Décision

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Gabarit de jugement pour la cour d'appel

O'Reilly c. R.

2017 QCCA 1283

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-10-005612-146, 500-10-005613-144, 500-10-005614-142         

 (500-01-002508-080 SEQ.ACC. 006, 007, 010, 011, 013)

 

DATE :

 30 août 2017

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

N° 500-10-005612-146

 

GERALD O’REILLY

LOUIS MOREAU

PIERRE MOREL

APPELANTS - Accusés

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

INTIMÉE - Poursuivante

 

N° 500-10-005613-144

 

SERGE PERRON

APPELANT - Accusé

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

INTIMÉE - Poursuivante

 

N° 500-10-005614-142

 

DAVID ALEXANDER PHILLIPS

APPELANT - Accusé

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

INTIMÉE - Poursuivante

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           Sur appels des déclarations de culpabilité prononcées le 24 février 2014 par la juge Louise Bourdeau de la Cour du Québec, district de Montréal.

[2]           Pour les motifs énoncés par le juge Mainville, auxquels souscrivent les juges Morissette et St-Pierre, LA COUR :

[3]           REJETTE l’appel de Gérald O’Reilly, Louis Moreau et Pierre Morel dans le dossier 500-10-005612-146;

[4]           REJETTE l’appel de Serge Perron dans le dossier 500-10-005613-144;

[5]           REJETTE l’appel de David Alexander Phillips dans le dossier 500-10-005614-142.

 

 

 

 

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

 

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

 

 

Me Isabel J. Schurman

Me Francis Villeneuve-Ménard

SCHURMAN LONGO GRENIER

Pour les appelants Gérald O’Reilly, Louis Moreau

et Pierre Morel

 

Me Gérald Soulière

LAMARRE LINTEAU et MONTCALM

Pour l’appelant Serge Perron

 

 

 

Me Dominique St-Laurent

ME DOMINIC ST-LAURENT INC.

Pour David Alexander Phillips

 

Me Isabelle Doray

Me Alik-Hasmig Dikijian

DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES

Pour l’intimée

 

 

Dates d’audience :

 6 et 7 juin 2017


 

 

MOTIFS DU JUGE MAINVILLE

 

 

[6]           La Cour est saisie de trois appels des déclarations de culpabilité prononcées le 24 février 2014 par la juge Louise Bourdeau de la Cour du Québec, district de Montréal, visant cinq individus impliqués dans la même affaire, soit Gérald O’Reilly, Louis Moreau, Pierre Morel (dossier d'appel 500-10-005612-146), Serge Perron (dossier d'appel         500-10-005613-144) et David Alexander Phillips (dossier d'appel 500-10-005614-142).

[7]           Dans ce dernier dossier concernant David Alexander Phillips (dossier                    500-10-005614-142), la Cour est aussi saisie d’une requête pour permission d’appeler sur une nouvelle question constitutionnelle portant sur le délai raisonnable à être jugé.

[8]           La Cour est également saisie de requêtes pour permission d’appeler (a) de la peine prononcée le 20 juin 2014 à l’égard de l’appelant Louis Moreau; (b) de la peine prononcée le 2 juillet 2014 à l’égard de l’appelant Gérald O’Reilly; (c) d’une ordonnance d’amende en lieu de confiscation prononcée le 2 juillet 2014 à l’égard de l’appelant Gérald O’Reilly; et (d) d’une ordonnance de confiscation de biens qui constituent des produits de la criminalité.

[9]           Tous ces appels et requêtes ont été réunis et ils ont été entendus en même temps par la même formation de la Cour les 6 et 7 juin 2017.

[10]        Les présents motifs concernent l’appel des déclarations de culpabilité prononcées à l’égard des appelants Gérald O’Reilly, Louis Moreau, Pierre Morel (dossier                    500-10-005612-146), Serge Perron (dossier 500-10-005613-144) et David Alexander Phillips (dossier 500-10-005614-142).

[11]        Des jugements distincts sont rendus ce jour à l’égard de la requête pour permission d’appeler sur une nouvelle question constitutionnelle portant sur le délai raisonnable à être jugé et à l’égard des requêtes pour permission d’appeler des peines et des ordonnances de confiscation.

LE CONTEXTE

[12]        En juillet 2006, une source, Robin Thibault, fournit des informations à la Sûreté du Québec (« SQ ») concernant des activités frauduleuses du couple Gérald et Felicitas O’Reilly par l’entremise de leurs entreprises légales. Presque simultanément, la Banque Royale du Canada transmet à la SQ une déclaration d’opérations douteuses impliquant les activités de Serge Perron. Une enquête d’envergure portant le nom de « Conquête » s’ensuit, laquelle s’étale de juillet 2006 à mars 2008.

[13]        L’enquête met au jour un réseau de contrebande de cigarettes et de blanchiment d’argent. Ce réseau écoule des millions de cigarettes de contrebande en Nouvelle-Écosse, constituant ainsi une fraude de plusieurs millions de dollars en taxes impayées aux gouvernements du Canada et de la Nouvelle-Écosse.

[14]        En résumé, le réseau s’approvisionne en cigarettes de contrebande de divers fournisseurs. Elles sont livrées dans des caisses standards à une résidence de la ville de Beaconsfield en banlieue de Montréal, le 93 rue Kirkwood, où elles sont entreposées dans le garage. Elles sont alors remballées dans de grosses boîtes de carton et transportées à l’intérieur d’un camion cube pour livraison à Montréal à un camion semi-remorque réfrigéré immatriculé en Nouvelle-Écosse. Ce camion semi-remorque se rend en Nouvelle-Écosse, ce qui permet d’écouler les cigarettes dans cette province. Les revenus de la contrebande retournent à Montréal par divers moyens, notamment dans des boîtes de savon livrées par Postes Canada, afin d’être en partie recyclés dans des guichets automatiques.

[15]        L’enquête se termine par la mise en accusation de 20 personnes dans 5 dossiers distincts visant différentes activités criminelles. Le dossier dont la Cour est ici saisie est celui ciblant les activités criminelles liées à la contrebande de tabac. En mars 2008, dans le cadre de ce dossier, 13 individus font face aux accusations suivantes de fraude, complot pour fraude, gangstérisme et recyclage des produits de la criminalité [les noms soulignés sont ceux des appelants] :

Concernant Morris BONSPILLE (001), Matthew LAZARE (002), Peter MARTIN (003), Peter James MARTIN (004), Blair Fraser MCKEIGAN (005), Louis MOREAU (006), Pierre MOREL (007), Joseph Burton MURPHY (008), Felicitas O’REILLY (009), Gerald O’REILLY (010), David Alexander PHILLIPS (011), Winworth SAMPSON (012) et Serge PERRON (013) :

1. Entre le 13 juillet 2006 et le 12 mars 2008, à Montréal, district de Montréal, à Beaconsfield et Ville Mont-Royal, district de Montréal, à Kahnawake et                      St-Constant, district de Longueuil, à Cornwall Island, Ontario, à Sydney, Nouvelle-Écosse et ailleurs au Canada, par la supercherie, le mensonge ou autre moyen dolosif, ont frustré le Gouvernement du Canada, d’une somme d’argent dépassant 5000,00 $, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 380(1)a) du Code criminel.

2. Entre le 13 juillet 2006 et le 12 mars 2008, à Montréal, district de Montréal, Beaconsfield et Ville Mont-Royal, district de Montréal, à Kahnawake et St-Constant, district de Longueuil, à Cornwall Island, Ontario, Sydney, Nouvelle-Écosse et ailleurs au Canada, par la supercherie, le mensonge ou autre moyen dolosif, ont frustré le Gouvernement de la Nouvelle-Écosse, d’une somme d’argent, dépassant 5000,00 $, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 380(1)a) du Code criminel.

3. Entre le 13 juillet 2006 et le 12 mars 2008, à Montréal, district de Montréal, Beaconsfield et Ville Mont-Royal, district de Montréal, à Kahnawake et                     St-Constant, district de Longueuil, à Cornwall Island, Ontario, Sydney, Nouvelle-Écosse et ailleurs au Canada, ont comploté ensemble et avec d’autres personnes jusqu’ici inconnues, afin de commettre un acte criminel, soit : une fraude à l’encontre des gouvernements du Canada et de la Nouvelle-Écosse, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 465(1)c) du Code criminel.

Concernant Matthew LAZARE (002), Felicitas O’REILLY (009), Gerald O’REILLY (010) et David Alexander PHILLIPS (011)

4. Entre le 13 juillet 2006 et le 12 mars 2008, à Montréal, district de Montréal, Beaconsfield et Ville Mont-Royal, district de Montréal, Kahnawake, district de Longueuil, Sydney, Nouvelle-Écosse, et ailleurs au Canada, ont commis un acte criminel prévu au Code criminel ou à une autre loi fédérale, au profit ou sous la direction ou en association d’une organisation criminelle, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 467.12 du Code criminel.

Concernant Felicitas O’REILLY (009), Gerald O’REILLY (010) et David Alexander PHILLIPS (011)

5. Entre le 13 juillet 2006 et le 12 mars 2008, à Montréal, district de Montréal, Beaconsfield et Ville Mont-Royal, district de Montréal, Sydney, Nouvelle-Écosse, et ailleurs au Canada, ont utilisé, enlevé, envoyé, livré, transporté, modifié, aliéné ou transféré la possession d’un bien ou de son produit dans l’intention de le cacher ou de le convertir, sachant ou croyant qu’il a été obtenu ou provient de la perpétration, au Canada, d’une infraction désignée, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 462.31(2)a) du Code criminel.

[16]        Sept des coaccusés ont reconnu leur culpabilité au cours du procès, soit Morris Bonspille, Matthew Lazare, Peter Martin, Peter James Martin, Blair Fraser McKeigan, Joseph Burton Murphy et Winworth Sampson. Une huitième coaccusée, Felicitas O’Reilly, est décédée le 3 février 2013 avant la fin du procès.

LES PROCÉDURES LIÉES AU PROCÈS

[17]        Échelonnée sur 22 jours, du 13 mai 2009 jusqu’au 11 juin 2010, une enquête préliminaire commune fut tenue devant la juge Louise Bourdeau de la Cour du Québec. L’affaire finit par être renvoyée à procès et la preuve recueillie dans le cadre de l’enquête préliminaire est alors versée au dossier.

[18]        Le procès s’étale entre le 18 avril 2011 et le 8 octobre 2013 devant la juge Bourdeau. La preuve du ministère public est abondante et plutôt accablante. La présentation de nombreuses requêtes de la défense visant l’exclusion de la preuve caractérise le déroulement de ce procès. Aux fins des appels, il suffit de noter les requêtes suivantes:

(a)  Une requête en arrêt des procédures fondée sur le manque de crédibilité de la source policière qui est à l’origine de l’enquête, Robin Thibault. On y faisait valoir que l’arrêt des procédures devait être prononcé ou, à tout le moins, que le témoignage de la source policière devait être exclu au motif que cette source était si peu fiable que son témoignage portait atteinte à l’équité du procès en violation de l’article 7 et de l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés[1] (« Charte »). Les appelants se sont finalement désistés de cette requête, tout en se réservant le droit de plaider ultérieurement que la juge du procès, utilisant le pouvoir résiduaire d’exclusion d’une preuve préjudiciable reconnu en common law, devrait écarter le témoignage de Robin Thibault.

(b)  Le 2 mai 2011, une requête fondée sur l’article 8 et le paragraphe 24(2) de la Charte visant à exclure la preuve recueillie sous un mandat d’accès au registre des appels d’un téléphone de l’appelant Moreau. Le 5 mai 2011, la juge du procès a rejeté la requête (jugement du 5 mai 2011 portant sur le voir-dire #3).

(c)  Le 4 mai 2011, une requête fondée sur la Charte visant à exclure la preuve recueillie sous des mandats d’accès aux registres des appels téléphoniques des appelants Perron et O’Reilly et de l’épouse de ce dernier. La juge du procès a rejeté la requête le 25 mai 2011 (jugement du 25 mai 2011 portant sur le voir-dire #4).

(d)  Le 22 novembre 2011, une requête fondée sur la Charte visant à exclure la preuve recueillie sous un mandat général autorisant une entrée subreptice au Lunds Self Storage en Nouvelle-Écosse. Un débat sur la validité apparente de ce mandat a eu lieu le 28 novembre 2011. La juge du procès a rejeté la requête le 16 décembre 2011 (jugement du 16 décembre 2011 portant sur le voir-dire #5).

(e)  Le 6 janvier 2012, une  requête fondée sur la Charte visant à exclure la preuve recueillie sous plusieurs mandats généraux. Le 17 janvier 2012, la juge a rejeté cette requête (jugement du 17 janvier 2012 portant sur le voir-dire #6).

(f)    En janvier 2012, une  requête fondée sur la Charte visant à exclure la preuve recueillie sous des ordonnances de communication et des mandats généraux. Le 19 janvier 2012, la juge du procès a rejeté la requête (jugement du 19 janvier 2012 portant sur le voir-dire #8).

(g)  Le 6 février 2012, une requête fondée sur la Charte visant l’exclusion de la preuve recueillie sous une autre ordonnance de communication et un autre mandat général. Le 13 février 2012, la juge du procès a rejeté la requête (jugement du 13 février 2012 portant sur le voir-dire #10).

(h)  Le 9 mars 2012, une requête fondée sur la Charte visant l’exclusion de la preuve recueillie sous des mandats d’écoute électronique et de surveillance vidéo. Le 30 mars 2012, la juge du procès a rejeté la requête (jugement du 30 mars 2012 portant sur le voir-dire #11).

(i)    Le 28 mai 2012, un voir-dire de common law tenu conformément à la règle des confessions afin de déterminer l’admissibilité d’une déclaration de l’appelant Moreau faite le 19 mars 2008, soit le jour de son arrestation, dans laquelle il reconnaît son implication dans l’affaire. Le 30 mai 2012, la juge du procès a conclu que la déclaration était volontaire et elle l’a admise en preuve.

[19]        Le 15 avril 2013, les appelants et l’intimée ont déposé la Pièce P-23 portant sur l’Admission concernant la trame factuelle sous-jacente aux accusations étayant l'abondante preuve du  ministère public à l'appui des accusations. Il suffit pour l’instant de souligner l’admission suivante :

6. L’ensemble de la preuve révèle l’implication des accusés dans l’achat ou la vente de cigarettes de contrebande, chacun ayant un rôle et des responsabilités bien définies.

     6.1 L’implication criminelle de Pierre Morel est toutefois contestée par la défense.

[20]        Les 16 et 17 septembre 2013, au moment de leurs plaidoiries devant la juge du procès, tout en contestant leur culpabilité sur l'ensemble des infractions reprochées, les appelants ont restreint les questions en litige. Pour les appelants O’Reilly et Phillips, il s’agissait de déterminer s’il existe une organisation criminelle, condition essentielle au 4e chef d'accusation, soit d’avoir commis un acte criminel au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle ou en association avec elle. Pour l’appelant Moreau, la question consistait à déterminer s’il a participé au complot (3e chef d'accusation). L’appelant Morel a fait valoir qu’il était innocent de tous les chefs dont il était accusé (1er, 2e  et 3e chefs d'accusation). L’appelant Perron contestait sa culpabilité sur les 2e (fraude) et 3e (complot) chefs d'accusation en ce qui concerne uniquement le gouvernement de la Nouvelle-Écosse.

[21]        Le 24 février 2014, la juge du procès a rendu un seul jugement sur la culpabilité :

(a)   O’Reilly et Phillips sont déclarés coupables des cinq chefs d’accusation, y compris le 4e, soit d’avoir commis un acte criminel au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle, ou en association avec elle;

(b)    Morel et Moreau sont déclarés coupables des 1er et 2e chefs d'accusation (fraude), mais acquittés du 3e (complot);

(c)   Enfin, Perron est déclaré coupable des 1er, 2e et 3e chefs d’accusation (fraude et complot), y compris à l’égard du gouvernement de la Nouvelle-Écosse.

[22]        Le 20 juin 2014, la juge prononce la peine à l’égard de Morel et Moreau. Morel est condamné à 9 mois d’emprisonnement dans la collectivité et à la suramende compensatoire. Moreau est condamné à 18 mois d’incarcération et est dispensé de la suramende compensatoire.

[23]        Le 2 juillet 2014, elle prononce la peine à l’égard de Perron, Phillips et O’Reilly. Perron est condamné à deux ans moins un jour d‘emprisonnement à être purgé dans la collectivité et à la suramende compensatoire. Phillips et O’Reilly sont condamnés aux peines suivantes :

Pour les 1er, 2e et 3e chefs d'accusation (fraude et complot) : 4 ans d’emprisonnement.

Pour le 4e chef d'accusation (organisation criminelle) : 1 an d’emprisonnement consécutif.

Pour le 5e chef d'accusation (recyclage des produits de la criminalité) : 2 ans d’emprisonnement concurrent.

[24]        En ce qui concerne O’Reilly, dans un jugement distinct, la juge accorde la requête du ministère public pour une amende en remplacement d’une ordonnance de confiscation des produits de la criminalité. Elle le condamne donc à verser une amende de 258 865 $ et lui accorde un délai d’un an pour la payer à compter de sa libération. Elle impose une peine d’emprisonnement de trois ans à défaut de payer l’amende dans le délai prévu.

[25]        La juge déclare aussi que des sommes importantes saisies dans des immeubles liés à O’Reilly et dans des guichets automatiques constituent des produits de la criminalité. Conséquemment, elle ordonne que ces sommes et ces guichets soient confisqués afin qu’il en soit disposé selon la loi.

LES PROCÉDURES EN APPEL

[26]        Les appelants ont tous porté en appel le jugement du 24 février 2014 sur la culpabilité, tant sur des questions de droit que sur des questions de fait ou questions mixtes de droit et de fait[2], ce qui a donné lieu à trois pourvois distincts qui ont été réunis le 16 avril 2014[3].

[27]        Dans leur mémoire conjoint portant sur leurs condamnations, les appelants O’Reilly, Moreau, Morel et Perron soulèvent, comme moyens d’appel, que la juge aurait erré, en droit ou en fait et en droit, selon le cas, lorsqu’elle a :

(1)   refusé de conclure que la preuve recueillie en exécution du mandat concernant le registre des appels téléphoniques de l’appelant Moreau fut obtenue en violation de la Charte (jugement du 5 mai 2011 portant sur le voir-dire #3);

(2)   refusé de conclure que la preuve recueillie en exécution des mandats concernant les registres des appels téléphoniques des appelants Perron et O’Reilly et de l’épouse de ce dernier fut obtenue en violation de la Charte (jugement du 25 mai 2011 portant sur le voir-dire #4);

(3)   refusé de tenir un voir-dire sur la validité des fouilles et perquisitions effectuées en exécution de divers mandats généraux, ordonnances de communication et mandats d’écoute électronique (jugements des 17 janvier, 19 janvier, 13 février et 30 mars 2012 portant sur les voir-dire #6, 8, 10 et 11);

(4)   admis en preuve la déclaration extrajudiciaire de l’appelant Moreau (jugement du 30 mai 2012);

(5)   déclaré l’appelant O’Reilly coupable du 4e chef d'accusation, soit d’avoir commis un acte criminel au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle, ou en association avec elle (moyen d’appel découlant du verdict de culpabilité);

(6)   refusé d’écarter le témoignage de Robin Thibault (moyen découlant d’une exclusion de common law);

(7)   déclaré l’appelant Morel coupable de fraude sous les 1er et 2e chefs d’accusation (moyen d’appel découlant du verdict de culpabilité).

[28]        Dans son mémoire distinct, l’appelant Phillips soulève les moyens suivants :

(1)  la juge du procès aurait erronément interprété les dispositions concernant la commission d’une infraction au profit ou sous la direction, ou en association avec une organisation criminelle (moyen d’appel découlant du verdict de culpabilité);

(2)  elle aurait erré en droit dans son jugement du 16 décembre 2011 refusant l’exclusion de la preuve recueillie sous le mandat général autorisant une entrée subreptice au Lunds Self Storage en Nouvelle-Écosse lorsqu’elle a décidé que le dénonciateur n’était pas tenu de s’assurer de la non-application de l’une ou l’autre  des exceptions prévues à l’article 32 de la Loi de 2001 sur l’accise avant de demander le mandat en question (jugement du 16 décembre 2011 portant sur le voir-dire #5).

[29]        Quelques jours avant l’audition de son appel, l’appelant Phillips a présenté à la Cour une requête pour permission d’appeler sur un nouveau moyen constitutionnel portant sur le délai raisonnable à être jugé.

[30]        Les appelants Moreau et O’Reilly ont soumis des requêtes pour permission d’appeler de leurs peines. Ils y soutiennent que, compte tenu de la nature des infractions reprochées et des circonstances qui leur sont propres, seules des peines d’emprisonnement dans la collectivité seraient appropriées. Ces requêtes ont été déférées à la formation qui entend les appels de leur culpabilité[4] et elles font l’objet de jugements distincts de la Cour.

[31]        L’appelant O’Reilly a soumis une requête pour permission d’appeler de l’amende de 258 865 $ qui lui a été imposée en remplacement d’une ordonnance de confiscation des produits de la criminalité au motif que la juge aurait dû exercer sa discrétion pour réduire, sinon éliminer, cette amende. Il y cherche la permission d’appeler de l’ordonnance de confiscation de sommes importantes saisies. Cette requête a été déférée à la formation qui entend l’appel sur sa culpabilité[5] et elle fait l’objet d’un jugement distinct de la Cour.

[32]        Les appelants O’Reilly, Moreau, Perron et Phillips ont été libérés sous condition en attente du résultat de leurs appels[6] et l’exécution des ordonnances de confiscation concernant l’appelant O’Reilly a été suspendue pendant les procédures d’appel[7]. Lors de l’audition devant la Cour, l’appelant Morel avait déjà purgé sa peine de neuf mois d’emprisonnement dans la collectivité.

[33]        En bref, les appelants contestent plusieurs aspects du procès et la plupart des peines d’incarcération, d’amendes ou de confiscations imposées par la juge. De fait, ils contestent 14 jugements de la juge du procès, soit 9 jugements refusant l’exclusion de la preuve, le jugement sur la culpabilité, 2 jugements sur la peine et les 2 jugements portant sur les confiscations.

ANALYSE

PREMIER MOYEN D’APPEL : L’EXCLUSION DE LA PREUVE QUI FUT RECUEILLIE EN EXÉCUTION DU MANDAT CONCERNANT LE REGISTRE DES APPELS TÉLÉPHONIQUES DE L’APPELANT MOREAU (JUGEMENT DU 5 MAI 2011 PORTANT SUR LE VOIR-DIRE #3)

[34]        Le 28 septembre 2006, la SQ demande et obtient du juge Jean-Pierre Boyer de la Cour du Québec un mandat obligeant le fournisseur du service de télécommunication à permettre l’accès au registre des appels d’un téléphone cellulaire lié à l’appelant Louis Moreau pour la période du 13 juillet au 26 septembre 2006.

[35]        Le mandat fut décerné en vertu du paragraphe 492.2 (2) du Code criminel tel qu’il était alors rédigé :

 

492.2. (1) Le juge de paix qui est convaincu, à la suite d’une dénonciation par écrit faite sous serment, qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale a été ou sera commise et que des renseignements utiles à l’enquête relative à l’infraction pourraient être obtenus au moyen d’un enregistreur de numéro peut décerner un mandat autorisant un agent de la paix ou, dans le cas d’un fonctionnaire public nommé ou désigné pour l’application ou l’exécution d’une loi fédérale ou provinciale et chargé notamment de faire observer la présente loi ou toute autre loi fédérale, celui qui y est nommé :

 

a) à placer sous enregistreur de numéro un téléphone ou une ligne téléphonique, à entretenir l’enregistreur et à les en dégager;

 

b) à surveiller ou faire surveiller l’enregistreur.

 

(2) Dans les circonstances visées au paragraphe (1), le juge peut ordonner à la personne ou à l’organisme qui possède légalement un registre des appels provenant d’un téléphone ou reçus ou destinés à être reçus à ce téléphone de donner le registre ou une copie de celui-ci à toute personne nommée dans l’ordonnance.

 

[…]

 

492.2. (1) A justice who is satisfied by information on oath in writing that there are reasonable grounds to suspect that an offence under this or any other Act of Parliament has been or will be committed and that information that would assist in the investigation of the offence could be obtained through the use of a number recorder, may at any time issue a warrant authorizing a peace officer or a public officer who has been appointed or designated to administer or enforce a federal or provincial law and whose duties include the enforcement of this Act or any other Act of Parliament and who is named in the warrant

 

 

 

(a) to install, maintain and remove a number recorder in relation to any telephone or telephone line; and

 

 

(b) to monitor, or to have monitored, the number recorder.

 

(2) When the circumstances referred to in subsection (1) exist, a justice may order that any person or body that lawfully possesses records of telephone calls originated from, or received or intended to be received at, any telephone give the records, or a copy of the records, to a person named in the order.

 

[…]

 

[36]        La norme applicable pour décerner un tel mandat est celle des « motifs raisonnables de soupçonner » qu’une infraction au Code criminel ou à une autre loi fédérale a été ou sera commise. Il doit aussi être établi que les informations requises seront utiles à l’enquête relative à l’infraction et que la personne visée par le mandat est en possession légale du registre des appels.

[37]        Pour justifier un mandat sous la norme des « motifs raisonnables de soupçonner », il ne suffit pas qu’il existe des soupçons subjectifs d’activité criminelle, puisque ceux-ci doivent être « raisonnables », c’est-à-dire fondés sur des éléments factuels objectifs pouvant être présentés en preuve et faire l’objet d’une appréciation judiciaire indépendante[8]. Il doit donc exister un ensemble de faits objectivement discernables permettant aux autorités policières d’étayer un motif raisonnable de soupçonner qu’une infraction criminelle a eu lieu ou sera commise. Les faits objectifs doivent évoquer la possibilité raisonnable d’une infraction criminelle[9].

[38]        Cette norme se distingue de celle des « motifs raisonnables de croire » par le degré de probabilité qu’une personne se livre à une activité criminelle. La distinction suivante, énoncée par la Cour suprême des États-Unis dans l’arrêt Alabama v. White[10],  a été retenue par le juge Binnie dans R. c. Kang-Brown[11] :

[traduction]  La norme des soupçons raisonnables est moins exigeante que celle de la cause probable non seulement parce que les soupçons raisonnables peuvent reposer sur des renseignements différents, sur le plan de la quantité et du contenu, de ceux requis pour établir l’existence d’une cause probable, mais également parce que des soupçons raisonnables peuvent découler de renseignements moins fiables que ceux requis pour démontrer l’existence d’une cause probable. 

[39]        La juge Karakatsanis a décrit ainsi la norme des « soupçons raisonnables » dans R. c. Chehil[12] :

 [29]     Les soupçons raisonnables doivent être évalués à la lumière de toutes les circonstances. L’appréciation doit prendre en compte l’ensemble des faits objectivement discernables qui donneraient à l’enquêteur un motif raisonnable de soupçonner une personne d’être impliquée dans le type d’activité criminelle sur lequel porte l’enquête. L’appréciation doit s’appuyer sur des faits, être souple et relever du bon sens et de l’expérience pratique quotidienne (voir R. c. Bramley, 2009 SKCA 49, 324 Sask. R. 286, par. 60). Les soupçons raisonnables du policier ne sauraient être évalués isolément (voir Monney, [[1999] 1 R.C.S. 652,] par. 50).

[40]        Les facteurs qui font naître de tels soupçons peuvent également admettre des explications tout à fait innocentes qu’il faut pondérer avant de conclure que ceux-ci sont raisonnables[13]. Toutefois, la norme des « motifs raisonnables de soupçonner » n’exige pas que les autorités policières fassent enquête pour écarter des circonstances qui disculperaient les personnes visées[14], ni n’oblige-t-elle les autorités policières à identifier le crime précis ou la substance illicite recherchée[15]. Il suffit que l’ensemble des faits sur lesquels les autorités policières s’appuient soit étayé par une preuve objective qui permet de tirer une inférence logique d’un comportement criminel[16].

[41]        En l’occurrence, la SQ s’est appuyée sur les faits suivants qui ont convaincu le juge Boyer de décerner le mandat pour le registre des appels téléphoniques du téléphone lié à l’appelant Moreau.

[42]        Une source informe la SQ les 13 et 18 juillet 2006 que le couple de Gérald O’Reilly et Felicitas O’Reilly est actif dans la contrebande de tabac. La source soutient que le couple est propriétaire de la compagnie Alouette Canada Inc. (« Alouette »), située au 8505 rue Delmeade à Ville Mont-Royal (« VMR »), qui emploie environ 20 personnes dans la distribution, l’entretien et la réparation d’environ 1 200 machines d’amusement. Elle ajoute que Felicitas O’Reilly utilise des comptes bancaires de personnes décédées pour cacher l’argent. Selon la source, Louis Moreau, un employé d’Alouette, se rend une à deux fois par semaine dans les Maritimes à la demande des O’Reilly avec une cargaison de cigarettes de marque « Tabec » dissimulée dans des boîtes en carton d’un autre format qu’il transporte dans un camion cube de 20 pieds de la compagnie Alouette. Lors de ces livraisons, il serait payé comptant pour les cigarettes. En moyenne, la transaction serait de 60 000 $, en coupures de 20 $, 50 $ et 100 $, que Moreau rapporterait aux O’Reilly dans une boîte en carton. La source ajoute qu’un dénommé Alex Phillips des Maritimes achèterait pour environ 100 000 $ par mois de cigarettes de contrebande. 

[43]        L’enquête révèle que ni les O’Reilly ni aucune entreprise liée au 8505 Delmeade VMR n’a de permis du Québec pour le tabac. 

[44]        Des opérations de surveillance s’ensuivent aux domiciles de Moreau et des O’Reilly.  En particulier, une opération de surveillance tenue le 20 septembre 2006 permet d’observer des comportements que la SQ juge suspects : Louis Moreau quitte son domicile tôt le matin au volant d’un camion cube pour se rendre au 8505 Delmeade VMR. Il se rend par la suite avec le camion à une résidence située sur la rue Kirkwood, à Beaconsfield en banlieue de Montréal, où un véhicule de marque Cadillac est garé. Il recule le camion à la hauteur du garage annexé à la résidence. La porte de l’entrée du garage est ouverte et deux hommes surveillent la circulation sur la rue Kirkwood. Louis Moreau est observé chargeant le camion de grosses caisses de carton qu’il prend du garage. Il quitte alors la résidence rue Kirkwood pour retourner au 8505 Delmeade afin d’y décharger les caisses dans un entrepôt. La dénonciation sous serment relate alors les faits suivants :

-Vers 14 h 17 Louis Moreau charge dans le camion cube L299197/Qc 18 caisses de carton identiques à celles récupérées au 96 Kirkwood[[17]]. Durant le chargement, une Cadillac rouge immatriculée FCV9960/Qc arrive au 8550 Delmeade et le conducteur, Gérald O’Reilly sort de la voiture pour faire contact avec Louis Moreau. Après son entretien avec Gérald O’Reilly, Louis Moreau a continué son chargement pour un décompte total de 35 caisses.

-Vers 15 h 37 Louis Moreau quitte le 8550 Delmeade au volant du camion cube L299197/Qc pour se rendre dans la cour arrière du 8505 Delmeade (Alouette Canada Inc.) où il stationne le camion.

-Vers 20 h 25 un tracteur routier de couleur rouge immatriculé de la Nouvelle-Écosse PR26750, équipé d’une remorque de 53 pieds également immatriculée de la Nouvelle-Écosse 50990, arrive au 8505 Delmeade et s’immobilise dans la cour arrière de la compagnie Alouette Canada Inc. Le camion cube L299197/Qc est observé alors qu’il est immobilisé boîte à boîte avec le camion semi-remorque immatriculé de la Nouvelle-Écosse. Louis Moreau, le conducteur du camion semi-remorque de la Nouvelle-Écosse et un homme répondant au signalement de Gérard O’Reilly sont observés à l’arrière des camions. Il est possible de voir que les caisses contenues dans le camion cube sont transférées à bord de la remorque immatriculée en Nouvelle-Écosse.

-Il sera impossible aux enquêteurs d’observer de plus près, car deux véhicules effectuent de la contre-filature dans le périmètre soit, une Cadillac rouge correspondant à celle de Gérard O’Reilly et un Chevrolet Cavalier gris.

-Vers 21 h 18, le camion semi-remorque de la Nouvelle-Écosse quitte le 8505 Delmeade pour se rendre à la cie Flamingo/Olymel de la rue Pasteur à Boucherville.

-Vers 23 h 22 le camion semi-remorque de la Nouvelle-Écosse est laissé sans surveillance sur l’autoroute 20 après avoir quitté la cie Flamingo/Olymel.

[45]        Le 2 mai 2011, les accusés soumettent à la juge du procès une requête en exclusion de la preuve recueillie sous ce mandat, invoquant qu’il y a là une violation de leur droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives énoncé à l’article 8 de la Charte. 

[46]        Les appelants soutiennent devant la juge de première instance qu’elle doit faire abstraction des informations fournies par la source policière puisque ni les antécédents judiciaires ni les motivations de cette dernière ne furent vérifiés, qu’aucun portrait de cette source ne fut présenté au juge qui a décerné le mandat et que la déclaration sous serment ne contient aucune indication sur la façon dont la source a obtenu ses informations. Ils prétendent qu’il était particulièrement important en l’espèce de vérifier les motivations de la source alors que, disent-ils, le contenu du témoignage rendu par cette source (Robin Thibault) à l’enquête préliminaire révélerait qu’elle a agi dans un esprit de vengeance contre les O’Reilly.

[47]        Selon les appelants, la surveillance physique effectuée le 20 septembre 2006 ne peut avoir d’effet corroboratif. En effet, ils soulignent qu’il n’y a en soi rien de suspect dans le fait que des boîtes de carton soient transbordées à bord d’une remorque immatriculée en Nouvelle-Écosse; si la SQ s’était acquittée de son fardeau d’enquêter avec diligence, elle aurait découvert que la société Alouette menait des activités commerciales légitimes en Nouvelle-Écosse. Enfin, l’allégation selon laquelle des véhicules effectuaient de la contre-filature au moment où les caisses étaient chargées dans la remorque serait une simple inférence tirée par le déclarant et, en l’absence d’indication dans la dénonciation sous serment qu’il s’agit d’une croyance et non d’un fait, cette allégation était de nature à induire en erreur le juge qui a décerné le mandat judiciaire en cause.

[48]        Le rôle du juge siégeant en révision d'une autorisation judiciaire pour une fouille, perquisition ou saisie a été résumé comme suit par la Cour suprême du Canada dans R. c. Campbell[18] :

[…] Le tribunal siégeant en révision n’a pas à se demander s’il « aurait lui-même délivré le mandat, mais s’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables » pour permettre au juge de délivrer le mandat (Morelli, [2010 CSC 8, [2010] 1 R.C.S. 253,] par. 40). Lorsqu’il effectue cette analyse, le tribunal siégeant en révision doit faire abstraction des renseignements inexacts figurant dans la dénonciation, et il peut avoir recours à l’« amplification », c’est-à-dire à d’autres éléments de preuve admis à bon droit (R. c. Araujo, 2000 CSC 65, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 58; Morelli, par. 41). Il appartient à l’accusé de démontrer que la dénonciation ne justifiait pas l’autorisation (Québec (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, [2002] 3 R.C.S. 708, par. 68; Morelli, par. 131).

[49]        Dans ce cas-ci, à la suite d’une audition de plusieurs jours, la juge a conclu au rejet de la requête dans son jugement du 5 mai 2011. Elle reconnaît que la dénonciation assermentée comporte des déficiences sous deux aspects, soit l’absence de portrait de la source et la façon dont elle est entrée en contact avec ses informations[19]. Par contre, elle est d’avis que la surveillance policière effectuée le 20 septembre 2006 permet de pallier ces lacunes puisqu'elle est suffisante pour corroborer les informations de la source[20]. Elle conclut aussi qu’il n’y a aucune preuve que le policier qui a souscrit à la dénonciation sous serment aurait omis délibérément des faits afin de rendre la déclaration plus favorable[21].

[50]        En appel, les appelants reprennent les moyens qu’ils ont invoqués devant la juge du procès. Ils soutiennent que la conclusion de la juge voulant que la dénonciation sous serment comporte des déficiences à l’égard du portrait de la source et la façon dont elle est entrée en contact avec ses informations aurait dû mener à l’excision de toute l’information fournie par la source, ne laissant que la surveillance policière du 20 septembre 2006, laquelle serait en soi insuffisante pour justifier l’ordonnance d’accès au registre des appels téléphoniques.

[51]        Ils ajoutent que l’absence du portrait de la source et de la vérification de ses motivations est particulièrement choquante vu que le dossier révèle que cette dernière devait une somme considérable aux O’Reilly, ce qui aurait remis en question la véracité de ses informations si cela avait été dévoilé au juge qui a émis l'autorisation judiciaire.

[52]        En appel de la décision du juge réviseur, il ne s’agit pas de reprendre l’exercice de révision. La décision du juge réviseur ne peut être écartée que s’il est établi qu’elle se fonde sur une erreur de droit ou de principe déterminante, ne tient pas compte d’un élément pertinent ou est entachée d’une erreur manifeste et déterminante quant à l’appréciation de la preuve[22]. Qu’en est-il dans ce cas-ci?

[53]        Il incombe aux autorités policières de vérifier qu’une source est fiable avant de prendre appui sur ses dires pour présenter une demande d’autorisation judiciaire. C’est précisément ce qui a été fait dans ce cas-ci. En effet, la SQ a procédé à des opérations de surveillance afin d’établir si les prétentions de la source pouvaient être étayées. Or, les opérations de surveillance du 20 septembre 2006 ont dénoté des activités suspectes qui tendaient à confirmer les dires de la source : l’utilisation d’un camion cube par Moreau, le chargement de caisses d’un garage d’une résidence (qui peut raisonnablement s’inférer être une cache), les manœuvres de déchargement et de rechargement avec surveillance et manœuvres de contre-surveillance (desquelles on peut raisonnablement inférer des activités illicites), l’approvisionnement boîte à boîte d’un camion semi-remorque de la Nouvelle-Écosse (une méthode inusitée de chargement), etc.

[54]        La juge de révision a conclu que ces informations découlant de la surveillance policière étaient suffisantes pour corroborer les informations de la source et ainsi conférer à cette dernière une certaine fiabilité.  Elle était d’avis qu’il existait de nombreux faits, étayés par une preuve objective, qui permettaient au juge autorisateur de conclure qu’il existait des motifs raisonnables de soupçonner un comportement criminel. Je ne vois là aucune erreur qui requiert l’intervention de la Cour selon les critères d'intervention applicables.

[55]        Quant à la motivation de vengeance de la source qu’allèguent les appelants, elle a peu de pertinence en l’occurrence. Il serait naïf de croire que les sources policières sont toutes animées de motifs altruistes. Au contraire, celles-ci sont souvent motivées par des facteurs qui ne leur font pas nécessairement honneur, tels l’appât du gain, la vengeance ou la jalousie. Bien que ces motivations jouent un rôle dans l’évaluation de la fiabilité d’une source, elles ne sont pas déterminantes lorsque, comme c’est le cas ici, les renseignements fournis sont validés par l’enquête policière en cours. Tel que l’a déjà souligné la juge Tourigny dans Bâtiments Fafard inc. c. R.[23] :

Je ne suis pas certaine qu’il existe toujours, chez les informateurs spontanés, des motifs d’une pureté à toute épreuve. Mais, en l’absence d’une telle pureté, il n’y a pas nécessairement lieu d’écarter les informations reçues si, par ailleurs, elles répondent aux autres critères.

DEUXIÈME MOYEN D’APPEL : L’EXCLUSION DE LA PREUVE RECUEILLIE EN EXÉCUTION DES MANDATS CONCERNANT LES REGISTRES DES APPELS TÉLÉPHONIQUES DE SERGE PERRON, GÉRALD O’REILLY ET FELICITAS O’REILLY  (JUGEMENT DU 25 MAI 2011 PORTANT SUR LE VOIR-DIRE #4)

[56]        Le 13 octobre 2006, la SQ demande et obtient du juge Jean-Pierre Boyer de la Cour du Québec trois mandats obligeant les fournisseurs du service de télécommunication à permettre l’accès aux registres des appels téléphoniques de divers appareils téléphoniques liés à Serge Perron, Gérald O’Reilly et Felicitas O’Reilly pour la période du 13 juillet au 11 octobre 2006.

[57]        Les mandats furent  décernés en vertu du paragraphe 492.2(2) du Code criminel, tel qu’il était rédigé alors et dont le texte est reproduit au paragraphe [35] des présents motifs. La norme applicable afin de décerner de tels mandats, les principes juridiques pertinents et les rôles respectifs du juge réviseur et de cette Cour siégeant en appel de sa décision ont déjà été traités.

[58]        Outre tous les faits déjà énoncés à la dénonciation sous serment du 28 septembre 2006 à l’appui de la demande d’accès au registre des appels téléphoniques de Louis Moreau (aux paragraphes [41] à [44] de ces motifs), la SQ s’est aussi appuyée sur des faits additionnels pour convaincre le juge Boyer de décerner le mandat.

[59]        En effet, une divulgation volontaire de la Banque Royale du Canada auprès de la SQ permet de constater que Serge Perron — qui possède des antécédents judiciaires pour violence, fraude et vol — dépose des sommes importantes à la succursale de St-Constant, soit 1 829 217 $ entre le 1er février et le 15 mai 2006. Ce dernier est lié à la compagnie Tabac Tabec inc. (« Tabac Tabec ») qui possède des permis du Québec relatifs aux produits du tabac, mais dont les remises de taxes ne cessent de diminuer, passant de 147 368 $ en 2002 à 7 012 $ en 2005.

[60]        De plus, lors d’une surveillance du 28 septembre 2006, la SQ constate à nouveau des activités de chargement de caisses par Louis Moreau à la résidence de la rue Kirkwood, à Beaconsfield. Celles-ci sont transbordées et finalement transbordées par celui-ci à un camion semi-remorque immatriculé en Nouvelle-Écosse. Ce camion semi-remorque est suivi par divers corps policiers sur tout son trajet jusqu’à la Nouvelle-Écosse. La Gendarmerie Royale du Canada (« GRC ») observe le déchargement de caisses similaires du camion semi-remorque au Lunds Self Storage, en Nouvelle-Écosse, où un véhicule automobile enregistré au nom de l’appelant Phillips est observé lors du déchargement.

[61]        Finalement, le 30 septembre 2006, les autorités policières observent Louis Moreau se rendre à un restaurant au Nouveau-Brunswick où a lieu un échange d’une grosse boîte de la dimension d’une machine à laver pour une petite boîte.

[62]        Le 4 mai 2011, les appelants soumettent à la juge du procès une requête en exclusion de la preuve recueillie sous ces mandats, invoquant l’article 8 de la Charte.  Ils soulèvent l’absence de liens entre Tabac Tabec et le couple O’Reilly, l’absence d’information établissant que les cigarettes de contrebande proviennent de Tabac Tabec et la confusion entretenue entre les compagnies portant des noms similaires à Tabac Tabec. Ils réitèrent les objections formulées dans la requête en exclusion de la preuve recueillie sous le mandat d’accès au registre des appels de Louis Moreau que la juge a rejetée le 5 mai 2011.

[63]        Une preuve est reçue sur cette requête, laquelle est finalement rejetée dans un jugement du 25 mai 2011.

[64]        Comme dans sa décision du 5 mai 2011, la juge reconnaît que la dénonciation sous serment comporte des déficiences quant à la fiabilité de la source, mais elle réitère  que les surveillances policières pallient ces lacunes[24]. Elle ajoute qu’il n’y a aucune preuve de mauvaise foi de la part du policier qui a souscrit à la déclaration assermentée ou de tentative de tromper le juge Boyer qui a décerné le mandat[25]. La juge conclut son analyse comme suit[26] :

[22]      La preuve des liens n’a pas à ce stade à être concluante. Les informations de la source combinées avec les résultats des surveillances physiques, la divulgation volontaire concernant Serge Perron, la baisse du paiement des taxes de la compagnie Tabac Tabec, alors qu’il y a de l’activité, la relation avec la compagnie Alouette, les véhicules présents, et les numéros de téléphone constituent non seulement des motifs raisonnables de soupçonner des activités illégales mais aussi permettaient au juge de paix de délivrer les autorisations.

[65]        Les appelants invoquent en appel que la SQ aurait trompé le juge Boyer en laissant entendre l’existence d’un lien établi entre Serge Perron et le couple O’Reilly. Ils soutiennent qu’une vérification diligente aurait établi que Gérald O’Reilly était le propriétaire de la société Tabec Wholesale Limited, laquelle détenait une licence de vente de cigarettes pour la Nouvelle-Écosse, ce qui aurait évité une association avec Tabac Tabec.

[66]        Or, il appert que cette société Tabec Wholesale Limited n’a, de fait, jamais effectué de remises de taxes à la Nouvelle-Écosse, ce qui aurait aussi été révélé si la vérification suggérée par les appelants avait été menée par la SQ. En l’occurrence, cette vérification n’aurait pu avoir un effet sur la décision du juge Boyer. De plus, comme je l'ai déjà énoncé, la norme des « motifs raisonnables de soupçonner » n’oblige pas les autorités policières à faire enquête pour écarter l’ensemble des circonstances qui disculperaient les personnes visées.

[67]        Les appelants ajoutent aussi que le voir-dire a permis d’établir qu’aucune surveillance n’avait constaté la présence de Louis Moreau sur des lieux reliés à Tabac Tabec, contrairement à ce qui était énoncé aux dénonciations assermentées. Comme ces dénonciations sous serment indiquaient erronément que cette présence avait été établie, les appelants plaident qu’il s’agit là d’un élément suffisant pour remettre en question la présomption de validité des ordonnances contestées. 

[68]        Je note d’abord que la juge du procès a conclu qu’il « n’y a aucune preuve de mauvaise foi ou de tentative de tromper le juge de paix […] »[27]. De plus, si on excise de la dénonciation sous serment les allégations concernant la présence de Louis Moreau sur des lieux liés à Tabac Tabec, il reste amplement de faits objectifs pour justifier les mandats. En effet, la divulgation volontaire de la Banque Royale du Canada concernant les dépôts bancaires importants de Perron, les liens de ce dernier avec Tabac Tabec et les affirmations de la source voulant que Moreau transporte des cigarettes de contrebande de marque Tabec sont amplement suffisants. Lorsqu’il s’agit de décerner des mandats d’accès aux registres des appels téléphoniques, il suffit qu’il existe des faits objectifs qui permettent aux autorités policières d’avoir des motifs raisonnables de soupçonner un lien entre les individus visés et les infractions criminelles en cause, et ce, même si les faits au soutien de ces motifs s’avèrent par la suite erronés. Il suffit que la croyance des policiers en ces faits soit sincère et raisonnable.

[69]        En l’occurrence, les appelants échouent à démontrer une erreur de la juge qui justifierait l’intervention de la Cour selon la norme d’intervention applicable.

TROISIÈME MOYEN D’APPEL : L’EXCLUSION DE LA PREUVE RECUEILLIE EN EXÉCUTION DU MANDAT GÉNÉRAL PERMETTANT UNE ENTRÉE SUBREPTICE AU LUNDS SELF STORAGE EN NOUVELLE-ÉCOSSE (JUGEMENT DU 16 DÉCEMBRE 2011 PORTANT SUR LE VOIR-DIRE #5)

[70]        Le 16 octobre 2006, dans le cadre d’une enquête distincte et indépendante de la GRC portant sur le trafic de cigarettes de contrebande en Nouvelle-Écosse et impliquant notamment l’appelant Phillips, le juge Brian D. Williston de la Cour provinciale de la Nouvelle-Écosse décerne un mandat général sous l’article 487.01 du Code criminel permettant à la GRC d’effectuer une entrée subreptice aux unités #19 et 29 du Lunds Self Storage situé au 645 Keltic Drive, Coxheath, Nouvelle-Écosse, afin d’y effectuer une surveillance et y prélever de petits échantillons de tabac de contrebande qui pourraient s’y trouver.

[71]        L’article 487.01 du Code criminel fait partie d’une série de dispositions en matière d’autorisation judiciaire édictées en 1993. Cet article fut incorporé au Code criminel pour répondre à l’arrêt R. c. Wong[28] dans lequel la Cour suprême du Canada a conclu que la surveillance vidéo par les autorités policières d’activités qui se déroulent dans une chambre d’hôtel va à l’encontre de l’attente raisonnable d’une personne en matière de vie privée et nécessite ainsi une autorisation judiciaire préalable conformément à une disposition législative valide. La réponse du législateur, qui a pris la forme de l’article 487.01, allait au-delà de la surveillance vidéo.  L’article a pour objectif de permettre l’obtention d’autorisations judiciaires à l’égard de toutes techniques ou méthodes non précisées dans le Code criminel.  Il habilite un juge à autoriser un policier à  utiliser un dispositif ou une technique ou une méthode d’enquête, ou à accomplir tout acte qui y est mentionné, qui constituerait sans cette autorisation une fouille, une perquisition ou une saisie abusive :

        (1) Un juge de la cour provinciale, un juge de la cour supérieure de juridiction criminelle ou un juge au sens de l’article 552 peut décerner un mandat par écrit autorisant un agent de la paix, sous réserve du présent article, à utiliser un dispositif ou une technique ou une méthode d’enquête, ou à accomplir tout acte qui y est mentionné, qui constituerait sans cette autorisation une fouille, une perquisition ou une saisie abusive à l’égard d’une personne ou d’un bien :

a) si le juge est convaincu, à la suite d’une dénonciation par écrit faite sous serment, qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à l’infraction seront obtenus grâce à une telle utilisation ou à l’accomplissement d’un tel acte;

b) s’il est convaincu que la délivrance du mandat servirait au mieux l’administration de la justice;

c) s’il n’y a aucune disposition dans la présente loi ou toute autre loi fédérale qui prévoie un mandat, une autorisation ou une ordonnance permettant une telle utilisation ou l’accomplissement d’un tel acte.

        (1) A provincial court judge, a judge of a superior court of criminal jurisdiction or a judge as defined in section 552 may issue a warrant in writing authorizing a peace officer to, subject to this section, use any device or investigative technique or procedure or do any thing described in the warrant that would, if not authorized, constitute an unreasonable search or seizure in respect of a person or a person’s property if

 

(a) the judge is satisfied by information on oath in writing that there are reasonable grounds to believe that an offence against this or any other Act of Parliament has been or will be committed and that information concerning the offence will be obtained through the use of the technique, procedure or device or the doing of the thing;

(b) the judge is satisfied that it is in the best interests of the administration of justice to issue the warrant; and

(c) there is no other provision in this or any other Act of Parliament that would provide for a warrant, authorization or order permitting the technique, procedure or device to be used or the thing to be done.

[72]        Une entrée subreptice dans un immeuble de type entrepôt est l’une des méthodes d’enquête qui nécessite une autorisation sous cet article[29]. La norme applicable pour l’émission de cette autorisation est celle des « motifs raisonnables de croire », soit une norme plus sévère que celle des « motifs raisonnables de soupçonner » dont j’ai discuté aux présents motifs jusqu’à maintenant. Le juge qui décerne le mandat général doit notamment être convaincu, par la dénonciation sous serment, de l’existence de motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été ou sera commise et que l’utilisation de la technique ou méthode pour laquelle on demande une autorisation permettra d’obtenir des renseignements au sujet de cette infraction. Le mandat général doit également énoncer les modalités que le juge estime opportunes pour que la fouille, la perquisition ou la saisie soit raisonnable dans les circonstances[30]

[73]        Dans ce cas-ci, la preuve recueillie en exécution du mandat établit la présence de cigarettes de contrebande. Le 22 novembre 2011, l’appelant Phillips présente une requête en exclusion de cette preuve fondée sur l’article 8 de la Charte (voir-dire #5) invoquant (a) l’insuffisance et la faiblesse des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été ou sera commise (notamment des inexactitudes et omissions dans la dénonciation sous serment); et (b) l’insuffisance de la description de l’infraction reprochée à la dénonciation assermentée à son soutien et l’absence d’enquête ou de preuve portant sur les exceptions énoncées à l’article 32 de la Loi de 2001 sur l’accise[31].

[74]        Dans un jugement du 16 décembre 2011, la juge rejette la requête.

[75]        L’appelant Phillips se pourvoit maintenant en appel de ce jugement, mais uniquement sur le moyen portant sur les exceptions énoncées à l’article 32 de la Loi de 2001 sur l’accise

[76]        L’infraction reprochée est ainsi décrite dans la dénonciation sous serment au soutien de ce mandat :

The informant says that he has reasonable grounds to believe and does believe that a certain offence to wit : conspiracy to possess and sell manufactured tobacco in the form of cigarettes, not stamped in accordance with the Excise Act 2001, and the regulations thereunder contrary to Section 32 of the Excise Act 2001, and therefore committing an offence under section 465(1)(c) of the Criminal Code; between the 13th day of March, 2006 and the 17th day of October, 2006 at or near, Coxheath in the Cape Breton Regional Municipality, Province of Nova Scotia elsewhere in the Province of Nova Scotia and elsewhere in Canada has been committed by Alexander David PHILLIPS, Blair Fraser MACKEIGAN, Sharon Dawn MACRURY and others unknown, and that the reasonable grounds in support of the application are the following: […]

[77]        Le paragraphe 32(1) de la Loi de 2001 sur l’accise établit qu’il est interdit de vendre, d’offrir en vente ou d’avoir en sa possession des produits du tabac qui ne sont pas estampillés. Par contre, les paragraphes 32(2) et (3) de cette loi énoncent des cas et des circonstances où cet interdit ne s’applique pas, à titre d’exemple, lorsque le tabac se trouve dans un entrepôt d’accise ou dans une boutique hors taxes.

[78]        L’appelant Phillips soutient que le dénonciateur qui invoque une infraction à l’article 32 de la Loi de 2001 sur l’accise afin d’obtenir un mandat général doit s’assurer que les exceptions prévues aux paragraphes 32(2) et (3) ne s’appliquent pas, à défaut de quoi le mandat serait invalide. Il soutient que les autorités policières doivent vérifier au préalable auprès des agences et organismes réglementaires étatiques si le sujet du mandat détient les permis requis ou si sa situation est l’une de celles que visent les exceptions énoncées à la loi. Vu que la dénonciation sous serment au soutien du mandat général ne fait pas état de telles vérifications, ce mandat doit être annulé afin, dit-il, d’éviter des injustices et sauvegarder la confiance du public dans l’administration de la justice.

[79]        La juge du procès a rejeté ces prétentions au motif que la description de l’infraction dans un mandat de perquisition doit renseigner raisonnablement sur la nature de l’infraction et sur l’objet de la fouille, sans nécessairement préciser si une exception, excuse ou justification peut être invoquée à l’égard de cette infraction[32]. A-t-elle raison?

[80]        Un mandat général est un outil d’enquête[33]. À ce stade, l’infraction pour laquelle il existe des motifs raisonnables de croire qu’elle a été ou sera commise doit être décrite de façon suffisamment précise pour permettre au juge à qui la demande est présentée et, par la suite, au juge réviseur, le cas échéant, de décider si les conditions énoncées à l’article 487.01 du Code criminel sont réunies. À cette fin, les exigences de spécificité quant à l’infraction reprochée doivent être souples.

[81]        Comme le signalait la Cour dans Boulianne c. R.[34] :

La requête en certiorari, de même que les moyens d'appel, invoquent l'insuffisance de la dénonciation qui aurait fait défaut d'alléguer expressément l'article du Code criminel relatif à la fraude ainsi que le fait que la fraude constituerait un crime aux États-Unis, endroit où elle aurait été commise. Ils invoquent également l'insuffisance de la description des objets à saisir alléguant que, tels que rédigés, les dénonciations et mandats de perquisition correspondants constituent une expédition de pêche.

Il y a lieu, en premier lieu, de souligner la distinction qui existe entre la dénonciation visant à obtenir un mandat de perquisition et la dénonciation relative à la commission de l'infraction. Les exigences de spécificité imposées quant à la seconde sont, de toute évidence, plus souples quant à la première.

[…]

La mention du numéro de l'article du Code criminel qui crée l'infraction substantive ne constitue pas un élément essentiel et son absence n'est pas déterminante, dans la mesure où sa nature est clairement décrite, à savoir une fraude […].

[Soulignement ajouté; références omises]

[82]        De façon analogue, dans Lahaie et al. v. Attorney General of Canada et al[35], la Cour d’appel de l’Ontario n’a pas retenu la prétention voulant que le déclarant dût décrire, dans les dénonciations sous serment à l’appui de mandats de perquisition concernant des infractions à la Loi sur la radiocommunication[36], une controverse jurisprudentielle quant à l’inclusion du décodage de signaux en provenance de l’étranger aux infractions énoncées aux alinéas 9(1)c) et 10(1)b) de cette loi. De même, dans R. v. Yorke[37], la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a réfuté l’argument voulant que les critères de l’article 37 de la Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels[38] doivent obligatoirement être énoncés à la dénonciation assermentée à l’appui d’un mandat de perquisition :

While it is true that the information to obtain the warrant made no reference to any of these requirements, it is not necessary at the investigative stage for the informant to prove or provide evidence of each of the elements of an offence. Since the specific statute was referred to in the information, it was possible for the justice of the peace to refer to the Act to determine how "foreign cultural property" was defined and to then review the information to satisfy himself that there were reasonable and probable grounds that an offence under that Act had been committed.

[Soulignement ajouté]

[83]        En l’occurrence, l’infraction reprochée dans la dénonciation sous serment est claire et il n’était pas nécessaire d’y reproduire en entier l’article 32 de la Loi de 2001 sur l’accise afin d’attirer l’attention du juge qui a décerné le mandat général sur les exceptions y prévues. Celui-ci pouvait aisément prendre connaissance du texte de l’article, même si celui-ci n’était pas reproduit à la dénonciation sous serment.

[84]        Je réfute aussi la prétention de l’appelant Phillips voulant qu’il incombât, dans ce cas-ci, à la GRC d’effectuer des vérifications préalables quant à ces exceptions et de faire part des résultats de cette démarche dans la dénonciation sous serment.

[85]        Selon le contexte, il est possible qu’une telle vérification préalable soit nécessaire afin de soutenir des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à l’article 32 de la Loi de 2001 sur l’accise a été ou sera commise. Ainsi, si l’autorisation requise sous l’article 487.01 du Code criminel vise un exploitant de tabac qui vend des produits du tabac à des boutiques hors taxes, il serait probablement nécessaire de vérifier que celui-ci ne détient pas les permis requis avant de conclure à la présence de motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise sous l’article 32 de la Loi de 2001 sur l’accise.

[86]        Cependant, ce n’est manifestement pas le cas dans cette affaire. En effet, la dénonciation sous serment indique qu’une source fiable et digne de foi informe la GRC dès janvier 2006 qu’un dénommé « Alex Phillips » se livre à un trafic important de cigarettes de contrebande en provenance de l’extérieur de la province et qu’il est le fournisseur d’un revendeur dénommé Wilfred Gould sur la Eskasoni First Nation Reserve. Par ses enquêtes, la GRC confirme la vente de cigarettes de contrebande par ce dernier et leur provenance d’un fournisseur des environs de Marion Bridge où réside l’appelant David Alexander Phillips. Une seconde source fiable confirme l’approvisionnement en cigarettes de contrebande d’un autre revendeur à même un véhicule que la GRC peut lier à l’appelant Phillips. De plus, le camion semi-remorque surveillé par la GRC les 28 et 29 septembre 2006 à la demande de la SQ (qui croit qu’il contient des cigarettes de contrebande en provenance de Montréal) décharge des boîtes au Lunds Self Storage en présence d’individus qui s’y sont rendus au moyen de véhicules automobiles, dont l’un est enregistré au nom de l’appelant Phillips.

[87]        Dans ce contexte, la GRC n’avait pas à faire des vérifications quant à l’application possible des exceptions énoncées aux paragraphes 32(2) et (3) de la Loi de 2001 sur l’accise pour conclure à la présence de motifs raisonnables de croire qu’une infraction à l’article 32 a été ou sera commise. 

 

QUATRIÈME MOYEN D’APPEL : LE REFUS ALLÉGUÉ DE TENIR DES VOIR-DIRE SUR LA VALIDITÉ DES FOUILLES ET PERQUISITIONS EFFECTUÉES EN EXÉCUTION DE DIVERS MANDATS GÉNÉRAUX, ORDONNANCES DE COMMUNICATION ET MANDATS D’ÉCOUTE ÉLECTRONIQUE (JUGEMENTS DES 17 JANVIER, 19 JANVIER, 13 FÉVRIER ET 30 MARS 2012 PORTANT SUR LES VOIR-DIRE #6, 8, 10 et 11)

(a)  Le jugement du 17 janvier 2012 concernant la demande de voir-dire #6

[88]        Entre le 30 octobre et le 30 novembre 2006, la SQ demande et obtient du juge Jean-Pierre Boyer, de la Cour du Québec, plusieurs mandats généraux sous l’article 487.01 du Code criminel afin d’effectuer des entrées subreptices et installer des appareils de surveillance au 93 Kirkwood à Beaconsfield (dont le garage sert d’entrepôt aux caisses suspectes), d'installer des appareils de surveillance sur le camion cube utilisé par Moreau pour transporter les caisses, de même que pour effectuer des entrées subreptices et installer des appareils de surveillance dans l’entrepôt, dans les immeubles et dans le stationnement des 8505-8550 Delmeade, VMR, qui sont des biens immobiliers liés au couple O’Reilly ou à leurs sociétés. Les dénonciations sous serment à l’appui de ces mandats font notamment état :

(a) des preuves dévoilées par l’enquête telles que déjà décrites dans les dénonciations sous serment antérieures à l’appui des mandats de communication des registres des appels téléphoniques de Moreau, Perron et des O’Reilly;

(b) des nouvelles surveillances policières qui permettent de mettre à jour une rencontre à Montréal entre O’Reilly et Phillips le 12 octobre 2006; et

(c) des résultats de l’exécution du mandat général émis en Nouvelle-Écosse permettant une entrée subreptice au Lunds Self Storage lié à Phillips et y confirmant la présence de produits de contrebande du tabac.

[89]        Dans une requête datée du 6 janvier 2012 (demande de voir-dire #6), les appelants demandent à la juge du procès d’exclure la preuve obtenue en vertu de ces mandats, invoquant l’article 8 de la Charte. Ils soulèvent largement les mêmes moyens que ceux rejetés par la juge dans les jugements rendus quant à leurs requêtes antérieures, mais y ajoutent l’illégalité du mandat général émis en Nouvelle-Écosse qui a permis de confirmer la présence de produits de contrebande du tabac au Lunds Self Storage.

[90]        Le ministère public s’est opposé à la tenue d’un voir-dire au motif qu’il y avait répétition des requêtes antérieures. Le ministère public soutenait également qu’à la lecture des faits énoncés aux dénonciations sous serment, il n’y avait pas lieu de conclure à l’illégalité des mandats et qu’il fallait en conséquence rejeter la demande d’exclusion de la preuve recueillie sous ceux-ci.

[91]        Dans son jugement du 17 janvier 2012, la juge constate que la plupart des moyens soulevés par les accusés font l’objet de ses jugements antérieurs. Elle reconnaît que certains de ces jugements visaient des autorisations judiciaires soumises à la norme des « motifs raisonnables de soupçonner » plutôt qu’à celle plus élevée des « motifs raisonnables de croire ». Elle conclut néanmoins que ce n’est pas parce que les faits invoqués sont conformes à la norme moins sévère qu’ils ne sont pas aussi conformes à celle plus sévère.

[92]        Quant aux nouveaux moyens invoqués, la juge remarque qu’ils concernent principalement l’exclusion de la preuve recueillie en exécution du mandat général émis en Nouvelle-Écosse. Or, ce mandat fut jugé valide dans son jugement du 16 décembre 2011. Elle conclut donc son analyse comme suit :

[39] L’ensemble de l’affidavit avec le résultat du mandat de la Nouvelle-Écosse permettait au juge de délivrer les autorisations.

[40] En l’espèce, il n’y a pas lieu de tenir un voir-dire sur le bien-fondé de la requête, les requérants n’ayant pas démontré une probabilité raisonnable que son audition ait une incidence sur la question de l’admissibilité de la preuve contestée.

[41] En conséquence, la demande de l’audition d’un voir-dire est rejetée et de ce fait, il n’y a pas de violation de l’article 8 de la Charte puisque le juge émetteur avait amplement les motifs pour délivrer les autorisations et la requête pour exclusion de preuve est en conséquence rejetée.

(b)  Le jugement du 19 janvier 2012 concernant la demande de voir-dire #8

[93]        Le 12 mars et le 12 avril 2007, la SQ requiert et obtient trois mandats généraux sous l’article 487.01 du Code criminel afin d’obtenir de diverses institutions financières, de façon ponctuelle au fur et à mesure, des informations concernant les transactions effectuées dans divers comptes liés à la société Les Systèmes Ascot IV Ltd. (« Ascot »), elle-même liée à Felicitas O’Reilly. De même, le 27 février et le 21 mars 2007, la SQ requiert et obtient trois ordonnances de communication en vertu de l’article 487.012 du Code criminel, tel qu’il était alors rédigé, prévoyait notamment ce qui suit :

       487.012 (1) Sauf si elle fait l’objet d’une enquête relative à l’infraction visée à l’alinéa (3)a), un juge de paix ou un juge peut ordonner à une personne :

a) de communiquer des documents — originaux ou copies certifiées conformes par affidavit — ou des données;

b) de préparer un document à partir de documents ou données existants et de le communiquer.

487.012 (1) A justice or judge may order a person, other than a person under investigation for an offence referred to in paragraph (3)(a),

 

(a) to produce documents, or copies of them certified by affidavit to be true copies, or to produce data; or

 

(b) to prepare a document based on documents or data already in existence and produce it.

 

(2) L’ordonnance précise le moment, le lieu et la forme de la communication ainsi que la personne à qui elle est faite — agent de la paix ou fonctionnaire public nommé ou désigné pour l’application ou l’exécution d’une loi fédérale ou provinciale et chargé notamment de faire observer la présente loi ou toute autre loi fédérale.

        

(2) The order shall require the documents or data to be produced within the time, at the place and in the form specified and given

(a) to a peace officer named in the order; or

 

(b) to a public officer named in the order, who has been appointed or designated to administer or enforce a federal or provincial law and whose duties include the enforcement of this or any other Act of Parliament.

(3) Le juge de paix ou le juge ne rend l’ordonnance que s’il est convaincu, à la suite d’une dénonciation par écrit faite sous serment et présentée ex parte, qu’il existe des motifs raisonnables de croire que les conditions suivantes sont réunies :

a) une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale a été ou est présumée avoir été commise;

b) les documents ou données fourniront une preuve touchant la perpétration de l’infraction;

c) les documents ou données sont en la possession de la personne en cause ou à sa disposition.

(3) Before making an order, the justice or judge must be satisfied, on the basis of an ex parte application containing information on oath in writing, that there are reasonable grounds to believe that

 

(a) an offence against this Act or any other Act of Parliament has been or is suspected to have been committed;

 

(b) the documents or data will afford evidence respecting the commission of the offence; and

 

(c) the person who is subject to the order has possession or control of the documents or data.

(4) L’ordonnance peut être assortie des conditions que le juge de paix ou le juge estime indiquées, notamment pour protéger les communications privilégiées entre l’avocat — et, dans la province de Québec, le notaire — et son client. […]

(4) The order may contain any terms and conditions that the justice or judge considers advisable in the circumstances, including terms and conditions to protect a privileged communication between a lawyer and their client or, in the province of Quebec, between a lawyer or a notary and their client. […]

[94]        Outre les informations déjà décrites précédemment, les dénonciations sous serment à l’appui de ces mandats et ordonnances comportent celles-ci : (a) la source informe la SQ que les billets de 20 $ provenant de la vente de tabac de contrebande sont recyclés par le couple O’Reilly dans des guichets de distribution de billets de banque situés dans la région de Montréal et alimentés par l’un de leurs employés; (b) des opérations de surveillance et des vérifications physiques permettent de constater l’existence de ces guichets et leur alimentation par un individu lié aux O’Reilly; (c) les informations retrouvées dans les ordinateurs de la société Alouette lors d’une entrée subreptice effectuée en vertu d’un mandat général démontrent que c’est la société Ascot qui opère ces guichets; et (d) une entrée subreptice en vertu d’un mandat général au 93 Kirkwood, Beaconsfield, une résidence liée à Gérald O’Reilly, permet d’y constater la présence de cigarettes de contrebande.

[95]        Au cours du mois de janvier 2012, les appelants soumettent à la juge du procès une requête (demande de voir-dire #8) afin d’exclure la preuve recueillie sous ces mandats et ordonnances, invoquant l’article 8 de la Charte. Ils reprennent à nouveau, mais sous une nouvelle mouture, les mêmes moyens que ceux invoqués dans leurs requêtes antérieures, tout en précisant certains de ceux-ci.

[96]        Dans son jugement rendu séance tenante le 19 janvier 2012, la juge est d’avis que les dénonciations sous serment révèlent qu’une base factuelle suffisante permettait  au juge de décerner l'autorisation judiciaire. Elle conclut son analyse comme suit :

[33]  Le rôle tel que je le conçois, je l’ai mentionné, n’est pas de se demander si le juge aurait agi différemment, mais bien s’il y avait des éléments qui rencontraient les exigences préalables aux autorisations.

[34]  En l’espèce je considère qu’il y en avait, que l’audition sur les nouveaux arguments que ce soit par témoins ou autrement, n’apportera pas une probabilité raisonnable qu’il y ait une incidence sur les éléments de preuve qui sont contestés et en conséquence, je n’accorde pas l’autorisation de procéder sur le voir-dire pour les commentaires que j’ai émis évidemment sur le fardeau avec l’arrêt Wilson et la requête VD-8 est rejetée.

(c)  Le jugement du 13 février 2012 concernant la demande de voir-dire #10

[97]        Le 18 mai 2007, la SQ requiert et obtient une ordonnance de communication sous l’article 487.012 du Code criminel, tel qu’il était alors rédigé et dont le texte est reproduit au paragraphe [93] de ces motifs, lui permettant d’obtenir les informations détenues par le ministère du Revenu du Québec pour la compagnie à numéro 9177-3820 Québec inc. Le 29 mai 2007, la SQ requiert et obtient un nouveau mandat général sous l’article 487.01 du Code criminel afin d’effectuer des entrées subreptices au 8505 Delmeade, VMR (un immeuble commercial lié au couple O’Reilly), pour y copier des documents et assurer une surveillance au moyen d’enregistrements vidéos.

[98]        Outre les informations déjà relatées, les dénonciations sous serment recèlent de nombreux nouveaux renseignements résultant soit de l’exécution des mandats généraux antérieurement décernés, soit des nombreuses nouvelles opérations de surveillance menées par la SQ et la GRC, soit des éclaircissements additionnels fournis par la source policière. Les faits invoqués confirment l’ampleur du trafic de cigarettes de contrebande entre le Québec et la Nouvelle-Écosse et des opérations de recyclage des produits de la criminalité provenant de ce trafic. À vrai dire, les faits constatés sont accablants à ces égards. La source informe aussi la SQ de fraudes bancaires menées par Felicitas O’Reilly à l’aide d’un avocat-comptable et impliquant notamment la société 9177-3820 Québec inc. Une vérification au CIDREQ permet de lier cette société à Felicitas O’Reilly.

[99]        Dans une requête datée du 6 février 2012, Gérald et Felicitas O’Reilly demandent à la juge du procès d’exclure la preuve recueillie sous cette ordonnance de communication et ce mandat général, invoquant l’article 8 de la Charte. Ils soulèvent à nouveau plusieurs des moyens déjà rejetés par la juge du procès, tout en soutenant l’insuffisance des faits invoqués aux dénonciations sous serment et le caractère erroné ou trompeur de certaines informations y énoncées.

[100]     Dans son jugement du 13 février 2012, la juge conclut que les dénonciations sous serment soutiennent amplement les exigences des articles 487.01 et 487.012 du Code criminel. Elle détermine qu’il n’est pas nécessaire de tenir un voir-dire et rejette la requête pour exclusion des éléments de preuve[39].

(d)  Le jugement du 30 mars 2012 concernant la demande de voir-dire #11

[101]     Le 11 juillet 2007, la SQ requiert et obtient un mandat général sous l’article 487.01 du Code criminel pour observer les guichets situés au 4505 Hichmore et au 1700 route Transcanadienne, liés à la société Ascot, au moyen d’une caméra de télévision ou autre dispositif électronique.

[102]     Le même jour, la SQ requiert et obtient un mandat d’écoute électronique visant 18 individus, dont les appelants. Ce mandat est autorisé sous la Partie VI du Code criminel qui prévoit un régime complet portant sur l’usage des divers types de dispositifs de surveillance électronique. Ce régime découle largement de la jurisprudence établie sous l’article 8 de la Charte. Il est soumis à des exigences strictes afin d’assurer la protection de la vie privée[40]. À cet égard, les paragraphes 185(1) et (1.1) et 186(1) et (1.1) du Code criminel prévoient, entre autres, ce qui suit :

185 (1) Pour l’obtention d’une autorisation visée à l’article 186, une demande est présentée ex parte et par écrit à un juge d’une cour supérieure de juridiction criminelle, ou à un juge au sens de l’article 552, et est signée par le procureur général de la province ou par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ou par un mandataire spécialement désigné par écrit pour l’application du présent article […] ;

[…] il doit y être joint un affidavit d’un agent de la paix ou d’un fonctionnaire public pouvant être fait sur la foi de renseignements tenus pour véridiques et indiquant ce qui suit :

c) les faits sur lesquels le déclarant se fonde pour justifier qu’à son avis il y a lieu d’accorder une autorisation, ainsi que les détails relatifs à l’infraction;

d) le genre de communication privée que l’on se propose d’intercepter;

e) les noms, adresses et professions, s’ils sont connus, de toutes les personnes dont les communications privées devraient être interceptées du fait qu’on a des motifs raisonnables de croire que cette interception pourra être utile à l’enquête relative à l’infraction et une description générale de la nature et de la situation du lieu, s’il est connu, où l’on se propose d’intercepter des communications privées et une description générale de la façon dont on se propose de procéder à cette interception;

f) le nombre de cas, s’il y a lieu, où une demande a été faite en vertu du présent article au sujet de l’infraction ou de la personne nommée dans l’affidavit conformément à l’alinéa e) et où la demande a été retirée ou aucune autorisation n’a été accordée, la date de chacune de ces demandes et le nom du juge auquel chacune a été présentée;

g) la période pour laquelle l’autorisation est demandée;

h) si d’autres méthodes d’enquête ont ou non été essayées, si elles ont ou non échoué, ou pourquoi elles paraissent avoir peu de chance de succès, ou si, étant donné l’urgence de l’affaire, il ne serait pas pratique de mener l’enquête relative à l’infraction en n’utilisant que les autres méthodes d’enquête.

185 (1) An application for an authorization to be given under section 186 shall be made ex parte and in writing to a judge of a superior court of criminal jurisdiction or a judge as defined in section 552 and shall be signed by the Attorney General of the province in which the application is made or the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness or an agent specially designated in writing for the purposes of this section by […],

[…] and shall be accompanied by an affidavit, which may be sworn on the information and belief of a peace officer or public officer deposing to the following matters:

(c) the facts relied on to justify the belief that an authorization should be given together with particulars of the offence,

(d) the type of private communication proposed to be intercepted,

(e) the names, addresses and occupations, if known, of all persons, the interception of whose private communications there are reasonable grounds to believe may assist the investigation of the offence, a general description of the nature and location of the place, if known, at which private communications are proposed to be intercepted and a general description of the manner of interception proposed to be used,

 

(f) the number of instances, if any, on which an application has been made under this section in relation to the offence and a person named in the affidavit pursuant to paragraph (e) and on which the application was withdrawn or no authorization was given, the date on which each application was made and the name of the judge to whom each application was made,

(g) the period for which the authorization is requested, and

(h) whether other investigative procedures have been tried and have failed or why it appears they are unlikely to succeed or that the urgency of the matter is such that it would be impractical to carry out the investigation of the offence using only other investigative procedures.

(1.1) L’alinéa (1)h) ne s’applique pas dans les cas où l’autorisation demandée vise :

[…]

b) une infraction commise au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle, ou en association avec elle; […]

(1.1) Notwithstanding paragraph (1)(h), that paragraph does not apply where the application for an authorization is in relation to

 […]

(b) an offence committed for the benefit of, at the direction of or in association with a criminal organization; […]

186(1) Une autorisation visée au présent article peut être donnée si le juge auquel la demande est présentée est convaincu que :

a) d’une part, l’octroi de cette autorisation servirait au mieux l’administration de la justice;

b) d’autre part, d’autres méthodes d’enquête ont été essayées et ont échoué, ou ont peu de chance de succès, ou que l’urgence de l’affaire est telle qu’il ne serait pas pratique de mener l’enquête relative à l’infraction en n’utilisant que les autres méthodes d’enquête.

186 (1) An authorization under this section may be given if the judge to whom the application is made is satisfied

(a) that it would be in the best interests of the administration of justice to do so; and

(b) that other investigative procedures have been tried and have failed, other investigative procedures are unlikely to succeed or the urgency of the matter is such that it would be impractical to carry out the investigation of the offence using only other investigative procedures.

(1.1) L’alinéa (1)b) ne s’applique pas dans les cas où le juge est convaincu que l’autorisation demandée vise :

 

[…]

b) une infraction commise au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle, ou en association avec elle; […]

(1.1) Notwithstanding paragraph (1)(b), that paragraph does not apply where the judge is satisfied that the application for an authorization is in relation to

 

 […]

 

(b) an offence committed for the benefit of, at the direction of or in association with a criminal organization; […]

[103]     Les dénonciations sous serment à l’appui de ces mandats s’étalent sur plus de 170 pages. De nombreux faits découlant de l’enquête, qu’il serait fastidieux d’énumérer, y sont relatés. Il suffit de préciser que ces faits établissent nettement l’existence d’un trafic de cigarettes de contrebande dans lequel chacun des appelants participe de diverses façons, de même que des activités liées au recyclage des produits de cette contrebande.

[104]     Au début mars 2012, les appelants[41] demandent l’exclusion de la preuve recueillie au moyen de ces mandats, invoquant l’article 8 de la Charte. Ils soutiennent que les dénonciations sous serment contiennent des éléments faux ou trompeurs. Ils remettent aussi en cause la nécessité des mandats aux fins de l’enquête. Les prétentions des appelants sont résumées comme suit par la juge du procès[42] :

-        Ils plaident de façon générale, l’absence de motifs raisonnables et probables de croire que des infractions sont ou ont été commises. Ils allèguent également les affirmations trompeuses délibérément faites par l’affiant, l’absence du critère de nécessité pour l’écoute électronique et l’absence de preuve d’une organisation criminelle au sens de l’article 467.1(1) C.cr.;

-        Plus particulièrement, on soulève que les déficiences contenues dans les affidavits antérieurs doivent être considérées avec plus d’importance lorsqu’il s’agit d’une écoute électronique;

-        L’affiant n’a pas procédé à une divulgation honnête et franche en incluant des informations erronées quant au montant des taxes impayées et le nombre inexact de caisses de cigarettes;

-        L’absence d’indications quant aux motivations de la source A, qui affaiblissent sa fiabilité;

-        L’absence de contextualisation de certaines allégations, trompant ainsi le juge de paix, entre autres par un portrait incomplet sur le montant des taxes sur le tabac qui n’ont pas été payées;

-        L’absence finalement de lien véritable entre Serge Perron, Gérald O’Reilly, Felicitas O’Reilly et la compagnie Tabac Tabec Inc.

[105]     La juge rend son jugement séance tenante le 30 mars 2012. Elle retient que les observations effectuées lors des entrées subreptices au 93 Kirkwood à Beaconsfield attestent de la présence d’une quantité importante de cigarettes de contrebande, qu’aucun des faits allégués par les appelants ne permet de conclure à des déclarations fausses ou trompeuses faites délibérément et que les informations fournies par la source policière se sont avérées fiables[43].

[106]     La juge note que le paragraphe 186(1.1) du Code criminel dispense d’établir la nécessité de l’écoute électronique aux fins de l’enquête dans le cas d’organisation criminelle. Or, à son avis, la dénonciation sous serment comporte amplement d’éléments permettant de croire à la présence d’une organisation criminelle dans ce cas-ci[44].

[107]     Ainsi, la juge conclut que les appelants n’ont pas établi une probabilité raisonnable que la tenue d’un voir-dire puisse avoir une incidence sur l’admissibilité de la preuve recueillie sous ces mandats. Elle conclut aussi que les dénonciations sous serment à leur soutien rencontrent toutes les exigences du Code criminel, sont complètes, sont précises et appuient les conclusions recherchées[45]. Elle rejette donc la demande de voir-dire et déclare qu’il n’y a aucune violation de l’article 8 de la Charte[46].

(e)  Les moyens d’appel

[108]     Les appelants soutiennent, dans un premier temps, que la juge du procès aurait commis une erreur de principe en refusant les contre-interrogatoires des déclarants au motif qu’ils n’avaient pas établi une « probabilité raisonnable » que ces contre-interrogatoires pouvaient avoir une incidence sur le sort de leurs requêtes en exclusion de la preuve fondées sur la Charte. Selon eux, il suffisait d’établir que les contre-interrogatoires pouvaient contribuer à démontrer l’illégalité des autorisations judiciaires en cause. Ce ne serait donc qu’en l’absence totale de fondement aux demandes de contre-interrogatoires que la juge pouvait en refuser la tenue

[109]     Dans un second temps, les appelants plaident que même si la juge du procès a rejeté leurs demandes de contre-interrogatoires, ils avaient néanmoins le droit strict de présenter une autre preuve — plus précisément, dans ce cas-ci, les transcriptions des interrogatoires antérieurs recueillies lors d’autres voir-dire et de l’enquête préliminaire — afin d’attaquer les autorisations judiciaires.

[110]     Dans un troisième temps, ils prétendent que la réception d’une telle preuve n’était pas assujettie au critère de la « probabilité raisonnable » qu’elle ait une incidence sur le sort de leurs requêtes, mais plutôt qu’il suffisait pour eux d’établir simplement que cette preuve pouvait contribuer au débat.

[111]     Finalement, les appelants ajoutent que, de toute façon, le refus de recevoir une preuve au soutien de leurs requêtes ne peut porter que sur la contestation de la validité au fond («sub-facial validity») des autorisations judiciaires en cause et n’implique pas qu’ils n’ont pas droit à la tenue d’un voir-dire sur la validité apparente («facial validity») de ces autorisations. À leur avis, la juge du procès aurait confondu contestation de la validité apparente («facial validity») et contestation au fond («sub-facial validity»), ce qui l’aurait conduite à refuser erronément la tenue d’un voir-dire portant à tout le moins sur la validité apparente («facial validity») des autorisations judiciaires contestées.

[112]     Bref, selon les appelants, ce ne serait qu’en présence d’une demande de contestation au fond («sub-facial validity») que la juge pouvait refuser un contre-interrogatoire ou une autre preuve selon les critères appropriés. Saisie d’une contestation de la validité apparente des autorisations judiciaires («facial validity»), la juge n’avait, disent-ils, aucune discrétion pour refuser la tenue des voir-dire sur cet aspect du dossier. Ainsi, elle devait obliger le ministère public à établir, selon la prépondérance des probabilités, la validité des autorisations judicaires obtenues.

[113]     Conséquemment, si la juge avait suivi le processus approprié, les appelants soutiennent qu’elle aurait été contrainte de tenir un voir-dire, de permettre les contre-interrogatoires, de recevoir la preuve qu’ils souhaitaient déposer et de conclure à l’invalidité des autorisations judiciaires en cause. Comme la juge a refusé de tenir un voir-dire, le processus requis afin de vérifier la validité constitutionnelle des autorisations judiciaires en cause n’a pas été suivi. Il s’agit là, selon eux, d’une erreur grave devant conduire à leur acquittement ou, à tout le moins, à une ordonnance de nouveau procès.

(f)    Les principes applicables

[114]      L’argumentaire des appelants repose sur une confusion entre le concept du « voir-dire » et la réception d’une preuve dans le cadre d’un voir-dire. Les nuances requises entre le concept de la validité apparente («facial validity») d’une autorisation judiciaire et celui de sa validité au fond («sub-facial validity») sont absentes ou occultées par les appelants. Avant d’entreprendre l’analyse, il est donc nécessaire de préciser le tout.

[115]     Lors d’un procès criminel, un « voir-dire » est l’examen, par le juge, de l’admissibilité d’un élément de preuve qu’une partie souhaite présenter au procès[47]. Le voir-dire a pour but de vérifier si les conditions juridiques requises sont réunies pour que la mise en preuve de cet élément soit autorisée ou, dit autrement, pour permettre qu’il soit considéré par le jury ou, selon le cas, pris en compte par le juge des faits. Selon les situations, la portée du voir-dire, son contenu et les règles du fardeau de la preuve qui lui sont applicables varient. En l’espèce, il est question de voir-dire en situation de contestation d’autorisations judiciaires requises et obtenues.

[116]     En pareille situation, il est possible pour une partie de présenter une preuve particulière portant sur la question de l’admissibilité de l’élément de preuve contesté, soit au moyen d’un témoin, d’une admission, d’un extrait de la transcription d’un témoignage antérieur, d’un élément matériel, etc., mais cette preuve particulière n’est pas toujours nécessaire, ni même utile. Il est donc important de distinguer entre le voir-dire  et l’administration d’une preuve recueillie dans le cadre d’un voir-dire, car il s’agit de deux sujets nettement distincts.

[117]     Lorsque le ministère public souhaite présenter au procès un élément de preuve obtenu au moyen d’une fouille, perquisition ou saisie, l’accusé peut contester l’admissibilité de cet élément de preuve en se fondant, notamment, sur la Charte, comme c’est le cas en l’occurrence. Lors du voir-dire tenu afin de trancher cette contestation, l’admissibilité de l’élément de preuve obtenu grâce à la fouille, perquisition ou saisie sera généralement déterminée en fonction de deux considérations[48]. La première est la question de savoir si la fouille, perquisition ou saisie était abusive au sens de l’article 8 de la Charte. La deuxième est si l’admission de l’élément de preuve ainsi obtenu déconsidérerait l’administration de la justice et s’il devrait, par conséquent, être écarté en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte.

[118]     Lorsque la fouille, saisie ou perquisition est effectuée par une autorité policière sans autorisation judiciaire, du moment que l’accusé démontre que l’élément de preuve fut obtenu ainsi sans cette autorisation, il incombe alors au ministère public d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que la fouille, perquisition ou saisie n’était pas abusive[49].

[119]     Puisque l’autorisation judiciaire bénéficie d’une présomption de validité[50] lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, la fouille, perquisition ou saisie est effectuée sous une autorisation judiciaire, le ministère public n’a qu’à produire l’autorisation judiciaire en cause, lors du voir-dire, pour en établir la validité à première vue. Comme le signalait la juge Charron dans R. c. Pires, il s’agit là simplement d’un fardeau de présentation, («evidentiary burden»), et non d’un fardeau de persuasion,  («persuasive burden»)[51].

[120]     Une fois l’autorisation judiciaire présentée, il appartient alors à l’accusé d’en établir l’invalidité par prépondérance de preuve[52] dans le cadre du voir-dire. Cela peut s’effectuer de deux façons : soit l’accusé conteste la validité apparente (« acial validity») de l'autorisation, soit il s’attaque à la validité au fond («sub-facial validity») de celle-ci. Dans l’un ou l’autre cas, c’est l’accusé qui assume le fardeau d’établir l’invalidité de l'autorisation judiciaire. Ainsi, dans Laroche, le juge LeBel affirme clairement que l’accusé assume le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’autorisation judiciaire n’aurait pas dû être accordée, y compris lorsque l’accusé « se content[e] d’attaquer la décision d’autorisation et la suffisance des preuves soumises à son soutien comme les affidavits », ce qui correspond à une contestation visant la validité apparente du mandat[53].

[121]     La révision de la validité apparente («facial validity») s’attarde principalement à la question de la validité de l’autorisation judiciaire en examinant la dénonciation sous serment à son soutien afin de déterminer si, à première vue, elle contient des éléments suffisants permettant de la décerner. La contestation de la validité apparente (« facial validity ») de l’autorisation judiciaire se fait donc à même les arguments des avocats  portant tant sur la facture de l’autorisation que sur la dénonciation assermentée à son soutien afin de persuader le juge réviseur que les critères juridiques requis n’étaient pas réunis lorsque celle-ci fut délivrée.

[122]     La contestation de la validité au fond («sub-facial validity») de l’autorisation judiciaire s’attaque plutôt à la fiabilité des allégations contenues à la déclaration sous serment à son soutien. Voilà pourquoi une telle contestation requiert généralement l’administration d’une preuve dans le cadre du voir-dire.

[123]     Dans R. c. Araujo, le juge LeBel s’est exprimé comme suit quant à la distinction entre l’examen de la validité apparente de l’autorisation judiciaire et celle de son bien-fondé[54] :

[19]      La première grande question en litige en l’espèce est de déterminer si les faits énoncés dans l’affidavit répondent même à l’exigence de nécessité pour l’enquête que prévoit le par. 186(1).  Il s’agit d’une question de validité apparente.  De prime abord,  l’affidavit, de par sa teneur, peut-il justifier l’octroi d’une autorisation?  Pour répondre à la question, il faut définir le critère de nécessité pour l’enquête afin de déterminer si les faits énoncés dans l’affidavit satisfont à la norme. […]

[50       Étant donné que la police n’a pas pris les mesures qui auraient pu éviter ces problèmes, je dois maintenant examiner les arguments invoqués pour contester l’affidavit au fond.  Au-delà de la forme, ce type de contestation vise la fiabilité des énoncés de l’affidavit.  Il s’agit de déterminer en l’espèce si le juge du procès a appliqué correctement la norme de révision en matière d’autorisation d’écoute électronique vu la contestation au fond qui a résulté du contre-interrogatoire concernant l’affidavit.

[Soulignement ajouté]

[124]     Plus récemment, dans l’arrêt Sadikov, le juge Watt a repris ces propos afin de décrire la distinction entre les contestations, lesquelles sont souvent présentées de façon simultanée, la contestation de la validité apparente étant présentée avec une demande pour contre-interroger le déclarant ou présenter une preuve afin d’en attaquer la validité au fond[55] :

[36]      […] Challenges to the constitutionality of warranted searches may involve either or both a facial and sub-facial attack on the authorizing warrant. No reason in principle requires a separate voir dire for each mode of attack, although many prefer a discrete hearing for each.

[37]      A facial validity challenge requires the reviewing judge to examine the ITO and to determine whether, on the face of the information disclosed there, the justice could have issued the warrant: R. v. Araujo, 2000 SCC 65, [2000] 2 S.C.R. 992, at para. 19. The record examined on a facial review is fixed: it is the ITO, not an amplified or enlarged record: R. v. Wilson, 2011 BCCA 252, 272 C.C.C. (3d) 269, at para. 39.

[38]      Sub-facial challenges go behind the form of the ITO to attack or impeach the reliability of its content: Araujo, at para. 50; and Wilson, at para. 40. Sub-facial challenges involve an amplified record, but do not expand the scope of review to permit the reviewing judge to substitute his or her view for that of the authorizing judicial officer: Araujo, at para. 51; and R. v. Garofoli, [1990] 2 S.C.R. 1421, at p. 1452. The task of the reviewing judge on a sub-facial challenge is to consider whether, on the record before the authorizing justice as amplified on the review, the authorizing justice could have issued the warrant: Araujo, at para. 51; and Garofoli, at p. 1452. The analysis is contextual: Araujo, at para. 54. The reviewing judge should carefully consider whether sufficient reliable information remains in the amplified record, in other words, information that might reasonably be believed, on the basis of which the enabling warrant could have issued: Araujo, at para. 52.

[125]     Dans le cadre d’une contestation de la validité au fond (« sub-facial validity ») de l’autorisation judiciaire, un accusé n’a pas un droit au contre-interrogatoire du déclarant; pour qu’il lui soit permis de le faire, l’accusé doit établir que le contre-interrogatoire est susceptible d’assister le juge réviseur dans sa prise de décision[56].

[126]     Ainsi, le juge Sopinka a précisé dans Garofoli que l’accusé n’a pas un droit strict de contre-interroger le déclarant. Tout en écartant les critères fondés sur la décision de la Cour suprême des États-Unis dans Franks v. Delaware[57], le juge Sopinka a proposé une approche fonctionnelle qui se fonde sur la discrétion judiciaire d’autoriser ou non un tel contre-interrogatoire[58] :

[…] Il faut obtenir l'autorisation de contre-interroger.  Cette autorisation relève de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge du procès et devrait être accordée lorsqu'il est convaincu que le contre-interrogatoire est nécessaire pour permettre à l'accusé de préparer une défense complète.  L'accusé doit démontrer qu'il y a des motifs de penser que le contre-interrogatoire apportera un témoignage tendant à réfuter la présence d'une des conditions préalables à l'autorisation, dont par exemple l'existence de motifs raisonnables et probables.

[127]     Même si l’accusé invoque la fausseté de certains renseignements énoncés à la dénonciation sous serment, cela ne justifiera pas nécessairement le contre-interrogatoire du déposant, vu qu’une croyance raisonnable en l’existence des motifs légaux requis suffit afin de justifier la délivrance d’une autorisation judiciaire. Le contre-interrogatoire ne sera donc permis que si l’accusé démontre une probabilité raisonnable que cela permettra également d’établir que le déposant savait ou aurait dû savoir que les renseignements contestés étaient faux[59].

[128]     La validité constitutionnelle de l’exigence d’une autorisation préalable pour la tenue d’un tel contre-interrogatoire a été affirmée dans Pires. Dans cet arrêt, le critère pour permettre ce contre-interrogatoire a été décrit ainsi par la juge Charron : « la défense doit démontrer qu’il existe une probabilité raisonnable que le contre-interrogatoire du déposant apporte un témoignage probant à l’égard de la question soumise à l’appréciation du juge siégeant en révision », soit la question de l’admissibilité de la preuve recueillie (soulignement ajouté)[60].

[129]     La juge Charron note d’ailleurs que ce critère repose sur deux principes en matière de preuve, soit la pertinence et le caractère substantiel (« materiality ») et qu’il découle de préoccupations liées notamment à la nécessité de veiller à ne pas entraver le processus judiciaire criminel par de longues procédures qui n’aident en rien à la résolution des questions pertinentes[61]. Aujourd’hui, prenant en compte le récent arrêt  R. c. Jordan[62] portant sur le droit à un procès dans un délai raisonnable, les commentaires suivants de la juge Charron à ce propos sont d’autant plus appropriés[63] :

[35]        Les préoccupations touchant l’utilisation judicieuse des ressources judiciaires sont tout aussi légitimes aujourd’hui, et peut-être même davantage, qu’elles ne l’étaient il y a 15 ans, à l’époque où l’arrêt Garofoli a été prononcé.  Pour que notre système de justice fonctionne, les juges qui président les procès doivent être en mesure de veiller au bon déroulement des instances.  L’un des mécanismes leur permettant d’y arriver est le pouvoir de refuser de procéder à une audition de la preuve lorsque la partie qui en fait la demande est incapable de démontrer qu’il est raisonnablement probable que cette audience aidera à résoudre les questions soumises au tribunal.

[Soulignement ajouté]

[130]     Dans R. c. Jesse, le juge Moldaver a réitéré le critère de la « probabilité raisonnable » pour refuser la production d’éléments de preuve afin de permettre à un accusé de contester la validité d’une condamnation antérieure, invoquant à cette fin le pouvoir des juges d’instance de gérer les procès afin de permettre que les ressources judiciaires ne soient pas gaspillées dans des contestations futiles[64] :

[63]        Dans les affaires comme celle de l’espèce, vu la norme de preuve peu élevée (soit qu’il existe « des éléments de preuve ») à laquelle il faut satisfaire pour rattacher l’accusé aux faits similaires, le juge du procès pourrait, au moment du voir-dire, rejeter une demande visant la production d’éléments de preuve pour contester l’admissibilité d’une déclaration de culpabilité s’il estime qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable que celle-ci ait une incidence sur l’admissibilité de la preuve.  Là encore, il s’agit d’une question liée au droit du juge d’être maître de la conduite de l’instanceLes ressources judiciaires sont limitées et doivent être utilisées de manière constructive plutôt que gaspillées pour des contestations futiles. […]

[Soulignement ajouté]

[131]     De même, dans la récente décision Groupe de la Banque Mondiale c. Wallace, les juges Moldaver et Côté ont réitéré ce critère afin de permettre aux juges d’instance de cerner les débats sur les enjeux pertinents[65] :

[126]     L’accusé qui présente une demande de type Garofoli ne peut contre-interroger le déposant qu’avec l’autorisation du juge du procès, qui l’accorde si l’accusé démontre « qu’il existe une probabilité raisonnable que le contre-interrogatoire du déposant apporte un témoignage probant à l’égard de la question soumise à l’appréciation du juge siégeant en révision » (Pires, par. 3; voir aussi Garofoli, p. 1465). Bref, l’accusé doit démontrer que le contre-interrogatoire est raisonnablement susceptible de se révéler utile lorsqu’il s’agit de trancher sa demande.

[127]     Dans l’arrêt Pires, la Cour a confirmé la constitutionnalité de l’exigence subordonnant le contre-interrogatoire du déposant à l’autorisation judiciaire ainsi que du critère applicable, et ce, pour trois raisons. Premièrement, le critère applicable à une demande de type Garofoli circonscrit le type de questions sur lesquelles peut porter le contre-interrogatoire (Pires, par. 40-41). Le critère sert principalement à assurer la pertinence du contre-interrogatoire (par. 3 et 31). Deuxièmement, le contre-interrogatoire comporte le risque que l’identité confidentielle des informateurs soit révélée par inadvertance (par. 36). Troisièmement, le contre-interrogatoire peut entraîner du gaspillage et des retards inutiles. Le critère « n’est rien de plus qu’un moyen de s’assurer que [. . .] l’instance demeure sur la bonne voie » (par. 31).

[…]

[133]     Le critère de la « probabilité raisonnable » convient à une demande de type Garofoli. Il est équitable pour l’accusé, qui n’a pas à prouver au préalable la preuve sollicitée. Du même coup, il empêche les recherches à l’aveuglette et assure une utilisation efficace des ressources judiciaires. Bref, il circonscrit l’analyse aux questions pertinentes à l’égard d’une demande de type Garofoli, qui sont plus limitées que celles qui intéressent l’affaire dans son ensemble.

[Soulignement ajouté]

[132]     Cependant, même si le contre-interrogatoire est refusé, l’accusé peut toujours demander la permission de présenter une autre preuve pertinente susceptible d’affaiblir la fiabilité de la dénonciation sous serment au soutien de l’autorisation judiciaire, tel que le soulignait le juge Watt dans R. v. Sadikov[66] :

[41]      Refusal of leave to cross-examine the affiant removes any evidence that might have been elicited on cross-examination from what an applicant may rely upon to attack the reliability of the content of the ITO on a sub-facial review.  The applicant remains free, however, to adduce other relevant and material evidence, admissible on the inquiry into sub-facial validity, in an attempt to show, based on the amplified record, that no sufficiently reliable information remains on the basis of which the warrant could have issuedPires; Lising, at para. 32. […]

[47]      Nothing in the controlling jurisprudence expressly or by necessary implication supports the proposition that refusal of leave to cross-examine the affiant precludes a sub-facial challenge to the reliability of the contents of the ITO.  Indeed, a canvass of those precedents would seem to support a contrary conclusion:  see e.g. Pires; Lising, at para. 32. 

[Soulignement ajouté]

[133]     Cela étant, le juge réviseur peut refuser la présentation d’une telle preuve selon le même critère de la « probabilité raisonnable ». En effet, dans Pires, la juge Charron laisse clairement entendre que ce critère s’étend non seulement au refus du contre-interrogatoire du déclarant, mais aussi à toute autre preuve, vu les préoccupations légitimes touchant l’utilisation judicieuse des ressources judiciaires et le bon déroulement des instances[67], ce qui reflète d’ailleurs les propos précités du juge Moldaver dans Jesse et (avec la juge Côté) dans Groupe de la Banque Mondiale c. Wallace. C’est d’ailleurs l’approche retenue par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans R. v. Wilson[68] et R. v. Bains[69] et par la Cour d’appel du Manitoba dans R. v. Le[70].

[134]     Le juge réviseur jouit d’une large discrétion pour autoriser ou non le contre-interrogatoire ou toute autre nouvelle preuve. Il peut notamment vérifier si, après la suppression des éléments contestés de la dénonciation sous serment, des renseignements fiables et suffisants demeurent, qui justifient néanmoins que l’autorisation judiciaire ait été décernée selon les critères juridiques applicables. Si tel est le cas, le contre-interrogatoire ou la présentation d’une autre preuve devient futile.

[135]     De même,  bien que chaque voir-dire demeure une instance distincte, le juge du procès jouit néanmoins d’une large discrétion pour refuser le contre-interrogatoire ou une autre preuve portant sur des éléments contestés de la dénonciation sous serment qui ont déjà fait l’objet d’une décision antérieure de sa part dans le cadre d’autres voir-dire. Dans le cadre de la gestion du procès, il est tout à fait légitime pour un juge d’instance de ne pas permettre à la défense de présenter à répétition des moyens qui lui ont déjà été refusés ou de refuser d’entendre des demandes manifestement frivoles. De même, afin de s’assurer que le procès suive son cours dans des délais raisonnables, le juge d’instance peut prendre toutes les mesures légitimes requises y compris toutes les mesures de gestion qu’il juge appropriées pour trancher les requêtes en exclusion de la preuve avec justice, équité et célérité.

[136]     À ces égards, les récents propos de la Cour suprême du Canada dans R. c. Cody[71] sont éloquents :

[38]      En outre, les juges de première instance devraient utiliser leurs pouvoirs de gestion des instances pour réduire les délais au minimum. Par exemple, avant de permettre qu’une demande soit entendue, le juge de première instance devrait se demander si elle présente des chances raisonnables de succès. À cette fin, il peut notamment demander à l’avocat de la défense de résumer la preuve qu’il prévoit présenter lors du voir dire, puis rejeter celle-ci sommairement si ce résumé ne révèle aucun motif qui indiquerait que la demande a des chances d’être accueillie (R. c. Kutynec (1992), 7 O.R. (3d) 277 (C.A.), p. 287-289; R. c. Vukelich (1996), 108 C.C.C. (3d) 193 (C.A.C.-B.)). De plus, même s’il permet que la demande soit entendue, le juge de première instance continue d’exercer sa fonction de filtrage : les juges de première instance ne devraient pas hésiter à rejeter sommairement des « demandes dès qu’il apparaît évident qu’elles sont frivoles » (Jordan, par. 63). […]

[137]     Il appartient au juge d’instance de gérer le procès et les divers incidents qui se présentent dans le cours de celui-ci, y compris les requêtes en exclusion de la preuve menant à des voir-dire, afin de s’assurer que le processus ne s’enlise pas dans des débats inutiles ou qui ont peu d’impact sur les enjeux véritables. Comme le signalait le juge Watt dans R. v. Sadikov[72], « [t]he manner in which a voir dire is to be conducted is left to the discretion of the presiding judge, and is not subject to rigid or pre-fabricated rules ».

[138]     Si le contre-interrogatoire du déclarant ou la présentation d’une autre preuve n’est pas autorisé dans le cadre du voir-dire selon le critère de la « probabilité raisonnable », cela ne dispense pas toutefois le juge réviseur de décider de la validé apparente (« facial validity ») de l’autorisation judiciaire sur la foi de la dénonciation sous serment à son soutien afin de s’assurer que les critères établis par la loi pour l’émission de celle-ci ont été respectés. En effet, à moins que la demande soit frivole, un juge ne peut refuser de statuer sur une opposition à l’admissibilité d’une preuve obtenue sous autorisation judiciaire qui allègue une violation des droits constitutionnels de l’accusé, comme le signalait le juge Sopinka dans R. c. Garofoli[73] :

Une opposition à l'utilisation de la preuve constitue très certainement un accessoire nécessaire du procès.  Le juge du procès devant qui une preuve recueillie par écoute électronique est présentée doit se prononcer sur une opposition qui allègue la violation des droits constitutionnels de l'accusé.  Il a compétence et il ne peut refuser de statuer.

[139]     Si le juge du procès peut gérer le voir-dire et s’il peut refuser le contre-interrogatoire du déclarant et l’administration de toute autre preuve visant à contester la validité au fond de l’autorisation judiciaire, il ne peut refuser de vérifier la validité constitutionnelle de l’autorisation judiciaire en s’assurant qu’elle répond aux critères juridiques requis pour son émission. Bien que le fardeau repose sur l’accusé selon la prépondérance des probabilités, il appartient néanmoins au juge de révision de considérer les moyens soumis afin de vérifier à tout le moins la validité apparente (« facial validity ») de l’autorisation.

(g)  Application de ces principes

[140]     Comme je l’ai déjà noté, les moyens d’appel invoqués par les appelants s’appuient essentiellement sur une confusion entre le « voir-dire » et la réception d’une preuve dans le cadre d’un voir-dire. Ainsi, dans son jugement du 30 mars 2012 concernant la demande de voir-dire #11 portant sur les mandats d’écoute électronique, la juge du procès s’exprime comme suit[74] :

[44]      Les requérants n’ont pas établi que la tenue du voir-dire rencontrerait la probabilité raisonnable que celui-ci ait une incidence sur la question de l’admissibilité de la preuve contestée.

[141]     Ces propos, pris isolément et lus hors contexte, peuvent laisser croire que la juge du procès aurait refusé la tenue d’un voir-dire sur l’admissibilité de la preuve recueillie sous les mandats d’écoute électronique, comme le soutiennent les appelants. Or, une lecture contextuelle du jugement démontre que ce n’est pas le cas : la juge a simplement refusé la tenue d’un contre-interrogatoire du déclarant et la présentation d’une preuve dans le cadre du voir-dire, en procédant cependant à l’analyse de la validité apparente (« facial validity ») de l’autorisation judiciaire, comme le démontrent les paragraphes suivants du jugement[75] :

[45]      Les affidavits rencontrent toutes les exigences préalables prévues aux dispositions du Code criminel. Ils sont complets, précis et supportent les conclusions recherchées.

[46]      EN CONSÉQUENCE, la requête pour la tenue du voir-dire est rejetée, et ces affidavits et l’autorisation sont en conformité avec les articles du Code et il n’y a aucune violation de l’article 8 de la Charte.

[142]     Il est manifeste que le terme « voir-dire » est employé par la juge afin de signifier la réception d’une preuve portant sur la contestation de la validité au fond (« sub-facial validity ») de l’autorisation judiciaire. La juge ne fait pas alors renvoi au « voir-dire » au sens propre du terme, c’est-à-dire l’examen de l’admissibilité d’un élément de preuve qu’une partie souhaite présenter au procès, lequel - dans le cadre de la contestation de la validité d’une autorisation judiciaire d’une fouille, perquisition ou saisie - comporte la présentation de l'autorisation judiciaire par le ministère public et peut conduire à l’examen de la validité apparente (« facial validity ») ou, selon le cas, de la validité au fond (« sub-facial validity ») de l’autorisation.

[143]     L’examen des notes sténographiques du procès fournit plusieurs exemples de pareille confusion quant à la portée du mot « voir-dire » ici et là utilisé. Les avocats des accusés l’utilisent eux-mêmes pour référer à la réception d’une preuve[76]. Il faut admettre que l’emploi du terme « voir-dire » dans certains arrêts pour distinguer entre une contestation de la validité apparente (« facial validity ») d’une autorisation judiciaire et la réception d’une preuve dans le cadre d’une contestation de la validité au fond (« sub-facial validity ») de celle-ci n’est pas toujours limpide ni uniforme[77]. Cet usage ambigu du terme peut laisser entendre que le droit au voir-dire - c.-à-d. à l’examen, par le juge, de l’admissibilité d’un élément de preuve qu’une partie souhaite présenter au procès - est lui-même discrétionnaire. Le juge Frankel s’exprime d’ailleurs ainsi dans R. v. Wilson[78] :

[63]      A search warrant is presumed to have been properly issued and an accused bears the burden of proving otherwise. When an accused seeks to challenge a warrant there is no right to a voir dire and a trial judge should generally be able to decide whether to hold one on the basis of the submissions of counsel: Vukelich at paras. 17, 26. Understandably, if the parties agree there should be a voir dire, then it is likely one will be held, although a judge is certainly not bound by such an agreement. However, if a voir dire is declared, then it does not automatically follow that witnesses will be called. A trial judge may decide that it is appropriate to limit a voir dire to arguments regarding, for example, the scope of the warrant or the facial sufficiency of the ITO. Every case will depend on its particular facts.

[144]     Il faut comprendre ces propos comme traitant de la question de la validité au fond (« sub-facial validity ») de l’autorisation judiciaire et non pas du droit de l’accusé à la tenue d’un voir-dire à la seule fin de faire vérifier par un juge la validité apparente (« facial validity ») de l’autorisation. Pour que l’article 8 de la Charte ait un sens, un accusé doit en effet avoir le droit de faire vérifier la validité apparente d’une autorisation judiciaire permettant à la police d’effectuer des fouilles, perquisitions ou saisies. Ce droit constitutionnel serait largement évacué si cette vérification était discrétionnaire. C’est d’ailleurs ce que le juge Sopinka nous enseigne dans R. c. Garofoli[79] dans l’extrait précité au paragraphe [138] de ces motifs.

[145]     Cela étant, ce droit peut être balisé par le juge réviseur afin de s’assurer que le voir-dire en résultant ne dérape pas en des procédures qui s’éternisent inutilement. Il faut donc distinguer entre le « voir-dire » et la réception d’une preuve dans le cadre du voir-dire afin de contester la validité au fond (« sub-facial validity ») de l’autorisation.

[146]     Lorsque les propos de la juge du procès sont lus dans le contexte dans lequel ils sont énoncés, il apparaît clairement du dossier que la juge a correctement distingué entre la question de l’admissibilité d’une preuve dans le cadre du voir-dire afin de contester la validité au fond de l’autorisation judiciaire et la question de la validité apparente de cette autorisation. Ainsi, à titre d’exemple, les échanges suivants entre la juge du procès et l’avocate de certains des appelants, tenus le 17 janvier 2012 dans le cadre des débats concernant la demande de voir-dire #6, illustrent clairement cette distinction faite par la juge du procès[80] :

Me ISABEL SCHURMAN:

May I ask you a question before we suspend…

LA COUR:

Oui.

Me ISABELLE SHURMAN:

…because it would be clearer for everybody. Depending on the jurisprudence and depending on the paragraph in my colleague’s motion, the voir-dire, as I understand, is a two (2)-step process?

LA COUR :

Oui.

Me ISABEL SCHURMAN:

It's the evidence and it's the argument. Now...

LA COUR :

C’est-à-dire que, dans un premier temps, vous devez obtenir la permission du Tribunal pour faire un voir-dire, et le critère à appliquer c’est effectivement une probabilité raisonnable que les arguments que vous allez apporter auront une incidence parce que le mandat est présumé valide.

Me ISABEL SCHURMAN:

Right.

LA COUR:

Dès que, effectivement, la permission est accordée de tenir le voir-dire, ça ne veut pas dire automatiquement que vous avez un droit à appeler des témoins.

Me ISABEL SCHURMAN:

Right, okay. That I’m following you there. The question I have is, do you see the decision you have to render as precluding evidence and argument on the constitutional question

LA COUR:

No

Me ISABEL SCHURMAN:

or you see your decision as simply allowing us or not to file documents.

LA COUR:

C’est ça.

Me ISABEL SCHURMAN:

And so if Your Honour is going to hear the constitutional argument, what happens to things said previously in this Court? That is to say when each of the officers testified it was stated for the record their testimony will be transferred into future voir-dire. Do I now take for granted that we’re not on that same ground if…

LA COUR:

Oui, parce que la Poursuite dans les autres voir-dire ne s’objectait pas.

Me ISABEL SCHURMAN:

I understand.

LA COUR:

Maintenant, à partir du moment où la Poursuite s’objecte, bien, on est dans une situation qui est différente.

Me ISABEL SCHURMAN:

And so, the decision you have to render, as you see it, is to allow the calling or filling of evidence only, not the precluding of constitutional argument.

LA COUR:

Non.

Me ISABEL SCHURMAN:

Okay, as long as that’s clear, because in my colleague’s motion she’s asking for both, that we neither be allowed to call evidence nor plead Section 8 violations.

LA COUR:

On va commencer par le début.

Me ISABEL SCHURMAN:

You see it as the evidentiary part that we are now discussing?

LA COUR:

Oui.

[Soulignement ajouté]

[147]     C’est aussi dans ce sens que la juge s’exprime lorsqu’elle fait référence aux arrêts R. v. Vukelich et R. v. Wilson de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans son jugement du 17 janvier 2012 portant sur le voir-dire #6, pour finalement décider que la question ultime qu’elle doit décider est celle de savoir si l’autorisation judiciaire en cause pouvait être émise en se fondant sur la dénonciation sous serment à son soutien, c.-à-d. vérifier la validité apparente de celle-ci :

[19]      La question à ce stade est de déterminer s’il existe une probabilité raisonnable que l’audition du voir-dire ait une incidence sur l’admissibilité de la preuve contestée. Morency c. R. [2011] J.Q. n° 7884 et dans l’arrêt R. v. Vulelich (1996) 108 C.C.C. (3d) 193 parag. 25 :

« It follows that if the statement of grounds does not disclose a basis upon which the Court could make an order excluding the evidence, the application may be dismissed without hearing evidence. »

Et au parag. 26 :

« In other words, the trial judge does not revisit the application for the warrant « ab initio » in the light of subsequent information, but rather considers whether, as stated in Garofoli at page 1452 « …there continues to be any basis for the decision of the authorizing judge » to issue the warrant. »

[20]      Il appartient au requérant de démontrer que la dénonciation au soutien de la demande des mandats ne justifie pas l’autorisation R. v. Wilson [2011] page 965, parag. 63 :

« A search warrant is presumed to have been properly issued and an accused bears the burden of proving otherwise. When an accused seeks to challenge a warrant there is no right to a voir-dire and a trial judge should generally be able to decide whether to hold one on the basis of the submissions of counsel. »

[21]      Si on examine maintenant les exigences de l’article 487.01 du C.cr., où j’ai effectivement rappelé dans la décision VD-5 mais succinctement, il s’agit d’avoir des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à l’infraction seront obtenus grâce à une telle utilisation ou à l’accomplissement d’un tel acte. La question ultime sera donc de décider si le juge pouvait émettre les mandats sur la base du contenu de l’affidavit.

[Soulignement ajouté]

[148]     Dans les faits, pour chacune des requêtes portant sur les voir-dire en cause, les appelants ont eu l’occasion de présenter à la fois leurs moyens portant sur la validité apparente (« facial validity ») des autorisations judiciaires en cause et leurs moyens afin de justifier la tenue d’un contre-interrogatoire et pour produire une preuve dans le cadre du voir-dire afin de remettre en cause la fiabilité des énoncés de la déclaration sous serment et ainsi contester la validité au fond (« sub-facial validity ») des autorisations.

[149]     Pour chacune des requêtes, la juge a rendu un jugement portant à la fois (a) sur le refus de permettre le contre-interrogatoire ou d’administrer une autre preuve dans le cadre du voir-dire, et (b) sur le rejet de la contestation de la validité apparente de l’autorisation judiciaire. Si la juge ne s’exprime pas toujours explicitement en ces termes dans ses jugements, il ressort de ceux-ci et de ses échanges avec les avocats que c’est la démarche qu’elle a effectivement suivie.

[150]     Ainsi, dans sa décision du 17 janvier 2012 portant sur le voir-dire #6, la juge conclut qu’il y avait amplement de motifs pour décerner les autorisations[81] :

[38]      La norme de motifs raisonnables est plus élevée que celle des soupçons raisonnables et ce n’est pas parce que l’affidavit rencontrait la norme de soupçons raisonnables qu’il ne rencontre pas celui des motifs raisonnables, parce que celle-ci est plus exigeante.

[39]      L’ensemble de l’affidavit avec le résultat du mandat de la Nouvelle-Écosse permettait au juge de délivrer les autorisations.

[151]     Dans sa décision du 19 janvier 2012 portant sur le voir-dire #8, la juge affirme qu’elle considère qu’il y avait « des éléments qui rencontraient les exigences préalables aux autorisations »[82].

[152]     Dans sa décision du 13 février 2012 portant sur le voir-dire #10, la juge affirme que « [l]a lecture complète des affidavits soutient amplement les exigences énumérées aux articles 487.01 et 487.012 C.cr. »[83].

[153]     Enfin, dans sa décision 30 mars 2012 portant sur le voir-dire #11, la juge résume d’abord ainsi les critères énoncés dans la loi[84] :

[7]        Le juge émetteur, avant de délivrer l’autorisation d’écoute, doit être convaincu qu’il existe des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise ou est sur le point de l’être, que l’écoute électronique sollicitée permettra d’en recueillir la preuve et que les autres méthodes d’enquête ont été essayées et ont échoué ou ont peu de chance de réussir. Ce dernier critère, toutefois, est exclu dans le cas prévu à l’article 186(1.) C.cr., notamment pour les infractions de gangstérisme : je vous réfère à l’arrêt D’Amours c. R. [2011] C.A. 1632 au paragr. 11. On sait également qu’en vertu de l’arrêt R. c. Ajauro, l’affidavit doit être un exposé complet, sincère, clair et concis des faits de l’affaire.

[8]        Quant au mandat général, il peut être obtenu :

a) Si le juge est convaincu, à la suite d’une dénonciation par écrit, faite sous serment, qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale, a été ou sera commise et que des renseignements relatifs à l’infraction seront obtenus grâce à une telle utilisation ou à l’accomplissement d’un tel acte;

b) S’il est également convaincu que la délivrance du mandat servirait au mieux l’administration de la justice;

c) Et finalement, s’il n’y a aucune disposition dans la présente loi ou toute autre loi fédérale qui prévoit un mandat, une autorisation ou une ordonnance permettant une telle utilisation ou l’accomplissement d’un tel acte.

[154]     Cela fait, elle conclut que « [l]es affidavits rencontrent toutes les exigences préalables prévues aux dispositions du Code criminel » et qu’« [i]ls sont complets, précis et supportent les conclusions recherchées »[85].

[155]     Quant au refus de permettre les contre-interrogatoires des déclarants ou l’administration d’une autre preuve dans le cadre des voir-dire en cause, la juge du procès a toujours appliqué le critère approprié, soit celui de la probabilité raisonnable que le contre-interrogatoire ou toute autre preuve proposée ait une incidence sur la question de l’admissibilité de la preuve recueillie sous les autorisations judiciaires contestées.

[156]     Conséquemment, les appelants échouent à établir que la juge du procès aurait, de fait, refusé de tenir les voir-dire, appliqué le mauvais fardeau ou un critère erroné, commis une erreur de principe ou autrement erré en droit en décidant de rejeter les requêtes pour exclusion de la preuve.

CINQUIÈME MOYEN D’APPEL : L’ADMISSIBILITÉ D’UNE DÉCLARATION DE LOUIS MOREAU (JUGEMENT DU 30 MAI 2012)

[157]     L’appelant Louis Moreau est arrêté le 19 mars 2008. Il est conduit à un poste de la SQ pour y être interrogé. La trame factuelle est décrite comme suit par la juge du procès[86] :

[5]        Les faits suivants ne sont aucunement contestés.

-                     L’accusé est amené au poste de la Sûreté du Québec à 9h07.

-                     À 9h25 on lui offre un déjeuner et il entre dans la salle d’interrogatoire à 10h.

-                    On lui permet de s’entretenir en toute confidentialité avec un avocat, selon les policiers de 10h16 à 10h21.

[6]        Un premier interrogatoire sous forme de questions-réponses intervient où des notes sont prises par le policier Bisson. Madame Tremblay est celle qui pose les questions.

[7]        À 10h55 on permet l’accès à la salle de bain.

[8]        À midi 20 on lui fait écouter trois (3) conversations d’écoute électronique.

[9]        À 13h05 une déclaration écrite par Madame Tremblay débute avec la mise en garde, le droit à l’avocat et se termine à 13h59.

[10]      L’accusé relit et signe chacune des pages.

[11]      Les policiers vont ajouter par écrit que la déclaration fut volontaire et l’accusé va signer.

[12]      À 13h35 donc pendant cette période-là, les trois personnes ont mangé un sandwich.

[13]      La déclaration n’est pas enregistrée, ni prise sur vidéo. Le climat est cordial, poli, sans intimidation.

[14]      Suite à l’exercice de son droit à l’avocat, l’accusé informe les policiers de son intention de ne rien dire. Ce à quoi les policiers lui répondent : « C’est leur job de dire ça ».

[15]      En plus des trois (3) conversations écoutées, qui selon l’accusé n’ont eu aucun impact sur lui, on lui fait visionner une vidéo l’impliquant.

[16]      Il va demander à ce moment-là aux policiers pour quelle raison faire une déclaration puisqu’en fait, ils ont une preuve sur le fait.

[17]      Un des policiers, il ne se souvient pas lequel, lui mentionne alors que cela va aider sa cause, que ça leur montrerait qu’il coopère avec la justice.

[18]      L’accusé dans son témoignage, va dire qu’il a bien compris ces paroles et effectivement ce qu’il en a déduit, « c’était que c’était pour améliorer ma sentence ou pas pour s’en servir contre moi ».

[19]      Il a pensé, effectivement, que « ça aurait un impact sur sa cause, en ce que cela serait au moins positif pour sa cause ».

[20]      Quant aux paroles exactes des policiers lorsqu’ils lui demandent de faire la déclaration, il dit et je cite : « Si tu nous aides, cela va t’aider toi-même parce que notre objectif était les O’Reilly et que lui n’était qu’un accident de parcours. Si tu parles pas, on te met dans le même paquet qu’eux autres ».

[158]     Dans son jugement du 30 mai 2012, la juge conclut que la déclaration de Moreau est complète, que le défaut d'enregistrement audiovisuel ne la rend pas intrinsèquement suspecte et que les mises en garde appropriées ont été faites.

[159]     Quant aux prétendues promesses des enquêteurs policiers qu’invoque la défense, la juge conclut que les paroles prononcées, dans le contexte en cause, n’ont pas subjugué la volonté de Moreau et qu’elles n’étaient pas suffisamment importantes pour soulever un doute raisonnable quant au caractère volontaire de sa déclaration.

[160]     En appel, Moreau soutient que la juge a erré en droit en admettant sa déclaration malgré qu'elle fût faite en réaction aux prétendues promesses des enquêteurs. Il soutient aussi que la juge aurait erré en droit en ne tenant pas compte de l'absence d’enregistrement de sa déclaration; il invoque notamment la décision R. v. Moore-McFarlane[87] où la Cour d’appel de l’Ontario a conclu que l’absence d’enregistrement était un facteur dans le dossier dont elle était saisie afin d’évaluer le caractère raisonnable d’une déclaration.

[161]     On peut facilement disposer de la question de l’absence d’enregistrement vidéo. Dans l’affaire F.D. c. R.[88], la Cour a récemment conclu que le principe énoncé par la Cour suprême du Canada dans R. c. Oickle[89], voulant que les déclarations aux policiers qui ne sont pas enregistrées ne soient pas intrinsèquement suspectes, est toujours valable. C’est lorsque l’autorité policière fait le choix d’éluder l’enregistrement que le caractère suspect de l’interrogatoire peut être soulevé[90]. Il s’agit alors d’une question de fait laissée à l’appréciation du juge du procès[91].

[162]     Outre le fait qu’il n’y a pas ici de preuve que les policiers ont éludé l’enregistrement, la juge du procès a tenu pour non contredite la version des faits énoncée au témoignage de Moreau, ce qui pallie l’absence d’enregistrement vu que la version de l’accusé quant au déroulement de l’interrogatoire et des paroles y prononcées n’a pas été remise en question.

[163]     Quant au caractère volontaire de la déclaration, il faut souligner le pouvoir limité d’intervention de la Cour, puisqu’il s’agit essentiellement d’une question de fait[92] :

[…] un désaccord avec le juge du procès relativement au poids qu’il convient d’accorder à divers éléments de preuve n’est pas un motif justifiant d’infirmer sa conclusion à l’égard du caractère volontaire d’une confession. […]

[…] Si le tribunal de première instance examine comme il se doit toutes les circonstances pertinentes, une conclusion à l’égard du caractère volontaire est essentiellement de nature factuelle et ne doit être infirmée que si «le juge du procès a commis une erreur manifeste et dominante qui a faussé son appréciation des faits»: Schwartz c. Canada, [1996] 1 R.C.S. 254, à la p. 279 (citant Stein c. Le navire «Kathy K», [1976] 2 R.C.S. 802, à la p. 808) (passage souligné dans Schwartz).

[164]     Il ne suffit pas d’établir l’existence de paroles ayant pu inciter un prévenu à passer aux aveux. Il faut aussi déterminer si les encouragements ont eu pour effet de compromettre le caractère volontaire de la déclaration. Pour reprendre les propos du juge Iacobucci dans Oickle : « Cela ne devient inacceptable que lorsque les encouragements - à eux seuls ou combinés à d’autres facteurs - sont importants au point de soulever un doute raisonnable quant à la question de savoir si on a subjugué la volonté du suspect »[93].

[165]     La juge du procès a répondu « non » à cette question en tenant compte de l’ensemble du contexte factuel dans lequel s’inscrivait la déclaration de Moreau, y compris le climat de l’interrogatoire qu’elle qualifie de « respectueux », le fait que Moreau ne s’est jamais senti intimidé et le caractère impalpable des encouragements des policiers. L’appelant Moreau ne m’a pas convaincu que la juge aurait commis là une erreur manifeste et dominante qui aurait faussé son appréciation du caractère volontaire de sa déclaration.

SIXIÈME MOYEN D’APPEL : L’ABSENCE D’UNE ORGANISATION CRIMINELLE

[166]     Les dispositions du Code criminel relatives aux organisations criminelles ont été introduites en 1997[94] et ont fait l’objet de modifications importantes en 2001[95]. Notamment, le nombre minimal de personnes requis pour former une organisation criminelle est passé de cinq à trois.

[167]     Il faut noter que le Canada fut l’un des premiers signataires de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée[96] (« Convention »), du 30 novembre 2000. Dans cette Convention, l’expression « groupe criminel organisé » est définie comme un groupe structuré de trois personnes ou plus existant depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs infractions graves pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel [97].

[168]     L’article 467.1 du Code criminel définit la notion d’« organisation criminelle » aux fins du droit interne canadien. Cette définition s’inspire de celle prévue à la Convention. Le paragraphe 467.1(1) et l’article 467.12 du Code criminel prévoient ce qui suit :

467.1(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

467.1(1) The following definitions apply in this Act.

« infraction grave » Tout acte criminel — prévu à la présente loi ou à une autre loi fédérale — passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus, ou toute autre infraction désignée par règlement. (serious offence)

 

« organisation criminelle » Groupe, quel qu’en soit le mode d’organisation :

 

“serious offence” means an indictable offence under this or any other Act of Parliament for which the maximum punishment is imprisonment for five years or more, or another offence that is prescribed by regulation.

 

“criminal organization” means a group, however organized, that

 

a) composé d’au moins trois personnes se trouvant au Canada ou à l’étranger;

 

(a) is composed of three or more persons in or outside Canada; and

 

b) dont un des objets principaux ou une des activités principales est de commettre ou de faciliter une ou plusieurs infractions graves qui, si elles étaient commises, pourraient lui procurer — ou procurer à une personne qui en fait partie — , directement ou indirectement, un avantage matériel, notamment financier.

(b) has as one of its main purposes or main activities the facilitation or commission of one or more serious offences that, if committed, would likely result in the direct or indirect receipt of a material benefit, including a financial benefit, by the group or by any of the persons who constitute the group.

 

 

La présente définition ne vise pas le groupe d’individus formé au hasard pour la perpétration immédiate d’une seule infraction.

 

[…]

 

 

It does not include a group of persons that forms randomly for the immediate commission of a single offence. (organisation criminelle)

 

[…]

 

467.12 (1) Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque commet un acte criminel prévu à la présente loi ou à une autre loi fédérale au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle, ou en association avec elle.

 

467.12 (1) Every person who commits an indictable offence under this or any other Act of Parliament for the benefit of, at the direction of, or in association with, a criminal organization is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding fourteen years.

 

(2) Dans une poursuite pour l’infraction prévue au paragraphe (1), le poursuivant n’a pas à établir que l’accusé connaissait l’identité de quiconque fait partie de l’organisation criminelle.

(2) In a prosecution for an offence    under subsection (1), it is not necessary for the prosecutor to prove that the accused knew the identity of any of the persons who constitute the criminal organization.

[169]     Pour constituer une « organisation criminelle », un « groupe » doit être « composé d’au moins trois personnes » et - même si ce n’est pas expressément énoncé au paragraphe 467.1 (1) -  faire preuve d’une structure et d’un certain caractère continu, tel que le prévoit la définition exprimée à la Convention[98]. Ce sont ces éléments de structure et de continuité qui permettent de distinguer un simple complot impliquant trois personnes et plus d’une organisation criminelle et qui permettent ainsi d’éviter d’étendre indûment la portée des dispositions du Code criminel concernant de telles organisations[99].

[170]     Le juge Fish a décrit ainsi l’importance d’une structure et d’une continuité dans Venneri[100] :

[27]      Certains tribunaux de première instance ont conclu qu’il fallait très peu d’organisation, voire aucune, pour qu’un groupe de personnes puisse être visé par le régime : voir R. c. Atkins, 2010 ONCJ 262 (CanLII); R. c. Speak, 2005 CanLII 51121 (C.S.J. Ont.).  D’autres, à juste titre selon moi, ont conclu que, bien que la définition doive être appliquée « avec souplesse », la structure et la continuité demeurent des caractéristiques importantes pour différencier les organisations criminelles des autres groupes de contrevenants qui agissent parfois de concert : voir R. c. Sharifi, [2011] O.J. No. 3985 (QL) (C.S.J.), par. 37 et 39; R. c. Battista, 2011 ONSC 4771, par. 16. 

[171]     La nature structurée et continue des organisations criminelles les distingue donc des complots criminels. Amputé de ses caractéristiques de continuité et de structure, le « crime organisé » correspondrait simplement à tous les crimes graves commis par un groupe de trois personnes ou plus pour en tirer un avantage matériel[101].  Ce n’est pas là l’objectif du Parlement.

[172]      Selon le paragraphe 467.1(1), l’organisation doit aussi avoir comme l’un de ses « objets principaux » ou une de ses « activités principales » le fait « de commettre ou de faciliter une ou plusieurs infractions graves qui, si elles étaient commises, pourraient lui procurer - ou procurer à une personne qui en fait partie -, directement ou indirectement, un avantage matériel, notamment financier ». La Cour d’appel de l’Ontario a récemment précisé dans R. v. Beauchamp que les adjectifs « principaux » et « principales » s’entendent dans un sens qualitatif et non pas nécessairement quantitatif; ainsi, selon le contexte, même si des activités licites sont principalement menées par l’organisation, cela n’empêche pas de qualifier comme « principales » les activités illicites si les circonstances s’y prêtent[102] :

[170]    We agree with Crown counsel that there is no requirement to weigh criminal purposes and activities against non-criminal purposes and activities before making a “criminal organization” designation.  While we would not say that such evidence may never be relevant, nothing in the language, purpose or objects of the criminal organization provisions mandates such an inquiry.  Such an inquiry would also be unworkable.

[171]    The language of the definition of “criminal organization” in s. 467.1 is instructive.  It requires that a group have as “one of its main purposes or main activities” the facilitation or commission of the serious crimes described.  This tells us a number of things.  First, it tells us that such a group may have more than one “main” purpose or activity.  Second, there is a distinction between “purposes” and “activities”, and either one or the other can qualify.  Third, only one of the purposes or activities of the group need be the criminal purpose or activity.  Finally, it is not any purpose or activity that counts, but only a main one.

[172]    A number of things follow logically from these observations.  First, the criminal purposes or activities of the organization need not be quantitatively or numerically dominant, because multiple activities cannot all fall into that category.  Second, a group may have legitimate “purposes” but still have “main activities” that are illicit.  Third, the impugned “purpose” or “activity” must be at least more than a de minimus feature of the endeavour at least in a qualitative, if not quantitative, sense.

[173]    These implications all work against the quantitative comparison analysis proposed by the appellants. 

[…]

[182]    In our view, “main” is used in s. 467.1 in a qualitative sense.  It is the importance of the criminal purpose or activity to the perpetrators and not its quantitative relationship with other non-criminal aspects of the group’s activities that determines whether it is a “main” purpose or activity.  Serious ongoing criminality is still serious ongoing criminality even it is camouflaged under a cover of non-criminal activity, however quantitatively significant that non-criminal activity may be.

[183]    As is evident from the above, importance should not be determined quantitatively. An important purpose or activity will be one in which the members of the group, individually or collectively, have invested significant efforts. The nature and degree of effort invested in the purpose or activity will be a telling marker whether the purpose or activity is a “main” one. The broader circumstances - such as the scope of the illegal activities and the environment in which the group operated - will also be relevant.

[173]     Les infractions graves de l’organisation doivent aussi « lui procurer — ou procurer à une personne qui en fait partie —, directement ou indirectement, un avantage matériel, notamment financier ». Il suffit qu’un seul membre de l’organisation reçoive un avantage matériel pour répondre à la définition. 

[174]     Une des questions qui se posent en l’espèce est celle de savoir à quelles conditions une personne peut être considérée comme faisant partie d’une organisation criminelle. La question est importante puisque, selon le paragraphe 467.1 (1) du Code criminel, il ne peut y avoir d’organisation criminelle sans un groupe « composé d’au moins trois personnes ».

[175]     À cette fin, l’analyse doit porter sur les liens effectifs entre les prétendus membres du groupe. Ceux-ci doivent avoir des liens d’interdépendance au sein de l’organisation. Il n’est pas nécessaire que ce lien soit caractérisé par un rôle décisionnel au sein de l’organisation[103]. Néanmoins, les membres doivent jouer un rôle au sein de l’organisation établissant leur interdépendance et non pas être simplement associés à l’organisation[104] aux fins d’« une transaction mutuellement avantageuse entre deux parties qui n’[ont] aucun lien de dépendance »[105].

[176]      Certains facteurs peuvent être considérés à cet égard :

(a)  nature du lien : la personne exerce-t-elle des fonctions bien déterminées sous le contrôle ou la direction d’un autre membre de l’organisation ou de concert avec celui-ci ou, au contraire, agit-elle avec une grande indépendance dénotant l’absence de lien de dépendance avec l’organisation?[106];

(b)  degré de loyauté et d’engagement : la personne démontre-t-elle une certaine loyauté ou un certain engagement continu envers l’organisation ou, au contraire, sa participation est-elle ponctuelle?[107]; en effet, les liens entre les membres du groupe doivent normalement être « continus et organisés » puisque l’objet de la loi « consiste à identifier et à déstabiliser les groupes de trois personnes ou plus qui présentent un risque élevé pour la société en raison des liens continus et organisés entre leurs membres »[108];

(c)  intérêt : la personne possède-t-elle un intérêt direct ou indirect dans la viabilité de l’organisation, notamment un intérêt financier?[109]

Ces facteurs ne sont ni cumulatifs ni limitatifs. C’est l’analyse de l’ensemble des circonstances qui permet de décider si une personne est membre d’une organisation criminelle.

[177]     Pour obtenir la condamnation d’un accusé en vertu de l’article 467.12 du Code criminel, le ministère public doit prouver, en sus de l’actus reus et de la mens rea de l’infraction sous-jacente, l’existence d’une organisation criminelle et la connaissance de l’accusé que l’infraction a été perpétrée au profit ou sous la direction de cette organisation ou en association avec elle. Cependant,  il n’est pas nécessaire d’établir que l’accusé  est effectivement membre de l’organisation criminelle, comme l’a confirmé le juge Fish dans R. c. Venneri[110] :

[53]      L’expression « en association avec » doit être interprétée selon son sens ordinaire et dans le contexte de la disposition.  En l’occurrence, elle est accompagnée des expressions « sous la direction » de et « au profit » de.  Ces expressions ne s’excluent pas l’une l’autre.  Au contraire, elles ont le même objectif et se chevauchent souvent dans leur application.  Elles ont pour objet commun d’éliminer le crime organisé.  À cette fin, elles ciblent spécifiquement les infractions qui sont liées aux organisations criminelles et en servent les intérêts.

[54]      Envisagée sous cet angle, l’expression « en association avec » vise les infractions qui servent, au moins dans une certaine mesure, les intérêts d’une organisation criminelle — même si elles ne sont commises ni sous la direction de l’organisation, ni principalement à son profit. […]

[55]      L’expression « en association avec » exige un lien entre l’infraction sous-jacente et l’organisation, par opposition à un simple lien entre l’accusé et l’organisation : […]

[56]      Rappelons qu’un contrevenant peut commettre une infraction « en association avec » une organisation criminelle dont il n’est pas membre.  Le fait d’être membre d’une organisation demeure toutefois un facteur pertinent pour déterminer si le lien requis entre l’infraction et l’organisation a été établi (voir Drecic, par. 3).

[57]      Le ministère public doit également démontrer que l’accusé faisait sciemment affaire avec une organisation criminelle.  La réprobation sociale associée à l’infraction exige de l’accusé une mens rea subjective quant à son association avec l’organisation (voir Lindsay (2004 C.S.J.), par. 64).

[Soulignement ajouté]

[178]     Il y a lieu maintenant d’examiner les moyens d’appel invoqués à la lumière de ces principes.

[179]     Les appelants O’Reilly et Phillips soutiennent que la contrebande de cigarettes serait une entreprise commune de deux personnes seulement, soit d’eux seuls. Ils prétendent que ni Felicitas O’Reilly, ni Matthew Lazare, ni quiconque d’autre n’y participait à titre de membre. Il en résulte qu’il n’y aurait pas un groupe composé d’au moins trois personnes et, partant, aucune « organisation criminelle » au sens du Code criminel. Or, cette prétention se heurte aux conclusions factuelles de la juge du procès portant sur la participation de Felicitas O’Reilly à l’organisation criminelle[111] :

[49]      Contrairement à ce que soumet la défense, F. O’Reilly faisait partie du groupe et les conversations téléphoniques démontrent clairement son implication et sa connaissance des activités illégales. Il en est de même de M. Lazare.

[50]      Ainsi en octobre et novembre 2007, F. O’Reilly demande à D.-A. Phillips de venir à Montréal afin de régler le différend avec M. Lazare. En l’absence de G. O’Reilly, elle fait plus que suivre ses instructions, elle organise le tout. Le 27 novembre 2007, D.-A. Phillips l’informe qu’il envoie un colis (boîtes d’argent), le 28 elle s’informe.

[51]      Le 30 novembre 2007 à 8h12, R. Thibault lui demande des billets de 20,00 $ pour alimenter les guichets ATM. Elle répond qu’elle n’en a pas “unless the other thing comes in”. À 13h09 elle informe D.-A. Phillips que la boîte est arrivée. À 15h06 elle lui demande de confirmer qu’elle contient « 14 ». Elle lui mentionne que le montant est petit et D.-A. Phillips lui répond qu’il fait face à une forte compétition en Nouvelle-Écosse. Le colis intercepté [par la SQ] le 30 novembre à Postes Canada contient 14 000 $.

[52]      Dans la conversation du 10 décembre 2007, elle informe D.-A. Phillips que G. O’Reilly à son retour, pourra voir M. Lazare si les “parts” arrivent. Il lui répond que cela devrait être ce jour. Elle l’informe que G. O’Reilly est de retour, mais que la livraison n’a pas été faite. Elle lui mentionne : “the only thing is we can do tomorrow”, et qu’elle va s’informer à nouveau auprès de R. Thibault. Elle assure un contrôle sur les opérations.

[53]      Le 16 janvier 2008, D.-A. Phillips l’informe que M. Lazare s’inquiète du “soap” [l’argent de la contrebande est expédié dans des boîtes de savon], elle lui répond que cela n’a pas été arrangé. D.-A. Phillips lui répond: “You’ll be making arrangements on that anyway”. Elle répond: “Yeah, I can do that.”

[54]      Le 17 janvier 2008 elle mentionne qu’elle ne laissera pas la boîte si son ami n’est pas là et D.-A. Phillips lui mentionne qu’il va trouver quelqu’un pour remettre la boîte à M. Lazare. Elle lui demande de l’informer.

[55]      La preuve démontre qu’elle connaît les opérations du groupe, les partenaires et qu’elle y participe en s’occupant entre autres de la comptabilité.

[180]     Les appelants ne s’attaquent pas directement à ces conclusions de fait. Ils soutiennent plutôt que la participation de Felicitas O’Reilly se manifestait lors des absences de Gérald O’Reilly. Ils en tirent la conclusion qu’on ne peut la considérer comme un membre de l’organisation vu sa participation ponctuelle aux activités de celle-ci.

[181]     À la lumière des conclusions de fait de la juge du procès et de l’admission faite par les appelants voulant que Felicitas O’Reilly, en l’absence de son mari, « discute avec Alexander Phillips de commandes de cigarettes, de paiements des commandes et de relations avec le fournisseur Lazare »[112], il est impossible de soutenir que celle-ci n’a pas connaissance des activités de contrebande ou qu’elle n’y participe pas.

[182]     Il est de plus invraisemblable que celle-ci ne soit pas partie intégrante de l’organisation puisqu’il est clair qu’elle remplace Gérald O’Reilly pour la diriger en son absence. Cela permet aisément de conclure qu’elle connaît parfaitement le fonctionnement de l’organisation et qu’elle en assure la continuité en l’absence de son conjoint. La connaissance qu’elle a des problèmes de l’organisation et son implication dans le remplissage des guichets automatiques afin de recycler les produits de la contrebande sont autant d’éléments additionnels qui assoient la conclusion de la juge du procès quant à la participation de Felicitas O’Reilly comme membre de l’organisation criminelle tout au long des évènements reprochés.

[183]     L’organisation comptait donc au moins trois personnes. Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire de décider si, comme le ministère public le soutient, l’organisation criminelle totalise neuf participants, dont Matthew Lazare.

[184]     L’appelant Phillips ajoute pour sa part que la preuve ne révélerait pas que l’organisation serait dotée de la structure et de la continuité nécessaires ou même qu’elle aurait pour objet de procurer au groupe ou à une personne qui en fait partie un avantage matériel.

[185]     Les arguments de l’appelant Phillips sont manifestement sans fondement. Il suffit de reprendre certains passages de la Pièce P-23 contenant les admissions des appelants relatives à la trame factuelle sous-jacente aux accusations pour le constater[113] :

1. La période visée est celle spécifiée à la dénonciation, soit du 13 juillet 2006 au 12 mars 2008.

5. L’interception des communications privées de Gérald O’Reilly et d’Alexander Philips établit leurs contacts téléphoniques réguliers, parfois même plusieurs fois par jour.

5.1 Gérald O’Reilly et David Alexander Philips ont par ailleurs des liens d’affaires de longue date dans le domaine légitime de l’amusement.

5.2 Au moment des évènements, Louis Moreau et Pierre Morel étaient des employés légitimes d’Alouette Amusement et ce, depuis respectivement 15 et 35 ans environ.

5.3 La preuve ne révèle pas de liens d’affaires légitimes entre les autres accusés qui communiquent ensemble pendant la période visée.

6. L’ensemble de la preuve révèle l’implication des accusés dans l’achat ou la vente de cigarettes de contrebande, chacun ayant un rôle et des responsabilités bien définies.

6.1 L’implication criminelle de Pierre Morel est toutefois contestée par la défense.

7. Les différentes techniques d’enquête utilisées lors de l’enquête indiquent les différentes étapes de la contrebande de cigarettes : (1) la commande; (2) la livraison de la commande; (3) l’emballage des cigarettes; (4) le chargement et le transbordement des boîtes; (5) le transport des cigarettes vers la Nouvelle-Écosse; (6) le déchargement et l’entreposage des cigarettes en Nouvelle-Écosse.

8. Par le biais de l’écoute électronique, la preuve révèle que Gérald O’Reilly et/ou Alexander Philips communiquent avec trois fournisseurs, soit Matthew Lazare (Morris Bonspille), Serge Perron et Peter Martin (Peter James Martin) pour organiser l’approvisionnement des cigarettes qui seront ensuite distribuées en Nouvelle-Écosse.

[…]

11. Une fois les caisses standards de cigarettes livrées par l’un ou l’autre des fournisseurs impliqués, la preuve révèle que Louis Moreau les réemballe dans de plus grosses boîtes de carton portant l’inscription « Jimtex », « Frontier », « Stern » ou « Spinning ».

15. Une fois le processus de ré-emballage des caisses de cigarettes complété, la preuve révèle que Louis Moreau charge les boîtes « Jimtex », « Frontier », « Stern » ou « Spinning » à l’intérieur d’un camion cube.

17. Ensuite, Louis Moreau rejoint habituellement Blair McKeigan à des endroits non reliés aux individus impliqués, où ils procèdent ensemble au transbordement des boîtes dans la remorque réfrigérée appartenant à Blair McKeigan.

19. Par la suite, Blair McKeigan retourne en Nouvelle-Écosse, pour y décharger les boîtes contenant les cigarettes de contrebande.

21. Par la suite, Alexander Philips, avec l’aide de Joseph Burton Murphy, s’occupe de la distribution des cigarettes en Nouvelle-Écosse.

22. Selon le témoignage de Robin Thibault, Louis Moreau l’aurait informé qu’il rapportait de l’argent des maritimes, lui disant que cet argent provenait de la vente de cigarettes de contrebande par Alexander Philips.

25. À partir du mois de septembre 2007, la preuve révèle que les boîtes d’argent provenant d’Alexander Philips ne sont plus envoyées au Québec par l’entremise de Louis Moreau. Ainsi, entre le 6 septembre 2007 et le 23 janvier 2008, Alexander Philips envoie, par Poste Canada, 258 865 $ en argent comptant à Gérald O’Reilly, dans quatorze boîtes identifiées au nom de la compagnie Mira Soap Works, compagnie de Sharon Dawn MacRury, conjointe d’Alexander Philips.

25.1 Cette somme est comptabilisée lors de l’interception à Poste Canada des quatorze boîtes ainsi envoyées par Alexander Philips à Gérald O’Reilly pendant cette période. Ces interceptions à Poste Canada ont lieu avant la livraison des différentes boîtes. Les billets contenus dans les boîtes sont alors tous numérisés.

25.2 Ces boîtes contiennent des petites boîtes individuelles de savon, dans lesquelles le savon est remplacé par des billets de 20,00 $, parfois aussi par des coupures de 50,00 $ et de 100,00 $. Ces billets sont toujours pliés d’une manière identique.

25.3 Ces boîtes contiennent chacune entre 11 000 $ et 25 000 $, pour un total de 258 865 $.

25.4 Le 25 octobre 2007, un papier manuscrit de comptabilité est inclus dans la boîte d’argent. Une discussion à ce sujet aura ensuite lieu entre Gérald O’Reilly et Alexander Philips.

25.5 Au moins une partie de cette somme provient de la vente de cigarettes de contrebande.

26. La preuve révèle qu’une fois la boîte d’argent en possession de Gérald O’Reilly, celui-ci contacte l’un ou l’autre de ses fournisseurs afin d’organiser une rencontre pour effectuer le paiement requis.

29. D’une manière générale, la preuve permet d’établir ainsi les rôles et responsabilités de chacun des participants à l’achat et la vente de cigarettes de contrebande :

29.1 Gérald O’Reilly est responsable de l’approvisionnement en cigarettes, du transport entre le Québec et la Nouvelle-Écosse et du paiement des fournisseurs des cigarettes.

29.2 David Alexander Phillips est responsable de l’approvisionnement en cigarettes, du transport entre le Québec et la Nouvelle-Écosse, de la distribution de cigarettes en Nouvelle-Écosse et de l’envoi des boîtes d’argent permettant entre autre à Gérald O’Reilly de payer les fournisseurs des cigarettes.

29.3 Felicitas O’Reilly, en l’absence de Gérald O’Reilly, discute avec Alexander Philips de commandes de cigarettes, de paiements des commandes et de relations avec le fournisseur Lazare.

29.4 Matthew Lazare est le fournisseur principal de cigarettes de contrebande, entre août 2007 et mars 2008.

29.9 Louis Moreau emballe les caisses de cigarettes standards dans les boîtes « Jimtex », « Frontier », « Stern » ou « Spinning », les transporte jusqu’aux différents points de rencontre avec Blair McKeigan puis les transfère dans la remorque de ce dernier.

30. La preuve révèle vingt-trois envois distincts de boîtes « Jimtex », « Frontier », « Stern » ou « Spinning » entre le 20 septembre 2006 et le 11 mars 2008, pour un total de 473 boîtes ainsi envoyées en Nouvelle-Écosse.

30.1 La défense suggère que la preuve révèle plutôt un total de 436 boîtes, sans toutefois admettre leur contenu.

[Soulignement ajouté]

[186]     Ces admissions suffisent amplement pour réfuter les arguments de l’appelant Phillips selon lesquels l’organisation (a) n’aurait pas pour objet de procurer au groupe ou à une personne qui en fait partie un avantage matériel et (b) ne serait pas dotée de la structure et de la continuité nécessaires. Les admissions font carrément état d’une structure calquée sur le modèle d’une entreprise commerciale légitime, où chacun assume un rôle bien défini et qui a fait preuve d’une longévité certaine sur une période d’au moins 18 mois.

[187]     La preuve est d’ailleurs abondante quant à la structure et la continuité de l’organisation. Il s’agit d’une organisation qui a inondé le marché de plusieurs millions de cigarettes de contrebande sur une période minimale de 18 mois. La preuve révèle 23 envois distincts de boîtes de cigarettes de contrebande en Nouvelle-Écosse durant cette période selon un modus operandi quasi identique.

[188]     La fréquence des appels entre les participants, le camouflage des produits, le mode d’approvisionnement, le transport interprovincial de la contrebande, les opérations de contre-surveillance, le transport de l’argent, le recyclage de l’argent dans des guichets automatiques, l’utilisation d’une multitude d’immeubles pour entreposer la contrebande, etc., démontrent sans équivoque qu’il s’agit d’une organisation très structurée et bien rodée où chacun joue son rôle de façon à assurer la continuité des opérations illicites sur une longue période.

[189]     Les paroles prononcées le 30 juillet 2007 entre Gérald O’Reilly et David Alexander Phillips en rapport avec les difficultés de livraison qu’éprouve alors l’organisation avec Peter Martin sont d’ailleurs éloquentes à ces égards[114] :

GOR : (…) this guy’s f[…]’up our system […] we have a, you know, a very nice system, […] everybody was part of it, and uh everybody know what they have to do.

AP : Yeah exactly, exactly.

[190]     C’est donc à bon droit que la juge du procès n’a pas accepté la caractérisation du groupe comme étant seulement quelques personnes qui faisaient ponctuellement des affaires les unes avec les autres. La structure et la continuité de l’organisation mise en place sont incontournables.

[191]     Quant à la prétention de l’appelant Phillips portant sur le défaut du ministère public d’établir hors de tout doute raisonnable que toute la somme de 258 865 $ expédiée par lui via Postes Canada servait aux fins de l’organisation criminelle, il suffit de référer à l’admission des accusés qu’au moins une partie de cette somme servait à ces fins pour en disposer[115]. Si la preuve révèle hors de tout doute raisonnable que l’organisation criminelle ou l’une des personnes qui en font partie a reçu un avantage matériel résultant de la fraude commise sous ses auspices, le ministère public a rempli son fardeau. C’est manifestement le cas ici.

[192]     Finalement, lors de l’audition devant la Cour, les appelants ont ajouté à leurs mémoires en invoquant le caractère exceptionnel du régime du Code criminel portant sur les organisations criminelles. Selon eux, les infractions commises doivent présenter un risque élevé pour la société pour permettre de qualifier une association criminelle d’« organisation criminelle ». La contrebande de cigarettes ne présenterait pas le type de risque associé à une organisation criminelle puisqu’il ne s’agirait pas là d’une infraction présentant un « risque élevé » pour la société.

[193]     Or, l’approche suggérée par les appelants contredit les buts des amendements au Code criminel portés en 2001 au régime des organisations criminelles[116]. Le 21 novembre 2001, la ministre de la Justice du Canada de l’époque, Anne McLellan, s’est adressée au Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles pour expliquer les objectifs de ces amendements. Ceux-ci, selon la ministre, visent à élargir le régime applicable au crime organisé au-delà des conceptions typiques afin d’y assujettir les organisations qui se livrent à toutes sortes d’activités criminelles, y compris celles qui ne sont pas nécessairement l’apanage du crime organisé traditionnel. La ministre a d’ailleurs précisément identifié à cette fin la contrebande de tabac[117] :

Le crime organisé est également impliqué dans le trafic illégal d’armes à feu, la fraude douanière de contrebande telle que le tabac et l’alcool, et même les crimes contre l’environnement comme le déversement illégal de déchets toxiques.

[Soulignement ajouté]

[194]     Il existe malheureusement dans certains milieux une complaisance à l'égard de la fraude fiscale organisée. Cette complaisance se reflète dans l’argument des appelants qui soutiennent que le trafic de cigarettes bien organisé auquel ils ont participé n’est pas en soi une affaire objectivement « grave » qui présenterait « un risque élevé pour la société ». Or, la contrebande organisée à grande échelle comporte objectivement un risque élevé pour la société puisque, si elle n’est pas endiguée, elle peut mener à terme à une perte de crédibilité dans les institutions politiques et sociales et saper ainsi les assises de la primauté du droit. Comme le rappelait la juge St-Pierre dans R. c. Chicoine[118] :

[111]    Dans l'arrêt Knox Contracting Ltd. c. Canada de 1990 [[1990] 2 R.C.S. 338], retenant que certaines dispositions législatives portant sur le fait d'éluder volontairement l'observation de lois fiscales ou le paiement d'un impôt établi en vertu d'une telle loi constituaient une matière relevant du droit criminel, le juge Cory rappelait le sérieux de ces obligations et la gravité de tels manquements […]

[112]    À l'heure où la marge de manoeuvre des gouvernements rétrécit singulièrement alors que, d'une part, les ressources financières se font de plus en plus rares et que, d'autre part, les besoins augmentent, les victimes de toute fraude fiscale se comptent par millions. Les agences du revenu n'en sont pas la seule cible. En effet, les infractions de fraude fiscale privent l'ensemble des citoyens de ressources auxquelles ils ont droit aux termes de la Loi, susceptibles de permettre des investissements pour répondre à leurs besoins, notamment en matière de santé et d'éducation.

SEPTIÈME MOYEN D’APPEL : LE REFUS D’ÉCARTER LE TÉMOIGNAGE DE ROBIN THIBAULT

[195]     Dans le cadre du contre-interrogatoire de Thibault lors de l’enquête préliminaire, certaines questions portent sur la relation d’affaires qu’il a développée avec un dénommé Sylvain Telmosse - l'un des coaccusés dans un autre volet de l’enquête - ainsi que la nature de leurs rapports. Thibault mentionne avoir avisé ses contrôleurs policiers ainsi que les procureurs du ministère public de ces échanges et rencontres d’affaires, tout en spécifiant avoir cessé tout contact avec Telmosse à la suggestion de ses contrôleurs. C’est cette dernière partie du témoignage portant sur la communication de l’ampleur de ses contacts avec Telmosse qui fait l’objet d’une déclaration du ministère public le 25 mai 2009 afin d’informer la Cour que, contrairement au témoignage rendu, ces informations n’avaient pas été communiquées par Thibault.

[196]     Outre ce fait, les appelants reprochent aussi à Thibault d’avoir (a) fait perdre 275 000 $ à l’une des compagnies des O’Reilly, au moyen d’opérations financières non autorisées et de n’avoir déclaré ce fait à la SQ que tardivement dans l’enquête; (b) admis lors de l’enquête préliminaire être impliqué dans la falsification de numéros de série sur des appareils et de n’en avoir jamais informé la SQ dans le cadre de l’enquête; (c) exagéré au sujet de ses études dans un curriculum vitae remis aux O’Reilly; et (d) omis de déclarer au syndic de sa faillite les sommes que la SQ s’était engagée à lui verser.

[197]     Les appelants invoquent les principes établis dans R. c. Mohan[119] qui permettent d’exclure une preuve, par ailleurs logiquement pertinente, si son effet préjudiciable surpasse sa valeur probante ou si elle peut induire en erreur puisque son impact sur le juge des faits risque d’être disproportionné par rapport à sa fiabilité.

[198]     Puisque plusieurs éléments de la preuve corroboraient le témoignage de Thibault, la juge du procès a refusé de l’écarter, bien que consciente de la nécessité de faire preuve de prudence à son égard selon une mise en garde Vetrovec[120]. La juge s’explique comme suit dans son jugement du 24 février 2014 portant sur la culpabilité des appelants :

[65]      La défense demande d’écarter son témoignage non corroboré en raison du manque de transparence envers ses contrôleurs, de certaines manœuvres douteuses, de sommes d’argent manquantes, de menaces voilées envers M. Marcotty employé de la compagnie Alouette. La poursuite admet qu’une mise en garde de type « Vetrovec » s’applique.

[66]      Or, non seulement une grande partie de la preuve est admise par la défense, mais tous les mandats de perquisition, les entrées subreptices au Québec et en Nouvelle-Écosse, les billets retrouvés dans les guichets automatiques corroborent son témoignage et en ce sens ces éléments rencontrent la mise en garde requise dans l’arrêt « Vetrovec » et reprise dans l’arrêt R. c. Boucher [2000] J.Q. No. 3255, en permettant de rassurer le jury sur la crédibilité du témoignage qui pose problème.

[199]     Tel que le juge en chef Dickson le notait dans R. c. Corbett[121], les règles fondamentales du droit de la preuve en matière criminelle comportent un principe d'inclusion en vertu duquel il est permis de produire en preuve tout ce qui sert logiquement à prouver un fait en litige, sous réserve des règles d'exclusion reconnues et des exceptions à celles-ci. Pour le reste, c'est une question de valeur probante. La valeur probante d'un élément de preuve peut varier. En cas de doute, il vaut mieux pécher par inclusion que par exclusion et, conformément au principe de la transparence, les tribunaux doivent favoriser l'admissibilité d’une preuve pertinente, à moins qu'il n'existe une raison claire de politique générale ou de droit qui commande l'exclusion.

[200]     Les appelants soutiennent néanmoins que la dénonciation par le ministère public d'une partie du témoignage de Thibault lors de l’enquête préliminaire portant sur la communication de ses rapports avec Telmosse dans le cadre d’un dossier connexe impose une telle politique d’exclusion puisqu’il s’agirait là d’un parjure.

[201]     Le parjure est en effet une affaire sérieuse qui peut mener, dans certaines circonstances, à l’exclusion d’un témoignage. Le tout doit s’évaluer selon le contexte.

[202]     Dans ce cas-ci, la partie du témoignage de Thibault dénoncé par le ministère public porte sur une affaire périphérique au procès et concerne un autre accusé dans un dossier distinct. Le témoignage de Thibault quant aux éléments essentiels des infractions reprochées aux appelants est largement confirmé par l’ensemble des éléments mis en preuve. Dans ces circonstances, il aurait été déraisonnable de rejeter en bloc le témoignage de Thibault. Il suffit que les mises en garde appropriées quant à sa force probante soient faites.

[203]     Si les tribunaux canadiens avaient voulu instaurer un principe absolu d’exclusion des témoins menteurs, même ceux qui ont menti sous serment, ils auraient eu de multiples occasions de le faire[122]. Dans de telles situations, selon les circonstances, la voie appropriée n’est pas toujours d’exclure la déposition du témoin, mais plutôt de procéder à une mise en garde de type Vetrovec.

[204]     En l’occurrence, aucune raison de politique générale ou de droit ne milite en faveur de l’exclusion. Si le témoignage de Thibault doit être analysé avec prudence, dans ce cas-ci, la juge du procès a constaté les nombreux éléments qui corroborent celui-ci, lui permettant ainsi d’être rassurée sur sa fiabilité. Tenant compte de l’ensemble du contexte, l’intervention de cette Cour afin d’exclure le témoignage de Thibault n’est pas requise.

HUITÈME MOYEN D’APPEL : LE CARACTÈRE DÉRAISONNABLE DU VERDICT DE CULPABILITÉ DE PIERRE MOREL

[205]     Pierre Morel était employé par O’Reilly depuis 1973 et occupait un poste de gérant au sein de son entreprise lors des évènements en cause. Morel reconnaît : a)  avoir participé à l’emballage entre le 13 et le 29 août 2007;  b) avoir participé le 5 janvier 2007 au chargement de 32 boîtes dans la remorque qui transportait des cigarettes vers la Nouvelle-Écosse; c) avoir circuler le 25 avril 2007 autour du 93 Kirkwood, Beaconsfield (qui servait de cache) au volant d’un véhicule automobile pendant que Louis Moreau chargeait des boîtes dans le camion cube habituellement utilisé pour le transport des cigarettes de contrebande; et d) avoir discuté de la livraison d’une commande avec Louis Moreau en décembre 2007[123].

[206]     La juge du procès s’appuie sur les admissions de Morel et son analyse de ses communications téléphoniques interceptées pour retenir, selon une preuve circonstancielle, qu’il connaissait les activités et opérations de contrebande et ceux qui y participaient, ce qui lui apparaît suffisant pour conclure à la mens rea requise pour l’infraction[124].

[207]     En appel, Morel soutient que la juge aurait erré en inférant sa mens rea de la preuve circonstancielle. Il ajoute qu’elle aurait plus précisément erré en inférant sa connaissance du contenu des caisses qu’il manipulait de son admission qu’aucune redevance sur ces cigarettes n’a été versée aux gouvernements concernés. Il ajoute que la juge aurait aussi erré en extrapolant des activités de contre-surveillance de son admission quant au fait qu’il circulait dans une automobile autour du 93 Kirkwood le 25 avril 2007.

[208]     Il n’y a lieu d’intervenir à l’égard des inférences de faits de la juge de première instance que si une erreur manifeste et déterminante est identifiée[125]. Quant au verdict déraisonnable, les propos suivants de la juge Deschamps dans R. c. R.P. résument l’approche à suivre[126] :

[9]        Suivant les arrêts R. c. Yebes, [1987] 2 R.C.S. 168, et R. c. Biniaris, 2000 CSC 15, [2000] 1 R.C.S. 381, par. 36, pour décider si un verdict est déraisonnable, la cour d’appel doit déterminer s’il s’agit d’un verdict qu’un jury ayant reçu des directives appropriées ou un juge aurait pu raisonnablement rendre. La cour d’appel peut aussi conclure au caractère déraisonnable du verdict si le juge du procès tire une inférence ou une conclusion de fait essentielle au prononcé du verdict (1) qui est clairement contredite par la preuve qu’il invoque à l’appui de cette inférence ou conclusion ou (2) dont on démontre l’incompatibilité avec une preuve qui n’est ni contredite par d’autres éléments de preuve ni rejetée par le juge (R. c. Sinclair, 2011 CSC 40, [2011] 3 R.C.S. 3, par. 4, 16 et 19-21; R. c. Beaudry, 2007 CSC 5, [2007] 1 R.C.S. 190). 

[209]     L’appelant Morel n’établit pas que le verdict est déraisonnable ou que la juge aurait commis une erreur manifeste et déterminante dans son analyse de la preuve et dans les inférences qu’elle en tire voulant qu’il connaisse les activités de contrebande de l’organisation.

[210]     En effet, la prétention de Morel voulant que la preuve ne démontre pas sa connaissance du contenu des boîtes qu’il manipulait m’apparaît difficilement réconciliable avec l’admission suivante[127] :

29.13   Pierre Morel remplace principalement Louis Moreau pour emballer les cigarettes lors de la démission temporaire de ce dernier, entre le 13 et le 29 août 2007.

[Soulignement ajouté]

[211]     D’ailleurs, il est invraisemblable que Morel ne connaisse pas le contenu des caisses qu’il manipulait, alors que la preuve d’expert non contredite établit la forte odeur qui se dégage du tabac[128], odeur qui a été perçue et rapportée par divers intervenants au cours de l’enquête, même lorsque les cigarettes étaient camouflées dans les boîtes Jimtex utilisées par l’organisation[129].

[212]     Ainsi, même si l'on remettait en question l’inférence tirée par la juge du procès quant à la connaissance de Morel du contenu des boîtes à même son admission quant à l’absence de remises de taxes[130], cette connaissance est amplement établie hors de tout doute raisonnable par les autres éléments de preuve au dossier.

[213]     Quant à la conclusion de la juge concernant les opérations de contre-surveillance effectuées par Morel autour du 93 Kirkwood, Beaconsfield, le 25 avril 2007, celle-ci ne repose pas seulement sur l’admission de ce dernier selon laquelle il y circulait en automobile[131], mais aussi sur le rapport de surveillance de la SQ concluant à des opérations de contre-surveillance de sa part[132]. Cette conclusion repose donc amplement sur la preuve au dossier.

[214]     Conséquemment, la connaissance de Morel des activités illégales de contrebande de cigarettes s’infère de l’ensemble de la preuve, comme l’a d’ailleurs conclu la juge du procès. La connaissance du caractère illégal de l’opération s’infère aisément des opérations d’emballage et de chargement des cigarettes à même une résidence de Beaconsfield et de la contre-surveillance à laquelle Morel a participé. De plus, les communications téléphoniques interceptées, considérées dans leur contexte et dans leur ensemble, ont permis à la juge du procès de conclure qu’il n’y avait aucun doute raisonnable quant à la connaissance de Morel du caractère illégal de ces activités. Elle en cite d’ailleurs de larges extraits dans son jugement[133].

CONCLUSIONS

[215]     Pour ces motifs, je propose donc à la Cour de rejeter les trois appels portant sur les déclarations de culpabilité prononcées le 24 février 2014, soit l’appel de Gérald O’Reilly, Louis Moreau et Pierre Morel dans le dossier 500-10-005612-146, l’appel de Serge Perron dans le dossier 500-10-005613-144 et l’appel de David Alexander Phillips dans le dossier 500-10-005614-142.

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

 



[1]     Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11.

[2]     2014 QCCA 785 et 2014 QCCA 792.

[3]     2014 QCCA 790.

[4]     2014 QCCA 1430 (Moreau) et 2014 QCCA 1826 (O’Reilly).

[5]     2014 QCCA 1826.

[6]     2014 QCCA 1287 (Moreau), 2014 QCCA 1302 (Phillips), 2014 QCCA 1311 (O’Reilly) et 2014 QCCA 1433 (Perron).

[7]     2014 QCCA 1826.

[8]     R. c. Chehil, 2013 CSC 49, [2013] 3 R.C.S. 220, par. 26; R. c. Kang-Brown, 2008 CSC 18, [2008] 1 R.C.S. 456, par. 75.

[9]     R. c. Chehil, supra, note 8, par. 27.

[10]    Alabama v. White, 496 U.S. 325 (1990), p. 330.

[11]    R. c. Kang-Brown, supra, note 8, par. 75; voir aussi R. v. Lal (1998), 130 C.C.C. (3d) 413 (C.A.C.-B.), [1998] B.C.J. No. 2446 (QL), par. 30 de l’éd. QL.

[12]    R. c. Chehil, supra, note 8, par. 29.

[13]    Ibid., par. 33.

[14]    Ibid., par. 6 et 34.

[15]    Ibid., par. 37.

[16]    Ibid., par. 46; R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657, par. 16.

[17]    Il s’agit là d’une erreur d’adresse puisque la preuve recueillie ultérieurement établira qu’il s’agit en fait du 93 rue Kirkwood à Beaconsfield, comme l’ont d’ailleurs admis les appelants dans la Pièce P-23 : Admission concernant la trame factuelle sous-jacente aux accusations, par. 16.

[18]    R. c. Campbell, 2011 CSC 32, [2011] 2 R.C.S. 549, par. 14.

[19]    Jugement du 5 mai 2011, par. 24.

[20]    Ibid., par. 25, 36 et 37.

[21]    Ibid., par. 33.

[22]    Gow-Leach c. R., 2017 QCCA 764, par. 7; R. v. Nero, 2016 ONCA 160, par. 74, 84 et 88; R. v. Beauchamp, 2015 ONCA 260, par. 89; R. v. Sadikov, 2014 ONCA 72, par. 89; R. v. Ebanks, 2009 ONCA 851, par. 22.

[23]    Bâtiments Fafard inc. c. R., [1992] R.L. 91 (C.A.), p. 112.

[24]    Jugement du 25 mai 2011, par. 12 et 14.

[25]    Ibid., par. 15.

[26]    Ibid., par. 22.

[27]    Ibid., par. 15.

[28]    R. c. Wong, [1990] 3 R.C.S. 36.

[29]    R. v. Ha, 2009 ONCA 340; R. v. Ford, 2008 BCCA 94.

[30]    Code criminel, par. 487.01(3).

[31]    Loi de 2001 sur l’accise, L.C. 2002, ch. 22.

[32]    Jugement du 16 décembre 2011, par. 14 à 16.

[33]    CanadianOxy Chemicals Ltd. c. Canada (Procureur général), [1999] 1 R.C.S. 743, par. 22; R. v. Church of Scientology of Toronto (1987), 31 C.C.C. (3d) 449 (Ont. C.A.).

[34]    Boulianne c. R., J.E. 97-1029 (C.A.), [1997] J.Q. No. 1405 (QL), par. 4-5 et 9 de l’éd. QL.

[35]    Lahaie et al. v. Attorney General of Canada et al., 2010 ONCA 516, demande d’autorisation d’appel rejetée: [2010] C.S.C.R. No. 371 (QL).

[36]    Loi sur la radiocommunication, L.R.C. 1985, ch. R-2.

[37]    R. v. Yorke (1992), 77 C.C.C. (3d) 529 (N.S.C.A.), [1992] N.S.J. No. 474 (QL).

[38]    Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels, L.R.C. 1985, ch. C-51.

[39]    Jugement du 13 février 2012, par. 20.

[40]    R. c. Société TELUS Communications, 2013 CSC 16, [2013] 2 R.C.S. 3, par. 27-31.

[41]    Lors de l’audition devant la Cour, le procureur de l’appelant Perron a déclaré que ce dernier se serait désisté de la contestation du mandat d’écoute électronique au cours du procès.

[42]    Transcription du jugement rendu séance tenante le 30 mars 2012, par. 6.

[43]    Ibid., par. 32, 33 et 35.

[44]    Ibid., par. 36 et 38.

[45]    Ibid., par. 44-45.

[46]    Ibid., par. 46.

[47]    Hubert Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 5e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, sub verbo « voir-dire »; Daphne A. Dukelow, The Dictionary of Canadian Law, 4th ed., Toronto, Thomson Reuters Canada Limited, 2011, sub verbo « voir dire »; Jacques Vanderlinden, Gérard Snow & Donald Poirier, La common law de A à Z, Cowansville (Québec), Éditions Yvon Blais, 2010, sub verbo « voir dire »; Bryan A. Garner (dir.), Black’s Law Dictionary, 10th ed., St. Paul, West, 2014, sub verbo « voir dire ».

[48]    R. c. Morelli, 2010 CSC 8, [2010] 1 R.C.S. 253, par. 61.

[49]    Hunter et al. c. Southham Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, p. 277-278; R. c. Chehil, supra, note 8, par. 19 et 45.

[50]    Québec (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, [2002] 3 R.C.S. 708, par. 68; R. c. Campbell, supra, note 18, par. 14, conf. R. v. Campbell, 2010 ONCA 588, par. 45; R. v. Wilson, 2011 BCCA 252, par. 63; R. v. Sadikov, 2014 ONCA 72, par. 83.

[51]    R. c. Pires; R. c. Lising, 2005 CSC 66, [2005] 3 R.C.S. 343, par. 15 (« Pires »). Il faut noter que la version française des motifs de la juge Charron fait état de l’obligation pour le ministère public « d’établir la validité apparente » de l’autorisation judiciaire. La version originale anglaise précise qu’il s’agit plutôt d’un « evidentiary burden of producing a facially valid authorization » par opposition à un « persuasive burden ». Il ne s’agit donc pas d’un fardeau de persuasion quant à la validité apparente de l’autorisation. Pour une discussion sur la différence entre un fardeau de présentation et un fardeau de persuasion, voir les propos du juge Cory dans R. c. Hodgson, [1998] 2 R.C.S. 449, par. 37-39.

[52]    R. v. Sadikov, supra, note 50, par. 83; R. c. Campbell, supra, note 18, par. 14; R. c. Morelli, supra, note 48, par. 131.

[53]    Québec (Procureur général) c. Laroche, supra, note 50, par. 67-68.

[54]    R. c. Araujo, 2000 CSC 65, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 19 et 50.

[55]    R. v. Sadikov, supra, note 50, par. 36-38.

[56]    R. v. Wilson, supra, note 50, par. 63; R. v. Le, 2011 MBCA 83, par. 114-115; R. v. Montgomery, 2016 BCCA 379, par. 256.

[57]    Franks v. Delaware, 438 U.S. 154 (1978).

[58]    R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421, p. 1465.

[59]    R. c. Pires; R. c. Lising, supra, note 51, par. 41; Groupe de la Banque Mondiale c. Wallace, 2016 CSC 15, [2016] 1 R.C.S. 207, par. 119-122 et 138-139.

[60]    R. c. Pires; R. c. Lising, supra, note  51, par. 3.

[61]    Ibid., par. 3. Voir aussi les par. 24, 35 et 40 où la juge Charron réitère le critère de la « probabilité raisonnable ».

[62]    R. c. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631.

[63]    R. c. Pires; R. c. Lising, supra, note 51, par. 35.

[64]    R. c. Jesse, 2012 CSC 21, [2012] 1 R.C.S. 716, par. 63 (« Jesse »).

[65]    Groupe de la Banque Mondiale c. Wallace, supra, note 59, par. 126-127 et 133.

[66]    R. v. Sadikov, supra, note 50, par. 41 et 47.

[67]    R. c. Pires; R. c. Lising, supra, note 51, par. 35.

[68]    R. v. Wilson, supra, note 50, par. 63-64.

[69]    R. v. Bains, 2010 BCCA 178, par. 69.

[70]    R. v. Le, supra, note 56, par. 114-117.

[71]    R. c. Cody, 2017 CSC 31, par. 38.

[72]    R. v. Sadikov, supra, note 50, par. 32; voir aussi R. v. Bains, supra, note 69, par. 76.

[73]    R. c. Garofoli, supra, note 58, p. 1449.

[74]    Jugement du 30 mars 2012 concernant la demande de voir-dire #11, par. 44. Voir aussi le jugement du 17 janvier 2012 concernant la demande de voir-dire #6, par. 19; le jugement du 19 janvier 2012 concernant la demande de voir-dire #8, par. 34; et le jugement du 13 février 2012 concernant la demande de voir-dire #10, par. 11.

[75]    Jugement du 30 mars 2012 concernant la demande de voir-dire #11, par. 45-46.

[76]    Voir, par exemple, la transcription de l’audition du 16 janvier 2012, p. 23 (p. 3864 M.A.) lignes 21 à 24 (soulignement ajouté) : « We’re asking the voir dire so that we can prove on the balance of probabilities that this is a violation of the Charter rights of the accused and we’d like to be heard on it »; voir aussi Pièce R-VD-6 : Lettre de Me Schurman datée du 16 janvier 2012 : « The intention of the defendants is not to call witnesses, should a voir dire be granted, but rather to ask the court to consider the testimonies already given by officers Frigon, Fortin and Dufour, together with a six-page extract of Robin Thibault’s testimony from the preliminary inquiry ».

[77]    Voir notamment R. v. Vukelich (1996), 108 C.C.C. (3d) 195 (C.A.C.B.), par. 16-18 et 23-26.

[78]    R. v. Wilson, supra, note 50, par. 63.

[79]    R. c. Garofoli, supra, note 58, p. 1449.

[80]    Transcription de l’audition du 17 janvier 2012, p. 20, ligne 3 à p. 23, ligne 1.

[81]    Jugement du 17 janvier 2012 concernant la demande de voir-dire #6, par. 38 et 39.

[82]    Jugement du 19 janvier 2012 concernant la demande de voir-dire #8, par. 33.

[83]    Jugement du 13 février 2012 concernant la demande de voir-dire #10, par. 19.

[84]    Jugement du 30 mars 2012 concernant la demande de voir-dire #11, par. 7-8.

[85]    Ibid., par. 45.

[86]    Jugement du 30 mai 2012, par. 5-20.

[87]    R. v. Moore-McFarlane (2001), 56 O.R. (3d) 737 (Ont. C.A.), [2001] O.J. No. 4646 (QL).

[88]    F.D. c. R., 2016 QCCA 172, par. 22, 29-30.

[89]    R. c. Oickle, 2000 CSC 38, [2000] 2 R.C.S. 3, par. 46.

[90]    F.D. c. R., supra, note 88, par. 30.

[91]    Ibid., par. 23 et 30, citant à cet égard R. v. Ducharme, 2004 MBCA 29, par. 48 (autorisation de pourvoi refusée par la Cour suprême le 20 mars 2004 : [2004] 1 R.C.S. viii).

[92]    R. c. Oickle, supra, note 89 par. 22 et 71; voir aussi ibid., par. 22. Voir aussi R. c. Spencer, 2007 CSC 11, [2007] 1 R.C.S. 500, par. 17 : « Si un juge du procès examine toutes les circonstances pertinentes et applique correctement le droit, il y a alors lieu de faire preuve de déférence à l’égard de sa décision relative au caractère volontaire de la déclaration en litige. »

[93]    R. c. Oickle, supra, note 89, par. 57.

[94]    Loi modifiant le Code criminel (gangs) et d’autres lois en conséquence, L.C. 1997, ch. 23.

[95]    Loi modifiant le Code criminel (crime organisé et application de la loi) et d’autres lois en conséquence, L.C. 2001, ch. 32.

[96]    Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, 2225 R.T.N.U. 303.

[97]    Ibid., par. 2a).

[98]    R. c. Venneri, 2012 CSC 33, [2012] 2 R.C.S. 211, par. 36; R. v. Beauchamp, supra, note 22, par. 155-156.

[99]    Dans R. c. Cedeno, 2010 QCCA 2359, par. 43, le juge Chamberland précise à juste titre que la définition d’organisation criminelle « must be interpreted with restraint and caution ». 

[100]   R. c. Venneri, supra, note 98, par. 27; voir aussi Savari Carbonnel c. R., 2014 QCCA 95, par. 11-16.

[101]   R. c. Venneri, supra, note 98, par. 35.

[102]   R. v. Beauchamp, supra, note 22, par. 170-173 et 182-183. Voir aussi R. v. Kwok, 2015 BCCA 34, par. 84.

[103]   Tremblay c. R., 2014 QCCA 690, par. 251 et 267.

[104]   R. c. Venneri, supra, note 98, par. 42-44.

[105]   Ibid., par. 45.

[106]   Ibid., par. 43-44.

[107]   Ibid., par. 43-45; R. c. Cedeno, supra, note 99, par. 50.

[108]   R. c. Venneri, supra, note 98, par. 40.

[109]   Ibid., par. 45-46.

[110]   Ibid., par. 53-57.

[111]   Jugement sur la culpabilité du 24 février 2014, par. 49-55.

[112]   Pièce P-23 : Admission concernant la trame factuelle sous-jacente aux accusations, par. 29.3.

[113]   Pièce P-23 : Admission concernant la trame factuelle sous-jacente aux accusations.

[114]   Jugement sur la culpabilité du 24 février 2014, par. 63 et Pièce P-24.

[115]   Pièce P-23 : Admission concernant la trame factuelle sous-jacente aux accusations, par. 25.5.

[116]   Loi modifiant le Code criminel (crime organisé et application de la loi) et d’autres lois en conséquence, L.C. 2001, ch. 32.

[117]   Sénat, Comité permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles, Témoignages, 37e lég., 1re sess., fasc. 16, 21 novembre 2001.

[118]   R. c. Chicoine, 2012 QCCA 1621, par. 111-112.

[119]   R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9, p. 21.

[120]   Vetrovec c. R., [1982] 1 R.C.S. 811.

[121]   R. c. Corbett, [1988] 1 R.C.S. 670, p. 697.

[122]   R. c. Pilon, J.E. 89-1477 (C.A.), [1989] J.Q. No. 1629 (QL). Tel que le notait le juge Cory dans R. c. Hodgson, supra, note 51, par. 21 : « l’admission d’un élément de preuve qui n’est peut-être pas fiable ne rend pas en soi le procès inéquitable : voir, p. ex., R. c. Buric (1996), 28 O.R. (3d) 737 (C.A.), conf. par [1997] 1 R.C.S. 535, et R. c. Charemski, [1998] 1 R.C.S. 679 ».

[123]   Pièce P-23 : Admission concernant la trame factuelle sous-jacente aux accusations, par. 29.13 et 29.13.1 à 29.13.3.

[124]   Jugement sur la culpabilité du 24 février 2014, par. 24-37.

[125]   Schwartz c. Canada, [1996] 1 R.C.S. 254, par. 32-33; R. c. Burke, [1996] 1 R.C.S. 474, par. 4; H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401, par. 52-57, 64, 68 et 74.; R c. Oickle, supra, note 89, par. 71; R c. Clark, 2005 CSC 2, [2005] 1 R.C.S. 6, par. 9.

[126]   R. c. R.P., 2012 CSC 22, [2012] 1 R.C.S. 746, par. 9. Dans R. c. Sinclair, 2011 CSC 40, [2011] 3 R.C.S. 3, par. 22, le juge Fish précise que ces deux types de verdict déraisonnable sont « extrêmement rares ».

[127]   Pièce P-23 : Admission concernant la trame factuelle sous-jacente aux accusations, par. 29.13.

[128]   Pièce P-24, par. 30 : Rapport d’expertise de Martin Renaud, p. 9.

[129]   Pièce P-23 : Admission concernant la trame factuelle sous-jacente aux accusations, par. 31.5 et 31.7.

[130]   Jugement sur la culpabilité du 24 février 2014, par. 25 et Pièce P-31, Admission quant à l’absence de remise de taxes aux gouvernements du Canada et de la Nouvelle-Écosse : « En lien avec les paragraphes 2 et 3 de la pièce P-23 (trame factuelle), aucune redevance n’a été remise par les accusés Gérald O’Reilly, Louis Moreau et Pierre Morel, au gouvernement fédéral en vertu de la Loi de 2001 sur l’accise et au gouvernement de la Nouvelle-Écosse en vertu du Revenue Act de cette province, et ce, pendant la période visée par la dénonciation ».

[131]   Pièce P-23 : Admission concernant la trame factuelle sous-jacente aux accusations, par. 29.13.2.

[132]   Pièce P-24, Éléments de preuve de la poursuivante - contrebande, point 9, Chargement le 25 avril 2007 de 27 boîtes Jimtex du 93 Kirkwood et déchargement dans la remorque de McKeigan : « Pendant ce temps, Pierre Morel fait de la surveillance avec son véhicule ».

[133]   Jugement sur la culpabilité du 24 février 2014, par. 26-34.

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