Décision

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Décision

Nassrallah c. Investissement Aylmer inc.

2021 QCTAL 8161

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Laval

 

No dossier :

445258 36 20190225 T

No demande :

3169870

 

 

Date :

25 mars 2021

Devant la juge administrative :

Louise Fortin

 

Gina Nassrallah

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Les Investissement Aylmer Inc.

 

Locatrice - Partie défenderesse

et

Nada Khoury

 

Caution - Partie intéressée

 

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Suivant un recours introduit le 4 février 2021, la locataire demande la rétractation de la décision rendue le 12 janvier 2021, laquelle a résilié son bail suite à une audition tenue le 23 décembre 2020.

[2]      Le 3 mars 2021, la locataire transmet la lettre suivante au Tribunal :

« À l’attention de Mme la juge,

J’aimerais débuter par m’excuser de mon absence aujourd’hui au tribunal du logement. Je vous écris dans le but de demander une remise de l’audience qui était prévue aujourd’hui, le 3 Mars 2021 à 14h. Ma fille, qui va encore à la garderie est tombée malade en fin de semaine et j’ai malheureusement attrapé sa grippe hier. J’ai quelques symptômes incluant la toux et des étourdissements.

En appelant le tribunal du logement hier et aujourd’hui, Mme. Nicole Gagnée m’a aidé en me donnant les informations nécessaires pour que je sois en mesure de reporter la date d’audience. Je voulais, en premier lieu, faire une demande en vidéoconférence mais elle m’a indiqué que la demande devait être faite plus tôt. C’est pour cette raison que je vous demande aujourd’hui la remise de l’audience qui devait être faite aujourd’hui. » [Reproduit tel quel]

[3]      Après avoir pris connaissance de cette lettre pour la première fois lors de l’audience, l’avocat de la locatrice indique que lui et la représentante de sa cliente n’ont jamais été informés de cette demande de remise qu’il conteste par ailleurs.


[4]      Il soutient que cette demande de remise n’a pour but que de retarder l’exécution de la décision contestée, alors que le recours intenté par la locataire n’est pas le bon recours puisqu’elle était présente lors de l’audition du 23 décembre 2020 et a eu l’opportunité de faire valoir sa défense.

Analyse

[5]      Selon les articles 28 et 29 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement[1], la remise de l'audience n'est aucunement automatique à moins que la partie adverse ne consente.

« 28. La partie qui désire obtenir la remise de l’audience à une date postérieure à celle déterminée dans l’avis d’audition doit produire au Tribunal le consentement écrit de l’autre partie. »

« 29. À l’audience, le membre peut, d’office ou sur demande écrite ou verbale d’une partie, remettre ou ajourner l’audience à une date ultérieure.

Toute décision relative à une demande de remise est consignée au procès-verbal. »

[6]      En l'instance, le Tribunal considère qu'en omettant de demander à la locatrice de consentir à une demande de remise de l'audience ou du moins de l'informer qu'une requête serait présentée à cet effet, la locataire a fait preuve d'un manque flagrant de diligence.

[7]      De plus, à défaut d'être présente, la locataire n'a pas cru opportun de mandater un mandataire afin de présenter sa demande de remise ou voir à la sauvegarde de ses intérêts.

[8]      Enfin, dans le cadre d'une saine administration de la justice, le Tribunal estime que les raisons invoquées par la locataire ne le convainquent pas que celle-ci était incapable d'être présente à l'audience et de faire valoir ses droits. Aussi, aucun document médical n’était joint à sa demande.

[9]      Dans une décision rendue le 1er mars 2006, la Cour du Québec[2] rejetait l'appel d'une décision du Tribunal administratif du logement auparavant la Régie du logement qui refusait une demande de remise formulée, comme en l'espèce, via une lettre, en l'absence de toute représentation devant le tribunal comme c'est le cas en l'instance. La Cour du Québec rappelait alors que :

« La décision d'accorder ou de refuser un ajournement est certes discrétionnaire, mais cette discrétion se doit d'être exercée « judiciairement » comme l'ont statué les plus hautes instances judiciaires. [...] Dans le contexte, cette décision n'apparaît ni déraisonnable ni injustifiée. La régisseure a estimé que les locateurs n'ont pas établi la nature et le sérieux de la maladie de leur fils et surtout de l'impossibilité d'au moins l'un deux à se présenter à la Régie, soit pour présenter sa preuve, soit pour faire une demande de remise en personne. La régisseure a exercé sa discrétion de façon judiciaire en concluant, de façon implicite, au manque de diligence de la partie qui demandait la remise. Il n'y a aucune faiblesse dans ce jugement et aucun manquement à un principe de justice naturelle.» (par. 12, 21-23, p. 3-4)

« La régisseure, Jocelyne Gascon, refuse la demande de remise essentiellement au motif que l'un des locateurs n'est pas présent pour la demander, que l'information au soutien de la demande de remise est insuffisante et que, de toute façon, l'un des locateurs aurait pu se libérer pour l'audition et témoigner et présenter la preuve. [...] La régisseure a exercé sa discrétion de façon judiciaire en concluant, de façon implicite, au manque de diligence de la partie qui demandait la remise. » (par. 19, 22, p. 4)

« Les requérants ne peuvent [...] se limiter à invoquer la violation de la règle audi alteram partem devant la Régie pour obtenir l'autorisation d'en appeler de la décision. Encore faut-il établir par une preuve prima facie que le refus d'accorder la remise n'était pas justifié ou était déraisonnable compte tenu des circonstances. [...] la demande de remise peut être valablement refusée en présence de mauvaise foi, de connivence ou de manque de diligence de la partie ou de son procureur, comme l'écrit le juge Audet dans l'affaire Gagné et Paquette c. Guiomar, précitée. [...] Dans le contexte, cette décision n'apparaît ni déraisonnable ni injustifiée. [...] Les locateurs n'ont pas réussi à démontrer au Tribunal, prima facie, une violation à une règle de justice naturelle [...]. » (par.15-16, 21et 23, p.4)

[10]   Dans une décision rendue le 6 février 2006, la Cour d'appel du Québec[3] rappelait que :

« [...] il est de jurisprudence constante que la décision d'accorder ou non un ajournement relève du pouvoir discrétionnaire du tribunal de première instance, ce pouvoir ne pouvant être révisé en appel que s'il n'est pas exercé judiciairement : R. c. V(M), J.E. 2004-1867 (C.A.), Roy c. R.F. Baril inc., J.E. 82-267 (C.A.). » (par. 8, p. 2)


[11]   Le droit d'être entendu est, dans le cadre d'un procès, un droit qui appartient aux deux parties. Les deux parties ont également le droit d'être entendues dans les meilleurs délais.

[12]   Le Tribunal est d'avis qu'il y a lieu de rejeter la demande de remise.

[13]   Enfin, la partie demanderesse a le fardeau de la preuve. Or, la locataire est absente à l'audience. Conséquemment, en l'absence de preuve faite au soutien de la demande, le Tribunal rejette la demande.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[14]   REJETTE la demande;

[15]   MAINTIENT la décision rendue le 12 janvier 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

Louise Fortin

 

Présence(s) :

la mandataire de la locatrice

Me Pierre-Olivier Bouvier-Leblanc, avocat de la locatrice

Date de l’audience :  

3 mars 2021

 

 

 


 



[1] Chapitre T-15.01, r. 5.

[2] Escobar Jatino c. Sigouin, 2006 QCCQ 1780, Cour du Québec.

[3] Guimond c. Québec, 2006 QC. C.A. 151 (IIJCAN).

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