Décision

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Bellevue c. Mukuna Mbula

2024 QCTAL 19964

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

728331 31 20230818 G

No demande :

4013419

 

 

Date :

13 juin 2024

Devant la juge administrative :

Manon Talbot

 

Félix Bellevue

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Joseph Mukuna Mbula

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le 18 août 2023, le locateur demande la résiliation du bail et l’éviction du locataire et de tous les occupants, l’exécution provisoire de la décision, malgré l’appel et le paiement des frais.

[2]         À la procédure, le locateur allègue ce qui suit :

« La partie défenderesse contrevient au bail, causant ainsi un préjudice sérieux au demandeur pour les motifs suivants : risque élevé d'incendie, danger pour la vie des autres locataires, interventions multiples du service d'incendie (pompiers), trouble la jouissance paisible des lieux, les autres locataires très inquiets de la situation ont écrit une pétition au demandeur manifestant la possibilité de déménager de leur logement respectif.

Le demandeur déclare qu'il s'agit d'une situation d'une grande urgence et craint pour la vie des locataires et d'être poursuivi par ces derniers. »

CONTEXTE ET PREUVE

[3]         Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, reconduit jusqu’au 30 juin 2024 au loyer mensuel de 800 $.

[4]         Le locataire habitait auparavant un logement d’un autre immeuble appartenant au locateur. Ils ont toujours eu une bonne relation au cours des 10 dernières années.

[5]         Cependant, le locateur prétend que le locataire a des comportements qui mettent à risque la sécurité des occupants de l’immeuble comportant huit unités d’habitation.

[6]         Il allègue qu’en 2022, les pompiers se sont rendus au logement en raison d’un feu de cuisson. Il ne peut préciser la date de l’événement.


[7]         Le 16 août 2023, une situation similaire est survenue. Il produit une note du Service de sécurité incendie de Montréal daté du 16 août 2023 indiquant qu’ils sont entrés dans le domicile pour un chaudron oublié sur la cuisinière. Il n’y a pas d’adresse. L’unité inscrite est le numéro 218 qui ne correspond pas à l’adresse du logement.

[8]         Le locateur dit s’être rendu sur les lieux et il produit des photographies démontrant un chaudron brûlé sur la cuisinière et de la suie sur les armoires de cuisine. Il prend aussi des photographies des autres pièces du logement, de l’avertisseur de fumée qui a été enlevé et même des médicaments du locataire.

[9]         Deux jours plus tard, le locateur introduit la présente demande.

[10]     Le locateur produit une pétition du 20 août 2023 selon laquelle les autres locataires de l’immeuble demandent le départ du locataire en raison des interventions répétées des pompiers en son absence.

[11]     Les autres locataires de l’immeuble se plaignent aussi que des véhicules appartenant au locataire bloquent l’accès d’urgence de l’immeuble.

[12]     À ce sujet, le locateur produit des photographies de quelques véhicules garés sur le côté de l’immeuble.

[13]     Le locateur ne peut dire qui est l’auteur de la pétition et aucun locataire ou voisin n’est présent à l’audience pour témoigner des reproches mentionnés. Comme discuté à l'audience, cette preuve est inadmissible puisqu'elle constitue du ouï-dire.

[14]     Le locateur produit deux lettres adressées au locataire le 1er octobre 2023. L’une l’avise qu’il est interdit d’entreposer des déchets sur le balcon et dans la cour arrière. De plus, il lui est rappelé de garder son logement propre et d’adopter un comportement responsable puisque les pompiers ont dû intervenir à plusieurs reprises pour des oublis multiples de la cuisinière allumée en son absence.

[15]     L’autre missive invite le locataire à nettoyer son logement devenu insalubre. Le locateur enjoint de nettoyer le logement dans les 48 heures pour éviter les mauvaises odeurs et la présence de vermine qui peuvent incommoder le voisinage.

[16]     Le locateur mentionne que les missives ont été transmises au locataire par courriel, mais il ne peut en faire la preuve.

[17]     Étonnamment, le locateur ne demande pas de maintenir en place l’avertisseur de fumée ni de retirer les véhicules dérangeants dans le passage extérieur de l’immeuble.

[18]     Le Tribunal a permis au locateur de déposer au plus tard le 24 novembre 2023 les rapports du Service des incendies et la preuve d’envoi et de réception des mises en demeure du 1er octobre 2023. Une copie des documents devait aussi être transmise au locataire.

[19]     Toutefois, le Tribunal n'a rien reçu.

[20]     La soussignée a toutefois constaté au dossier du Tribunal, qu’un courriel a été envoyé au locateur lui retournant les documents reçus, car ils ont été transmis après la date du 24 novembre 2023. La nature des documents n’est pas précisée.

[21]     La soussignée n’ayant jamais été avisée de la transmission de documents par le locateur, le Tribunal a procédé à une réouverture d'audience convoquant de nouveau les parties pour permettre au locateur de produire les documents autorisés.  L'audience s'est donc tenue le 2 avril 2024, mais cette fois, en présence du locataire seulement.

[22]     Le locataire a déclaré qu’il n’a reçu aucun des documents que le Tribunal a permis au locateur de produire, comme requis.

[23]     Le locataire ajoute que le locateur a fait installer un avertisseur de fumée une semaine après la première audience et qu’il est sans nouvelles de lui depuis ce temps.


[24]     En défense, le locataire mentionne avoir déjà acheté des véhicules qu’il garait à côté de l’immeuble le temps de les revendre, soit durant deux à quatre semaines. Il a cessé cette pratique depuis au moins deux ans déjà.

[25]     Par ailleurs, il nie la réception des mises en demeure alléguées et sa négligence concernant des feux de cuisson survenus à plusieurs reprises.

ANALYSE ET DÉCISION

[26]     Le Tribunal rappelle que devant les instances civiles et selon les dispositions des articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec (C.c.Q.), il appartient à celui qui veut faire valoir un droit de prouver les faits qui soutiennent sa prétention, et ce, de façon prépondérante.

[27]     Si une partie ne s'acquitte pas de son fardeau de convaincre le Tribunal ou que ce dernier soit placé devant une preuve contradictoire, c'est cette partie qui succombera et verra sa demande rejetée. Enfin, selon l'article 2845 C.c.Q., la force probante des témoignages est laissée à l'appréciation du Tribunal.

[28]     Le recours du locateur est fondé sur l'article 1863 C.c.Q., lequel prévoit que le locateur peut obtenir la résiliation du bail, dans la mesure où le locataire fait défaut de se conformer à ses obligations relatives au bail et que ce défaut lui cause un préjudice sérieux.

[29]     Le locateur ayant le fardeau de preuve de démontrer que son recours est bien fondé selon une preuve prépondérante, ne s'est pas acquitté de ce fardeau. Par son seul témoignage, le locateur n'a pas convaincu le Tribunal de ses prétentions.

[30]     Force est de conclure que le locateur n'a pas su profiter de la réouverture d'audience pour parfaire sa preuve.

[31]     La demande du locateur sera donc rejetée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[32]     REJETTE la demande du locateur.

 

 

 

 

 

 

 

 

Manon Talbot

 

Présence(s) :

le locateur

le locataire

Date de l’audience : 

31 octobre 2023

Présence(s) :

le locataire

Date de l’audience : 

2 avril 2024

 

 

 


 

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