Bédard c. Viens-Juillet | 2024 QCTAL 41409 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Salaberry-de-Valleyfield | ||||||
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No dossier : | 772518 27 20240307 G | No demande : | 4233937 | |||
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Date : | 02 décembre 2024 | |||||
Devant le juge administratif : | Michel Huot | |||||
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Serge Bédard |
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Locateur - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Emmanuelle Viens-Juillet |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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- les mercredis et vendredis entre 16 h et 20 h;
- les dimanches de 12 h à 17 h;
« Le Tribunal souhaite entendre les parties de nouveau sur la conclusion suivante de la demande du locateur : Ordonner à la locataire de ne pas s’adresser aux futurs acquéreurs.
La conclusion recherchée est-elle de nature extracontractuelle ou contractuelle eu égard à sa rédaction et à sa portée ? »
QUESTION EN LITIGE :
- Si le Tribunal a compétence, y a-t-il lieu de rendre une telle ordonnance ?
CONTEXTE PROCÉDURAL
« [1] Le locateur a produit une demande pour obtenir l’autorisation de reprendre le logement occupé par la locataire. Cette demande a été notifiée à la locataire par courrier recommandé livré le 9 février 2022.
[2] Les parties sont liées par un bail couvrant la période du 1er avril 2019 au 30 juin 2020 au loyer mensuel de 1 400 $, bail reconduit au 30 juin 2022 au même loyer.
[3] Dans sa demande, le locateur déclare qu’il a avisé la locataire qu’il entendait reprendre le logement pour y loger sa fille, Fanny Bédard, à compter du 1er juillet 2022.
[4] La locataire n’a pas répondu à l’avis, de sorte qu’elle est présumée avoir refusé de quitter les lieux ; le locateur a donc introduit la présente demande, et ce, dans le délai prévu à l’article
Moyen préliminaire
[5] L’avocat de la locataire demande le rejet de la demande au motif que l’avis n’est pas conforme aux articles
« 1960. Le locateur qui désire reprendre le logement ou évincer le locataire doit aviser celui-ci, au moins six mois avant l’expiration du bail à durée fixe ; si la durée du bail est de six mois ou moins, l’avis est d’un mois.
Toutefois, lorsque le bail est à durée indéterminée, l’avis doit être donné six mois avant la date de la reprise ou de l’éviction. »
« 1961. L’avis de reprise doit indiquer la date prévue pour l’exercer, le nom du bénéficiaire et, s’il y a lieu, le degré de parenté ou le lien du bénéficiaire avec le locateur.
L’avis d’éviction doit indiquer le motif et la date de l’éviction.
Ces avis doivent reproduire le contenu de l’article 1959.1.
La reprise ou l’éviction peut prendre effet à une date postérieure à celle qui est indiquée sur l’avis, à la demande du locataire et sur autorisation du tribunal. »
[6] La preuve a démontré que les relations entre les parties sont tendues.
[7] Le locateur avait introduit une demande de résiliation du bail de la locataire pour non‑paiement de loyer (dossier 547845 27 20201204) et ce dossier a été réuni à celui créé par la demande de la locataire, demande en diminution de loyer, en ordonnances au locateur d’exécuter ses obligations, en dommages matériels, des dommages moraux et dommages punitifs (dossier 550639 27 20201229). Suite à une ultime audience, le juge administratif Michel Huot a pris ces deux dossiers en délibéré et sa décision n’est pas encore rendue.
[8] Cependant, le juge administratif Huot avait indiqué dans son procès‑verbal du 29 novembre 2021 : « suite à l’amendement de la locataire du 29 ‑11 ‑2021, le locateur fera compléter une expertise des lieux loués pour déterminer la nécessité de faire faire les travaux. » (sic)
[9] La locataire a témoigné que le 6 décembre 2021, le locateur s’est présenté au logement concerné afin d’effectuer l’inspection commandée par le juge administratif Huot. La veille, le locateur aurait donné un préavis de sa visite à la locataire en précisant qu’il ne serait pas accompagné d’un ingénieur, mais d’un très bon inspecteur. Finalement le locateur est arrivé, accompagné de sa fille et du conjoint de cette dernière, qui a admis ne pas être venu inspecter la maison, mais plutôt la visiter. La locataire a refusé la visite au motif qu’elle n’avait pas eu de préavis pour ce type de visite. En quittant la maison, le locateur aurait tendu une feuille à la locataire qui a refusé de la prendre et qui a fermé la porte.
[10] Le jour même, le locateur a envoyé un nouvel avis à la locataire par courriel et par message texte, message dans lequel il annonçait son intention de reprendre le logement et dans lequel il avisait la locataire qu’une deuxième visite aurait lieu 24 heures plus tard, non pas pour inspecter le logement, mais bien pour le visiter.
[11] Cet avis se lit comme suit :
« Je te donne un avis de 24 h que je vien faire visiter la maison demain. Si tu m’empêche de faire visiter ma maison ben sa prouvera que t’est de mauvaise volonté. Ma fille n’a pas de maison où habiter et le [...] correspond très bien ses besoins. Je suis dans lmon droit et je respecte les délais. Ce message constitue une annonce officiel que je reprend possession en date du 1e Juillet 2022 pout y loger ma fille. Commence tes recherches dès maintenant pour te trouver un endroit pour habiter à partir du 1e juillet 2022.
Merci de ta compréhension » (sic)
Analyse
[12] Lorsque le locateur a constaté que la locataire avait refusé de prendre l’avis de reprise qu’il avait voulu lui remettre en mains propres le 6 décembre 2021, plutôt que de lui envoyer par huissier, il a choisi de lui envoyer un nouvel avis par message texte et par courriel.
[13] Or, le nom de la fille du locateur, la bénéficiaire de la reprise, n’apparaît pas dans cet avis.
[14] Pourtant, l’article 1961 et la jurisprudence sont clairs : non seulement le degré de parenté ou le lien du bénéficiaire avec le locateur doivent‑ils apparaître, mais aussi son nom.
[15] Dans l’affaire Cliff Blackburn c. Bryn Vienna Larsen[1], le juge administratif Alexandre Henri résumait l’état de la jurisprudence sur ce sujet et il écrivait :
« [47] Tel que le mentionne le juge Daniel Dortélus de la Cour du Québec dans l’affaire Metaxas c. Speirs, un avis qui ne contient pas le nom du bénéficiaire est invalide :
« [25] L’avis envoyé par le locateur ne rencontre pas les exigences de l’article
[Notre soulignement]
[48] Sur le même sujet, le juge Bernard Tellier de la Cour du Québec mentionne ce qui suit dans l’affaire Eng c. Delisle :
« [17] Nous nous trouvons dans un domaine où le législateur et les tribunaux luttent contre les abus commis par certains locateurs et, comme le fait toujours remarquer madame Rousseau-Houle :
«Les mentions obligatoires dans l’avis, en particulier celles du nom du bénéficiaire, sont un bon moyen d’assurer au locataire une défense pleine et entière. L’omission d’une des mentions obligatoires devrait être fatale, à moins que, exceptionnellement, le locataire y renonce de façon claire ou encore qu’il soit évident que le locataire pouvait identifier le bénéficiaire sans demander d’informations additionnelles, c’est-à-dire si le bénéficiaire était déterminable avec certitude à l’aide des informations contenues dans l’avis. »
[Notre soulignement]
[49] Même si les locateurs ont indiqué le nom de leur fils dans la demande qu’ils ont déposée au Tribunal, le défaut d’avoir omis de l’indiquer au départ dans l’avis de reprise est fatal, tel que le mentionne à juste titre la juge administrative Francine Jodoin dans l’affaire Barile c. Lazanas :
« [19] Les articles
[20] Ce que la jurisprudence vise à prohiber, ce sont les avis qui ne permettent pas au locataire de vérifier les informations communiquées, l’empêchant ainsi de se préparer adéquatement pour en contester la teneur. Ainsi, si le locataire dispose de suffisamment d’éléments pour identifier avec une certitude raisonnable le bénéficiaire de la reprise, le principe est alors atténué.
[21] En l’occurrence, même si la locataire pouvait se douter de l’identité des bénéficiaires, l’avis demeure ambigu. Elle ne pouvait alors s’assurer de la conformité de la demande aux dispositions législatives.
[22] La demande d’autorisation produite subséquemment ne peut permettre de remédier aux déficiences de l’avis. En effet, le processus de reprise, qui débute par l’envoi de l’avis prévu, est vicié dès le départ lorsque cet avis est invalide. On ne peut donc corriger par une procédure subséquente le défaut de l’avis.
[23] Le tribunal est d’opinion que l’avis transmis est invalide et ne rencontre pas les exigences obligatoires de l’article
[Nos soulignements] [Références omises] » (Références omises)
[16] CONSIDÉRANT que l’avis de reprise déposé par le locateur au dossier du tribunal comportait une erreur cléricale puisqu’il mentionnait la date de reprise comme étant le 1er juillet 202 ;
[17] CONSIDÉRANT que le locateur n’a pas prouvé que la locataire avait reçu cet avis de reprise ;
[18] CONSIDÉRANT que les avis de reprise qu’il a fait parvenir à la locataire par message texte et par courriel ne sont pas conformes à l’article
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[19] REJETTE la demande de reprise du locateur qui en assume les frais.[2] »
« [1] Le 4 décembre 2020, le locateur dépose une demande (dossier no 547845) contre la locataire. Il demande la résiliation du bail, l’expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement. Il demande de plus de condamner la locataire au paiement du loyer dû (3 500 $) ainsi que les loyers dus au moment de l’audience. Il demande également de condamner la locataire au paiement des frais.
[2] Le 29 décembre 2020, la locataire dépose une demande (dossier no 550639) contre le locateur. Il y a lieu de reprendre les conclusions de sa demande :
« AUTORISER la demanderesse à déposer son loyer au greffe du Tribunal jusqu’à ce que le locateur se conforme aux ordonnances à être rendues ;
ORDONNER au locateur de : (a) exterminer entièrement toute vermine et (d) éliminer toute odeur provenant de la fosse septique et ce dans les 5 (cinq) jours du jugement à être rendu ;
ORDONNER au locateur de : (b) éradiquer entièrement l’humidité qui sévit autour des fenêtres le ruissellement d’eau et les moisissures, (c) éliminer tous les interstices béants permettant à l’air froid de pénétrer à l’intérieur de la maison, (e) isoler convenablement le plafond du sous-sol afin de procurer au plancher du rez-de-chaussée une température convenable et raisonnablement agréable au toucher, (e) réparer tous les balcons, galeries, marches et espaces extérieurs de circulation qui sont chancelant et dégradés et éliminer toute infestation des insectes sur les structures extérieures, et ce, dans les 30 (trente) jours du jugement à être rendu ;
ORDONNER au locateur de remettre en état la cour autour de la maison et ce, au plus tard pour le 1er mai 2020 ;
DIMINUER le loyer de 630 $ par mois rétroactivement au 1er juillet 2019 ;
CONDAMNER le locateur à payer à la locataire la somme de 11340 $ à titre diminution de loyer, le tout à parfaire jusqu’à complétion des travaux, avec intérêts au taux légal et indemnité additionnelle suivant l’article
CONDAMNER le locateur à payer à la locataire la somme globale de 10 000 $ à titre dommages moraux pour les inconvénients subis, avec intérêts au taux légal et indemnité additionnelle suivant l’article
CONDAMNER le locateur à payer à la locataire la somme de 860,88 $ à titre dommages matériels (achat de matériaux isolants), avec intérêts au taux légal et indemnité additionnelle suivant l’article
CONDAMNER le locateur à payer à la locataire la somme de 5 000 $ à titre dommages punitifs avec intérêts au taux légal et indemnité additionnelle suivant l’article
ORDONNER l’exécution provisoire malgré l’appel, vu l’urgence ;
LE TOUT, avec entiers dépens contre le défendeur ; » [sic]
[3] Le 25 janvier 2021, le Tribunal a accueilli la demande de la locataire pour joindre les dossiers des parties pour qu’une preuve commune soit administrée, et ce, en vertu de l’article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement [1] (ci-après nommée « L.T.A.L. »).
[4] Le 8 mars 2021, la locataire amende sa demande. Elle demande de déclarer le logement impropre à l’habitation, de permettre à la locataire de contracter pour un appel de service relativement au système de filtration d’eau et d’en déduire l’entièreté de la facture du loyer à venir. Elle demande aussi d’être autorisée à faire les réparations nécessaires et d’en déduire l’entièreté de la facture du loyer à venir.
[5] Subsidiairement, elle demande qu’il soit ordonné au locateur de rétablir l’eau potable dans le logement, et ce, sans délai. Elle demande d’être autorisée à déduire la somme de 111,51 $ du loyer à venir pour l’achat d’une pompe submersible ainsi que la somme de 250 $, somme à parfaire pour le test d’eau effectué.
[6] Les audiences ont eu lieu les 9 mars, 19 avril et 29 novembre 2021 de même que les 24 janvier, 22 février et 18 octobre 2022. Une visite des lieux par le Tribunal a également eu lieu le 31 mai 2022.
[7] À l’audience du 22 février 2022, l’avocat de la locataire indique au Tribunal qu’il se désiste de sa demande de déclarer le logement impropre à l’habitation.
CONTEXTE
[8] Le Tribunal retient de la preuve qui lui fut présentée les faits pertinents qui suivent. L’absence d’un élément de preuve, dans la présente décision, bien qu’il fût présenté lors de l’audience ne signifie pas que le Tribunal n’en a pas pris connaissance. Le Tribunal réfère aux faits pertinents qui suivent pour disposer des demandes.
[9] Les parties sont liées par un bail[2] de logement pour la période du 1er avril 2019 au 30 juin 2020 au loyer mensuel de 1 400 $ payable le premier jour de chaque mois. Le bail est par la suite reconduit pour la période du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 au même loyer. Le bail est de nouveau reconduit au même loyer pour la période du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022 ainsi que pour la période du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023 au même loyer. Le bail prévoit la solidarité avec monsieur Mathieu Robert, qui n’est pas parti à la présente demande, le locateur ayant choisi de poursuivre seulement la locataire Emmanuelle Viens‑Juillet.
[10] Monsieur Robert et madame Viens‑Juillet ne vivent plus ensemble.
DOSSIER 547845 - DEMANDE DU LOCATEUR EN RÉSILIATION DE BAIL
[11] La preuve présentée lors de l’audience du 18 octobre 2022 permet de conclure que la locataire doit la somme de 2 355,23 $ soit, par imputation des paiements sur les dettes les plus lointaines, le mois d’octobre 2022 ainsi qu’un solde du mois de septembre 2022 (955,23 $).
DOSSIER 550639 - DEMANDE DE LA LOCATAIRE
Témoignage de la locataire
[12] En décembre 2019, la locataire fait parvenir une mise en demeure au locateur. Cette mise en demeure a été égarée et la locataire n’en a pas de copie.
[13] Toutefois, le 24 décembre 2019, le locateur répond à la mise en demeure reçue. Il y a lieu de reprendre sa réponse [3] :
« Bonjour
Cette lettre est pour faire suite à votre mise en demeure que je viens de recevoir et qui est datée du 16 décembre 2019.
Pour débuter, j’aimerais mentionner que Mme. Emmanuel Viens-Juillet ainsi que M. Mathieu Robert ont visité et inspecté les lieux au mois de mars 2019. Ils ont alors été satisfait de l’immeuble tel quel et aucun travail ni réparation ne devait y être effectué tels qu’indiqués au bail signé le 6 mars 2019. Le prix de location de la maison est de 1400 $/mois. Plusieurs gens ont visité l’immeuble et étaient intéressés à la louer mais mon choix s’est arrêté sur eux.
Je veux aussi mentionner que cette maison était anciennement la maison de mes parents et qu’ils en ont profités lorsqu’ils ont fait le revêtement extérieur en aluminium pour rajouter de l’isolation par l’extérieur. Ma sœur et sa famille ont aussi habité cette maison par la suite. Cette maison les a très bien logés et ils en ont été très satisfait.
Dans votre lettre vous mentionner que l’inondation a détruit la cour. Sur ce, je vous mentionne que l’inondation n’a pas détruit la cour plus que les nombreuses pluies et que les fontes de neige annuelle. Ce qui a magané le terrain sur le côté sud de la maison est l’entrepreneur qui a élevé la maison voisine. Il est par la suite venue égaliser le terrain. Celui qui a en réalité magané le terrain est Mathieu Robert en voulant faire plein de changement de par son gré sur le terrain. Alors si vous voulez que le terrain redevienne dans son état initial vous devrez le remettre vous-même dans cet état puisque c’est vous qui l’avez modifiés et n’avez jamais terminé vos travaux.
Je vais profiter de ce moment pour vous demander d’enlever tous vos choses sur le terrain voisin qui ne vous appartiennent pas. J’ai remarqué qu’il y a plusieurs jouets et choses sur le terrain du 36 Anna. Comme vous savez, le terrain de la maison que vous louez termine 1 mètre après la galerie sur le côté nord. Si toutefois vous aimeriez avoir davantage terrain, je peux vous louer cette parcelle de terrain moyennant des frais supplémentaires de 200 $ par mois ce qui porterait le loyer de janvier 2020 et les suivants à 1600 $. Si vous n’enlevez pas la totalité de vos objets dans les 7 prochains jours je comprendrez que vous désirer louer cette parcelle de terrain et les frais de 200 $ seront applicables sans autre avis ni délai.
Lorsque vous mentionnez qu’il y a des bruits de rongeur dans les murs je peux vous répondre que j’ai voulu aller constater les faits et éliminer ces rongeurs. Par contre vous avez refusé que je passe pour régler le problème. Voici les mots intégraux du message qu’Emmanuel m’a envoyé sur Facebook
« Elle ne mérite pas la mort parce qu’elles ont voulu trouver un endroit chaud pour l’hiver. Comme j’ai dit à Mathieu ce sont seulement des petites souris elle ne mérite pas de mourir, ce ne sont pas des terroristes. Elle mérite la vie comme tout être vivant sur cette terre. »
Vous m’avez mentionné que vous vouliez faire venir un exterminateur mais je n’y comprends plus rien suite au message ci-haut. Je vous ai dit de ne pas en faire venir ou du moins que je ne payerai pas pour cela car je pouvais le faire moi-même si vous m’en donniez l’autorisation.
Veuillez prendre note que s’il y a réellement des souris dans la maison vous devrez les éliminer ou me laisser les éliminer. Il est possible qu’une ou des souris soit entré lorsque vous avez laissé la porte du sous-sol ouvert donc vous pouvez vous-même en être responsable.
Pour l’emplacement de la fosse septique on ne peut rien y faire. Elle a toujours été localisé à cet endroit et jamais aucun accident n’est survenu. Il se peut que le couvert ait été brisé par accident par les gens qui viennent vider la fosse septique. Je passerai dans les prochains jours pour voir ce que je peux y faire. Pour les odeurs je n’ai jamais remarqué rien d’anormal. Se peut-il que ce soit le fumier que les fermiers mettre dans les champs ? Si vous me dites que le couvert est brisé peut-être que sa peux en être la cause aussi ?
Vous parlez de murs et planchers fragiles, friables et détruits !!! Je n’ai jamais eu connaissance de cela et je crois que vous y allez pas mal fort. Je comprends pourquoi vous écrivez dans votre lettre « sous toutes réserves ». Il faudrait que ce point soit appuyé par un rapport d’expert en la matière car jamais aucun autre locataire n’a mentionné ceci et moi-même je n’ai rien vu de cela.
Concernant la supposé moisissure. Toute moisissure est inexistante sans un haut taux dans un haut taux d’humidité élevée. Je vous suggèrerais d’ouvrir la fenêtre pour faire sortir le surplus d’humidité ou bien d’utiliser un déshumidificateur. Si vous pensez qu’il y a quelque chose que je peux faire, j’invite Mathieu à me contacter et me dire quand il peut me rencontrer pour me montrer le tout.
Quand vous parlez d’infiltrations d’air majeur par l’entrée électrique je crois que vous ne choisissez pas les mots appropriés. Pour cela il faudrait que le tuyau qui entre dans la bâtisse ne soit pas scellé du tout. Très bientôt, lors de ma visite, j’y jetterai un coup d’œil. Veuillez aussi SVP m’envoyer une photo extérieur montrant l’entré électrique et l’ouverture laissant pénétrer l’air.
Veuillez prendre note que tous les châssis de la maison sont soit des thermos ou soit des châssis doubles. Il y a rien de mal avec des châssis doubles coulissants, j’en ai moi-même à mon domicile. Ce sont les mêmes châssis que lorsque vous avez visité la maison avant de la louer. Soyez bien rassurés, je n’ai pas été changer vos châssis durant votre absence pour en mettre de qualité inférieure.
Vous devez comprendre que vous louer une maison âgée d’une quarantaine d’années ayant 8 grandes pièces ainsi qu’une salle de bain et d’une salle d’eau pour 1400 $. C’est une énorme maison de plus de 2000 pieds/carrés. Les frais d’électricité sont très raisonnable pour une maison de cette grandeur et jamais aucun locataire s’en est plaint auparavant. Vous verriez aussi que le prix de location pour une maison neuve de cette ampleur serait de beaucoup supérieur. Par contre si vous êtes prêt à payer plus cher pour avoir des châssis neufs, il me fera plaisir de m’asseoir avec vous et de voir s’il y aurait possibilité de s’entendre.
Le sous-sol n’est pas un sous-sol habitable bien évidemment tel que vous savez déjà. Je vous ai prêté un déshumidificateur pour enlever l’humidité du sous-sol ce qui est encore plus efficace que des châssis.
L’arbre du voisin n’a pas endommagé la toiture qui ne coule d’ailleurs pas. lorsque vous parlez de vérifier l’isolation à cause de la chute de l’arbre vous me démontrer n’avoir aucune connaissance en bâtiment.
Pour les structures extérieures vous ne montrerez ce que vous jugez dangereux et si c’est réellement dangereux et inacceptable par les assurances, il y aura rectification.
Je passerai dans les prochains jours pour rencontrer Mathieu lorsque celui ci me donnera rendez-vous et je ferez les travaux qui sont dans mon devoir d’être effectué. Pour la balance, nous parlerons d’une hausse de loyer pour couvrir les travaux qui pourraient être effectués selon les caprices des locataires. Cette hausse s’ajoutera à la hausse annuel qui vous parviendrez sous peu.
Pour la réclamation des dommages moraux de 2000 $ elle est formellement refusée. J’ai fait mes devoirs de propriétaire et je n’ai rien à me reprocher. » [sic]
[14] En décembre 2020, la locataire témoigne avoir fait parvenir une mise en demeure datée du 3 décembre 2020 pour dénoncer au locateur les problèmes qui persistaient toujours dans son logement. Cette mise en demeure est reçue le 8 décembre 2020 par le locateur. Il y a lieu de reprendre le contenu de ladite mise en demeure [4] :
« Monsieur,
Nous représentons les intérêts de Mme. Emmanuelle Viens-Juillet, laquelle nous a mandatés afin de vous faire parvenir la présente mise en demeure.
Notre cliente occupe le logement sis au [...] à Rigaud dont vous êtes le propriétaire et nous rapporte les problèmes suivants lesquels sont portés ici à notre connaissance. Mentionnons cependant que vous êtes préalablement au courant de tous les problèmes décrits ci-bas. Votre inaction est bien notée.
Destruction complète de la cour extérieure
Des inondations ayant détruit la cour extérieure au printemps 2019, celle-ci demeure inutilisable depuis lors. À ce jour, vous refusez de la remettre en état et ce, malgré les nombreux rappels formulés par notre cliente. Ainsi, notre cliente et ses enfants n’ont pu utiliser la Cour pendant tout l’été et la situation persiste.
Vous êtes par conséquent FORMELLEMENT MIS EN DEMEURE de remettre l’entièreté de cour extérieure dans son état initial et ce, dans les quinze jours suivant la réception de la présente mise en demeure. Notre cliente réclame une réduction de loyer de 10 % pour cet inconvénient majeur.
Présence de vermine
Notre cliente rapporte entendre des bruits de rongeurs à une fréquence quasi-quotidienne dans les murs de la maison. Ceci pose un grave problème de santé et de sécurité pour toute la famille, lequel doit être réglé de façon urgente.
Vous êtes par conséquent FORMELLEMENT MIS EN DEMEURE de régler le problème de vermine dans les quarante-huit heures suivant la réception de la présente mise en demeure. Notre cliente réclame une réduction de loyer de 10 % pour cet inconvénient majeur.
Position de la fosse septique et odeurs d’excréments
Notre cliente rapporte percevoir des émanations malodorantes d’excréments provenant de la fosse septique. Celle-ci étant située à moins d’un mètre de la maison au pied de l’escalier latéral, présente un réel danger pour la sécurité vu qu’elle encombre le passage entre le stationnement et les deux entrées de la maison.
Au surplus, le couvercle est gravement endommagé, non-étanche et laisse échapper une odeur pestilentielle d’excréments. Ces odeurs surviennent par vagues successives de cinq à dix fois pendant le jour. Pendant tout l’été 2019, notre cliente a dû maintenir ses fenêtres latérales et avant fermées considérant cette odeur.
Vous êtes par conséquent FORMELLEMENT MIS EN DEMEURE de remettre en bon état de fonctionnement ladite fosse septique et d’en sécuriser les environs et ce, dans un délai de 15 jours suivant la réception de la présente mise en demeure. Notre cliente réclame une réduction de loyer de 15 % pour cet inconvénient majeur.
Structures dégradées, infiltration d’eau et présence de moisissures
Notre cliente rapporte la présence de murs et planchers fragiles, friables et détruits et ce, visiblement par l’effet d’infiltrations d’eau sur une longue période, notamment dans la salle de bains. Cela se traduit par le décollement important d’éléments de revêtement (tuiles) ce qui expose la moisissure se trouvant à l’intérieur de ces murs. Cette situation présente un danger imminent pour la santé et la sécurité de la famille de notre cliente, vu la présence évidente de moisissures et des particules fines qui contaminent l’air ambiant.
Par ailleurs plusieurs fenêtres sont remplies de moisissures et présentent un ruissellement d’eau.
Les planchers sont très froids au toucher vu le manque d’isolation au plafond du sous-sol.
Notre cliente vous invite à venir inspecter les lieux afin que vous puissiez dresser un inventaire complet des endroits touchés.
Vous êtes par conséquent FORMELLEMENT MIS EN DEMEURE de remettre en état toutes les portions de murs et planchers présentant les caractéristiques décrites ci-haut et ce, dans les quinze jours suivant la réception de la présente mise en demeure.
Par ailleurs, notre cliente rapporte la présence de plusieurs structures extérieures (notamment des colonnes) dont le bois pourri favorise la prolifération de diverses colonies d’insectes pendant la période estivale. De la même façon, les deux balcons sont non-sécuritaires puisque les éléments les composant sont dégradés à un niveau tel que leur utilisation est dangereuse pour les occupants de la maison tout comme pour les visiteurs.
Elle vous invite à venir inspecter les lieux afin que vous puissiez dresser un inventaire complet des endroits touchés.
Vous êtes par conséquent FORMELLEMENT MIS EN DEMEURE de remettre en état toutes les éléments structurels extérieurs présentant les caractéristiques décrites ci-haut dans les quinze jours suivant la réception de la présente mise en demeure.
Notre cliente réclame une réduction de loyer de 10 % pour l’ensemble des inconvénients décrits dans la présente section.
Dommages moraux
Notre cliente subit un stress quotidien important vu votre inaction manifeste suite à des nombreux rappels qu’elle vous a fait. Elle vous réclame pour ces motifs des dommages moraux de 2000 $ depuis la décrue des eaux du printemps 2019, moment qui marque le début de votre refus d’agir afin de respecter vos obligations en tant que locateur. Cette somme est à parfaire suivant la suite des événements.
Conclusion
Nous réitérons que vous êtes FORMELLEMENT MIS EN DEMEURE de remettre en état les trois catégories de structures plus amplement décrites dans les délais impartis ainsi que de procéder à une extermination complète de la vermine et ce, de façon urgente.
À défaut, des poursuites seront intentées contre vous sans aucun autre avis ni délai.
En dernier lieu, pour les raisons exprimées ci-dessus, notre cliente considère que la valeur locative de son logement est de 770 $/mois considérant la perte de jouissance importante suite aux événements du printemps 2019, vu les inconvénients qu’elle subi comme conséquence de cette perte de jouissance jumelée à votre inaction persistante. Nous souscrivons cette analyse.
VEUILLEZ AGIR EN CONSÉQUENCE » [sic]
[15] Le 7 décembre 2020, la locataire rédige un avis de dépôt de loyer qu’elle expédie au locateur le même jour. L’avis est reçu par le locateur le 14 décembre 2020. Il y a lieu de reprendre le contenu de l’avis de dépôt de loyer [5] :
« Avis à : M. Serge Bédard
Adresse du logement loué : [...], Rigaud, [...]
Vous êtes avisé que je demanderai l’autorisation de déposer le loyer au Tribunal administratif du logement pour les motifs qui suivent :
Présence de vermine : rats et souris
Présence de humidité importante autour des fenêtres, ruissellement d’eau et moisissure autour des fenêtres
Fenêtres présentant des interstices béants permettant à l’air froid d’entrer
Odeur désagréable provenant de la fosse septique
Planchers très froids au toucher vu le manque d’isolation sous-jacente
Balcons, galeries non-sécuritaires car dégradés, chancelants et infestés d’insecte
si d’ici dix (10) jours vous n’avez pas rempli votre obligation. » [sic]
[16] La locataire témoigne qu’elle a pris des photos [6] des différents problèmes qu’elle a soulevés dans sa mise en demeure du 3 décembre 2020 et dans l’avis de dépôt de loyer du 7 décembre 2020.
[17] Elle explique qu’il y avait des bruits de souris ou de rats dans les murs tous les jours. La chambre de son fils, située au 2e étage, est celle où elle entendait le plus de grattements. Elle trouve à plusieurs endroits dans la maison des excréments de souris ainsi que des trous dans des matériaux permettant la circulation des souris. Elle témoigne avoir trouvé des excréments de rongeurs dans le salon, la cuisine, des garde-robes et au sous‑sol.
[18] Elle témoigne avoir avisé le locateur qu’il y avait beaucoup d’insectes au sous‑sol. Elle explique qu’une des fenêtres du sous-sol a été remplacée par un carton que le locateur a installé. Il s’agit d’un carton de pancarte de courtier immobilier. Elle est persuadée que les souris et les insectes pénètrent dans la maison par cet endroit.
[19] Elle témoigne que le sous‑sol ne comporte aucune isolation. Elle a décidé, devant l’inaction du locateur, d’acheter de la laine isolante pour en installer au plafond du sous‑sol pour isoler le plancher de son logement qui était très froid. Elle témoigne qu’elle et les autres occupants doivent se promener en souliers tellement le plancher est froid.
[20] Elle explique qu’il y a un chauffage électrique au sous‑sol, mais que même s’il chauffait constamment, elle n’arrivait pas à maintenir une température acceptable. Elle produit au soutien de ses prétentions des photos[7] du sous‑sol avant qu’elle isole le plafond. Elle explique également qu’il y a du ruissellement d’eau dans le sous‑sol par la fenêtre qui n’a pas été remplacée.
[21] Elle témoigne que les fenêtres de l’immeuble sont endommagées et nécessitent des travaux. Elle explique qu’il y a certaines fenêtres avec des jours. L’air entre de l’extérieur. Elle produit en preuve des photos [8] de l’état des fenêtres du logement. Elle explique également que durant la période hivernale, les fenêtres se remplissent d’humidité et de glace. Il y a également de la moisissure qui se forme dans les cadres de fenêtres vu l’accumulation d’humidité.
[22] La fenêtre du salon devient glacée durant l’hiver. Elle a produit en preuve une série de photos [9] prises en novembre 2021 et qui démontrent la condensation dans les fenêtres.
[23] La locataire témoigne avoir envoyé des messages texte au locateur en octobre 2020. Elle produit en preuve copie des messages texte [10] qu’elle lui a envoyés, incluant des photos des lieux. Elle lui dénonce la présence de moisissures dans sa salle de bain et dans les fenêtres à compter du 20 octobre 2020.
[24] Elle témoigne lui avoir parlé des problèmes de fenêtres depuis janvier 2019.
[25] Elle témoigne également lui avoir dénoncé le problème de la fosse septique bien avant la mise en demeure. Elle explique que le couvert de la fosse septique est cassé. Une forte odeur se répand dans l’air. Elle explique qu’elle ne dîne plus dehors et ses enfants ne jouent pas dehors vu l’odeur. Elle demande que la fosse septique soit réparée pour que cessent les odeurs qui s’en dégagent.
[26] En ce qui concerne le fait qu’elle a acheté de la laine isolante et qu’elle l’a installée, elle explique qu’elle a agi devant l’inaction du locateur à agir. Elle produit en preuve des échanges de messages texte [11] entre elle et le locateur concernant la laine isolante, qu’il refuse de payer. Elle témoigne qu’il refuse de lui en installer depuis décembre 2019.
[27] Elle témoigne également qu’il y a des courants d’air qui rentraient dans la cuisine sous les armoires. Elle a installé de la laine isolante pour faire cesser cette situation. Elle a d’ailleurs fait parvenir des messages texte [12] au locateur du 16 au 29 décembre 2020, sans que ce dernier lui réponde. Elle lui dénonçait également le fait que la pompe submersible ne fonctionnait plus et qu’il y avait six pouces d’eau au sous‑sol. Cette dénonciation est faite le 26 décembre 2020. Le 29 décembre 2020, la locataire a acheté une nouvelle pompe et a remplacé l’ancienne devant l’inaction du locateur. Elle a assumé un coût de 111,51 $ [13].
[28] La locataire se plaint également de l’état des balcons avant. Elle explique que le bois est pourri et que les fondations en béton sont endommagées [14]. Cette situation découle, selon elle, entre autres des inondations de 2019. Elle a dû évacuer la maison durant une période de 42 jours, alors que l’eau de la rivière s’était rendue jusqu’à la maison. Le sous‑sol avait été inondé et l’eau avait recouvert les fondations de béton des galeries durant de nombreuses journées.
[29] Elle explique également qu’il y a de la moisissure dans les murs de sa salle de bain.
[30] Elle a aussi un problème avec l’eau du puits artésien. Elle explique que l’eau sort fréquemment d’une couleur jaune, qu’elle est poisseuse et qu’elle n’ose pas la consommer. Les vêtements sont fréquemment tachés lorsqu’elle les lave.
[31] Elle a demandé au locateur à de multiples reprises de faire effectuer des tests pour vérifier si l’eau est potable ou conforme. Elle produit des messages texte [15] qu’elle a envoyés au locateur à compter du 18 février 2021 concernant un appel de service pour l’appareil filtrant l’eau. Le 4 mars 2020, le locateur mandate une entreprise pour venir vérifier l’équipement de traitement d’eau. Une facture [16] de la visite est remise à la locataire. En fait, elle témoigne qu’il s’agit d’un entretien des machines qui se trouvent au sous‑sol et qui n’avaient pas été entretenues depuis 2018. Il n’y a aucune analyse de l’eau qui a été effectuée pour déterminer si elle est potable ou non. Malgré ce service d’entretien, la situation perdure. Elle achète pour sa consommation et celle de ses enfants de l’eau embouteillée.
[32] La locataire produit également un résumé [17] des dates où le locateur s’est présenté au logement pour y constater l’état des lieux ou pour y faire des travaux.
[33] La locataire témoigne également que la porte‑patio a un jour et que l’air s’y infiltre. Elle produit en preuve une série de photographies [18] à cet effet.
[34] La locataire a également constaté qu’il y avait des problèmes de solives au sous‑sol. Elle a avisé le locateur de cette situation.
[35] Elle a engagé un inspecteur en bâtiment qui est venu inspecter les lieux et a préparé un rapport.
Témoignage de monsieur Éric Cadieux
[36] Monsieur Cadieux est l’ancien locateur de la locataire. Il vient témoigner à la demande du locateur. Il explique que madame a laissé le logement dans un mauvais état. Il a dû assumer des dommages au logement.
[37] À cet égard, la locataire a déposé en preuve les photos [19] du logement lorsqu’elle l’a quitté. Les photos contredisent le témoignage de l’ancien locateur Éric Cadieux.
Témoignage de monsieur Serge Provost, inspecteur en bâtiment
[38] Monsieur Serge Provost est inspecteur en bâtiment. Il a été engagé par la locataire pour connaître l’état des lieux devant l’inaction alléguée du locateur à agir.
[39] Il a préparé un rapport [20] de son inspection qui fut produit en preuve. Il y a lieu d’en reprendre les parties pertinentes au présent litige :
« 1.6) Entrée avant
Nous avons constaté que le balcon avant en béton coulé recouvert de contreplaquer (plywood) arrivait en fin de vie utiles. Le balcon avant présente des fissure graves, de l’armature métallique est visible et présente de la corosion. De plus du contre plaquer a été installer par-dessus un contre plaquer qui était déjà en fin de vie utiles. Les balcons sont des accès pour les occupants et les visiteurs ils ce doivent d’être sécuritaire et sans danger.
…
1.7) entrée latérale
Nous avons constaté que les piliers de soutien du balcon latérale en béton coulé avait subie une réparation non conforme au règles de l’art. Les balcons sont des accès pour les occupants et les visiteurs ils ce doivent d’être sécuritaire et sans danger.
…
5.1) Solage
Nous avons observé que l’intégrité structurelles des murs de fondation présentait des risques de dommage gravent pour les occupants, des fissures et des égouTtement d’eau sur l’ensemble de l’ouvrage. Le bâtiment en entier repose sur le solage il doit donc être en mesure de supporter les charges attenantes. Compte tenus des dommages visibles je recommande une inspection immédiate par un ingénieur en structure.
…
6.1) Poutres et poteaux
Nous avons observé que les poteaux de soutien situés au sous-sol n’était pas arrimés convenablement aux lambourdes et que les lambourdes présentait des dommages au point d’encrage des poteaux. Les poteaux de soutien servent à maintenir le pontage du rez-de-chaussée accessible sécuritairement aux occupants du bâtiment. Je recommande de faire changer/réparer immédiatement les deux poteaux de soutien par un entrepreneur licencié.
…
6.3) Solive de plancher
Nous avons observé que l’ensemble des solives présentait des dommages graves, qu’elle étais fait avec des planches de l’ambrie emboufté de 1 pouce. Les solives servent à maintenir le pontage du rez-de-chaussée accessible sécuritairement aux occupants du bâtiment. Je recommande de faire changer/réparer immédiatement les solives par un entrepreneur licencié.
6.4) Solive Boiteuse
Nous avons observé au niveau de la solive boiteuse que l’enchêvrement n’avait pas été doublée. Lorsqu’on doit pratiquer un enchêvrement sur des solives boiteuses, il est important de doubler toutes les membrures entourant cette ouverture. S’il est possible d’utiliser des joints de métal sinon les joints doivent être croiser.
6.3) Solive réparer
Nous avons observé que les solives qui ont été réparé avec des enchêvrement n’avait pas été doublée.
6.4) Mur porteur
Nous avons observé que le mur porteur, au rez-de-chaussée, n’est pas aligné avec la poutre principale dans le vide sanitaire. Le plancher du rez-de-chaussée s’affaisse le long du mur porteur. La charge ne descend pas directement sur la poutre, mais plutôt sur les solives du plancher connectées à la poutre ce qui occasionne des dommages observés en 6,3). Soulignons que ces solives ne sont pas faites pour supporter les charges transférées par le mur porteur. Alors les solives fléchissent et le plancher s’affaisse. » [sic]
[40] Il explique que la partie la plus dangereuse de l’immeuble est le solage en bloc de béton. Il manque des blocs de béton à certains endroits, ce qui a un impact sur la stabilité de l’immeuble, d’où sa recommandation de faire inspecter l’immeuble par un ingénieur en bâtiment.
[41] Il considère que le vide sanitaire n’est pas suffisamment isolé et que cela explique que le plancher de la maison soit froid. Il explique que c’est comme si l’air extérieur entrait directement dans le vide sanitaire. Il recommande d’isoler les murs du vide sanitaire au complet.
Témoignage de monsieur Robert Courcy‑Lefebvre
[42] Monsieur Courcy‑Lefebvre est le conjoint de la locataire. Il explique qu’il a repris vie commune avec la locataire vers la fin de l’année 2020. Il témoigne que la relation est devenue plus difficile entre la locataire et le locateur à compter d’octobre 2020.
[43] Il témoigne que le locateur se présentait souvent sans préavis pour réaliser des travaux.
Témoignage du locateur
[44] Le locateur témoigne qu’il a agi à la suite des demandes de la locataire. Il explique les travaux qu’il a réalisés à la maison.
[45] Il témoigne qu’il ne souhaite pas changer les fenêtres. Il explique qu’il a loué la maison comme telle et il réfère au bail [21] qui ne prévoit pas qu’il doive faire des travaux à l’immeuble.
[46] Il a fait des travaux à l’immeuble selon les demandes de la locataire. Il a réparé les balcons, il a fait réparer les solives de l’immeuble et il a réparé sa salle de bain.
[47] Il considère que la locataire est responsable de la présence d’humidité dans ses fenêtres et de la présence de glace l’hiver. Il explique qu’elle fait sécher son linge dans la maison.
[48] En ce qui a trait à la qualité de l’eau, il considère que l’eau est potable. Il n’a pas fait réaliser de test de la qualité de l’eau.
[49] Il témoigne qu’il n’est pas nécessaire d’isoler le plancher du sous‑sol. Il refuse de payer la locataire pour le coût de l’achat de la laine isolante qu’elle a achetée pour isoler le plancher sans son consentement. Il considère qu’en ayant installé de la laine isolante, la locataire a diminué l’efficacité de la chaleur qui monte des calorifères électriques qui se trouvent dans le vide sanitaire. Il explique que ces calorifères chauffent le vide sanitaire et que la neige extérieure suffit à isoler les fondations.
[50] Il demande de rejeter les demandes de la locataire.
ANALYSE ET DÉCISION
[51] Le présent litige soulève les questions suivantes :
1) La locataire remplit‑elle les critères prévus pour être autorisée à déposer son loyer au Tribunal administratif du logement ?
2) La locataire a‑t‑elle le droit à une diminution de loyer de 630 $ par mois, rétroactivement au 1er juillet 2019 ?
3) Y a‑t‑il lieu de rendre des ordonnances pour exterminer la vermine, pour éliminer les odeurs provenant de la fosse septique ainsi que pour le forcer à exécuter des travaux dans le logement ?
4) La locataire a‑t‑elle droit à des dommages moraux de 10 000 $ pour les troubles et les inconvénients subis ?
5) La locataire a‑t‑elle droit à des dommages matériels d’une somme de 860,88 $ ?
6) La locataire a‑t‑elle le droit à des dommages punitifs de 5 000 $ ?
[52] Avant de répondre aux questions soulevées, le Tribunal rappelle aux parties les règles de preuve prévues aux articles
« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »
« 2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante. »
« 2843. Le témoignage est la déclaration par laquelle une personne relate les faits dont elle a eu personnellement connaissance ou par laquelle un expert donne son avis.
Il doit, pour faire preuve, être contenu dans une déposition faite à l’instance, sauf du consentement des parties ou dans les cas prévus par la loi. »
« 2845. La force probante du témoignage est laissée à l’appréciation du tribunal. »
[53] Les parties ont l’obligation de convaincre le Tribunal, selon la balance des probabilités, des prétentions qu’elles allèguent.
[54] Par conséquent, si, par rapport à un fait essentiel, la preuve offerte n’est pas suffisamment convaincante, ou encore si la preuve est contradictoire et que le Tribunal est dans l’impossibilité de déterminer où se situe la vérité, la partie qui l’allègue perdra.
[55] Comme le soulignent les auteurs Nadeau et Ducharme [22] dans leur Traité de droit civil du Québec :
« Celui sur qui repose l’obligation de convaincre le juge supporte le risque de l’absence de preuve, c’est-à-dire qu’il perdra son procès si la preuve qu’il a offerte n’est pas suffisamment convaincante ou encore si la preuve offerte de part et d’autre est contradictoire et que le juge est placé dans l’impossibilité de déterminer où se trouve la vérité. »
[56] Le Tribunal a évalué la crédibilité des parties lors de leur témoignage.
[57] Dans l’évaluation de la crédibilité des témoignages, le Tribunal a pris en compte l’attitude générale des parties lors de l’audience, les réticences qu’elles ont pu avoir, les contradictions, les exagérations, les affirmations gratuites qu’elles ont faites, l’intérêt qu’elles avaient dans le litige, la rancune manifestée contre l’autre partie, la vraisemblance de leur récit, les omissions volontaires, la complaisance et la mauvaise foi.
1) La locataire remplit‑elle les critères prévus pour être autorisée à déposer son loyer au Tribunal administratif du logement ?
[58] L’article
« 1907. Lorsque le locateur n’exécute pas les obligations auxquelles il est tenu, le locataire peut s’adresser au tribunal afin d’être autorisé à les exécuter. Les parties sont alors soumises aux dispositions des articles 1867 et 1869.
Le locataire peut aussi déposer son loyer au greffe du tribunal, s’il donne au locateur un préavis de 10 jours indiquant le motif du dépôt et si le tribunal, considérant que le motif est sérieux, autorise le dépôt et en fixe le montant et les conditions. »
[59] En ce qui a trait à la preuve produite, la locataire n’a pas la capacité financière de réaliser les travaux qu’elle demande au locateur.
[60] Le Tribunal n’accorde pas la demande de dépôt de loyer de la demanderesse. Le Tribunal rendra des ordonnances dans la présente décision que le locateur devra respecter. À défaut, la locataire pourra entreprendre un nouveau recours pour obtenir l’autorisation du Tribunal administratif du logement pour déposer son loyer.
2) La locataire a‑t‑elle le droit à une diminution de loyer de 630 $ par mois, rétroactivement au 1er juillet 2019 ?
[61] Le juge administratif Philippe Morisset fait une analyse, dans la décision Vachon c. Chen23], des critères à retenir en matière de diminution de loyer. Il y a lieu de reprendre son analyse :
« Le locataire a-t-il droit à une diminution de loyer ?
[55] L’article
« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l’usage pour lequel il est loué, et de l’entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. »
[56] Lorsque le locateur ne respecte pas cette obligation, le locataire peut exercer les recours prévus à l’article
« 1863. L’inexécution d’une obligation par l’une des parties confère à l’autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l’exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même ou, s’agissant d’un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L’inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer ; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l’avenir. »
[57] Il s’agit d’obligations de résultat. Conséquemment, les moyens de défense du locateur sont limités. Selon la doctrine et appliquées par la jurisprudence, les auteurs Jobin et Baudouin mentionnent ce qui suit :
« ... Dans le cas d’une obligation de résultat, la simple constatation de l’absence du résultat ou du préjudice subi suffit à faire présumer la faute du débiteur, une fois le fait même de l’inexécution ou la survenance du dommage démontré par le créancier. Dès lors, le débiteur, pour dégager sa responsabilité, doit aller au-delà d’une preuve de simple absence de faute, c’est-à-dire démontrer que l’inexécution ou le préjudice subi provient d’une force majeure. Il ne saurait être admis à dégager sa responsabilité en rapportant seulement une preuve d’absence de faute. »
[58] De plus, le deuxième alinéa de l’article
« En présence d’une obligation de garantie, le débiteur est présumé responsable. La seule façon pour lui d’échapper à sa responsabilité est de démontrer que c’est par le fait même du créancier qu’il a été empêché d’exécuter son obligation, ou encore que l’inexécution alléguée se situe complètement en dehors du champ de l’obligation assumée. »
[59] Ainsi, une fois la preuve du dommage établie par le locataire, il revient alors au locateur de démontrer que sa responsabilité ne pouvait être retenue en raison d’une situation s’apparentant à un cas de force majeure. Qui plus est, en présence d’une obligation de garantie, le locateur est présumé responsable. La seule façon pour lui alors d’échapper à sa responsabilité est de démontrer que c’est par le fait même du locataire qu’il a été empêché d’exécuter son obligation, ou encore que l’inexécution alléguée se situe complètement en dehors du champ de l’obligation assumée.
[60] Relativement à la diminution de loyer, celle-ci doit correspondre à la perte réelle subie. Elle doit être objective et non pas varier selon les caractéristiques propres à chaque locataire.
[61] Pour donner ouverture à une diminution de loyer, il faut que la perte de jouissance soit réelle, sérieuse, significative et substantielle.
[62] En conséquence, pour obtenir une diminution de loyer, la perte de valeur locative ou la diminution de prestation d’une situation ou encore les défectuosités dénoncées par le locataire doivent lui occasionner une perte de jouissance des lieux qui est réelle, substantielle et significative. Le trouble ne doit pas être mineur ou n’être qu’un simple préjudice esthétique. Somme toute, le trouble doit être sérieux.
[63] Selon les dictionnaires, le mot « sérieux » fait référence au caractère de ce qui mérite attention et considération du fait de son importance et de sa gravité (critique, réel, préoccupant et inquiétant).
[64] Les principes applicables quant au montant qui peut être alloué à titre de diminution de loyer sont les suivants :
« Le recours en diminution du loyer a pour but de rétablir l’équilibre dans la prestation de chacune des parties au bail ; lorsque le montant du loyer ne représente plus la valeur de la prestation des obligations rencontrées par le locateur parce que certains services ne sont plus dispensés ou que le locataire n’a plus la pleine et entière jouissance des lieux loués, le loyer doit être réduit en proportion de la diminution subie.
Il s’agit en somme de rétablir le loyer au niveau de la valeur des obligations rencontrées par le locateur par rapport à ce qui est prévu au bail ; la diminution ainsi accordée correspond à la perte de la valeur des services ou des obligations que le locateur ne lui fournit plus. Il ne s’agit donc pas d’une compensation pour des dommages ou des inconvénients que la situation peut causer. »
[65] Au sujet de la diminution de loyer, le professeur Jacques Deslauriers écrit :
« 1225. Le locataire qui subit une diminution partielle de jouissance peut demander une diminution de loyer (art.
[66] Plus loin, le professeur Deslauriers exprime la distinction qu’il faut faire entre la diminution du loyer et le droit à des dommages-intérêts :
« 1245. La résiliation du bail, la rétention ou la diminution du loyer sont des recours qui peuvent être accompagnés d’une réclamation de dommages-intérêts. Il s’agit de recours distincts pouvant être exercés concurremment, séparément ou même de façon consécutive.
1246. Dans tous les cas, le locataire peut exiger des dommages-intérêts, sous réserve de certaines dispositions spécifiques qui en dispensent le locateur, quand les inconvénients subis résultent de faits ou de comportements de tiers dont il ne peut être tenu responsable parce qu’il a posé les gestes voulus pour les éviter ou y remédier (art.
[67] Toujours en regard de la distinction à faire entre la diminution de loyer et les dommages et intérêts, la juge Matteau, dans King George Electronique inc. c. 2842122 Canada inc., mentionnait (17) :
« [75] Le recours en diminution de loyer a pour but de rétablir l’équilibre dans la prestation respective des parties au bail. Il vise dès lors à compenser le locataire pour la perte de l’usage et des avantages du bien loué, en réduisant le loyer en proportion de la diminution réelle de la jouissance par rapport à l’ensemble de la jouissance convenue.
[76] Il est également utile ici de rappeler que le recours en diminution de loyer n’a pas le même objet qu’un recours en dommages. Alors que le second permet au locataire de recouvrer les dommages qu’il a subis à la suite d’une dégradation des lieux ou de la diminution des services, le premier vise à recouvrer la part du loyer attribuable à la fourniture du service ou à l’utilisation de l’espace dont il a été privé. » »
(Références omises)
[62] La preuve présentée permet de conclure, selon la balance des probabilités, que la locataire a subi une perte de jouissance qui est réelle, sérieuse, significative et substantielle. Le Tribunal retient de la preuve que le plancher et les fondations de la maison n’étaient pas isolés avant que la locataire y installe de la laine isolante sous le plancher. Le locateur a d’ailleurs témoigné que ça ne servait à rien d’isoler les fondations ou le plancher. La neige était suffisante, selon lui, pour isoler les fondations ainsi que le vide sanitaire. Malgré qu’elle ait mis de la laine isolante sous le plancher, il est encore froid.
[63] Le Tribunal retient qu’un carton sert de fenêtre au sous‑sol et que les fenêtres de la maison sont en fin de vie utile. De la condensation s’y forme ainsi que de la glace durant l’hiver. Le Tribunal retient la version de l’inspecteur en bâtiment qui considère que les fenêtres sont en fin de vie utile. Le Tribunal a d’ailleurs pu constater cet état lors de la visite qu’il a effectuée du logement le 31 mai 2022.
[64] Le Tribunal retient également que le locateur a tardé à agir, bien que les problèmes lui aient été dénoncés à compter du mois de décembre 2019. La lettre [24] du locateur de décembre 2019 parle d’elle‑même.
[65] Le Tribunal considère également que le locateur a agi pour régler certains problèmes. Toutefois, sa façon de faire les travaux lorsqu’il agit n’est clairement pas selon les règles de l’art. Le Tribunal pense entre autres aux balcons, aux solives de la maison, au couvert de la fosse septique ainsi qu’au carton pour remplacer un soupirail de cave.
[66] Le Tribunal accorde une diminution de loyer de 400 $ par mois à la locataire, et ce, depuis le 1er janvier 2020. Cette diminution sera en vigueur tant que le locateur n’aura pas effectué les travaux prévus par la présente décision.
3) Y a‑t‑il lieu de rendre des ordonnances pour exterminer la vermine, pour éliminer les odeurs provenant de la fosse septique ainsi que pour le forcer à exécuter des travaux dans le logement ?
[67] La preuve présentée permet de conclure qu’il n’y a plus de vermine dans le logement. Toutefois, il y a lieu de rendre une ordonnance pour que les trous dans le revêtement extérieur de l’immeuble soient correctement bouchés et ainsi éviter que la vermine puisse y pénétrer.
[68] En ce qui a trait à la fosse septique, force est de constater que la preuve produite permet de conclure que le couvert de béton de la fosse septique est brisé et qu’il ne ferme pas correctement, laissant s’échapper une odeur de la fosse septique.
[69] Le Tribunal a d’ailleurs pu constater que le locateur a utilisé de la mousse isolante pour combler le trou laissé par la portion manquante du couvert en béton. Le Tribunal considère qu’il s’agit d’une réparation qui n’est pas conforme aux règles de l’art et qui présente un danger. Un couvert en béton bien fermé est une chose, mais lorsque de la mousse isolante est utilisée pour remplacer le béton dans le couvert d’une fosse septique, le Tribunal doute de la solidité et de la sécurité d’une telle réparation. Il y a lieu d’ordonner au locateur de faire remplacer le couvert de la fosse septique par un couvert en béton selon les règles de l’art.
[70] En ce qui a trait aux fenêtres, le Tribunal considère que les fenêtres sont en fin de vie utile. Le Tribunal retient d’ailleurs de la preuve que le locateur a fait faire une soumission en 2020 pour procéder au remplacement des fenêtres, mais qu’il a décidé de ne pas aller de l’avant avec le remplacement desdites fenêtres. Le Tribunal retient de la preuve que le locateur demandait une forte augmentation de loyer à la locataire, en échange de laquelle il faisait les travaux pour remplacer les fenêtres. À défaut par cette dernière d’accepter l’augmentation exigée, il ne remplaçait pas les fenêtres.
[71] Le Tribunal rappelle au locateur qu’il a une obligation de résultat. Il ne peut négocier le loyer au cours du bail quand bon lui semble en échange de travaux. Le Tribunal lui rappelle que le législateur a prévu un mode de modification du loyer aux articles
[72] Le locateur a l’obligation de faire les travaux requis au logement. En conséquence, le locateur devra remplacer les fenêtres de l’immeuble par des fenêtres neuves, et ce, selon les règles de l’art.
[73] En ce qui a trait à la question du remplacement des balcons, le Tribunal s’en remet à l’expertise produite par la locataire. L’inspecteur en bâtiment conclut que les deux balcons sont en fin de vie utile. Le Tribunal a pu constater leur état lors de la visite des lieux. Le locateur, suite à la réception de l’expertise faite par la locataire, a apporté des correctifs aux poteaux de béton pour les solidifier. Il les a également enveloppés d’une pellicule plastique (de type « saran wrap ») pour les protéger. Le Tribunal est loin d’être convaincu que les travaux réalisés ont été faits selon les règles de l’art. Le Tribunal partage l’opinion de l’inspecteur en bâtiment et il y a lieu de remplacer les balcons.
[74] De plus, le Tribunal considère que la preuve présentée soulève une question de sécurité des lieux qui doit être considérée. Le rapport de l’inspecteur en bâtiment constate des problèmes importants eu égard aux solives de l’immeuble que le locateur a réparées, mais également face aux fondations de l’immeuble.
[75] L’inspecteur en bâtiment recommandait que le locateur fasse inspecter l’immeuble par un ingénieur en bâtiment pour déterminer les problèmes de structure de l’immeuble. Les problèmes soulevés étaient importants aux yeux de l’inspecteur pour la sécurité des occupants de l’immeuble. Toutefois, comme il l’a mentionné lors de son témoignage, la situation n’était pas assez grave pour appeler les pompiers immédiatement pour évacuer les lieux. Le Tribunal considère qu’il y a lieu de déterminer si la structure présente un danger.
[76] Le Tribunal retient également de la preuve que le locateur n’a pas l’air de se préoccuper du problème de structure de l’immeuble. Lors de son témoignage, le locateur remettait en cause les conclusions du rapport de l’inspecteur en bâtiment sur la sécurité des lieux sans produire de contre‑expertise, bien qu’il ait annoncé vouloir en produire une.
[77] Le locateur a fait faire des travaux aux solives de l’immeuble à la suite de la réception du rapport de l’inspecteur en bâtiment. À la suite des travaux effectués par le locateur, l’inspecteur en bâtiment s’est rendu de nouveau dans le logement pour vérifier les travaux faits aux solives. Comme il le mentionnait, les travaux réalisés sont non conformes aux règles de l’art bien que le locateur dise le contraire.
[78] Le locateur a des obligations prévues par le Code civil du Québec. À cet égard, le Tribunal considère qu’il néglige son obligation de fournir un logement sécuritaire à la locataire. Le plancher de l’immeuble au premier étage est affaissé, comme le mentionne l’inspecteur en bâtiment.
[79] L’article
« 1918. Le locataire peut requérir du tribunal qu’il enjoigne au locateur d’exécuter ses obligations relativement à l’état du logement lorsque leur inexécution risque de rendre le logement impropre à l’habitation. »
[80] Lors de sa visite du 31 mai 2022, le Tribunal a pu constater que les solives étaient fragiles, un morceau de bois ayant brisé avec une facilité déconcertante par un simple mouvement du poignet du soussigné.
[81] Force est de constater que si rien n’est fait par le locateur pour déterminer l’état de la structure, l’immeuble risque de devenir impropre à l’habitation. Le Tribunal, dans les circonstances, conclut qu’il y a lieu d’ordonner au locateur de faire inspecter par un ingénieur en bâtiment l’immeuble et, plus particulièrement, sa structure pour déterminer si la sécurité des occupants est en jeu ainsi que si des travaux urgents doivent être réalisés pour corriger des problèmes structurels de l’immeuble. Ladite expertise devra être réalisée dans les 45 jours suivant la date de la présente décision. L’expertise devra être communiquée à la locataire dès sa réception pour que celle‑ci soit avisée, pour sa sécurité et celle de sa famille de l’état de la structure de l’immeuble et des risques encourus.
[82] Si des travaux doivent être réalisés, il appartiendra aux parties de prendre les procédures appropriées pour les réaliser.
[83] De plus, le Tribunal considère qu’il y a lieu d’ordonner au locateur de faire réaliser un test pour déterminer si l’eau du logement est potable et conforme aux normes en vigueur. Le locateur a l’obligation de fournir une eau potable à la locataire et sa famille.
[84] La preuve présentée démontre que l’eau est jaune, poisseuse et dégage une forte odeur. Lors de la visite du Tribunal, l’eau était jaunâtre. Le locateur a cru bon de boire un grand verre de cette eau pour démontrer au Tribunal qu’elle était potable. Le Tribunal ne peut considérer cet acte du locateur comme faisant la preuve que l’eau est potable. La locataire n’a pas non plus démontré que l’eau n’était pas potable par un rapport d’analyse de l’eau.
[85] Le rapport sur l’analyse de l’eau devra être transmis à la locataire dès réception. Le Tribunal rendra également une ordonnance pour que l’eau soit rendue potable et conforme.
4) La locataire a‑t‑elle droit à des dommages moraux de 10 000 $ pour les troubles et les inconvénients subis ?
[86] La locataire réclame une somme de 10 000 $ à titre de dommages moraux pour les troubles et les inconvénients qu’elle allègue avoir subis dans le logement.
[87] Les dommages moraux visent à compenser le stress, les inquiétudes, la fatigue et les troubles et inconvénients de toute sorte qu’a pu éprouver la partie lésée. Ce dommage est difficile à évaluer, contrairement aux dommages pécuniaires, lesquels sont plus aisément quantifiables en raison de leur caractère objectif.
[88] Les dommages moraux ne peuvent se présumer et doivent être prouvés selon les règles de prépondérance. En effet, « le dommage ne se présume jamais ; il doit être prouvé selon les règles ordinaires de prépondérance. [25] »
[89] S’il s’agit de dommages moraux, « ... la difficulté à chiffrer un préjudice non économique ne doit pas équivaloir à une dispense d’avoir à prouver sa survenance. (...) Le simple fait que le préjudice soit moral ne permet pas de se contenter d’une simple affirmation générale. [26] »
[90] Le Tribunal est d’avis que la locataire a démontré de façon prépondérante avoir subi des troubles et inconvénients justifiant l’attribution de dommages moraux. Le témoignage de la locataire sur les troubles et les inconvénients subis est digne de foi, crédible et probant.
[91] L’inaction du locateur durant de nombreux mois à faire les travaux demandés, entre autres, aux fenêtres, au balcon ainsi que le refus d’isoler le sous‑sol sont autant d’exemples qui ont engendré des troubles et des inconvénients pour la locataire. L’inaction du locateur à régler la question de l’eau potable est un autre exemple des troubles et inconvénients qu’a subis la locataire.
[92] Le Tribunal accorde une somme de 7 000 $ pour les troubles et inconvénients subis. Dans l’attribution de cette somme, le Tribunal tient compte que les troubles et inconvénients perdurent depuis janvier 2020.
5) La locataire a‑t‑elle droit à des dommages matériels d’une somme de 860,88 $ ?
[93] La locataire réclame une somme de 860,88 $ pour de la laine isolante qu’elle a installée dans le sous‑sol de la maison. Elle a agi d’elle‑même pour le faire, le locateur lui ayant indiqué qu’il n’entendait pas en installer.
[94] Les articles
« 1866. Le locataire qui a connaissance d’une défectuosité ou d’une détérioration substantielles du bien loué, est tenu d’en aviser le locateur dans un délai raisonnable. »
« 1867. Lorsque le locateur n’effectue pas les réparations ou améliorations auxquelles il est tenu, en vertu du bail ou de la loi, le locataire peut s’adresser au tribunal afin d’être autorisé à les exécuter.
Le tribunal, s’il autorise les travaux, en détermine le montant et fixe les conditions pour les effectuer. Le locataire peut alors retenir sur son loyer les dépenses faites pour l’exécution des travaux autorisés, jusqu’à concurrence du montant ainsi fixé. »
« 1868. Le locataire peut, après avoir tenté d’informer le locateur ou après l’avoir informé si celui-ci n’agit pas en temps utile, entreprendre une réparation ou engager une dépense, même sans autorisation du tribunal, pourvu que cette réparation ou cette dépense soit urgente et nécessaire pour assurer la conservation ou la jouissance du bien loué. Le locateur peut toutefois intervenir à tout moment pour poursuivre les travaux.
Le locataire a le droit d’être remboursé des dépenses raisonnables qu’il a faites dans ce but ; il peut, si nécessaire, retenir sur son loyer le montant de ces dépenses. »
« 1869. Le locataire est tenu de rendre compte au locateur des réparations ou améliorations effectuées au bien et des dépenses engagées, de lui remettre les pièces justificatives de ces dépenses et, s’il s’agit d’un meuble, de lui remettre les pièces remplacées.
Le locateur, pour sa part, est tenu de rembourser la somme qui excède le loyer retenu, mais il n’est tenu, le cas échéant, qu’à concurrence de la somme que le locataire a été autorisé à débourser. »
[95] La locataire ne s’est pas adressée au Tribunal administratif du logement en vertu de l’article
[96] Toutefois, le Tribunal considère, dans le présent cas, que la réparation effectuée doit être considérée comme étant une réparation urgente et nécessaire en vertu de l’article
[97] Le Tribunal condamne le locateur à payer une somme de 860,88 $ à la locataire à titre de dommages matériels. La locataire est donc en droit de déduire cette somme de son loyer.
[98] En ce qui a trait à la somme réclamée pour le remplacement de la pompe à eau, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une dépense urgente et nécessaire. Le Tribunal condamne le locateur à payer une somme de 111,51 $ à la locataire pour le remplacement de la pompe à eau. La locataire a tenté d’aviser le locateur, mais celui‑ci avait bloqué le numéro de téléphone de la locataire pour ne pas recevoir de messages texte ou d’appels, tel qu’admis par le locateur.
6) La locataire a‑t‑elle le droit à des dommages punitifs de 5 000 $ ?
[99 De la preuve entendue, le Tribunal conclut que la locataire réclame une somme de 5 000 $ à titre de dommages punitifs en vertu de l’article
« 1902. Le locateur ou toute autre personne ne peut user de harcèlement envers un locataire de manière à restreindre son droit à la jouissance paisible des lieux ou à obtenir qu’il quitte le logement.
Le locataire, s’il est harcelé, peut demander que le locateur ou toute autre personne qui a usé de harcèlement soit condamné à des dommages-intérêts punitifs. »
[100] Le juge administratif Philippe Morisset résumait bien le droit applicable en matière de harcèlement dans la décision Vachon c. Chen [27]. Il s’exprimait ainsi :
« [76] Cette réclamation est fondée sur l’article
[77] Il allègue que le locateur a usé de harcèlement envers lui.
[78] Dans son article intitulé, « Le harcèlement envers les locataires et l’article
« De façon générale, le harcèlement suppose une conduite qui, en raison de l’effet dérangeant qu’elle produit avec une certaine continuité dans le temps, est susceptible de créer éventuellement, chez la victime, une pression psychologique suffisante de manière à obtenir le résultat ultimement recherché par l’auteur de cette conduite. Plus spécifiquement, le harcèlement interdit aux termes de l’article 1902 pourrait, à notre avis, être décrit comme suit : « Une conduite se manifestant par des paroles ou des actes et ayant comme conséquence de restreindre, de façon continue, le droit d’un locataire à la jouissance paisible des lieux ou d’obtenir qu’il quitte le logement. »
[79] Il ajoute ce qui suit :
« Toute conduite ayant une conséquence de restreindre la jouissance du locataire ne constitue pas nécessairement du harcèlement ; elle doit être une tactique choisie dans la mise en œuvre d’une stratégie plus ou moins planifiée en vue d’atteindre un objectif recherché et son effet immédiat (l’effet dérangeant) doit apparaître comme un objectif intermédiaire ou secondaire. »
[80] L’auteur Denis Lamy, dans son ouvrage sur le harcèlement, le définit comme suit :
« Conduite vexatoire, généralement répétée et continue, qu’une personne adopte envers une autre, ses proches ou ses biens, se manifestant notamment par des comportements, des propos, des actes ou des gestes répétés, insultants, intimidants, illicites, humiliants, malveillants, discriminants, dégradants ou injurieux ; qui sont soit hostiles ou non désirés, lesquels portent atteinte à la dignité ou à l’intégralité psychologique ou physique du locataire, en vue d’obtenir que ce dernier quitte son logement ou ayant comme conséquence de restreindre de façon continue et significative le droit de ce dernier au maintien dans les lieux ou son droit à la jouissance paisible des lieux. Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif pour le ou la locataire. »
[81] La Cour supérieure, dans l’affaire Huot c. Martineau, reprenait avec approbation la définition suivante :
« Le harcèlement est un comportement volontaire, généralement répété et continu d’un locateur ou son représentant ou toute autre personne, se manifestant par des paroles, des actes ou des gestes à caractère vexatoire, méprisant ou intimidant à l’encontre d’un locataire, ses proches ou ses biens en vue de restreindre sa jouissance paisible des lieux ou qu’il quitte le logement. »
[82] L’intention malicieuse doit donc apparaître dans les agissements du locateur dans le cadre d’une stratégie planifiée.
[83] Il est reconnu que le harcèlement ne peut être apprécié de façon subjective, puisque cela reviendrait à qualifier la situation à partir de la perception personnelle des locataires.
[84] Le Tribunal doit apprécier l’ensemble des faits de façon objective et chercher à déterminer si les gestes posés peuvent raisonnablement être qualifiés d’actes de harcèlement constituant une série de mesures systémiques ayant comme conséquence de restreindre le droit à la jouissance paisible des lieux ou à obtenir que le locataire quitte le logement.
[85] Relativement à l’attribution de dommages punitifs, la juge L’Heureux-Dubé écrit, dans l’arrêt Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand :
« 120. À la lumière de la jurisprudence et de la doctrine au Québec et en common law sur la question et, plus important encore, conformément aux principes d’interprétation large et libérale des lois sur les droits et libertés de la personne ainsi qu’à l’objectif punitif et dissuasif du redressement de nature exemplaire, j’estime qu’une approche relativement permissive devrait être favorisée en droit civil québécois lorsqu’il s’agit de donner effet à l’expression « atteinte illicite et intentionnelle » aux fins des dommages exemplaires prévus par la Charte.
121. En conséquence, il y aura atteinte illicite et intentionnelle au sens du second alinéa de l’art. 49 de la Charte lorsque l’auteur de l’atteinte illicite a un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s’il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables, que cette conduite engendrera. Ce critère est moins strict que l’intention particulière, mais dépasse, toutefois, la simple négligence. Ainsi, l’insouciance dont fait preuve un individu quant aux conséquences de ses actes fautifs, si déréglée et téméraire soit-elle, ne satisfera pas, à elle seule, à ce critère.
122. En plus d’être conforme au libellé de l’art. 49 de la Charte, cette interprétation de la notion d’"atteinte illicite et intentionnelle" est fidèle à la fonction préventive et dissuasive des dommages exemplaires qui suggère fortement que seuls les comportements, dont les conséquences, sont susceptibles d’être évités, c’est-à-dire dont les conséquences étaient soit voulues soit connues par l’auteur de l’atteinte illicite, soient sanctionnés par l’octroi de tels dommages : Roy, Les dommages exemplaires en droit québécois : instrument de revalorisation de la responsabilité civile, op. cit., t. I, aux pp. 231 et 232. J’ajouterais que la détermination de l’existence d’une atteinte illicite et intentionnelle dépendra de l’appréciation de la preuve dans chaque cas et que, même en présence d’une telle atteinte, l’octroi et le montant des dommages exemplaires aux termes du deuxième alinéa de l’art. 49 et de l’art.
[86] Sur la détermination des dommages punitifs, l’article
« 1621. Lorsque la loi prévoit l’attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.
Ils s’apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenue envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers. »
[87] La Cour suprême a énoncé que les dommages punitifs visent à décourager les comportements sociaux répréhensibles qui ont pour effet de violer les droits et les libertés fondamentaux d’autrui. Ils ont également pour but d’exprimer la réprobation de la société d’une conduite intolérable et de prévenir une attitude semblable à l’avenir, autant pour le contrevenant que pour ceux qui seraient tentés de l’imiter. Ils visent donc à dissuader, à donner l’exemple, à réprimander, à punir ou à inciter à agir à l’avenir autrement.
[88] Me Pierre Pratte a commenté les critères d’établissement de dommages punitifs en matière de harcèlement :
« En matière de dommages punitifs, le nouvel article
[89] À ces critères s’ajoute l’aspect préventif, punitif et incitatif des dommages punitifs dont le Tribunal doit tenir compte. En effet, les tribunaux ont reconnu trois fonctions aux dommages punitifs :
« Une fonction préventive : Le Tribunal veut " décourager le contrevenant de bafouer de nouveau les droits de la victime [et] donner une leçon aux autres citoyens désirant agir selon des plans similaires " ;
Une fonction punitive : Il « permet au Tribunal d’exprimer concrètement son indignation face à la conduite du défendeur. » ;
Une fonction incitative : « Les dommages exemplaires étant octroyés à la victime en plus de ses dommages réels, cela a pour effet de l’inciter à effectuer les démarches nécessaires pour faire valoir ses droits devant les tribunaux, avec toutes les dépenses et les inconvénients que cela peut comporter. »
[90] D’autres critères ont été évoqués dans la jurisprudence au fil des ans, tels qu’ils ont été rapportés par l’auteur Denis Lamy :
« - Le niveau hiérarchique d’où a émané la conduite répréhensible, lorsqu’il s’agit d’une entreprise de location ;
- La motivation de la conduite répréhensible ;
- La vulnérabilité intrinsèque de la victime : âge, situation financière (et par rapport à l’auteur du préjudice ; cela inclut la prise en compte de l’inégalité du rapport de force y compris les ressources entre la victime et l’auteur du préjudice, en somme de la position dominante de l’un par rapport à l’autre) ;
- Les avantages ou bénéfices tirés, par le défendeur, de sa conduite répréhensible. » » (Références omises)
[101] Des faits mis en preuve, le Tribunal ne peut conclure que la locataire a été victime de harcèlement.
[102] Il est évident pour le Tribunal qu’il existe un conflit entre les parties et que les discussions ont pu être houleuses, mais cela ne constitue pas du harcèlement aux termes des principes ci‑devant mentionnés.
[103] Quant à la demande de reprise de logement du locateur pour le 30 juin 2022, le locateur a suivi la procédure prévue par la loi. Bien que la demande de reprise ait été refusée [28], cela ne constitue pas du harcèlement. De plus, le fait que le locateur ait mis la maison en vente le 31 mai 2022 ne constitue pas du harcèlement non plus.
[104] On ne peut donc conclure, suivant la preuve prépondérante, à une conduite continue et répétée ou à des mesures systémiques en vue de restreindre la jouissance des lieux ou d’obtenir le départ de la locataire.
[105] En conclusion, le Tribunal est d’avis que la locataire n’a pas démontré, par preuve prépondérante, qu’elle a subi du harcèlement au sens de l’article
7) Le locateur est‑il en droit d’obtenir la résiliation du bail de la locataire au motif qu’elle est en retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer ?
[106] L’article
« 1971. Le locateur peut obtenir la résiliation du bail si le locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer ou, encore, s’il en subit un préjudice sérieux, lorsque le locataire en retarde fréquemment le paiement. »
[107] La preuve présentée permet de conclure que la locataire doit la somme de 2 355,23 $ lors de l’audience du 18 octobre 2022, soit le loyer des mois de septembre (solde de 955,23 $) et d’octobre 2022. Il est à noter que cette somme inclut la déduction pour la pompe submersible qui fut achetée en janvier 2022 au montant de 111,51 $.
[108] Le Tribunal condamne donc la locataire à payer la somme de 2 355,23 $ au locateur.
[109] Toutefois, le Tribunal rappelle aux parties l’article
« 1673. La compensation s’opère de plein droit dès que coexistent des dettes qui sont l’une et l’autre certaines, liquides et exigibles et qui ont pour objet une somme d’argent ou une certaine quantité de biens fongibles de même espèce.
Une partie peut demander la liquidation judiciaire d’une dette afin de l’opposer en compensation. »
[110] Considérant que le Tribunal a octroyé une diminution de loyer, des dommages matériels et des dommages moraux, le Tribunal conclut que la locataire n’est pas en retard de plus de trois semaines dans le paiement de son loyer.
[111] La demande du locateur pour obtenir la résiliation de bail est donc rejetée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
Sur la demande 3129352 :
[112] ACCUEILLE en partie la demande du locateur ;
[113] CONDAMNE la locataire à payer au locateur la somme de 2 355,23 $, le tout avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[114] REJETTE les autres demandes du locateur ;
Sur la demande 3144822 :
[115] ACCUEILLE en partie la demande de la locataire ;
[116] ORDONNE au locateur de faire analyser l’eau du puits artésien dès réception de la présente décision et d’en communiquer le rapport d’analyse à la locataire dès sa réception ;
[117] Advenant que le rapport d’analyse d’eau constate que l’eau est non potable et non conforme aux normes gouvernementales, ORDONNE au locateur de faire effectuer tous les travaux requis au puits et à l’équipement de traitement de l’eau jusqu’à ce que l’eau soit considérée potable et conforme aux normes gouvernementales ;
[118] ORDONNE au locateur de faire faire une expertise par un ingénieur en bâtiment de la structure de l’immeuble dès réception de la présente décision. Ledit rapport devant être communiqué à la locataire dès sa réception par le locateur ;
[119] ORDONNE au locateur de faire isoler les fondations de l’immeuble et le plancher du 1er étage par un entrepreneur en construction détenant une licence de la Régie du bâtiment du Québec dans les 30 jours de la date de signature de la présente décision ;
[120] ORDONNE au locateur de faire remplacer le couvert de la fosse septique dans les 30 jours de la date de signature de la présente décision par un entrepreneur qualifié selon les règles de l’art ;
[121] ORDONNE au locateur de faire remplacer les fenêtres de l’immeuble selon les règles de l’art par un entrepreneur en construction détenant une licence de la Régie du bâtiment du Québec ;
[122] ORDONNE au locateur de procéder au remplacement des balcons de la maison par un entrepreneur en construction détenant une licence de la Régie du bâtiment du Québec selon les règles de l’art ;
[123] ORDONNE au locateur de faire boucher les trous permettant à la vermine d’accéder au logement ;
[124] DIMINUE le loyer payable par la locataire au locateur d’un montant de 400 $ par mois, rétroactivement au 1er janvier 2020 et jusqu’à ce que les travaux prévus aux ordonnances de la présente décision soient faits ;
[125] CONDAMNE le locateur à payer à la locataire la diminution accordée ;
[127] CONDAMNE le locateur à payer à la locataire la somme de 860,88 $ à titre de dommages matériels, le tout avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[128] REJETTE les autres conclusions de la demande de la locataire.[4] »
« [1] Le Tribunal est saisi d’une demande déposée le 30 janvier 2023 par le locateur. Le locateur demande l’autorisation du Tribunal administratif du logement pour reprendre le logement concerné dans le but d’y vivre avec sa conjointe et sa fille majeure.
[2] La demande est signifiée à la locataire le 10 février 2023 par un huissier de justice. La demande a été signifiée à monsieur Mathieu Robert le même jour. Il est à noter que ce dernier ne vit plus dans le logement concerné depuis le 3 mai 2020, et ce, à la connaissance du locateur. Monsieur Robert n’a pas participé aux audiences dans le présent dossier. Le Tribunal se référera à la locataire seulement pour la suite de la décision.
[3] Les parties sont liées par un bail [1] pour la période du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023 au loyer mensuel de 1 400 $. Il est à noter qu’une décision [2] fut rendue le 13 janvier 2023 ayant pour effet de réduire le loyer payable à 1 000 $ par mois jusqu’à ce que les travaux ordonnés soient exécutés.
[4] L’avis [3] de reprise est rédigé le 19 décembre 2022 par le locateur et signifié le 27 décembre 2022 par un huissier de justice. La locataire n’a pas répondu à l’avis reçu. Elle est donc présumée avoir refusé de quitter le logement.
[5] Pour faciliter la lecture de la décision, le Tribunal référera au logement concerné comme étant la « maison », puisque le logement est une maison unifamiliale.
[6] Les audiences dans le présent dossier ont eu lieu les 27 mars 2023 et 3 mai 2023.
LA PREUVE PRÉSENTÉE
Témoignage du locateur Serge Bédard
[7] Le locateur vit actuellement au [...] à Rigaud avec sa conjointe, Mélanie Martel.
[8] Il a acheté [4] la maison de son père et de sa mère le 29 juin 2010. Il témoigne que la maison fut construite vers 1975.
[9] Il témoigne que la maison comporte six chambres, pour un total de neuf pièces et demie. Deux chambres se trouvent au premier niveau.
[10] Il témoigne que le projet de reprendre la maison avec sa conjointe et sa fille est né au cours du mois d’octobre 2022. Il explique les détails de leur occupation future. Il soumet en preuve des photos [5] de la maison.
[11] Il explique qu’il a déjà demandé la reprise du logement en 2022. À ce moment-là, il voulait y loger sa fille.
[12] Sa demande de reprise ayant été refusée, il témoigne avoir voulu vendre la maison en juin 2022. Il croyait que la maison se vendrait rapidement. Ce ne fut pas le cas.
[13] Il explique qu’il vit actuellement dans une maison [6] de chambres de 12 chambres. Il y vit avec Mélanie Martel depuis deux ans et demi.
[14] Ils témoignent être allés en vacances cet hiver avec sa conjointe et sa fille durant dix jours. La cohabitation s’est bien déroulée. Il souhaite vivre dans la maison avec sa fille et sa conjointe. Vu la grandeur de la maison, tout le monde y trouvera son compte.
[15] Il témoigne posséder d’autres immeubles locatifs à Rigaud.
[16] Il pense rester dans l’immeuble longtemps. Il explique que sa fille travaille dans un centre de la petite enfance située dans le village, soit à 3-4 kilomètres de la maison.
[17] De son côté, il exploite un camping situé à proximité. Sa conjointe y travaille également.
[18] En contre-interrogatoire, il témoigne que son logement actuel ne lui convient plus. Ça manque de clarté. Il témoigne qu’il ira vivre dans la maison dans l’état où elle est sans faire de réparations lors de l’audience du 27 mars 2023.
[19] Il témoigne qu’il possède une maison sur le site du terrain de camping qui possède deux chambres, mais qu’il ne souhaite pas s’y installer, car il se ferait déranger par les résidents du camping.
[20] Il témoigne qu’il est prêt à ce que la date de la reprise soit repoussée au 1er août 2023.
[21] Lors de l’audience du 3 mai 2023, il produit une copie de l’acte d’annulation du contrat de courtage pour la vente de la maison.
[22] Il produit également le rapport [7] d’expertise technique de la structure et de la fondation de la maison. Le rapport est daté du 20 avril 2023. Il y a lieu de reprendre les conclusions du rapport :
« VI - CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
À la lumière de nos observations, nous pouvons conclure que le bâtiment nécessite des travaux importants de restructuration du plancher du rez-de-chaussée et de réfection de sa fondation pour assurer sa pérennité. En effet, bien que nous ne jugions pas la situation dangereuse pour l’instant, plusieurs travaux sont à prévoir afin de corriger les défauts de la structure.
Voici donc un résumé des travaux en fonction du niveau d’urgence :
Court terme (0-1 an) :
Renforcer les poutres affaiblies (Figure 10 et 11) par l’ajout de profilé d’acier ou de LVL de part et d’autre, et ce d’un appui à l’autre ;
Sécuriser temporairement les appuis aux extrémités (Figure 8 et 9) en ajoutant des colonnes de soutien ajustables appuyées sur une nouvelle base de béton ;
Moyen terme (1-2 an) :
Renforcer les solives dans la travée du centre (sous le mur porteur du rez-de-chaussée). Doubler les solives sur toute leur portée ;
Ajouter une solive de transfert en 2x10 pour reprendre la solive interrompue au droit de l’ancienne trappe d’accès ;
Ensuite, étant donné l’état des fondations et les risques de subir d’autres inondations, nous recommandons le remplacement complet de la fondation. Notez que lors du remplacement de la fondation, il sera important d’assurer une profondeur adéquate au gel. Nous recommandons une profondeur minimale de 5 pieds sous les semelles par rapport au sol extérieur. La fondation devra aussi répondre aux critères d’immunisation en ce qui concerne le niveau des ouvertures, du plancher du rez-de-chaussée, de sa résistance (armature), imperméabilisation et drainage. Les travaux impliqueront aussi de remplacer toutes les colonnes par des colonnes ajustables sur semelle de béton. Nous recommandons de prévoir un traitement anticorrosion. Vérifier auprès de votre municipalité si vous pourriez être éligible à une subvention.
Notez aussi que ces travaux impliquent l’excavation autour du bâtiment. Par le fait même, les sonotubes des balcons seront démolis. Ainsi, nous recommandons la réfection des balcons au même moment. Les balcons pourront être reconstruits en béton à même la fondation ou en bois appuyé sur des pieux vissés ou sonotubes.
Les travaux de fondation recommandés doivent être exécutés avant qu’une prochaine inondation ne survienne. Bien que les inondations subies dans votre secteur ont une récurrence de 100 ans, les inondations vécues en 2017 et 2019 et les changements climatiques nous ont appris que celles-ci sont impossibles à prédire. Dans cette optique, nous recommandons d’entamer dès maintenant les procédures auprès des entrepreneurs et professionnels pour effectuer les travaux au printemps prochain.
Notez que les travaux recommandés devront faire l’objet de plans et devis signés et scellés par un ingénieur en structure membre de l’ordre des ingénieurs. » (sic)
[23] Le locateur mentionne qu’il a obtenu une subvention [8] pour procéder aux travaux des fondations. Cette subvention découle des inondations de 2019 dans la Ville de Rigaud. Il avait accès à cette subvention depuis les inondations de 2019. Il va hypothéquer pour faire les travaux. Il explique qu’il fera soulever la maison et refaire les fondations. Il témoigne que ça lui coûtera la somme de 170 000 $ avec les taxes pour faire les travaux. Il témoigne avoir également commandé de nouvelles fenêtres.
[24] Il témoigne que ce n’est pas justifiable d’investir 170 000 $ dans des travaux si la locataire y réside. Il fera faire les travaux quand il y vivra.
[25] Il témoigne qu’à la suite de la décision du 13 janvier 2023, il a remplacé le couvert de la fosse septique. Il a baissé le loyer de 400 $ comme prévu à la décision. Il n’a pas encore remplacé les fenêtres vu les travaux à venir aux fondations et à la structure de la maison. Il a fait faire une analyse [9] de l’eau.
Témoignage de madame Mélanie Martel, conjointe du locateur
[26] Madame Martel est la conjointe du locateur et elle vit avec lui depuis deux ans et demi. Elle explique qu’elle a appelé différentes compagnies de déménagement pour obtenir des soumissions. Elle explique que le prix baisse si le déménagement a lieu à une autre date que le 1er juillet 2023.
[27] Elle soumet en preuve des soumissions [10] de compagnies de déménagement qui comportent un tarif horaire variant entre 125 $ et 165 $. Les soumissions ne sont pas pour le 1er juillet 2023, mais plutôt pour le 7 juillet 2023 dans un cas et ne comportent pas de date dans l’autre cas.
[28] Elle vit actuellement au [...] à Rigaud avec le locateur. Elle explique que le logement actuel ne lui convient plus. Elle souhaiterait avoir plus de place.
[29] Elle a discuté avec le locateur en octobre 2022 pour la possibilité de reprendre la maison et y vivre. Elle explique qu’elle n’a pas de cour, pas de fenêtre dans le logement et qu’elle ne peut pas s’asseoir devant le logement actuel. Elle témoigne travailler au camping du locateur tout l’été.
Témoignage de madame Fanny Bédard, fille du locateur
[30] Elle témoigne vivre au camping de son père actuellement. Elle témoigne vivre dans une roulotte et ses effets sont entreposés. Elle témoigne s’être séparée à l’été 2022 de son conjoint. Elle aimerait vivre dans la maison pour plusieurs années. Elle occupera le 2e étage, ce qui lui donnera une certaine intimité. Elle témoigne que la cohabitation durant des vacances dans le sud c’est bien passée avec son père et la blonde de ce dernier.
Témoignage de la locataire Emmanuelle Viens-Juillet
[31] Elle ne croit pas que le locateur ira vivre dans la maison. Elle pense qu’il cherche à lui faire quitter la maison pour mettre fin à son occupation. Elle explique que la fille du locateur a visité la maison en décembre 2021 sous un prétexte. Elle s’interroge sur le fait que le locateur, sa fille et sa blonde vont occuper le logement puisque le locateur veut faire les travaux aux fondations et à la structure.
[32] Elle se considère comme un problème pour le locateur. Elle a obtenu une diminution de loyer et des dommages. Il ne l’a pas payée et elle a cessé de payer son loyer pour compenser les sommes dues.
[33] Elle témoigne avoir constaté que la maison était toujours en vente avec une courtière immobilière, et ce, jusqu’au lendemain de la première audience, soit le 28 mars 2023.
[34] Elle témoigne que le locateur a remplacé le couvert de la fosse septique le 2 mai 2023 et qu’il a fait faire un rapport pour la structure en avril 2023 soit après la 1re date d’audience dans le présent dossier. Elle témoigne que le problème d’eau potable n’est pas réglé, l’eau étant toujours visqueuse et jaune.
[35] Elle ne produit pas de soumission pour justifier les frais de déménagement, mais elle souhaite être compensée si elle doit déménager.
PRÉTENTIONS DU LOCATEUR
[36] Le locateur prétend qu’il a l’intention d’aller vivre dans le logement concerné avec sa conjointe et sa fille. Il prétend qu’il s’agit d’un projet conjoint.
[37] Il prétend qu’il ne s’agit pas d’une tactique pour mettre fin au droit d’occupation de la locataire.
[38] Il offre une somme de 1 750 $ pour les frais de déménagement.
PRÉTENTIONS DE LA LOCATAIRE
[39] La locataire prétend que le locateur tente de reprendre son logement pour mettre fin à son droit de vivre dans le logement. Elle prétend que le locateur tente de contourner l’application de la décision rendue le 13 janvier 2023 en ne se conformant pas aux ordonnances rendues.
[40] Elle s’interroge également si le locateur est propriétaire de maisons équivalentes. La locataire plaide que la fille du locateur ignorait que le locateur devait faire des travaux aux fondations, et à la maison suite à la reprise.
ANALYSE ET DÉCISION
QUESTION : Le Tribunal doit-il autoriser le locateur à reprendre possession du logement concerné pour s’y loger avec sa fille majeure et sa conjointe ?
[41] Avant de répondre à la question posée, il y a lieu de rappeler aux parties les règles de preuve prévues aux articles
« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »
« 2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante. »
« 2843. Le témoignage est la déclaration par laquelle une personne relate les faits dont elle a eu personnellement connaissance ou par laquelle un expert donne son avis.
Il doit, pour faire preuve, être contenu dans une déposition faite à l’instance, sauf du consentement des parties ou dans les cas prévus par la loi. »
« 2845. La force probante du témoignage est laissée à l’appréciation du tribunal. »
[42] Les parties ont l’obligation de convaincre le Tribunal, selon la balance des probabilités, des prétentions qu’elles allèguent.
[43] Par conséquent, si, par rapport à un fait essentiel, la preuve offerte n’est pas suffisamment convaincante, ou encore si la preuve est contradictoire et que le Tribunal est dans l’impossibilité de déterminer où se situe la vérité, la partie qui l’allègue perdra.
[44] Comme le soulignent les auteurs Nadeau et Ducharme [11] dans leur Traité de droit civil du Québec :
« Celui sur qui repose l’obligation de convaincre le juge supporte le risque de l’absence de preuve, c’est-à-dire qu’il perdra son procès si la preuve qu’il a offerte n’est pas suffisamment convaincante ou encore si la preuve offerte de part et d’autre est contradictoire et que le juge est placé dans l’impossibilité de déterminer où se trouve la vérité. »
[45] Le Tribunal rappelle également aux parties qu’il a pris en compte l’ensemble des témoignages entendus ainsi que des pièces produites même s’il n’y fait pas référence dans la présente décision. Le Tribunal ne retient que les faits qui sont pertinents pour disposer du litige.
[46] Le Code civil du Québec prévoit le droit au maintien dans les lieux pour les locataires à l’article 1936, lequel se lit comme suit :
« 1936. Tout locataire a un droit personnel au maintien dans les lieux ; il ne peut être évincé du logement loué que dans les cas prévus par la loi. »
[47] Le droit pour le locateur de reprendre un logement constitue une exception au droit au maintien dans les lieux. Les règles applicables en matière de reprise de logement sont d’ordre public en vertu de l’article
[48] Les articles 1957, 1958, 1959.1,1960, 1961, 1962 et 1963 du Code civil du Québec prévoient les règles applicables et les conditions pour que le Tribunal puisse autoriser la reprise d’un logement.
[49] Lesdits articles se lisent comme suit :
« 1957. Le locateur d’un logement, s’il en est le propriétaire, peut le reprendre pour l’habiter lui-même ou y loger ses ascendants ou descendants au premier degré, ou tout autre parent ou allié dont il est le principal soutien.
Il peut aussi le reprendre pour y loger un conjoint dont il demeure le principal soutien après la séparation de corps, le divorce ou la dissolution de l’union civile. »
« 1958. Le propriétaire d’une part indivise d’un immeuble ne peut reprendre aucun logement s’y trouvant, à moins qu’il n’y ait qu’un seul autre propriétaire et que ce dernier soit son conjoint. »
« 1959.1. Le locateur ne peut reprendre un logement ou en évincer un locataire lorsque ce dernier ou son conjoint, au moment de la reprise ou de l’éviction, est âgé de 70 ans ou plus, occupe le logement depuis au moins 10 ans et a un revenu égal ou inférieur au revenu maximal lui permettant d’être admissible à un logement à loyer modique selon le Règlement sur l’attribution des logements à loyer modique (chapitre S-8, r. 1).
Il peut toutefois reprendre le logement dans l’une ou l’autre des situations suivantes :
1° il est lui-même âgé de 70 ans ou plus et souhaite reprendre le logement pour s’y loger ;
2° le bénéficiaire de la reprise est âgé de 70 ans ou plus ;
3° il est un propriétaire occupant âgé de 70 ans ou plus et souhaite loger, dans le même immeuble que lui, un bénéficiaire âgé de moins de 70 ans.
La Société d’habitation du Québec publie sur son site Internet les seuils de revenu maximal permettant à un locataire d’être admissible à un logement à loyer modique. »
« 1960. Le locateur qui désire reprendre le logement ou évincer le locataire doit aviser celui-ci, au moins six mois avant l’expiration du bail à durée fixe ; si la durée du bail est de six mois ou moins, l’avis est d’un mois.
Toutefois, lorsque le bail est à durée indéterminée, l’avis doit être donné six mois avant la date de la reprise ou de l’éviction. »
« 1961. L’avis de reprise doit indiquer la date prévue pour l’exercer, le nom du bénéficiaire et, s’il y a lieu, le degré de parenté ou le lien du bénéficiaire avec le locateur.
L’avis d’éviction doit indiquer le motif et la date de l’éviction.
Ces avis doivent reproduire le contenu de l’article 1959.1.
La reprise ou l’éviction peut prendre effet à une date postérieure à celle qui est indiquée sur l’avis, à la demande du locataire et sur autorisation du tribunal. »
« 1962. Dans le mois de la réception de l’avis de reprise, le locataire est tenu d’aviser le locateur de son intention de s’y conformer ou non ; s’il omet de le faire, il est réputé avoir refusé de quitter le logement. »
« 1963. Lorsque le locataire refuse de quitter le logement, le locateur peut, néanmoins, le reprendre, avec l’autorisation du tribunal.
Cette demande doit être présentée dans le mois du refus et le locateur doit alors démontrer qu’il entend réellement reprendre le logement pour la fin mentionnée dans l’avis et qu’il ne s’agit pas d’un prétexte pour atteindre d’autres fins. »
[50] Lors de la reprise d’un logement, deux droits importants se rencontrent et s’opposent. D’une part, le droit du propriétaire d’un bien d’en jouir comme bon lui semble et, d’autre part, le droit d’un locataire au maintien dans les lieux loués.
[51] Le législateur impose des conditions au locateur pour protéger le droit de la locataire qui perd irrévocablement leur droit au maintien dans les lieux. Le locateur a alors le fardeau de démontrer, par prépondérance de preuve, que son projet repose sur des faits raisonnables et probables et non sur un prétexte.
[52] Plus récemment, dans l’affaire Dinel c. Brousseau [12], la juge administrative Sophie Alain fait référence à la preuve exigée du locateur en matière de reprise de logement :
« [20] Le législateur impose des conditions au locateur pour protéger le droit du locataire qui perd irrévocablement son droit au maintien dans les lieux. Dans ce cadre, le locateur a le fardeau de démontrer de manière prépondérante que son projet repose sur des faits raisonnables et probables et non sur de faux prétextes et d’en convaincre le Tribunal.
[21] Ainsi, le Tribunal doit vérifier si ces motifs n’ont pas pour but de mettre fin au droit au maintien dans les lieux du locataire par un moyen détourné. En effet, plusieurs décisions des tribunaux démontrent que la reprise de logement constitue un “terrain propice aux manœuvres répréhensibles de certains locateurs”. L’auteur Pierre-Gabriel Jobin qualifie ainsi l’intention d’un locateur qui désire reprendre le logement :
[...] la bonne foi exigée par la loi doit être prouvée non seulement relativement à l’intention (du locateur) d’habiter (les lieux), mais aussi relativement aux intentions qui l’ont poussé et motivé à faire la demande de repossession.
[22] Bref, l’intention d’un locateur doit être scrutée à la lumière des faits exposés, mêmes incidents, pour pouvoir la révéler. Cette appréciation implique nécessairement de vérifier notamment la crédibilité du locateur, les raisons personnelles, les motivations à faire la demande et même l’état des relations locateur-locataire.
[23] En conséquence, il ne doit y avoir aucun doute dans l’esprit du Tribunal sur la réalisation et la faisabilité du projet, que ce dernier soit suffisamment certain et circonscrit, qu’il soit permanent, excluant le court terme, et qu’il ne repose pas uniquement sur une base transitoire ou hypothétique. En cas de doute, la demande de reprise du logement sera rejetée. » (Références omises)
[53] Le Tribunal a apprécié la preuve documentaire produite de même que les témoignages des parties et des témoins entendus. Le Tribunal a également relu les décisions [13] rendues entre les parties avant la présente audience et auxquelles les parties ont référé durant l’audience.
[54] À cet effet, il y a lieu de résumer les recours ayant eu lieu entre les parties avant l’introduction de la présente demande.
[55] Le locateur dépose une demande contre la locataire le 20 décembre 2020 dans le dossier no 547845. Il demande la résiliation du bail et le recouvrement du loyer dû.
[56] De son côté, la locataire dépose une demande contre le locateur le 29 décembre 2020 dans le dossier no 550639. Elle demande qu’il soit ordonné au locateur d’exécuter certains travaux pour rendre le logement propre à l’habitation. Elle demande également de diminuer le loyer payable et de condamner le locateur à lui payer des dommages matériels, moraux et punitifs.
[57] L’audience des dossiers no 547845 et 550639 a lieu les 9 mars, 19 avril et 29 novembre 2021 ainsi que les 24 janvier, 22 février et 18 octobre 2022. Une visite de la maison a également lieu par le Tribunal le 31 mai 2022.
[58] Une décision fut rendue le 13 janvier 2023 disposant des demandes des parties.
[59] Il y a lieu de reprendre les conclusions de la décision :
« POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
Sur la demande 3129352 :
[112] ACCUEILLE en partie la demande du locateur ;
[113] CONDAMNE la locataire à payer au locateur la somme de 2 355,23 $, le tout avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[114] REJETTE les autres demandes du locateur ;
Sur la demande 3144822 :
[115] ACCUEILLE en partie la demande de la locataire ;
[116] ORDONNE au locateur de faire analyser l’eau du puits artésien dès réception de la présente décision et d’en communiquer le rapport d’analyse à la locataire dès sa réception ;
[117] Advenant que le rapport d’analyse d’eau constate que l’eau est non potable et non conforme aux normes gouvernementales, ORDONNE au locateur de faire effectuer tous les travaux requis au puits et à l’équipement de traitement de l’eau jusqu’à ce que l’eau soit considérée potable et conforme aux normes gouvernementales ;
[118] ORDONNE au locateur de faire faire une expertise par un ingénieur en bâtiment de la structure de l’immeuble dès réception de la présente décision. Ledit rapport devant être communiqué à la locataire dès sa réception par le locateur ;
[119] ORDONNE au locateur de faire isoler les fondations de l’immeuble et le plancher du 1er étage par un entrepreneur en construction détenant une licence de la Régie du bâtiment du Québec dans les 30 jours de la date de signature de la présente décision ;
[120] ORDONNE au locateur de faire remplacer le couvert de la fosse septique dans les 30 jours de la date de signature de la présente décision par un entrepreneur qualifié selon les règles de l’art ;
[121] ORDONNE au locateur de faire remplacer les fenêtres de l’immeuble selon les règles de l’art par un entrepreneur en construction détenant une licence de la Régie du bâtiment du Québec ;
[122] ORDONNE au locateur de procéder au remplacement des balcons de la maison par un entrepreneur en construction détenant une licence de la Régie du bâtiment du Québec selon les règles de l’art ;
[123] ORDONNE au locateur de faire boucher les trous permettant à la vermine d’accéder au logement ;
[124] DIMINUE le loyer payable par la locataire au locateur d’un montant de 400 $ par mois, rétroactivement au 1er janvier 2020 et jusqu’à ce que les travaux prévus aux ordonnances de la présente décision soient faits ;
[125] CONDAMNE le locateur à payer à la locataire la diminution accordée ;
[126] CONDAMNE le locateur à payer à la locataire la somme de 7 000 $ à titre de dommages moraux, avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[127] CONDAMNE le locateur à payer à la locataire la somme de 860,88 $ à titre de dommages matériels, le tout avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[128] REJETTE les autres conclusions de la demande de la locataire. »
[60] De plus, le Tribunal retient que le locateur a introduit en 2022 une demande pour obtenir l’autorisation du Tribunal administratif du logement de reprendre le logement concerné le 3 février 2022 (dossier no 610867). Il souhaitait reprendre le logement au bénéfice de sa fille Fanny Bédard.
[61] Cette demande fut rejetée le 25 avril 2022 par une décision de la juge administrative Danielle Deland. Il y a lieu de reprendre la partie suivante de la décision [14] :
[6] La preuve a démontré que les relations entre les parties sont tendues.
[7] Le locateur avait introduit une demande de résiliation du bail de la locataire pour non‑paiement de loyer (dossier 547845 27 20 201 204) et ce dossier a été réuni à celui créé par la demande de la locataire, demande en diminution de loyer, en ordonnances au locateur d’exécuter ses obligations, en dommages matériels, des dommages moraux et dommages punitifs (dossier 550639 27 20 201 229). Suite à une ultime audience, le juge administratif Michel Huot a pris ces deux dossiers en délibéré et sa décision n’est pas encore rendue.
[8] Cependant, le juge administratif Huot avait indiqué dans son procès‑verbal du 29 novembre 2021 : « suite à l’amendement de la locataire du 29 ‑11 ‑ 2021, le locateur fera compléter une expertise des lieux loués pour déterminer la nécessité de faire faire les travaux. » (sic)
[9] La locataire a témoigné que le 6 décembre 2021, le locateur s’est présenté au logement concerné afin d’effectuer l’inspection commandée par le juge administratif Huot. La veille, le locateur aurait donné un préavis de sa visite à la locataire en précisant qu’il ne serait pas accompagné d’un ingénieur, mais d’un très bon inspecteur. Finalement le locateur est arrivé, accompagné de sa fille et du conjoint de cette dernière, qui a admis ne pas être venu inspecter la maison, mais plutôt la visiter. La locataire a refusé la visite au motif qu’elle n’avait pas eu de préavis pour ce type de visite. En quittant la maison, le locateur aurait tendu une feuille à la locataire qui a refusé de la prendre et qui a fermé la porte.
[10] Le jour même, le locateur a envoyé un nouvel avis à la locataire par courriel et par message texte, message dans lequel il annonçait son intention de reprendre le logement et dans lequel il avisait la locataire qu’une deuxième visite aurait lieu 24 heures plus tard, non pas pour inspecter le logement, mais bien pour le visiter.
[11] Cet avis se lit comme suit :
« Je te donne un avis de 24 h que je vien faire visiter la maison demain. Si tu m’empêche de faire visiter ma maison ben sa prouvera que t’est de mauvaise volonté. Ma fille n’a pas de maison où habiter et le [...] correspond très bien ses besoins. Je suis dans lmon droit et je respecte les délais. Ce message constitue une annonce officiel que je reprend possession en date du 1er Juillet 2022 pout y loger ma fille. Commence tes recherches dès maintenant pour te trouver un endroit pour habiter à partir du 1er juillet 2022.
Merci de ta compréhension » (sic)
Analyse
[12] Lorsque le locateur a constaté que la locataire avait refusé de prendre l’avis de reprise qu’il avait voulu lui remettre en mains propres le 6 décembre 2021, plutôt que de lui envoyer par huissier, il a choisi de lui envoyer un nouvel avis par message texte et par courriel.
[13] Or, le nom de la fille du locateur, la bénéficiaire de la reprise, n’apparaît pas dans cet avis.
[14] Pourtant, l’article 1961 et la jurisprudence sont clairs : non seulement le degré de parenté ou le lien du bénéficiaire avec le locateur doivent‑ils apparaître, mais aussi son nom.
[15] Dans l’affaire Cliff Blackburn c. Bryn Vienna Larsen [1], le juge administratif Alexandre Henri résumait l’état de la jurisprudence sur ce sujet et il écrivait :
« [47] Tel que le mentionne le juge Daniel Dortélus de la Cour du Québec dans l’affaire Metaxas c. Speirs, un avis qui ne contient pas le nom du bénéficiaire est invalide :
« [25] L’avis envoyé par le locateur ne rencontre pas les exigences de l’article
[Notre soulignement]
[48] Sur le même sujet, le juge Bernard Tellier de la Cour du Québec mentionne ce qui suit dans l’affaire Eng c. Delisle :
« [17] Nous nous trouvons dans un domaine où le législateur et les tribunaux luttent contre les abus commis par certains locateurs et, comme le fait toujours remarquer madame Rousseau-Houle :
"Les mentions obligatoires dans l’avis, en particulier celles du nom du bénéficiaire, sont un bon moyen d’assurer au locataire une défense pleine et entière. L’omission d’une des mentions obligatoires devrait être fatale, à moins que, exceptionnellement, le locataire y renonce de façon claire ou encore qu’il soit évident que le locataire pouvait identifier le bénéficiaire sans demander d’informations additionnelles, c’est-à-dire si le bénéficiaire était déterminable avec certitude à l’aide des informations contenues dans l’avis. »
[Notre soulignement]
[49] Même si les locateurs ont indiqué le nom de leur fils dans la demande qu’ils ont déposée au Tribunal, le défaut d’avoir omis de l’indiquer au départ dans l’avis de reprise est fatal, tel que le mentionne à juste titre la juge administrative Francine Jodoin dans l’affaire Barile c. Lazanas :
« [19] Les articles
[20] Ce que la jurisprudence vise à prohiber, ce sont les avis qui ne permettent pas au locataire de vérifier les informations communiquées, l’empêchant ainsi de se préparer adéquatement pour en contester la teneur. Ainsi, si le locataire dispose de suffisamment d’éléments pour identifier avec une certitude raisonnable le bénéficiaire de la reprise, le principe est alors atténué.
[21] En l’occurrence, même si la locataire pouvait se douter de l’identité des bénéficiaires, l’avis demeure ambigu. Elle ne pouvait alors s’assurer de la conformité de la demande aux dispositions législatives.
[22] La demande d’autorisation produite subséquemment ne peut permettre de remédier aux déficiences de l’avis. En effet, le processus de reprise, qui débute par l’envoi de l’avis prévu, est vicié dès le départ lorsque cet avis est invalide. On ne peut donc corriger par une procédure subséquente le défaut de l’avis.
[23] Le tribunal est d’opinion que l’avis transmis est invalide et ne rencontre pas les exigences obligatoires de l’article
[Nos soulignements] [Références omises] » (Références omises)
[16] CONSIDÉRANT que l’avis de reprise déposé par le locateur au dossier du Tribunal comportait une erreur cléricale puisqu’il mentionnait la date de reprise comme étant le 1er juillet 2021 ;
[17] CONSIDÉRANT que le locateur n’a pas prouvé que la locataire avait reçu cet avis de reprise ;
[18] CONSIDÉRANT que les avis de reprise qu’il a fait parvenir à la locataire par message texte et par courriel ne sont pas conformes à l’article
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[19] REJETTE la demande de reprise du locateur qui en assume les frais. »
[62] De plus, le Tribunal a évalué la crédibilité des témoignages entendus. Dans l’évaluation de la crédibilité des témoignages entendus, le Tribunal a pris en compte l’attitude générale des parties et des témoins lors de l’audience, les réticences qu’elles ont pu avoir, les contradictions, les exagérations, les affirmations gratuites qu’elles ont faites, l’intérêt qu’elles avaient dans le litige, la rancune manifestée contre l’autre partie, la vraisemblance de leur récit, les omissions volontaires, la complaisance et la mauvaise foi.
[63] Après avoir analysé toute la preuve, le Tribunal conclut qu’il y a lieu de rejeter la demande du locateur pour les motifs qui suivent.
[64] Le Tribunal n’est pas convaincu, selon la balance des probabilités, que le locateur souhaite réellement reprendre le logement concerné pour s’y loger. Le Tribunal entretient de sérieux doutes sur l’intention réelle du locateur qui l’amène à croire qu’il s’agit d’un prétexte pour atteindre d’autres fins, soit l’expulsion de la locataire.
[65] Premièrement, le Tribunal retient de la preuve que la maison était encore en vente lors de la première audience tenue le 27 mars 2023, étant affichée par la courtière immobilière du locateur.
[66] La maison était en vente depuis le mois de juin 2022, soit après le rejet de la demande pour être autorisé à reprendre le logement concerné. Le Tribunal retient que le locateur a produit lors de l’audience du 3 mai 2023 un formulaire de modification qui démontre qu’il a annulé le contrat de vente le 28 mars 2023, soit le lendemain de la 1re audience. Il témoigne que la maison n’est plus à vendre.
[67] Le Tribunal ne retient pas sa prétention à l’effet qu’il avait donné des directives à sa courtière en octobre 2022 pour mettre fin à la vente, mais que sa courtière immobilière avait oublié de la retirer du marché. La courtière immobilière ne fut pas entendue à titre de témoin et aucun document ne fut produit démontrant que le mandat donné à sa courtière immobilière pour la vente de la maison avait été annulé en octobre 2022.
[68] Deuxièmement, le Tribunal retient de la preuve présentée que le locateur n’a pas payé les sommes dues en vertu de la décision du 23 janvier 2023 à la locataire. La locataire a cessé de payer son loyer pour compenser les sommes dues.
[69] Troisièmement, le Tribunal retient également que le rapport d’ingénieur obtenu le 20 avril 2023 démontre la nécessité de faire d’importants travaux aux fondations et à la structure de la maison. Le Tribunal retient du témoigne du locateur qu’il ne souhaitait pas les faire si la locataire y habitait vu le coût élevé des travaux, soit près de 170 000 $. Le Tribunal retient également de son témoignage qu’il avait la possibilité de faire faire les travaux majeurs à la maison, et ce, depuis les inondations de 2019. Il pouvait obtenir des subventions lui permettant de faire des travaux pour régler le problème des fondations et de l’isolation. Le Tribunal retient que le locateur ne voyait pas la nécessité de les faire lorsque la locataire occupait le logement. Il les fera faire si le Tribunal l’autorise à reprendre le logement. Comme il le mentionne, le coût des travaux est trop élevé si la locataire y vit.
[70] Pourtant, la décision rendue le 13 janvier 2023 démontre que le locateur niait les problèmes de fondations et d’isolation allégués alors qu’il savait qu’il devait le faire et qu’il avait le droit à des subventions.
[71] Quatrièmement, le Tribunal retient que la fille du locateur n’était pas au courant des travaux majeurs devraient être réalisés pendant plusieurs mois. On parle ici de travaux du mois d’août à octobre selon la preuve [15] fournie par le locateur, nécessitant potentiellement l’évacuation de la maison.
[72] Cinquièmement, le Tribunal considère que le locateur tente de contourner les effets de la décision rendue le 13 janvier 2023 en tentant de reprendre le logement concerné. Cette décision constate que de nombreuses demandes de travaux furent faites au locateur sans succès.
[73] À cet effet, il y a lieu de reprendre une partie de la décision du 13 janvier 2023 :
« [70] En ce qui a trait aux fenêtres, le Tribunal considère que les fenêtres sont en fin de vie utile. Le Tribunal retient d’ailleurs de la preuve que le locateur a fait faire une soumission en 2020 pour procéder au remplacement des fenêtres, mais qu’il a décidé de ne pas aller de l’avant avec le remplacement desdites fenêtres. Le Tribunal retient de la preuve que le locateur demandait une forte augmentation de loyer à la locataire, en échange de laquelle il faisait les travaux pour remplacer les fenêtres. À défaut par cette dernière d’accepter l’augmentation exigée, il ne remplaçait pas les fenêtres.
[71] Le Tribunal rappelle au locateur qu’il a une obligation de résultat. Il ne peut négocier le loyer au cours du bail quand bon lui semble en échange de travaux. Le Tribunal lui rappelle que le législateur a prévu un mode de modification du loyer aux articles
[72] Le locateur a l’obligation de faire les travaux requis au logement. En conséquence, le locateur devra remplacer les fenêtres de l’immeuble par des fenêtres neuves, et ce, selon les règles de l’art.
[73] En ce qui a trait à la question du remplacement des balcons, le Tribunal s’en remet à l’expertise produite par la locataire. L’inspecteur en bâtiment conclut que les deux balcons sont en fin de vie utile. Le Tribunal a pu constater leur état lors de la visite des lieux. Le locateur, suite à la réception de l’expertise faite par la locataire, a apporté des correctifs aux poteaux de béton pour les solidifier. Il les a également enveloppés d’une pellicule plastique (de type « saran wrap ») pour les protéger. Le Tribunal est loin d’être convaincu que les travaux réalisés ont été faits selon les règles de l’art. Le Tribunal partage l’opinion de l’inspecteur en bâtiment et il y a lieu de remplacer les balcons.
[74] De plus, le Tribunal considère que la preuve présentée soulève une question de sécurité des lieux qui doit être considérée. Le rapport de l’inspecteur en bâtiment constate des problèmes importants eu égard aux solives de l’immeuble que le locateur a réparées, mais également face aux fondations de l’immeuble.
[75] L’inspecteur en bâtiment recommandait que le locateur fasse inspecter l’immeuble par un ingénieur en bâtiment pour déterminer les problèmes de structure de l’immeuble. Les problèmes soulevés étaient importants aux yeux de l’inspecteur pour la sécurité des occupants de l’immeuble. Toutefois, comme il l’a mentionné lors de son témoignage, la situation n’était pas assez grave pour appeler les pompiers immédiatement pour évacuer les lieux. Le Tribunal considère qu’il y a lieu de déterminer si la structure présente un danger.
[76] Le Tribunal retient également de la preuve que le locateur n’a pas l’air de se préoccuper du problème de structure de l’immeuble. Lors de son témoignage, le locateur remettait en cause les conclusions du rapport de l’inspecteur en bâtiment sur la sécurité des lieux sans produire de contre‑expertise, bien qu’il ait annoncé vouloir en produire une.
[77] Le locateur a fait faire des travaux aux solives de l’immeuble à la suite de la réception du rapport de l’inspecteur en bâtiment. À la suite des travaux effectués par le locateur, l’inspecteur en bâtiment s’est rendu de nouveau dans le logement pour vérifier les travaux faits aux solives. Comme il le mentionnait, les travaux réalisés sont non conformes aux règles de l’art bien que le locateur dise le contraire.
[78] Le locateur a des obligations prévues par le Code civil du Québec. À cet égard, le Tribunal considère qu’il néglige son obligation de fournir un logement sécuritaire à la locataire. Le plancher de l’immeuble au premier étage est affaissé, comme le mentionne l’inspecteur en bâtiment.
[79] L’article
« 1918. Le locataire peut requérir du tribunal qu’il enjoigne au locateur d’exécuter ses obligations relativement à l’état du logement lorsque leur inexécution risque de rendre le logement impropre à l’habitation. »
[80] Lors de sa visite du 31 mai 2022, le Tribunal a pu constater que les solives étaient fragiles, un morceau de bois ayant brisé avec une facilité déconcertante par un simple mouvement du poignet du soussigné.
[81] Force est de constater que si rien n’est fait par le locateur pour déterminer l’état de la structure, l’immeuble risque de devenir impropre à l’habitation. Le Tribunal, dans les circonstances, conclut qu’il y a lieu d’ordonner au locateur de faire inspecter par un ingénieur en bâtiment l’immeuble et, plus particulièrement, sa structure pour déterminer si la sécurité des occupants est en jeu ainsi que si des travaux urgents doivent être réalisés pour corriger des problèmes structurels de l’immeuble. Ladite expertise devra être réalisée dans les 45 jours suivant la date de la présente décision. L’expertise devra être communiquée à la locataire dès sa réception pour que celle‑ci soit avisée, pour sa sécurité et celle de sa famille de l’état de la structure de l’immeuble et des risques encourus.
[82] Si des travaux doivent être réalisés, il appartiendra aux parties de prendre les procédures appropriées pour les réaliser.
…
[91] L’inaction du locateur durant de nombreux mois à faire les travaux demandés, entre autres, aux fenêtres, au balcon ainsi que le refus d’isoler le sous‑sol sont autant d’exemples qui ont engendré des troubles et des inconvénients pour la locataire. L’inaction du locateur à régler la question de l’eau potable est un autre exemple des troubles et inconvénients qu’a subis la locataire. »[16]
[74] Le Tribunal doute de l’intention réelle du locateur de reprendre le logement pour y vivre. Le Tribunal conclut qu’il s’agit d’un prétexte pour atteindre d’autres fins.
[75] Comme le mentionnait la Cour du Québec [17], le Tribunal doit exiger une preuve prépondérante, qui ne laisse subsister aucun doute sur les intentions réelles du locateur, avant d’accorder la reprise de possession. Si des doutes persistent, quant à l’intention du locateur, la demande doit être rejetée.
[76] En conséquence, la locataire pourra continuer à vivre dans le logement concerné. Le Tribunal considère que le bail fut reconduit pour la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024 par l’effet de l’article
« 1941. Le locataire qui a droit au maintien dans les lieux a droit à la reconduction de plein droit du bail à durée fixe lorsque celui-ci prend fin.
Le bail est, à son terme, reconduit aux mêmes conditions et pour la même durée ou, si la durée du bail initial excède 12 mois, pour une durée de 12 mois. Les parties peuvent, cependant, convenir d’un terme de reconduction différent. »
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[77] REJETTE la demande du locateur. »
ANALYSE ET DÉCISION
« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »
« 2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante. »
« 2843. Le témoignage est la déclaration par laquelle une personne relate les faits dont elle a eu personnellement connaissance ou par laquelle un expert donne son avis.
Il doit, pour faire preuve, être contenu dans une déposition faite à l’instance, sauf du consentement des parties ou dans les cas prévus par la loi. »
« 2845. La force probante du témoignage est laissée à l’appréciation du tribunal. »
« Celui sur qui repose l’obligation de convaincre le juge supporte le risque de l’absence de preuve, c’est-à-dire qu’il perdra son procès si la preuve qu’il a offerte n’est pas suffisamment convaincante ou encore si la preuve offerte de part et d’autre est contradictoire et que le juge est placé dans l’impossibilité de déterminer où se trouve la vérité. »
QUESTION NO.1 : Le Tribunal a-t-il compétence pour rendre une ordonnance interdisant à la locataire de s’adresser aux futurs acquéreurs ?
« 28. Le Tribunal administratif du logement connaît en première instance, à l’exclusion de tout autre tribunal, de toute demande :
1° relative au bail d’un logement lorsque la somme demandée ou la valeur de la chose réclamée ou de l’intérêt du demandeur dans l’objet de la demande ne dépasse pas le montant de la compétence de la Cour du Québec ;
2° relative à une matière visée dans les articles 1941 à 1964,
3° relative à une matière visée à la section II, sauf aux articles 54.5, 54.6, 54.7 et 54.11 à 54,14.
Toutefois, le Tribunal administratif du logement n’est pas compétent pour entendre une demande visée aux articles
« 1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde. »
« En effet, « il y a consensus dans la jurisprudence et la doctrine à l’égard du fait que la Régie n’a pas compétence pour statuer sur les recours extracontractuels entre locateurs et locataires. »[12]
[29] Or la diffamation du locateur - et de surcroit, comme en l’espèce, d’un actionnaire de celui-ci n’étant pas partie au bail, ni visé par l’ordonnance du 17 décembre 2013 - participe certainement du régime de la responsabilité extracontractuelle.
[30] La Régie n’a pas compétence pour statuer sur la violation anticipée par un locataire de ses obligations extracontractuelles. » (Notre soulignement)
« Même si la frustration du locataire découlait des manquements du locateur à ses devoirs contractuels, un comportement de la sorte ne relève pas de la relation contractuelle du fait de son éloignement des règles les plus élémentaires de civilité. À ce titre, il y a consensus dans la jurisprudence et la doctrine à l’égard du fait que la Régie n’a pas compétence pour statuer sur les recours extracontractuels entre locateurs et locataires.[9] »
« POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[37] ORDONNE au locataire, sur préavis de 24 heures (sauf urgence), de donner accès à son logement à la locatrice et/ou à son représentant ou mandataire autorisé, accompagné le cas échéant d’un acquéreur éventuel, d’un inspecteur ou d’un ouvrier afin de vérifier l’état du logement, le visiter ou y effectuer des travaux ;
[38] ORDONNE au locataire de ne pas nuire d’aucune façon à l’exercice par la locatrice de ses droits d’accès au logement ;
[39] ORDONNE au locataire de cesser tout comportement agressif, intimidant et déplacé envers la locatrice ou ses représentants ; »
« POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[127] ORDONNE aux locataires de permettre l’accès à la locatrice afin qu’elle inspecte ce logement, avec l’entrepreneur ou l’expert de son choix, moyennant un préavis de 24 heures et aux heures prévues par la loi ;
[128] ORDONNE aux locataires de remettre à la locatrice un double de la clé des serrures d’accès de ce logement à leurs frais, et ce, dès que la présente décision deviendra exécutoire ; à défaut de quoi, et moyennant un préavis de 24 heures : ORDONNE aux locataires de donner accès au logement à la locatrice ou à ses représentants afin de procéder à un remplacement des serrures, à leurs frais ;
[129] CONDAMNE les locataires à payer à la locatrice la somme de 125 $ à titre de frais judiciaires ;
[130] REJETTE la demande pour le surplus ;
[131] DÉCLINE compétence sur la portion de la demande visant l’octroi de dommages afférant à l’atteinte à la réputation de la locatrice.[13] »
« POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[64] REJETTE la demande du locataire ;
[65] REJETTE la demande de la locatrice ;
[66] DÉCLINE COMPÉTENCE juridictionnelle quant aux allégations de diffamation et atteinte à la réputation. »
QUESTION NO.2 : Si le Tribunal a compétence, y a-t-il lieu de rendre une telle ordonnance ?
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- Les mercredis de 16 h à 20 h ;
- Les vendredis de 16 h à 20 h ;
- Les dimanches de 12 h à 17 h ;
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Michel Huot | ||
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Présence(s) : | le locateur Me Mélanie Chaperon, avocate du locateur | ||
Date de l’audience : | 14 août 2024 | ||
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[1] Bédard c. Viens Juillet,
[2] Bédard c. Viens Juillet,
[3] Bédard c. Viens Juillet,
[4] Bédard c. Viens-Juillet,
[5] Bédard c. Viens-Juillet,
[6] Nadeau, André et Ducharme, Léo, vol. 9, 1965, Montréal, Wilson et Lafleur ltée, pages 98 et 99.
[7] R.L.R.Q, chapitre T-15.01.
[8] Bédard c. 7037457 Canada inc. (C. Q., 2016-10-21),
[9] Kerassinis c. Boretsky,
[10] Gagnon (Succession de Nantel) c. Nehemia,
[11] Gagnon (Succession de Nantel) c. Nehemia,
[12] Simard c. Church,
[13] Simard c. Church,
[14] Forget c. Guo,2019 QCRDL 12373.
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