Décision

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Décision

Habitations communautaires Socam 5 c. Ouvusu

2020 QCRDL 8465

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

485194 31 20191004 G

No demande :

2861934

 

 

Date :

09 mars 2020

Régisseure :

Rachel Tupula, juge administrative

 

Les Habitations Communautaires Socam 5

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Davy Ouvusu

 

Locataire - Partie défenderesse

D É C I S I O N

 

 

[1]      Par un recours introduit le 4 octobre 2019, le locateur demande une résiliation de bail, l’expulsion du locataire et de tous les occupants, l’exécution provisoire de la décision et le paiement des frais.

[2]      Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020 au loyer mensuel de 552 $. Le locataire demeure au logement concerné depuis juillet 2006.

[3]      Au soutien de sa demande, le locateur allègue le refus du locataire de collaborer avec les techniciens en extermination mandatés, en raison de la présence de blattes, coquerelles et punaises dans le logement concerné.

[4]      Le comportement du locataire lui cause un préjudice sérieux de même qu’à l’ensemble des autres locataires de l’immeuble. Chacune des exterminations exigées engendre des coûts exorbitants, et si le traitement ne peut se faire de façon appropriée, il y a un risque de contamination des logements adjacents.

[5]      Le locateur fait témoigner madame Mélissa Morin, exterminatrice pour la compagnie Amtech 2000. Elle est responsable du problème de coquerelles et de punaises dans l’immeuble du logement concerné. Un avis fut expédié par le locateur, à l’aide des services d’un huissier, afin d’avertir chacun des locataires de l’heure et de la date prévue de sa visite. Un protocole de préparation du logement auquel les locataires doivent se conformer est joint à cet avis.

[6]      Madame Morin témoigne s’être rendue trois fois au logement concerné : le 13 août 2019, le 19 septembre 2019 et le 25 octobre 2019. Lors de chacune de ses visites, elle fait le même constat. Le logement du locataire n’est pas adéquatement préparé afin de recevoir le traitement, ce qui dénote un manque de collaboration du locataire.

[7]      Lors du traitement du 13 août 2019, madame Morin doit attendre que le locataire désencombre avant de pouvoir commencer le traitement.


[8]      Lors de sa visite en septembre, c’est le concierge de l’immeuble qui doit préparer le logement du locataire.

[9]      Pour sa visite en octobre, madame Morin exhibe des photographies prises du logement concerné. Le Tribunal observe des objets se trouvant au sol de la cuisine, des armoires de cuisine sales et des taches de graisse apparaissant sur le mur adjacent au four. Pour madame Morin, si le logement demeure dans cet état, il est impossible de traiter efficacement le problème de punaises, de coquerelles et de blattes.

[10]   De son côté, le locataire explique être entièrement prêt à collaborer. Selon sa version des faits, son logement était prêt à recevoir le traitement nécessaire au mois d’août.

[11]   Lors de la visite de septembre, le locataire admet les faits. Cependant, il justifie la situation en expliquant avoir été hospitalisé pour une opération en raison d’un cancer au foie. Au retour de son hospitalisation, il trouve une feuille sous sa porte et constate le déplacement de l’ensemble de ses effets au salon. Il comprend avoir eu la visite de l’exterminatrice et va au bureau du locateur pour s’expliquer auprès d’une employée. Il dit être au courant des actions à venir du locateur, s’il ne collabore pas.

[12]   Pour la visite du mois d’octobre, il se souvient avoir vu madame Morin dans l’immeuble, mais prétend qu’elle n’a pas traité son logement. Il semble y avoir eu un défaut de coordination.

Analyse

[13]   Est-ce qu’il y a lieu de résilier le bail en raison du défaut du locataire de collaborer aux traitements pour éliminer les coquerelles et les punaises de son logement ?

[14]   Le recours de la locatrice est fondé sur l’article 1863 du Code civil du Québec pour non-respect des obligations du locataire. Pour obtenir la résiliation de bail, la preuve d’un préjudice sérieux doit être démontrée de manière prépondérante.

[15]   Les dispositions du Code civil du Québec relatives aux obligations du locataire dans la présente situation sont les suivantes :

« 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d’user du bien avec prudence et diligence. »

« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.

Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci. »

Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail.

« 1911. Le locateur est tenu de délivrer le logement en bon état de propreté ; le locataire est, pour sa part, tenu de maintenir le logement dans le même état.

Lorsque le locateur effectue des travaux au logement, il doit remettre celui-ci en bon état de propreté. »

« 1912. Donnent lieu aux mêmes recours qu’un manquement à une obligation du bail :

1° Tout manquement du locateur ou du locataire à une obligation imposée par la loi relativement à la sécurité ou à la salubrité d’un logement ;

2° Tout manquement du locateur aux exigences minimales fixées par la loi, relativement à l’entretien, à l’habitabilité, à la sécurité et à la salubrité d’un immeuble comportant un logement. »

[16]   Après analyse, le Tribunal conclut que le locataire fait défaut de se conformer à ses obligations légales en négligeant de suivre l’ensemble des directives prévues dans le protocole donné par la compagnie d’extermination. Le respect de ces indications est pourtant intimement lié à l’efficacité du traitement contre les punaises et les coquerelles.


[17]   Le locataire corrobore recevoir effectivement un avis du locateur, mais ne pas aller plus loin dans ses lectures. Dans un premier temps, il dit recevoir les directives en français alors qu’il est anglophone, et dans un deuxième temps, il dit qu’une fois avisé de la date et de l’heure de la visite, il n’a pas besoin d’en savoir davantage. Ainsi, le locataire sous-estime l’importance de la correspondance transmise.

[18]   Pour la visite du mois d’août, les versions à propos de la préparation du logement sont contradictoires. En l’absence d’autres éléments tels des photographies, il est difficile sur la base unique de deux témoignages de déterminer si le logement était préparé ou non.

[19]   Pour la visite du mois d’octobre, même si les versions sont contradictoires sur la présence ou non de madame Morin au logement du locataire, les photographies prises par cette dernière démontrent sa présence et sont sans équivoque sur la non-préparation du logement. 

[20]   Cependant, les explications du locataire relativement à la visite de l’exterminatrice au mois de septembre convainquent le Tribunal d’accorder une dernière chance pour lui éviter l’éviction de son logement qu’il habite depuis maintenant près de 14 ans. En conséquence, le Tribunal émettra une ordonnance, vu le préjudice sérieux subi par le locateur, par cette absence récurrente de préparation du logement. Le Tribunal croit sincère le locataire se disant entièrement prêt à faire tout son possible pour que son logement soit considéré préparé à recevoir le traitement de la compagnie d’extermination.

[21]   L’article 1973 C.c.Q énonce :

« 1973. Lorsque l’une ou l’autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l’accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d’exécuter ses obligations dans le délai qu’il détermine, à moins qu’il ne s’agisse d’un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.

Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. » (Nos soulignements)

[22]   Ainsi, le Tribunal ordonne au locataire de se conformer entièrement au protocole qui lui sera remis par la compagnie d’extermination afin de permettre le traitement efficace de son logement et de collaborer entièrement avec cette dernière.

[23]   Le Tribunal ordonne également au locataire de s’adresser à toute personne-ressource de son entourage ou à toutes ressources communautaires à sa disposition dans son quartier pour faire part de son besoin d’aide afin de respecter les objectifs des traitements d’extermination, y compris la préparation adéquate des lieux si tel est son besoin.

[24]   Le Tribunal souligne l’importance de prendre conscience que la collaboration de chacun peut faire une différence significative dans l’éradication de ces insectes dans un immeuble à logements. Il ne faut pas prendre à la légère la nécessité d’une préparation adéquate du logement pour permettre la bonne marche d’une extermination.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[25]   ORDONNE au locataire de se conformer entièrement au protocole qui lui sera remis en anglais par le locateur ou son mandataire afin de permettre le traitement de son logement ;

[26]   ORDONNE au locataire d’aller se chercher de l’aide si besoin il y a;

Pour ce faire :

[27]   ORDONNE au locataire de permettre l’accès à son logement en vue de traitements ou d’inspections;


[28]   ORDONNE au locataire de respecter les dates fixées pour traiter ou vérifier son logement après engagement de sa part ;

[29]   ORDONNE au locataire de voir à la préparation complète de son logement aux fins de traitement d’extermination, selon les spécifications données par les représentants du locateur et/ou les représentants de l’exterminateur;

[30]   CONDAMNE le locataire à payer à la locatrice les frais judiciaires de 76 $;

[31]   REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Rachel Tupula

 

Présence(s) :

les mandataires du locateur

le locataire

Date de l’audience :  

14 février 2020

 

 

 


 

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