[1] L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 31 octobre 2013 par la Cour supérieure, district de Laval (l’honorable Pierre Nollet), aux fins de faire passer de 97 091,02 $ à 442 106,71 $, avec les taxes applicables, les intérêts et l’indemnité additionnelle, le montant de la condamnation prononcée contre l’intimée.
[2] Pour les motifs du juge Pelletier, auxquels souscrivent les juges Doyon et Marcotte, LA COUR :
[3] REJETTE l’appel avec dépens.
|
|
MOTIFS DU JUGE PELLETIER |
|
|
[4] Le litige concerne des modifications apportées à un marché à forfait conclu entre Consortium, en sa qualité d’entrepreneur, et Commission scolaire de Laval [CSL], en celle de donneur d’ouvrage.
[5] Par son pourvoi, Consortium demande à notre cour de hausser la condamnation prononcée en sa faveur pour la faire passer de 97 091,02 $ à 442 106,71 $, avec en plus les taxes applicables, les intérêts et l’indemnité additionnelle. L’augmentation réclamée en appel porte, d’une part, sur des coûts indirects de prolongation de chantier (305 885,63 $) et, d’autre part, sur les frais impayés pour la location d’une génératrice (39 130,06 $)
[6] Voici maintenant, réduits aux seuls éléments essentiels, les faits pertinents au débat concernant le premier volet de l’appel, en l’occurrence, les modifications à l’origine de la réclamation s’élevant en capital à 305 885,63 $.
[7] Pour tous les ordres de changement pertinents à ce débat, le processus suivi par les parties est le même. L’architecte responsable du projet, madame Danielle Bisson, transmet à Consortium des directives de changement précisant les travaux à réaliser. Après analyse, Consortium y répond par des demandes de changement en application de l’article 44 du contrat. Sur chacune d’elles, elle inscrit systématiquement une mention indiquant que son prix global n’inclut pas les frais d’impact engendrés par cette modification et les frais relatifs aux délais, lesquels devant, à son avis, être traités séparément et ultérieurement.
[8] En recevant cette demande de changement, madame Bisson raye la mention ajoutée par Consortium et précise que ces frais sont déjà inclus dans le contrat.
[9] Madame Bisson et les représentants de Consortium négocient par la suite un prix et fixent le nouveau délai pour l’échéance des travaux. Cette étape franchie, CSL, sur recommandation de madame Bisson, prépare l’ordre de changement dont traite l’article 45 du contrat.
[10] Lorsqu’il le reçoit, le chargé de projet de Consortium inscrit sur l’ordre de changement une mention analogue à celle figurant sur les demandes de changement et le retourne à madame Bisson. Cette dernière raye une fois de plus la mention et ajoute : non recevable, tous frais inclus.
[11] Dans chaque cas, Consortium et CSL s’entendent sur le prix des travaux requis par les ordres de changement, à l’exception des frais auxquels renvoie la mention rédigée par le représentant de Consortium. Il s’agit là de la principale pomme de discorde qui conduit les parties devant la Cour supérieure.
[12] Le juge de première instance retient que les ordres de changement ont nécessité 102,5 jours de prolongation du chantier et que leur cause est attribuable à CSL. Il rejette toutefois la réclamation en invoquant les motifs suivants :
[63] La réclamation de Consortium à l’égard des 102.5 jours doit donc être traitée comme l’a fait la Cour d’appel dans l’affaire Tanaka.
[64] Les coûts réclamés sont, de l’avis du Tribunal, couverts par le montant négocié.
[65] Les diverses prolongations ont pratiquement doublé la durée du contrat sans pour autant en doubler la valeur. Le Tribunal ne doute pas que les coûts de maintien de chantier réellement encourus aient pu excéder le pourcentage prévu au contrat. Il n’en demeure pas moins qu’il appartenait à Consortium de convenir de ces coûts indirects dès qu’elle soumettait un prix pour réaliser les avis de changement.
[66] À défaut d’entente, CSL pouvait ordonner l’exécution des travaux et Consortium donner un avis suivant l’article 56 des conditions générales du contrat. Consortium demande d’ailleurs au Tribunal de considérer que les réserves faites sur les directives de changement constituent un tel avis. Or, l’ordre de changement émis ne l’est pas à défaut d’entente, mais bien comme suite à des ententes.
[67] Même en acceptant que la réserve faite sur l’ordre de changement équivaille aux circonstances prévues à l’article 56, l’article 46 du contrat doit aussi recevoir application. Il s’agit alors de déterminer si les coûts réclamés sont compris dans la majoration de 16 % ou s’il faut plutôt les inclure dans le coût de la main-d’œuvre et du matériel.
[68] De l’avis du Tribunal, le coût de la main-d’œuvre et du matériel prévus à l’article 46 vise en premier lieu les coûts encourus par Consortium pour effectuer l’ordre de changement.
[69] En sus des coûts directs, les parties ont convenu que ces coûts seraient augmentés d’une somme forfaitaire de 16 % lorsque les travaux sont effectués par Consortium ou de 8 % lorsqu’ils sont effectués par un sous-traitant. Ce pourcentage, tel que l’article le dit, inclut les frais généraux et l’administration. Ainsi, en application du contrat, Consortium ne peut réclamer plus de 16 % pour ses coûts indirects. Or, de l’avis du Tribunal, les coûts réclamés sont des coûts indirects.
[70] Ainsi, peu importe l’angle sous lequel le Tribunal examine la situation, les coûts réclamés ne sont pas admissibles à la réclamation.
[Renvois omis]
Analyse
[13] Pour des motifs légèrement différents de ceux exposés par le juge de première instance, j’estime que le dispositif retenu doit être confirmé et l’appel rejeté.
[14] L’article 2109 du Code civil dispose que :
2109. Lorsque le contrat est à forfait, le client doit payer le prix convenu et il ne peut prétendre à une diminution du prix en faisant valoir que l'ouvrage ou le service a exigé moins de travail ou a coûté moins cher qu'il n'avait été prévu.
Pareillement, l'entrepreneur ou le prestataire de services ne peut prétendre à une augmentation du prix pour un motif contraire.
Le prix forfaitaire reste le même, bien que des modifications aient été apportées aux conditions d'exécution initialement prévues, à moins que les parties n'en aient convenu autrement.
|
2109. Where the price is fixed by the contract, the client shall pay the price agreed, and may not claim a reduction of the price on the ground that the work or service required less effort or cost less than had been foreseen.
Similarly, the contractor or the provider of services may not claim an increase of the price for the opposite reason.
Unless otherwise agreed by the parties, the price fixed by the contract remains unchanged notwithstanding any modification of the original terms and conditions of performance.
|
[15] Dans le cas à l'étude, le contrat liant les parties encadre de façon rigoureuse les modifications qui peuvent être apportées au marché. Voici notamment ce que prévoient les articles 44, 45, 46 et 56 :
44. DEMANDE DE CHANGEMENT
L’ordre de changement doit être précédé d’une demande de changement dûment approuvée par le Donneur d’ouvrage. Le prix soumis par l’Entrepreneur suite à la demande de changement est valide pour 45 jours.
Aucun changement ne peut être demandé après la réception provisoire des travaux.
45. ORDRE DE CHANGEMENT
Le Donneur d’ouvrage peut, avec le concours du responsable des travaux, sans entacher le contrat de nullité, apporter des changements aux travaux. Le prix du contrat et le délai d’exécution sont alors révisés en conséquence.
Sous réserve de l’article 46, aucun changement ne doit être apporté sans un ordre de changement émis et recommandé par le responsable des travaux et approuvé par le Donneur d’ouvrage. Un ordre de changement doit être conforme au Code de construction.
46. ÉVALUATION DES CHANGEMENTS AUX TRAVAUX
La valeur de tout changement est déterminée suivant l’estimation, la négociation et l’acceptation d’une somme forfaitaire.
Lorsque la nature du changement aux travaux ne permet pas d’en faire une estimation forfaitaire, la valeur du changement aux travaux est déterminée selon les prix unitaires mentionnés au contrat où convenu [sic] par la suite.
Lorsque la nature du changement aux travaux ne permet pas d’en faire une estimation forfaitaire ou par prix unitaires, la valeur du changement aux travaux est déterminée selon la méthode suivante :
A) Le coût de la main-d’œuvre, du matériel et de l’équipement est majoré selon certaines proportions, à savoir :
a) relativement à l’Entrepreneur : une proportion de seize pour cent (16 %) incluant les frais généraux, administration et profits sur les travaux exécutés par l’Entrepreneur ou une proportion de huit pour cent (8 %) incluant les frais généraux, administration et profits sur les travaux exécutés par les sous-traitants;
b) relativement aux sous-traitants : une proportion de seize pour cent (16 %) incluant les frais généraux, administration et profits sur les travaux exécutés par ceux-ci.
B) Le coût de la main-d’œuvre correspond à tous les frais, charges et taux de salaires imposés par le décret de la construction en vigueur, majorés des bénéfices statutaires.
C) Le coût du matériel et de l’équipement correspond au plus bas prix consenti à l’Entrepreneur et aux sous-traitants.
56. RÈGLEMENTS DE DIFFÉRENDS
S’il survient un différend relatif à l’interprétation des documents contractuels ou au principe d’évaluation prévu aux articles 5 et 46, l’Entrepreneur peut donner au Donneur d’ouvrage avis écrit d’un tel différend.
Dans les 30 jours qui suivent la réception de cet avis, le Donneur d’ouvrage peut faire une offre et demander qu’une réponse quant à l'acceptation ou au refus de ladite offre lui soit transmise dans les 10 jours.
La continuation des travaux par l’Entrepreneur, en cas de différend, ne constitue pas une renonciation à ses droits et à ses recours. Dans le cas de frais encourus en sus du contrat correctement compris et interprété, suite à une décision ou interprétation du responsable des travaux ou du Donneur d’ouvrage, la rémunération est fixée selon les modalités établies à l’article 46.
[16] Au soutien de son appel, Consortium propose l’examen des questions suivantes :
a) Est-ce que le juge a commis une erreur en droit en concluant qu’il y avait une entente complète entre les parties sur les ordres de changement pour les frais de prolongation de chantier, en faisant abstraction des réserves inscrites sur la demande de changement et les ordres de changement par l’appelante?
b) Est-ce que le juge de première instance a mal interprété l’article 46 des Conditions générales du contrat P-2 en concluant que les frais de prolongation étaient inclus aux ordres de changement?
c) Est-ce que le juge de première instance s’est trompé quant à l’évaluation du montant à être accordé en lien avec la demande de changement #097 concernant la génératrice?
[17] J’analyserai ces moyens dans l’ordre proposé par Consortium.
[18] Consortium avance qu’elle a réservé ses droits quant aux frais généraux de chantier par l’inscription sur les ordres de changement de la mention :
Les frais d’impact engendrés par cette modification et les frais relatifs aux délais ne sont pas inclus à la présente. Ces frais seront traités séparément et ultérieurement.
[19] On le voit, cette mention renvoie aux frais d’impact, d’une part, et aux frais relatifs au délai, d’autre part. Consortium concède cependant qu’il y a confusion dans le langage, tout au moins quant à l’usage des termes frais d’impact. Elle précise d’ailleurs dans son mémoire ne pas réclamer de tels frais, mais reproche au juge d’avoir commis une erreur en traitant sa réclamation comme en étant une de cette nature. Voici comment elle s’exprime :
80. Les coûts indirects se subdivisent eux-mêmes en deux grandes catégories, soit les coûts d’impact et les frais de prolongation de chantier.
81. Les coûts d’impact sont des postes de réclamation généralement liés à la perte de productivité, aux frais d’accélération des travaux, aux frais liés à des conditions hivernales, etc.
82. Alors que les frais de prolongation de chantier sont constitués des frais communément appelés frais de conditions générales de chantier, incluant ceux du siège social.
83. Ils constituent des frais fixes quotidiens pour l’entrepreneur pour le maintien du chantier.
84. Si le chantier se prolonge, ces frais augmentent nécessairement.
85. Ainsi, il y a une distinction entre des coûts d’impact et des frais de prolongation.
86. Le juge de première instance a omis de faire cette distinction.
87. Il a qualifié les frais réclamés par l’appelante de coûts d’impact, alors que ce sont des frais de prolongation de chantier.
88. Or, l’appelante ne réclamait aucun coût d’impact, soit une perte de productivité, coûts additionnels de chauffage, etc.
89. Ce faisant, il a commis une erreur de droit qui l’a mené au rejet des frais de prolongation réclamés par l’appelante.
[Renvois omis]
[20] Soit dit en passant, il est assez singulier que Consortium reproche au juge une confusion dont l’origine lui est en réalité attribuable. J’ouvre ici une parenthèse pour traiter de cette confusion qui, je le souligne d’entrée de jeu, n’emporte selon moi aucune conséquence sur le dispositif.
[21] L’analyse de la réclamation fait voir que Consortium ne recherche pas le remboursement de coûts d’impact suivant l’acception généralement reconnue par les juristes spécialisés en la matière. L’exemple sans doute le plus représentatif de la nature de tels coûts est celui de frais additionnels engagés par suite de la prolongation imprévue de travaux extérieurs pendant la période hivernale. Un récent arrêt de notre cour[1] se réfère à la description qu’en donnent Mes Gosselin et Cimon[2] :
L'expression « coûts d'impact » s'emploie pour désigner des coûts supplémentaires que l'on ne peut associer exclusivement à un changement donné. S.G. Revay définit les coûts d'impact en indiquant qu'il ne s'agit pas du coût particularisé d'un changement mais plutôt des répercussions en terme de coût additionnel que ce changement peut avoir sur le reste du projet.
Généralement, les coûts d'impact se mesurent en termes de perte de productivité. Le calcul de cette perte de productivité est souvent complexe et requiert l'intervention d'un expert dans ce domaine. L'entrepreneur doit également se décharger de son fardeau d'établir la causalité directe et immédiate entre les coûts d'impact qu'il réclame et l'entrave du propriétaire.
[22] Ce n’est pas de ce genre de frais qu’il s’agit dans le premier volet du cas à l’étude. Ici, Consortium réclame des coûts indirects reliés aux frais généraux de chantier. Ce vocable, précise-t-elle, inclurait des frais de siège social, ce qui, au passage, ne me semble pas correspondre aux distinctions proposées en doctrine[3].
[23] Les frais généraux de chantier sont des frais fixes engagés par l’entrepreneur tout au long de l’exécution des travaux afin de maintenir le chantier opérationnel. Ils ne varient pas selon le type de travail effectué[4] :
Les coûts indirects correspondant aux frais fixes qui sont engagés par l’entrepreneur pour l’exécution du projet dans son ensemble et dont le niveau ne varie pas en fonction du travail effectué. Selon l’ouvrage intitulé La construction au Québec : perspectives juridiques, ces frais incluent les frais d’administration du chantier, les frais de cautionnement, de financement, de surveillance des lieux, d’entreposage, de maintien et d’entretien d’installations temporaires, d’approvisionnement en eau et en électricité, d’ingénierie et de services techniques ainsi que de mobilisation et de démobilisation de chantier. On les appelle aussi « frais généraux de chantier ».
[24] Quant aux frais de siège social, ce sont des frais fixes engagés pour administrer et exploiter l’entreprise dans son ensemble. Il s’agit de frais que l’entrepreneur ne peut rattacher exclusivement à un chantier[5] :
Les frais généraux sont constitués des frais fixes engagés par l’entrepreneur aux fins d’exploiter l’ensemble de son entreprise. Il s’agit donc des activités reliées au siège social de l’entreprise tels la comptabilité, les achats et l’administration, la publicité et le marketing, etc., qui ne peuvent être associées à un chantier en particulier.
[25] Ces distinctions faites, Consortium dit réclamer des frais généraux de chantier, ce qui semble bien le cas lorsqu’on examine la facture des paragraphes 25 et 26 de sa requête introductive d’instance amendée :
25. Ainsi, pour compenser ces 102.5 jours de prolongation de chantier, la demanderesse établit ses frais journaliers justes et raisonnables en divisant le montant total des Conditions générales ainsi que de l’administration par le nombre de jours ouvrables initialement prévus au contrat :
Coûts journaliers = (226 000 $ + 147 031 $) ÷ 125 jours = 2 984,25 $/jour;
26. Ces frais comprennent :
a) Surintendant;
b) Frais d’utilisation du camion;
c) Adjoint au surintendant;
d) Menuisier pour sécurité;
e) Chargé de projet;
f) Frais d’utilisation du véhicule;
g) Adjointe au chargé de projet;
h) Commissionnaire;
i) Adjoint technique;
j) Papeterie, équipement de bureau, télécopieur, alarme, ameublement, entrepôt de chantier, équipement et outils, équipement de levage, conteneurs à déchets, chute à déchets, échafaudages et/ou escaliers temporaires, toilettes temporaires, pharmacie et trousse de premiers soins, protection incendie, frais de communication, frais d’électricité, eau temporaire, nettoyage et entretien de chantier, lignes et niveaux ainsi que leur maintien, clôtures temporaires, assurances chantier et civile ainsi que les cautionnements, contrôle de la circulation, entretien des zones de chantier et des accès, chauffage temporaire, équipement de protection individuelle des travailleurs, mesures générales de sécurité, frais de financement, locaux pour employés, entretien du temporaire électrique, etc.;
k) Directeur de projets;
[26] Il convient maintenant de revenir à un examen plus approfondi du grief formulé par Consortium dans le cadre de son premier moyen d’appel. Elle plaide que le juge se serait mépris en concluant qu’il y avait une entente complète entre les parties concernant les ordres de changement. À mon avis, ce n’est pas exactement ce que le juge a déterminé; il a plutôt tiré la conclusion que ces frais étaient couverts en raison de la facture du contrat à forfait original :
[65] Les diverses prolongations ont pratiquement doublé la durée du contrat sans pour autant en doubler la valeur. Le Tribunal ne doute pas que les coûts de maintien de chantier réellement encourus aient pu excéder le pourcentage prévu au contrat. Il n’en demeure pas moins qu’il appartenait à Consortium de convenir de ces coûts indirects dès qu’elle soumettait un prix pour réaliser les avis de changement.
[Soulignement ajouté]
[27] J’estime que la façon dont Consortium présente son premier moyen dénature un tant soit peu les données fondamentales du problème à résoudre. La réponse à la question telle qu’elle la pose coule de source. En effet, s’iI saute aux yeux que les parties se sont entendues sur la nature des travaux à effectuer et sur leur prix, il est tout aussi clair qu’il n’y a pas eu accord explicite concernant les coûts indirects. Consortium entendait les négocier ultérieurement, alors que, pour sa part, CSL soutenait la thèse de leur inclusion automatique dans le prix convenu.
[28] Il faut poursuivre la réflexion plus loin. En toute connaissance de cause et malgré l’impasse, les parties ont continué l’exécution du contrat. Il s’ensuit que la véritable question consiste à déterminer si, compte tenu du différend entre les parties, Consortium a le droit de réclamer ces coûts indirects à la fin du contrat.
[29] Je conclus donc que le premier moyen proposé par Consortium ne permet pas de trancher le litige. Il sert toutefois à introduire le second dont l’analyse, elle, conduit à des réponses concluantes.
[30] Selon Consortium, le juge a commis une erreur en faisant abstraction des réserves inscrites par elle sur les ordres de changement. En somme, faute d’entente complète sur le prix définitif, les réserves dont il s’agit auraient suffi à préserver son droit de réclamer ultérieurement les frais généraux de chantier reliés à l’exécution des travaux additionnels découlant des ordres de changement. Elle développe son argumentation en s’appuyant sur le texte du sous-paragraphe A) a) du troisième alinéa de l’article 46 qui, selon elle, doit s’interpréter comme n’incluant pas les frais de prolongation de chantier.
[31] Je ne puis me rallier à cette thèse.
[32] Dans Développement Tanaka inc. c. Corporation d'hébergement du Québec[6], la Cour a rappelé ce qui suit :
30 Ainsi, hors les cas prévus dans les documents contractuels, le prix du contrat est immuable. De surcroît, les parties doivent respecter rigoureusement la procédure conduisant à une modification du prix. La Cour a rappelé cette règle fondamentale dans l'arrêt Société de Cogénération de St-Félicien, Société en commandite c. Industries Falmec inc. :
La jurisprudence et la doctrine reconnaissent le caractère impératif de la procédure qui oblige l'entrepreneur à respecter à la lettre les formalités prévues à l'entente pour pouvoir soumettre une réclamation pour les extras.
[Renvoi omis]
[33] La règle cardinale en matière de contrat à forfait est donc celle de l’immuabilité des obligations respectives des parties, sous réserve de l’application stricte des clauses permettant les modifications aux travaux et au prix. Or, à mon avis, Consortium a négligé cet aspect crucial du marché, ce qui emporte, pour elle, des conséquences funestes. Voici plus précisément de quoi il retourne.
[34] En l’espèce, on le sait, aucun changement ne peut être apporté sans un ordre de changement, lequel doit lui-même être précédé d’une demande de changement. Or, que l’initiative du changement relève du donneur d’ouvrage ou de l’entrepreneur, la demande, elle, relève toujours de l’entrepreneur, puisque, dans tous les cas, il a l’obligation de proposer un prix :
44. DEMANDE DE CHANGEMENT
L’ordre de changement doit être précédé d’une demande de changement dûment approuvée par le Donneur d’ouvrage. Le prix soumis par l’Entrepreneur suite à la demande de changement est valide pour 45 jours.
[…]
[Soulignement ajouté]
[35] La clause du contrat à l’étude traitant des modifications aux travaux et au prix prescrit une règle fondamentale : les changements aux travaux doivent, tout comme le contrat original, faire l’objet d’un marché à forfait :
46. ÉVALUATION DES CHANGEMENTS AUX TRAVAUX
La valeur de tout changement est déterminée suivant l’estimation, la négociation et l’acceptation d’une somme forfaitaire.
[…]
[Soulignement ajouté]
[36] L’entente conclue entre Consortium et CSL met donc fermement l’accent sur l’acceptation d’une somme forfaitaire, ce qui implique la fixation d’un prix invariable découlant des changements devant être apportés. Il est clair que les parties, et plus particulièrement CSL, tiennent à éviter dans toute la mesure du possible les désagréables surprises découlant des dépassements de coûts. Voilà qui n’a rien d’étonnant, s’agissant ici de l’un des principes fondamentaux à l’origine du choix d’un marché à forfait.
[37] Dans la foulée de la règle de base établie par le premier alinéa de cet article 46, le second alinéa prescrit pour sa part que les parties ne peuvent avoir recours à une solution de rechange que [l]orsque la nature du changement aux travaux ne permet pas d’en faire une estimation forfaitaire :
Lorsque la nature du changement aux travaux ne permet pas d’en faire une estimation forfaitaire, la valeur du changement aux travaux est déterminée selon les prix unitaires mentionnés au contrat où convenu [sic] par la suite.
[Soulignement ajouté]
[38] Enfin, lorsqu’il n’est pas possible d’avoir recours à la solution de rechange de la détermination du prix en fonction des prix unitaires, l’ultime solution réside dans une méthode de détermination tributaire du coût de la main-d’œuvre, du matériel et de l’équipement. C’est ce que prévoit le troisième alinéa de l’article 46, celui qui, soit dit en passant, comporte les sous-paragraphes sur lesquels s’appuie Consortium pour soutenir sa thèse :
Lorsque la nature du changement aux travaux ne permet pas d’en faire une estimation forfaitaire ou par prix unitaires, la valeur du changement aux travaux est déterminée selon la méthode suivante :
A) Le coût de la main-d’œuvre, du matériel et de l’équipement est majoré selon certaines proportions, à savoir :
a. relativement à l’Entrepreneur : une proportion de seize pour cent (16 %) incluant les frais généraux, administration et profits sur les travaux exécutés par l’Entrepreneur ou une proportion de huit pour cent (8 %) incluant les frais généraux, administration et profits sur les travaux exécutés par les sous-traitants;
b. relativement aux sous-traitants : une proportion de seize pour cent (16 %) incluant les frais généraux, administration et profits sur les travaux exécutés par ceux-ci.
B) Le coût de la main-d’œuvre correspond à tous les frais, charges et taux de salaires imposés par le décret de la construction en vigueur, majorés des bénéfices statutaires.
C) Le coût du matériel et de l’équipement correspond au plus bas prix consenti à l’Entrepreneur et aux sous-traitants
[39] Il me faut souligner à ce propos un constat de fait du juge dont l’importance me paraît primordiale. Selon lui, Consortium pouvait évaluer les frais généraux de chantier lors de chacune des demandes de changement. Voici comment il s’exprime :
[57] Le coût journalier réclamé par Consortium pour maintenir un chantier en place est connu dès le début des travaux. Consortium le fixe d’ailleurs à 2 984 $ par jour en se basant sur sa soumission.
[58] L’autre variable c’est l’impact du changement sur le délai d’exécution. Or, cette prolongation est l’objet d’une négociation entre les parties lors de chacune des directives de changement. Les parties se sont entendues sur la durée des prolongations pour chacune d'elles. Il n’y a donc aucun des facteurs d’imprévisibilité généralement associés aux coûts d’impact.
[59] S'il est clair dans l'esprit du Tribunal que les coûts d'impact impossibles à quantifier durant les travaux doivent être indemnisés à la fin du projet, il en est autrement pour les frais qui étaient prévisibles lors de la détermination du prix des travaux additionnels convenus.
[Renvoi omis]
[40] En clair, cela signifie qu’il n’y avait pas lieu pour Consortium de s’écarter du principe de base régissant les modifications au contrat. Dans chacun des cas, elle devait proposer un prix forfaitaire incluant les frais généraux de chantier, parce que la nature du changement aux travaux permettait de le faire. En somme, c’est le premier alinéa de l’article 46 qui devait recevoir application et il n’y avait pas lieu en conséquence de recourir à une solution de rechange. Sous cet éclairage, la position avancée par l’architecte Bisson selon laquelle les coûts indirects étaient inclus dans le prix proposé par Consortium était fondée.
[41] À mon avis, les arguments développés par Consortium à partir de la facture du texte du sous-paragraphe A) a) du troisième alinéa de l’article 46 ne lui sont d’aucun secours véritable dans la mesure où ce texte ne pouvait recevoir application dans les faits de l’espèce.
[42] Ce constat devrait permettre de clore la discussion et entraîner le rejet du pourvoi quant à ce volet de la réclamation. J’estime néanmoins nécessaire d’ajouter certains commentaires additionnels, car, dans son mémoire, CSL ne plaide pas spécifiquement le moyen que je viens de développer et qui me paraît déterminant. De surcroît, la preuve révèle que cette dernière, sur la recommandation de l’architecte Bisson, a payé la prime de 16 % dont traite le sous-paragraphe auquel je me suis référé, ce qui pourrait laisser entendre qu’elle considérait elle-même l’application de cette disposition.
[43] À supposer donc qu’il eût été indiqué d’y recourir, encore aurait-il fallu que, pour préserver ses droits, Consortium respecte rigoureusement la procédure permettant une modification du prix. Or, selon moi, il lui incombait alors de donner l’avis prévu à l’article 56, ce qu’elle n’a pas fait.
[44] Dans son mémoire d’appel, Consortium n’a pas abordé directement ce moyen plaidé par CSL dans son mémoire d’intimée. À l’audience toutefois, Consortium a rétorqué que l’article 56 ne concernait que les coûts directs et que, de toute façon, il ne prescrivait qu’une méthode optionnelle offerte à l’entrepreneur. Je ne suis pas d’accord avec cette prétention.
[45] La preuve le révèle de façon éclatante, Consortium a pu constater dès les premières modifications que CSL n’entendait pas satisfaire de réclamations ultérieures pour coûts indirects. Confrontée à une prise de position ferme de CSL ne correspondant pas à ses propres visées, elle ne pouvait alors tirer une autre conclusion que celle de l’existence d’un différend relatif à l’interprétation des documents contractuels ou au principe d’évaluation prévu aux articles 5 et 46.
[46] L’envoi d’un tel avis aurait eu pour conséquence de laisser à CSL l’opportunité de faire une offre et demander qu’une réponse quant à l'acceptation ou au refus de ladite offre lui soit transmise dans les 10 jours. Je rappelle aux fins de commodité la facture de cette disposition :
56. RÈGLEMENTS DE DIFFÉRENDS
S’il survient un différend relatif à l’interprétation des documents contractuels ou au principe d’évaluation prévu aux articles 5 et 46, l’Entrepreneur peut donner au Donneur d’ouvrage avis écrit d’un tel différend.
Dans les 30 jours qui suivent la réception de cet avis, le Donneur d’ouvrage peut faire une offre et demander qu’une réponse quant à l'acceptation ou au refus de ladite offre lui soit transmise dans les 10 jours.
La continuation des travaux par l’Entrepreneur, en cas de différend, ne constitue pas une renonciation à ses droits et à ses recours. Dans le cas de frais encourus en sus du contrat correctement compris et interprété, suite à une décision ou interprétation du responsable des travaux ou du Donneur d’ouvrage, la rémunération est fixée selon les modalités établies à l’article 46.
[47] À bon droit CSL plaide dans son mémoire que les demandes de changements ne sont pas nécessairement exécutoires. Elle écrit :
[46] […] il est toujours possible et loisible au propriétaire de demander à ce que les travaux qui avaient fait l’objet d’une demande de changement ne soient pas exécutés.
[48] Dit autrement, sur réception d’un avis formel de différend, CSL aurait pu considérer diverses options, dont celle de renoncer au changement ou de modifier la nature précise des travaux envisagés.
[49] Les réserves inscrites par Consortium n’ont pas enclenché le processus prévu à l’article 56 parce que jamais CSL ne les a perçues comme étant l’avis que prévoit cette clause du contrat. Le juge note avec justesse que les travaux faisant l’objet des ordres de changement n’ont pas été réalisés après un échec de la procédure de règlement prévue à l’article 56 du contrat; ils l’ont été parce que, faute d’un tel avis, CSL était en droit de présumer, d’une part, qu’elle n’avait pas à contraindre Consortium à agir malgré les réserves exprimées et que, d’autre part, le prix convenu faisait partie d’un contrat à forfait accessoire au contrat principal. À ce sujet, le juge s’exprime ainsi :
[65] Les diverses prolongations ont pratiquement doublé la durée du contrat sans pour autant en doubler la valeur. Le Tribunal ne doute pas que les coûts de maintien de chantier réellement encourus aient pu excéder le pourcentage prévu au contrat. Il n’en demeure pas moins qu’il appartenait à Consortium de convenir de ces coûts indirects dès qu’elle soumettait un prix pour réaliser les avis de changement.
[66] À défaut d’entente, CSL pouvait ordonner l’exécution des travaux et Consortium donner un avis suivant l’article 56 des conditions générales du contrat. Consortium demande d’ailleurs au Tribunal de considérer que les réserves faites sur les directives de changement constituent un tel avis. Or, l’ordre de changement émis ne l'est pas à défaut d'entente, mais bien comme suite à des ententes.
[Soulignement ajouté et renvoi omis]
[50] En somme, le juge a bien compris que la passivité de Consortium emportait des conséquences non seulement pour elle, mais aussi pour CSL.
[51] Il est vrai, comme je l’ai mentionné précédemment, que CSL a ajouté au prix une prime de 16 % pour administration et profit. L’architecte Bisson a témoigné que cette pratique relevait d’un automatisme en matière de modification découlant de l’application de l’article 46 :
Q- Dois-je comprendre, madame, que si d’une part, vous, comme professionnelle, vous avez reconnu qu’il y avait des délais d’au-delà de (100) jours sur l’exécution des travaux, ça n’a aucun impact pour vous sur les coûts de l’entrepreneur?
R- On accorde toujours seize pour cent (16 %) à l’entrepreneur.
Q- Oui.
R- Ou huit pour cent (8 %), quand c’est sur des coûts de sous-traitants, on accorde toujours ça et selon les conditions générales…
Q- C’est l’article 46?
R- L’article 46, l’entrepreneur, on accorde une proportion de seize pour cent (16 %), incluant les frais généraux, administration et profit.
Q- Ça fait que pour vous, ce seize pour cent-là (16 %), ça couvre les coûts d’impact d’un cent (100) jours additionnels de calendrier d’exécution?
R- Oui. De la même façon que dans la soumission, l’entrepreneur a mis des frais pour condition générale, administration et profit.
[52] J’estime qu’on ne peut tirer de cette pratique des inférences ayant pour effet de bonifier la position de Consortium. Certes, elle a joui d’une prime que CSL n’était peut-être pas tenue de payer en application stricte des termes du contrat, mais qui a néanmoins été versée dans le cadre de cet automatisme dont parle l’architecte Bisson. Quoi qu’il en soit, je ne peux déduire du paiement de cette prime une renonciation claire de CSL aux droits que lui confèrent l’article 2109 C.c.Q. de même que le premier alinéa de l’article 46 du contrat.
[53] Il s’ensuit que, faute d’avoir scrupuleusement respecté la procédure permettant la modification du prix, Consortium a perdu tout droit qu’elle aurait pu avoir d’exiger des montants additionnels à ceux déterminés par les ordres de changement, et ce, à supposer qu’elle en ait eu. À elle seule, cette conclusion suffirait aussi à trancher le pourvoi.
[54] En terminant, j’aborderai néanmoins un autre moyen plaidé par Consortium, parce qu’il peut présenter un certain intérêt dans l’examen des clauses usuelles que l’on retrouve dans les contrats à forfait.
[55] Consortium avance que le juge n’aurait pas dû transposer en l’espèce la solution mise en place dans l’arrêt Tanaka[7] précité en raison des différences qui séparent les clauses respectives de chacun de ces contrats.
[56] Cet argument n’est pas sans valeur, mais il ne peut conduire plus que les autres aux conclusions recherchées par Consortium, car il se rattache aux arguments de texte tirés de la facture du troisième alinéa de l’article 46. Cela dit, il est exact que, malgré les nombreuses similitudes qui unissent les faits de ces deux affaires, la disposition traitant de la procédure applicable aux changements apportés au marché à forfait dans Tanaka est d’une facture différente de celle qu’il nous faut appliquer ici.
[57] En tout premier lieu, cette clause donne au donneur d’ouvrage le pouvoir de choisir entre trois méthodes, contrairement à celle du contrat à l’étude qui, comme on l’a vu, détermine la méthode applicable selon un ordre de priorité. Voici le texte de la clause de modification dans Tanaka[8] :
42. ÉVALUATION DES MODIFICATIONS DE CONTRAT
La valeur de tout changement au contrat est déterminée suivant l'une ou l'autre des méthodes indiquées ci-après, au choix de la Corporation :
a) prix forfaitaire établi selon une estimation acceptée, incluant les frais inhérents au délai d'exécution prolongé.
b) prix unitaires mentionnés au contrat ou convenus par la suite, majorés le cas échéant des frais inhérents au délai d'exécution prolongé.
c) prix forfaitaire basé sur une estimation détaillée où sont inscrits les quantités et coûts de la main-d'oeuvre, des matériaux et les charges pour équipements diminués des crédits applicables incluant les frais inhérents au délai d'exécution prolongé, le tout majoré des pourcentages suivants :
- Lorsque les travaux sont réalisés par le fournisseur, 16 % au fournisseur pour couvrir les frais généraux, administration et profits sur les travaux.
- Lorsque les travaux sont réalisés par les sous-traitants, 8 % au fournisseur et 16 % aux sous-traitants pour couvrir les frais généraux, administration et profits sur les travaux.
Dans tous les cas, le fournisseur doit produire toutes les pièces justificatives au soutien de sa proposition.
En sus des pourcentages prévus en a), b) et c) précédemment, la Corporation peut, dans des cas spécifiques, payer au fournisseur certains frais de chantier occasionnés par des conditions particulières compte tenu de la nature de l'ordre de changement.
Le coût de la main-d'oeuvre correspond à tous les frais, charges et taux de salaires imposés au fournisseur par un décret de la construction ou une convention collective en vigueur, majoré des bénéfices statutaires.
Le coût de l'équipement correspond aux coûts donnés dans le répertoire des taux de location émis par le directeur général des achats des Services gouvernementaux du Conseil du trésor.
Le coût du matériel et des matériaux correspond au meilleur prix consenti au fournisseur et aux sous-traitants.
Si, après négociation, la soumission prévue en c) ne satisfait pas la Corporation, celle-ci peut imposer que le changement soit exécuté par un sous-traitant choisi après un appel d'offres détaillé à au moins trois firmes. Dans ce dernier cas, le fournisseur aura droit à une majoration de 8 % telle que décrite au paragraphe c).
[Soulignement ajouté]
[58] C’est la troisième méthode qui a été choisie par le donneur d’ouvrage dans Tanaka. Elle prévoit, entre autres, que l’entrepreneur doit inclure dans le prix proposé les frais inhérents au délai d'exécution prolongé. Ce prix soumis par l’entrepreneur est, par la suite, majoré de 8 % ou de 16 % pour couvrir les frais généraux, administration et profits sur les travaux. C’est ainsi que la Cour a conclu que l’entrepreneur avait été entièrement indemnisé par le paiement du prix proposé et accepté de part et d’autre, parce que la procédure de modification du contrat choisie par le donneur d’ouvrage prescrivait que ce prix devait inclure les frais inhérents à la prolongation du délai d'exécution[9].
[59] Dans le cas qui nous occupe, il n’est pas nécessaire de se rendre à la seconde ou à la troisième solution de rechange, parce que la première méthode de fixation, celle du marché à forfait, doit impérativement s’appliquer, comme nous l’avons vu plus tôt. Par définition, le prix proposé par Consortium inclut tous les coûts indirects, y compris ceux reliés au délai d’exécution prolongé. Aussi, le résultat auquel il faut parvenir dans le cas à l’étude est-il identique à celui auquel la Cour est parvenu dans Tanaka, et ce, en dépit des différences de texte.
[60] En conclusion, je suis d’avis que le contrat ne donnait pas ici à Consortium le droit de réclamer des coûts indirects a posteriori. Ce constat vaut tout autant lorsqu’il s’agit d’évaluer l’argument additionnel tiré des conditions posées unilatéralement par Consortium lors de la réception provisoire du projet. Cette réaction tardive ne saurait lui conférer de droits, toujours en raison de la facture du contrat à forfait la liant.
[61] À l’audience, Consortium a mis peu d’accent sur ce volet de sa réclamation, sans pour autant l’abandonner. Je peux aisément le comprendre, puisque les arguments avancés remettent en cause l’appréciation des faits par le juge. Sous ce rapport, la norme d’intervention applicable fait en sorte qu’il n’y a pas lieu pour notre cour de réformer les conclusions figurant au jugement de la Cour supérieure, lequel n’est entaché d’aucune erreur manifeste et déterminante. Il n’est pas nécessaire d’épiloguer davantage sur le sujet.
[62] Pour l’ensemble de ces motifs, je propose de rejeter l’appel avec dépens.
|
|
|
|
FRANÇOIS PELLETIER, J.C.A. |
[1] Dawcolectric inc. c. Hydro-Québec, 2014 QCCA 948, paragr. 63.
[2] Ian Gosselin et Pierre Cimon, « La responsabilité du propriétaire », dans Olivier F. Kott et Claudine Roy (dir.), La construction au Québec : perspectives juridiques, Montréal, Wilson & Lafleur ltée, 1998, p. 339, à la page 405.
[3] Ian Gosselin et Pierre Cimon, « La responsabilité du propriétaire », dans Olivier F. Kott et Claudine Roy (dir.), La construction au Québec : perspectives juridiques, Montréal, Wilson & Lafleur ltée, 1998, p. 339, aux pages 403-404; Guy Sarault, Les réclamations de l’entrepreneur en construction en droit québécois, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011, nos 537-539, p. 237-238; Simon Grégoire et Valérie Scott, « Les réclamations pour coûts d'impact reliés aux retards et à l'accélération des travaux en droit québécois de la construction : développements récents et à venir », dans Service de la formation continue, Barreau du Québec, Développements récents en droit de la construction, vol. 354, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012, p. 73, à la page 81.
[4] Guy Sarault, Les réclamations de l’entrepreneur en construction en droit québécois, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011, no 537, p. 237. Voir également à ce sujet; Ian Gosselin et Pierre Cimon, « La responsabilité du propriétaire », dans Olivier F. Kott et Claudine Roy (dir.), La construction au Québec : perspectives juridiques, Montréal, Wilson & Lafleur ltée, 1998, p. 339, à la page 403.
[5] Guy Sarault, Les réclamations de l’entrepreneur en construction en droit québécois, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011, no 539, p. 238. Voir également à ce sujet : Ian Gosselin et Pierre Cimon, « La responsabilité du propriétaire », dans Olivier F. Kott et Claudine Roy (dir.), La construction au Québec : perspectives juridiques, Montréal, Wilson & Lafleur ltée, 1998, p. 339, aux pages 403-404.
[6] 2011 QCCA 1278, paragr. 30. Voir également à ce sujet : Corpex (1977) inc. c. La Reine du chef du Canada, [1982] 2 R.C.S. 643.
[7] Ibid.
[8] Ibid., paragr. 7.
[9] Ibid., paragr. 34.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.