Village Holdings Inc. c. Messier |
2012 QCRDL 37272 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau de Montréal |
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No : |
31 100810 003 F |
RN :
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10 0462
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Date : |
23 octobre 2012 |
Greffier spécial : |
Me Grégor Des Rosiers |
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Village Holdings Inc. |
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Locatrice - Partie demanderesse |
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c. |
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Gilles Messier |
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Locataire - Partie défenderesse |
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DÉCISION
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[1] La
locatrice a produit une demande de fixation de loyer conformément aux
dispositions de l’article
[2] En
vertu de l’article
[3] Les parties sont liées par un bail du 1er novembre 2009 au 31 octobre 2010, à un loyer mensuel de 1 174,00 $, comprenant le coût d’un espace de stationnement.
[4] La présente cause a fait l’objet de plusieurs audiences tenues aux dates suivantes : 7 juin 2011, 31 octobre 2011 et les 28, 29 et 30 mai 2012.
[5] La locatrice a produit le formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer ainsi que les pièces justificatives et les factures au soutien de ces renseignements.
TAXES MUNICIPALES
[6] En ce qui concerne la dépense reliée aux taxes municipales pour les années 2009 et 2010, le Tribunal a pris sous réserve l’objection soulevée par tous les locataires quant au montant à retenir au niveau de cette dépense.
[7] Essentiellement, l’objection est à l’effet que le montant à retenir au chapitre des taxes municipales, le Tribunal doit retenir la même valeur retenue et indiquée au chapitre de l’évaluation de l’immeuble sur les comptes de taxes scolaires, soit la valeur révisée au rôle d’évaluation foncière suite à la subdivision du lot initial, soit une valeur révisée au montant de 89 440 277,00 $.
[8] La preuve est à l’effet que le 8 décembre 2008, le lot sur lequel est situé l’immeuble de la locatrice et qui comprend les deux tours en forme de pyramide a été subdivisé et le nouveau lot ainsi formé et identifié comme un espace vacant qui était partiellement utilisé par certains locataires résidentiels comme espaces de stationnement extérieur.
[9] Le 30 mars 2010, le nouveau lot ainsi créé a été vendu à l’entité Les Développements Cité-Nature Inc., laquelle a débuté la construction d’un complexe immobilier dont le projet prévoit la construction de cinq bâtiments avec des unités en copropriétés et communément appelé « Cité Nature ».
[10] Les locataires plaident que le montant à retenir au niveau des taxes municipales doit être calculé en fonction de l’évaluation de l’immeuble au rôle de l’évaluation suite à la subdivision et tel que révisé à 89 440 277,00 $.
[11] Ils soutiennent que les montants indiqués aux comptes de taxes municipales pour les années 2009 et 2010 sont calculés en tenant compte d’une évaluation de l’immeuble non révisée, soit le montant de 92 926 550,00 $.
[12] Ils font valoir qu’il revient au Tribunal de faire l’équation et d’apporter les corrections nécessaires afin que la dépense au chapitre des taxes municipales reflète une dépense équivalente en utilisant la même valeur foncière - la valeur révisée à 89 440 277,00 $ - pour le calcul du compte de taxes scolaires.
[13] Ils plaident qu’en procédant ainsi la dépense sera moindre et conforme - toute proportion gardée - à la valeur de l’immeuble établie au rôle d’évaluation foncière après la subdivision de la propriété en deux lots distincts.
[14] Selon la preuve établie par les factures produites par la locatrice, il ne fait aucun doute que la locatrice a encouru une dépense au chapitre des taxes municipales pour les années 2009 et 2010. Toutefois, le Tribunal doit déterminer si la dépense encourue à ce chapitre peut être considérée en tenant compte de la valeur révisée de l’immeuble au rôle d’évaluation foncière après la subdivision de l’immeuble propriété de la locatrice soit, une valeur au rôle d’évaluation foncière de 89 440 277,00 $ au lieu de 92 926 550,00 $.
[15] En revanche, la procureure de la locatrice plaide que le Tribunal doit retenir les dépenses réellement encourues telles que prouvées par la production des relevés des comptes pour les taxes foncières pour les années 2009 et 2010. Elle soutient que la preuve est à l’effet qu’il s’agit de dépenses réellement engagées et payées par la locatrice et qu’il n’y a pas, en ce cas, de crédits octroyés à la locatrice.
[16] Le Règlement sur les critères de fixation de loyer [2] stipule ce qui suit :
« 1. Dans le présent règlement, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :
« dépenses d’exploitation » : les dépenses reliées à l’immeuble, y compris la valeur du travail effectué par le locateur, s’il y a lieu, et qui sont formées des frais concernant les éléments suivants :
1. les taxes foncières et de services;
2. l’assurance-incendie et l’assurance-responsabilité;
3. l’énergie;
4. l’entretien;
5. les services;
6. la gestion;
«dépenses d'immobilisation» : les dépenses d'immobilisation de l'immeuble encourues pour des réparations majeures, des améliorations majeures ou la mise en place d'un nouveau service, déduction faite, le cas échéant:
1° d'une subvention accordée en considération de ces dépenses par un ministère ou organisme du Gouvernement du Québec ou du Gouvernement du Canada, par une corporation municipale ou par une entreprise d'utilité publique;
2° d'une indemnité versée par un tiers ou qui doit l'être en considération de ces dépenses ou de la perte qui les a causées;
«période de référence»: 1° pour les baux se terminant entre le 1er avril et le 31 décembre: l'année civile précédant le terme du bail;
2° pour les baux se terminant entre le 1er janvier et le 31 mars: l'avant-dernière année civile précédant le terme du bail; »
(Les soulignements sont du Tribunal)
[17] L'article 3 du Règlement sur les critères de fixation de loyer[3] mentionne les critères qui sont pris en considération pour les fins du calcul:
« 3. Le tribunal saisi d'une demande de fixation ou de réajustement de loyer modifie le loyer au terme du bail en tenant compte, le cas échéant, selon la part attribuable au logement, des critères suivants:
1° la variation entre les taxes foncières municipales et de services exigibles au cours de la période de référence et celles exigibles durant l'année suivante et, la variation entre les taxes foncières scolaires exigibles au cours de l'année précédant la période de référence et celles exigibles durant cette période;
(Les soulignements sont du Tribunal)
[18] Le Règlement sur les critères de fixation de loyer définit clairement les critères auxquels le tribunal doit tenir compte pour procéder au calcul ou réajustement de loyer et modifier le loyer, le cas échéant. Il suffit d’établir la variation entre les taxes foncières municipales exigibles au cours de la période de référence, 2009 dans le présent cas, et celles exigibles durant l’année suivante, 2010 dans le présent dossier.
[19] Quant est-il de l’exigibilité ? Une dette exigible est une dette qu’on a le droit d’exiger. Ainsi, le créancier - en l’occurrence la Ville de Montréal - peut exiger de la locatrice l’exécution immédiate de sa créance telle que libellée sur les relevés des comptes pour les taxes municipales.
[20] Le soussigné estime opportun de rappeler la règle d’interprétation restrictive établie en matière d’interprétation d’une loi ou d’un règlement. La règle est à l’effet qu’une loi ou un règlement s’applique et s’interprète de manière restrictive. Ainsi, ce principe d'interprétation restrictive d'un règlement ne permet aucune ouverture afin de considérer d'autres éléments ou conditions que celles mentionnées au Règlement sur les critères de fixation de loyer[4]. La loi ou le règlement doit prévoir expressément les éléments ou conditions d’applications particulières.
[21] Pour les motifs précédemment mentionnés, le Tribunal retient au chapitre des dépenses encourues au chapitre des taxes municipales, les montants prouvés et tels qu’indiqués sur lesdites factures sans apporter de corrections - tel que réclamé par les locataires - afin de tenir compte de la valeur révisée de l’immeuble au rôle d’évaluation foncière suite à la subdivision de l’immeuble en deux lots distincts.
[22] De ce qui précède, au chapitre des taxes municipales le Tribunal retient pour fins de calcul de l’ajustement du loyer la somme de 1 632 519,72 $ pour l’année 2009 et la somme de 1 711 995,08 $ pour l’année 2010.
[23] Conséquemment, le loyer sera ajusté en fonction des critères prévus au Règlement sur les critères de fixation de loyer[5].
FRAIS D’ENTRETIEN : DÉNEIGEMENT ET AMÉNAGEMENT PAYSAGER
[24] Au chapitre des frais d’entretien relatifs aux travaux de déneigement et d’aménagement paysager, la locatrice allègue un montant de 155 723,28 $ et un montant de 29 689,44 $ pour des travaux relatifs à l’émondage et/ou d’entretien paysager concernant la coupe de 22 arbres.
[25] Les locataires soutiennent que le Tribunal doit tenir compte de seulement 50% de ces dépenses dont les travaux ont été réalisés sur l’ensemble de la propriété puisque ces travaux ont été exécutés sur le nouveau lot créé suite à la subdivision alors que le lot où se trouvent les deux tours de la locatrice ne représente que 50% de la superficie du terrain après la subdivision.
[26] À ce sujet, les locataires font valoir qu’il n’ont pu bénéficier des travaux réalisés et de telles dépenses ainsi encourues pour le lot vendu à Cité Nature, lequel représente après subdivision, 50% de la superficie totale du lot initial. Ils réitèrent que seulement la moitié de la dépense doit être retenue pour le calcul du loyer.
[27] La locatrice fait témoigner madame Angela Vani qui souligne que malgré la subdivision et la vente du lot à Cité Nature, en vertu d’un acte de servitude, la locatrice est responsable de l’entretien de l’ensemble du terrain et que les dépenses ont été réellement engagées par la locatrice.
[28] Compte tenu de la preuve prépondérante, le Tribunal retient la totalité de la dépense au montant de 155 723,28 $ encourue pour les travaux d’aménagement paysager et la totalité de la dépense au montant de 29 689,44 $ relative à des travaux d’enlèvement de 22 arbres.
LA RÉDUCTION DU LOYER SELON L’ARTICLE 8 ?
[29] Quant aux allégations portant sur des inconvénients relatifs à l'état du logement, à la piscine, à l’escalier ou passerelle et à des troubles de jouissance causés par la construction sur le lot subdivisé et adjacent de bâtiments avec des unités en copropriétés communément appelé « Cité Nature », le Tribunal ne peut tenir compte de ces déclarations pour la fixation du loyer. En effet, ces troubles et inconvénients allégués par le locataire ne se situent pas dans le cadre de l'article 8 du Règlement sur les critères de la fixation du loyer[6]. Il s'agit plutôt d'allégations portant sur les défauts d'entretien, de réparations ou d'obligations relatives au bon état d'habitabilité et de troubles de jouissance. Les locataires concernés devront donc, afin de faire statuer sur le mérite de leurs allégations, se prévaloir de leurs droits en introduisant auprès de la Régie du logement le ou les recours appropriés convenant à leur situation et selon les conclusions qu'ils recherchent.
[30] D’ailleurs et en ce sens, plusieurs locataires ont d’ores et déjà introduit une demande en diminution de loyer contre la locatrice. La régisseure Mailfait est saisie de ces causes.
[31] Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[7] est de 26,10 $ par mois, s’établissant comme suit :
Taxes municipales et scolaires |
4,20 $ |
Assurances |
1,15 $ |
Gaz |
(0,80 $) |
Électricité |
1,61 $ |
Mazout |
0,00 $ |
Frais d’entretien |
9,98 $ |
Frais de services |
1,09 $ |
Frais de gestion |
0,65 $ |
Réparations majeures, améliorations majeures, mise en place d’un nouveau service |
5,09 $ |
Ajustement du revenu net |
3,13 $
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TOTAL |
26,10 $ |
[32] CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;
[33] CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de 26,10 $ est justifié;
[34] CONSIDÉRANT que les inconvénients allégués par le locataire ne se situent pas dans le cadre de l'article 8 du Règlement sur les critères de la fixation du loyer ;
[35] CONSIDÉRANT l’absence de preuve quant à la condamnation du locataire au remboursement des frais introductifs de la demande, la locatrice doit les assumer.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[36] FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 1 200,00 $ par mois du 1er novembre 2010 au 31 octobre 2011, comprenant le coût d’un espace de stationnement.
[37] Les autres conditions du bail demeurent inchangées.
[38] La locatrice assume les frais de la demande.
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Me Grégor Des Rosiers, greffier spécial |
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Présence(s) : |
Me Valérie Cuierrier-Besner, avocate de la locatrice le locataire |
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Date de l’audience : |
28 mai 2012 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.