Deloys c. Immobilier JLB inc. | 2024 QCTAL 18932 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
| ||||||
No dossier : | 752233 31 20231218 T | No demande : | 4237623 | |||
|
| |||||
Date : | 06 juin 2024 | |||||
Devant la juge administrative : | Amélie Dion | |||||
| ||||||
Carine Deloys |
| |||||
Locataire - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Immobilier Jlb Inc. |
| |||||
Locatrice - Partie défenderesse | ||||||
| ||||||
D É C I S I O N
| ||||||
[1] Par un recours introduit le 13 mars 2024, la demanderesse demande la rétractation du jugement rendu le 11 mars alors qu’elle était présente.
[2] La mandataire de la locatrice conteste la demande affirmant que la demanderesse ne veut que gagner du temps en ne payant pas son loyer.
[3] La demande de la locatrice est fondée sur l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, lequel prévoit :
« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.
Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.
La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.
La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.
Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »[1]
[4] À maintes reprises, les tribunaux ont réitéré que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l’irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d’appel du Québec :
« Le principe de l’irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d’où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l’exception et ne pas devenir la règle. »[2]
[5] L’absence d’une partie ne donne pas ouverture systématiquement à la rétractation de jugement tel que le mentionnent les auteurs Rousseau-Houle et De Billy :
« Le seul fait qu’une partie soit absente à l’audience ne lui donnera pas automatiquement droit à une demande en rétractation. En vertu de l’article 89, la partie doit motiver son absence par une cause jugée suffisante. »[3]
La qualité de locataire
[6] La locataire fait valoir qu’elle n’est pas la locataire du logement. Ensuite, elle affirme qu’elle vit avec sa mère la véritable détentrice du bail.
[7] Le mandataire explique avoir transmis un avis de reconduction du bail en 2022 au nom de la mère de la demanderesse. Celle-ci signe à la place de sa mère la réception de l’avis d’augmentation, le 4 février 2022.
[8] Par la suite, elle demande au mandataire de la considérer comme la seule locataire, ce qu’elle nie aujourd’hui. Aussi, elle demande au mandataire de lui transmettre le relevé 31, ce qu’il fait. Elle explique qu’elle a demandé au mandataire de mettre ce relevé à son nom avec l’autorisation de sa mère.
[9] Depuis ce temps, les paiements du loyer sont toujours faits par la demanderesse.
[10] Le ou vers le 1er février 2023, le mandataire de la locatrice transmet l’avis d’augmentation de loyer, au nom de la demanderesse, ainsi que le relevé 31. Elle refuse les modifications proposées et n’indique pas qu’elle agit en sa qualité de mandataire.
[11] En septembre 2023, le mandataire introduit une demande d’accès au logement devant le TAL. La demanderesse se présente comme locataire du logement sans mention particulière qu’elle ne serait pas la locataire. Le juge administratif ordonne à la locataire de permettre l’accès au logement en vue des traitements antiparasitaires.
[12] Le 19 janvier 2024, la demanderesse transmet une mise en demeure à la locatrice. L’avocate identifie sa cliente comme étant la locataire du logement.
[13] Lors de l’audience sur le non-paiement du loyer, la demanderesse est présente et ne mentionne pas qu’elle ne serait pas la véritable locataire.
[14] Lors de la demande en rétractation de jugement, la demanderesse indique qu’elle n’a pas donné de preuve de paiement imprimée au juge. Elle demande donc la permission de déposer ces preuves.
[15] 46 jours plus tard, la demanderesse amende sa procédure prétendant qu’elle n’est pas la locataire du logement.
[16] Le Tribunal conclu de la preuve que la locataire s’est toujours comportée comme étant la seule et unique locataire du logement depuis le mois de février 2022. La soussignée croit la version du mandataire lorsqu’il témoigne qu’elle lui a demandé de la considérer comme la locataire du logement. La mère de celle-ci ne s’est jamais opposée à cet état de fait.
L’appel déguisé
[17] Ainsi, la locataire demande une deuxième chance, elle désire obtenir un jugement en sa faveur et que le Tribunal reconsidère les montants impayés. Il s’agit d’un appel déguisé et le jugement ne sera donc pas rétracté.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[18] REJETTE la demande de rétractation;
[19] MAINTIENT la décision du 11 mars 2024.
|
| ||
|
Amélie Dion | ||
| |||
Présence(s) : | la locataire Me Farouk El Khiraoui, avocat de la locataire le mandataire de la locatrice | ||
Date de l’audience : | 30 mai 2024 | ||
| |||
| |||
[1] RLRQ, chapitre T-15.01.
[2] Entreprises Roger Pilon Inc et al. c. Atlantis Real Estate Co.,
[3] Le bail de logement : analyse de la jurisprudence, Wilson & Lafleur Ltée (1989) Montréal, p. 307.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.