Décision

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Modèle de décision CLP - juillet 2015

Les avocats et notaires de l'État québécois et Agence du revenu du Québec

2018 QCTAT 142

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

 

Région :

Québec

 

Dossier :

CQ-2017-0817

 

Dossier accréditation :

AQ-1004-4370

 

 

Québec,

le 15 janvier 2018

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIF :

Line Lanseigne

______________________________________________________________________

 

 

 

Les avocats et notaires de l’État québécois

Partie demanderesse

 

 

 

c.

 

 

 

Agence du revenu du Québec

 

Partie défenderesse

 

 

 

et

 

 

 

Gouvernement du Québec

Direction des relations professionnelles

Conseil du trésor

Partie défenderesse

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION INTERLOCUTOIRE

______________________________________________________________________

 

 

[1]          Le Tribunal est saisi d’un recours qui prend appui sur les articles 12, 53 et 111.33 du Code du travail[1](le Code).

[2]          Il s’agit d’une plainte pour manquement à l’obligation de négocier avec diligence et bonne foi, déposée par Les avocats et notaires de l’État québécois (LANEQ) contre le Gouvernement du Québec (Secrétariat du Conseil du trésor), ci-après la Procureure générale, ainsi que l’Agence du Revenu du Québec (l’Agence). Des comportements d’ingérence visant spécifiquement le gouvernement y sont aussi dénoncés.

[3]          Dans le cadre de l’audience, LANEQ a manifesté son intention d’assigner les ministres Pierre Moreau et Carlos Leitao à comparaître afin de rendre témoignage. Certains éléments demeurent en litige et sont tranchés par le Tribunal dans le cadre de la présente décision interlocutoire.

le litige

[4]          Invoquant le privilège parlementaire dont jouissent les élus, la Procureure générale s’oppose à l’admissibilité en preuve des extraits du Journal des débats relatifs aux déclarations faites par les ministres Moreau et Leitao à l’Assemblée nationale ainsi qu’à la recevabilité de tout témoignage portant sur ces déclarations. 

[5]          En ce qui concerne le ministre Moreau, les déclarations litigieuses sont celles des 14 et 27 février 2017. Quant au ministre Leitao, il s’agit des déclarations du 3 et 9 novembre 2016.

[6]          La Procureure générale s’oppose, également sur la base du privilège parlementaire, à l’admissibilité en preuve de propos tenus par le ministre Leitao à l’extérieur de l’Assemblée nationale lors de rencontres avec les représentants de LANEQ les 21 novembre et 1er décembre ainsi que lors d’une déclaration publique du 22 décembre 2016.

[7]          De plus, la Procureure générale fait valoir que toute question concernant la conception et la préparation de la Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques[2] serait aussi protégée par le privilège parlementaire. Par conséquent, elle s’oppose à la recevabilité d’une question de LANEQ visant à connaître la date à laquelle le mandat de rédiger cette loi spéciale a été confié.

[8]          Enfin, le Tribunal doit décider si la présence du ministre Leitao en tant que témoin à l’audience est nécessaire et raisonnable, eu égard au principe de la proportionnalité.

les objections fondées sur le privilège parlementaire

principes généraux

[9]          Les privilèges parlementaires font partie des moyens qui permettent d’assurer le respect du principe fondamental de la séparation constitutionnelle des pouvoirs entre les branches législative, exécutive et judiciaire. Ils dérogent du droit commun et sont nécessaires pour que les membres des assemblées législatives exercent leur rôle en toute indépendance.

[10]       Appelée à se prononcer sur les privilèges parlementaires, la Cour suprême dans l’arrêt Donahoe[3] mentionne ce qui suit :

« [] le terme « privilège » indique une exemption légale d’une certaine obligation, charge, participation ou responsabilité auxquelles les autres personnes sont assujetties. Il est accepté depuis longtemps que, pour exercer leurs fonctions, les organismes législatifs doivent bénéficier de certains privilèges relativement à la conduite de leurs affaires. Il est également accepté depuis longtemps que, pour être efficaces, ces privilèges doivent être détenus d’une façon absolue et constitutionnelle; la branche législative de notre gouvernement doit jouir d’une certaine autonomie à laquelle même la Couronne et les tribunaux ne peuvent porter atteinte.[4] »

[11]       Dans l’arrêt Vaid[5], autre arrêt de principe en matière de privilèges parlementaires, la Cour suprême souligne la nécessité de garantir à chacune des branches de l’État une certaine autonomie par rapport aux autres. Bien qu’il s’agisse d’une situation impliquant le Parlement canadien, les enseignements de la Cour revêtent une importance certaine pour la présente affaire :

« C’est suivant un principe d’une grande sagesse que les tribunaux et le Parlement s’efforcent de respecter leurs rôles respectifs dans la conduite des affaires publiques. Le Parlement s’abstient de commenter les affaires dont les tribunaux sont saisis conformément à la règle du sub judice. Les tribunaux, quant à eux, prennent soin de ne pas s’immiscer dans le fonctionnement du Parlement. Aucune des parties au présent pourvoi ne remet en question l’importance prépondérante de la Chambre des communes en tant que « grand enquêteur de la nation ». Aucun ne doute non plus de la nécessité que la Chambre des communes puisse exercer ses activités législatives libre de toute ingérence de la part d’organismes ou d’institutions externes, y compris les tribunaux. [][6] »

[12]       Ce principe fondamental de la séparation des pouvoirs émane du préambule de la Loi constitutionnelle de 1867[7] qui consacre le pouvoir nécessaire au bon fonctionnement de l’Assemblée selon les préceptes de la démocratie parlementaire britannique. Les privilèges parlementaires sont ainsi intégrés dans la constitution canadienne et peuvent être invoqués par les assemblées législatives provinciales. En effet, la Cour suprême a confirmé que celles-ci possèdent, de façon inhérente, les privilèges parlementaires nécessaires à leur bon fonctionnement[8].

[13]       Comme le souligne l’arrêt Vaid :

« [] Au Canada, ce principe émane du préambule de la Loi constitutionnelle de 1867, qui témoigne du désir des provinces d’établir « une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni ». Chacun des pouvoirs de l’État se voit garantir une certaine autonomie par rapport aux autres. Le principe du privilège parlementaire a été en partie codifié à l’art. 9 du Bill of Rights de 1689 du Royaume-Uni, [] mais le droit à la liberté de parole auquel il renvoie existe depuis au moins 1523. [] Le privilège parlementaire est un principe commun à tous les pays dont le régime parlementaire s’inspire du système britannique et la disposition relative à la liberté de discours ou de débat qui figure dans la Constitution américaine (art. 1, § 6, cl. 1) lui fait écho dans une certaine mesure.[9] »

(citations omises)

[14]       Reprenant les propos de l’auteur Maingot, la Cour suprême, toujours dans l’arrêt Vaid, définit le privilège parlementaire comme étant « l’indispensable immunité que le droit accorde aux membres du Parlement et aux députés des dix provinces […] pour leur permettre d’effectuer leur travail législatif[10] ».

[15]       Elle précise cependant que cette immunité, qui vise à protéger l’indépendance des assemblées législatives vis-à-vis le contrôle judiciaire, est celle « qui est indispensable pour protéger les législateurs dans l’exécution de leurs fonctions législatives et délibératives et de la tâche de l’assemblée législative de demander des comptes au gouvernement relativement à la conduite des affaires du pays[11] ».

[16]       Les privilèges parlementaires sont donc restreints à ceux qui sont nécessaires à la dignité et à l’efficacité de l’Assemblée législative ainsi qu’à ceux nécessaires à son bon fonctionnement. Les catégories de privilèges généralement reconnues aux assemblées législatives et à leurs membres sont notamment; la liberté de parole, l’immunité d’arrestation, le droit de réglementer les affaires internes et le pouvoir disciplinaire de l’assemblée délibérante à l’endroit de ses membres ainsi que le pouvoir d’exclure des étrangers du débat.

[17]       De plus, au Québec, le préambule[12] de la Loi sur l’Assemblée nationale[13] et l’article 42[14] de cette loi placent les travaux de l’Assemblée nationale à l’abri d’ingérence extérieure.

[18]       La revendication d’un privilège ne permet toutefois pas aux assemblées législatives, à ses représentants ou ses employés de se soustraire à l’application du droit commun lorsque les activités en cause outrepassent la portée nécessaire du privilège revendiqué.

[19]       La notion de nécessité est étroitement liée à l’autonomie dont doivent bénéficier les assemblées législatives et leurs membres pour effectuer leur travail :

« Le fondement historique de tout privilège parlementaire est la nécessité. Si une sphère d’activité de l’organe législatif pouvait relever du régime de droit commun du pays sans que cela nuise à la capacité de l’assemblée de s’acquitter de ses fonctions constitutionnelles, l’immunité ne serait pas nécessaire et le privilège revendiqué inexistant.[15] »

[20]       C’est pourquoi le contenu et la portée des privilèges parlementaires évoluent au fil du temps selon leur nécessité au moment où les évènements surviennent et non, en fonction de normes préétablies. Les tribunaux doivent donc se demander si le privilège revendiqué se révèle toujours, à l’époque où il est invoqué, nécessaire au bon fonctionnement de l’Assemblée législative.

[21]       Il appartient à la partie qui invoque l’immunité que confère le privilège parlementaire de l’établir. 

[22]       La conclusion voulant qu’un privilège parlementaire s’applique peut parfois entraîner des conséquences juridiques importantes pour les justiciables et leur causer un préjudice. C’est pourquoi la reconnaissance et l’étendue d’un privilège doivent forcément respecter le critère de nécessité.

[23]       La Cour suprême invite les tribunaux à la prudence lorsqu’ils examinent une telle revendication qui a des répercussions sur les droits des non-parlementaires.

[24]       D’ailleurs, l’Assemblée nationale dans son ouvrage intitulé La procédure parlementaire du Québec mentionne que « le privilège étant un droit exceptionnel et, pour ainsi, dire exorbitant du droit commun, il ne pourra être invoqué qu’à bon escient, sinon il n’a aucune signification[16] ».

[25]       Ainsi, les tribunaux ne sont pas habilités à examiner si une décision particulière prise conformément à un privilège est bonne ou mauvaise. Leur rôle consiste uniquement à déterminer si ce privilège existe et à définir son étendue, le cas échéant :

« Si une question relève de cette catégorie nécessaire de sujets sans lesquels la dignité et l’efficacité de l’Assemblée ne sauraient être maintenues, les tribunaux n’examineront pas les questions relatives à ce privilège. Toutes ces questions relèveraient plutôt de la compétence exclusive de l’organisme législatif.[17] »

[26]       Dans la décision Vaid, la Cour suprême énonce les considérations qui doivent guider les tribunaux lors de l’analyse de l’existence et de l’étendue d’un privilège parlementaire :

« […] Pour justifier la revendication d’un privilège parlementaire, l’assemblée ou le membre qui cherchent à bénéficier de l’immunité qu’il confère doivent démontrer que la sphère d’activité à l’égard de laquelle le privilège est revendiqué est si étroitement et directement liée à l’exercice, par l’assemblée ou son membre, de leurs fonctions d’assemblées législative et délibérante, y compris leur tâche de demander des comptes au gouvernement, qu’une intervention externe saperait l’autonomie dont l’assemblée ou son membre ont besoin pour accomplir leur travail dignement et efficacement.[18] »

[27]       Autrement dit, le Tribunal doit déterminer si le privilège revendiqué est nécessaire pour que la Législature soit capable de fonctionner efficacement.

Le privilège de la liberté de parole

[28]       La Procureure générale s’oppose au dépôt en preuve d’extraits du Journal des débats ainsi qu’aux interrogatoires des ministres Moreau et Leitao, ou de tout autre témoin, relativement à des déclarations faites à l’Assemblée nationale. Ces déclarations ne seraient pas admissibles en preuve puisqu’elles seraient protégées par le privilège parlementaire.

[29]       Cette inadmissibilité s’appliquerait aussi, selon la Procureure générale, aux déclarations du ministre Leitao tenues, à l’extérieur de l’Assemblée nationale, lors de rencontres privées ou devant les médias, puisqu’elles constituent le prolongement de déclarations faites à l’Assemblée nationale.

[30]       En l’espèce, personne ne conteste que la liberté de parole constitue un privilège dont jouissent les parlementaires. Le Tribunal doit cependant en déterminer l’étendue et décider si le privilège revendiqué empêche la mise en preuve de déclarations, faites par les ministres Moreau et Leitao, dans l’enceinte de l’Assemblée nationale ou à l’extérieur, dans le cadre des plaintes de négociation de mauvaise foi et d’entrave dont il est saisi. 

Le privilège dans l’enceinte de l’Assemblée nationale

[31]       Comme déjà mentionné, les privilèges parlementaires sont des droits et avantages restreints accordés aux membres d’une assemblée législative agissant en cette qualité. Les ministres Moreau et Leitao, bien qu’ils soient tous les deux membres de l’exécutif, ils sont aussi membres de l’Assemblée législative.

[32]       Ce recoupement des fonctions exécutives et législatives est consacré aux articles 2 et 3 de la Loi sur l’Assemblée nationale qui mentionnent que le Parlement du Québec est constitué de l’Assemblée nationale et du lieutenant-gouverneur. Ce dernier fait donc partie intégrante de la Législature comme l’a d’ailleurs reconnu la Cour suprême dans l’arrêt Blaikie[19].

[33]       Ainsi, lorsqu’un ministre participe aux activités parlementaires que ce soit dans le cadre d’un vote, de l’examen d’une question ou lorsqu’il répond à une question qui lui est posée, c’est en sa qualité de membre de l’Assemblée nationale qu’il prend part à ce processus et qu’il peut bénéficier du privilège parlementaire au même titre que les députés.

[34]       La liberté de parole constitue un privilège parlementaire reconnu de longue date et qui a d’abord été édicté au Royaume-Uni à l’article 9 du Bill of Rights[20] britannique de 1689, lequel se lit ainsi :

« The freedom of speech, and debates or proceedings in Parliament, ought not to be impeached or questioned in any court or place out of Parliament. »

[35]       Bien que cet article n’ait pas été incorporé dans la constitution canadienne, la Cour suprême affirme, dans l’arrêt Donahoe, que les grands principes qui en découlent s’appliquent néanmoins en droit canadien en vertu du préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 qui prévoit que la constitution canadienne repose sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni[21].

[36]       Au Québec, la Loi sur l’Assemblée nationale codifie le privilège de la liberté de parole aux articles 43 et 44 :

43. Un député jouit d’une entière indépendance dans l’exercice de ses fonctions.

44. Un député ne peut être poursuivi, arrêté, ni emprisonné en raisons de paroles prononcées, d’un document déposé ou d’un acte parlementaire accompli par lui, dans l’exercice de ses fonctions à l’Assemblée, à une commission ou à une sous-commission.

[37]       Dans l’arrêt Prebble[22], le Conseil privé consacre l’application du privilège de la liberté de parole dans le cadre des délibérations parlementaires en affirmant que ce qui se dit dans l’enceinte du Parlement ne devrait pas être assujetti à un examen dans une cour de justice :

« In addition to art 9 itself, there is a long line of authority which supports a wider principle, of which art 9 is merely one manifestation, viz that the courts and Parliament are both astute to recognise their respective constitutional roles. So far as the courts are concerned they will not allow any challenge to be made to what is said or done within the walls of Parliament in performance of its legislative functions and protection of its established privileges : Burdett v Abbot (1811) 14 East 1, 104 ER 501, Stockdale v Hansard (1839) 9 Ad & El 1, 112 ER 1112, Bradlaugh v Gossett (1884) 12 QBD 271, British Railways Board v Pickin [1974] 1 AII ER 609, [1974] AC 765, Pepper v Hart [1993] 1 AII ER 42, [1993] AC 593. As Blackstone said (1 BI Com (17 th edn) 163) :

"The whole of the law and custom of Parliament has its original from this one maxim « that whatever matter arises concerning either House of Parliament ought to be examined, discussed, and adjudged in that House to which it relates, and not elsewhere"[23]. »

[38]       Cette protection, comme le souligne l’arrêt Prebble, repose sur l’importance d’accorder une entière liberté de parole aux députés dans le cadre des délibérations de l’Assemblée parlementaire :

« This view discounts the basic concept underlying art 9, viz the need to ensure so far as possible that a member of the legislature and witnesses before committees of the House can speak freely without fear that what they say will later be held against them in the courts. The important public interest protected by such privilege is to ensure that the member or witness at the time he speaks in not inhibited from stating fully and freely what he has to say. If there were any exceptions which permitted his statements to be questioned subsequently, at the time when he speaks in Parliament he would not know whether or not there would subsequently be a challenge to what he is saying. »[24]

[39]       Contrairement à ce que prétend LANEQ, la protection dont bénéficient les parlementaires concernant les déclarations faites lors d’assemblées législatives ne se limite pas aux seuls cas où ils peuvent subir des conséquences juridiques ou engager leur responsabilité.

[40]       En effet, l’étendue de cette protection a fait l’objet d’une analyse approfondie dans l’affaire Gagliano c. Canada[25]. La Cour fédérale y reconnaît l’existence et l’application de ce privilège dans le cadre d’une procédure exempte de conséquences juridiques.

[41]       Il s’agissait alors de trancher si la liberté de parole empêchait le contre-interrogatoire de témoins, lors d’une commission d’enquête, relativement à des éléments de preuve et des témoignages qui avaient préalablement fait l’objet d’une déposition devant un comité parlementaire.

[42]       Appliquant le critère de nécessité décrit dans l’arrêt Donahoe, la Cour fédérale affirme que la liberté de parole s’avère essentielle au fonctionnement du Parlement puisqu’elle protège la capacité des parlementaires et des témoins des commissions de s’exprimer librement sans crainte d’être questionnés par la suite[26].

[43]       Pour la Cour fédérale, cette justification s’appuie sur une jurisprudence de longue date, laquelle a rejeté une interprétation étroite de l’article 9 du Bill of Rights. Elle cite, à ce propos un extrait de l’arrêt Prebble, qui écarte la position défendue, par le juge Hunt dans l’affaire R v. Murphy[27], voulant que le privilège de la liberté de parole ne s’applique qu’au seul cas qui entraîne des conséquences légales :

« [Traduction] […] Enfin, le juge Hunt s’est basé sur un (sic) interprétation étroite de l’article 9, laquelle découlait de contexte historique dans lequel l’article avait été édicté à l’origine. Il a correctement dégagé le tort que l’on cherchait à réparer en 1689 comme étant, entre autres, l’assertion par les cours du Roi relativement à un droit de tenir un membre du Parlement criminellement ou légalement responsable pour ce qui (sic) avait fait ou dit au Parlement. Il en a déduit le principe selon lequel l’article 9 ne s’appliquait qu’aux affaires où on demande à une cour d’assujettir l’auteur d’une déclaration à une responsabilité légale pour ce qu’il a dit au Parlement. Cette opinion écarte le concept fondamental sous-tendant l’article 9, c.-à-d. la nécessité de veiller autant que possible à ce qu’un membre de la législature et les témoins devant les comités de la Chambre puissent parler librement sans craindre que ce qu’ils disent sera plus tard retenu contre eux devant les cours. L’intérêt public important protégé par un tel privilège est de veiller à ce que, au moment de parler, le membre (sic) ou le témoin ne soit pas empêché de déclarer pleinement et librement ce qu’il a à dire. S’il existait des exceptions permettant de contester par la suite ses déclarations, in (sic) ne saurait pas, au moment de parler au Parlement, si ce qu’il dit ferait par la suite l’objet d’une contestation. Il n’aurait donc pas la confiance que le privilège vise à protéger. [Non souligné dans l’original][28] ».

[44]       L’objectif étant que le parlementaire ou le témoin puisse s’exprimer librement. Cet objectif sera accompli s’il ne craint pas que l’on puisse utiliser ses paroles par la suite pour le discréditer dans une autre instance, que celles-ci entraînent des conséquences légales ou non.

[45]       Cette conclusion à laquelle en vient la Cour fédérale après une analyse exhaustive de la jurisprudence s’impose à la présente affaire avec autant plus d’évidence que dans l’affaire Gagliano, l’immunité parlementaire a été appliquée dans le cadre d’une commission d’enquête (Commission Gomery) qui n’était pas un procès portant sur l’appréciation d’une quelconque responsabilité et n’avait aucun lien avec une cour de justice.

[46]       Dans la présente affaire, le Tribunal est saisi de plaintes de négociation de mauvaise foi et d’ingérence. Pour en disposer, il devra inévitablement apprécier les gestes, les propos et la conduite des représentants patronaux lors de la négociation avec LANEQ afin de déterminer s’il y a manquement aux obligations imposées par le Code. Dans ce contexte, l’admissibilité en preuve des paroles prononcées à l’Assemblée nationale par les ministres Moreau ou Leitao, alors qu’ils sont aussi présidents du Secrétariat du Conseil du trésor, de qui relève la négociation, serait susceptible d’entraîner des conséquences légales. Il est donc faux de prétendre que ces déclarations ne relèvent que de la trame factuelle, comme le soutient LANEQ.

[47]       Par ailleurs, l’interrogatoire des ministres Moreau et Leitao sur les déclarations qu’ils ont faites à l’Assemblée nationale pourrait entraîner une appréciation défavorable de la part du Tribunal constituant une intrusion dans le domaine où l’Assemblée nationale possède une compétence exclusive.

[48]       La nécessité d’étendre le privilège à toute instance est donc justifiée par les exigences de franchise et de la liberté de discussion et d’opinion de ceux qui s’expriment devant la Législature. Toute crainte ou sentiment de vulnérabilité entraînant l’incertitude quant à la portée du privilège pourrait les empêcher de s’exprimer ouvertement et aurait inévitablement comme conséquence de porter atteinte à la fonction délibérante.

[49]       La Cour du Banc du Roi dans l’arrêt Club de la Garnison de Québec c. Lavergne[29], énonce, en outre, que ce privilège est d’application universelle. Dans cette affaire, la Cour devait décider si le privilège parlementaire de la liberté de parole empêche l’expulsion d’un membre d’un club privé pour des paroles prononcées au sein du Parlement. Elle conclut ce qui suit :

« […] Le privilège de la liberté de parole d’un membre du parlement n’est pas limité aux cas mentionnés dans cet article. Il n’était pas, d’ailleurs, nécessaire qu’une loi fut édictée pour l’établir. Son existence est essentielle à toute législature indépendante. Non seulement un membre du parlement ne peut pas être poursuivi, ni arrêté, ni encore moins emprisonné, mais il ne peut être inquiété en aucune manière, par qui ce soit, en dehors du parlement. Le parlement seul a droit de censurer l’un de ses membres pour conduite ou paroles dérogatoires, ou censurables à quelque titre que ce soit.

[…]

L’appelant soutient que la prohibition ne s’applique qu’aux tribunaux de justice, et qu’elle ne va pas jusqu’à empêcher un club d’expulser l’un de ses membres pour paroles condamnables prononcées au sein du parlement. Cette prétention est absolument mal fondée. Le privilège est d’application universelle.[30] »

(soulignements ajoutés)

[50]       Et plus loin elle ajoute :

« […] Un membre du parlement ne doit être en aucune manière gêné ou entravé dans son droit de parler ouvertement et librement sur toute question qui peut être discutée en parlement. Aucune crainte ou appréhension ne doit restreindre ce privilège qui, comme le disent les auteurs, est une partie essentielle de la constitution qui nous régit.[31] »

(soulignements ajoutés)

[51]       Par conséquent, il y a donc lieu de conclure que les extraits du Journal des débats se rapportant aux déclarations du ministre Leitao faites les 3 et 9 novembre 2016 et celles du ministre Moreau faites les 14 et 27 février 2017 sont inadmissibles en preuve. Il en va de même pour toutes les questions portant sur ces déclarations. Ces mesures s’avèrent nécessaires pour protéger l’Assemblée nationale dans l’exécution efficace de ses fonctions délibérantes et législatives. 

Le privilège à l’extérieur de l’enceinte de l’Assemblée nationale

[52]       La Procureure générale fait valoir que le privilège parlementaire de la liberté de parole s’étendrait au-delà de l’enceinte du Parlement lorsque les déclarations sont étroitement liées à ses travaux. Ce serait le cas des propos tenus par le ministre Leitao lors d’un entretien avec le président de LANEQ, le 21 novembre 2016, lors d’une rencontre avec les représentants de la LANEQ qui suivait une période de questions à l’Assemblée nationale, le 1er décembre 2016 et enfin devant les médias le 22 décembre 2016.

[53]       Prenant appui sur la décision Roman Corp. c. Hudson’s Bay Oil and Gas Co.[32], la Procureure générale soutient que ces déclarations constitueraient le prolongement de déclarations tenues à l’Assemblée nationale et que, de ce fait, elles sont également privilégiées.

[54]       Il s’agissait, dans cette affaire, de déclarations du premier ministre et d’un ministre faites en Chambre concernant une politique gouvernementale et répétées par télégramme et par communiqué afin d’informer les intéressés et le public.

[55]       Dans ce contexte, la Cour d’appel de l’Ontario a établi que le télégramme et le communiqué constituaient le prolongement des déclarations faites lors des débats en Chambre et étaient eux aussi protégés par le privilège parlementaire. L’appel de cette décision a été rejeté par la Cour suprême sans que celle-ci n’aborde véritablement la question du privilège parlementaire.

[56]       Cette extension du privilège parlementaire conférée dans l’arrêt Roman apparait toutefois être un cas d’exception. Le principe appliqué par la jurisprudence étant plutôt que sont protégés seulement les débats en assemblée et non pas les propos tenus à l’extérieur de celle-ci, adressés à des non-membres[33]. En effet, ce ne sont pas tous les aspects des fonctions d’un député qui sont protégés par le privilège de la liberté de parole[34].

[57]       Dans l’affaire R. c. Ouellet[35], la Cour supérieure a nuancé l’arrêt Roman en s’appuyant sur le fait que seules les « délibérations du Parlement » peuvent bénéficier du privilège parlementaire. Ainsi, les déclarations faites à un journaliste durant un point de presse ne peuvent recevoir une telle protection[36]. Le privilège pouvant avoir comme effet d’empêcher un justiciable de faire valoir ses droits, celui-ci ne devrait pas être étendu facilement[37].

[58]       Par ailleurs, dans les faits présentés à la Cour, rien ne permettait de conclure que les propos en question faisaient référence à une politique du gouvernement discutée en Chambre contrairement à l’arrêt Roman[38].

[59]       L’arrêt Roman a aussi été distingué par la Cour supérieure de façon plus contemporaine dans Duhaime c. Mulcair[39]. Dans cette affaire, l’intimé faisait valoir que le privilège parlementaire s’appliquait aux propos qu’il avait tenus en point de presse en tant que député de l’opposition, car, selon lui, il s’agissait du prolongement de déclarations faites en assemblée au sens de l’arrêt Roman. La Cour supérieure a rejeté cet argument :

« [248] […] L’article 44 de la Loi sur l’Assemblée nationale est clair et ne comporte aucune ambiguïté. Un député ne peut être poursuivi en raison de paroles prononcées dans l’exercice de ses fonctions à l’Assemblée, à une commission et une sous-commission.

[249] Le privilège est exorbitant du droit commun et se limite pour ce qui nous occupe aux paroles prononcées par M. Mulcair au Salon bleu de l’Assemblée nationale. C’est pourquoi la Cour se fait un devoir de ne pas commenter les paroles prononcées par les députés Mulcair, Paradis et Dupuis en Chambre. […]

[250] On lira avec intérêt les nuances formulées, jurisprudence à l’appui, sur l’arrêt Roman par l’auteur Maingot dans MAINGOT, Joseph, Le Privilège parlementaire du Canada, 2e édition (1997), Les Presses universitaires McGill-Queens.

[251] Les propos de M. Mulcair tenus hors la Chambre ne jouissent pas de l’immunité prévue à la Loi sur l’Assemblée nationale. L’arrêt Roman ne trouve pas application en l’instance. »[40]

[60]       D’autres décisions postérieures à l’arrêt Roman ont également soutenu que le privilège parlementaire ne pouvait s’étendre aux paroles d’un député, prononcées à l’extérieur de la Chambre, notamment quant à des allégations diffamatoires[41]. La décision invoquée par le gouvernement s’écarte donc du courant majoritaire qui prévaut en droit canadien[42].

[61]       En l’espèce, les déclarations privées et publiques du ministre Leitao ont été faites librement en dehors du cadre des délibérations du Parlement et ne sont pas liées à une position gouvernementale annoncée à l’Assemblée nationale comme c’était le cas dans l’arrêt Roman. Il s’agit, au contraire, de déclarations prononcées par ce dernier, en tant que président du Secrétariat du Conseil du trésor, de qui relève la négociation de la convention collective liant le Gouvernement employeur et LANEQ.

[62]       Ainsi, retenir la prétention de la Procureure générale signifierait que tout propos tenu par un ministre à l’extérieur du Parlement ayant un quelconque lien, même ténu, avec une position exprimée à l’Assemblée nationale serait protégé par le privilège parlementaire. Cela élargirait de façon indue le privilège à un objectif qu’il ne protège pas et pourrait avoir comme effet de brimer le droit des tiers de faire valoir leur recours.

[63]       Ainsi, il n’a pas été démontré qu’étendre le privilège de la liberté de parole au-delà des délibérations parlementaires faites à l’Assemblée est nécessaire pour permettre à la Législature d’exercer efficacement son travail. Le Code trouve ici application[43] et les déclarations faites à l’extérieur de l’Assemblée nationale, contrairement à celles faites dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, ne sont pas protégées par ce privilège parlementaire exorbitant du droit commun. Elles sont donc admissibles en preuve.

la recevabilité d’une question relative aux travaux se rapportant à la préparation de la loi spéciale

[64]       Dans le cadre de sa preuve, LANEQ désire connaître la date à laquelle le mandat de rédiger la Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques a été confié. Elle entend interroger le ministre Moreau à ce sujet.

[65]       La Procureure générale s’y oppose, invoquant que toute question relative à la préparation du projet de loi serait également protégée par le privilège parlementaire. Ce privilège, selon sa prétention, ne se limiterait pas seulement au dépôt et au vote d’un projet de loi, mais s’étend à toutes informations, échanges ou suggestions entourant la rédaction de ce projet afin de protéger l’intégrité du processus législatif.

[66]       Elle ajoute que cette confidentialité du processus législatif serait justifiée « par les exigences relatives à la franchise et à la liberté de discussion nécessaires à la libre expression des opinions de ceux qui ont été consultés ou qui ont participé au processus de rédaction, lesquelles exigences seraient compromises par la crainte que soient révélées les opinions émises dans le cadre du processus de rédaction ».

[67]       LANEQ rétorque que la question visant à connaître la date à laquelle a été donné le mandat de rédiger la loi spéciale ne porte pas sur le processus législatif. Elle ne concerne ni la rédaction ni le dépôt du projet de loi.

[68]       Le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de débattre de cette question sous l’angle du privilège parlementaire. En effet, avant de s’interroger sur ce moyen d’irrecevabilité, encore faut-il que le fait que l’on désire mettre en preuve soit pertinent, ce qui n’est pas le cas.

[69]       Il est en preuve qu’une loi spéciale forçant le retour au travail des membres de LANEQ, a été adoptée le 28 février 2017.

[70]       Toutefois, la connaissance de la date à laquelle a été donné le mandat de rédiger cette loi n’est pas susceptible de faire avancer le débat. Elle ne permet aucunement de démontrer que l’employeur a négocié de mauvaise foi. Ce sont les agissements et la conduite des parties à la table de négociation qui doivent être pris en compte dans l’appréciation du manquement à cette obligation.

[71]       Ainsi, le contenu d’un projet de loi spéciale aurait pu être en préparation dès la première journée de grève sans pour autant que la conduite de la partie patronale durant le processus de négociation soit fautive.

[72]       Puisque cette preuve ne tend pas à établir le comportement fautif reproché, elle n’est d’aucune utilité pour le Tribunal et est donc irrecevable.

la présence en tant que témoin du ministre LEITAo

[73]       LANEQ requiert le témoignage du ministre Leitao concernant les propos qu’il aurait tenus à l’extérieur de l’Assemblée nationale, ce à quoi la Procureure générale s’oppose invoquant qu’il existe d’autres moyens de mettre en preuve ces propos sans que celui-ci ne soit contraint de venir témoigner.

[74]       Le Tribunal est chargé d’assurer l’application diligente et efficace du Code. À cette fin, il doit dégager les éléments de preuve nécessaires pour trancher le litige et appliquer les principes juridiques pertinents aux faits établis.

[75]       Le Code de procédure civile consacre le principe de la proportionnalité. Sa disposition préliminaire prévoit qu’il « vise à assurer l’accessibilité, la qualité et la célérité de la justice, l’application juste, simple, proportionnée et économique de la procédure et de l’exercice des droits des parties dans un esprit de collaboration et d’équilibre, ainsi que le respect des personnes qui apportent leur concours à la justice. »[44]

[76]       Ainsi, les juges doivent veiller à ce que les moyens de preuve choisis soient proportionnés eu égard à la nature de l’affaire, sa complexité et la finalité de la demande tout en tenant compte de la bonne administration de la justice[45]. Un respect particulier pour les personnes qui apportent leur concours à la justice, soit les témoins, doit également être pris en compte.

[77]       Depuis mai 2017, ce principe de proportionnalité est intégré dans les Règles de preuve et de procédure du Tribunal administratif du travail[46] aux articles 1 et 2 et se lit comme suit :

1. Les présentes règles s’appliquent à toutes les affaires introduites devant le Tribunal.

Elles visent à ce que les demandes soient traitées de façon simple, souple et avec célérité, notamment par la collaboration des parties et des représentants et l’utilisation des moyens technologiques disponibles tant pour les parties que pour le Tribunal, et ce, dans le respect des règles de justice naturelle et de l’égalité des parties.

2. Les actes de procédure et la présentation de la preuve, à toute étape du déroulement d’une affaire, doivent être proportionnés à sa nature et à sa complexité.

[78]       Le Tribunal dispose de toute la latitude requise pour faciliter le déroulement de la preuve. Ainsi, l’interrogatoire ou non d’un témoin sur un sujet donné ainsi que l’admissibilité en preuve d’une déclaration relève de la gestion de l’audience, lesquelles sont au cœur de sa compétence. 

[79]       LANEQ ne convainc pas le Tribunal de la nécessité de contraindre le ministre Leitao à venir témoigner concernant les propos qu’il aurait tenus lors de rencontres avec ses représentants ainsi que lors d’une déclaration publique faite en lien avec le conflit.

[80]       En effet, mis à part le fait d’invoquer son droit à la meilleure preuve, l’objectif et le but que recherche LANEQ par ce témoignage n’ont pas été établis.

[81]       Il est vrai cependant que le ministre Leitao fut président du Secrétariat du Conseil du trésor, durant quatorze des vingt semaines de grève. Toutefois, cela n’en fait pas pour autant un acteur essentiel aux fins du litige. Ses rapports avec l’association pendant la négociation de la convention collective sont très limités. Ils se réduisent à deux entretiens privés avec des représentants syndicaux et à une déclaration devant les médias.

[82]       Or, à cette étape de l’audience, la mise en preuve des déclarations du ministre lors de ces évènements peut être faite sans qu’il soit nécessaire qu’il se déplace pour témoigner. À l’évidence, les représentants de LANEQ, présents lors des échanges allégués, peuvent témoigner des propos qu’aurait tenus le ministre.

[83]       Quant à la déclaration publique, les articles de journaux qui la rapporte, bien qu’ils ne font pas preuve de la véracité des propos du ministre, constituent une source fiable et démontrent, sans nul doute, le contexte public dans lequel se déroule la négociation, lequel est pertinent pour décider des plaintes de mauvaise foi et d’entrave. 

[84]       Le Tribunal considère que le témoignage du ministre n’est pas nécessaire. À ce stade-ci, étant donné qu’il existe d’autres façons de prouver ses déclarations, sa présence apparaît disproportionnée et déraisonnable.

[85]       Cependant, advenant un changement de circonstances dans le déroulement de l’audience, il pourrait y avoir lieu de revoir les moyens de preuve nécessaires pour trancher le litige dont le Tribunal est saisi.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

ACCUEILLE                   l’objection de la Procureure générale concernant l’admissibilité en preuve de la transcription des déclarations faites à l’Assemblée nationale par le ministre Leitao, les 3 et 9 novembre 2016, et par le ministre Moreau, les 14 et 27 février 2017 ainsi que le dépôt ou la production de tout élément de preuve se rapportant à ces déclarations;

DÉCLARE                       que le privilège parlementaire s’applique à ces déclarations et qu’elles sont irrecevables en preuve;

REJETTE                        l’objection de la Procureure générale concernant l’admissibilité en preuve des déclarations du ministre Leitao faites à l’extérieur de l’Assemblée nationale, le 21 novembre ainsi que le 1er décembre et 22 décembre 2016;

DÉCLARE                       que le privilège parlementaire ne s’applique pas à ces déclarations et qu’elles sont recevables en preuve;

DÉCLARE                       que la question relative à la date à laquelle a été confié le mandat de rédiger la Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques est non pertinente pour la solution du présent litige;

DÉCLARE                       qu’il n’y a pas lieu d’assigner le ministre Leitao à venir témoigner à l’audience.

 

 

__________________________________

 

Line Lanseigne

 

 

Me Johanne Drolet

MELANÇON, MARCEAU, GRENIER ET SCIORTINO, S.E.N.C.

Pour la partie demanderesse

 

Me Serge Benoît

LES AVOCATS LE CORRE & ASSOCIÉS S.E.N.C.R.L.

Pour la partie défenderesse

 

Me Louis P. Bernier

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Pour la partie défenderesse

 

 

Date de l’audience : 22 décembre 2017

 

/mpl

 



[1]           RLRQ, c. C-27.

[2]           L.Q. 2017, c. 2.

[3]           New Brunswick Broadcasting Co. c. Nouvelle-Écosse (Président de l’Assemblée Législative), [1973] 1 RCS 319, ci-après « affaire Donahoe ».

[4]           Id., p. 378-379.

[5]           Canada (Chambre des communes) c. Vaid, [2005] 1 RCS 667.

[6]          Id., paragr. 20.

[7]           30 & 31 Vict., R-U., c.3.

[8]           New Brunswick Broadcasting Co. c. Nouvelle-Écosse (Président de l’Assemblée Législative), précitée, note 3, p. 378.

[9]          Canada (Chambre des communes) c. Vaid, précitée, note 5, paragr. 21.

[10]         Id., paragr. 29, caractères gras ajoutés.

[11]         Id., paragr. 41, caractères gras ajoutés.

[12]         « […] CONSIDÉRANT qu’il convient, en conséquence, d’affirmer la pérennité, la souveraineté et l’indépendance de l’Assemblée nationale et de protéger ses travaux contre toute ingérence; »

[13]         RLRQ, c. A-23.1.

[14]         « 42. L’Assemblée a le pouvoir de protéger ses travaux contre toute ingérence. ».

[15]         Canada (Chambre des communes) c. Vaid, précitée, note 5, paragr. 29.

[16]         ASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC, « La procédure parlementaire du Québec », 3ème éd., 2012, p. 63.

[17]         New Brunswick Broadcasting Co. c. Nouvelle-Écosse (Président de l’Assemblée Législative), précitée, note 3, p 383 dans Vaid, précitée, note 5, paragr. 29.

[18]         Canada (Chambre des communes) c. Vaid, précitée, note 5, paragr. 46.

[19]         Québec (Procureur général) c. Blaikie, [1981] 1 RCS 312, p. 320.

[20]         Bill of Rights 1689, 1 Will & Mar. Sess. 2, ch. 2.

[21]         New Brunswick Broadcasting Co. c. Nouvelle-Écosse (Président de l’Assemblée Législative), précitée, note 3, p. 375.

[22]         Prebble v. Television New Zealand Ltd., [1994] 3 All ER 407.

[23]         Id., p. 413.

[24]         Prebble v. Television New Zealand Ltd., précitée, note 22, p. 415.

[25]         Gagliano c. Canada (Procureur général), [2005] 3 R.C.F. 555.

[26]         Id., paragr. 74.

[27]         R v. Murphy, (1986) 64 ALR 498.

[28]         Gagliano c. Canada (Procureur général), précitée, note 25, paragr. 75.

[29]         Club de la Garnison de Québec c. Lavergne, (1918) 27 B.R. 37.

[30]         Id., paragr. 15-17.

[31]         Id., paragr. 24.

[32]         [1972] 1 O.R. 444. Confirmée par la Cour suprême, [1973] R.C.S. 820.

[33]         R. c. Ouellet, [1976] C.S. 503, p. 511.

[34]         Id., p. 511.

[35]         [1976] C.S. 503.

[36]         R. c. Ouellet, précitée, note 33, p. 511.

[37]         Id., p. 511.

[38]         Id., p. 512.

[39]         [2005] R.J.Q. 1134, AZ-50302233.

[40]         Id., paragr. 248-251.

[41]         Stopforth v. Goyer, 20 O.R. (2d) 262; Doucette c. Region 7 Hospital Corp., 2002 NBQB 39.

[42]         Joseph MAINGOT, Le privilège parlementaire au Canada, 2e éd., Les Presses universitaires Mc-Gill-Queen‘s, 1997, p. 93.

[43]         Code du travail, précité, note 1, art. 1 k).

[44]         Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01, disposition préliminaire.

[45]         Id., art. 18.

[46]         RLRQ, c. T-15.1, r. 1.1.

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