Décision

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Karabellas c. De Agostinis

2021 QCTAL 32215

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

590626 31 20210928 T

No demande :

3402489

 

 

Date :

13 décembre 2021

Devant la juge administrative :

Chantale Bouchard

 

Mario Karabellas

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Steve De Agostinis

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le Tribunal est saisi d’une demande introduite par le locataire le 26 novembre 2021, afin d’obtenir la rétractation de la décision rendue le 17 novembre 2021 dans le dossier originaire, où il est défendeur.

[2]         Les motifs y sont inscrits comme suit :

« Le demandeur n’a pu présenter une preuve

La présente demande est conforme à la loi et produite dans le délai requis de 10 jours : [...], soit le 2021 11 25

La partie demanderesse déclare qu’elle est la partie défenderesse dans la demande originaire […]. Elle expose ci-après, les moyens sommaires de défense qu’elle entend faire valoir :

Logement pas réparer – Entente pas respecter pret a payer » (sic)

(Soulignements ajoutés)

[3]         L’analyse du dossier révèle que le locateur déposait son recours le 28 septembre 2021 en vue notamment d’obtenir la résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer, que suivant un avis d’audition à cet effet, l’audience de cette affaire avait lieu le 11 novembre 2021, que les deux parties y étaient présentes, et que le dispositif du jugement contesté accueillait partiellement le recours, selon son dispositif :

« [10] RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion du locataire et de tous les occupants du logement;

[11] ORDONNE l’exécution provisoire, malgré l’appel, de l’ordonnance d’expulsion à compter du 11e jr de sa date;

[12] CONDAMNE le locataire à payer à la locatrice la somme de 1 931 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 28 septembre [...];

[13] REJETTE la demande quant aux autres conclusions. »


[4]         La demande en rétractation se fonde sur l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1], lequel édicte :

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

(Soulignements ajoutés)

[5]         De plus, aux termes de l’article 44 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement[2] si la requête en rétractation est produite par le défendeur à la demande originaire, elle doit contenir non seulement les motifs qui la justifient, mais également les moyens sommaires de défense à l’action initiale. L'exposé des moyens sommaires de défense à l’action initiale est usuellement pris en compte lorsque le tribunal juge qu'il y a motif à rétractation, et ce, afin de s'assurer qu'ils puissent avoir une incidence sur la décision qu'il entendrait rétracter. Dans le cas contraire, la rétractation deviendrait inefficiente et vaine d’un point de vue d’une saine administration de la justice, entrant également dans la lignée du principe de proportionnalité[3] [4].

[6]         Le recours en rétractation en est un d'exception au principe de l'irrévocabilité des jugements. En ce sens, les critères y donnant ouverture doivent être appliqués restrictivement et avec rigueur afin de préserver cette stabilité nécessaire à une saine administration de la justice. La procédure doit contribuer à la protection des droits de toutes les parties et la remise en question des décisions rendues ne doit pas devenir la règle, d'où le sérieux que doivent revêtir les motifs qui la soustendent.[5] [6]

[7]         Pour ce faire, et selon les dispositions des articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec, il appartient au demandeur (comme à toute partie qui veut faire valoir un droit) de prouver les faits qui soutiennent sa prétention, de façon prépondérante et probable. Ainsi, si une partie ne s’acquitte pas de son fardeau de convaincre le Tribunal[7] ou que ce dernier soit placé devant une preuve contradictoire, c’est cette partie qui succombera et verra ses prétentions rejetées.[8]

ANALYSE

[8]         En vue de la présente séance, un avis d’audience a été expédié aux parties à leur adresse respective apparaissant au dossier, et ce, en date du 30 novembre 2021.[9]

[9]         Or, malgré ces avis, lesquels n’ont pas été retournés à son expéditrice, le locataire est absent, sans qu’une missive n’ait été acheminée pour expliquer cette absence, le tout selon vérifications faites, séance tenante, au dossier informatisé du Tribunal (SISTA).

[10]     Partant, le locateur demande le rejet du recours, vu l’absence du locataire et de la preuve.

[11]     CONSIDÉRANT la présence de la partie défenderesse;

[12]     CONSIDÉRANT l'absence de la partie demanderesse;

[13]     CONSIDÉRANT l'absence de preuve à l'appui de la demande;

[14]     CONSIDÉRANT l’article 2803 du Code civil du Québec;

[15]     CONSIDÉRANT l’article 67 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[10] ainsi que l’alinéa 2 de l’article 30 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement[11];

[16]     CONSIDÉRANT qu’il y a lieu de rejeter la demande;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[17]     REJETTE la demande;

[18]     MAINTIENT la décision rendue le 17 novembre 2021 dans le dossier originaire numéro 590626.

 

 

 

 

 

 

 

 

Chantale Bouchard

 

Présence(s) :

le locateur

Date de l’audience : 

7 décembre 2021

 

 

 


 


[1] RLRQ, c. T-15.01.

[2] RLRQ, c. T-15.01, r.5.

[3] L’article 63.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement édicte ceci : « Les parties doivent s'assurer que toutes demandes ou requêtes choisies sont, eu égard aux coûts et au temps exigés, proportionnées à la nature et à la finalité de la demande et à la complexité du litige; le membre doit faire de même à l'égard d'une demande qu'il autorise ou de toute ordonnance qu'il rend. »

L’on retrouve une disposition similaire dans le Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), article 18 : « Les parties à une instance doivent respecter le principe de proportionnalité et s'assurer que leurs démarches, les actes de procédure, y compris le choix de contester oralement ou par écrit, et les moyens de preuve choisis sont, eu égard aux coûts et au temps exigé, proportionnés à la nature et à la complexité de l'affaire et à la finalité de la demande.

Les juges doivent faire de même dans la gestion de chacune des instances qui leur sont confiées, et ce, quelle que soit l'étape à laquelle ils interviennent. Les mesures et les actes qu'ils ordonnent ou autorisent doivent l'être dans le respect de ce principe, tout en tenant compte de la bonne administration de la justice. »

[4] Dans l’arrêt Pickard c. Olivier de la Cour d’appel du Québec, il était jugé que cet article 63.1 de la Loi sur la Régie du logement reprenait la règle de la proportionnalité édictée à l'article 4.2 du Code de procédure civile (correspondant au nouvel article 18.)

« [13] Il est manifeste que le nouvel alinéa de l'article 9.8 de la Loi vise à conférer à la Régie des pouvoirs comparables à ceux accordés à la Cour du Québec par l'article 46 du Code de procédure civile, et que l'article 63.1 reprend la règle de la proportionnalité énoncée à l'article 4.2 C.p.c.3, alors que l'article 63.2 confère à la Régie les pouvoirs nécessaires pour réagir à l'égard des recours abusifs ou dilatoires intentés devant elle. » 4 (Référence omise ; Soulignements ajoutés)

[5] Entreprises Roger Pilon inc. et al. c. Atlantis Real Estate Co., [1980] C.A. 218 : « Il ne faut pas confondre formalisme et procédure : celle-ci est essentielle à la marche ordonnée des instances. Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle. »

[6] Voir également Bergeron c. Carrière, [1970] R.P. 91 (C.A.); Robsky c. A. Harper Ass. Inc., [1976] R.P. 121 (C.A.); Fattal c. Pilon, 500-02-035546-824, monsieur le juge Bernard Desjarlais, le 15 novembre 1982, (C.P.).

[7] Dans l’affaire Boudreau c. Benfeito, 2016 QCCQ 2560, Saint-Hyacinthe 750-80-001864-13, Division administrative et d’appel, le 21 mars 2016, l’honorable Suzanne Paradis, J.C.Q. s’exprimait ainsi : « Chaque partie a l'obligation de convaincre le Tribunal, c'est ce qu'on appelle le "fardeau de persuasion", ce qui signifie qu'elle a l'obligation de produire, dans les éléments de preuve, une quantité et une qualité de preuve nécessaire et suffisante pour soutenir leurs allégations lors de leur procès. »

[8] Ainsi s’en expriment les auteurs André NADEAU et Léo DUCHARME, dans Traité de droit civil du Québec, vol. 9, 1965, Montréal, Wilson et Lafleur : « Celui sur qui repose l'obligation de convaincre le juge supporte le risque de l'absence de preuve, c'est-à-dire perdra son procès si la preuve offerte n'est pas suffisamment convaincante ou encore si la preuve offerte de part et d'autre est contradictoire et que le juge est placé dans l'impossibilité de déterminer où se trouve la vérité. »

[9] Selon les termes du second alinéa de l'article 16 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement (RLRQ, c. T-15.01, r.5.), l'attestation d'expédition de l'avis fait preuve, en l'absence de preuve contraire, de sa réception par le destinataire.

[10] L’article 67 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement (RLRQ, c. T-15.01.) prévoit que « [s]i une partie dûment avisée ne se présente pas ou refuse de se faire entendre, le membre du Tribunal peut néanmoins procéder à l’instruction de l’affaire et rendre une décision. ».

[11] Le deuxième alinéa de l'article 30 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement (RLRQ, c. T-15.01, r.5.) édicte ceci : « Lorsque seul le défendeur est présent, le membre du Tribunal peut rayer la cause, la remettre ou rejeter la demande ou la requête. »

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