Décision

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Décision

Timo c. 9093-3367 Québec inc.

2020 QCTAL 5220

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Laval

 

No dossier :

527619 36 20200702 T

No demande :

3057075

 

 

Date :

21 octobre 2020

Devant la juge administrative :

Lucie Sabourin

 

Alexandre Timo

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

9093-3367 Québec inc.

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locataire demande la rétractation de la décision rendue le 21 août 2020 par le Tribunal.

[2]      Par cette décision, le bail est résilié et le locataire est condamné à payer 3 919 $ et les frais.

[3]      Le locataire explique qu’il ne s’est pas présenté à l’audience, n’ayant pas reçu l’avis d’audition. Contre-interrogé, il ne peut expliquer pourquoi il ne l’a pas reçu.

[4]      Quant à ses moyens sommaires de défense, il invoque qu’il a ouvert un nouveau compte bancaire au début de l’année 2020 et que l’institution financière a commis une erreur dans la saisie des données relatives au transfert électronique pour le paiement de son loyer. Il produit un relevé bancaire.

[5]      Il précise que les sommes que la banque a transférées dans un mauvais compte lui seront retournées sous peu. De plus, il attend une confirmation de la banque quant à cette erreur.

Analyse et décision

[6]      L'article 89 de la Loi sur la Régie du logement[1] (la Loi), sur lequel se fonde la présente demande, prévoit qu'une partie peut demander la rétractation si une décision a été rendue contre elle alors qu’elle a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante.

[7]      Dans le cadre d'une demande de rétractation, le Tribunal doit déterminer si celle-ci est présentée dans le délai de 10 jours de la connaissance de la décision visée, ensuite, si les motifs sont fondés et enfin, lorsque le requérant est défendeur dans la demande originaire, si les moyens de défense sont sérieux. Ces trois conditions doivent exister en même temps, si une seule n'est pas rencontrée, la demande sera rejetée.


[8]      Les tribunaux ont déterminé, à maintes reprises, que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l'irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec[2]:

« Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle. »

[9]      Concernant le délai de 10 jours, le locataire le respecte ayant introduit sa demande de rétractation le 2 septembre 2020, soit une journée après la connaissance de la décision. Faute d'une preuve prépondérante au contraire, il n'a pas été établi que le locataire a introduit le présent recours en rétractation plus de 10 jours après avoir pris connaissance de la décision.

[10]   Par ailleurs, le locataire invoque qu’il était absent lors de l’audience tenue sur la demande originaire, car il n’a pas reçu l’avis d’audition.

[11]   Il y a lieu de préciser que le deuxième alinéa de l'article 16 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement[3] établit une présomption simple de la réception de l'avis d'audience à partir de l'attestation d'expédition. Il appartient donc au locataire, le cas échéant, de renverser cette présomption.

[12]   Ceci dit, il est possible qu'un envoi postal ne parvienne pas à destination et le simple fait que l'avis ne fut pas retourné au dossier, comme en l’instance, ne constitue pas une preuve irréfutable du fait qu'il a été reçu.

[13]   Après analyse de la preuve et des faits soumis, le Tribunal conclut que le témoignage du locataire est crédible et probant lorsqu'il affirme ne pas avoir reçu l'avis de convocation.

[14]   Par ailleurs, quant aux moyens de défense offerts, l’erreur d’un tiers apparaît plausible.

[15]   Le locateur prétend que la défense du locataire n’est pas démontrée par une lettre de la banque, le locataire ayant précisé qu’il est en attente d’une confirmation écrite.

[16]   Le Tribunal rappelle que son rôle, à cette étape du dossier, est quant aux moyens sommaires de défense soulevés de s'assurer qu'ils apparaissent sérieux à première vue[4]. À cet égard, la juge administrative Manon Talbot mentionne ce qui suit dans l'affaire Latinovic c. Compagnie immobilière Camanfin ltée[5] :

[30] Par ailleurs, à ce stade-ci des procédures, le Tribunal n'a pas à s'interroger sur le mérite ou la valeur des moyens de défense invoqués lors de l'audience ni à s'interroger sur la facilité avec laquelle le locataire pourra faire valoir ses prétentions.

[31] À moins d'une preuve claire et irréfutable que les moyens invoqués sont futiles ou dilatoires, le rôle du Tribunal se limite donc à s'assurer de l'existence d'un moyen de défense, ce qui a été fait en l'instance.

[17]   Aussi, dans les circonstances et malgré certaines incohérences, le Tribunal conclut qu'il est dans l'intérêt de la justice que la demande en rétractation soit accueillie.

[18]   Par conséquent, le Tribunal accorde la rétractation de la décision. Dans le présent cas, le principe de la stabilité des décisions doit céder le pas au droit du locataire d'être entendu.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[19]   ACCUEILLE la demande de rétractation;

[20]   RÉTRACTE la décision rendue le 21 août 2020;


[21]   DEMANDE au maître des rôles de convoquer à nouveau les parties pour enquête et audition au mérite de la demande originaire;

[22]   Le locataire assume les frais de sa demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Lucie Sabourin

 

Présence(s) :

le locataire

Janet Manengue, stagiaire en droit représentant le locataire

le mandataire du locateur

Amina Kebli, stagiaire en droit représentant le locateur

Date de l’audience :  

7 octobre 2020

 

 

 


 



[1] Le titre de la Loi sur la Régie du logement, RLRQ, chapitre R-8.1 est remplacé, depuis le 31 août 2020 par la Loi sur le Tribunal administratif du logement (référence alphanumérique à venir).

[2] Entreprises Roger Pilon inc. et al. c. Atlantis Real Estate Co., [1980] C.A. 218.

[3] Le titre de Règlement sur la procédure devant la Régie du logement, RLRQ, chapitre R-8.1, r. 5 est remplacé, depuis le 31 août 2020 par le Règlement sur le Tribunal administratif du logement (référence alphanumérique à venir).

[4] Le Groupe J.S.V. inc. c. Goal Capital inc., 2014 QCCA 398.

[5] 2017 QCRDL 13306.

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