Procureur général du Québec c. Terroux | 2023 QCCA 731 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
GREFFE DE
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N° : | 200-09-010058-193, 200-09-010071-196, 200-09-010190-202, 200-09-010207-204, 200-09-010219-209, 200-10-003750-200, 200-10-003752-206 | ||||
(200-01-207959-176) (200-01-213719-176) (200-01-216005-177) (200-01-217620-180) (200-01-219503-186) (200-01-226476-194) (200-01-228013-193) | |||||
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DATE : | 6 juin 2023 | ||||
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N° : 200-09-010058-193 | |||||
(200-01-207959-176) | |||||
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |||||
APPELANT – intervenant | |||||
c. | |||||
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FRÉDÉRIC TERROUX | |||||
INTIMÉ – accusé | |||||
et | |||||
SA MAJESTÉ LE ROI | |||||
MIS EN CAUSE – poursuivant | |||||
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N° : 200-09-010071-196 | |||||
(200-01-213719-176) | |||||
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |||||
APPELANT – intervenant | |||||
c. | |||||
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STEVEN FRENETTE | |||||
INTIMÉ – accusé | |||||
et | |||||
SA MAJESTÉ LE ROI | |||||
MIS EN CAUSE – poursuivant | |||||
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N° : 200-09-010190-202 | |||||
(200-01-216005-177) (200-01-217620-180) | |||||
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |||||
APPELANT – intervenant | |||||
c. | |||||
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ÉTIENNE DAUDELIN ÉTIENNE DEMERS | |||||
INTIMÉS – accusés | |||||
et | |||||
SA MAJESTÉ LE ROI | |||||
MIS EN CAUSE – poursuivant | |||||
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N° : 200-09-010207-204 | |||||
(200-01-228013-193) | |||||
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |||||
APPELANT – intervenant | |||||
c. | |||||
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LOUIS-PIER SENNEVILLE | |||||
INTIMÉ – accusé | |||||
et | |||||
SA MAJESTÉ LE ROI | |||||
MIS EN CAUSE – poursuivant | |||||
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N° : 200-09-010219-209 | |||||
(200-01-219503-186) (200-01-226476-194) | |||||
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |||||
APPELANT – intervenant | |||||
c. | |||||
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MATHIEU NAUD | |||||
INTIMÉ – accusé | |||||
et | |||||
SA MAJESTÉ LE ROI | |||||
MIS EN CAUSE – poursuivant | |||||
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N° : 200-10-003750-200 | |||||
(200-01-228013-193) | |||||
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |||||
APPELANT – intervenant | |||||
et | |||||
SA MAJESTÉ LE ROI | |||||
APPELANT - poursuivant | |||||
c. | |||||
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LOUIS-PIER SENNEVILLE | |||||
INTIMÉ – accusé | |||||
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N° : 200-10-003752-206 | |||||
(200-01-219503-186) (200-01-226476-194) | |||||
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SA MAJESTÉ LE ROI | |||||
APPELANT - poursuivant | |||||
et | |||||
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |||||
APPELANT - intervenant | |||||
c. | |||||
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MATHIEU NAUD | |||||
INTIMÉ – accusé | |||||
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Dans le dossier No 200-09-010058-193 (Terroux — volet registre)
[1] L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 19 juin 2019 par la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale (l’honorable Steve Magnan), déclarant que l’inscription obligatoire au registre national des délinquants sexuels prévue à l’article 490.013(2.1) du Code criminel est inopérante à l’égard de l’intimé.
[2] Pour les motifs du juge Vauclair, auxquels souscrivent les juges Ruel et Bachand, LA COUR :
[3] CONFIRME l’ordonnance prononcée pour une période de 20 ans conformément à l’arrêt R. c. Ndhlovu, 2022 CSC 38;
[4] DÉCLARE que les autres questions soulevées par les appels sont devenues sans objet vu la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 490.013(2.1) du Code criminel prononcée par l’arrêt R. c. Ndhlovu, 2022 CSC 38.
[5] LE TOUT, sans frais.
Dans le dossier No 200-09-010071-196 (Frenette — volet registre)
[6] L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 11 juillet 2019 par la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale (l’honorable René de la Sablonnière), déclarant que l’inscription obligatoire au registre national des délinquants sexuels prévue à l’article 490.013(2.1) du Code criminel est inopérante à l’égard de l’intimé.
[7] Pour les motifs du juge Vauclair, auxquels souscrivent les juges Ruel et Bachand, LA COUR :
[8] ACCUEILLE l’appel à la seule fin de modifier, conformément à l’arrêt R. c. Ndhlovu, 2022 CSC 38, l’ordonnance enjoignant à l’intimé de se conformer à la Loi sur l’enregistrement des renseignements sur les délinquants sexuels afin que sa durée soit fixée à 10 ans plutôt qu’à 20 ans;
[9] DÉCLARE que les autres questions soulevées par l’appel sont devenues sans objet vu la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 490.013(2.1) du Code criminel prononcée par l’arrêt R. c. Ndhlovu, 2022 CSC 38.
[10] LE TOUT, sans frais.
Dans le dossier No 200-09-010190-202 (Daudelin et Demers — volet registre)
[11] L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 11 juin 2020 par la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale (l’honorable Johanne Roy), déclarant que l’inscription obligatoire au registre national des délinquants sexuels prévue à l’article 490.013(2.1) du Code criminel est inopérante à l’égard de l’intimé.
[12] Pour les motifs du juge Vauclair, auxquels souscrivent les juges Ruel et Bachand, LA COUR :
[13] CONFIRME les ordonnances prononcées pour une période de 20 ans conformément à l’arrêt R. c. Ndhlovu, 2022 CSC 38;
[14] DÉCLARE que les autres questions soulevées par les appels sont devenues sans objet vu la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 490.013(2.1) du Code criminel prononcée par l’arrêt R. c. Ndhlovu, 2022 CSC 38.
[15] LE TOUT, sans frais.
Dans le dossier No 200-09-010207-204 (Senneville — volet registre)
[16] L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 13 mars 2020 par la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale (l’honorable Mario Tremblay), déclarant que l’inscription obligatoire au registre national des délinquants sexuels prévue à l’article 490.013(2.1) du Code criminel est inopérante à l’égard de l’intimé.
[17] Pour les motifs du juge Vauclair, auxquels souscrivent les juges Ruel et Bachand, LA COUR :
[18] CONFIRME l’ordonnance prononcée pour une période de 20 ans conformément à l’arrêt R. c. Ndhlovu, 2022 CSC 38;
[19] DÉCLARE que les autres questions soulevées par les appels sont devenues sans objet vu la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 490.013(2.1) du Code criminel prononcée par l’arrêt R. c. Ndhlovu, 2022 CSC 38.
[20] LE TOUT, sans frais.
Dans les dossiers No 200-09-010219-209 (Naud — volet registre)
[21] L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 13 mars 2020 par la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale (l’honorable Mario Tremblay), déclarant que l’inscription obligatoire au registre national des délinquants sexuels prévue à l’article 490.013(2.1) du Code criminel est inopérante à l’égard de l’intimé.
[22] Pour les motifs du juge Vauclair, auxquels souscrivent les juges Ruel et Bachand, LA COUR :
[23] CONFIRME l’ordonnance prononcée pour une période de 20 ans conformément à l’arrêt R. c. Ndhlovu, 2022 CSC 38;
[24] DÉCLARE que les autres questions soulevées par les appels sont devenues sans objet vu la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 490.013(2.1) du Code criminel prononcée par l’arrêt R. c. Ndhlovu, 2022 CSC 38.
[25] LE TOUT, sans frais.
Dans le dossier No 200-10-003750-200 (Senneville — volet peine)
[26] Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu le 13 mars 2020 par la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale (l’honorable Mario Tremblay), imposant à l’intimé une peine d’emprisonnement de 90 jours à être purgée de façon discontinue pour possession de pornographie juvénile et accès à celle-ci (articles 163.1(4)a) et 163.1(4.1)a) du Code criminel).
[27] Pour les motifs du juge Ruel et ceux du juge Bachand, LA COUR :
[28] ACCUEILLE la requête en autorisation d’appel de la peine;
[29] ACCUEILLE l’appel de la peine;
[30] ANNULE la peine d’emprisonnement de 90 jours à être purgée de façon discontinue;
[31] SUBSTITUE une peine d’emprisonnement de 12 mois moins le temps déjà purgé en date du présent arrêt;
[32] MAINTIENT l’ordonnance de probation et les autres ordonnances accessoires prononcées par le juge, dont celle confirmée par notre arrêt dans le dossier 200-09-010207-204.
[33] ORDONNE à l’intimé de se rapporter aux autorités carcérales avant le 19 juin 2023 à 16 h;
[34] De son côté, le juge Vauclair aurait accueilli la requête en autorisation d’appel de la peine et rejeté l’appel;
[35] Pour les motifs des juges Vauclair et ceux du juge Bachand, LA COUR :
[36] DÉCLARE que les peines d’emprisonnement minimales d’un an prévue aux articles 163.1(4)a) et 163.1(4.1)a) C.cr. sont incompatibles avec l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés et inopérantes en vertu de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982;
[37] De son côté, le juge Ruel est d’avis que, compte tenu du sort de l’appel sur la peine de 90 jours à être purgée de façon discontinue, la Cour ne devrait pas se prononcer sur la constitutionnalité des peines d’emprisonnement minimales.
Dans le dossier No 200-10-003752-206 (Naud — volet peine)
[38] Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu le 13 mars 2020 par la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale (l’honorable Mario Tremblay), imposant à l’intimé une peine d’emprisonnement de neuf mois pour possession de pornographie juvénile (article 163.1(4)a) du Code criminel).
[39] Pour les motifs du juge Vauclair et ceux du juge Bachand, LA COUR :
[40] ACCUEILLE la requête en autorisation d’appel de la peine;
[41] DÉCLARE que la peine d’emprisonnement minimale d’un an prévue à l’article 163.1(4)a) C.cr. est incompatible avec l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés et inopérante en vertu de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982;
[42] REJETTE l’appel de la peine;
[43] De son côté, étant d’avis, premièrement, que l’imposition de la peine d’emprisonnement minimale d’un an prévue à l’article 163.1(4)a) C.cr. n’est pas inconstitutionnelle au regard du cas particulier de l’intimé et, deuxièmement, qu’il n’y a pas lieu de poursuivre l’analyse en considérant les applications raisonnablement prévisibles de cette disposition à d’autres délinquants, le juge Ruel aurait accueilli la requête en autorisation d’appel ainsi que l’appel afin d’imposer à l’intimé une peine d’emprisonnement d’une durée d’un an.
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| MARTIN VAUCLAIR, J.C.A. | |
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| SIMON RUEL, J.C.A. | |
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| FRÉDÉRIC BACHAND, J.C.A. | |
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Me Caroline Martin | ||
LAVOIE, ROUSSEAU (JUSTICE-QUÉBEC) | ||
Pour le procureur général du Québec | ||
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Me Stéphanie Pelletier-Quirion | ||
PELLETIER-QUIRION AVOCATS | ||
Pour Frédéric Terroux, Steven Frenette, Étienne Daudelin, Étienne Demers, Louis-Pier Senneville et Mathieu Naud | ||
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Me Régis Boisvert Me Lina Thériault | ||
DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES | ||
Pour Sa Majesté le Roi | ||
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Dates d’audience : | 22 novembre 2021 et 24 mars 2023 | |
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MOTIFS DU JUGE VAUCLAIR |
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Introduction
[44] Sept dossiers impliquant sept intimés sont traités dans le cadre de mes motifs et m’amènent à aborder trois questions : la constitutionnalité de l'obligation de se soumettre à perpétuité à la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, LC 2004, ch. 10 (ci-après « LERDS »); la constitutionnalité des peines minimales associées aux infractions de possession et d’accès à la pornographie juvénile; et, enfin, les requêtes en autorisation d’appel qui ont été déférées à la Cour et par lesquelles on cherche à porter deux peines en appel.
[45] Les appels du procureur général du Québec (ci-après « PGQ ») découlent donc de cinq décisions. Le PGQ cherche à faire infirmer les jugements qui, pour chacun des intimés, prononce l’inapplicabilité de l'obligation d’inscription au registre national des délinquants sexuels (ci-après « le Registre ») et de s’y soumettre à perpétuité suivant les dispositions de la LERDS, de même que les jugements prononçant l’inapplicabilité des peines minimales à l’égard des intimés uniquement puisqu’une cour provinciale n’est pas habilitée à déclarer inopérante une disposition suivant le par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c. 11 (ci-après « Loi constitutionnelle de 1982 » et aussi « la Charte ») : R. c. Lloyd, [2016] 1 R.C.S. 130. Le poursuivant, représenté par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (ci-après « DPCP »), appuie le PGQ. Ce débat implique néanmoins la constitutionnalité de la loi.
[46] Par ailleurs, le 28 octobre 2022, la Cour suprême a rendu l’arrêt R. c. Ndhlovu, 2022 CSC 38. Les commentaires des parties ont été sollicités, bien que cette affaire mette en cause l’article 7 de la Charte et non son article 12. Le 2 décembre 2022, les derniers commentaires ont été reçus et il en sera question un peu plus loin dans mes motifs. Puis, le 23 janvier 2023, la Cour suprême déposait deux arrêts qui touchent l’application de l’article 12 de la Charte, soit les arrêts R. c. Hills, 2023 CSC 2 et R. c. Hilbach, 2023 CSC 3. Les parties ont été convoquées à une nouvelle audience qui s’est tenue le 24 mars 2023 et elles ont pu faire des observations additionnelles et répondre aux questions de la formation. Dans un souci d’équité, les parties ont pu déposer des observations écrites additionnelles concernant l’application des scénarios raisonnables hypothétiques. Les dernières observations ont été reçues le 6 avril 2023.
[47] Les trois questions seront traitées en deux parties : la « constitutionnalité du Registre », que je considérerai dans la première partie de mes motifs, puis la « constitutionnalité des peines minimales » et « l’appel sur les peines » dans la seconde.
[48] En effet, deux jugements se prononcent sur l’inapplicabilité des peines minimales d’un an d’emprisonnement prévues pour les infractions de possession (art. 163.1(4)a) C.cr.) et d’accès à la pédopornographie (art. 163.1(4.1)a) C.cr.). Puis, dans ces deux mêmes dossiers, le poursuivant porte en appel les peines prononcées. Je traiterai ensemble ces questions dans la seconde partie des motifs.
[49] Pour les motifs qui suivent, je propose de constater que la question de la constitutionnalité du Registre est devenue sans objet dans le cadre du présent appel et de déclarer les peines minimales contraires à l’article 12 de la Charte. Je propose aussi d’accueillir les deux requêtes en autorisation d’appel des peines et de les rejeter.
[50] Puisque je confirmerai les jugements attaqués, mes motifs n’abordent aucunement la doctrine du stare decisis horizontal à la lumière de l’arrêt R. c. Sullivan, 2022 CSC 19, et je m’abstiens de tout commentaire sur la question de savoir si et comment cette doctrine s’applique à l’égard de questions constitutionnelles tranchées par des juges d‘une cour provinciale.
[51] Un aperçu des faits dans chacun des dossiers suffit pour le moment. Des faits particuliers pourront être ajoutés lors de l’étude spécifique de chacune des questions.
1. Le dossier Terroux (200-09-010058-193)
[52] L’intimé Terroux avait plaidé coupable à quatre chefs d’accusation : leurre d’une personne de moins de 16 ans, soit l’acte criminel prévu à l’art. 172.1(1)b) 2a) C.cr.; incitation à des contacts sexuels d’un enfant âgé de moins de 16 ans, soit l’acte criminel prévu à l’art. 152 C.cr.; production et possession de pornographie juvénile, soit, respectivement, les actes criminels prévus aux articles 163.1(2) et 163.1(4)a) C.cr. Je note que la peine minimale pour production de pornographie juvénile a été déclarée contraire à l’article 12 de la Charte par la Cour d’appel de l’Ontario : R. c. Joseph, 2020 ONCA 733. Terroux a reçu une peine comportant notamment une période de détention de 24 mois. La peine elle-même n’est pas en appel.
[53] L’appel ne porte donc que sur la « constitutionnalité du Registre ».
[54] Le 19 juin 2019, le juge Magnan détermine que l’inscription obligatoire et à perpétuité au Registre (art. 490.012(1) et 490.013(2.1) C.cr.) est une peine contraire à l’article 12 de la Charte. Pour les motifs de la juge dans l’affaire R. c. Delage, 2019 QCCQ 1125, il la déclare inapplicable à l’égard de l’intimé Terroux et lui ordonne plutôt de se conformer aux obligations énoncées dans la LERDS pour une durée de 20 ans.
[55] L’intimé Frenette avait plaidé coupable à deux chefs d’accusation, soit l’accès et la possession de pornographie juvénile, commettant respectivement les infractions sommaires prévues aux articles 163.1(4.1)b) et 163.1(4)b) C.cr. Le juge se dit en accord avec l’inconstitutionnalité de la peine minimale de 6 mois, citant les affaires R. c. Duboc, 2019 QCCQ 7950, R. c. Lavigne-Thibodeau, 2019 QCCQ 3824 et R. c. Delage, 2019 QCCQ 1125. Le juge impose néanmoins la peine minimale de 6 mois, de sorte qu’il ne se prononce pas formellement sur la constitutionnalité des peines minimales.
[56] L’appel ne porte que sur la « constitutionnalité du Registre ».
[57] Le 11 juillet 2019, le juge de la Sablonnière adopte les motifs de sa collègue dans l’affaire R. c. Delage, 2019 QCCQ 1125, et détermine que l'inscription obligatoire et à perpétuité au Registre (art. 490.012(1) et 490.013(2.1) C.cr.) afin de se conformer aux obligations énoncées dans la LERDS est une peine contraire à l'article 12 de la Charte. Il ordonne à Frenette de s’y conformer pour une durée de 20 ans.
[58] L’intimé Demers avait plaidé coupable à une infraction d’avoir rendu accessible du matériel sexuel à une personne mineure, soit l’acte criminel prévu à l’art. 171.1(1)a)2a) C.cr., et à une infraction d’avoir leurré une personne de moins de 16 ans, soit l’acte criminel prévu à l’art. 172.1(1)b)2a) C.cr. Les peines minimales pour ces infractions sont de 6 mois d’emprisonnement. La juge prononce une peine comportant, entre autres, des peines de 6 mois et 1 an à être purgées concurremment. Les peines ne sont pas en appel.
[59] L’appel ne porte donc que sur la « constitutionnalité du Registre ».
[61] L’intimé Daudelin avait plaidé coupable à trois infractions, soit la distribution ainsi que l’accès et la possession de pornographie juvénile, commettant respectivement les actes criminels prévus aux articles 163.1(3), 163.1(4.1)a) et à 163.1(4)a) C.cr. Les peines minimales étant d’un an d’emprisonnement dans chaque cas, la juge les déclare contraires à l’article 12 de la Charte et impose à Daudelin des peines de 6 mois pour chacun des chefs, à être purgées concurremment.
[62] L’appel ne porte que sur la « constitutionnalité du Registre ». Il faut dire que la peine d’emprisonnement a fait l’objet d’une décision de la Cour en mai 2021, bien avant les présents pourvois : R. c. Daudelin, 2021 QCCA 784. La Cour a jugé les peines initiales déraisonnables dans les circonstances de l’affaire, et elle a imposé les peines minimales pour l’accès et la possession et une peine de 15 mois sur le chef de distribution, à être purgées concurremment. Par conséquent, elle écrit qu’elle n’avait pas à trancher la question constitutionnelle.
[63] Comme mentionné au paragraphe [60], la contestation constitutionnelle portant sur le Registre est la même que dans le dossier Demers.
[64] L’intimé Naud avait plaidé coupable à deux infractions dans deux dossiers entendus ensemble : R. c. Naud, 2020 QCCQ 1202. Dans un dossier, il s’agissait de l’infraction de possession de pornographie juvénile, soit l’acte criminel prévu à l’article 163.1(4)a) C.cr., et dans l’autre, l’infraction de distribution de pornographie juvénile contrairement à l’acte criminel prévu à l’article 163.1(3) C.cr. Les peines prescrites pour ces infractions sont des peines minimales d’un an d’emprisonnement. Le 13 mars 2020, Naud a reçu l’équivalent de la peine minimale pour l’infraction de distribution et le juge Tremblay ne se prononce donc pas sur la constitutionnalité de cette peine minimale. Pour l’infraction de possession, le juge impose une peine de 9 mois d’emprisonnement.
[65] Les motifs du juge sont rendus le même jour dans chacun des dossiers Naud et Senneville (voir R. c. Senneville, 2020 QCCQ 1204), dont il est également question dans le cadre de mes motifs.
[66] Le dossier Naud est pertinent aux deux questions constitutionnelles et le DPCP porte la peine en appel. Le PGQ attaque le jugement sur la constitutionnalité de la peine minimale pour le chef de possession de pornographie juvénile. Bien que le DPCP ait porté en appel la peine, je comprends que son argumentaire renvoie essentiellement à celui du PGQ. La peine minimale était celle demandée en première instance par le poursuivant. Le DPCP ne présente aucun argument additionnel sur le caractère déraisonnable de la peine de 9 mois prononcée pour le chef de possession ni aucun argument sur la peine elle-même.
[67] Sur la constitutionnalité du Registre, le juge Tremblay détermine que l'inscription obligatoire et à perpétuité à celui-ci (art. 490.012(1) et 490.013(2.1) C.cr.) est une peine contraire à l'article 12 de la Charte. Par conséquent, il le déclare inapplicable à l'égard de l'intimé Naud et lui ordonne plutôt de se conformer aux obligations énoncées dans la LERDS pour une durée de 20 ans.
[68] Les motifs étant similaires dans Senneville, j’y fais référence immédiatement. Le juge conclut que les obligations prévues dans la LERDS sont plus lourdes et longues que celles généralement prévues dans une ordonnance de probation qui peuvent être modifiées en tout temps : Naud, précité, par. 76-77; R. c. Senneville, 2020 QCCQ 1204, par. 69-70. Selon lui, puisqu’il est presque impossible de posséder des fichiers sans y accéder, il y a donc chaque fois une double accusation qui mène à l’inscription à perpétuité, sous réserve de négociations avec le poursuivant, celles-ci demeurant à la discrétion de la poursuite : Senneville, précité, par. 71-72; Naud, précité, par. 78, citant Delage, précité, par. 113-114. Pour le juge Tremblay, il est questionnable de devoir subir une conséquence pénale aussi lourde sans préavis et sans possibilité de discussion : Naud, par. 75. Par ailleurs, il constate qu’aucune preuve ne fut présentée pour soutenir une justification en vertu de l'article premier de la Charte : Naud, par. 81, Senneville, par. 76.
[69] L’intimé Senneville avait été déclaré coupable de possession de pornographie juvénile, commettant l’acte criminel prévu à l’article 163.1(4.1)a) : R. c. Senneville, 2020 QCCQ 1204.
[70] La peine prescrite pour cette infraction est une peine minimale d’un an d’emprisonnement. Après avoir déterminé que la peine appropriée était une peine de 4 mois d’emprisonnement, le juge la ramène, en raison de faits particuliers, à 90 jours d’emprisonnement à être purgée de manière discontinue accompagnée d’une probation de 2 ans. Le juge s’est penché sur la constitutionnalité de la peine minimale et il la déclare contraire à l’article 12 de la Charte. Il impose donc à l'intimé la peine envisagée, soit l’emprisonnement discontinu accompagné d’une ordonnance d’une probation.
[71] Le dossier Senneville est pertinent aux trois questions en appel. Le PGQ s’intéresse aux questions constitutionnelles et le DPCP invoque plusieurs erreurs dans l’imposition de la peine discontinue, laquelle devrait être annulée et remplacée par la peine minimale.
[72] Dans ce dossier, le 13 mars 2020, le juge Tremblay détermine que l'inscription obligatoire et à perpétuité au Registre (art. 490.012(1) et 490.013(2.1) C.cr.) est une peine contraire à l'article 12 de la Charte. Le juge Tremblay énonce des motifs identiques à ceux expliqués dans sa décision R. c. Naud, que j’ai repris au paragraphe [68]. Il ajoute une préoccupation sur le droit d’appel qui est limité aux questions de droit et aux questions mixtes : Senneville, précité, par. 70. Par conséquent, il le déclare inapplicable à l'égard de l'intimé Senneville et lui ordonne plutôt de se conformer aux obligations énoncées dans la LERDS pour une durée de 20 ans.
[73] Le Code criminel précise les cas où l’inscription au Registre des délinquants sexuels s’impose. En l’espèce, les intimés ont été déclarés coupables de plusieurs infractions désignées à l’alinéa 490.011(1)a) C.cr. Par conséquent, les juges devaient, lors des prononcés de la peine, enjoindre à ces derniers de se conformer à la LERDS : art. 490.012(1) C.cr.
[74] L’article 490.013 C.cr. précise la durée de l’ordonnance qui prend effet à la date de son prononcé et elle demeure en vigueur, pendant 10 ans, pendant 20 ans ou à perpétuité. Celle-ci prend fin au bout de 10 ans si l'infraction en cause est poursuivie selon la procédure sommaire ou si elle est passible d'une peine maximale d'emprisonnement de 2 ou 5 ans. C'est le cas de l’intimé Frenette. Elle aura une durée de 20 ans si l’infraction en cause est passible d’une peine maximale d’emprisonnement de 10 ou 14 ans. C’est le cas des intimés Daudelin, Demers, Naud, Senneville et Terroux.
[75] Par contre, si le délinquant fait l’objet de déclarations de culpabilité à l’égard de plus d’une infraction visée, et c’est le cas de tous les intimés, l’ordonnance s’applique alors à perpétuité : art. 490.013(2.1) C.cr.
[76] Les dispositions pertinentes dans le Code criminel, dans la LERDS et dans le règlement figurent en annexe.
Le débat et la position des parties
[77] En première instance, les intimés ont convaincu les juges que l’inscription obligatoire au Registre et les obligations qui découlent de la LERDS étaient une peine. Ils ont ensuite amené les juges à conclure que l’obligation d’y être inscrits à perpétuité était contraire à l’article 12 de la Charte. Les juges ont donc imposé l’inscription pour une durée qui ne contrevenait pas à l’article 12 de la Charte, soit pendant 20 ans.
[78] En appel, le PGQ cherche à infirmer les jugements sous deux rapports : l’inscription au Registre n’est pas une peine et l’obligation de s’y soumettre à perpétuité ne peut donc pas être contraire à l’article 12 de Charte.
[79] Afin de convaincre la Cour que l’inscription au Registre n'est pas une peine, l’appelant prétend que les juges d’instance devaient suivre l’arrêt R. c. Thériault, 2009 QCCA 185. Dans cet arrêt, la Cour avait rejeté l’invitation de qualifier l’inscription au Registre pour une durée de 20 ans comme étant une peine au sens de l’article 11 de la Charte. Évidemment, afin d’éviter la confusion, il est nécessaire de rappeler que « la peine devrait recevoir la même acception aux art. 11 et 12 de la Charte » : R. c. Boudreault, [2018] 3 R.C.S. 599, par. 38. Thériault avait donc réglé la question.
[80] Ensuite, si les juges pouvaient s’écarter de l’arrêt Thériault, le PGQ développe un argumentaire pour démontrer que l’inscription au Registre n’est toujours pas une peine en dépit des changements législatifs qu’invoquent les juges. Enfin, même si la mesure était une peine, elle ne contrevient pas à l’article 12 de la Charte.
[81] Les intimés répondent que les juges ont eu raison d’écarter l’arrêt Thériault et qu’ils ont eu raison de déclarer qu’une inscription au Registre à perpétuité contrevient à l’article 12 de la Charte. En appel, les intimés Terroux et Frenette demandent à la Cour de déclarer que l’ordonnance d’inscription au Registre constitue une peine et de déclarer que la durée à perpétuité de cette obligation viole l’article 12 de la Charte. Les intimés Daudelin, Demers, Naud, Senneville demandent de confirmer les décisions rendues à leur égard par les juges de la Cour du Québec. Aucun ne remet en question que cette « peine » serait en soi contraire à l’article 12 de la Charte indépendamment de sa durée à perpétuité. Aucun ne prétend que la durée établie par les juges, soit 20 ans, est contraire à l’article 12 de la Charte.
L’arrêt R. c. Ndhlovu, 2022 CSC 38
[82] L’arrêt Ndhlovu, rendu le 28 octobre 2022, est pertinent puisque la Cour suprême se penche sur deux dispositions du Code criminel, introduites en 2011 et régissant l’inscription au Registre. Elle les déclare inopérantes en application du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. La première est celle qui prévoit l’inscription obligatoire d’un délinquant reconnu coupable à une infraction désignée dans le Code, quel que soit son risque de récidive (art. 490.012(1) C.cr.). La seconde prévoit l’inscription à perpétuité du délinquant reconnu coupable de plus d’une infraction, peu importe la nature et le moment des infractions ou le fait qu’elles fassent partie d’un seul et même événement (art. 490.013(2.1) C.cr.). Il s’agit donc des dispositions en cause dans les dossiers devant nous, mais examinées sous l’angle de l’article 7 de la Charte.
[83] D’abord, dans une décision divisée, la Cour suprême déclare l’inscription obligatoire contraire à l’article 7 de la Charte. La Cour suspend l’effet de cette déclaration d’inconstitutionnalité pour une période d’un an. Elle conclut de plus, à l’unanimité cette fois, que l’inscription à perpétuité est inopérante avec application immédiate de cette décision.
[84] Sans entrer dans toute l’analyse de la Cour suprême, les précisions suivantes sont pertinentes. En clair, à la suite de cette décision, le Registre lui-même n’est pas contraire à l’article 7 de la Charte, ni les obligations qui sont soumises à des durées limitées de 10 ou 20 ans. C’est uniquement la disposition qui prévoit le caractère obligatoire de l’inscription pour tous les délinquants qui est problématique, alors qu’avant 2011, cette inscription devait faire l’objet d’une décision judiciaire. L’article 490.012(1) C.cr. est invalidé, avec prise d’effet dans un an, soit le 28 octobre 2023. L’article 490.013(2.1) C.cr., qui soumet les délinquants condamnés à plus d’une infraction désignée à des obligations pour la vie, a été déclaré inopérant à partir du jugement, soit le 28 octobre 2022. Par conséquent, ces délinquants demeurent soumis au Registre, comme tous les autres délinquants, pour une durée de 10 ou 20 ans selon la peine rattachée à l’infraction en cause.
[85] La décision recèle quelques passages qui, me semble-t-il, nourrissent la réflexion.
[86] D’abord, les juges majoritaires expliquent que l’inscription obligatoire au Registre, telle qu’elle est rédigée, a une portée excessive parce « qu’elle entraîne l’inscription de délinquants qui ne présentent pas un risque accru de commettre une autre infraction sexuelle dans le futur » : Ndhlovu, par. 79. En fait, la preuve révèle que « la majorité des délinquants sexuels — de 75 à 80 p. 100 — ne récidivent jamais » : Ndhlovu, par. 80. Ainsi, l’inscription de ces individus au Registre n’a aucun lien rationnel avec l’objet de la législation, ce qui signifie qu’elle a une portée excessive « au point de viser certains actes qui n’ont aucun lien avec son objet, ce qui la rend en partie arbitraire (Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, [2013] 3 R.C.S. 1101, par. 112) » : Ndhlovu, par. 77 [soulignement ajouté], 83, 92.
[87] Ensuite, la majorité de la Cour rejette expressément la proposition voulant que les obligations imposées par la LERDS aient un impact peu important sur la personne qui y est assujettie ou que les renseignements requis soient l’équivalent de ceux exigés dans la vie quotidienne, comme ceux associés « à la production de formulaires d’impôt sur le revenu, à l’obtention d’un permis de conduire ou d’un passeport, ou à l’inscription à une banque ou à une compagnie de téléphone » : Ndhlovu, par. 45.
[88] Au contraire, affirme la majorité, les obligations sont considérables et onéreuses. Elles astreignent une personne « à une obligation continue de communiquer un grand nombre d’informations, l’assujettit à des contrôles aléatoires et à d’autres mesures de conformité sous peine de poursuites et de sanctions sous forme d’emprisonnement, d’amendes ou des deux » qui, par conséquent, « impliquent également des contraintes à la liberté qui sont insidieuses et omniprésentes pour tous ceux et celles qui doivent s’y conformer »: Ndhlovu, par. 53-54, 83, 116.
[89] La majorité reconnaît également que « le fardeau que représente l’obligation de se conformer varie d’un délinquant à l’autre selon leur situation personnelle » et que, pour certains délinquants, l’impact sur la liberté s’en trouve alors aggravé. C’est le cas de, ceux « qui sont sans abri, qui ont des problèmes de toxicomanie et des problèmes cognitifs ou de santé mentale [et qui] peuvent trouver extrêmement difficile de se conformer à ces exigences »: Ndhlovu, par. 46, 56.
[90] La majorité ajoute que les atteintes au droit à la liberté n’ont rien de comparables à celles entourant la prise d’empreintes digitales. Pour la majorité de la Cour, « [l]a nature et l’ampleur des privations en cause dans la présente affaire sont beaucoup plus grandes », soumettant le délinquant « à une surveillance continue de l’État qui peut durer des décennies et pour certains délinquants, comme M. Ndhlovu, toute une vie » : Ndhlovu, par. 53.
[91] Je note finalement que, malgré les propos forts sur l’importance des atteintes à liberté, les juges majoritaires précisent qu’il ne s’agit pas d’une peine :
[58] Enfin, soyons clairs, nous ne tirons aucune conclusion sur le point de savoir si les ordonnances de se conformer à la LERDS constituent des peines selon le critère de l’arrêt K.R.J. (R. c. K.R.J., 2016 CSC 31, [2016] 1 R.C.S. 906). Ni l’une ni l’autre des parties n’a soulevé cette question ou n’en a débattu devant nous, et, privés d’observations, nous n’émettrons pas d’hypothèses quant à savoir si les ordonnances de la LERDS font intervenir l’art. 11 de la Charte et, dans l’affirmative, si elles résisteraient à une contestation fondée sur la Charte.
[92] Leurs collègues, exprimant une opinion dissidente en partie, rétorquent que :
[168] … Bien que mes collègues majoritaires « ne tir[ent] aucune conclusion sur le point de savoir si les ordonnances de se conformer à la LERDS constituent des peines selon le critère de l’arrêt K.R.J. » (par. 58), cela ne change rien. Le fait est que leur analyse reconnaît implicitement que ces ordonnances constituent vraisemblablement des peines. Il ne s’agit pas là d’un simple souci théorique. Il est déjà arrivé, après tout, qu’un tribunal refuse expressément de trancher une question tout en la tranchant dans les faits par l’adoption d’un raisonnement en particulier (voir, p. ex., et pris ensemble, R. c. Moriarity, 2015 CSC 55, [2015] 3 R.C.S. 485, par. 30; R. c. Stillman, 2019 CSC 40, [2019] 3 R.C.S. 144, par. 97‑109 et 113).
[93] Ce qui m’amène à l’arrêt R. c. Thériault, 2009 QCCA 185. Les intimés ont invité les juges à s’en écarter et le PGQ maintient que l’arrêt énonce toujours correctement le droit et que rien ne permet de l’écarter.
[94] Dans l’arrêt R. c. Thériault, la Cour a conclu que l’inscription au Registre pour une période de 20 ans n’est pas une peine au sens de l’article 11 de la Charte (Thériault, par. 29 à 31) et que les obligations imposées au délinquant ne violent pas l’article 7 de la Charte (Thériault, par. 44 à 50 et 61).
[95] En 2009, le juge Doyon, pour la Cour, parvient notamment à sa conclusion en faisant un parallèle avec l’ordonnance de prélèvement d’ADN, interprétée par l’arrêt R. c. Rodgers, [2006] 1 R.C.S. 554 : Thériault, par. 25. Il rappelle avec raison qu’une peine n’est pas « nécessairement toute conséquence pouvant découler du fait d’être déclaré coupable d’une infraction criminelle, que cette conséquence survienne ou non au moment de la détermination de la peine » : R. c. Rodgers, [2006] 1 R.C.S. 554, par. 63.
[96] Pour parvenir à cette conclusion, le juge Doyon avait notamment repris les motifs d’un arrêt de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, dont le fait que l’ordonnance n’est pas obligatoire, que les obligations imposées ne sont pas onéreuses, que les renseignements requis sont par nature peu privés et peu intrusifs et que l’objectif de la mesure est de prévenir la récidive : Thériault, par. 26 reprenant R. c. Cross, 2006 NSCA 30, par. 84.
[97] Le juge Doyon ajoute que la stigmatisation rattachée au Registre est limitée, car la loi limite l’accès aux informations consignées à un nombre restreint de personnes : Thériault, par. 27. Il appuie également son raisonnement sur l’arrêt Dyck qui avait jugé que l’inscription obligatoire au Registre provincial des délinquants sexuels, dont les obligations sont similaires au régime du Code criminel, ne transformait pas la mesure en peine au sens de l'alinéa 11 de la Charte : R. c. Dyck, 2008 ONCA 309, par. 84.
[98] La question de la constitutionnalité du Registre est soulevée dans tous les dossiers. Dans les décisions portées en appel, les juges se sont prononcés sur une violation de l’article 12 de la Charte. Ils ont donc conclu que la mesure participait de la peine au sens de cet article. Ils ont suivi la décision de leur collègue, la juge Pelletier, dans l’affaire R. c. Delage, 2019 QCCQ 1125, et ils adoptent ses motifs pour conclure que l’ordonnance d’inscription obligatoire et à perpétuité, en raison de ses attributs légaux, est une peine contraire à l’article 12 de la Charte. Selon la juge Pelletier, l’évolution du droit lui permet de revenir sur la qualification de l’ordonnance en cause et de revoir la conclusion de l’arrêt Thériault, en citant tour à tour notamment Canada (Procureur général) c. Bedford, [2013] 3 R.C.S. 1101, R. c. Rodgers, [2006] 1 R.C.S. 554, R. c. K.R.J., [2016] 1 R.C.S. 906 et R. c. Brodeur, 2018 QCCA 1997.
[99] Elle conclut que la durée obligatoire de l’inscription à perpétuité prévue à l’article 490.013(2.1) C.cr. contrevient à l’article 12 de la Charte et que l’ordonnance pour une période de 20 ans n’y contrevient pas : Delage, précité, par. 112-124.
[100] Le premier argument en appel repose sur le fait que rien ne justifiait de revoir l’arrêt Thériault qui, dans les circonstances, liait les juges. La Cour d’appel y avait décidé que les obligations liées au Registre n’étaient pas une peine au sens de la Charte. Cette question n’est plus aussi déterminante qu’elle ne l’était avant l’arrêt Ndhlovu, mais j’estime important de dire quelques mots à ce sujet.
[101] Les juges ont conclu que, depuis l’arrêt Thériault de 2009, le paysage juridique avait changé. D’abord, la LERDS a été modifiée. L’ordonnance qui était alors discrétionnaire est maintenant obligatoire et une exemption (ou dispense) n’est plus possible.
[102] Ensuite, les arrêts R. c. K.R.J., [2016] 1 R.C.S. 906 et R. c. Brodeur, 2018 QCCA 1997 avaient été déposés. Dans ce dernier, notre Cour s’est explicitement demandé, sans y répondre, si le test énoncé dans K.R.J. avait un impact sur la qualification de l’ordonnance d’inscription au Registre des délinquants sexuels comme une peine.
[103] Enfin, l’arrêt R. c. Poulin, [2019] 3 R.C.S. 566 a été rendu par la Cour suprême et a soulevé la même question, sans y répondre. Cet arrêt avait notamment laissé entendre que le test pour déterminer ce qui constitue une « peine » au sens de l’alinéa 11 i) de la Charte « avait été élargi au‑delà du sens qu’il revêtait auparavant », ce qui permet « d’assimiler une mesure à une peine afin de conférer un rôle plus clair et plus important à la prise en compte de l’incidence de la sanction » : Poulin, par. 37. Faisant ensuite la nomenclature des différentes décisions qui, depuis 2006, guident les tribunaux pour déterminer ce qui est une peine et dont certaines ont servi de fondement à l’arrêt Thériault, la juge Martin, pour la majorité, énonce : « Toutefois, sans me prononcer sur leur bien‑fondé, je constate que ces dernières décisions ont été rendues avant l’arrêt K.R.J. » : Poulin, par. 38.
[104] Il est bien établi que, malgré la règle du stare decisis, « les juridictions inférieures peuvent réexaminer les précédents de tribunaux supérieurs dans deux situations : (1) lorsqu’une nouvelle question juridique se pose; et (2) lorsqu’une modification de la situation ou de la preuve "change radicalement la donne" » (Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, [2013] 3 R.C.S. 1101, par. 42 : Carter c. Canada (Procureur général), [2015] 1 R.C.S. 331, par. 44; R. c. Sullivan, 2022 CSC 19, par. 80.
[105] À mon avis, contrairement aux positions du PGQ et du DPCP, il était légitime pour les juges de revoir les fondements de l’arrêt Thériault à la lumière des changements législatifs et des arrêts plus récents. Une position contraire lance un mauvais message que la Cour suprême elle-même a voulu éviter dans les arrêts Canada (Procureur général) c. Bedford, [2013] 3 R.C.S. 1101, par. 42 et Carter c. Canada (Procureur général), [2015] 1 R.C.S. 331, au par. 44, en rappelant que la règle du stare decisis ne doit pas devenir un « carcan qui condamne le droit à l’inertie » lorsque les juges sont placés devant une évolution importante du droit. Les modifications à la loi justifiaient un réexamen et l’invitation de la Cour suprême devenait un indice que les situations antérieures pouvaient être réexaminées. Un réexamen n’emporte cependant pas une conclusion différente. Depuis, l’arrêt Ndhlovu apporte encore des éléments de réflexion.
Conclusion
[106] Je ne suggère pas à la Cour de répondre à cette question à ce moment-ci. J’accepte l’argument du PGQ qu’il est devenu inutile de le faire. En effet, peu importe que l’inscription soit une peine ou non, tous les intimés sont ici visés par une ordonnance à perpétuité en raison de condamnations multiples et cette disposition a été déclarée inopérante par la Cour suprême. Vu les positions développées en appel et puisque les intimés, dans leur mémoire, ne demandent rien de plus que la confirmation des jugements rendus, l'arrêt Ndhlovu scelle le sort de ce moyen d'appel
[107] Par conséquent, tous les intimés seront soumis à une période inférieure. Je rejoins ici la position du PGQ et constate que les ordonnances à l'égard des intimés Daudelin, Demers, Naud, Senneville et Terroux auront maintenant une durée de 20 ans tandis que, pour l’intimé Frenette, la durée de son ordonnance sera de 10 ans : Ndhlovu, par. 142.
[108] Dans les circonstances, je propose à la Cour de déclarer que cette question est devenue sans objet.
[109] Devant la Cour d’appel, les dossiers Senneville et Naud soulèvent la constitutionnalité des peines minimales stipulées pour les infractions de possession (art. 163.1(4)a) C.cr.) et d’accès à la pornographie juvénile (art. 163.1(4.1)a) C.cr.).
[110] Comme le rappelait la Cour suprême, l’examen de la constitutionnalité d’une peine minimale va au-delà du délinquant lui-même.
[111] Dans l’arrêt Nur, la Cour rappelait « [ne] faire porter l’examen que sur la situation du délinquant en cause va à l’encontre de la jurisprudence de la Cour, établie de longue date, concernant le contrôle constitutionnel au regard de la Charte en général et de l’art. 12 en particulier » : R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, par. 50.
[112] Plus fondamentalement, la Cour suprême a reconnu que :
« [64] L’omission de se pencher sur l’effet de la loi contestée sur des tiers compromettrait en outre l’éventualité que la constitutionnalité d’une loi ne devienne certaine, de sorte qu’il faudrait s’en remettre à d’innombrables instances engagées individuellement pour constituer une jurisprudence sur ce point. Les citoyens, la police et l’État ont le droit — et même l’obligation — de connaître la teneur du droit criminel et de savoir s’il est constitutionnel. Se demander si une peine minimale obligatoire se révèle inconstitutionnelle pour d’autres personnes permet d’éviter que des dispositions inconstitutionnelles ne demeurent malencontreusement en vigueur.
[65] J’estime qu’une peine minimale obligatoire peut être contestée pour le motif qu’elle inflige une peine totalement disproportionnée au délinquant ou à d’autres personnes se trouvant dans des situations raisonnablement prévisibles. La jurisprudence constante de la Cour et le contrôle constitutionnel véritable n’exigent rien de moins. Dès lors, la disposition qui prévoit une telle peine peut être invalidée parce qu’elle inflige une peine cruelle et inusitée (c’est-à-dire, totalement disproportionnée) au délinquant poursuivi ou, sinon, parce qu’il est raisonnablement prévisible qu’elle inflige à d’autres personnes une peine cruelle et inusitée.
R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, par. 64-65 ; R. c. Hills, 2023 CSC 2, par. 68.
[113] En outre, devant la jurisprudence des tribunaux d’instance examinée par le juge qui déclare la disposition inapplicable « à l’égard » d’un accusé, ainsi que d’arrêts de cours d’appel d’autres provinces qui sont parvenus à une même conclusion, il me semble que les ressources judiciaires seraient mieux utilisées en tranchant la question. Je rappelle les propos de la Cour suprême : « [l]es citoyens, la police et l’État ont le droit — et même l’obligation — de connaître la teneur du droit criminel et de savoir s’il est constitutionnel » : Nur, précité, par. 64.
[114] J’entreprends maintenant mon analyse. Je mentionne que l’intimé Naud avait également plaidé coupable à l’infraction de distribution. Le juge Tremblay a conclu qu’une peine minimale d’un an d’emprisonnement pour cette infraction était méritée et, par conséquent, il ne s’est pas prononcé à savoir si cette peine minimale était contraire à l’article 12 de la Charte. La constitutionnalité de la peine minimale pour l’infraction de distribution n'est pas soulevée en appel.
[115] Par ailleurs, dans le dossier Frenette, le juge de la Sablonnière impose une peine équivalant à la peine minimale, soit 6 mois d’emprisonnement, mais il se dit en accord avec plusieurs décisions de sa Cour qui avaient invalidé les peines minimales, les jugeant contraires à l’article 12 de la Charte.
Revue sommaire des faits
[116] Les détails suivront dans l’analyse, mais je rappelle simplement que, sur une période de 8 mois, Senneville a reconnu avoir été en possession de 317 photographies uniques d'enfants (avec les dédoublements, c’est un total de 475 fichiers) qui correspondent à la définition de pornographie juvénile. Aucune vidéo n’a été trouvée. Au juge, le poursuivant explique que les fichiers représentent « en majorité [des] images de fillettes âgées entre 3 et 6 ans ayant des relations sexuelles avec des adultes et des mineurs ou encore des images d'enfants nus qui exposent leurs parties intimes ». Senneville a reconnu les avoir obtenues sur des sites spécialisés à partir de recherches initiées sur le site Google. Alors âgé de 26 ans, il était militaire depuis 10 ans au moment de la perpétration des infractions. Le poursuivant suggérait une peine d'emprisonnement de 12 mois alors que l'intimée recommandait une peine de 30 jours d'incarcération à purger de façon discontinue.
[117] Contrairement au DPCP qui plaidait que la nature et le nombre d’images étaient un facteur aggravant, le juge retient qu’il s’agit d’un facteur atténuant dans les circonstances des infractions.
Le jugement pour Senneville
[118] Voici ce que le juge écrit :
[1] Louis-Pier Senneville a reconnu être en possession sur une période de 8 mois, de 475 fichiers, représentant 317 images d’enfants correspondant à la définition de pornographie juvénile. Il a reconnu qu’il les a acquis sur des sites spécialisés à partir de recherches initiées sur Google lors des 13 mois précédents.
[2] Il n’utilisait aucun logiciel de partage particulier ou de dissimulation et n’avait aucune vidéo.
[3] Il regardait ces images principalement sur son téléphone cellulaire.
[4] Lorsque les policiers le rencontrent en octobre 2018, il collabore entièrement. Fait inusité, après une perquisition et un interrogatoire, ceux-ci choisissent de le libérer sans conditions en attendant la fin de l’enquête et la décision du procureur.
[…]
[7] En octobre 2018, lorsque l’accusé est rencontré par les enquêteurs, il révèle avoir lui-même été victime d’abus lorsqu’il était enfant. Il dira qu’il tente de comprendre ces abus en consultant de la pornographie juvénile. Avec le temps, cette version se modifiera quelque peu.
[8] Au début de son engagement dans les Forces armées canadiennes, il s’est retrouvé en Colombie-Britannique. Esseulé, il consulte des images de pornographie juvénile et commence à avoir des souvenirs éclairs d’agressions sexuelles subies étant enfant. Il soutient ne pas avoir d’intérêt pour les images d’enfants, mais plutôt chercher à aller vers les agresseurs pour canaliser sa répugnance lorsqu’il était négatif et frustré.
[9] Ses motivations laissent perplexes les experts qui l’ont rencontré. Par contre, l’évaluation spécialisée conclut que le niveau de risque se situe au stade du « désistement ».
[10] Un rapport d’enquête déposé révèle que des 317 images, 90 % représentent des fillettes âgées entre 3 et 6 ans, ayant des relations sexuelles avec des adultes et des mineurs. Les relations sexuelles impliquent de la pénétration et de la sodomie. Toutefois, l’enquêteur spécialisé évalue l’intensité des photos au premier quart, c’est-à-dire faible. L’attitude du suspect est remarquée par l’enquêteur, il le qualifie de « gentleman ».
[11] Louis-Pier Senneville, 26 ans, est militaire depuis dix ans au moment des délits en octobre 2018. Il ne sera arrêté qu’en avril 2019 et comparaîtra détenu. Il plaide coupable en juillet 2019, ce qui entraîne son expulsion des Forces. Il est dirigé vers un centre de transition pour réintégrer le marché du travail, mais il en est congédié le 15 novembre 2019 car ses conditions strictes de mise en liberté, notamment celles touchant à l’utilisation d’Internet, rendent difficiles le respect des conditions d’emploi.
[12] Il veut rebondir, mais un incendie survenu le 9 octobre 2019 le force à quitter son domicile. Il trouve refuge chez des amis. Dès qu’il le pourra, il compte s’inscrire à une formation d’électromécanicien pour travailler dans le secteur minier.
[13] Il se dit plus stable émotionnellement depuis qu’il a bénéficié de rencontres thérapeutiques et participé à une clinique sur la gestion de la colère. Sa vie de couple se stabilise également, même si sa conjointe est actuellement déployée en Irak. Sa mère et des amis l’accompagnent à la Cour. Il a beaucoup de regrets et est prêt à continuer à recevoir de l’aide.
[14] Fier, pour ne pas dire orgueilleux, il voit la prison comme un échec personnel d’autant plus choquant qu’il risque de se retrouver en compagnie de ceux qu’il honnissait. L’ordonnance lui intimant d’accomplir les formalités pour l’enregistrement des délinquants sexuels lui déplaît encore plus parce qu’il serait « mis dans la même catégorie que ceux qu’il traquait ».
[…]
[19] La procureure du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) suggère au Tribunal une peine de 12 mois d’emprisonnement sur chaque chef à être purgée de façon concurrente. Elle soumet que cette peine serait juste, l’accent étant mis sur la dénonciation et la dissuasion générale. Cette peine serait le minimum prévu par la Loi, mais justifiée dans les circonstances. Elle énumère les facteurs aggravants :
▪ La quantité d’images;
▪ La nature et la catégorisation des fichiers selon l’échelle de gravité reprise par la Cour d’appel dans l’arrêt Régnier. La majorité des fichiers se situe au niveau 2 et certains au niveau 4 sur une échelle de 5;
▪ L’âge des enfants, majoritairement entre 3 et 6 ans;
▪ La fréquence et la durée des infractions, soit 8 mois pour la possession et 13 mois pour l’accession;
▪ Les circonstances aggravantes légiférées, notamment les articles 718.01 et 718.2(ii.1) C.cr.
[…]
[25] Les circonstances atténuantes sont notamment :
▪ Le plaidoyer de culpabilité;
▪ L’absence d’antécédents judiciaires;
▪ Les conditions strictes de mise en liberté respectées depuis le 25 avril 2018;
▪ Le nombre et la nature des images, l’absence de vidéo, l’absence de logiciel spécialisé.
[26] Quant à la situation de l’accusé :
▪ Il est âgé de 28 ans, a toujours été un actif pour la société et prend les moyens de le rester ;
▪ Il n’est pas isolé et ne manque pas d’aptitudes sociales;
▪ Les regrets sincères et la prise de conscience du tort causé;
▪ L’absence de paraphilie, le très faible risque de récidive qui se situe au niveau du « désintéressement »;
▪ Aucun problème de consommation d’alcool ou drogue;
▪ L’effet dissuasif qu’a eu le processus judiciaire, l’accusé a demandé de l’aide et il est encore ouvert à l’idée d’en recevoir.
[28] Dans un premier temps, il convient de déterminer ce que serait une peine juste et appropriée au délinquant en fonction des principes codifiés dans la législation aux articles 718 et suivants C.cr. de même que du cadre jurisprudentiel applicable.
[29] Selon la preuve, les sévices qu’ont subis des enfants sont bien réels et dans ces cas, la dénonciation générale et spécifique souhaitée par la Cour d’appel est amplement justifiée :
[citation omise]
[30] Dans l’arrêt Régnier, souventes fois cité, en commentant la description des 71 548 fichiers et des 2407 vidéos acquis et possédés sur une période d’environ 16 ans, représentant des jeunes filles de 0 à 12 ans impliquées dans des actes sexuels variés, le juge Bouchard propose que le haut de la fourchette pour des peines de possession et distribution soit supérieur à 2 ans, ce dernier crime étant plus grave que les deux autres. Le juge Bouchard, au paragraphe 44, ne s’explique pas que le haut de la fourchette des peines soit encore fixé à 2 ans alors que le minimum obligatoire est d’une année pour un acte criminel. La Cour intervient pour porter de 18 à 36 mois la peine pour distribution, mais maintient les peines de 18 mois sur les chefs de possession et d’accès.
[31] Au fil du temps, l’augmentation des peines minimales se veut une réponse législative à un besoin de dissuasion générale plus élevé. L’objectif de mieux protéger les enfants est au cœur de la réflexion et de la réponse législative et jurisprudentielle. En ce sens, la représentante de la Procureure générale du Québec a raison de soutenir que la Cour d’appel appuie le principe d’une augmentation des peines. Dans Régnier, le juge Bouchard déplore justement que l’augmentation de la peine minimale n’ait pas eu plus d’effet haussier sur l’ensemble des peines.
[…]
[33] Toutefois, en ce qui a trait à l’imposition de peines minimales prévues à l’article 163.1 C.cr. aux délinquants « les moins répréhensibles », plusieurs décisions ont déjà conclu à une violation de la protection constitutionnelle selon les divers régimes juridiques applicables. Ces décisions témoignent de la difficulté d’appliquer une peine uniforme en cette matière peu importe la situation du délinquant et peu importe les circonstances du crime. D’ailleurs dans Caron-Barrette c. R. au paragraphe 71, la Cour d’appel reprend ce passage de l’arrêt Lloyd : « Plus la variété des comportements et des circonstances qui font encourir la peine minimale est grande, plus cette peine est susceptible d’être infligée à des délinquants pour lesquels elle est exagérément disproportionnée ».
[34] En ce qui a trait aux circonstances du crime, le délinquant Senneville a commis ses crimes sur une période 15 fois plus courte que Régnier, il possédait 150 fois moins de fichiers et aucune vidéo. Une peine de 12 mois est-elle appropriée pour la possession quand Régnier s’est vu imposer 18 mois? L’imposition d’une peine est un art délicat, ce n’est pas une science mathématique et les facteurs à considérer s’apprécient plus qu’ils ne se mesurent. Cependant, le Tribunal doit soupeser l’ensemble des facteurs énumérés au Code criminel pour déterminer une peine juste et proportionnée.
[…]
[42] Le Tribunal ne doit pas chercher à punir uniquement le crime. Il est à la recherche d’une peine juste. Dans toutes les décisions citées, les juges s’accordent à dire que la dissuasion générale doit primer, mais ils n’estiment pas juste et approprié d’imposer une peine d’emprisonnement de six mois ou d’un an. La dissuasion générale ne peut servir à justifier une peine exagérément disproportionnée.
[…]
[44] La gravité objective prévue par le législateur pour les crimes de possession et d’accession est de 10 ans. Soucieux de respecter les principes prévus aux paragraphes 718.1 et 718.2 C.cr., le Tribunal estime qu’en l’espèce, la peine devrait être de l’ordre de 4 mois pour la possession et de 4 mois pour l’accession, les deux peines à être purgées de façon concurrente.
[45] Toutefois, une peine de 90 jours purgée de façon discontinue aurait des avantages certains pour favoriser la réinsertion sociale de l’accusé. Il a perdu son emploi dans les Forces, mais a un projet concret pour réintégrer le marché du travail dans la vie civile. Il accomplit les démarches pour bénéficier d’une formation ciblée. Il serait clairement dans l’intérêt collectif de lui permettre de purger sa peine en même temps qu’il s’investirait dans un retour aux études pour réintégrer le marché de l’emploi.
[46] Une peine de 90 jours de prison à être purgée de façon discontinue n’est pas une peine légère.
[…]
[59] En l’espèce, le Tribunal conclut que les peines minimales obligatoires de 12 mois sont totalement disproportionnées à l’égard de l’accusé.
[60] En considérant le nombre de décisions rendues concluant à l’inconstitutionnalité lors de situations réelles, il apparaît inutile d’examiner les situations hypothétiques raisonnables.
R. c. Senneville, 2020 QCCQ 1204 (références omises)
[119] Naud est âgé de 32 ans au moment des infractions. Isolé, sans motivation, entretenant des pensées suicidaires, il travaille et se réfugie dans l’alcool et la drogue devant son ordinateur le soir. Il reconnaît avoir été en possession de 531 fichiers et 274 vidéos de pornographie juvénile, la majorité contient des images d’actes sexuels entre des enfants âgés de 5 à 10 ans et des adultes. Pendant quelque 13 mois, Naud a partagé ses fichiers à l’aide d’un logiciel de partage. Il reconnaît sa responsabilité et le sérieux de sa conduite. Il engourdissait sa conscience avec la consommation d'alcool. Depuis le processus judiciaire, il a cessé toute consommation et il a complété deux thérapies. Le risque de récidive est toutefois plus élevé que la moyenne. Le poursuivant suggérait une peine d'emprisonnement de 12 mois sur chaque chef à être purgée de façon concurrente, alors que l'intimé recommandait une peine de 90 jours d'emprisonnement.
Le jugement pour Naud
[120] Voici ce que le juge écrit :
[1] Mathieu Naud a reconnu être en possession de 531 fichiers et 274 vidéos de pornographie juvénile le 17 mai 2018. Il a également admis qu’il les rendait disponibles depuis 13 mois du fait qu’il utilisait un logiciel de partage. La grande majorité des fichiers contiennent des images d’enfants âgés de 5 à 10 ans qui font des actes sexuels avec des adultes. Presque tous les enfants sont des fillettes, mais on y retrouve aussi de jeunes garçons.
[…]
[5] Mathieu Naud, 32 ans, reconnaît tous les faits reprochés et éprouve beaucoup de honte. Son père, médecin, est strict, mais absent et sa mère est froide et distante. Il a une tendance à l’évitement, une incapacité à définir son identité, un vide quant à son avenir et ses projets ainsi qu’une confiance médiocre en lui-même. Son frère s’est suicidé quand il avait 11 ans.
[6] Il croit qu’il est dépressif depuis longtemps, ses parents pourraient l’avoir été également. Il entretient des idéations suicidaires. Il a étudié à l’université jusqu’à l’âge de 24 ans, mais sans compléter une formation. Il enchaîne les petits boulots, sans plus de motivation.
[7] Tous les soirs, quand il revient du boulot, sa vie gravite autour de son ordinateur et de sa consommation jusqu’à l’ivresse. Il consomme du cannabis, du hachich et de l’alcool. Sur son ordinateur, il écoute de la musique, s’informe, communique un peu et accède à de la pornographie adulte et juvénile.
…
[12] Le rapport présentenciel prend acte de l’évolution de l’accusé à la suite de son arrestation. Sa faible estime de soi le conforte depuis longtemps dans son attitude défaitiste. Récemment, le processus judiciaire et présentenciel ainsi que les thérapies complétées ont produit un effet positif. Toutefois, l’agent note que de nombreuses embuches sont observables à l’horizon. L’accusé a usé de mauvaises stratégies par le passé pour fuir sa triste réalité. Il écrit :
Par conséquent, s’il veut éviter de retomber dans une dynamique de consommation régulière d’intoxicants et de pornographie juvénile, il devra apprendre à s’approprier du pouvoir dans sa vie. Il s’agit de l’ingrédient qui nous apparaît à la base de son cheminement. Actuellement, l’intimé n’est évidemment pas rendu à cette étape. Il perçoit son avenir comme étant sombre en raison d’une incarcération future et d’une étiquette de délinquant sexuel qui lui causera des défis certains. Ses craintes sont évidemment légitimes, mais le fait de les nourrir constamment l’empêche d’avancer.
[13] L’évaluation spécialisée en délinquance sexuelle expose les facteurs précipitants dans la période avoisinant le délit : isolement (pas de cercle d’amis, méfiance à l’égard des adultes, conflits familiaux, difficultés financières, frustration) et évitement (consommation excessive d’alcool et drogue et gratification sexuelle avec Internet).
[14] L’évaluation permet d’établir une impression diagnostique de trouble pédophile hétérosexuel, secondaire, extrafamilial et non exclusif. L’attrait pour les filles prépubères serait apparu plus tard dans sa vie. On retient également la présence d’intérêts sexuels pour les préadolescentes et les adolescentes. En conclusion, les risques de récidive sont plus élevés que la moyenne. Un programme de traitement portant sur le trouble hypersexuel s’impose.
[…]
[19] Le Tribunal a invité la représentante de la Procureure générale du Québec à actualiser ses observations à la lumière des nombreuses décisions récentes rendues en cette matière au Québec tant sur les peines minimales que sur les ordonnances en vertu de la LERDS, ce qu’elle a fait.
[20] Soutenant que les peines minimales d’un an ne sont pas disproportionnées, elle soumet qu’il n’y a pas de preuve au dossier sur l’effet particulier qu’aurait une peine de 12 mois d’emprisonnement sur l’accusé même si le Tribunal estimait qu’une peine juste était plus courte de quelques mois.
[21] La procureure de Monsieur Naud dépose également un cahier d’autorités. Elle suggère une peine de 90 jours d’emprisonnement assortie d’une ordonnance de probation de 3 ans prévoyant l’accomplissement de 240 heures de service communautaire. Elle suggère au Tribunal de ne pas imposer une peine qui entraverait les efforts de remise en question et de réhabilitation. L’accusé a besoin d’espoir.
[22] Les circonstances atténuantes sont notamment :
▪ Le plaidoyer de culpabilité;
▪ L’absence d’antécédents judiciaires.
[23] Quant à la situation de l’accusé :
▪ Un état de dépression au moment de la perpétration des délits;
▪ Une capacité de remise en question notable et une évolution digne de mention en considérant sa dynamique passée;
▪ Les regrets sincères et la prise de conscience du tort causé;
▪ Les conditions strictes de mise en liberté respectées depuis le 7 mai 2018;
▪ Les 2 thérapies qui doivent être créditées dans une certaine mesure;
▪ L’effet dissuasif qu’a eu le processus judiciaire.
[…]
[30] Le délinquant Mathieu Naud a commis ses crimes sur une période quinze fois plus courte que Régnier. Il possédait ou a rendu accessible 130 fois moins de fichiers et 8 fois moins de vidéos. Mérite-t-il une peine de 12 mois pour la possession et de 12 mois pour la distribution? L’imposition d’un peine est un art délicat, ce n’est pas une science et les facteurs à considérer s’apprécient plus qu’ils ne se mesurent, mais quelle mitigation le Tribunal doit-il accorder aux différents alinéas de l’article 718.2 C. cr. quand il doit imposer une peine minimale?
[31] Dans Caron-Barrette, la Cour d’appel rappelle que le principe de la proportionnalité de la peine requiert que la sanction n’excède pas ce qui est juste et approprié compte tenu de la culpabilité morale du délinquant et de la gravité de l’infraction.
[32] Les circonstances du crime sont différentes et plus graves que la plupart des dossiers dans lesquels les juges ont estimé que des peines de moins de 12 mois étaient justes. Sa culpabilité morale est également plus élevée. Rappelons qu’il utilisait un logiciel de dissimulation (CCleaner) et qu’il a reconnu qu’il savait très bien que sa conduite était fortement répréhensible. En ce qui a trait à l’accusation lui reprochant d’avoir rendu accessible des fichiers de pornographie juvénile :
▪ Le nombre de fichiers et de vidéos est élevé;
▪ Il utilisait des logiciels spécialisés (Limewire et uTorrent);
▪ Il a rendu du matériel disponible sur une période de 13 mois;
▪ Rappelons que dans Régnier, la Cour d’appel a imposé 36 mois sur ce chef de distribution, soit le double de la peine pour possession.
[…]
[38] Le Tribunal doit également tenir compte de la situation du délinquant. En l’espèce, l’état dépressif et l’isolement de l’accusé l’ont marginalisé. Il consommait alcool et drogues et recherchait une gratification sexuelle en visionnant des images d’enfants abusés. Par contre, il a suivi deux thérapies de groupe depuis son arrestation. Même si sa motivation est questionnable, il est disposé à suivre toutes nouvelles thérapies jugées nécessaires pour réduire le risque de récidive. Cela étant dit, sa situation reste triste, il a besoin d’espoir.
[39] Par ailleurs, la culpabilité morale de Naud est élevée et le risque de récidive plus élevé que la moyenne. Sa motivation pour suivre une thérapie dans le cadre de l’ordonnance de probation n’est pas intrinsèque, mais elle existe. Il veut se réinsérer socialement et imagine en ce moment que cette condamnation et ses conséquences seront de lourds obstacles à surmonter. Au chapitre des conclusions et recommandations, l’agent identifie jusqu’à onze objectifs de traitement potentiels. Pour diminuer le risque de récidive, l’agent suggère également qu’il lui soit interdit de consommer alcool et drogues, d’utiliser Internet et d’être seul en présence de personnes mineures.
[40] Le Tribunal ne doit pas chercher à punir uniquement le crime. Il est à la recherche d’une peine juste. La dissuasion générale ne peut servir à justifier une peine exagérément disproportionnée.
[41] La gravité objective prévue par le législateur pour le crime de possession est de 10 ans. La peine maximale pour distribution ou rendre accessible est de 14 ans. Soucieux de respecter les principes prévus aux paragraphes 718.1 et 718.2 du C.cr., le Tribunal estime qu’en l’espèce, la peine devrait être de l’ordre de 9 mois sur le chef de possession et de 12 mois sur le chef porté pour avoir rendu accessible le matériel prohibé. Les deux peines devant être purgées de façon concurrente.
[42] L’ensemble des circonstances aggravantes et des facteurs liés à la situation de l’accusé et à sa culpabilité morale font qu’on ne peut le qualifier de délinquant parmi les moins répréhensibles. Cependant, en considérant la quantité et la nature des fichiers, le Tribunal estime qu’une peine de 12 mois pour la possession serait disproportionnée considérant la peine prononcée dans Régnier.
[43] Pour la distribution, le précédent de l’arrêt Régnier, la gravité objective de l’infraction, soit 14 ans, la quantité et la nature des fichiers vidéo, leur catégorie ainsi que la fréquence quotidienne du crime pendant la période reconnue milite en faveur d’une peine plus conséquente sur ce chef. Presque chaque jour, pendant 13 mois, l’accusé rendait disponibles des centaines de fichiers et de vidéos sur Internet.
[…]
LA CONSTITUTIONNALITÉ DE LA PEINE MINIMALE PRÉVUE À L’ARTICLE 163.1(4) C.cr.
[55] La Procureure générale du Québec plaide en faveur des peines minimales et du respect des choix du législateur. Toutefois, le respect de la Charte canadienne des droits et libertés et les décisions de la Cour suprême qui l’ont interprété apparaissent prépondérants au Tribunal.
[56] Les décisions de principes de la Cour suprême et les principes applicables sont bien connus. Puisque plusieurs décisions ont déjà conclu à l’inconstitutionnalité des peines minimales prévues à l’article 163.1 C.cr. soit à la première étape ou à l’étape des hypothèses raisonnables, le Tribunal répondra donc directement aux questions soulevées en fonction des circonstances de cette affaire.
[57] Premièrement, en ce qui a trait à la peine de 9 mois pour la possession, est-ce que l’écart entre une peine d’emprisonnement de 9 mois et une peine d’emprisonnement de 12 mois est simplement excessif ou totalement disproportionné au point d’être incompatible avec la dignité humaine? Deuxièmement, est-ce que le fait que l’accusé purgera une peine de 12 mois sur le chef de distribution rend inopportun l’examen de la constitutionnalité de la peine sur le chef de possession?
[58] La Procureure générale du Québec a insisté sur les principes jurisprudentiels applicables en fonction d’une hypothèse de travail.
[59] Les tribunaux sont enclins à considérer qu’une peine minimale de 12 mois paraît exagérément disproportionnée lorsque les circonstances du crime et la situation d’un délinquant parmi « les moins répréhensibles » ne le justifient aucunement, sachant que Régnier dans une décision de principe a reçu une peine de 18 mois pour une conduite beaucoup « plus répréhensible ».
[60] Deuxièmement, comme le suggère la Procureure générale du Québec, il est vrai que parmi les facteurs à examiner pour conclure qu’une peine minimale obligatoire viole l’article 12 de la Charte se retrouve l’effet réel du traitement ou de la peine sur l’individu. Il a témoigné des efforts accomplis pour recevoir de l’aide psychologique, s’affranchir de ses dépendances et se réinsérer socialement. Il a besoin d’espoir. Ce faisant, il a fait la preuve de l’intérêt qu’il a à recevoir une peine qui ne soit pas disproportionnée tout en respectant les principes légaux, jurisprudentiels et constitutionnels applicables.
[61] Le Tribunal ne voit pas quel principe justifierait de prononcer une peine plus longue de trois mois d’emprisonnement si cela est injuste et disproportionné sur ce chef.
[62] En définitive, comme la juge en chef le formulait dans l’arrêt Nur, ces choses s’apprécient plus qu’elles ne se comptent :
Premièrement, le tribunal doit déterminer ce qui constituerait une peine proportionnée à l’infraction eu égard aux objectifs et aux principes de détermination de la peine établis par le Code criminel. Deuxièmement, il lui faut décider si la disposition contraint à l’infliction d’une peine totalement disproportionnée à la peine juste et proportionnée.
[Soulignements ajoutés]
[63] En l’espèce, le Tribunal conclut que la peine minimale de 12 mois prévue à l’article 163.1(4)a) C.cr. est totalement disproportionnée à l’égard de l’accusé.
[64] En considérant le nombre de décisions rendues ayant conclu à l’inconstitutionnalité lors de situations réelles, il apparaît inutile d’examiner les situations hypothétiques raisonnables.
LA CONSTITUTITONNALITÉ DE LA PEINE MINIMALE PRÉVUE À L’ARTICLE 163.1(3) C.cr.
[65] Puisque le Tribunal est d’avis qu’une peine de 12 mois est juste et proportionnée sur le chef de distribution, il n’estime pas opportun de se prononcer sur la constitutionnalité de cette peine minimale en l’espèce. En effet, d’une part, d’autres décisions ont déjà conclu à l’inconstitutionnalité dans des situations concrètes et certaines hypothèses raisonnablement prévisibles et d’autre part, cela n’influencera pas la peine infligée dans le cas considéré.
R. c. Naud, 2020 QCCQ 1202 (références omises)
[121] Dans les dossiers Senneville et Naud, les reproches du PGQ à propos de l’analyse de l’article 12 de la Charte reposent principalement sur l’erreur du juge qui aurait mal évalué la peine pour chaque délinquant (M.A. Senneville, par. 33; M.A. Naud, par. 42, 44). Le juge aurait « ignor[é] la gravité objective élevée associée aux infractions prohibant l'accès et la possession de matériel pornographique juvénile » en utilisant « une approche mathématique basée sur les faits décrits dans l'arrêt Régnier et dans d'autres décisions judiciaires » (M.A. Senneville, par. 27). Le PGQ réitère le message de l’arrêt Friesen à propos du fait que les « infractions d'ordre sexuel contre des enfants sont des crimes violents qui exploitent injustement leur vulnérabilité et leur causent un tort immense ainsi qu'aux familles et aux collectivités ».
[122] Le PGQ ajoute que, même si le juge ne commet pas d’erreur à cette première étape, le juge aurait limité son évaluation de la contravention à l’article 12 de la Charte à la simple disproportion en affirmant que « l'imposition d'une peine disproportionnée pourrait être à la base d'un recours en dommages contre l'État » (M.A. Senneville, par. 36). En outre, dans le dossier de Naud, le PGQ prétend que l’analyse du juge ne permet « aucunement d'étayer une conclusion selon laquelle la peine minimale contestée serait exagérément disproportionnée par rapport à une peine juste et appropriée de 9 mois » (M.A. Naud, par. 44).
[123] Dans ses premières observations additionnelles, le PGQ écrit :
2. En premier lieu, quant à la portée et l’étendue des infractions de possession et d’accès à la pornographie juvénile, il est établi que ces infractions sont libellées afin de viser des comportements ayant une faute morale élevée et qui présentent des risques pour la sécurité publique. Dans l’arrêt R. c. Sharpe, la Cour suprême mentionne que, en criminalisant notamment la possession de pornographie juvénile, « […] le législateur a voulu tracer la ligne à l’extrémité de l’éventail correspondant à la représentation détaillée et non équivoque de l’activité sexuelle intime ». Ce faisant, « [l]a disposition n’interdit pas la possession de matériel visuel représentant seulement des contacts sexuels anodins, comme l’attouchement, le baiser ou l’étreinte, étant donné qu’on n’y dépeint aucune nudité ni aucune activité sexuelle intime ».
3. Les infractions de possession et d’accès à de la pornographie juvénile s’inscrivent dans un continuum délictuel ayant pour fil conducteur, de perpétuer les graves préjudices causés aux enfants. Il est indéniable que la possession et l’accès à la pornographie juvénile contribuent à stimuler le « marché » de cette forme de pornographie en encourageant sa production et sa distribution.
4. Le fait que la pornographie juvénile puisse notamment être sous la forme d’écrits ou mettre en scène des personnes fictives ne la rend pas moins nocive. Ces formes de pornographie juvénile peuvent avoir pour effet de la banaliser, voire de la rendre plus « acceptable », alors qu’il s’agit tout de même de représentations préjudiciables à l’endroit des enfants.
5. Il en va de même en ce qui concerne le nombre de fichiers de pornographie juvénile pouvant être en cause et l’âge des enfants représentés. Que le nombre de fichiers soit peu élevé ou que l’enfant ne soit pas en bas âge n’a pas pour effet de rendre la pornographie juvénile moins préjudiciable. Un seul fichier représentant l’abus sexuel d’un enfant, sans égard à son âge précis, constitue une forme grave de préjudice à l’égard de nos enfants. Ce faisant, un individu possédant ou ayant accédé à de la pornographie juvénile ne saurait être qualifié de « petit » contrevenant.
« Le traumatisme et l’atteinte à la dignité peuvent marquer l’enfant pour la vie. Il n’est pas rare que l’enfant tombe dans la déchéance et se retrouve dans le commerce du sexe. Même s’il échappe à ce triste sort, l’enfant vit par la suite en sachant qu’une photo ou un film avilissant existe peut-être encore et qu’à tout moment quelqu’un peut être en train de regarder ce matériel et d’en tirer du plaisir. »
6. En deuxième lieu, quant à l’effet de la sanction, la durée des peines minimales obligatoires contestées n’est que d’un an, ce qui limite la période d’emprisonnement qui serait supplémentaire à une peine juste et appropriée. Les effets de la sanction ont moins de poids contrairement à une peine minimale obligatoire qui serait plus élevée.
7. En troisième lieu, quant à la sanction, la société canadienne condamne les abus sexuels commis à l’endroit de nos enfants. Les gestes associés à la pornographie juvénile contreviennent au code des valeurs fondamentales canadiennes. Le besoin de dénonciation lié aux infractions de possession et d’accès à la pornographie juvénile, gestes portant atteinte à la dignité des enfants, commande de faire preuve de déférence à l’égard du choix du législateur d’adopter ces peines minimales. Vu les objectifs poursuivis par le législateur en matière de pornographie juvénile, l’imposition des peines minimales obligatoires contestées n’est pas cruelle et inusitée.
(Références omises)
[124] Dans ses secondes observations additionnelles, le PGQ affirme que « la référence à la jurisprudence à titre de comparables à l’étape de la détermination de la peine pour l’accusé ne constitue pas une analyse des hypothèses raisonnables conforme à ce qui est exigé par la Cour suprême à la seconde étape du test de l’article 12 de la Charte canadienne.
[125] Au risque de me répéter, le DPCP renvoie à l’argumentaire du PGQ sur la peine minimale et il ne présente aucun argument additionnel sur le caractère déraisonnable de la peine de 9 mois prononcée pour le chef de possession ni aucun argument sur la peine elle-même.
[126] Dans le cas de Senneville, le DPCP prétend « que la peine de 90 jours infligée est manifestement non indiquée à la lumière de la jurisprudence récente des différentes interventions du législateur et ne tient pas compte de l’ampleur grandissante du phénomène de la pornographie juvénile » (M.A. Senneville, par. 7, 19). Il invite la Cour à lire l’arrêt Friesen de manière à y comprendre que la Cour suprême convie les tribunaux à punir le crime indépendamment du délinquant et que le caractère hautement répréhensible et la grande nocivité des infractions d’ordre sexuel contre les enfants rendent la peine manifestement non indiquée.
[127] Le DPCP prétend que le juge a eu tort de tenir compte du nombre et de la nature des images et de l’absence de logiciel spécialisé à titre de circonstances atténuantes.
[128] Les intimés Senneville et Naud supportent les motifs du juge d’instance. Ils plaident que le juge de première instance a suivi les principes de l’arrêt Friesen dans son exercice d’individualisation de la peine et exercé son pouvoir discrétionnaire d’individualiser la peine tout en tenant compte des objectifs de dénonciation et de dissuasion. Le juge a correctement déterminé que les peines appropriées étaient de 90 jours pour l’intimé Senneville et 9 mois pour l’intimé Naud et que la peine minimale de 12 mois apparaît totalement disproportionnée. Senneville ajoute que le juge a eu raison de considérer la durée des infractions, qui était de 8 et 13 mois, comme le ministère public le prétendait. La gravité des fichiers et leur nombre ont correctement été considérés tout comme l’absence d’éléments considérés plus graves dans d’autres dossiers. De plus, la période de probation participe aux objectifs de dissuasion et de dénonciation. Enfin, le juge considère à bon droit les caractéristiques personnelles de Senneville, de même que sa réhabilitation, soutenue par des démarches concrètes.
[129] Dans leurs secondes nouvelles observations, les intimés affirment que :
1. La présente vise à faire connaître la position des intimés eu égard à l’impact des décisions Hills et Hilback. Or, nous considérons que leur impact est plutôt limité en ce sens que la Cour suprême se permet de réitérer les principes dégagés à plusieurs occasions dont notamment lors des décisions Nur et Lloyd, ainsi que plus récemment dans Bissonnette notamment sous l’angle de la dignité humaine.
2. Par ailleurs, il est vrai que certains concepts sont précisés, voire éclaircis, notamment quant à la deuxième partie du test afin de déterminer si une peine minimale obligatoire contrevient à l’article 12 de la Charte canadienne.
…
6. Passant en revue la 2e étape du test qui nous occupe, bien que le Parlement ne soit pas tenu de prévoir des peines parfaitement proportionnées, nous soulignons quant à la proportionnalité qu’elle « est fondée sur l’équité et la justice envers la personne délinquante et ne permet pas de punir injustement « pour le bien commun » (Priest, p. 547; voir Ipeelee, par. 37). Bien que l’on puisse admettre que la société soit profondément préoccupée par le comportement criminel à l’origine de la condamnation, les gens tiennent également à ce que les tribunaux infligent des peines justes et équitables qui ne sont pas cruelles ou inusitées ou exagérément disproportionnées par rapport à la sanction méritée. »
7. Partant, elle ne saurait justifiée à elle seule de punir un délinquant injustement, en lui infligeant une peine cruelle et inusitée.
8. La Cour suprême regroupe par le fait même l’ensemble des facteurs permettant au juge de déterminer ce qui constitue une peine exagérément disproportionnée, soit la portée et l’étendue de l’infraction, les effets de la sanction sur la personne délinquante et la sanction qui sont les trois principaux éléments ayant une incidence sur l’analyse relative à la disproportion exagérée, devant tous être appréciée à leur juste mesure selon la situation juridique en cause.
9. Ce passage, parmi tant d’autres, est éloquent sur la durée de l’emprisonnement:
134. Le tribunal devrait certainement tenir compte de la période d’emprisonnement supplémentaire imposée par la peine minimale obligatoire. Compte tenu des répercussions profondes de l’emprisonnement, l’importance et la durée de la peine revêtent une grande importance sur le plan personnel et social. Par conséquent, lorsqu’on compare sur le plan quantitatif la peine d’emprisonnement proportionnelle à celle prévue par la disposition qui crée la peine minimale obligatoire, il est important de garder à l’esprit que cette évaluation ne se résume pas à un calcul mathématique abstrait, mais implique du précieux temps qu’une personne délinquante peut passer de façon injustifiée (et possiblement inconstitutionnelle) en prison.
10. Nous soutenons donc qu’il revient encore une fois aux juges de première instance d’évaluer au cas par cas - et non dans tous les cas - si pour un individu donné, la peine minimale prévue à la loi est exagérément disproportionnée par rapport à la peine juste, soupesée au regard des critères établies, comme c’est le cas en l’espèce.
(Références omises)
Analyse
La constitutionnalité des peines minimales
[130] D’emblée, je mentionne qu’il n’y a aucune preuve dans le dossier pour soutenir une justification en vertu de l'article premier de la Charte.
[131] Cela dit, les arguments avancés tant par le PGQ que par le DPCP s’attaquent à l’inadéquation des peines du juge au regard des cas particuliers que sont Senneville et Naud. Selon eux, le fait que le juge s’arrête sur des peines qu’ils estiment clémentes démontre qu’il applique une mesure fondée sur la simple disproportion plutôt que sur la disproportion totalement exagérée qu’exige l’analyse d’une peine « cruelle et inusitée ». Or, il n’en est rien.
[132] Le juge de la peine expérimenté applique le droit correctement. Il constate aussi que beaucoup de décisions judiciaires, lesquelles sont également des scénarios raisonnables et envisagés dans les avis de contestation, ont conclu que les peines minimales reliées à l’accession et à la possession de pédopornographie étaient contraires à l’article 12 de la Charte. Il a raison.
[133] Je suis en désaccord avec la position du PGQ voulant que les cas répertoriés ne soient pas des scénarios hypothétiques raisonnables. Les arrêts Hillbach et Hills précisent qu’ils ne sont pas des carcans. Certes, la jurisprudence, surtout en matière de peine, doit être examinée avec précaution car la détermination de celle-ci est un exercice avant tout individualisé. Il est néanmoins pertinent de constater la constance parmi les tribunaux d’instance québécois qui ont invalidé les peines minimales en cause.
[134] Je note que le juge Tremblay, avec raison, et comme ses collègues avant lui, allume tous les voyants pour signaler (1) le sérieux de ces crimes, (2) la volonté du législateur de les réprimer avec sévérité et (3) l’exigence de placer la « barre haute » quand il est question d’évaluer si une peine est cruelle et inusitée au sens de l’article 12 de la Charte. Je ne décèle aucune erreur dans sa démarche.
[135] Pour des raisons évidentes, le juge n’examine pas spécifiquement les trois volets de la disproportion exagérée, identifiés subséquemment dans l’arrêt R. c. Hills, 2023 CSC 2, que sont (1) la portée et l’étendue de l’infraction; (2) les effets de la sanction sur la personne délinquante; (3) la sanction, y compris l’équilibre atteint par ses objectifs.
[136] Évidemment, si, comme le fait le PGQ, on énonce comme prémisse que l’accès ou la possession d’une seule image pédopornographique est d’une gravité qui mérite une peine minimale et que « la durée des peines minimales obligatoires contestées n’est que d’un an », sous-entendant qu’il s’agit d’une peine sans véritable conséquence, la justification de la peine minimale coule de source. Je suis toutefois en désaccord avec cette vision monolithique de la réalité qui, certes facilite la décision, mais nie la complexité des situations qui se sont présentées devant les tribunaux et les réponses que celles-ci ont effectivement reçues.
[137] L’analyse du juge Tremblay est soignée et nuancée, c’est-à-dire scrupuleuse : R. c. Hills, 2023 CSC 2, par. 50-52; R. c. Hilbach, 2023 CSC 3, par. 35. À mon avis, sans les nommer, il répond aux trois volets.
[138] L’exercice de la détermination de la peine a toujours été d’établir une peine proportionnée répondant aux caractéristiques d’un cas donné, notamment la gravité du crime et du degré de responsabilité du délinquant : R. c. Friesen, 2020 CSC 9, par. 30; R. c. Parranto, 2021 CSC 46, par. 10. Les tribunaux doivent « calibre[r] les exigences de la proportionnalité en regard des peines infligées dans d’autres cas » : Friesen, par. 33; Parranto, par. 11; R. c. Hills, 2023 CSC 2, par. 145; R. c. Hilbach, 2023 CSC 3, par. 38.
[139] Plus particulièrement, rappelant l’arrêt R. c. Lacasse, [2015] 3 R.C.S. 1089, la Cour suprême réitère que :
[12] En ce qui concerne le rapport entre, d’une part, l’individualisation et, d’autre part, la proportionnalité et la parité, notre Cour a fait remarquer avec justesse ce qui suit dans l’arrêt Lacasse :
La proportionnalité se détermine à la fois sur une base individuelle, c’est‑à‑dire à l’égard de l’accusé lui‑même et de l’infraction qu’il a commise, ainsi que sur une base comparative des peines infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. [par. 53]
R. c. Parranto, 2021 CSC 46, par. 12.
[140] L’exercice comparatif auquel se livre le juge Tremblay est, en droit, dicté par la longue tradition canadienne de déterminer des peines qui tiennent compte d’un ensemble de circonstances, dont les caractéristiques du crime lui-même, de même que de la responsabilité morale du délinquant, lesquelles tiennent notamment à son profil et aux circonstances de la perpétration du crime. Les reproches adressés au juge en lui attribuant une approche mathématique, notamment en comparant le nombre de photographies et la durée de leur possession avec d’autres affaires, sont mal fondés et inappropriés.
[141] Même si l’exercice est imparfait et qu’il n’est pas toujours déterminant, il reste que cette dimension quantitative participe à l’évaluation de la responsabilité morale d’un accusé.
[142] La jurisprudence fait des distinctions en ce sens. Par exemple, on considère que le nombre de plants dans une culture de cannabis ou le poids total des drogues en possession d’un accusé est un élément pertinent et parfois distinctif de l’infraction. Dans l’exercice de la détermination de la peine dans le cadre d’infractions de violence familiale, on ne peut certainement pas reprocher à un juge de comparer la nature des blessures causées et la durée de la maltraitance pour mesurer le degré de responsabilité du délinquant et la gravité de l’infraction à punir.
[143] Il en va de même avec le nombre de photographies, la nature spécifique des images qui seront, par ailleurs, toujours de la pédopornographie, la durée de leur possession ou encore le fait d’avoir en sus contribué à la dissémination de la pédopornographie. On distingue aisément, il me semble, la personne qui s’équipe de manière à rendre l’opération plus efficace, plus furtive, afin de se mettre à l’abri de la détection de l’autre personne qui accède de manière plus ouverte à la pédopornographie, poussée par une curiosité coupable, qui possède plusieurs milliers de photographies plutôt qu’une seule ou de cinq cents. Le crime demeure grave dans tous les cas, mais cela amène des distinctions pour les peines. D’ailleurs, le DPCP plaidait que ces mêmes circonstances étaient, en l’espèce, des facteurs aggravants.
[144] La Cour a encore reconnu ce qui me semble être une évidence, soit qu’une même infraction découle d’un comportement criminel qui s’exprime de manière différente et qui fait osciller le degré de gravité de l’infraction et de responsabilité morale du délinquant :
[30] Il ne fait aucun doute que toutes les formes d’agressions sexuelles sont graves, que « [l]a violence sexuelle à l’égard des enfants demeure toutefois intrinsèquement répréhensible, quel que soit le degré d’atteinte à l’intégrité physique », et qu’il n’existe pas « de hiérarchie des actes physiques » : R. c. Friesen, 2020 CSC 9, par. 145-146.
[31] Tout en acceptant ces affirmations, il demeure que des circonstances peuvent se révéler plus graves que d’autres. Une infraction générique définit des comportements qui se produisent dans des circonstances diverses, leur attribuant des caractéristiques qui les rendent plus ou moins graves. L’exercice de la détermination de la peine exige du juge qu’il fasse des distinctions devant des tragédies humaines, un exercice de comparaison difficile et bien imparfait, mais nécessaire.
R. c. Lamoureux, 2022 QCCA 1531, par. 30-31 ; voir aussi R. c. Lacelle Belec, 2019 QCCA 711, par. 98.
[145] En comparant ainsi les situations, il n’est jamais question de réduire la gravité intrinsèque d’un comportement ou de gestes criminels.
[146] Comme l’a souligné avec raison la juge Pelletier dans la décision Delage :
[51] Dans Ibrahim, la Cour d’appel rappelle :
[52] Ce qu’il faut réprimer, c’est le tort fait aux enfants. Pour chacune des photos et chacune des vidéos, un enfant ou un bébé a souffert. Plus il y a de matériel, plus cela a contribué au mal que l’on veut réprimer. Plus le matériel est pernicieux, plus les enfants ont souffert. L’abus se perpétue chaque fois que le matériel est distribué.
[52] Dans cet arrêt, pour la possession et l’accession à des milliers de fichiers de pornographie juvénile, sur une période de 2 ans, la Cour d’appel confirme la peine d’emprisonnement de 18 mois infligée par le juge de première instance.
R. c. Delage, 2019 QCCQ 1125, par. 51-52 (note omise) citant R. c. Ibrahim, 2018 QCCA 1205, par. 52.
[147] Au terme de sa décision qui n’a pas été portée en appel, la juge Pelletier conclut au caractère cruel et inusité de la peine minimale : R. c. Delage, 2019 QCCQ 1125, par. 74. Dans le cadre de son analyse, elle souligne que la décision de la Cour d’appel de l’Ontario avait conclu de la même manière : R. c. John, 2018 ONCA 702, par. 40, arrêt suivi dans R. c. Swaby, 2018 BCCA 416 pour la peine minimale de l’alinéa 163.1(4)b) (poursuite sommaire), puis dans l’arrêt R. c. Alexander, 2019 BCCA 100 pour la peine minimale de l’alinéa 163.1(4)a) (acte criminel).
[148] Je rappelle que, dans l’arrêt R. c. John, 2018 ONCA 702, la Cour d’appel de l’Ontario s’attarde à des cas raisonnables pour ensuite, après analyse, déclarer les peines minimales inconstitutionnelles plus particulièrement en raison de la troisième hypothèse (par. 38-40) :
[29] The appellant does not argue that the mandatory minimum sentence would be grossly disproportionate if applied to him, but argues that application of the mandatory minimum leads to grossly disproportionate sentences when applied to reasonable hypothetical situations like the following:
(1) An 18-year-old who receives and keeps a "sext" from his 17-year-old girlfriend on his phone. The "sext" is a "selfie" of the girlfriend.
(2) An 18-year-old who receives a "sext" from his 17-year-old boyfriend. The "sext" is a 30-second video the 17-year-old secretly recorded of the pair engaged in consensual sexual activity.
(3) An 18-year-old whose friend forwards him a "sext" from the friend's 17-year-old girlfriend without her knowledge. The 18-year-old doesn't forward the "sext" but keeps it on his phone.
[30] The appellant defines "sext" as a sexually suggestive digital image, video or text message transmitted by cellphone or the Internet.
[31] The appellant submits that these are not far-fetched or remote hypothetical examples given the pervasiveness of "sexting" among adolescents.
[149] Les scénarios hypothétiques raisonnables ont été invoqués en l’instance et ils ont été examinés par le juge Tremblay. Dans leurs avis d’intention (les appelants n’ont pas reproduit les requêtes), les intimés ont soumis des cas hypothétiques. Or, le juge estime que « [vu] le nombre de décisions rendues ayant conclu à l'inconstitutionnalité lors de situations réelles, il [lui] apparaît inutile d'examiner les situations hypothétiques raisonnables » : Voir Senneville, précité, par. 60 et Senneville, par. 65.
[150] Cette position du juge se justifie, mais cela ne signifie pas que les cas autres que ceux des intimés n’ont pas été examinés (voir le mémoire du PGQ, notamment aux pages 757, 815 pour Senneville et 1195, 1196 pour Naud, à titre d’exemples). Or le juge exprime clairement qu’il n’a pas à se rendre aux cas « hypothétiques » vu les cas « réels » répertoriés en jurisprudence. À mon avis, le juge exprimait une distinction conceptuelle entre un cas imaginé et un cas réel (ou répertorié), qu’on comprend qu’ils ont toujours fait partie, l’un et l’autre, des scénarios hypothétiques raisonnables: R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, par. 72; R. c. Hills, 2023 CSC 2, par. 77.
[151] En premier lieu, le juge répond à l’invitation de la Cour suprême dans l’arrêt Nur, où cette dernière, mettant fin à une certaine confusion, affirme que les cas répertoriés dans la jurisprudence offrent des exemples de cas raisonnablement prévisibles, et ce, même dans les affaires qui peuvent constituer des cas limites, puisqu’ils « montrent toute l’étendue des actes susceptibles de tomber concrètement sous le coup de la disposition [et] permettent de savoir comment la disposition s’applique dans la vraie vie ». Voici ce qu’elle écrit :
[72] Le troisième sujet de débat correspond aux cas répertoriés : doivent-ils être pris en considération pour déterminer s’il est raisonnablement prévisible que l’application d’une disposition prévoyant une peine minimale obligatoire emporte l’infliction d’une peine cruelle et inusitée contrairement à l’art. 12? Dans l’arrêt Morrisey, les juges majoritaires opinent que ces cas doivent être écartés lorsque, selon le tribunal, il s’agit de cas « limites »; les juges minoritaires affirment d’emblée qu’ils peuvent être pris en compte. J’estime qu’ils le peuvent. Les cas répertoriés montrent toute l’étendue des actes susceptibles de tomber concrètement sous le coup de la disposition. Je ne vois aucun motif rationnel de les écarter parce qu’ils correspondent à des applications peu fréquentes de la disposition créant l’infraction, à condition que les faits en cause soient suffisamment exposés. Non seulement les situations en cause sont raisonnablement prévisibles, mais elles se sont présentées. Les décisions rendues à leur sujet permettent de savoir comment la disposition s’applique dans la vraie vie. Elles n’empêchent toutefois pas le tribunal d’envisager d’autres scénarios qui sont raisonnablement prévisibles (voir Morrisey, par. 33).
R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, par. 72 (soulignement ajouté)
[152] Le juge discute de plusieurs décisions où ses collègues ont refusé d’appliquer la peine minimale dans les cas dont ils étaient saisis: R. c. Gangoo-Bassant, 2017 QCCQ 20157 et 2018 QCCQ 11080; R. c. Delage, 2019 QCCQ 1125; R. c. Lavigne-Thibodeau, 2019 QCCQ 3824; R. c. Duclos, 2019 QCCQ 5680; R. c. Duboc, 2019 QCCQ 7950. Plusieurs de ces décisions étaient d’ailleurs énumérées dans l’avis d’intention de Senneville. C’est, à mon avis, ce qui lui fait écrire qu’il est alors « inutile d'examiner les situations hypothétiques raisonnables ». Néanmoins, ces cas ont été analysés. Que les appelants aient choisi d’en dire peu, ou rien, est une question de stratégie.
[153] Ensuite, la Cour affirme dans l’arrêt Lloyd qu’un juge de cour provinciale n’est pas « tenu de se pencher sur la constitutionnalité d’une disposition qui prévoit une peine minimale obligatoire lorsque celle‑ci n’est pas susceptible d’influer sur la peine infligée dans le cas considéré » : R. c. Lloyd, [2016] 1 R.C.S. 130, par. 18.
[154] Certainement, l’affaire Gangoo-Bassant demeure celle qui marque davantage le point. Un père de famille de 34 ans sincèrement contrit — sans antécédents judiciaires, avec un emploi stable, dont un rapport spécialisé démontrait l’absence de difficultés ou de déviances particulières — avait transmis à une seule personne via un réseau social, une seule fois, une seule photo de pédopornographie qu’il possédait. Selon le PGQ, ce geste isolé et limité ne méritait rien d’autre que la peine minimale d’un an. Avec égards, ce cas qui n’est pas hypothétique démontre sans ambiguïté le caractère cruel et inusité de la peine minimale.
[155] Plus près de la situation de Senneville, l’affaire Duclos est révélatrice et elle a été débattue devant le juge Tremblay.
[157] À mon avis, le juge avait raison de conclure au caractère totalement disproportionné des peines minimales en cause pour chacune de ces infractions qui entraînent la même culpabilité morale : R. v. M.N., 2017 ONCA 434, par. 40; R. v. Rule, 2021 ONCA 499, par. 11.
[159] En effet, comme le rappelle la Cour suprême dans l’arrêt Bissonnette :
[62] Déterminer si une peine est exagérément disproportionnée requiert une analyse contextuelle et comparative : une peine est jugée telle dans les circonstances particulières d’un cas donné, en rapport avec la peine qui aurait été juste et appropriée au regard des caractéristiques propres au contrevenant et des circonstances entourant la commission de l’infraction.
R. c. Bissonnette, 2022 CSC 23, par. 62
Conclusion sur la constitutionnalité
[160] À mon avis, il est démontré de manière convaincante que les peines minimales sont contraires à l’article 12 de la Charte, et ici tant en raison des appelants eux-mêmes que des cas raisonnables, ce dont notre Cour doit tenir compte pour les motifs exprimés dans l’arrêt Nur, rapportés plus haut au paragraphe [112].
[161] Aussi, je propose de déclarer inconstitutionnelles les peines minimales d’un an d’emprisonnement prévues pour les infractions de possession (art. 163.1(4)a) C.cr.) et d’accès à la pédopornographie (art. 163.1(4.1)a) C.cr.), car contraires à l’article 12 de la Charte et de les déclarer inopérantes.
Les peines appropriées
[162] Je constate que rien ne justifie ici l’intervention de la Cour qui doit faire preuve de déférence dans la décision discrétionnaire du juge en matière de détermination de la peine, malgré l’envie d’intervenir à la hausse ou à la baisse. Une peine équivalant à celle attribuée à Senneville sera chose rare, mais le juge tente ici de répondre à la situation individualisée de l’intimé et, ce faisant, il ne commet pas d’erreur dans l’évaluation du crime et des circonstances particulières. Quant à l’intimé Naud, l’exercice est le même et rien ne justifie l’intervention sur la peine.
La peine de Senneville
[163] Dans son argumentaire, le DPCP insiste sur le fait que Senneville consultait de la pornographie juvénile depuis 10 ans. Je rappelle que l’infraction à laquelle il a plaidé coupable précise une période allant de septembre 2017 à octobre 2018. Cela dit, de toute façon, le juge retient d’ailleurs des périodes de 13 mois pour avoir accéder aux images et de 8 mois pour la possession de celles-ci : R. c. Senneville, 2020 QCCQ 1204, par. 1.
[164] Le DPCP reproche également au juge d’avoir retenu, au nombre des facteurs atténuants, la quantité et la nature des images et de s’être appuyé en partie sur le témoignage de l’enquêteur. Il justifie cette assertion par une question : « Comment peut-on affirmer que des relations sexuelles incluant des pénétrations et de la sodomie sur des enfants de 3 à 6 ans, entre eux ou par des adultes, représentent un faible degré d’intensité ? »
[165] Cette qualification provient plutôt de la preuve de la poursuite. Le DPCP plaide que le juge ne devait pas prendre l’avis du policier pour « qualifier la gravité du matériel en cause » (E.A. Senneville, par. 8, 24). De plus, plaide-t-il, que le délinquant n’utilise pas de logiciel spécialisé n’est pas une circonstance atténuante puisque l’absence d’un facteur aggravant ne crée pas un facteur atténuant (E.A. Senneville, par. 8, 28).
[166] La question soulevée sur le « degré d’intensité » des images est rhétorique. Laisser penser que le juge ne l’a pas reconnu est au mieux un raccourci intellectuel inapproprié et profondément injuste pour le juge. Ce n'est pas le sens de sa décision ni d’ailleurs celui du témoignage du policier d’expérience. Le comparatif ne visait pas à diminuer la gravité des images, mais à évoquer que des images plus graves circulent et trouvent preneur auprès d’individus. Cela permet, bien imparfaitement, de situer le comportement du contrevenant sur un continuum.
[167] En fait, de son côté, le DPCP ne nie pas que le nombre de fichiers et la durée de leur consultation sont des éléments pertinents (E.A. Senneville, par. 31). Il est plutôt d’avis que ces facteurs ne sont pas déterminants. Ainsi, l’erreur se situerait dans le poids accordé par le juge à ces éléments factuels, une dimension qui relève de son pouvoir discrétionnaire, qui commande une grande déférence et qui ne permet pas l’intervention d’un tribunal d’appel.
[168] Le DPCP reproche que Senneville a « faussement invoqué vouloir se venger d’une injustice » pour justifier son comportement et, de ce fait, il nie sa responsabilité. Cette affirmation est également surprenante. D’abord, Senneville a tout avoué. Il n’a rien nié, ce qu’a d’ailleurs fait remarquer au juge la procureure du ministère public. D’entrée de jeu, elle dira au juge « [a]lors, vous verrez, Monsieur le juge, que dans le dossier de monsieur Senneville, la collaboration de monsieur y a été pour beaucoup et vous comprendrez » (M.A. p. 145).
[169] Si le DPCP veut plutôt dire qu’il refuse de révéler sa véritable motivation pour la consultation de pédopornographie, l’argument laisse perplexe. Contrairement à ce qu'affirme le DPCP, l’expertise produite au juge ne dit pas que le récit de Senneville est « invraisemblable », elle est beaucoup plus nuancée (M.A. p. 117, p. 120). Certes, l’expert hésite, tout comme le juge en définitive, à souscrire aux explications avancées par Senneville sur la motivation de vouloir se venger de pédophiles. Cependant, l’expertise tient compte de la victimisation que Senneville a subie en bas âge, de même que le fait d’avoir été témoin de la victimisation de sa sœur par son père abusif. Senneville avait d’ailleurs été pris en charge par la Protection de la jeunesse en raison de mauvais traitements physiques commis par son père. L’expertise relate d’ailleurs que, lors du récit de ces événements pénibles, Senneville exprime des émotions de colère. Finalement, l’expertise confirme que Senneville n’a pas d’attirance déviante pour la pédopornographie.
[170] Devant ce tableau ambivalent, il est difficile d’affirmer, comme le fait le DPCP, que Senneville a faussement invoqué une motivation de justicier. Avec égards, l’expertise avance l’hypothèse d’une motivation refoulée, soit, mais qui demeure une hypothèse. Malgré celle-ci, elle conclut que les tests administrés indiquent que « M. Senneville semble présenter une érotisation largement préférentielle pour les personnes adultes » et que « [g]énéralement, chez les personnes qui présentent un risque aussi faible que [Senneville], aucun traitement n'est nécessaire. Leur risque est si faible que les interventions ne parviendront pas à le diminuer davantage. Par ailleurs, leur pronostic est excellent, leur niveau de risque tend à demeurer très faible » (M.A. p. 120). C'est ce que le juge identifie comme le « désistement ».
[171] Le dossier de Senneville révèle aussi, comme le dossier Duclos, qu’il a été suivi en pédopsychiatrie et qu’on avait alors identifié la présence d'un trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDA-H) comportant des indices du syndrome d'Asperger. Il est lui-même un enfant abusé par son père. Il s'agit d’un individu qui travaille sur lui-même, ayant entrepris des psychothérapies tant avant qu’après son arrestation, et ce, de façon volontaire.
[172] Ce portrait présente quelques caractéristiques communes avec le dossier de Duclos évoqué plus haut, au paragraphe [156], notamment, mais pas uniquement, quant aux difficultés personnelles rencontrées par l’intimé. Pour Senneville, le juge arrête une peine de 4 mois d’emprisonnement.
[173] Le juge franchit un pas de plus, considérant le contexte bien particulier de l’affaire. Il impose une peine d’emprisonnement discontinue de 90 jours qu’il complète avec une ordonnance de probation d’une durée de 2 ans avec, entre autres, l’obligation de suivre une thérapie. Certes, il était possible pour le juge de considérer une peine plus sévère, mais là n’est pas la question. Senneville, comme Duclos du reste, se présentent chacun comme des cas limites qui ne marquent certainement pas la réponse généralement plus conséquente attendue des tribunaux en cette matière. Ils illustrent toutefois que la réponse essentiellement répressive doit parfois céder devant des circonstances bien réelles et particulières. Le juge, en plus de procéder à un examen minutieux et pondéré des circonstances, il ne commet aucune erreur dans cet exercice de pondération de la preuve faite devant lui. Compte tenu de la norme d’intervention applicable, je propose d’accueillir la requête pour permission d’appeler de la peine et de rejeter l’appel de la peine particulière de Senneville.
La peine de Naud
[174] Quant à la peine de Naud, l’argumentaire du DPCP se heurte à l’argument qu’il faisait lui-même (voir le par. [158]). En demandant de hausser la peine de trois mois pour la rendre « appropriée », cela ne signifie pas qu’une peine de trois mois en moins est « manifestement inappropriée ». Dans la foulée, j’admets que la portée de cet argument mathématique est bien peu utile et entraîne des calculs comptables alors que, au-delà du nombre de jours, c’est la liberté qui est en cause. Par contre, cela illustre bien la délicate ligne de démarcation. Mais en définitive, je propose d’accueillir la requête pour permission d’appeler de la peine et, pour les mêmes motifs de retenue, de ne pas intervenir à l’égard de la peine particulière de Naud.
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MARTIN VAUCLAIR, J.C.A. |
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MOTIFS DU JUGE RUEL |
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[175] J’ai lu avec intérêt les motifs de mon collègue le juge Vauclair. Je partage son avis au sujet des questions liées à l’inscription au registre national des délinquants sexuels. Je diverge cependant de point de vue avec lui au sujet de l’inconstitutionnalité des peines minimales dans les dossiers Senneville et Naud.
[176] Est en cause dans ces affaires la constitutionnalité des peines minimales d’un an pour les infractions de possession de pornographie juvénile[1] (dossiers Senneville et Naud) et d’accès à de la pornographie juvénile[2] (dossier Senneville).
[177] Dans le dossier Senneville, le DPCP et le PGQ appellent de la peine imposée pour l’infraction de possession de pornographie juvénile[3]. Le DPCP demande l’application de la peine minimale d’un an d’emprisonnement.
[178] Senneville a reconnu être en possession, sur une période de 8 mois, de 475 fichiers contenant 317 images d’enfants correspondant à la définition de pornographie juvénile. Il a admis les avoir acquises sur des sites spécialisés à partir de recherches initiées sur Google lors des 13 mois précédents. Selon l’enquête, 90 % des images représentent des fillettes âgées entre 3 et 6 ans ayant des relations sexuelles impliquant de la pénétration et de la sodomie avec des adultes et des mineurs.
[179] Le juge de première instance se livre à un exercice mathématique en relativisant le nombre de fichiers de pornographie juvénile en possession de Senneville en comparaison avec celui dans l’arrêt R. c. Régnier[4] de notre Cour[5]. Il considère également que le « nombre et la nature des images, l’absence de vidéo [et] l’absence de logiciel spécialisé » constituent des circonstances atténuantes[6].
[180] Le juge estime que la peine appropriée est de 4 mois d’emprisonnement, mais il la ramène à 90 jours compte tenu des faits particuliers de l’affaire. Il déclare inopérante et inconstitutionnelle la peine minimale d’un an d’emprisonnement et impose donc à Senneville la peine de 90 jours d’emprisonnement, à être purgée de manière discontinue, accompagnée d’une probation de 2 ans.
[181] Dans le dossier Naud, le DPCP et le PGQ appellent de la peine imposée pour l’infraction de possession de pornographie juvénile[7]. Dans ce dossier également, le DPCP demande l’imposition de la peine minimale d’un an d’emprisonnement.
[182] Naud a reconnu être en possession de 531 fichiers et 274 vidéos de pornographie juvénile et a admis les avoir rendus disponibles pendant 13 mois par un logiciel de partage. En grande majorité, les fichiers contiennent des images d’enfants, fillettes et jeunes garçons, âgés de 5 à 10 ans, qui sont impliqués dans des actes sexuels avec des adultes.
[183] Estimant que sa culpabilité morale est élevée, compte tenu notamment de l’utilisation d’un logiciel de dissimulation et d’un risque plus important que la moyenne, le juge relativise toutefois le nombre de fichiers par rapport aux faits rapportés dans l’arrêt R. c. Régnier[8]. Il considère qu’une peine de 12 mois serait disproportionnée, jugeant qu’une peine de 9 mois serait appropriée.
[184] Le juge de première instance déclare inopérante et inconstitutionnelle la peine d’un an d’emprisonnement et impose cette peine de 9 mois d’emprisonnement. Il considère que la peine minimale de 3 mois de plus d’emprisonnement, soit 12 mois, serait totalement disproportionnée à l’égard de Naud. En effet, il « ne voit pas quel principe justifierait de prononcer une peine plus longue de trois mois d’emprisonnement si cela est injuste et disproportionné sur ce chef »[9].
[185] Mon collègue le juge Vauclair conclut au rejet des appels du DPCP et du PGQ. Il estime que le juge a pondéré toutes les considérations pertinentes à la détermination de la peine et qu’il avait raison de conclure au caractère totalement disproportionné des peines minimales. Quant à l’intimé Naud, mon collègue rejette l’argument selon lequel les 3 mois additionnels pour atteindre la peine minimale ne peuvent constituer une peine cruelle et inusitée.
[186] Avec beaucoup d’égards, je ne partage pas l’avis de mon collègue quant aux peines imposées et aux déclarations d’inconstitutionnalité dans les dossiers Senneville et Naud. Je considère que, dans chacun des dossiers, la peine minimale d’un an d’emprisonnement devrait être imposée pour les infractions de possession de pornographie juvénile.
[187] D’abord, dans le dossier Naud, je ne peux me résoudre à conclure qu'un différentiel de trois mois puisse constituer une peine cruelle et inusitée, contraire à l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés[10]. Rappelons qu’une peine minimale est considérée comme cruelle et inusitée si elle inflige une peine totalement disproportionnée, c’est-à-dire excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine, odieuse ou intolérable socialement[11]. L’objectif sous-jacent de l’article 12 de la Charte vise donc à « interdire à l’État d’infliger des douleurs et des souffrances physiques ou psychologiques par des traitements ou peines dégradants et déshumanisants »[12], toujours dans le but de protéger la dignité humaine[13]. Une peine simplement excessive ne suffit pas pour invalider une peine minimale obligatoire sur le plan constitutionnel[14].
[188] En tenant pour acquis, aux fins de la discussion, que la peine imposée à Naud pour l’infraction de possession de pornographie juvénile est juste et appropriée, le quantum de 12 mois de la peine minimale est tellement rapproché de la valeur de 9 mois qu’il ne peut s’agir d’un cas de disproportion totale permettant d’écarter la peine minimale pour des impératifs constitutionnels. La peine de 12 mois d’emprisonnement n’est même pas excessive « simpliciter » dans les circonstances.
[189] Maintenant, dans le dossier Senneville, à mon avis, le juge commet des erreurs de droit et de principe dans son évaluation de la peine qui serait juste et appropriée, erreurs qui justifient de reprendre l’exercice
[190] Le juge erre en indiquant que le nombre et la nature des images constituent une circonstance atténuante[15]. Rappelons que Senneville était en possession de 475 fichiers contenant 317 images de pornographie juvénile impliquant des fillettes âgées entre 3 et 6 ans, victimes d’actes de pénétration et de sodomie par des adultes dans plusieurs cas. D'abord, le nombre de fichiers est objectivement important. Ensuite, les images sont très dégradantes et montrent des actes d’une violence hors du commun à l’endroit de très jeunes enfants. Si on peut parler de spectre de circonstances criminelles, ce n’est pas parce qu’une situation ne se trouve pas au haut de l’échelle (selon la perception du juge de première instance) qu’elle devient une circonstance atténuante. Il s’agit d’une erreur de droit.
[191] Ensuite, le juge commet une erreur de principe en appliquant une méthode de calcul mathématique, une règle de trois essentiellement, avec pour variables le nombre d’images, la durée de l’infraction et la peine imposée par rapport aux circonstances décrites dans l’arrêt R. c. Régnier. Il écrit :
[34] En ce qui a trait aux circonstances du crime, le délinquant Senneville a commis ses crimes sur une période 15 fois plus courte que Régnier, il possédait 150 fois moins de fichiers et aucune vidéo. Une peine de 12 mois est-elle appropriée pour la possession quand Régnier s’est vu imposer 18 mois? […][16]
[192] À l'ère numérique, je ne crois pas que les circonstances de l’infraction de possession de pornographie juvénile soient nécessairement plus ou moins graves selon que l’accusé télécharge 30, 300, 3 000 ou 30 000 fichiers, opération qui peut se dérouler très rapidement, en quelques clics[17], ou encore selon qu’il ait détenu les fichiers pendant 1 mois, 1 an ou 10 ans avant de se faire prendre.
[193] Ce que cette infraction vise à prévenir, c'est le préjudice aux enfants[18]. L’accession et la possession de matériel de cette nature sont, en soi, hautement dommageables, peu importe le nombre de photos ou de vidéos, et quelle que soit la durée de possession. On ne parle pas dans le dossier Senneville d'un téléchargement involontaire, furtif ou très restreint.
[194] Si le nombre de fichiers, le caractère systématique de leur acquisition, la durée de l’infraction et la durée de possession peuvent être des circonstances pertinentes, l’approche en matière de détermination de la peine pour l’infraction de possession de pornographie juvénile demeure globale et contextualisée pour tenir compte de l’ensemble des objectifs et facteurs pénologiques pertinents[19]. Un tel exercice ne cadre pas avec l’application de formules mathématiques.
[195] Le juge de première instance n’avait pas eu le bénéfice de prendre connaissance de l’arrêt R. c. Friesen[20], rendu par la Cour suprême le 2 avril 2020. Dans cette affaire, la Cour entreprend un examen exhaustif des principes de détermination de la peine applicables aux infractions d’ordre sexuel contre les enfants, et exprime la nécessité de raffermir les peines imposées pour tenir compte du mal inhérent qu’elles causent aux victimes, mais également à leurs familles et à la collectivité en général :
[…] nous envoyons le message clair que les infractions d’ordre sexuel contre des enfants sont des crimes violents qui exploitent injustement leur vulnérabilité et leur causent un tort immense ainsi qu’aux familles et aux collectivités. Il faut imposer des peines plus lourdes pour ces crimes. Les tribunaux doivent infliger des peines proportionnelles à la gravité des infractions d’ordre sexuel contre des enfants et au degré de responsabilité du délinquant, à la lumière des initiatives du législateur en matière de détermination de la peine et du fait que la société comprend mieux le caractère répréhensible et la nocivité de la violence sexuelle à l’endroit des enfants. Les peines doivent être le reflet fidèle du caractère répréhensible de la violence sexuelle faite aux enfants de même que du tort profond et continu qu’elle cause aux enfants, aux familles et à la société en général.[21]
[196] Le juge en chef Wagner et le juge Rowe, écrivant au nom de la Cour, réaffirment le fait que « la protection des enfants constitu[e] l’une des valeurs essentielles et pérennisées de la société canadienne »[22], et soulignent l’importance pour les juges chargés de la détermination de la peine de bien comprendre les torts considérables causés par la violence sexuelle contre les enfants[23]. Ils insistent sur l’importance de la proportionnalité des peines et la nécessité qu’elles reflètent fidèlement la gravité des infractions d’ordre sexuel contre les enfants et leur incidence sur les victimes[24]. Les tribunaux doivent donc reconnaître et donner effet au caractère répréhensible inhérent de ces infractions et aux conséquences dévastatrices qui en découlent[25].
[197] La Cour suprême souligne également la décision, tout à fait justifiable du législateur, de prioriser les objectifs de dénonciation et de dissuasion au chapitre de la détermination de la peine pour les infractions d’ordre sexuel contre les enfants[26]. Les augmentations successives des peines maximales témoignent de la détermination du législateur que ces infractions soient considérées objectivement plus graves que par le passé afin de refléter la meilleure compréhension de la société des méfaits qu’elles causent[27].
[198] Ces principes formulés par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Friesen s’appliquent aux infractions en matière de pornographie juvénile[28], dont les peines prévues ont augmenté à plusieurs reprises depuis leur introduction en 1993[29].
[199] Quant aux peines minimales, elles participent à l’effort législatif d’éradication de la violence sexuelle contre les enfants. Elles ont contribué au rehaussement des peines imposées en ces matières, augmentation reconnue par la Cour suprême comme un important objectif de politique judiciaire[30]. Comme l’affirme notre Cour dans l’arrêt R. c. Régnier, les peines minimales ont un effet inflationniste sur les peines imposées pour les crimes sexuels contre les enfants et servent de plancher pour établir un « nouveau seuil minimal »[31].
[200] Dans l’arrêt R. c. Daudelin[32], rendu le 11 mai 2021, notre Cour a accueilli l’appel d’un jugement ayant déclaré inconstitutionnelles des peines minimales d’un an pour des infractions d’accession, de possession et de distribution de pornographie juvénile. La Cour rappelle dans cette affaire la gravité des infractions impliquant de la violence sexuelle faite aux enfants et l’importance de l’arrêt R. c. Friesen qui justifient l’importance de donner préséance aux objectifs de dénonciation et de dissuasion à l’égard de tels crimes[33].
[201] Il est à noter que les faits dans le dossier Senneville présentent plusieurs similarités avec ceux de l’arrêt R. c. Daudelin et ne devraient pas amener une solution fondamentalement différente : Daudelin avait accédé à des fichiers de pornographie juvénile pendant une période de 15 mois; 227 fichiers graphiques et 51 vidéos animés contenant de la pornographie juvénile ont été retrouvés en sa possession, la Cour soulignant qu’il s’agit d’un nombre « important »; il ne s’agissait pas « d’un comportement spontané, ponctuel et de très courte durée »; le contenu des fichiers montrait « des enfants et de très jeunes filles impliqués dans des activités sexuelles explicites telles que la fellation, la masturbation, la pénétration vaginale ou la sodomie »; comme dans le cas de Senneville, le rapport présentenciel exprimait des doutes quant aux explications fournies par Daudelin pour expliquer ses gestes délictuels[34].
[202] En ce qui concerne la fourchette, la Cour a considéré dans R. c. Daudelin que celle utilisée par le juge de première instance était désuète et qu’elle ne pouvait être appliquée[35]. Le juge avait en effet retenu une fourchette de peines allant de 6 mois à 2 ans d’emprisonnement, fourchette « pourtant dénoncée comme insuffisante par le juge Bouchard dans Régnier »[36].
[203] Dans ce contexte, notre Cour dans l’arrêt R. c. Daudelin a reproché à la juge de première instance d’avoir mis l’accent sur la réhabilitation au détriment des objectifs de dénonciation et de dissuasion[37]. Malgré qu’elle retienne certains facteurs atténuants qui sont en partie également présents dans le dossier Senneville (plaidoyers de culpabilité rapides, absence d’antécédents judiciaires et respect des conditions de l’engagement souscrit par l’accusé), notre Cour a imposé à Daudelin la peine minimale de 12 mois sur les chefs d’accession et de possession et de 15 mois sur celui de distribution[38].
[204] À la lumière de ces considérations, la peine de 90 jours discontinus imposée par le juge de première instance à Senneville n’est pas justifiable. J’ai déjà traité des erreurs de droit et de principe commises par le juge. J’ajouterai que la peine imposée à Senneville est manifestement non indiquée, ne tenant pas adéquatement compte, d’une part, de la gravité de l’infraction et des gestes de violence représentés dans les fichiers saisis en sa possession et, d’autre part, de l’évolution de la jurisprudence en matière de peines pour des infractions de nature sexuelle commises à l’égard de très jeunes enfants.
[205] Compte tenu du contexte, du nombre et de la nature des fichiers, de la gravité des gestes qui sont commis sur de jeunes enfants, de la durée, de la période infractionnelle, de la présence de plusieurs facteurs aggravants et des rapports présentenciel et en délinquance sexuelle qui sont mitigés, il y a lieu d’imposer à Senneville la peine minimale de 12 mois d’emprisonnement. C’est la conclusion que je retiens également dans le dossier Naud.
[206] Selon moi, ceci mettrait fin au débat[39].
[207] S’est soulevée subséquemment la question des cas ou scénarios raisonnablement prévisibles qui pourraient justifier l’invalidation erga omnes des peines minimales pour les infractions en cause. En effet, les parties n’ont pas traité de ce point dans leurs mémoires. Le juge de première instance n’analyse pas non plus toutes les considérations relatives à cet aspect[40]. Une déclaration d’inconstitutionnalité d’une loi ne saurait relever de l’automatisme.
[208] Le 27 janvier 2023, pendant le délibéré, la Cour suprême du Canada rendait les arrêts R. c. Hills[41] et R. c. Hilbach[42] qui resserrent significativement le cadre d’analyse applicable aux contestations de la constitutionnalité des peines minimales fondées sur l’article 12 de la Charte canadienne. Les parties ont été convoquées en audience pour formuler des observations concernant l’impact de ces arrêts. Elles ont déposé de courtes observations écrites préalables. Elles n’ont pas alors davantage formulé d’observations au sujet des cas ou scénarios raisonnablement prévisibles.
[209] En l’absence d’arguments et de débat sur cette question, je suis d’avis que la Cour ne devrait pas, de son propre chef, prononcer l’inconstitutionnalité erga omnes de dispositions législatives valablement adoptées par le législateur. C’est l’approche qui a été retenue dans une situation essentiellement similaire dans l’arrêt R. c. Daudelin de notre Cour[43].
[210] La méthode structurée et robuste pour évaluer la constitutionnalité des peines minimales énoncée dans les arrêts R. c. Hills et R. c. Hilbach nécessite que les parties soulèvent elles-mêmes les cas ou scénarios raisonnablement prévisibles devant le tribunal, ce qui inclut la Cour d’appel, et qu’elles puissent pleinement débattre du sujet. En effet, « [l]e processus accusatoire est la meilleure façon de mettre à l’épreuve les hypothèses raisonnables »[44].
[211] Cela étant dit, lors de la deuxième audience, les parties ont évoqué pour la première fois la question des cas ou des scénarios raisonnablement prévisibles. Elles ont alors été invitées à déposer de courtes observations additionnelles écrites. Signe que la question n’était pas au cœur des arguments des intimés, ils indiquent dans ces observations qu’ils traiteront de la question « si tant est que cette Honorable Cour ait besoin de s’y pencher ». Même si je suis d’avis que le débat aurait dû s’arrêter à la première étape, je traiterai brièvement de ce sujet pour répondre à mon collègue le juge Vauclair.
[212] Dans l’arrêt R. c. Hills, la Cour suprême clarifie le cadre d’évaluation des hypothèses raisonnables qui peuvent être considérées pour l’analyse constitutionnelle lors d’un processus accusatoire : (1) l’hypothèse doit être raisonnablement prévisible; (2) les cas répertoriés peuvent être pris en considération; (3) la situation hypothétique doit être raisonnable eu égard à l’étendue des actes visés par l’infraction; et (4) les caractéristiques personnelles peuvent être prises en compte pourvu qu’elles ne soient pas adaptées pour créer des exemples invraisemblables ou n’ayant qu’un faible rapport avec l’espèce[45].
[213] En ce qui concerne le caractère prévisible des hypothèses, il ne faut considérer que les situations qui sont raisonnablement susceptibles de tomber sous le coup de l’infraction. Comme mentionné, les situations invraisemblables ou qui n’ont qu’un faible rapport avec l’affaire en cause doivent être écartées[46]. Quant aux cas répertoriés, ils ne sont pas en soi déterminants et il est permis d’écarter les précédents limites ou marginaux[47]. En effet, l’existence de certains cas répertoriés ne justifie pas en soi l’invalidation d’une peine minimale. Il ne s’agit que de l’un des facteurs de l’analyse qui vise à identifier les comportements raisonnablement susceptibles de tomber sous le coup de l’infraction contestée[48].
[214] L’arrêt R. c. Hills clarifie que l’analyse ne s’arrête pas à l’identification de cas ou de scénarios hypothétiquement prévisibles qui pourraient justifier une peine moindre que la peine minimale[49]. Encore faut-il que la peine minimale soit exagérément disproportionnée face à ces cas ou scénarios hypothétiques[50]. Cette analyse était escamotée dans la plupart des cas auparavant. Rappelons que le critère de disproportion est élevé, alors que « la peine doit être disproportionnée d’une manière flagrante ou à un degré démesuré »[51].
[215] À cet égard, il est requis de tenir compte d’un certain nombre de considérations, soit : (1) la portée et l’étendue de l’infraction, étant entendu que la « peine minimale obligatoire est plus susceptible d’être contestée lorsqu’elle vise des comportements disparates dont la gravité et pour lesquels le degré de culpabilité de la personne délinquante varient considérablement »; (2) la sévérité de la peine minimale et ses effets sur le délinquant; et (3) les objectifs législatifs visés par la sanction, étant acquis que la dissuasion, tant générale que spécifique, reste un objectif valable en matière de détermination de la peine[52].
[216] À mon avis, les jugements et hypothèses cités par les intimés n’établissent pas l’existence de scénarios raisonnablement prévisibles permettant de fonder une contestation constitutionnelle des peines minimales.
[217] Dans l’affaire R. c. Gangoo-Bassant, rendue par la Cour du Québec, l’accusé avait transmis à une seule personne via un réseau social, une seule fois, une unique photo de pédopornographie qu’il possédait.[53]. Il s’agit d’une situation à des lieues des faits des présents dossiers. Le contexte de cette affaire ne justifie pas d’étendre cette situation marginale pour fonder une déclaration générale d’inconstitutionnalité pour tous et dans tous les cas à venir.
[218] Dans le jugement R. c. Delage[54], les faits sont les suivants : l’accusé est chez lui, en état d’ébriété avancé; il clavarde sur son cellulaire sur un forum de discussion; un individu lui transmet par courriel 38 photographies représentant de la pornographie juvénile; l’accusé les a en sa possession quelques minutes ou quelques heures; il ne s’en souvient cependant pas, compte tenu de son état d’intoxication; il retourne les images la nuit même. Ces faits n’ont tout simplement aucun rapport avec la situation dans les dossiers Senneville et Naud.
[219] L’arrêt Caron Barrette c. R.[55] ne portait pas sur des infractions de possession et d’accès à de la pornographie juvénile. Les intimés invoquent les affaires R. c. Lavigne-Thibodeau[56] et R. c. Duclos[57], avec « les adaptations qui s’imposent », sans préciser lesquelles. De toute manière, les faits de ces affaires sont également éloignés de ceux dans les dossiers Senneville et Naud.
[220] Quelques mots sur l’arrêt R. c. John[58] cité par mon collègue le juge Vauclair. Dans cette affaire, la Cour d’appel de l’Ontario s’appuie sur un scénario hypothétique – un jeune homme de 18 ans qui se fait transmettre par un ami un sexto montrant une jeune femme de 17 ans nue et qui conserve la photo sur son appareil au lieu de la supprimer[59]. Dans une analyse succincte, la Cour juge sur le fondement de ce scénario que la peine minimale est inconstitutionnelle[60]. Avec égards pour nos collègues ontariens, je ne puis souscrire à ce raisonnement. Ce portrait m’apparaît extrêmement éloigné des faits dans les dossiers Senneville et Naud, peu réaliste et susceptible de se présenter. Encore une fois, ce seul scénario hypothétique ne peut justifier une déclaration générale d’inconstitutionnalité des peines minimales.
[221] En somme, il n’y aurait même pas lieu de se rendre à l’analyse de la disproportion, fondée sur les cas ou hypothèses présentés par les intimés. Mais je formulerai néanmoins quelques remarques sur cette question.
[222] En ce qui concerne la portée et l’étendue des infractions de possession et d’accès à de la pornographie juvénile, elles visent des comportements hautement préjudiciables à la sécurité des enfants ayant en soi un degré de faute élevé. Dans l’arrêt R. c. Sharpe[61], la Cour suprême précisait la portée de l’infraction de possession de pornographie juvénile de manière à cibler les comportements véritablement préjudiciables. Dans cette affaire, la Cour énonce que la disposition vise la représentation d’actes sexuels évidents et non anodins[62]. En effet, « le préjudice causé aux enfants par la pornographie juvénile est imputable aux représentations d’actes sexuels explicites avec des enfants, situées à l’extrémité de l’éventail »[63]. En ce sens, « [l]a photo d’adolescents échangeant un baiser à la colonie de vacances n’est sûrement pas visée » par l’infraction de possession de pornographie juvénile, pas plus que la possession de photos de famille représentant des enfants nus[64].
[223] La portée des infractions de possession et d’accès à de la pornographie juvénile est donc bien circonscrite et vise le matériel à l’extrémité supérieure du spectre dont le contenu est hautement préjudiciable à l’intégrité et au bien-être des enfants. Comme l’affirme la Cour suprême dans R. c. Hills, « les tribunaux peuvent s’attendre à des peines plus sévères dans le cas des infractions qui causent un préjudice grave », ce qui est manifestement le cas pour les infractions de nature sexuelle à l’égard des enfants[65].
[224] Ces infractions contestées dans les présents dossiers ont été portées devant les tribunaux à de nombreuses reprises par le passé. Dans l’ensemble, les situations décrites visent la possession ou l’accès à un nombre important d’images de pornographie juvénile de nature très dégradante pendant des périodes substantielles[66].
[225] Quant au deuxième critère dans l’analyse de la disproportion, c’est-à-dire la sévérité de la peine et ses effets sur le délinquant, les peines minimales pour les infractions de possession et d’accès à de la pornographie juvénile sont relativement courtes, soit d’un an. Les effets d’une telle peine sont nécessairement moins importants qu’une peine minimale obligatoire qui serait plus substantielle[67].
[226] Finalement, en ce qui concerne les objectifs législatifs visés par la sanction, la peine minimale obligatoire vise à prévenir, dissuader et dénoncer des comportements hautement nocifs et préjudiciables aux enfants, à leur intégrité et à la société dans son ensemble[68].
[227] Dans ce contexte, les tribunaux devraient faire preuve de déférence face aux choix législatifs d’édicter des peines minimales obligatoire dans le cas d’une conduite qui « porte manifestement atteinte à nos valeurs les plus fondamentales »[69].
[228] L’imposition d’une courte peine minimale obligatoire d’un an pour les infractions de possession et d’accès à de la pornographie juvénile apparaît être dans la limite de ce qui est nécessaire pour satisfaire aux objectifs législatifs de dénonciation et de de dissuasion en matière en matière de pornographie juvénile, compte tenu des préjudices considérables amplement documentés de ces comportements.
[229] Pour ces motifs, j’accueillerais les appels dans les dossiers Senneville et Naud, casserais les déclarations quant au caractère inopérant et inconstitutionnel des peines minimales, et imposerais aux deux intimés les peines minimales d’un an d’emprisonnement. En ce qui concerne Senneville, il y a lieu de rejeter la demande de surseoir à sa réincarcération. Les circonstances de la commission de l’infraction sont sérieuses et le reliquat de la peine à être purgée est relativement long, soit 9 mois. Compte tenu de ces circonstances, la réincarcération ne lui causerait pas une injustice[70].
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SIMON RUEL, J.C.A. |
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MOTIFS DU JUGE BACHAND |
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[230] J’ai eu l’avantage de lire les motifs de mes collègues les juges Vauclair et Ruel. S’agissant de la constitutionnalité de l’inscription obligatoire au registre national des délinquants sexuels prévue à l’article 490.013(2.1) C.cr., je souscris à l’analyse et aux conclusions du juge Vauclair. Toutefois, je diverge d’opinion avec lui dans les pourvois relatifs aux peines d’emprisonnement imposées dans les affaires Naud et Senneville.
[231] Dans Naud, je suis d’accord avec le juge Ruel que la peine minimale d’un an n’est pas cruelle et inusitée pour l’intimé : dans les circonstances particulières de l’espèce, la différence de trois mois ne suffit pas pour constater une violation de l’article 12 de la Charte canadienne[71]. Toutefois, je suis d’accord avec le juge Vauclair qu’il y a lieu de poursuivre l’analyse de la constitutionnalité de la peine minimale prévue à l’article 163.1(4)a) C.cr. en se demandant si les applications raisonnablement prévisibles de cette disposition infligeront à d’autres délinquants des peines cruelles et inusitées. À la lumière de l’analyse du juge Vauclair et de celle à laquelle s’est livrée la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire John[72], j’estime que la peine minimale prévue à l’article 163.1(4)a) C.cr. est cruelle et inusitée au regard des autres applications raisonnablement prévisibles. Je suis donc d’avis que l’appel de la peine doit être rejeté.
[232] La déclaration d’inconstitutionnalité mérite d’être également prononcée dans le dossier Senneville, et elle doit s’étendre à la peine minimale prévue à l’article 163.1(4.1)a) C.cr., que je considère, à l’instar du juge Vauclair, tout aussi cruelle et inusitée. Toutefois, je suis du même avis que le juge Ruel quant à la peine d’emprisonnement de 90 jours à être purgée de façon discontinue qui a été infligée en première instance : elle est manifestement non indiquée — principalement en raison de la nature des images en cause et des enseignements de l’arrêt Friesen[73] —, et il y a lieu d’y substituer une peine d’emprisonnement d’un an. Je suis également d’accord avec le juge Ruel qu’il n’y pas lieu de surseoir à l’ordonnance de réincarcération de l’intimé.
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FRÉDÉRIC BACHAND, J.C.A. |
ANNEXE - DISPOSITIONS PERTINENTES AU REGISTRE DES DÉLINQUANTS SEXUELS
Obligations imposées aux délinquants sexuels Comparution initiale 4 (1) L’intéressé qui fait l’objet d’une ordonnance comparaît au bureau d’inscription visé à l’article 7.1 dans les sept jours — sauf celui qui est tenu de comparaître au bureau d’inscription désigné en vertu de la Loi sur la défense nationale, pour qui le délai est de quinze jours — suivant : | Obligations of Sex Offenders
First obligation to report 4 (1) A person who is subject to an order shall report to a registration centre referred to in section 7.1 within seven days — or, if they are required to report to a registration centre designated under the National Defence Act, within 15 days — after |
a) le prononcé de l’ordonnance, s’il est déclaré coupable de l’infraction en cause et que l’une ou l’autre des conditions ci-après est remplie : (i) aucune peine d’emprisonnement ne lui a été infligée, (ii) une peine à exécution discontinue lui a été infligée au titre du paragraphe 732(1) du Code criminel, (iii) il fait l’objet d’une ordonnance de sursis rendue au titre de l’article 742.1 du Code criminel; | (a) the order is made, if they are convicted of the offence in connection with which the order is made and (i) they are not given a custodial sentence, (ii) they are ordered to serve a sentence of imprisonment intermittently under subsection 732(1) of the Criminal Code, or (iii) they are the subject of a conditional sentence order made under section 742.1 of the Criminal Code; |
b) sa libération inconditionnelle ou sous conditions au titre de la partie XX.1 du Code criminel en cas de verdict de non-responsabilité à l’égard de l’infraction en cause; | (b) they receive an absolute or conditional discharge under Part XX.1 of the Criminal Code, if they are found not criminally responsible on account of mental disorder for the offence in connection with which the order is made; |
b.1) sa libération inconditionnelle ou sous conditions ou sa mise en liberté au titre de la section 7 de la partie III de la Loi sur la défense nationale, en cas de verdict de non-responsabilité à l’égard de l’infraction en cause; | (b.1) they receive an absolute or conditional discharge or are released from custody under Division 7 of Part III of the National Defence Act, if they are found not criminally responsible on account of mental disorder for the offence in connection with which the order is made; |
b.2) la suspension, au titre des articles 215 ou 216 de la Loi sur la défense nationale, de l’exécution de la peine d’emprisonnement ou de détention infligée à l’égard de l’infraction en cause; | (b.2) the imprisonment or detention to which they are sentenced for the offence in connection with which the order is made is suspended under section 215 or 216 of the National Defence Act; |
c) sa mise en liberté en attendant qu’il soit statué sur tout appel concernant l’infraction en cause; | (c) they are released from custody pending the determination of an appeal relating to the offence in connection with which the order is made; or |
d) sa mise en liberté après avoir purgé la partie privative de liberté de la peine infligée pour l’infraction en cause. | (d) they are released from custody after serving the custodial portion of a sentence for the offence in connection with which the order is made. |
Comparution initiale (2) L’intéressé assujetti à l’obligation prévue aux articles 490.019 ou 490.02901 du Code criminel, à l’article 227.06 de la Loi sur la défense nationale ou à l’article 36.1 de la Loi sur le transfèrement international des délinquants comparaît au bureau d’inscription visé à l’article 7.1 dans les sept jours — sauf celui qui est tenu de comparaître au bureau d’inscription désigné en vertu de la Loi sur la défense nationale, pour qui le délai est de quinze jours — suivant : | First obligation to report (2) A person who is subject to an obligation under section 490.019 or 490.02901 of the Criminal Code, section 227.06 of the National Defence Act or section 36.1 of the International Transfer of Offenders Act shall report to a registration centre referred to in section 7.1 |
a) s’il n’est pas en détention, la date de la prise d’effet de l’obligation;
b) dans le cas contraire : | (a) if they are not in custody on the day on which they become subject to the obligation, within seven days — or, if they are required to report to a registration centre designated under the National Defence Act, within 15 days — after that day; and (b) in any other case, within seven days — or, if they are required to report to a registration centre designated under the National Defence Act, within 15 days — after |
(i) sa libération inconditionnelle ou sous conditions au titre de la partie XX.1 du Code criminel, (i.1) sa libération inconditionnelle ou sous conditions ou sa mise en liberté au titre de la section 7 de la partie III de la Loi sur la défense nationale, (i.2) la suspension, au titre des articles 215 ou 216 de la Loi sur la défense nationale, de l’exécution de sa peine d’emprisonnement ou de détention, (ii) sa mise en liberté en attendant qu’il soit statué sur un appel, (iii) sa mise en liberté après avoir purgé la partie privative de liberté de sa peine. | (i) they receive an absolute or conditional discharge under Part XX.1 of the Criminal Code, (i.1) they receive an absolute or conditional discharge or are released from custody under Division 7 of Part III of the National Defence Act, (i.2) an imprisonment or a detention to which they are sentenced is suspended under section 215 or 216 of the National Defence Act, (ii) they are released from custody pending the determination of an appeal, or (iii) they are released from custody after serving the custodial portion of a sentence. |
Modalités de comparution (3) Le délinquant sexuel tenu de comparaître au bureau d’inscription désigné en vertu de la présente loi le fait en personne; celui qui est tenu de comparaître au bureau d’inscription désigné en vertu de la Loi sur la défense nationale le fait en personne, à moins qu’un règlement soit pris en vertu de l’alinéa 227.2a) de cette loi, auquel cas il comparaît conformément à ce règlement. | Means of reporting (3) If a sex offender is required to report to a registration centre designated under this Act, they shall report in person. If they are required to report to a registration centre designated under the National Defence Act, they shall report in person unless regulations are made under paragraph 227.2(a) of that Act, in which case they shall report in accordance with those regulations. |
Départ du Canada (4) L’intéressé ne peut quitter le Canada avant sa comparution.
Comparution subséquente 4.1 (1) Le délinquant sexuel comparaît par la suite au bureau d’inscription visé à l’article 7.1 : | Compliance before leaving Canada (4) A sex offender shall not leave Canada before they report under this section. Subsequent obligation to report 4.1 (1) A sex offender shall subsequently report to the registration centre referred to in section 7.1, |
a) au plus tard sept jours — sauf celui qui est tenu de comparaître au bureau d’inscription désigné en vertu de la Loi sur la défense nationale, pour qui le délai est de quinze jours — après avoir changé de résidence principale ou secondaire; b) au plus tard sept jours — sauf celui qui est tenu de comparaître au bureau d’inscription désigné en vertu de la Loi sur la défense nationale, pour qui le délai est de quinze jours — après avoir changé de nom ou de prénom; b.1) au plus tard sept jours — sauf celui qui est tenu de comparaître au bureau d’inscription désigné en vertu de la Loi sur la défense nationale, pour qui le délai est de quinze jours — après avoir obtenu un permis de conduire; b.2) au plus tard sept jours — sauf celui qui est tenu de comparaître au bureau d’inscription désigné en vertu de la Loi sur la défense nationale, pour qui le délai est de quinze jours — après avoir obtenu un passeport; c) au plus tôt onze mois mais au plus tard un an après la dernière fois qu’il s’y est présenté sous le régime de la présente loi. | (a) within seven days after they change their main residence or any secondary residence or, if they are required to report to a registration centre designated under the National Defence Act, within 15 days after the change; (b) within seven days after they change their given name or surname or, if they are required to report to a registration centre designated under the National Defence Act, within 15 days after the change; (b.1) within seven days after they receive a driver’s licence or, if they are required to report to a registration centre designated under the National Defence Act, within 15 days after they receive it;
(b.2) within seven days after they receive a passport or, if they are required to report to a registration centre designated under the National Defence Act, within 15 days after they receive it; and (c) at any time between 11 months and one year after they last reported to a registration centre under this Act. |
Modalités de comparution (2) Le délinquant sexuel tenu de comparaître au bureau d’inscription désigné en vertu de la présente loi le fait en personne ou conformément à tout règlement pris en vertu de l’alinéa 18(1)a) ou du paragraphe 19(1); celui qui est tenu de comparaître au bureau d’inscription désigné en vertu de la Loi sur la défense nationale le fait en personne, à moins qu’un règlement soit pris en vertu de l’alinéa 227.2a) de cette loi, auquel cas il comparaît conformément à ce règlement. | Means of reporting (2) If a sex offender is required to report to a registration centre designated under this Act, they shall report in person or in accordance with regulations made under paragraph 18(1)(a) or subsection 19(1). If they are required to report to a registration centre designated under the National Defence Act, they shall report in person unless regulations are made under paragraph 227.2(a) of that Act, in which case they shall report in accordance with those regulations. |
Pluralité d’ordonnances et d’obligations 4.2 L’intéressé comparaît aux dates prévues dans la plus récente ordonnance ou obligation prévue aux articles 490.019 ou 490.02901 du Code criminel, à l’article 227.06 de la Loi sur la défense nationale ou à l’article 36.1 de la Loi sur le transfèrement international des délinquants. | More than one order or obligation
4.2 A person shall report on the reporting dates established under only the most recent order or obligation under section 490.019 or 490.02901 of the Criminal Code, section 227.06 of the National Defence Act or section 36.1 of the International Transfer of Offenders Act. |
Séjour hors du Canada 4.3 (1) Le délinquant sexuel qui est à l’étranger au moment où il est tenu de comparaître en application de l’article 4.1 comparaît au bureau d’inscription au plus tard sept jours après son retour. | Temporarily outside Canada 4.3 (1) A sex offender who is outside Canada when they are required to report under section 4.1 shall report not later than seven days after they return to Canada. |
Forces canadiennes (2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas au délinquant sexuel qui est tenu de comparaître à un bureau d’inscription désigné en vertu de la Loi sur la défense nationale, pendant qu’il se trouve à l’étranger. | Canadian Forces (2) Subsection (1) does not apply to a sex offender who is required to report to a registration centre designated under the National Defence Act while they are outside Canada. |
Obligation de fournir des renseignements 5 (1) Lorsqu’il comparaît au bureau d’inscription, le délinquant sexuel fournit les renseignements suivants au préposé à la collecte : | Obligation to provide information
5 (1) When a sex offender reports to a registration centre, they shall provide the following information to a person who collects information at the registration centre: |
a) ses nom et prénom et tout nom d’emprunt qu’il utilise; b) sa date de naissance et son sexe; c) l’adresse de sa résidence principale et de toute résidence secondaire ou, à défaut d’une telle adresse, l’emplacement de l’une et l’autre; d) l’adresse de tout lieu où ses services ont été retenus à titre de salarié, d’agent contractuel ou de bénévole ou, s’il n’y a pas d’adresse, l’emplacement de ce lieu, ainsi que le nom de son employeur ou de la personne qui retient ses services à titre d’agent contractuel ou de bénévole et le type de travail qu’il exerce en ce lieu; d.1) le cas échéant, le fait qu’il est officier ou militaire du rang des Forces canadiennes au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la défense nationale, et l’adresse et le numéro de téléphone de son unité au sens de ce paragraphe;
e) l’adresse de tout établissement d’enseignement où il est inscrit ou, s’il n’y a pas d’adresse, l’emplacement de cet établissement; f) le numéro de téléphone permettant de le joindre dans les lieux visés aux alinéas c) et d) et celui de tous ses téléphones mobiles ou téléavertisseurs;
g) sa taille, son poids et la description de ses marques physiques distinctives; h) le numéro de la plaque d’immatriculation, la marque, le modèle, le type de carrosserie, l’année de fabrication et la couleur de tout véhicule à moteur immatriculé à son nom ou qu’il utilise régulièrement; i) le numéro de tout permis de conduire dont il est titulaire et le nom du territoire d’où émane ce permis; j) le numéro de tout passeport dont il est titulaire et le nom du territoire d’où émane ce passeport. | (a) their given name and surname, and every alias that they use; (b) their date of birth and gender; (c) the address of their main residence and every secondary residence or, if there is no such address, the location of that place;
(d) the address of every place at which they are employed or retained or are engaged on a volunteer basis — or, if there is no address, the location of that place — the name of their employer or the person who engages them on a volunteer basis or retains them and the type of work that they do there;
(d.1) if applicable, their status as an officer or a non-commissioned member of the Canadian Forces within the meaning of subsection 2(1) of the National Defence Act and the address and telephone number of their unit within the meaning of that subsection; (e) the address of every educational institution at which they are enrolled or, if there is no such address, the location of that place; (f) a telephone number at which they may be reached, if any, for every place referred to in paragraphs (c) and (d), and the number of every mobile telephone or pager in their possession; (g) their height and weight and a description of every physical distinguishing mark that they have; (h) the licence plate number, make, model, body type, year of manufacture and colour of the motor vehicles that are registered in their name or that they use regularly;
(i) the licence number and the name of the issuing jurisdiction of every driver’s licence that they hold; and (j) the passport number and the name of the issuing jurisdiction of every passport that they hold. |
Renseignements additionnels (2) Le préposé peut alors lui demander d’indiquer quand et où il a été déclaré coupable ou frappé d’un verdict de non-responsabilité à l’égard de l’infraction à l’origine de toute ordonnance ou de toute obligation prévue aux articles 490.019 ou 490.02901 du Code criminel, à l’article 227.06 de la Loi sur la défense nationale ou à l’article 36.1 de la Loi sur le transfèrement international des délinquants. | Additional information (2) When a sex offender reports to a registration centre, the person who collects the information from them may ask them when and where they were convicted of, or found not criminally responsible on account of mental disorder for, an offence in connection with an order or with an obligation under section 490.019 or 490.02901 of the Criminal Code, section 227.06 of the National Defence Act or section 36.1 of the International Transfer of Offenders Act. |
Autres renseignements (3) Le préposé peut en outre consigner toute caractéristique apparente permettant de l’identifier, dont la couleur de ses yeux et des cheveux, et lui demander de se soumettre à une séance de photographie. | Additional information (3) When a sex offender reports to a registration centre in person, the person who collects the information referred to in subsection (1) may record any observable characteristic that may assist in identification of the sex offender, including their eye colour and hair colour, and may require that their photograph be taken. |
Changement d’adresse du lieu de travail 5.1 Le délinquant sexuel avise le préposé à la collecte du bureau d’inscription visé à l’article 7.1 de tout changement aux renseignements qu’il a fournis aux termes de l’alinéa 5(1)d), au plus tard sept jours après le changement. | Notification of change of information — paragraph 5(1)(d) 5.1 A sex offender shall, within seven days after the date of the change, notify a person who collects information at the registration centre referred to in section 7.1 of any change in the information that they have provided under paragraph 5(1)(d). |
Avis en cas d’absence 6 (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), le délinquant sexuel autre que celui visé au paragraphe (1.01) avise le préposé à la collecte du bureau d’inscription visé à l’article 7.1 : a) avant son départ, des dates de départ et de retour et de toute adresse ou de tout lieu au Canada ou à l’étranger où il entend séjourner, s’il entend s’absenter de sa résidence principale et de toutes ses résidences secondaires pendant au moins sept jours consécutifs;
b) au plus tard sept jours après son départ, de la date de son retour — et de toute adresse ou de tout lieu où il séjourne au Canada ou à l’étranger —, s’il décide, après son départ, de s’absenter pendant au moins sept jours consécutifs de sa résidence principale et de toutes ses résidences secondaires ou s’il n’a pas donné l’avis prévu à l’alinéa a) alors qu’il était tenu de le faire; c) avant son départ, de tout changement d’adresse, de lieu ou de date ou, si le changement est intervenu après son départ, dans les sept jours suivant la date du changement. | Notification of absence 6 (1) Subject to subsection (1.1), a sex offender other than one who is referred to in subsection (1.01) shall notify a person who collects information at the registration centre referred to in section 7.1 (a) before the sex offender’s departure — of the dates of their departure and return and of every address or location at which they expect to stay in Canada or outside Canada — if they expect not to be at their main residence or any of their secondary residences for a period of seven or more consecutive days; (b) within seven days after their departure — of the date of their return and of every address or location at which they are staying in Canada or outside Canada — if they decide, after departure, not to be at their main residence or any of their secondary residences for a period of seven or more consecutive days or if they have not given a notification required under paragraph (a); and (c) before departure or, if it is later, within seven days after the day on which the change is made — of a change in address, location or date. |
Délinquant sexuel déclaré coupable d’une infraction sexuelle visant un enfant (1.01) Sous réserve du paragraphe (1.1), le délinquant sexuel déclaré coupable d’une infraction sexuelle visant un enfant avise le préposé à la collecte du bureau d’inscription visé à l’article 7.1 : | Sex offender convicted of sex offence against child
(1.01) Subject to subsection (1.1), a sex offender who is convicted of a sexual offence against a child shall notify a person who collects information at the registration centre referred to in section 7.1 |
a) avant son départ, des dates de départ et de retour et de toute adresse ou de tout lieu au Canada où il entend séjourner, s’il entend s’absenter de sa résidence principale et de toutes ses résidences secondaires pendant au moins sept jours consécutifs;
b) avant son départ, des dates de départ et de retour et de toute adresse ou de tout lieu à l’étranger où il entend séjourner; c) au plus tard sept jours après son départ, de la date de son retour — et de toute adresse ou de tout lieu où il séjourne au Canada —, s’il décide, après son départ, de s’absenter pendant au moins sept jours consécutifs de sa résidence principale et de toutes ses résidences secondaires ou s’il n’a pas donné l’avis prévu à l’alinéa a) alors qu’il était tenu de le faire; d) sans délai, après son départ, de la date de son retour — et de toute adresse ou de tout lieu où il séjourne à l’étranger —, s’il décide, après son départ, de s’absenter au-delà de la date de retour indiquée dans l’avis donné au titre de l’alinéa b) ou s’il n’a pas donné cet avis; | (a) before the sex offender’s departure — of the dates of their departure and return and of every address or location at which they expect to stay in Canada — if they expect not to be at their main residence or any of their secondary residences for a period of seven or more consecutive days; (b) before their departure, of the dates of their departure and return and of every address or location at which they expect to stay outside Canada; (c) within seven days after their departure — of the date of their return and of every address or location at which they are staying in Canada — if they decide, after departure, not to be at their main residence or any of their secondary residences for a period of seven or more consecutive days or if they have not given a notification required under paragraph (a); (d) without delay, after their departure — of the date of their return and of every address or location at which they are staying outside Canada — if they decide, after departure, to extend their stay beyond the date of return that they indicated in the notification they gave under paragraph (b) or if they have not given a notification under paragraph (b); and |
e) avant son départ, de tout changement d’adresse, de lieu ou de date ou : (i) si le changement est intervenu après son départ et qu’il séjourne au Canada, dans les sept jours suivant la date du changement, (ii) si le changement est intervenu après son départ et qu’il séjourne à l’étranger, sans délai après cette date | (e) of a change in address, location or date, before their departure or
(i) if the change is made after their departure and they are staying in Canada, within seven days after the date on which the change is made, or (ii) if the change is made after their departure and they are staying outside Canada, without delay after the date on which the change is made. |
Forces canadiennes (1.1) Le délinquant sexuel qui est tenu de fournir l’avis au bureau d’inscription désigné en vertu de la Loi sur la défense nationale et qui demande au chef d’état-major de la défense de rendre une décision au titre de l’article 227.16 de cette loi est tenu de fournir les renseignements à l’égard de l’opération dans les sept jours suivant son départ, à moins qu’une telle décision ne soit rendue au cours de cette période. | Canadian Forces (1.1) A sex offender who is required to notify a person who collects information at a registration centre designated under the National Defence Act and who requests the Chief of the Defence Staff to make a determination under section 227.16 of that Act shall provide the information relating to the operation within seven days after the date of their departure unless the determination is made during that period. |
Modalités relatives à l’avis (2) Le délinquant sexuel tenu de fournir l’avis au bureau d’inscription désigné en vertu de la présente loi le fait par courrier recommandé ou conformément à tout règlement pris en vertu de l’alinéa 18(1)a) ou du paragraphe 19(1); celui qui est tenu de fournir l’avis au bureau d’inscription désigné en vertu de la Loi sur la défense nationale le fait par courrier recommandé, à moins qu’un règlement soit pris en vertu de l’alinéa 227.2a) de cette loi, auquel cas il fournit l’avis conformément à ce règlement. | Means of notification (2) If a sex offender is required to provide notification to a registration centre designated under this Act, they shall provide the notification by registered mail or in accordance with regulations made under paragraph 18(1)(a) or subsection 19(1). If they are required to provide notification to a registration centre designated under the National Defence Act, they shall provide the notification by registered mail unless regulations are made under paragraph 227.2(a) of that Act, in which case they shall provide the notification in accordance with those regulations. |
Droit de l’adolescent d’être accompagné 7 Le délinquant sexuel âgé de moins de dix-huit ans a le droit d’être accompagné d’un adulte recommandable de son choix lorsqu’il se présente au bureau d’inscription et que les renseignements sont recueillis. | Young sex offender
7 A sex offender who is under 18 years of age has the right to have an appropriate adult chosen by them in attendance when they report to a registration centre and when information is collected. |
Bureau d’inscription 7.1 Pour l’application des articles 4, 4.1, 4.3, 5.1 et 6, constitue le bureau d’inscription tout lieu désigné à ce titre en vertu de l’alinéa 18(1)d) ou du paragraphe 19(1) et desservant le secteur de la province où se trouve la résidence principale du délinquant sexuel, à moins qu’un lieu soit désigné à ce titre en vertu de l’alinéa 227.2e) de la Loi sur la défense nationale et qu’il desserve la catégorie à laquelle le délinquant sexuel appartient ou le secteur où se trouve l’unité des Forces canadiennes dans laquelle il sert. | Registration centre 7.1 For the purposes of sections 4, 4.1, 4.3, 5.1 and 6, the registration centre is one that is designated under paragraph 18(1)(d) or subsection 19(1) that serves the area of the province in which the sex offender’s main residence is located, unless a registration centre designated under paragraph 227.2(e) of the National Defence Act serves a class of persons of which the sex offender is a member or the area in which the unit of the Canadian Forces in which the sex offender is serving is located. |
Comparution et avis 2 (1) Le délinquant sexuel ayant sa résidence principale au Québec peut comparaître au titre de l’article 4.3 de la Loi par téléphone, télécopieur ou courrier électronique auprès du Centre québécois d’enregistrement des délinquants sexuels de la Sûreté du Québec, à Montréal.
(2) Il peut fournir l’avis exigé au titre de l’article 6 de la Loi par téléphone, télécopieur ou courrier électronique auprès du Centre ou en personne. | Report and Notification 2 (1) A sex offender whose main residence is located in Quebec may make any report required under section 4.3 of the Act by telephone, facsimile or electronic mail to the Centre québécois d’enregistrement des délinquants sexuels de la Sûreté du Québec in Montreal. (2) A sex offender whose main residence is located in Quebec may provide any notification required under section 6 of the Act by telephone, facsimile or electronic mail to the Centre québécois d’enregistrement des délinquants sexuels de la Sûreté du Québec or in person. |
Personnes autorisées à recueillir des renseignements 3 Pour l’application de la Loi, sont autorisés, au Québec, à recueillir des renseignements :
a) les membres de la Sûreté du Québec; b) les membres d’un corps de police municipal; c) les membres d’un corps de police autochtone. | Persons Authorized to Collect Information 3 The following persons are authorized in Quebec to collect information for the purposes of the Act: (a) a member of the Sûreté du Québec; (b) a member of a municipal police force; and (c) a member of a native police force. |
Personnes autorisées à enregistrer des renseignements 4 Pour l’application de la Loi, sont autorisés à enregistrer des renseignements au Québec les membres et autres employés de la Sûreté du Québec affectés au Centre québécois d’enregistrement des délinquants sexuels de la Sûreté du Québec. | Persons Authorized to Register Information 4 Any member, or other employee, of the Sûreté du Québec who is assigned to the Centre québécois d’enregistrement des délinquants sexuels de la Sûreté du Québec is authorized in Quebec to register information for the purposes of the Act. |
Le jugement indique erronément le paragraphe 163.1(3).
[1] Code criminel, alinéa 163.1(4)(a).
[2] Code criminel, alinéa 163.1(4.1)(a).
[3] Code criminel, alinéa 163.1(4)(a).
[4] R. c. Régnier, 2018 QCCA 306.
[5] R. c. Senneville, 2020 QCCQ 1204, paragr. 30, 34.
[6] R. c. Senneville, 2020 QCCQ 1204, paragr. 25.
[7] Code criminel, alinéa 163.1(4)(a).
[8] R. c. Naud, 2020 QCCQ 1202, paragr. 26, 30.
[9] R. c. Naud, 2020 QCCA 1202, paragr. 61.
[11] R. c. Morrison, 2019 CSC 15, paragr. 143, faisant référence à R. c. Lloyd, 2016 CSC 13, paragr. 24; R. c. Morrisey, 2000 CSC 39, paragr. 26; R. c. Smith, 1987 CanLII 64 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 1045, p. 1072; Miller c. La Reine, 1976 CanLII 12 (CSC), [1977] 2 R.C.S. 680, p. 688.
[12] (Québec (Procureure générale) c. 9147‑0732 Québec inc., 2020 CSC 32, paragr. 51, cité dans R. c. Hilbach, 2023 CSC 3, paragr. 59; R. c. Hills, 2023 CSC 2, paragr. 32; R. c. Bissonnette, 2022 CSC 23, paragr. 59.
[13] (Québec (Procureure générale) c. 9147‑0732 Québec inc., 2020 CSC 32, paragr. 51, cité dans R. c. Hilbach, 2023 CSC 3, paragr. 59; R. c. Hills, 2023 CSC 2, paragr. 32; R. c. Bissonnette, 2022 CSC 23, paragr. 59.
[14] R. c. Morrison, 2019 CSC 15, paragr. 143; R. c. Lloyd, 2016 CSC 13, paragr. 24; R. c. Nur, 2015 CSC 15, paragr. 46; R. c. Smith, 1987 CanLII 64 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 1045, p. 1072.
[15] R. v. M.M., 2022 ONCA 441, paragr. 18.
[17] R. c. Von Gunten, 2006 QCCA 286, par. 19. Voir aussi Ibrahim c. R., 2018 QCCA 1205, par. 51-52.
[18] R. c. Londono, 2022 QCCA 1097, paragr. 115; Ibrahim c. R., 2018 QCCA 1205, par. 52.
[19] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 30-33; R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, paragr. 57; R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6, paragr. 43.
[20] R. c. Friesen, 2020 CSC 9.
[21] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 5.
[22] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 42.
[23] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 50.
[24] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 43.
[25] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 74.
[26] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 95, 97, 101-105.
[27] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 99 et 116.
[28] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 44.
[29] Loi modifiant le Code criminel et le Tarif des douanes, S.C. 1993, ch. 46, art. 2; Loi de 2001 modifiant le Droit criminel, L.C. 2002, ch. 13, art. 5(3); Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d'autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada, L.C. 2005, ch. 32, art. 7(3), (4) et (5) ; Loi sur la sécurité des rues et des communautés, L.C. 2012, ch. 1, art. 17(2); Loi sur le renforcement des peines pour les prédateurs d'enfants, L.C. 2015, ch. 23, art. 7(1), (2) et (3); voir aussi R. c. Régnier, 2018 QCCA 306, par. 32-36.
[30] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 46; R. c. Régnier, 2018 QCCA 306, paragr. 41-44.
[31] R. c. Régnier, 2018 QCCA 306, paragr. 41, 44.
[32] R. c. Daudelin, 2021 QCCA 784.
[33] R. c. Daudelin, 2021 QCCA 784, paragr. 48-50.
[34] R. c. Daudelin, 2021 QCCA 784, paragr. 50-61.
[35] R. c. Daudelin, 2021 QCCA 784, paragr. 62.
[36] R. c. Daudelin, 2021 QCCA 784, paragr. 62; plusieurs décisions reconnaissent maintenant que les fourchettes de peines en matière de pornographie juvénile post-Friesen doivent refléter l’objectif important de protection des enfants, donc être raffermies; voir R. v. McCrimmon, 2022 YKCA 1, paragr. 72-73; R v. Sinclair, 2022 MBCA 65; R v. Gerbrandt, 2021 ABCA 346, paragr. 96-97; R. c. Abel, 2020 QCCS 2849 (voir la fourchette de peine annexée à ce jugement); R. c. Desmeules, 2021 QCCQ 6288, paragr. 111 et s.
[37] R. c. Daudelin, 2021 QCCA 784, paragr. 51.
[38] R. c. Daudelin, 2021 QCCA 784, paragr. 77.
[39] R. c. Daudelin, 2021 QCCA 784, paragr. 78.
[40] R. c. Senneville, 2020 QCCQ 1204, paragr. 65; R. c. Naud, 2020 QCCQ 1202, paragr. 65.
[41] R. c. Hills, 2023 CSC 2.
[42] R. c. Hilbach, 2023 CSC 3.
[43] R. c. Daudelin, 2021 QCCA 784, paragr. 78.
[44] R. c. Hills, 2023 CSC 2, paragr. 77, 93.
[45] R. c. Hills, 2023 CSC 2, paragr. 77-93.
[46] R. c. Nur, 2015 CSC 15, paragr. 62, 68, citant R. c. Goltz, [1991] 3 R.C.S. 485, p. 515; R. c. Hills, 2023 CSC 2, paragr. 77-80.
[47] R. c. Hills, 2023 CSC 2, paragr. 81.
[48] R. c. Hills, 2023 CSC 2, paragr. 81.
[49] R. c. Hills, 2023 CSC 2, paragr. 94.
[50] R. c. Hills, 2023 CSC 2, paragr. 97 ss.
[51] R. c. Hills, 2023 CSC 2, paragr. 107.
[52] R. c. Hills, 2023 CSC 2, paragr. 122, 125, 130, 133, 138.
[53] R. c. Gangoo-Bassant, 2017 QCCQ 20157 et 2018 QCCQ 11080.
[54] R. c. Delage, 2019 QCCQ 1125.
[55] Caron Barrette c. R., 2018 QCCA 516.
[56] R. c. Lavigne-Thibodeau, 2019 QCCQ 3824.
[57] R. c. Duclos, 2019 QCCQ 5680.
[58] R. c. John, 2018 ONCA 702.
[59] R. c. John, 2018 ONCA 702, paragr. 29.
[60] R. c. John, 2018 ONCA 702, paragr. 38-39.
[61] R. c. Sharpe, 2001 CSC 12.
[62] R. c. Sharpe, 2001 CSC 12, paragr. 45, 46.
[63] R. c. Sharpe, 2001 CSC 12, paragr. 48.
[64] R. c. Sharpe, 2001 CSC 12, paragr. 49, 51.
[65] R. c. Hills, 2023 CSC 2, paragr. 130.
[66] Voir à ce sujet : Clayton C. Ruby, Sentencing, 10th ed., Markham, LexisNexis, 2020, §23.478-§23.492.
[67] R. c. Hills, 2023 CSC 2, par. 146.
[68] Code criminel, art. 718.01; R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 101-105; R. c. Daudelin, 2021 QCCA 784, paragr. 48-49; R. c. Rayo, 2018 QCCA 824, paragr. 103-109. Voir également R. v. McCaw, 2023 ONCA 8, paragr. 28; R. v. J.S., 2018 ONCA 675, paragr. 57-59; R. v. Inksetter, 2018 ONCA 474, paragr. 16.
[69] R. c. Hilbach, 2023 CSC 3, paragr. 70.
[70] Procureur général du Québec c. C.M., 2021 QCCA 543, paragr. 108, 109.
[71] Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.
[72] R. v. John, 2018 ONCA 702.
[73] R. c. Friesen, 2020 CSC 9.
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