Décision

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Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Université de Sherbrooke c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse

2015 QCCA 1397

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-023779-135 / 500-09-023783-137

(450-53-000004-107)

 

DATE :

 3 septembre 2015

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

JEAN BOUCHARD, J.C.A.

MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

 

 

No: 500-09-023779-135

UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

APPELANTE - Défenderesse

c.

COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE

INTIMÉE - Demanderesse

Et

ASSOCIATION DES INGÉNIEURS-PROFESSEURS DES SCIENCES APPLIQUÉES DE L’UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE (AIPSA)

MISE EN CAUSE - Défenderesse

 

 

No: 500-09-023783-137

ASSOCIATION DES INGÉNIEURS-PROFESSEURS DES SCIENCES APPLIQUÉES DE L’UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE (AIPSA)

Et

UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

APPELANTES - Défenderesses

c.

COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE

INTIMÉE - Demanderesse

Et

PIERRE F. LEMIEUX, GÉRARD BALLIVY, J. PETER JONES, DENIS PROULX, RICHARD THIBAULT, KENNETH W. NEALE, GILLES JASMIN

MIS EN CAUSE

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’Université de Sherbrooke et l’Association des ingénieurs-professeurs des sciences appliquées de l’Université de Sherbrooke se pourvoient contre un jugement rendu le 2 juillet 2013 par le Tribunal des droits de la personne, district de Saint-François (l’honorable Michèle Pauzé), qui a déclaré que les deuxième et troisième alinéas de l’article 7-6.04 de la convention collective signée le 4 juillet 2006 par ces dernières constituaient de la discrimination fondée sur l’âge. Le Tribunal a en conséquence condamné les appelantes à payer aux plaignants, représentés par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 557 558 $ à titre de dommages matériels, 25 000 $ à titre de dommages moraux et 10 000 $ à titre de dommages punitifs.

[2]           Pour les motifs du juge Bouchard auxquels souscrivent les juges Morissette et St-Pierre, LA COUR :

[3]           CONFIRME le jugement de première instance;

[4]           REJETTE les appels;

[5]           Avec dépens.

 

 

 

 

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

JEAN BOUCHARD, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

 

Me Stéphane Fillion

Fasken Martineau DuMoulin

Pour l’Université de Sherbrooke

 

Me Athanassia Bitzakidis

Boies Drapeau Bourdeau

Pour la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse

Pour Pierre F. Lemieux, Gérard Ballivy, J. Peter Jones, Denis Proulx,

Richard Thibault, Kenneth W. Neale, Gilles Jasmin

 

Me Pierre Moreau

PE Moreau Avocat inc.

Pour l’Association des ingénieurs-professeurs des sciences appliquées de

L’Université de Sherbrooke (AIPSA)

 

Date d’audience :

22 avril 2015

 


 

 

MOTIFS DU JUGE BOUCHARD

 

 

[6]           Le Tribunal des droits de la personne, saisi d’une demande introductive d’instance de la Commission des droits de la personne agissant au nom de cinq plaignants[1], a déclaré que les deuxième et troisième alinéas de l’article 7 - 6.04 de la convention collective signée le 4 juillet 2006 par l’Université de Sherbrooke et l’Association des ingénieurs-professeurs des sciences appliquées de l’Université de Sherbrooke constituaient de la discrimination fondée sur l’âge[2]. Il a en conséquence condamné l’Université et l’Association à payer aux plaignants 557 558 $ à titre de dommages matériels, 25 000 $ à titre de dommages moraux et 10 000 $ à titre de dommages punitifs. Ces dernières appellent de ce jugement en vertu de l’article 132 de la Charte des droits et libertés de la personne[3].

Les faits

[7]           L’Association des ingénieurs-professeurs des sciences appliquées de l’Université de Sherbrooke est une association de salariés accréditée au sens du Code du travail[4]. Quant aux plaignants que représente la Commission, ils sont tous des ingénieurs-professeurs (I.P.) qui enseignaient à l’Université de Sherbrooke à l’époque pertinente et qui étaient membres de l’Association.

[8]           Il faut remonter en 2002 pour comprendre les enjeux du présent dossier. À cette époque, les parties ont en vue de favoriser le renouvellement du corps professoral. Elles négocient en conséquence un régime de retraite anticipée qui incite les I.P. à quitter leur emploi et dont la principale disposition prévoit ce qui suit[5] :

RETRAITE ANTICIPÉE

9.07     L’I.P. régulière permanente ou l’I.P. régulier permanent peut prendre une retraite anticipée sur préavis de trois (3) mois si cette personne est âgée d’au moins cinquante-trois (53) ans à la date du début de la retraite et si elle a travaillé à titre d’I.P. au moins quinze (15) ans à l’emploi de l’Université.

            La retraite anticipée débute le 1er janvier, le 1er mai ou le 1er septembre.

            Lorsque l’I.P. prend une retraite anticipée, cette personne a droit, sous forme d’un montant forfaitaire, à une allocation de retraite dont le montant est déterminé de la façon suivante en fonction de l’âge atteint et de son traitement annuel au moment de la retraite anticipée :

64 ans - vingt pour cent (20 %) de son traitement au moment de la retraite anticipée.

63 ans - quarante pour cent (40 %) de son traitement au moment de la retraite anticipée.

62 ans - soixante pour cent (60 %) de son traitement au moment de la retraite anticipée.

61 ans - quatre-vingts pour cent (80 %) de son traitement au moment de la retraite.

53 à 60 ans inclusivement -

              cent pour cent (100 %) de son traitement au moment de la retraite anticipée.

Ce bénéfice s’applique au prorata du régime d’emploi de l’I.P.

L’allocation de retraite est versée au moment du départ ou selon les modalités convenues entre l’Université et l’I.P.

[9]           On retiendra que l’enseignant âgé entre 53 et 60 ans qui choisit de quitter son emploi a droit à une allocation de retraite équivalant à cent pour cent (100 %) de son traitement annuel s’il a enseigné à l’Université pendant au moins quinze ans et que ce pourcentage va en décroissant à compter de 61 ans pour atteindre zéro pour cent (0 %) à 65 ans, aucune allocation n’étant prévue pour l’enseignant ayant 65 ans et plus.

[10]        Lors des négociations visant le renouvellement de la convention collective 2002-2005, d’autres considérations sont à l’ordre du jour. Alors qu’en 2002 l’objectif était de provoquer des départs à la retraite, l’Université veut maintenant garder à son emploi ses professeurs plus longtemps. Le régime est donc réaménagé en profondeur, la limite d’âge pour avoir droit à une allocation de retraite passant notamment à 69 ans. Tous cependant n’y auront pas droit. C’est là d’ailleurs la source du litige qui oppose les parties. Il importe à cet égard de citer au long les dispositions de la convention collective signée le 4 juillet 2006 pour comprendre de quoi il en retourne :

7-6.03  L’I.P. régulière ou l’I.P. régulier peut, jusqu’au 1er septembre 2006, si elle ou il est admissible, se prévaloir des modalités des articles 9.07, 9.08, 9.09 de la convention collective signée le 26 mars 2002.

ALLOCATION DE RETRAITE

7-6.04  L’I.P. régulière ou l’I.P. régulier âgé entre cinquante-cinq (55) ans et soixante-neuf (69) ans a droit au moment de sa retraite ou au début de sa retraite graduelle à une allocation de retraite d’un montant équivalant à un (1) mois de son traitement annuel, pour chaque année de service à temps complet à titre d’I.P. à l’emploi de l’Université, jusqu’à un maximum de douze (12) mois.

Nonobstant le paragraphe précédent, l’I.P. régulière ou l’I.P. régulier, dont le nom apparaît sur la lettre d’entente intitulée « Liste des I.P. régulières et I.P. réguliers concernés par l’article 7-6.04 », bénéficie, l’année précédant la date de son départ à la retraite, des seules modalités suivantes :

Un dégagement de sa charge de travail correspondant à

-       pour l’I.P. régulière ou l’I.P. régulier âgé de 61 ans à la date de la signature de la convention : 80 % de dégagement;

-       pour l’I.P. régulière ou l’I.P. régulier âgé de 62 ans à la date de la signature de la convention : 60 % de dégagement;

-       pour l’I.P. régulière ou l’I.P. régulier âgé de 63 ans à la date de la signature de la convention : 40 % de dégagement;

-       pour l’I.P. régulière ou l’I.P. régulier âgé de 64 ans à la date de la signature de la convention : 20 % de dégagement;

Par la suite, elle ou il ne peut bénéficier d’aucun autre avantage lié à l’allocation de retraite.

[11]        Quant à la lettre d’entente dont fait mention l’alinéa 2 de la clause 7-6.04, elle est ainsi libellée :


LETTRE D’ENTENTE

Entre

L’UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

(ci-après appelée « l’Université »)

et

L’ASSOCIATION DES INGÉNIEURS-PROFESSEURS DES SCIENCES APPLIQUÉS DE L’UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

(ci-après appelée « l’AIPSA) »)

Liste des I.P. régulières et des I.P. réguliers concernés par l’article 7-6.04

Les I.P. dont les noms suivent bénéficieront durant l’année précédant leur départ à la retraite des modalités de l’article 7-6.04 :

En date du 1er juillet 2006 :

NOM

AGE EN DATE DE LA SIGNATURE DE LA CONVENTION

POURCENTAGE DU DÉGAGEMENT DE LA CHARGE DE TRAVAIL

Ballivy, Richard

Cloutier, Louis

Galanis, Nicolas

Lemieux, Pierre F.

Proulx, Denis

Thibault, Richard

Johns, Kenneth

Jones, Peter

Neale, Kenneth

Jasmin, Gilles

Van Hoenacker, Yves

65 ans

68 ans et 6 mois

67 ans et 2 mois

65 ans et 11 mois

65 ans et 8 mois

63 ans et 11 mois

62 ans

61 ans et 9 mois

61 ans et 9 mois

61 ans et 8 mois

61 ans et 4 mois

 0 %

 0 %

 0 %

 0 %

 0 %

40 %

60 %

80 %

80 %

80 %

80 %

EN FOI DE QUOI, les parties ont signé à Sherbrooke, ce 4e jour du mois de juillet 2006.

[12]        Une première remarque s’impose. Les plaignants que représente la Commission sont tous visés par cette lettre d’entente. Ils sont également tous âgés de 61 ans et plus et exclus de l’allocation de retraite visée au premier alinéa de la clause 7-6.04. Certes, ils peuvent se prévaloir des dispositions de la convention collective de 2002 jusqu’au 1er septembre 2006 en vertu de la clause 7-6.03, mais s’ils décident plutôt de demeurer à l’emploi de l’Université, ils n’auront droit à rien d’autre qu’un dégagement de leur charge de travail jusqu’à l’âge de 64 ans, allant en décroissant de 80 % à 20 %.

[13]        À titre d’exemple, l’I.P. qui a 62 ans lors de la signature de la convention collective de 2006 peut quitter à ce moment et bénéficier d’une allocation de retraite correspondant à 60 % de son traitement annuel en vertu de l’article 9.07 de la convention collective de 2002 ou encore, rester à l’emploi de l’Université, mais bénéficier alors uniquement d’un dégagement de sa charge de travail de 60 % l’année précédant sa retraite en vertu des alinéas 2 et 3 de l’article 7-6.04 de la convention collective de 2006.

[14]        Face à cette situation et après avoir dénoncé celle-ci tant à l’Université qu’à leur Association, certains des plaignants dont les noms apparaissent à la lettre d’entente du 4 juillet 2006 portent plainte à la Commission[6]. Comme aucune entente n’intervient, celle-ci dépose en leur nom, le 29 décembre 2010, une demande introductive d’instance devant le Tribunal des droits de la personne[7].

[15]        Alors que le recours de la Commission devant le Tribunal suit son cours, l’Université et l’Association concluent une nouvelle entente le 4 mars 2011, laquelle vise à mettre fin au litige en faisant renaître rétroactivement les effets de l’article 9.07 de la convention collective 2002-2005. Croyant ainsi pouvoir faire rejeter le recours entrepris par la Commission, l’Université saisit le Tribunal d’une requête en irrecevabilité que ce dernier rejette le 11 octobre 2012 pour le motif suivant[8] :

[44]      Le Tribunal partage le point de vue de la Commission que la situation des plaignants était entièrement cristallisée avant la conclusion de la lettre d’entente du 4 mars 2011. L’Université et l’Association ne peuvent unilatéralement faire disparaître le fondement de la demande une fois que les droits des plaignants sont exercés devant le Tribunal. La rétroactivité de la lettre d’entente ne peut anéantir un droit qui serait déjà né en vertu de la Charte et qui serait déjà exercé devant le Tribunal.

[16]        Ceci nous amène au jugement de première instance.

 

Le jugement du Tribunal des droits de la personne

[17]        Le jugement du Tribunal est longuement motivé. Aussi, aux fins d’éviter les répétitions, je m’y attarderai plus en détail lors de mon analyse des arguments des parties, me contentant pour le moment d’en tracer les grandes lignes.

[18]        La juge Pauzé rappelle tout d’abord les trois conditions requises par l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne[9] pour conclure à l’existence prima facie de discrimination, soit [10]:

1)            une distinction, exclusion ou préférence;

2)            fondée sur l’un des motifs énumérés, en l’occurrence l’âge;

3)            qui a pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance et l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne.

[19]        La juge conclut ensuite assez facilement que les deux premières conditions sont remplies parce que l’article 7-6.04 de la convention collective de 2006 contient plusieurs distinctions et exclusions et que celles-ci sont, à son avis, fondées sur l’âge :

[132]    L’effet concret de l'article 7-6.04 est donc le suivant. Tous les employés âgés de 60 ans ou moins au moment de la signature de la convention collective obtiennent le droit, au moment de leur retraite, à une allocation calculée en fonction de leur traitement annuel. Les employés dont le nom apparaît à la lettre d'entente du 4 juillet 2006 sont exclus du régime général qui s'applique à leurs collègues. Une première distinction est ainsi créée entre deux catégories d'employés.

[133]    Une autre distinction est créée par cette disposition quant à la nature du bénéfice accordé aux employés en rapport avec leur retraite. À cet égard, l'article 7-6.04 établit trois catégories d'employés. Pour ceux âgés de 60 ans ou moins au moment de la signature de la convention collective, le bénéfice est de nature monétaire, soit une allocation de retraite. Pour ceux âgés de 61, 62, 63 ou 64 ans à cette date, le bénéfice concerne la prestation de travail de l'employé et prend la forme d'un dégagement de leur charge de travail l'année précédant leur départ à la retraite. Les employés âgés de 65 ans ou plus au moment de la signature de la convention collective sont, quant à eux, privés de l'un ou l'autre de ces bénéfices.

[134]    L'article 7-6.04 contient une troisième distinction, concernant le mode de calcul du bénéfice auquel un employé a droit. Pour les employés âgés de 60 ans ou moins au moment de la signature de la convention collective, l'allocation de retraite est calculée en fonction du nombre d'années de service. Pour ceux des employés de 61 ans et plus ayant droit à un dégagement de leur charge de travail, le bénéfice dépend du nombre d'années qu'il leur reste avant d'atteindre l'âge de 65 ans et ce, indépendamment du nombre d'années de service qu'ils comptent au sein de l'Université.

[135]    Ce mode de calcul est susceptible de produire des écarts importants. Ainsi, un employé âgé de moins de 61 ans à la date de signature de la convention collective de 2006 pouvait avoir droit à une allocation de retraite équivalant à 12 mois de salaire s'il avait été à l'emploi de l'Université pendant 12 ans, mais un employé âgé de 65 ans à ce moment n'avait droit à aucun bénéfice, ni sous forme d'allocation de retraite, ni sous forme de dégagement de sa charge de travail, et ce, même s'il comptait trois fois plus d'années de service que son collègue plus jeune.

[136]    Le Tribunal considère qu'il est manifeste que l'article 7-6.04 de la convention collective de 2006 contient une distinction entre diverses catégories d'employés.

[137]    Il apparaît aussi clairement que cette distinction et cette exclusion sont fondées sur l'âge. Aux termes de cette disposition, l'identification des droits accordés à un employé au moment de sa retraite dépend essentiellement et uniquement de son âge à la date de la signature de la convention collective. Aucun facteur autre que cet âge ne permet de déterminer si c'est le premier alinéa qui s'applique à l'employé, ou bien les deuxième et troisième alinéas. De plus, aucun autre critère que l'âge n'est utilisé dans la lettre d'entente à laquelle renvoie l'article 7-6.04.

[20]        Quant à la troisième condition requise pour conclure à l’existence de discrimination, la juge, là encore, conclut que cette condition est remplie, étant d’avis que « les plaignants ont été privés de la reconnaissance et de l’exercice, en pleine égalité, des droits qui leur sont reconnus par les articles 13 et 16 de la Charte, sans distinction ou exclusion fondée sur l’âge »[11].

[21]        Point important à noter, la juge écarte la nécessité pour la Commission de faire la preuve que la distinction alléguée perpétue des préjugés ou des stéréotypes[12]. De l’avis de la juge, cette preuve n’est plus requise depuis l’arrêt rendu par la Cour suprême dans Québec (Procureur général) c. A.[13], ce qui ne l’empêche pas, toutefois, de faire remarquer, « si besoin est », que la distinction alléguée « est entièrement fondée sur des stéréotypes et des préjugés voulant que les individus perdent leur valeur professionnelle du seul fait qu’ils atteignent un certain âge, indépendamment de leurs capacités réelles »[14].

[22]        Enfin, analysant la portée de la lettre d’entente du 4 mars 2011, la juge considère qu’il n’y a pas lieu d’en arriver à une conclusion différente de celle de sa collègue qui a rejeté la requête en irrecevabilité de l’Université fondée sur ce motif[15].

[23]        En conclusion, la juge condamne solidairement l’Université et l’Association à payer à chacun des plaignants un montant équivalant à l’allocation à laquelle ils auraient eu droit au moment de leur retraite en vertu du premier alinéa de la clause 7-6.04, 5 000 $ à titre de dommages moraux et 2 000 $ à titre de dommages punitifs[16].

La compétence du Tribunal des droits de la personne

[24]        Avant de s’attaquer au vif du sujet, il y a lieu de trancher l’argument de l’Association selon lequel le Tribunal n’était pas compétent pour entendre l’affaire, la Commission des relations du travail [ci-après la CRT] constituant plutôt le forum approprié.

[25]        Le Tribunal, qui était lui aussi saisi de cette question, a conclu sans trop de difficulté, en s’appuyant sur les arrêts Morin[17] et Audigé[18], qu’il était compétent[19]. Il a eu entièrement raison de conclure ainsi.

[26]        Voyons tout d’abord ce que la Commission alléguait dans sa demande introductive d’instance :

1.         En date du 4 juillet 2006, une convention collective fut conclue entre l’Université de Sherbrooke et l’Association des ingénieurs-professeurs des sciences appliquées de l’Université de Sherbrooke (ci-après « AIPSA ») pour la période du 4 juillet 2006 au 31 mai 2010;

2.         Les défenderesses ont alors porté atteinte au droit des plaignants d’être traités en pleine égalité, sans distinction ou exclusion fondée sur l’âge, en stipulant une clause (7-6.04) comportant un traitement différentiel, quant aux modalités de l’allocation de retraite, pour onze (11) ingénieurs-professeurs nommément désignés à une Lettre d’entente datée du 4 juillet 2006, le tout en contravention des articles 10, 13, 16 et 19 de la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., c. C-12) (ci-après la « Charte »);

3.         Par la même occasion, les défenderesses ont porté atteinte au droit des plaignants à la sauvegarde de leur dignité sans distinction fondée sur l’âge, contrevenant ainsi aux articles 4 et 10 de la Charte;

4.         En raison de l’atteinte illicite à leurs droits, les plaignants ont droit à la réparation du préjudice matériel et moral en résultant.

                                                                                                            [je souligne]

[27]        Les allégations du recours intenté par la Commission devant le Tribunal s’attaquent directement au processus de négociation et à l’inclusion de la clause 7-6.04 dans la convention collective de 2006. Or, lorsque la discrimination alléguée prend sa source dans la négociation et l’insertion d’une clause dans une convention collective plutôt que dans son interprétation, son application ou sa mise en œuvre, le Tribunal des droits de la personne peut être valablement saisi. C’est ce que la Cour suprême a clairement décidé dans Morin où on opposait la compétence de l’arbitre des griefs à celle du Tribunal[20] :

23  Tel n’est pas le cas en l’espèce. Si, conformément à Weber, on le considère dans son contexte factuel, le litige réside principalement dans le fait qu’une clause de la convention collective traite les plaignants et les membres de leur groupe — les enseignants n’ayant pas encore atteint l’échelon salarial le plus élevé, soit généralement les plus jeunes et les moins expérimentés - moins favorablement que les enseignants ayant plus d’ancienneté. Cette situation résulte elle-même du fait que, lors de la négociation de la convention collective, la suite à donner aux impératifs budgétaires de l’État et la répartition des compressions entre les membres du syndicat ont suscité des désaccords. Vu son contexte factuel, le litige porte essentiellement sur la manière dont la convention collective devait répartir des ressources moindres entre les membres du syndicat. Il a finalement été décidé de faire supporter le gros des compressions par un groupe de syndiqués — ceux qui avaient le moins d’ancienneté. D’où la question en litige : était-il discriminatoire de négocier et d’adopter une clause préjudiciable uniquement aux enseignants plus jeunes et moins expérimentés? Le litige met donc essentiellement en cause le processus de négociation et l’insertion de la clause dans la convention collective.

24  En l’espèce, le contexte factuel permet de conclure que le litige ne ressortit pas exclusivement à l’arbitre. Il ne découle pas tant de la mise en œuvre de la convention collective que de la négociation ayant précédé sa signature. Notre Cour a reconnu qu’un litige découlant d’une entente préalable ou de la formation de la convention collective comme telle peut soulever des questions échappant à la compétence de l’arbitre : voir, par exemple, Goudie, précité; Weber, précité, par. 52; ainsi que Wainwright c. Vancouver Shipyards Co. (1987), 38 D.L.R. (4th) 760 (C.A.C.-B.); Johnston c. Dresser Industries Canada Ltd. (1990), 75 O.R. (2d) 609 (C.A.). Toutes les parties s’entendent sur la façon dont la convention, si elle est valide, doit être interprétée et appliquée. La seule question qui se pose est de savoir si le processus ayant mené à l’adoption de la clause tenue pour discriminatoire et l’insertion de celle-ci dans la convention collective contreviennent à la Charte québécoise, rendant de ce fait la clause inapplicable.

25  Cela ne veut pas dire que tout litige mettant en cause l’application de la Charte échappe à la compétence de l’arbitre. Notre Cour a reconnu que l’arbitre peut trancher une question de droit accessoire à l’interprétation et à l’application d’une convention collective : Parry Sound (District), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, [2003] 2 R.C.S. 157, 2003 CSC 42. En outre, l’art. 100.12 du Code du travail investit expressément l’arbitre du pouvoir d’interpréter et d’appliquer une loi dans la mesure où il est nécessaire de le faire pour décider d’un grief. Mais si on le considère dans son essence et d’un point de vue non formaliste, le litige ne porte pas tant sur l’interprétation ou l’application de la convention collective - le fondement de la compétence de l’arbitre suivant l’al. 1f) du Code du travail — que sur une allégation de discrimination dans la formation de la convention collective et sur la validité de celle-ci. Or, le législateur a créé la Commission et le Tribunal pour qu’ils se prononcent précisément sur de telles questions.

                                                                                                            [je souligne]

[28]        Mais, soutient l’Association, l’arrêt Morin doit être distingué dans la mesure où le deuxième alinéa de l’article 114 du Code du travail[21] accorde désormais une compétence exclusive à la CRT qui « connaît et dispose, à l’exclusion de tout tribunal, d’une plainte alléguant une contravention au présent code […] ». Or, selon l’Association, les plaignants auraient dû intenter devant la CRT un recours fondé sur l’article 47.2 du Code du travail, lequel est ainsi libellé :

 

47.2  [Égalité de traitement pas l’association accréditée] Une association accréditée ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discrimi-natoire, ni faire preuve de négligence grave à l’endroit des salariés compris dans une unité de négociation qu’elle représente, peu importe qu’ils soient ses membres ou non.

47.2  [Behaviour of certified association] A certified asso-ciation shall not act in bad faith or in an arbitrary or discriminatory manner or show serious negligence in respect of employees comprised in a bargaining unit represented by it, whether or not they are members.

[29]        Notre cour, sous la plume du juge Gascon, a rejeté cette prétention dans l’arrêt Audigé[22] en faisant remarquer qu’un recours en vertu de l’article 47.2 du Code du travail se révèle pour le plaignant peu intéressant, pour ne pas dire illusoire lorsque, comme en l’espèce, les plaignants prétendent non pas que la convention collective a été violée, mais bien qu’elle est discriminatoire en raison de la conduite du syndicat à la table de négociations, étant entendu que cette conduite ne peut faire l’objet d’un grief[23] :

[39] Dans l’arrêt Morin, la Cour suprême infirme l'arrêt antérieur de notre Cour et conclut que l'arbitre de griefs n'a pas compétence exclusive pour traiter d'un litige qui met en cause un processus de négociation et l'insertion d'une clause discriminatoire dans une convention collective. Particulièrement, la Cour suprême le souligne, dans un contexte où l'intérêt du syndicat négociateur apparaît opposé à celui du salarié qui se plaint des clauses négociées à son détriment.

[40]      En l'espèce, les allégations de la procédure du Salarié devant la Cour du Québec s'attaquent directement au processus de négociation et à l'inclusion de la clause 19.03 à la convention collective. À mon avis, cela cadre précisément avec le contexte que la Cour suprême a jugé non exclusif à la compétence de l'arbitre de griefs dans l'arrêt Morin.

[…]

[42]      L'on constate ainsi que l'assise de la réclamation n'est pas une question d'interprétation, d'application, d'administration ou d'exécution de la convention collective. Le Salarié s'attaque plutôt à la formation et à la négociation de la convention collective et, au premier chef, à l'insertion dite intentionnelle et illicite d'une clause discriminatoire à son endroit.

[43]      Sous ce rapport, je suis d'accord avec l'affirmation du Salarié voulant qu'un recours de sa part contre son Syndicat sous l'égide des articles 47.2 et suivants C.t. soit illusoire dans les faits, comme c'était du reste le cas dans l'arrêt Morin.

[…]

[45]      Comme le note avec justesse le Salarié, l'existence d'une forme de mauvaise foi, d'arbitraire, de discrimination ou de négligence grave du Syndicat à son endroit dans le refus de porter ce grief à l'arbitrage conditionne l'ouverture à un recours sous l'égide des articles 47.2 et suivants C.t. En l'espèce, cette prétention se révèle peu intéressante, pour ne pas dire vraisemblablement vouée à l'échec.

[46]      Dans ces circonstances, seuls le Tribunal ou la Cour du Québec offrent un recours valable au Salarié. Pour calquer les termes choisis par la juge en chef McLachlin dans l'arrêt Morin, tant le Tribunal que la Cour du Québec présentent une « plus grande adéquation » avec le recours envisagé par le Salarié que la CRT (aux termes des articles 47.2, 114 et 116 C.t.) (ou éventuellement l'arbitre de griefs si l'article 47.3 C.t. venait à s'appliquer).

[30]        En conclusion, j’estime que la juge de première instance n’a pas commis d’erreur en concluant que le Tribunal des droits de la personne avait compétence pour entendre l’affaire. Ce premier moyen d’appel doit échouer.

La norme d’intervention

[31]        Depuis l’arrêt Mouvement laïque québécois c. Saguenay (ville)[24], il est clair que la norme d’intervention en appel d’un jugement final du Tribunal des droits de la personne relève des principes du droit administratif et de la révision judiciaire[25]. Par conséquent, il faut maintenant choisir entre la norme de la décision correcte ou la norme de la décision raisonnable, et ce, dépendamment de la nature des questions soulevées[26] :

[45]      Cela dit, le choix de la norme applicable dépend principalement de la nature des questions soulevées, d’où l’importance de bien identifier ces questions (Mowat, par. 16; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, par. 4). Pour les besoins du pourvoi, il suffit de rappeler ce qui suit à ce sujet.

[46]      Lorsque le Tribunal agit à l’intérieur de son champ d’expertise et qu’il interprète la Charte québécoise et applique ses dispositions aux faits pour décider de l’existence de discrimination, la déférence s’impose (Saskatchewan (Human Rights Commission) c. Whatcott, 2013 CSC 11, [2013] 1 R.C.S. 467, par. 166-168; Mowat, par. 24).  Dans Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, par. 30, 34 et 39, la Cour rappelle que, lors du contrôle judiciaire de la décision d’un tribunal administratif spécialisé qui interprète et applique sa loi constitutive, il y a lieu de présumer que la norme de contrôle est la décision raisonnable (Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Procureur général), 2014 CSC 40, [2014] 2 R.C.S. 135, par. 55; Front des artistes canadiens c. Musée des beaux-arts du Canada, 2014 CSC 42, [2014] 2 R.C.S. 197 (« MBA »), par. 13; Khosa, par. 25; Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, [2011] 1 R.C.S. 160, par. 26 et 28; Dunsmuir, par. 54). Dans ces situations, la déférence est normalement requise, quoique cette présomption puisse parfois être repoussée. Ce peut être le cas lorsqu’une analyse contextuelle révèle une intention claire du législateur de ne pas protéger la compétence du tribunal à l’égard de certaines questions; l’existence d’une compétence concurrente et non exclusive sur un même point de droit est un facteur important à considérer à cette fin (Tervita, par. 35-36 et 38-39; McLean, par. 22; Rogers, par. 15).

[47]      C’est aussi le cas lorsque se soulève une question de droit générale d’importance pour le système juridique et étrangère au domaine d’expertise du tribunal administratif spécialisé (Dunsmuir, par. 55 et 60). Dans McLean, le juge Moldaver note ceci sur ce sujet (par. 27) :

Le raisonnement qui sous-tend l’exception prévue à l’égard de la « question de droit générale » est simple.  Comme l’expliquent les juges Bastarache et LeBel dans Dunsmuir, « [p]areille question doit être tranchée de manière uniforme et cohérente étant donné ses répercussions sur l’administration de la justice dans son ensemble » (par. 60).  Autrement dit, comme le précisent les juges LeBel et Cromwell dans Mowat, cette question est assujettie à la norme de la décision correcte « dans un souci de cohérence de l’ordre juridique fondamental du pays » (par. 22).

[48]      Selon ce que soulignent les juges LeBel et Cromwell dans Mowat (par. 23), il est par contre important de résister à la tentation d’appliquer la norme de la décision correcte à toutes les questions de droit d’intérêt général que le Tribunal est appelé à trancher :

Nul doute qu’un tribunal des droits de la personne est souvent appelé à se prononcer sur des questions de très large portée. Or, les mêmes questions peuvent être soulevées devant d’autres organismes juridictionnels, en particulier des cours de justice. À l’issue de l’analyse relative à la norme de contrôle proposée dans l’arrêt Dunsmuir, la norme applicable aux décisions sur certaines de ces questions pourrait bien être celle de la décision correcte. Mais les questions de droit générales que le Tribunal est appelé à trancher n’équivalent pas toutes à des questions d’une importance capitale pour le système juridique et elles ne sont pas toutes étrangères au domaine d’expertise de l’organisme décisionnel.

                                                                                                [je souligne]

[32]        Appliqués à notre situation, ces énoncés de la Cour suprême me font conclure que la question de savoir si une clause d’une convention collective est discriminatoire à l’endroit de certains salariés en raison de leur âge est au cœur du champ d’expertise spécialisé du Tribunal. Ce genre de question, qui est le lot quotidien de ce dernier, ne revêt pas un caractère d’importance pour le système juridique.

[33]        Je me propose donc d’appliquer la norme de la décision raisonnable à l’examen du jugement rendu par le Tribunal, laquelle norme commande que j’aie de la déférence si la conclusion à laquelle en est arrivé ce dernier appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »[27]. Partant, à notre niveau, la question n’est pas de déterminer si la clause 7-6.04 est discriminatoire, mais plutôt de décider si le Tribunal, en la jugeant telle, a rendu une décision ayant les attributs de la raisonnabilité.

Analyse

[34]        Tant l’Université que l’Association, à l’instar du Tribunal, reconnaissent que l’article 7-6.04 de la convention collective de 2006 traite différemment les plaignants des autres enseignants au chapitre de l’allocation de retraite. J’ai cité au long les motifs de la juge de première instance à cet égard et il suffira d’y référer au besoin[28].

[35]        Pour une meilleure compréhension des propos qui vont suivre, je rappellerai cependant brièvement que les enseignants dont le nom apparaît à la lettre d’entente du 4 juillet 2006 sont exclus du régime général qui s’applique à leurs collègues. La clause 7-6.04 crée également une distinction quant à la nature du bénéfice accordé. Les enseignants âgés de 60 ans et moins ont droit à une allocation de retraite tandis que ceux âgés de 61 ans et plus, à l’emploi de l’université le jour de l’entrée en vigueur de la convention collective 2006-2010, n’ont pas droit à ce bénéfice pécuniaire, mais uniquement à un dégagement de leur charge de travail. Enfin, alors que l’allocation de retraite accordée aux enseignants de 60 ans et moins se calcule en fonction du nombre d’années de service, le dégagement accordé aux 61 ans et plus se calcule en fonction de leur âge au 4 juillet 2006.

[36]        Force est donc d’admettre que la conclusion de la juge selon laquelle l’article 7-6.04 de la convention collective de 2006 contient une distinction entre diverses catégories d’employés est non seulement raisonnable, mais exacte. La première condition pour établir l’existence d’un cas de discrimination visé par l’article 10 de la Charte québécoise est ainsi remplie[29].

[37]        Les parties ont toutefois des vues divergentes lorsque vient le temps de déterminer si cette différence de traitement est fondée sur l’un des motifs énumérés au premier alinéa de l’article 10 de la Charte, en l’occurrence l’âge.

[38]        Alors qu’il est clair pour la juge que l’identification des droits accordés à un enseignant au moment de sa retraite dépend uniquement de son âge[30], l’Université et l’Association soutiennent que la distinction créée par l’article 7-6.04 de la convention collective de 2006 a été motivée par des raisons d’équité envers les enseignants qui ont choisi de se prévaloir des avantages offerts par le régime de préretraite prévu à la clause 9.07 de la convention collective de 2002.

[39]        Ainsi, les noms des enseignants qui apparaissent à la lettre d’entente du 4 juillet 2006 et qui n’ont pas droit à une allocation de retraite correspondraient à ceux qui pouvaient prendre leur retraite et qui ont choisi de demeurer à l’emploi de l’Université après cette date, sans égard à leur âge. C’est là, en tout cas, l’explication fournie par l’un des négociateurs de l’Université, M. Jean-Pierre Rousseau, qui a témoigné en première instance :

R.        … alors il s’est avéré qu’il était - là je parle en mon nom, j’insiste là-dessus, au nom de l’Université - on trouvait inéquitable que des professeurs qui avaient - et là je reviens avec mon terme c’est le meilleur que j’aie trouvé - renoncé d’une façon tacite à des avantages monétaires puissent, du jour au lendemain, voir renaître ce droit-là à l’allocation de départ à cause de la nouvelle convention collective précisément l’équité, l’iniquité, précisément parce que d’autres confrères, eux, de la même époque, avaient décidé de prendre leur retraite avec l’allocation. Ils avaient fait un choix aussi éclairé que ceux qui avaient décidé de continuer à faire leur carrière à l’Université, ils avaient pour des raisons professionnelles, personnelles, je le sais pas, on a vu des noms ce matin, ils avaient décidé eux autres de prendre l’allocation graduelle trois ans, puis typiquement, graduelle trois ans, puis après deux ans ils partaient, donc ils avaient le droit à 200 %.

Alors, ils avaient assumé ça alors que certains autres professeurs avaient décidé de continuer leur carrière à l’Université et comme je vous dis, par souci d’équité, on ne voulait pas faire renaître ce droit-là, le droit étant à une allocation, alors qu’ils y avaient renoncé dans le passé récent.

D’où l’établissement du deuxième paragraphe nonobstant le paragraphe précédant qui est la règle générale qu’on a vue tantôt :

"Les IPE dont les noms apparaissent dans la lettre d’entente, bénéficient l’année précédant la date de son départ à leur retraite des seules modalités suivantes…"

Et là c’est un dégagement de charge de travail et on retrouve la fameuse lettre d’entente de R je sais pas quoi…

[40]        La démonstration n’impressionne guère, et ce, pour plusieurs raisons.

[41]        Pour satisfaire à la deuxième condition du test découlant de l’application de l’article 10 de la Charte québécoise, il faut démontrer que la distinction est fondée sur un des motifs de discrimination énuméré au premier alinéa de cet article. Or, cette démonstration, loin d’exiger la preuve d’un lien étroit ou exclusif entre le motif et la distinction, est établie dès que le motif a été un facteur de distinction. Bref, en autant que le motif prohibé ait joué un rôle dans la conduite reprochée ou y a contribué, la responsabilité de son auteur pourra être engagée. C’est ce qu’il faut retenir des propos les plus récents de la Cour suprême dans l’arrêt Bombardier[31] :

[47]      Notre Cour a utilisé l’expression « lien causal » au moins une fois, soit dans l’arrêt Ville de Montréal (par. 84). Il importe toutefois de replacer l’emploi de cette expression dans son contexte. Dans cette affaire, la Cour a souligné que l’employeur avait admis le « lien causal ». Toutefois, lorsqu’elle a énuméré les éléments constitutifs de la discrimination prima facie, la Cour a uniquement exigé la preuve d’un « lien » entre le motif prohibé de discrimination et la décision ou conduite contestée : par. 65.

[48]      Tout comme le Tribunal en l’espèce, notre Cour a reconnu dans cette affaire qu’il n’est pas nécessaire que la personne responsable de la distinction, de l’exclusion ou de la préférence ait fondé sa décision ou son geste uniquement sur le motif prohibé; il est suffisant qu’elle se soit basée partiellement sur un tel motif : Ville de Montréal, par. 67, la juge L’Heureux-Dubé, citant avec approbation D. Proulx, « La discrimination fondée sur le handicap : étude comparée de la Charte québécoise » (1996), 56 R. du B. 317, p. 420. En d’autres mots, il suffit que le motif ait contribué aux décisions ou aux gestes reprochés pour que ces derniers soient considérés comme discriminatoires : voir, entre autres, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Gaz métropolitain, 2008 QCTDP 24, [2009] R.J.Q. 487 (décision infirmée en Cour d’appel seulement quant à l’ordonnance accordant des dommages-intérêts punitifs), par. 415.

[49]      Dans un arrêt récent portant sur le Code des droits de la personne, L.R.O. 1990, c. H.19, la Cour d’appel de l’Ontario a jugé qu’il était préférable d’utiliser les termes communément employés dans la jurisprudence en matière de discrimination, par exemple [TRADUCTION] « lien » et « facteur » : Peel Law Assn. c. Pieters, 2013 ONCA 396, 116 O.R. (3d) 80, par. 59. Selon cette dernière, l’emploi du qualificatif « causal » a pour effet de hausser les exigences de l’analyse au-delà de ce qui est nécessaire, puisque la jurisprudence en matière de droits de la personne s’attache aux effets discriminatoires des comportements plutôt qu’à l’existence d’une intention discriminatoire ou de causes directes : par. 60. Nous souscrivons au raisonnement de la Cour d’appel de l’Ontario à cet égard. Notre Cour a d’ailleurs utilisé le terme « facteur » dans un arrêt récent portant sur le code des droits de la personne de la Colombie-Britannique : Moore, par. 33.

[50]      Les termes « lien » ou « facteur » sont plus appropriés en matière de discrimination, d’autant plus que l’expression « lien causal » réfère à une notion précise en droit civil québécois. En effet, en matière de responsabilité civile, le demandeur doit établir, selon la prépondérance des probabilités, le « lien causal » entre la faute du défendeur et le préjudice qu’il subit : J.-C. Royer et S. Lavallée, La preuve civile (4e éd. 2008), par. 158. D’après la définition qu’en donnent les tribunaux québécois, ce « lien causal » exige que le dommage soit la conséquence logique, directe et immédiate de la faute. Suivant cette règle, la cause doit donc présenter un rapport « étroit » avec le préjudice subi par la victime : J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, La responsabilité civile (8e éd. 2014), par. 1-683.

[51]      Or, les actions en matière de discrimination fondées sur la Charte n’exigent pas un rapport étroit. Conclure autrement reviendrait à faire abstraction du fait que, comme les actes d’un défendeur peuvent s’expliquer par une multitude de raisons, la preuve d’un tel rapport pourrait imposer un fardeau trop exigeant au demandeur. Certaines de ces raisons peuvent bien sûr justifier les actes du défendeur, mais c’est à ce dernier qu’il appartient d’en faire la preuve. En conséquence, il n’est ni approprié ni juste d’utiliser l’expression « lien causal » en matière de discrimination.

[52]      En somme, relativement au deuxième élément constitutif de la discrimination prima facie, le demandeur a le fardeau de démontrer qu’il existe un lien entre un motif prohibé de discrimination et la distinction, l’exclusion ou la préférence dont il se plaint ou, en d’autres mots, que ce motif a été un facteur dans la distinction, l’exclusion ou la préférence. Rappelons enfin que, contrairement à l’énumération prévue à la Charte canadienne, la liste des motifs prohibés figurant à l’art. 10 de la Charte est exhaustive : Ville de Montréal, par. 69.

                                                                                                [je souligne]

[42]        Aussi, à supposer même que les plaignants aient été inscrits à la lettre d’entente parce qu’ils pouvaient se prévaloir des dispositions de la convention collective de 2002 et qu’ils ont choisi de ne pas le faire, on ne saurait ignorer qu’ils étaient tous âgés de 61 ans et plus. Or, au moment de la signature de la convention collective de 2006, les enseignants âgés entre 53 et 60 ans pouvaient aussi se prévaloir des dispositions de la convention collective de 2002 et ceux qui ne l’ont pas fait ne sont pourtant pas inscrits à la lettre d’entente. Bref, à y regarder de près, il semble bien qu’on puisse soutenir que l’identification des droits accordés à un employé au moment de sa retraite dépend, au moins partiellement, de son âge à la date de la signature de la convention collective de 2006.

[43]        C’est là, à mon avis, une prétention soutenable que le Tribunal, agissant à l’intérieur de son champ d’expertise, pouvait retenir, son raisonnement reposant à cet égard sur une analyse comparative serrée entre la convention collective de 2002 et celle de 2006 qui démontre qu’il s’agit de deux actes juridiques foncièrement différents. Dès lors, toujours selon le Tribunal, il faudrait s’en remettre uniquement au texte de la convention de 2006 pour déterminer le caractère discriminatoire ou non de l’article 7-6.04 en comparant le traitement réservé aux plaignants et celui accordé aux autres enseignants. On ne saurait, de plus, imputer aux plaignants qu’ils ont renoncé au nouveau régime inauguré dans la convention collective de 2006. Il importe, ici, de citer à nouveau le Tribunal[32] :

[143]    […] La convention collective de 2002 et la convention collective de 2006 sont des actes juridiques distincts, qui recevaient respectivement application à des périodes différentes. Pour déterminer le caractère discriminatoire ou non discriminatoire de l’article 7-6.04, il faut s’en remettre à ce que prévoit la convention collective de 2006. L’analyse de la discrimination en l’instance ne consiste pas à comparer le régime prévu aux deux conventions collectives. Elle exige plutôt une comparaison entre le traitement réservé aux plaignants et celui accordé aux autres employés par la convention collective de 2006.

[144]    En outre, la comparaison entre les deux conventions collectives présente peu d’utilité, étant donné que les dispositions concernant les bénéfices afférents à la retraite sont foncièrement différents de l’une de l’autre. À titre d’exemple de ces différences :

1) l’âge minimal auquel s'ouvre le droit à l'allocation de retraite n'est pas le même : 53 ans en 2002 et 55 ans en 2006;

2) l'âge maximal permettant d'obtenir une allocation de retraite est différent : 64 ans en 2002 et 69 ans en 2006;

3) la durée de l'emploi précédant la retraite est différente : au moins 15 ans de service en 2002 et aucune durée minimum de service en 2006;

4) le mode de calcul de l'allocation de retraite est différent : en 2002, il est calculé en fonction d'un pourcentage du traitement annuel de l'employé, selon son âge, alors qu'en 2006, il est calculé à raison d'un mois de traitement annuel par année de service.

[145]    Les parties à la convention collective de 2006 ont donc modifié entièrement les modalités d'encadrement de l'allocation de retraite des ingénieurs-professeurs et ont mis en place un nouveau système. Il s'agissait d'ailleurs d'un objectif déclaré de l'Université au cours des négociations, étant donné que les coûts du régime antérieur étaient jugés trop élevés. L'Université écrit ainsi, dans ses notes et autorités, que les défenderesses « ont convenu de transformer le régime antérieur visant le renouvellement du corps professoral en un régime visant la rétention du personnel ». De toute évidence, ces modifications substantielles ont entraîné une rupture par rapport à la situation juridique dans laquelle se trouvaient les employés en vertu de la convention collective de 2002, quant à leur droit à une allocation de retraite.

[146]    Dès lors, la continuité que les défenderesses cherchent à établir à l'égard des seuls plaignants, entre leur situation en vertu de la convention collective de 2002 et le traitement qui leur est réservé par la convention collective de 2006, perd son sens. L'argument soulevé par les défenderesses aurait pu avoir du mérite si la convention collective de 2006 avait intégralement reproduit les dispositions de celle de 2002 en ce qui a trait au droit à une allocation de retraite. Tel n'est pas le cas. En ne se prévalant pas des dispositions de la convention collective de 2002, les plaignants ne peuvent manifestement pas avoir renoncé au régime nouveau et distinct inauguré dans la convention collective de 2006.

[147]    En outre, la prétention des défenderesses voulant qu'elles ne souhaitaient pas faire renaître, dans la convention collective de 2006, un bénéfice auquel les plaignants avaient renoncé, n'est pas supportée par le texte des conventions collectives. Celle de 2006 ne faisait pas renaître des droits antérieurs. Fondée sur une approche renouvelée de la mise à la retraite des professeurs, elle créait des droits nouveaux, différents de ceux accordés par la convention collective précédente. Si les défenderesses avaient rendu applicable le premier alinéa de l'article 7-6.04 aux plaignants, ces derniers n'auraient pas, de ce fait, récupéré des droits déjà éteints par leur propre décision. Au contraire, ils auraient eu accès, comme tous leurs collègues, à un bénéfice qui ne leur avait jamais été consenti antérieurement.

[148]    L'un des aspects du régime contenu dans la convention collective de 2006 est plus particulièrement fatal à la prétention des défenderesses. Aux termes de la convention collective de 2002, la dernière tranche d'âge permettant de recevoir une allocation de retraite était fixée à 64 ans. En vertu du premier alinéa de l'article 7-6.04 de la convention collective de 2006, il était dorénavant possible pour un employé de recevoir une allocation de retraite s'il prenait sa retraite avant l'âge de 70 ans. Ce droit est donc nouveau. Le Tribunal ne voit pas comment les plaignants, qui étaient tous âgés de moins de 70 ans au moment de la signature de la convention collective de 2006, pourraient avoir renoncé d'avance à ce droit parce qu'ils ne se seraient pas prévalus de la disposition antérieure, qui n'accordait aucune allocation de retraite pour les employés prenant leur retraite entre l'âge de 65 et 70 ans.

[44]        À mon avis, le Tribunal a droit à la déférence. Son raisonnement, à n’en pas douter, est transparent et intelligible[33].

[45]        Ceci nous amène à la troisième condition requise par l’article 10 de la Charte québécoise pour conclure à l’existence prima facie de discrimination. Ayant déjà été à même de constater qu’il était raisonnable de conclure que l’article 7-6.04 de la convention collective de 2006 traite différemment les plaignants des autres enseignants et que ce traitement est fondé sur l’âge, il reste à déterminer s’il était également raisonnable pour le Tribunal de conclure que ce traitement constitue de la discrimination, un concept on ne peut plus flou que la Cour suprême a tenté tant bien que mal de baliser au fil des ans en reformulant régulièrement le cadre d’analyse applicable[34].

[46]        Le problème particulier qui se soulève en l’espèce réside dans cette affirmation de la juge de première instance qu’il ne serait désormais plus nécessaire pour un plaignant, à cette étape de l’analyse, de démontrer que le traitement discriminatoire dont il se dit victime perpétue des stéréotypes ou des préjugés, une condition jusque-là exigée par la jurisprudence[35]. Les motifs de la juge Abella, qui s’exprime pour la majorité dans l’arrêt A, seraient à cet effet[36].

[47]        Les propos de la juge de première instance méritent d’être corrigés si, dans son esprit, les questions de stéréotypes et de préjugés doivent être dorénavant évacuées de l’examen de l’effet discriminatoire d’une distinction. Je m’explique.

[48]        L’existence d’un cadre analytique capable de distinguer une situation discriminatoire d’une situation qui ne l’est pas est fondamentale car ce ne sont pas toutes les différences de traitement entre les individus qui produisent des situations d’inégalité. C’est la raison pour laquelle la Cour suprême, très tôt, a développé un cadre d’analyse où les questions de préjugés, de stéréotypes et de désavantages historiques sont prises en compte.

[49]        À mon avis, c’est toujours le cas. Ainsi que le rappelle la juge Abella dans l’arrêt A : « Les préjugés et l’application de stéréotypes sont deux des indices susceptibles d’être utiles pour répondre à cette question », soit celle de savoir si « La mesure contestée transgresse […] la norme d’égalité réelle consacrée par le par. 15 (1) de la Charte »[37]. Par contre, on ne saurait « exiger d’un demandeur qu’il prouve qu’une distinction perpétue une attitude négative à son endroit »[38].

[50]        Il faut donc retenir des propos de la juge Abella que la recherche de préjugés ou de stéréotypes est toujours pertinente[39], mais que, s’agissant seulement d’indices de discrimination, on ne peut pas obliger un plaignant à prouver qu’une distinction perpétue à son endroit une attitude imbue de préjugés ou de stéréotypes.

[51]        Si on revient aux motifs de la juge de première instance, on constate que cette dernière n’a pas commis d’erreur en écrivant que : « Les motifs de la juge Abella, auxquels une majorité des membres de la Cour ont souscrit, écartent dorénavant l’obligation de démontrer la perpétuation de stéréotypes ou de préjugés, ou encore une atteinte à la dignité, pour pouvoir conclure à l’existence d’une discrimination.»[40] D’un autre côté, force est d’admettre que son analyse après le passage précité de ses motifs apparaît quelque peu précipitée, et ce, dans un contexte où le motif de discrimination allégué est l’âge[41], un motif fréquent à propos duquel Madame la juge en chef McLachlin, pour la majorité, écrivait dans l’arrêt Gosselin, ce qui suit[42] :

331  […] Cependant, contrairement à la race, à la religion ou au sexe, l’âge n’est pas fortement associé à la discrimination et à la dénégation arbitraire de privilèges. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas de cas de discrimination fondée sur l’âge. Cependant, les distinctions fondées sur l’âge sont courantes et nécessaires pour maintenir l’ordre dans notre société. Elles n’évoquent pas automatiquement le contexte d’un désavantage préexistant qui donne à croire à l’existence d’une discrimination et d’une marginalisation selon ce premier facteur contextuel, comme pourraient le faire d’autres motifs énumérés ou analogues.

[je souligne]

[52]        Cette impression de précipitation est cependant vite dissipée si on revient en arrière et qu’on examine l’ensemble des motifs de la juge à la lumière de la jurisprudence la plus récente de la Cour suprême.

[53]        La juge Abella, toujours à l’occasion de l’arrêt A, et dans le but de préciser le cadre analytique capable de déceler une situation discriminatoire, insiste sur la présence d’un désavantage arbitraire comme preuve d’une telle situation[43] :

331      Les arrêts Kapp et Withler nous fournissent une analyse souple et contextuelle visant à déterminer si la distinction a pour effet de perpétuer un désavantage arbitraire à l’égard du demandeur, du fait de son appartenance à un groupe énuméré ou analogue. Comme l’indique clairement l’arrêt Withler, les facteurs contextuels varient dans chaque cas — il n’existe pas de "modèle rigide" :

Les facteurs contextuels particuliers pertinents dans l’analyse de l’égalité réelle à la deuxième étape [du critère de l’arrêt Andrews] varieront selon la nature de l’affaire. Un modèle rigide pourrait mener à un examen qui inclut des questions non pertinentes ou, à l’opposé, qui exclut des facteurs pertinents : Kapp. Des facteurs comme ceux établis dans l’arrêt Law — un désavantage préexistant, la correspondance avec les caractéristiques réelles, l’effet sur d’autres groupes et la nature du droit touché — peuvent être utiles. Toutefois, il n’est pas nécessaire de les examiner expressément dans tous les cas pour répondre complètement et correctement à la question de savoir si une distinction particulière est discriminatoire… [Italiques ajoutés; par. 66].

[54]        Je comprends des motifs de la juge Abella que c’est la preuve d’un désavantage arbitraire qui doit désormais servir de guide ultime pour conclure à la présence prima facie d’une situation discriminatoire, la perpétuation de stéréotypes ou de préjugés ne constituant qu’un indice pertinent aux fins de l’analyse. Le professeur Christian Brunelle, incidemment, donne la même portée aux propos de la juge Abella[44] :

[…] Certes, la personne qui allègue être victime de discrimination devra démontrer que la distinction dont elle est l’objet lui crée un préjudice ou un désavantage. Cette preuve pourrait sans doute être plus convaincante si la victime parvient à établir que ce désavantage résulte, par surcroît, d’un préjugé ou d’un stéréotype mais l’état du droit à ce propos reste encore à préciser. Si certaines décisions tendent ainsi à exiger la fine démonstration qu’un préjugé ou stéréotype négatif est à l’origine du désavantage susceptible de détruire ou de compromettre le droit à l’égalité de la Charte québécoise, un arrêt récent de la Cour suprême du Canada semble favoriser plutôt la dissociation entre désavantage, d’une part, et préjugé/stéréotype, d’autre part, de manière à ce que la seule preuve d’un désavantage - sans égard à son lien causal avec un préjugé ou un stéréotype - suffise pour conclure à l’existence d’une discrimination. Selon ce dernier point de vue, il faudrait alors conclure qu’il y a « preuve prima facie de discrimination » dès que la personne qui est l’objet d’une distinction « a démontré un préjudice et un lien avec un motif de discrimination prohibé ».

[55]        Or, une lecture le moindrement attentive de l’ensemble des motifs de la juge de première instance m’amène à conclure que c’est le désavantage arbitraire que l’article 7-6.04 occasionne aux plaignants qui a amené cette dernière à considérer que cette mesure était discriminatoire[45]. J’ai ici en tête que les plaignants sont totalement exclus du régime qui s’applique à leurs collègues plus jeunes, lesquels ont droit à un bénéfice pécuniaire sous forme d’allocation à la retraite, et ce, sans raison apparente une fois écarté l’argument d’équité envers les enseignants qui ont choisi de se prévaloir des avantages offerts par le régime de préretraite prévu à la clause 9.07 de la convention collective de 2002. Aussi, la juge de première instance pouvait raisonnablement conclure selon moi que c’est parce qu’il y a absence de preuve de tout fondement rationnel à l’article 7-6.04 et aussi parce que les appelantes ne se sont pas déchargées de leur fardeau de preuve que les enseignants mentionnés à la lettre d’entente ont été discriminés[46] .

[56]        À cela, j’ajouterai que la juge pouvait, subsidiairement, écrire « qu’une telle mesure est entièrement fondée sur des stéréotypes et des préjugés voulant que les individus perdent leur valeur professionnelle du seul fait qu’ils atteignent un certain âge, indépendamment de leurs capacités écrites »[47], la Cour suprême ayant elle-même déjà fait état de ce préjugé dans l’arrêt Gosselin où elle écrit que : « Les préoccupations quant à la discrimination fondée sur l’âge sont généralement liées à la discrimination contre des personnes d’âge avancé que l’on présume dépourvues de certaines aptitudes qu’elles possèdent en réalité »[48].

[57]        En conclusion, je suis d’avis que le Tribunal a droit, ici encore, à la déférence parce que le résultat auquel il en arrive appartient aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »[49].

La portée de la lettre d’entente du 4 mars 2011

[58]        J’ai mentionné au début des présents motifs que l’Université et l’Association, postérieurement au recours entrepris par la Commission au nom des plaignants, avaient conclu une entente, le 4 mars 2011, abrogeant rétroactivement l’article 7-6.04 et réactivant l’article 9.07 de la convention collective de 2002, cette dernière disposition devant être « considérée comme partie intégrante de la convention collective signée le 4 juillet 2006 pour valoir jusqu’au 31 décembre 2010 »[50]. Le but avoué de cette entente était de faire échec au recours intenté par la Commission devant le Tribunal, la preuve révélant même que l’Association avait vérifié avec l’Université que cette lettre d’entente n’aurait aucun impact financier sur les plaignants[51].

[59]        Saisi d’une requête en irrecevabilité présentée par l’Université, le Tribunal, sous la présidence de la juge Brosseau, a rejeté celle-ci[52].

[60]        L’Université ayant de nouveau fait valoir ce moyen d’irrecevabilité lors de l’audition au fond, la juge Pauzé l’a également rejeté, le qualifiant même de factice dans la mesure où le traitement discriminatoire dont les plaignants avaient été victimes était entièrement consommé. Voici comment le Tribunal s’est exprimé sur le sujet[53] :

[164]    Le procès-verbal de l'assemblée générale de l'Association tenue le 24 février 2011 mentionne d'ailleurs qu'un membre de l'exécutif de l'Association « avait vérifié avec l'Université que la lettre d'entente n'avait pas d'impact sur des membres de l'AIPSA ayant pris leur retraite entre 2006 et 2010 ».

[165]    L'utilité de la lettre d'entente du 4 mars 2011 était donc d'un autre ordre pour les défenderesses. Elle visait à retirer de la convention collective une disposition qui était en vigueur lors de la retraite des plaignants et qui les avait alors empêchés de bénéficier de l'allocation de retraite offerte aux autres employés. Étant donné que les plaignants avaient déjà fait valoir leurs droits à ce sujet auprès de la Commission et que cette dernière s'était déjà adressée au Tribunal, le seul effet recherché était de créer l'apparence que le problème de discrimination soulevé dans les procédures de la Commission avait disparu. Dans les faits, la discrimination qui avait entre-temps frappé les plaignants au moment de prendre leur retraite n'était aucunement corrigée.

[166]    L'abrogation rétroactive du droit accordé par le premier alinéa de l'article 7-6.04 est donc entièrement factice. L'Université et l'Association ne peuvent tout simplement pas prétendre, sur la base de la lettre d'entente du 4 mars 2011, que l'article 7-6.04 n'a jamais existé. Cette disposition a été en vigueur pendant plusieurs années et elle a produit des effets juridiques à l'égard des plaignants. Son abrogation ne change rien à cette situation. De plus, donner un caractère rétroactif à cette abrogation ne fait pas disparaître les conséquences que la disposition a déjà produites. Le Tribunal ne peut être dupe d'un tel artifice.

[167]    Il n'est pas surprenant que cette lettre d'entente ait été très mal reçue par les plaignants et que ces derniers aient considéré qu'ils se faisaient avoir pour une deuxième fois. Tant dans son objectif que dans ses effets, cette lettre d'entente constitue une contravention à la Charte et une tentative, de la part de l'Université et de l'Association, d'échapper aux conséquences de leur conduite discriminatoire.

[168]    Le Tribunal en vient donc à la conclusion que la lettre d'entente du 4 mars 2011 n'empêchait pas la Commission de faire valoir les droits des plaignants devant le Tribunal et qu'elle ne rend pas sa demande irrecevable.

[je souligne]

[61]        À mon avis, il était raisonnable que le Tribunal rejette la prétention de l’Université selon laquelle la lettre d’entente du 4 mars 2011 aurait fait disparaître le litige en abrogeant rétroactivement l’article 7-6.04. Les droits des plaignants ayant été cristallisés au moment de la signature de la convention collective de 2006, la lettre d’entente ne pouvait avoir cet effet, et ce, d’autant plus que les plaignants n’ont pu en tirer aucun bénéfice.

Les dommages

[62]        Le Tribunal, après avoir examiné la situation individuelle des plaignants, a condamné l’Université et l’Association à payer à chacun de ces derniers 5 000 $ à titre de dommages moraux. Le Tribunal souligne que les plaignants ont ressenti de la frustration, de la déception, de la rage, de la révolte ainsi qu’un sentiment de trahison lors de l’adoption de l’article 7-6.04 de la convention collective de 2006[54].

[63]        Les appelantes contestent l’octroi de ce montant. S’agissant cependant d’une matière hautement discrétionnaire où la déférence est de mise[55], ces dernières ne nous facilitent guère la tâche en ne produisant que des extraits choisis des témoignages des plaignants devant le Tribunal. Face à cette situation, je vois mal comment je pourrais être appelé à réviser l’ensemble des déterminations factuelles de la juge de première instance en rapport avec l’octroi de dommages moraux alors que toute la preuve présentée à cette dernière n’a pas été produite[56]. Ce moyen d’appel doit échouer.

[64]        Quant à l’octroi aux plaignants par le Tribunal de 2 000 $ à titre de dommages punitifs que l’Université conteste également, il y a lieu de préciser que la réclamation de la Commission à ce titre a été ajoutée à sa demande introductive d’instance à la suite de la lettre d’entente du 4 mars 2011. Or, de l’avis du Tribunal, c’est la signature de cette lettre d’entente qui la conforte avec l’idée que les appelantes avaient l’intention délibérée, voire malveillante, de nuire aux plaignants. Voici comment le Tribunal s’exprime sur le sujet[57] :

[227]    Les défenderesses ont une première fois, lors de la convention collective de 2006, exclu les plaignants du bénéfice accordé aux autres employés. Elles ont réitéré cette exclusion lors de la conclusion de la lettre d'entente du 4 mars 2011. Dans les deux cas, elles avaient connaissance des prétentions des plaignants quant au caractère discriminatoire de cette mesure. Elles ont agi sans se soucier des inquiétudes légitimes exprimées de diverses façons par les plaignants et d'autres employés. L'Association n'a pas même donné suite à la demande des plaignants d'obtenir une opinion juridique à propos de la validité de l'article 7-6.04 de la convention collective de 2006.

[228]    L'objectif avoué de la lettre d'entente du 4 mars 2011 était de priver les plaignants des droits qu'ils avaient déjà fait valoir au moyen de leur plainte auprès de la Commission et que cette dernière avait déjà mis en œuvre au moyen de sa demande introductive d'instance devant le Tribunal. Le procès-verbal de l'assemblée extraordinaire de l'Association qui a eu lieu le 24 février 2011 pour faire approuver cette lettre d'entente indique d'ailleurs que « dans le cas où l'AIPSA devrait [sic] contribuer au règlement financier de la plainte, la signature de la lettre d'entente devrait diminuer cette contribution ».

[229]    Les défenderesses considèrent qu'elles pouvaient ainsi, d'un trait de plume, réécrire le passé à leur avantage et changer les règles du jeu à l'égard des plaignants, qui avaient déjà tous pris leur retraite au moment de la signature de la lettre d'entente du 4 mars 2011. Il n'incombe pas au Tribunal de déterminer si les défenderesses avaient l'autorité et la capacité requises pour rendre rétroactivement applicable aux plaignants l'abrogation de l'article 7-6.04. Le Tribunal peut néanmoins constater que les défenderesses ont unilatéralement utilisé leur statut de parties contractantes à la convention collective pour tenter d'échapper à leur responsabilité envers les plaignants et faire échec à la compétence du Tribunal. Une telle démarche, que le Tribunal considère abusive à tous égards à l'endroit des plaignants, dénote certes une intention malveillante de la part des défenderesses.

[65]        À mon avis, le Tribunal pouvait raisonnablement conclure que la conduite de l’Université et de l’Association dénotait une intention de priver les plaignants de leurs droits. Cette conclusion ne comporte aucune erreur révisable.

Conclusion

[66]        Pour tous ces motifs, je suggère de confirmer le jugement de première instance et de rejeter les appels avec dépens.

 

 

 

JEAN BOUCHARD, J.C.A.

 



[1]     La Commission a initialement intenté son recours au nom de sept plaignants dont deux se sont désistés lors de la première journée d’audition devant le Tribunal. Ces cinq plaignants sont : Pierre F. Lemieux, Denis Proulx, Richard Thibault, Kenneth W. Neale et Gilles Jasmin.

[2]     Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Université de Sherbrooke, 2013 QCCTDP 15 (j. Pauzé).

[3]     RLRQ, c. C-12.

[4]     RLRQ, c. C-27.

[5]     Cette convention collective devait demeurer en vigueur du 26 mars 2002 au 31 mai 2005.

[6]     Charte des droits et libertés de la personne, supra, note 3, art. 74.

[7]     Ibid., art. 80.

[8]     Commission des droits de la personne et les droits de la jeunesse c. Université de Sherbrooke, 2012, QCCTDP 18, paragr.44 (j. Brosseau).

[9]     Supra, note 3.

[10]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Université de Sherbrooke, supra, note 2, paragr. 128.

[11]    Ibid., paragr. 141. Les articles 13 et 16 de la Charte sont ainsi libellés :

      13. Nul ne peut, dans un acte juridique, stipuler une clause comportant discrimination. Une telle clause est sans effet.

      16. Nul ne peut exercer de discrimination dans l’embauche, l’apprentissage, la durée de la période de probation, la formation professionnelle, la promotion, la mutation, le déplacement, la mise à pied, la suspension, le renvoi ou les conditions de travail d’une personne ainsi que dans l’établissement de catégories ou de classifications d’emploi.

[12]    Ibid., paragr. 151.

[13]    2013 1 R.C.S. 61, 2013 CSC 5, paragr. 327 et 330.

[14]    Commission des droits de la personne et de la jeunesse c. Université de Sherbrooke, supra, note 2, paragr. 155.

[15]    Ibid., paragr. 157 à 168.

[16]    Ibid., paragr. 198 à 231.

[17]    Québec (Commission des droits de la personne et de la jeunesse) c. Québec (Procureur général), [2004] 2 R.C.S. 185, 2004 CSC 39.

[18]    Montréal (Ville de) c. Audigé, 2013 QCCA 171.

[19]    Commission des droits de la personne et de la jeunesse c. Université de Sherbrooke, supra, note 2, paragr. 232 à 235.

[20]    Québec (Commission des droits de la personne et de la jeunesse) c. Québec (Procureur général), supra, note 17, paragr. 23-25.

[21]    Supra, note 4.

[22]    Montréal (Ville de) c. Audigé, supra, note 18.

[23] Ibid., paragr. [25].

[24]    Mouvement laïque québécois c. Saguenay (ville), 2015 CSC 16.

[25]    Ibid., paragr. 24 à 44. Voir également : Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Bombardier inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation) 2015 CSC 39, paragr. 70.

[26]    Ibid., 45 à 48.

[27]    Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, paragr. 47.

[28]    Supra, paragr. [19].

[29]    Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), supra, note 24, paragr. 63.

[30]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Université de Sherbrooke, supra, note 2, paragr. 137.

[31]    Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), supra, note 25, paragr. 47 à 52.

[32]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Université de Sherbrooke, supra, note 2, paragr.143 à 148.

[33]    Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), supra, note 24, paragr. 50.

[34]    Voir à cet égard la revue jurisprudentielle à laquelle le juge LeBel, au nom de quatre juges, s’est livré à l’occasion de l’arrêt Québec (Procureur général) c. A., supra, note 13, paragr. 142 à 186.

[35]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Université de Sherbrooke, supra, note 2, paragr. 151.

[36]    Québec (Procureur général) c. A., supra, note 13, paragr. 325 à 331.

[37]    Ibid., paragr. 325.

[38]    Ibid., paragr. 330. Voir également, au même effet, le paragr. 327 des motifs de la juge Abella.

[39]    Plus récemment, dans Première Nation de Kahkewistahaw c. Taypotat, 2015 CSC 30, paragr. 21, la juge Abella reprend cette idée lorsqu’elle écrit : « À la seconde étape de l’analyse, la preuve précise variera selon le contexte de la demande, mais "les éléments tendant à prouver qu’un demandeur a été historiquement désavantagé" seront pertinents.» [Withler, paragr. 38; Québec c. A., paragr. 327]. [Je souligne].

[40]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Université de Sherbrooke, supra, note 2, paragr. 151.

[41]    Une distinction, exclusion ou préférence contenue dans un régime d’avantages sociaux qui est fondée sur l’âge est réputée non discriminatoire lorsque son utilisation est légitime et que le motif qui la fonde constitue un facteur de détermination du risque, basé sur des données actuarielles. Voir l’article 20.1 de la Charte québécoise.

[42]    Gosselin c. Québec (procureur général) 202 CSC 84, [2002] 4 R.C.S. 429, paragr. 31.

[43]    Québec (Procureur général c. A., supra, note 13, paragr. 331. La juge Abella a repris récemment ce critère du désavantage arbitraire dans l’arrêt Taypotat, supra, note 39, paragr. 18 à 21. Voir également : Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, [2007] 1 R.C.S. 161, paragr. 48.

[44]    Christian Brunelle, "Les droits et libertés dans le contexte réel", dans Collection de droit 2014-2015, École du Barreau du Québec, vol. 7, Droit public et administratif, Cowansville, Yvon Blais, p. 75-76.

[45]    Kahkewistahaw c. Taypotat, supra, note 39, paragr. 20 et 21.

[46]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Université de Sherbrooke, supra, note 2, paragr. 154. Une fois établie les trois conditions requises pour conclure à une situation prima facie de discrimination, il incombe au défendeur de justifier sa décision ou sa conduite. S’il échoue, le Tribunal conclura alors à l’existence de discrimination. Voir Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Bombardier inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), supra, note 25, paragr. 3 et 36-37.

[47]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Université de Sherbrooke, supra, note 2, paragr. 155.

[48]    Gosselin c. Québec (Procureur général), supra, note 42, paragr. 32.

[49]    Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, supra, note 27, paragr. 47.

[50]    Extrait de la lettre d’entente du 4 mars 2011.

[51]    Procès-verbal de la suite de l’Assemblée générale extraordinaire de l’AIPSA (24 février 2011).

[52]    Supra, paragraphe [15].

[53]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Université de Sherbrooke, supra, note 2, paragr. 164 à 168.

[54]    Ibid., paragr. 193 à 220.

[55]    Hôpital général juif Sir Mortimer B. Davis c. Commission des droits de la personne et de la jeunesse, 2010 QCCA 172, paragr. 49.

[56]    Pateras c. M.B., [1986] R.D.J. 441 p. 443-444 (C.A.); Desrosiers (Succession de) c. Gagné, 2014 QCCA 2077, paragr. 2 et 3; 9125-8293 Québec inc. c. Firstonsite Restauration, I.p, 2014 QCCA 394, paragr. 3; Roger c. Mercier, 2012 QCCA 623, paragr. 6; Konarski v. Gornitsky, 2011 QCCA 1162, paragr. 4; U.D. c. H.G., 2009 QCCA 1676, paragr. 2-4; Clarke c. George, 2007 QCCA 410, paragr. 7.

[57]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Université de Sherbrooke, supra, note 2, paragr. 227 à 229.

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