que] l’ancien règlement s’applique il doit y avoir deux conditions la vente et la construction a eu lieu avant le 7 aout 2006. [sic]
[30] Me Paquin soutient en outre que l’article 30 du Règlement modifiant le Règlement est ambigu et qu’il doit donc conséquemment être interprété de manière favorable aux bénéficiaires, i.e. comme n’exigeant qu’une seule condition à l’application de l’article 14 modifié et non deux comme l’affirme l’administrateur.
[31] Se tournant vers l’article 116 du Règlement qui prévoit que l’arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient, le procureur ajoute :
Si vous veniez à la conclusion que pour que les anciennes dispositions s’appliquent il est suffisant que le contrat original ait été conclu avant le 7 août 2006 et qu’il n’est pas nécessaire que la construction ait débutée, je vous soumets que dans les circonstances vous pouvez faire appel à votre droit d’exercer l’équité en vertu de l’article 116.
[…]
Il serait inéquitable que l’entrepreneur puisse s’envoler avec des acomptes supérieurs à 30 000$ seulement parce que le contrat a été signé avant le 7 août 2009 [sic]. L’entrepreneur peut alors représenter au consommateur voici depuis la signature du contrat la garantie des acomptes a été bonifiée et donc tu es protéger jusqu’à 39 000$ et je te demande de me verser d’autres acomptes et le bénéficiaire qui va sur le site de la Régie constate la version du règlement et de bonne foi verse des acomptes supplémentaires et ne pas être protéger.
[sic]
[Caractères gras ajoutés]
[32] Le procureur a invoqué les autorités suivantes : Agudelo et Garantie Habitation du Québec inc., SA 6 juin 20007, arbitre Jeffrey Edwards; Garantie Habitation du Québec inc. c. Masson, CS, 12 juin 2002, 500-05-071027-021, juge Denis Durocher; Brouillette & Hébert et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SA, 23 juin 2008, arbitre Alcide Fournier; La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Dupuis, 2007 ACCS 4701; Tee & Ruan et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SA 26 novembre 2006, arbitre Johanne Despatis.
Administrateur
[33] Pour le procureur, la question se résume à l’interprétation à donner à l’article 30 du Règlement modifiant le Règlement, relativement à l’entrée en vigueur de la modification apportée à l’article 14 du Règlement.
[34] Selon Me Paquette, l’application du nouvel article 14 exige non seulement que le contrat préliminaire auquel on veut l’appliquer soit intervenu après le 7 août 2006 mais aussi que la construction n’ait pas été débutée à cette date. Pour le procureur, cette disposition pose deux exigences, elle est claire et ne souffre donc d’aucune ambigüité.
[35] Prenant à son compte les commentaires déposés par son vis-à-vis et extraits du site internet de la Régie du bâtiment, le procureur y voit une confirmation de sa propre position lorsque la Régie distingue ainsi la période antérieure au 7 août 2006 et celle postérieure :
AVANT LE 7 AOUT 2006
Informations valides pour les maisons et unités d’habitation dont la vente a eu lieu ou la construction a débuté AVANT LE 7 AOUT 2006
[...]
Renseignements valides pour les […] dont la vente a eu lieu et la construction a débuté LE 7 AOUT 2006 OU APRÈS.
[36] Il en résulte, poursuit le procureur, que si une seule des deux circonstances identifiées est présente, i.e. soit un contrat intervenu, soit un chantier commencé, avant le 7 août 2006, c’est l’ancien Règlement qui s’applique. Or, dit-il, la preuve est à l’effet que le contrat pertinent et la construction sont antérieurs au 7 août 2006.
[37] Corollairement, poursuit Me Paquette, les nouvelles dispositions relatives au remboursement d’acomptes jusqu’à 39 000$ exigent la présence des deux conditions : une vente et une construction postérieure au 7 août 2006.
[38] Se tournant vers la preuve, le procureur soutient que même la construction était commencée au 7 août 2006 puisque l’entrepreneur avait fait certains travaux en vue de l’arpentage et de l’émission éventuelle des certificats de localisation ainsi que certains tests notamment pour la station de traitement des eaux usées. S’inspirant de la sentence Les Jardins du Parc Jarry - Phase III B et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ rendue par l’arbitre Michel A. Jeanniot le 11 juin 2009, le procureur soutient que les travaux dont il s’est agi ici soient dans les circonstances assimilés à des travaux de construction. Or, ceux-ci étaient antérieurs à la date butoir du 7 août 2006.
[39] De plus, poursuit le procureur, le contrat préliminaire a été signé le 9 juin 2006, soit bien avant le 7 août, entente comportant déjà à cette époque le versement d’acomptes supérieurs à 30 000$.
[40] Selon Me Paquette, les modifications apportées à ce contrat le 20 août 2006 n’ont pas eu, pour nos fins, l’effet de faire naitre un nouveau contrat. Il s’agit plutôt, poursuit le procureur, d’une simple modification à un contrat préexistant, une pratique d’ailleurs courante en matière de construction où il est très rare qu’aucune modification ne soit apportée au contrat initial en cours de route. Certaines modifications peuvent être majeures et d’autres mineures. Or, poursuit le procureur, ce n’est pas parce que les parties ont modifié le contrat initial en ajoutant un vide sanitaire et un vestibule que cela en faisait un nouveau contrat.
[41] Tout en concevant que le choix d’une date charnière dans un règlement est susceptible de ne pas faire l’affaire de certains, qui se retrouvent du mauvais côté de la date choisie, il reste que selon le procureur le procédé est inévitable pour que le droit puisse évoluer. Il en résulte, selon lui, que l’arbitre ne saurait valablement au nom de l’équité mettre de côté une disposition aussi claire et limpide.
[42] Le procureur a également invoqué l’autorité suivante : Crochetière S. et Doyon G., Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté, Les éditions Yvon Blais inc., page 37.
IV
ANALYSE ET DÉCISION
[43] Ce litige pose pour l'essentiel la question de l’interprétation à donner à l’article 30 du Règlement modifiant le Règlement. Selon ce qui ressort de cette disposition, les modifications apportées notamment au texte de l’article 14 du Règlement entraient en vigueur le 7 août 2006.
[44] Selon le second paragraphe de cet article, qui vise notamment l’article 14 du Règlement, le texte modifié s’applique aux bâtiments dont le contrat préliminaire […] est signé entre un bénéficiaire et un entrepreneur accrédité et dont les travaux de construction débutent à compter du 7 août 2006.
[45] S’agissant du moment où situer la signature d’un contrat, il faut voir que le troisième paragraphe de l’article 30 énonce une exception en faveur de contrats de garantie en cours à [une] date bien précise. Si on avait voulu que le second paragraphe s’applique aux contrats en cours au 7 août 2006 on se serait exprimé comme on l’a fait au troisième paragraphe.
[46] Avec égards, le second paragraphe de l’article 30 est clair et ne prête pas à interprétation. L’expression à compter de cette date situe précisément dans le temps le moment à partir duquel deux conditions sont susceptibles d’être réunies : (1) des travaux de construction débutés; (2) selon un contrat qui est nouvellement signé avec un entrepreneur accrédité.
[47] Qu’en est-il en l’espèce ?
[48] Les bénéficiaires reconnaissent avoir signé avec un entrepreneur accrédité un contrat préliminaire le 9 juin 2006 en vue de la construction d’un chalet. Au mois d’août, suite essentiellement à une sollicitation de l’entrepreneur, ils décident d’ajouter un vestibule et un vide sanitaire. Faits à souligner, les bénéficiaires bénéficient alors du prix offert aux premiers acheteurs. Un document constatant ces ajouts est préparé.
[49] Les bénéficiaires soutiennent que malgré la documentation produite, malgré les apparences et les aveux présents dans leur procédure même, je devrais considérer qu’un seul contrat serait intervenu et encore que le 20 août 2006 soit au moment où les modifications de quelque 14 000$ apportées au contrat initial de 163 000$ auraient été formalisées par écrit par eux et l’entrepreneur.
[50] En pratique, les parties admettent qu’un contrat écrit valablement fait est intervenu en juin 2006. Avec égards, rien dans la preuve ne permet de retenir la proposition voulant que le contrat dont il s’agit ici ne serait intervenu qu’à compter du 7 août 2006.
[51] L’article 2862 du Code civil du Québec dispose :
La preuve d'un acte juridique ne peut, entre les parties, se faire par témoignage lorsque la valeur du litige excède 1 500 $.
Néanmoins, en l'absence d'une preuve écrite et quelle que soit la valeur du litige, on peut prouver par témoignage tout acte juridique dès lors qu'il y a commencement de preuve; on peut aussi prouver par témoignage, contre une personne, tout acte juridique passé par elle dans le cours des activités d'une entreprise.
[52] L’article 2863 du Code civil du Québec stipule :
Les parties à un acte juridique constaté par un écrit ne peuvent, par témoignage, le contredire ou en changer les termes, à moins qu'il n'y ait un commencement de preuve.
[53] Avec égards, aucun argument ni élément de preuve avancés ne permettent de valablement mettre de côté le document daté de juin 2006 ou d’ignorer qu’il s’agissait d’un contrat préliminaire intervenu avec un entrepreneur accrédité. Le procureur des bénéficiaires a suggéré que les modifications qu’on y a apportées pourraient être qualifiées de commencement de preuve au sens de l’article 2865 du Code civil du Québec :
Le commencement de preuve peut résulter d'un aveu ou d'un écrit émanant de la partie adverse, de son témoignage ou de la présentation d'un élément matériel, lorsqu'un tel moyen rend vraisemblable le fait allégué.
[54] Il faut garder à l’esprit que l’article 2865 du Code civil du Québec ouvre une porte à une preuve orale qui rendrait vraisemblable un fait allégué. Or, de quel fait s’agit-il ? De l’affirmation selon laquelle le contrat de juin aurait été mis de côté pour être remplacé par un autre intervenu à une date postérieure au 7 août 2006.
[55] Avec égards, même en qualifiant de commencement de preuve les circonstances invoquées, celles-ci ne permettent pas de voir autre chose dans celles-ci qu’un amendement au surplus mineur à contrat antérieur au 7 août 2006. Il en serait peut-être autrement si l’objet principal ou quelque considération majeure avaient changé; mais ce n’est pas le cas ici.
[56] En conclusion, l’ensemble de la documentation au dossier démontre de manière largement prépondérante que le contrat préliminaire a été signé entre les bénéficiaires et l’entrepreneur le 9 juin 2006, donc bien avant le 7 août 2006.
[57] Il en résulte que cette réclamation est demeurée assujettie aux dispositions du Règlement telles qu’elles se lisaient avant le 7 août 2006, notamment son article 14.
[58] Les bénéficiaires ont versé à l’entrepreneur des acomptes excédant le maximum qui peut leur être remboursé en vertu de l’article 14 qui leur est applicable soit 30 000$. Avec égards, le tribunal n’a pas l’autorité d’agir en équité pour ignorer le texte clair d’une disposition transitoire expresse.
[59] Pour tous ces motifs, je conclus que la décision de l’administrateur rendue en l’espèce était bien fondée. Le recours est en conséquence rejeté.
[60] Je décide à propos dans les circonstances que les coûts d’arbitrage seront défrayés par l’administrateur vu la discrétion accordée à l’arbitre à cet égard à l’article 123 du Règlement.
Montréal, le 28 septembre 2009
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__________________________________ Johanne Despatis, avocate Arbitre
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Adjudex inc.
0905-8332-GAMM
SA-8063